L'Art et les Artistes spécial Degas, 1935

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NUMÉRO 154 FÉVRIER 1935

29e ANNÉE - TOME XXIX Nouvelle Série FONDATEUR

ARMAND DAYOT

L'ART ET LES ARTISTES

DEGAS

Coll. Marcel Guèrin

DEGAS EN CHAPEAU MOU PAR LUI-MÊME

DIRECTEUR :

RÉDACTION ADMINISTRATION -

Magdeleine A-DAYOT

23, Quai Voltaire, PARIS-76

Revue mensuelle d'Art de France et de l'Etranger


L'ART ET LES ARTISTES Revue Mensuelle d'Art ancien, d'Art moderne, d'Art décoratif Compte Chèques postaux

:

Registre du Commerce Seine 58.503

603.69 (PARAISSANT DIX FOIS PAR AN)

Toui droits réservét.

Fondateur ARMAND DAYOT

Directeur Magdeleine

A-DAYOT

COMITÉ DE PATRONAGE f Louis BARTHOU, ancien président du Conseil des

Ministres, de l'Académie française. M. Léon BÉRARD, ancien ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, de l'Académie française, f Philippe BERTHELOT, Ambassadeur de France, t Albert BESNARD, peintre, membre de l'Académie des Beaux-Arts et de l'Académie française.

f Antoine BOURDELLE, sculpteur. M. Edouard HERRIOT, ancien président du Conseil des Ministres, ancien ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts.

M. Jean-Julien LEMORDANT,peintre. M. PaulLÉON.del'Institut.DirecteurgénéraldesBeauxArts honoraire, professeur au Collège de France. t Maréchal LYAUTEY, de l'Académiefrançaise. t Raymond POINCARÉ, ancien président de la République, de l'Académie française. M. André TARDIEU, ancien présidentdu Conseil des Ministres, président de la Société des Artistes

Décorateurs.

î Robert de la SIZERANNE, critique d'art.

COMITÉ D'HONNEUR M. D. DAVID-WEILL. membre de l'Institut, président du Conseil des Musées Nationaux, vice-président de l'Union Centrale des Arts Décoratifs, vice-président de la Société des Amis du Louvre. M. Maurice PENAILLE, membre de l'Institut, vice-président du Conseil des Musées Nationaux. Comte M. de CAMONDO, vice-président de l'Union Centrale des Arts Décoratifs, membre du Conseil des Musées

Nationaux. Mme Pierre GOUJON, née REINACH, amateur d'art, î Julien SCHWOB D'HÉRICOURT, amateur d'art. M. H. EBRARD, amateur d'art.

29e ANNÉE

-

TOME XXIX

-

SOMMAIRE DU NUMÉRO

154 (Février 1935)

.Numéro spécial sur

DEGAS

NOUVEAUX APERÇUS

ARSÈNE ALEXANDRE par [47 illustrations) 1

hors-texte : LA

GRANDE DANSEUSE

L'ACTUALITÉ ET LA CURIOSITÉ. —A travers le Salon des Indépendants, par Michel FLORISOONE. — La lre Exposition du « Temps Présent» par M. F. — Les Expositions, par M. F. — Echos des Arts. — Chronique des Arts Décoratifs, par M. A-D. Prix de ce numéro : 15 francs. — Abonnement pour la France : Un an (dix numéros) 100 francs fr. 50. — Numéro spécimen : France 3 fr. — Etranger : 7 frases.) ABONNEMENTS POUR L'ETRANGER « 1° PAYS AYANT ADHÉRÉ A LA CONVENTION DE STOCKHOLM (Afrique du Sud, Albanie, Allemagne, Rép. Argentine, Autriche, Belgique, Brésil, Bulgarie, Canada, Colombie, Congo Belge, Cuba, Dantzlg, Egypte, Espagne et Colonies, Estboole, Ethiopie, Finlande, Grèce, Guyane Hollandaise, Hedfaz, Hedjed et dépendances, Hongrie, Iraq, Lettonie, Libéria, Lithuanie, Luxembourg, Maroc espagnol, Mexique, Pays-Bas, Perse, Pologne, Portugal et colonies,Roumanie, Suisse, Tchécoslovaquie, Turquie, U.R.S.S. (Russie), Uruguay, Vatican, Venezuela,Yougoslavie: Un an {dix numrroi). 130 Iran». (Le numéro ordinaire : 13 fraies. Le numéro spécial : 18 fraacs.—2' PAYS N'AYANT PAS ADHÉRÉ A LA CONVENTION DE STOCKHOLM : Un an {dix numéro) ; 130 fraaca. Le numéro ordinaire: 1S fraacs. Le n» spécial : 20 fraacs). (Demandes de changement d'adresse :

1

Bureaux :

23, Quai Voltaire, ParIs-76

Secrétaire de Rédaction : MICHEL FLORISOONE

Copyright by

t'jlri

il Itt jlrMilu, 1935


Ane. Coll. M'"'

J.

Fèure

PORTRAIT DE DEGAS PAR LUI-MÊME

(peinture-vers 1857)

DEGAS _N

ouveaux aperçus

La

Ane. Coll. M""e J. Fêvre

PORTRAIT DE DEGAS JEUNE

(mine de plomb)

gloire de « monsieur Degas » est depuis longtemps acquise. La compréhension exacte et totale de son oeuvre ne l'est pas encore. Degas »... J'ai jadis relevé assez « Monsieur vertement un confrère, point malintentionné d'ailleurs, qui parlait du « père Degas ». Ni l'homme ni son art ne permettaient une telle familiarité, impliquant quelque chose de bonhomme ou de débraillé que l'on chercherait en vain dans sa peinture la plus accomplie comme dans le moindre de ses croquis. Il ne suffirait pas d'avoir écarté ce premier malentendu pour camper plus exactement cette figure à la fois complexe et sévère, ou, si l'on aime mieux, sévère dans sa complexité. Il faut 145 N° 154 FÉVRIER 1935


L'ART ET 1 LES ARTISTES qui ont été maintes fois relatées, Prenons-le tout fait, c'est-à-dire après

qu'il aura quitté l'École desBeaux-Arts (en 1855) et plus tard encore, quand il reviendra d'Amérique (soit en 1873). Pendant cet intervalle de dix-sept an-

nées (Naples, en 1865 ; Paris, 1874), sa route se sera tracée, orientée, et désormais il ne s'en écartera plus, quelques aspects et quelques phases qu'elle traverse. Même dès le début,

quand il est encore

l'élève du lycée Louisle-Grand et condisciple d'Henri Rouart, il acquiert clans le monde

des relations, entre autres Ludovic Halévy, etl'entourage de Rouart, qui lui prépareront des sujets, sans que rien de tout cela soit prémédité, mais qui se trou-

veront convenir Ane. Coll. M1"" J.Fè.ure

DEGAS EN RL0USE D'ATELIER PAR LUI-MÊME

(peinture) aller plus au fond, fouiller dans ses détails cette oeuvre, son développement, son évolution, pour pouvoir établir une synthèse qui, malgré tant d'écrits qui lui ont été consacrés, — et même à cause d'eux, — manque encore de toute la force et de toute la clarté désirables. L'occasion excellente de la tenter, le centième anniversaire tout récemment sonné de sa naissance, à été saisie heureusement par VArl et les Arlisles. Profitonsen pour dégager sa grandeur de ce qu'il fit et de ce qu'il fut, et non de ce DEGAS qu'on a écrit sur lui. PAR LUI-MÊME (1855)

Ne nous attardons pas aux questions d'origine, de latitude, de famille même,

eau-forte Ane. Coll. M"n- Fèvre

146

à

merveille à sa nature et feront son activité la plus sédentaire que


DEGAS

l'on puisse imaginer. Ce qu'il apprend à l'École des Beaux-Arts n'est pas à considérer au regard de ce qu'il acquiert au Louvre avec ténacité. Quand on est élève de Poussin dont on copie avec une docilité passionnée VEnlèvement des Sabines, peu importe ce qu'on a pu

rapporter de l'atelier de Lamothe. Autrement décisive encore est la brève visite à Ingres, visite de

quelques minutes à

l'issue desquelles il entend cette leçon, qui a été si souvent citée en termes inexacts et que nous tenons ne varielur de lui-même : « Faites des lignes, beaucoup de lignes, et vous deviendrez

un bon arlisle. » Jusqu'à la fin de sa carrière, Degas se conformera à cette discipline, même lorsque la ligne sera

devenue vivante au

point de paraître se renier elle-même.

Musée du Louve

PORTRAIT DE DEGAS ET DU PEINTRE VALERNES

(peinture-vers 1868) Cette religion du Louvre, cette bénédiction, pourrait-on dire, octroyée par Ingres seront par prédestination conformes à l'esprit et à la volonté de celui qui se trouve à point nommé pour les recevoir. Celui de qui, par une étrange méprise, l'on voudra faire un révolté, est un respectueux intraitable ; et cette intransigeance qui ne s'appuie que sur la règle classique sera la cause de ce que, par un imbroglio burlesque, il se DEGAS trouvera devenir un des protaPAR LUI-MÊME gonistes de la grande bataille (étude pour le impressionniste, avec laquelle il portrait ci-dessus n'a ni affinités, ni véritables (mine de plomb) sympathies. C'est qu'en même temps il se Ane, Coll. M'"' J. Fèvre 147


L'ART ET LES ARTISTES

et réceptifs. Ils sont toute la

sera produit en lui une lente et fatale évolution. Son point d'arrivée paraîtra, insistons sur le mot,

force du visage par rapport à laquelle le reste est plutôt faiblesse. La bouche est beaucoup plus dédaigneuse que

extrêmement

éloigné de son point de départ ;

sensuelle : elle

mais à le suivre de près, on s'apercevra que rien n'est là de contradictoire. Toujours il sera discipliné clans son indépendance, logique dans le paradoxe, démolisseur par esprit conservateur; timide, au fond, qui intimidera tout et tous autour de lui. L'on s'est peu avisé de ce trait profond de son

l'est

même au

minimum. Ces portraits montrent peu la fuite

du menton qui était si dérobé vu de profil, au point de donner l'idée

d'une presque

totale absence de volonté. Mais, en revanche, le front élevé et bombé, que l'on ne découvre pas dans le

portrait coiffé

et qui, au contraire, s'épanouit, caractère, cette (crayon noir rehaussé) peut-on dire, dans fière timidité. la peinture où il Il n'y aurait eu pourtant qu'à examiner attentivement les s'est représenté avec le peintre De portraits qu'il a laissés de lui-même, de Valernes, montre que tout ce qui manque dans la partie inférieure sa jeunesse jusqu'à la de la physionomie s'est maturité, c'est-à-dire surabondamment réfugié jusqu'au temps où sa dans la partie supérieure. personnalité s'était si Sa vie a prouvé qu'à fermement dessinée et défaut de volonté dans accentuée dans na-sla pratique (sauf la esprits. volonté spéciale de La petite eau-forte de produire) il était doué face et le portrait peint d'une exceptionnelle coiffé d'un chapeau mou ténacité intellectuelle. de la collection Marcel Dans le portrait VaGuérin sont des doculernes, ces yeux enrements d'une saisissante gistreurs reçoivent plus éloquence. Il y apparaît qu'ils ne répercutent. en défense contre la vie, C'était au point que mais passionnément avide lorsqu'on lui parlait, ils des spectacles qu'elle lui Ane. Coll. M"u J.Fèvre paraissaient parfois offre. Les yeux sont extraRENÉ DE GAS ordinairement lumineux presque troubles, — ceci (verni mou) 148


DEGAS

J'arrête ici momentanément ce portrait pour reprendre au début l'acheminement du peintre à partir du moment où il reçut l'investiture ingresque, investiture un peu ambiguë, mais qui fut pour lui l'Évangile,

indépendamment de l'affection de la vue qui le préoccupa et l'inquiéta plus que de raison, encore que pour un tel peintre l'on ne puisse rien concevoir de plus cruel. Mais ses amis savaient et disaient,

Nice, Coll. M'"'

J.

Fèure

LE DUC ET LA DUCHESSE MORBILLI

(peinture-1855-1856)

non sans malice, qu'il a toujours vu tout ce qu'il voulait voir. Ceci, même, j'en donnerai vers la fin de cette étude un assez curieux exemple. Ces yeux enfin sont écartés l'un de l'autre de telle façon que, du point de vue optique, ils ont été spécialement créés pour percevoir le relief avec une exceptionnelle intensité.

tout ce qui convenait à sa nature d'y trouver et d'en garder.

— ou

*

Le voyage qu'il entreprend en Italie, presque aussitôt après son passage à l'École des Beaux-Arts, en 1856, pour retrouver des

149


L'ART ET LES ARTISTES membres de sa famille, lui donnera la pleine connaissance de ses facultés et de . ses attractions. Les Primitifs (si inexactement nommés) presque seuls, Piero délia Francesca, Bellini, Luini, sont consultés et copiés par lui avec un scrupule, une déférence de néophyte. Il trouvera en eux la manière, et même la matière première, de ses tableaux, y compris ceux de ses foyers de l'Opéra antérieurs à ceux où viendra dominer la fougue. Il y étudiera la pure ligne, qui favorise si bien ce qu'il appelait plus tard «le plat des grands maîtres» et qu'il

rappelle et égale presque celle de Vermeer. Le cycle de ces portraits, qui sont en même temps des peintures de moeurs, est très divers et très étendu. Il comprend, sans que nous entreprenions ici un classement minutieux, d'ailleurs assez difficile, et qui justifierait une étude très développée, des chefs-d'oeuvre tels que le. Duc cl la Duchesse Mcrbilli (Thérèse de Gas), de Mme Camus devant le piano (quoique inachevé), de l'admirable Dame aux raisins dorés (Mme Gaugelin, passée clans la collection de Mme Gardner, à Boston), et, en général, tous les portraits qu'il exécuta goûtait en Ingres, entre 1860 et 1870 et qu'il exposa assez régucomme il s'ingéniait à le trouver dans Manet. lièrement au Salon où Ses copies et dessins à ils passèrent régulièieFlorence, à Arezzo ment inaperçus. Mais il sont des documents est bien probable qu'endécisifs, révélateurs, à tre les Meissonicrmicroscopiques et les tableaux cet égard. d '«histoire» gigantesques Au contraire, à aujourd'hui roulés dans Naples, on devine, par les réserves des musées sa totale abstention, de province, il n'y avait que les violents clairobscurs de l'École pas de place ni de temps suffisants pour que l'on hispano-napolitaine s'arrêtât devant ces n'ont eu aucune prise choses parfaites. sur lui. A Rome, où il se rend alors, — et où il Plus tard devaient, retournera en 1872 pour surgir des effigies d'une Paris, Coll. J. Cailac visiter son père gravetout autre nature, au SAINT JEAN-BAPTISTE ment malade, — l'art modelé robuste, aux (peinture-1855-1856) d'apparat, de raccourcis types accentués, telles tournoyants, ne l'intéque le grand portrait de famille Bellelli. Mais ressera pas davantage. Les portraits de famille qu'il exécute nous n'en sommes pas encore au magnifique en perfection, beauté de matière, pensivité avalar, qui fit passer Degas de la ligne et de caractères et d'attitudes, sont aussi de l'à-plat, ou tout au moins du modelé en précieux que les Antonello de Messine, clair des Clouet aux volumes sculpturaux aussi afïîrmatifs et insaisissables de dessin que nous apprécions en Daumier. Pour le moment, nous nous en tenons au que les Holbein ; et, en vertu de mystérieuses correspondances à travers les épo- précepte d'Ingres soigneusement observé, ques et les pays, souvent ils se détachent parce que, répondant à son tempérament sur les fonds clairs ou diversement décorés « faire des lignes, beaucoup de lignes pour avecune mordante délicatesse de couleur qui devenir un bon artiste ». Cette période 150


DEGAS

BOUDERIE

(peinture)

En attendant cet autre chapitre qui n'ira pas sans drame, et même tragédie, il nous est donne d étudier de plus près la psychologie de Degas. Le mot n'est pas trop prétentieux, car il s'agit spécialement des dons qu'il posséda et des desseins auxquels il fut d'assez bonne heure amené à renoncer. A cet homme prodigieusement doué quant aux perceptions et à leur notation, cet oeil qui saisit avec une rapidité et une acuité sans égales et cette main qui transcrit l'essentiel aussi bien que le détail, non point mécaniAne. Coll. M'"' J. Fèorc quement, mais avec un PORTRAIT accent qui n'appartient DE L'UNE DES FILLES qu'à lui, une faculté est DE LA BARONNE BELLELLI (crayon noir) refusée. Cette haute

Ingresque, bientôt acheminée vers le Vermeeresque, ne s'expliquerait pas seule si nous ne possédions pas " certains dessins au trait, des plus déliés : portraits à la mine d'argent, en petit

nombre mais suffisant comme exemple (dont les

jeunes artistes, et particulièrement ceux de notre temps, semblent décidés à ne pas profiter) de la façon dont on arrive au génie, et au besoin simplement à la facilité, en

commençant par cette ligne tant recommandée par Ingres à Degas. Nous verrons comment

peu cette ligne demeurera jusqu'au bout

peu

à

constante avec elle-même en se transformant en mouvement.

151


L'ART ET LES ARTISTES gination de Ingres luimême est bien pauvre. Degas a loyalement essayé. Il s'est arrêté en chemin, beaucoup moins par impuissance que par une probité supérieure, et surtout par l'appel impérieux et acharné de ses forces naturelles. Tout ce qu'il ne réussiraitpas à mettre dans l'invention d'un personnage d'histoire ou de fantaisie, — ce qui

revient souvent au

même, — il le rachètera par l'histoire vraie d'un être humain. Tout ce qu'il s'efforcera en vain de grouper dans une action fictive se retrouvera de la façon la plus naturelle, la plus justement surprise et rendue, dans une répétition de

danse au foyer de

l'Opéra. Son observation, puis sa mémoire, auront de nouveau posé la scène devant ses yeux et l'auront replacée telle quelle sous sa main. Rien alors n'entrave sa Paris, Coll. Henri Bouarl spontanéité et rien ne MARGUERITE DE GAS (M FÈVP.E) l'égale. Sa ténacité (eau-forte, 3eme état- 1865) marche de pair avec son plaisir. Dans un opéra, ce intelligence des formes, des aspects, des ne sont pas les personnages qui l'auront mouvements et des expressions, demeure frappé, mais les acteurs. Ainsi, dans la délicieuse peinture du Ballet de la à court lorsqu'il s'agit de les imaginer. Il faut le reconnaître sans cesser de Source que nous ne pouvons regarder l'admirer : Degas n'a pas d'imagination. sans un frisson de plaisir, ce ne sont en Cela ne diminue pas sa grandeur. Holbein somme que Mlle Fiocre et ses deux suin'en a pas eu non plus. Il est certain que son vantes figées dans une immobilité nullemaître, Lamothe, en a eu beaucoup plus ment chorégraphique. Plus tard, le Choeur que lui, et qui, aujourd'hui se soucie de des soldats, de Faust, sera la transcription ses décorations de Marseille ou de la cha- humoristique, mais exacte, des trognes des pelle de Saint-François-Xavier? Il n'est figurants. Lorsque, par une sorte d'acquit de pas non plus très audacieux de dire que si tant est qu'il en ait pu posséder, l'ima- conscience, à l'époque de sa jeunesse, il 152


.•

DEGAS

aura tenté de concevoir, de rassembler les éléments, l'ambiance d'une scène historique ou légendaire,il sera forcé de s'arrêter en chemin après avoir fixé ces éléments épars d'une façon parfaite en eux-mêmes, mais sans lien agissant entre chacun. Sémiramis construisant une ville semble être celui de ces peu nombreux tableaux qui l'ait le plus séduit tout d'abord, car la Fille de Jephlé et le Bucéphale annonçaient d'eux-mêmes leur condamnation à l'inachevé. Dans Sémiramis, le décor lumineux, la gracile silhouette de la reine et le groupe de ses suivantes seuls demeurent précieux (et plus précieux encore sont les dessins pour ces personnages), mais ce grand dada de cheval commande une attention dont il n'eût jamais

dira-t-on, un prétexte à fines études de nus.. Mais, par la suite, nous n'aurons jamais trop d'occasions de constater qu'un nu de Degas est une chose complète et qui n'a point resoin de prétexte. Les Malheurs de la Ville d'Orléans trahissent encore plus vivement l'impuissance à agencer une composition Imaginative chez l'homme qui, au contraire, composera — ou plus exactement recomposera — un spectacle observé et retenu. Le tableau, au Louvre, est d'un gris délicat, mais de nul effet. Rien ne se relie. Les cavaliers qui flèchent de malheureux «modèles» demeurent sans véritable mouvement, et ces modèles eux-mêmes, quoi-

été digne.

Les Jeunes Filles Spartiates défiant les jeunes gens à la lutte, reconnaissons-le, nous éblouirent quand nous les vîmes, un jour, sans cadre, à terre, dans l'appartement encombré de notre vénéré ami, et ne nous éblouirent pas moins lorsque le grand jour de la vente les révélèrent au public fasciné. Mais au grand jour d'un musée, cette

aimable et grêle

anecdote, d'un clair et charmant coloris, qui n'est ni absolument de la fantaisie, ni encore moins de l'évocation, demeure certainement une page d'un grand prix, mais une oeuvre de nulle portée. Ces gamins et gamines modernes, pas Grecs du tout quant aux formes, et qui semblent simplement engager une partie de « barres » sur

une plage, c'est,

Voll. M. ei M"" Hooerl

tiliss

DOUBLE PORTRAIT DE M°" FÈVRE, DIT «LA RÉPÉTITION DE CHANT»

(peinture-vers 1865) 153


L'ART ET LES ARTISTES

Winlerllwr, Coll. G. Beinhari

moderne. Ses frères Achille et René sont associés dans une banque. Les .De Gas brolhers «gagnent pas mal d'argent ici et sont dans une situation vraiment rare pour leur âge ». Plus tard, cette parenté compliquera durement la vie du peintre. Ce fut un fait notoire que je ne rappellerais pas s'ilne nous mettait pas à même de le mieux comprendre et mieux aimer encore. On en trouve une allusion dans la correspondance si remarquablement publiée et annotée par M. Marcel Guérin. « Vous ne vous doutez pas des ennuis de toute sorte dont je suis accablé... » (1877), c'est-à-dire au moment où Degas est en pleine évolution, vendant difficilement, quoique très en. vue, très admiré d'un petit nombre d'amateurs et de critiques, très inconnu du public, très contesté sinon hué par le public bourgeois... Je ne peux m'empêcher de donner,ici un trait significatif de ces dédains et incompréhensions qui persistèrent assez

FEMME AUX CHEVEUX ROUX

(peinture)

qu'ayant docilement tenu la pose, sont placés, déposés plutôt, au hasard des vides à remplir — qu'ils ne

remplissent pas. Supposez Delacroix aux prises avec un tel sujet et reconstituez-en le tragique sadisme. Le titre même n'ajoute qu'une facétie. S'il se fût obstiné dans cet ordre d'idées, Degas aurait -— peut-être — atteint l'ingéniosité et l'habileté d'un Gérome. Mais nous n'aurions pas eu Degas. Cette peinture, qui, en dépit de ces nécessaires remarques, serait couverte d'or (mais l'orne fut jamais un argument) figura au Salon de 1865. Pendant cette période, déjà plus d'un beau. portrait prenait obscurément sa place dans l'avenir... Peu d'années après, en 1872, Degas entreprend au Nouveau-Monde un autre voyage tout différent de ceux d'Italie. Il va dans des pays où l'imagination est nulle et n'offre pas même l'effarement de l'Amérique

MENDIANTE ITALIENNE

(peinture-1857) 154


DEGAS

longtemps, même après que la gloire commençait de l'emporter sur les épreuves. C'était au Figaro, dans les dernières années du siècle. Dans une conversation générale sur la peinture, à la rédaction, quelqu'un opposa le nom de Degas aux célébrités du moment. Le député Jules Roche, qui ne manquait pas de culture et s'en piquait encore davantage, proféra ceci : « Degas ?... Qu'est-ce que c'est que ça, Degas?... Voilà vingt ans que je visite les Salons et les expositions, et je ne connais pas ça, moi... Degas ! » La note de M. Marcel Guérin éclaire les paroles de dôtresse qui se complètent par ces autres lignes de la même lettre adressée au chanteur Faure : « Vos tableaux eussent été faits depuis longtemps si je n'étais obligé chaque jour de faire quelque chose pour gagner de l'argent.» Allusion, dit M. «

qui le connurent dans les moments de confiance et de détente, qui apprécièrent son amitié difficilement accordée, parfois ombrageusement retirée, il n'est pas de doute que, sous ce rapport, le vrai Degas fut celui qu'il ne put pas être.

Marcel Guérin, aux

charges de famille qu'il avait assumées et qui pesèrent lourdement sur sa vie pendant de longues années. » De quelle cruauté

inconsciente étaient

Coll.

Mm*' Lazare

(M"" FANTIN-LATOUR)

M"""

Weiller

DUBOURG coupables ceux qui par(peinture-vers 1867-1868) lèrent de la férocité de Degas, de sa dureté de + coeur, clc son insensibilité. Cet exemple émouvant de solidarité familiale, jointe Nous avons anticipe sur le portrait aux scrupules constants de l'artiste en présence de son oeuvre, à la dignité de psychologique que nous voulions tracer, son caractère dans toutes les circonstances étant amené à remonter aux origines de sa vie privée comme de sa vie artistique, mêmes. Et nous reprenons l'oeuvre au son horreur du charlatanisme, voilà campée point où le peintre, renonçant à la la plus noble et la plus pure figure que peinturehistorique, ou anecdotique, laissant l'on puisse proposer. Ah ! pour ceux même inachevés des ouvrages qui eussent

155


L'ART ET LES ARTISTES Orléans », tel était le titre sous lequel, venant du musée de Pau,

parut

à

l'Exposition

centennale de 1900 l'oeuvre déjà légendaire parmi nous, partisans fanatiques de Degas, avant même de la connaître autrement que de nom. Le peintre avait tiré un chef-d'oeuvre

de la vie

stricte,

dépouillée de toute

fantaisie, même de toute

action déterminée. C'était le lyrisme du

commerce, comme

devait le lyrisme de la danse s'affirmer dans les

exercices purement

Musée du Louvre

techniques et mécanibien ques, j'aurais envie d'ajouter : « et presque animaux » du corps de ballet, façon de parler nullement irrespectueuse, mais qui correspond assez bien au sentiment de Degas. Ces marchands, ces courtiers, ces commis sont rassemblés dans

M'"' DIHAU

(peinture-vers 1868) pu être des façons de chefs-d'oeuvre, mais ayant commencé à amorcer un ensemble de chefs-d'oeuvre réels, va se convaincre à la Nouvelle-Orléans que sa patrie picturale, comme la natale, est Paris, et que l'imagination peut, pour lui, se transformer en mouvement, comme la lumière se transforme en chaleur. A la vérité, avant même d'aller trouver chez les « De Gas brothers » l'occasion de peindre ce si beau tableau des Marchands de colon ainsi que quelques-uns de ses non moins beaux portraits de famille, il avait déjà, avant 1872, année de son voyage pris pied à l'Opéra et le gage de la conquête était une des merveilleuses « répétitions de danses » puisque l'Opéra de la rue Lepelletierdevait brûler en 1873. L'« Intérieur d'un comptoir de coton à la Nouvelle156

Ane. Coll. M'"" J. Fiure M'""

NATHALIE W0LK0NSKA

(eau-forte-1860)


DEGAS

leur manège quotidien avec un naturel surprenant. Le vieux spécialiste en chapeau haute forme, qui, au premier plan, examine eteffilochc un échantillon, celui qui avec une négligence feinte consulte les cours; l'employé machinal tout au courrier ou aux inventaires ; plus loin, à gauche, le guetteur qui attend nonchalamment qui il va «mettre dedans»; les autres groupes et dialogues, enfin, qui s'engagent dans cedécor sec, forment cette fois un chef-d'oeuvre de composition sans le souci de composerclassiquement qui gênait tant le narrateur de la vie lorsqu'il s'agissait de Spartiates ou d'Égyptiennes. Mais ce sur quoi nous ne saurions trop insister, et ce qui se manifeste dès maintenant dans toute son étendue, c'est la

New-York, Coll. Chesler T)dle M"" MALO, DANSEUSE A L'OPÉRA

(peinture-vers 1869-1872)

Ane. Coll. M'tt'~J. Fèore M"" MALO

mémoire de l'oeil, ou la mémoire du vrai, qui désormais sera l'auxiliaire et l'outil de Degas. Il serait absurde de penser que même un seul de ces personnages si occupés ait posé une minute. Le peintre a recréé toute la scène. Il en a fait passer tous les éléments par son appareil à observer, comme Flaubert faisait passer ses phrases par son « gueuloir ». Quant à la matière, enfin, elle est d'une fluidité, d'un émail parfaits, sans mièvrerie «bouguereautée», suivant le mot de Degas lui-même, bouguereautage « auquel il ne comptait pas arriver » (même lettre). Pour retrouver l'équivalent de cette technique très surveillée mais bien moins froide que celle de Ingres, il faut revenir à ce que promettaient les tableaux manques des jeunes Lacédômoniennes et de Sémiramis, et même, sans

(mine de plomb) 157


L'ART ET LES ARTISTES

LE PÉDICURE

(peinture-1873) 158

Musée du Louvre, Coll. Camondo


DEGAS

ments: pas, masques et attitudes des danseuses. Une inscription non moins hâtive dicte, pour lajreprise à loisir, des proportions à rectifier, des membres à assouplir. Ce sont d'importants auxiliaires d'une mémoire assez impeccable pour passer sûrement à un nouveau degré de perfection,

exagération, remonter aux meilleurs Hollandais (dans des gammes différentes). Pour les premiers tableaux relatifs à la Danse sur la scène ou au foyer de l'ancien Opéra, la démonstration est encore plus saisissante, car nous en avons en mains tous les éléments et toutes les progres-

(peinture-vers 1875) sions. Les catalogues des ventes de 1918, 1919, où fut reproduit tout ce qui se trouvait amoncelé de peintures, de pastels, dessins et croquis, nous montrent la naissance et l'éclosion finale d'un tableau comme les films maintenant nous font assister à la germination, aux bourgeons et à l'épanouissement d'une plante, ou, plus saisissants encore, à la genèse et au développement d'un être animé. On suit dans leur multiple progression les rapides croquis de la « Troisième Vente ». Ce sont des sténographies en quelques secondes de tous les mouve-

qui sera l'exécution définitive en peinture ou plus librement au pastel. Ainsi, d'une manière générale, une stupéfiante mémoire en trois étapes, secondée par' un entraînement à dessiner, dessiner sans cesse, en vue de la composition définitive qui viendra pour ainsi dire d'un phénomène de composition vraie, spontanée dans la conception, assurée et subtile dans

l'exécution. Je puis ainsi procéder par l'intérieur à l'analyse des oeuvres que je n'avais jusqu'à présent examinées que du dehors, de l'aspect immédiat et frappant.

159


Paris, Coll. D. David-Weill LA DUCHESSE DE MONTEJASI-CICÉRALE ET SES DEUX FILLES HÉLÈNE ET CAMILLE

(peinture - vers 1881)

Paris, Coll. M"" Jacques Doucet M" JEANTAUD SE MIRANT DANS UNE HAUTE GLACE

(peinture - vers 1874) 160


DEGAS Les premiers tableaux de danse, dont on peut

considérer que les plus parfaits sont réunis dans la collection Camondo, datent des années 1872, c'est-à-dire pour le Foyer de l'a Danse avant l'incendie de la rue Lepelletier, et, pour la Répétition sur la scène, de 1874, après le retour de la Nouvelle-Orléans, ainsi que la Classe de danseen hauteur, d'une facture qui commence à plus emportée être sans annoncer encore les puissantes hachures et les contrastes de couleur et de lumière qui donneront tant de relief aux grands pastels

des avant-dernières

années. merveilles de délicatesse et de vie nous font malgré nous revenir encore à Vermeer par la hantise qui dans nos esprits abolit la notion des temps et des races, ou plutôt la remplace par celle d'une seule race, celle des Ces

artistes supérieurs.

AU LOUVRE (DE DOS ET DEBOUT, MARY CASSATT)

(pastel-vers 1875-1876) Lorsqu'elles furenfexposées boulevard aes Capucines en 1874 avec les Impressionnistes, on ne les A droite : MARY CASSATT comprit pas. Pour deux raisons. AU LOUVRE D'abord parce qu'elles étaient trop (eau-forte parfaites en elles-mêmes et ne 9me état) pouvaient être appréciées dans une cohue furieuse. Puis, parce que les regards étaient violemment adirés par les coloriages crus qui nous paraissent aujourd nui si harmonieux (même en tenant compte de la collaboration du temps) chez Claude Monet, Sisley ou Renoir. Une troisième cause d'insuccès, dans le public, mais non auprès des artistes sincères et des amateurs vraiment sensibles, tenait à des conventions, à des illusions plutôt, qui exigeaient 161

Ane. Coll.

.1/""»

J. Fèvre


L'ART ET LES ARTISTES

LES REPASSEUSES

(pastel-1882)

qu'en peinture les danseuses fussent «jolies», alors que celles-ci étaient beaucoup mieux que cela, c'est-à-dire vraies, avec leur «populacier museau», comme dit Degas dans un de ses sonnets. Les éclairages de rampe ou de foyer, qui, selon le cas, accusaient les

masques ou plaçaient les visages maquillés en blafarde lumière d'un vitrage, déconcertaient ceux qui ne s'étaien t jamais avisés, de la salle, que de la scène, ...les reines se font de dislance et de fard, suivant un autre sonnet, et que hors de la 162


DEGAS

représentation elles redeviennent «nature ». Comment ainsi réfractaires, ou empêchés, ou endoctrinés, sauf quelques exceptions, par une critique médiocre, routinière, ou académique, les gens auraient-ils pu fixer leurs regards ou leurs esprits sur la vraie élégance, la distinction parfaite de ces descriptions de la vie théâtrale ; sur la justesse des mouvements — si difficiles à saisir ! — de ces corps qui sont prêts à s'élancer ou qui viennent de reprendre terre ; sur l'impromptu si remarquablement relaté des groupements ? Vous ne sauriez trop étudier, en ce sens, la Répétition en camaïeu, de la collection Mûhlbacher et qui est peut-être la perle de la collection Camondo. Ces filles du peuple devenues sylphides quant au corps à la fois souple, solide, et soudain exempt de pesanteur, sont souvent charmantes, sinon «jolies » comme la tiop jolie « danseuse » d'un certain Commerre qui attroupa au Salon ou que les fades et fausses compositions d'un Carrier-Belleuse. Mais

c'est déjà dépenser trop de lignes que d'y faire allusion même par contraste. 11 faut pénétrer encore plus avant dans cette évolution qui part de la leçon de Ingres, va en montant vers le moment où Degas, en Amérique, a déjà trentehuit ans, puis quarante lors du mouvement impressionniste, et se poursuivra passionnément jusqu'à la veille du plus tragique crépuscule. Cette évolution n'est pas autre, d'après une analyse attentive, que celle de la ligne : « Faites des lignes, beaucoup de lignes. » D'abord, la fine et maigre ligne ingresque fixant surtout des accents et indiquant des contours précis ; ensuite, s'animaut au point de disparaître pour déterminer le modelé, la respiration et les palpitations mêmes [des êtres. Alors sera à peu près close l'ère des portraits holbeinesques pour laisser la place à la recherche, plutôt à la conquête acharnée, véhémente, rapide de la forme en mouvement. Ce sera toujours la ligne quand elle ne sera plus

Ane. Coll. il''" J. Fèvre

FEMME PRENANT SON TUB

(pastel-1884) 163


L'ART ET LES ARTISTES

RÉPÉTITION D'UN BALLET SUR LA SCÈNE

que sous-entendue, comme elle l'est réellement dans la nature, sans cesse apparente et sans cesse déplacée. Ici, ce que le vieil Hokousaï, le « vieillard fou de dessin » voulait obtenir du trait et même du point, le vieillard Degas, fou de modelé, le pourchassera dans le relief, sculptural et animé à la fois, qu'il obtiendra à coups de zébrures, de traits écrasés, de rehauts soudains de lumière, à tel point que l'on peut dire que ses grands pastels diaprés, ses fusains où s'exhaleront ses dernières énergies seront presque plus sculpturaux que ses

(pastel, 1874)

sculptures elles-mêmes dont il palpait les formes ébauchées. Sauf, bien entendu, la « grande danseuse » qu'il

avait soigneusement autrefois modelée et

habillée comme un joujou. Et comme le « cruel Degas », au rebours de la légende parisienne, aura été plutôt victime des cruautés de sa destinée, il arrivera que l'altération progressive de sa vue contribuera à rendre encore plus belles, plus fortes et plus émouvantes ces pages dictées par le riche désespoir de la mémoire des formes et des valeurs. Cette mémoire qui a 164


DEGAS

DANSEUSES, EXERCICES' (pastel, 1874)

toujours accompagné l'observation, qui avec le crayon, sans s'installer avec un toujours a eu pour guide la promptitude matériel de peintre. Rarement voit dans se et, la surete au jugement, ses notes un arrangement nous l'avons surprise en tout fait, un groupe action avec les croquis complet et précisé. En de l'Opéra, semences qui revanche, tous les nus levées dans le terrain de du travail à l'atelier la réflexion, pendant le se retrouveront dans les travail à l'atelier avec les tableaux sous les jupes modèles, feront récolter de gaze et les maillots, tout un tableau.* ainsi que leurs gestes Degas pourra, sans être rectifiés en vue de l'élédémenti par ces études gance et de la vie. de transitions, dire qu'il On pourrait appliquer n'a jamais pu travailler ces mêmes 'remarques à d'après nature. En effet, toutes les autres séries, on ne l'a jamais vu, dans chevaux et jockeys qui les coulisses ou aux illustreraient tout un foyers, raire autre chose traité d'hippiatrique ; que regarderj-apidement cafés-concerts ; modistes ; 165


L'ART ET LES ARTISTES femmes au café. Il n'en sera pas essayé ici

rémunération toujours fasti'dieusc comme faisant double emploi avec les catalogues. Il suffira d'en avoir cherché la clef ou d'avoir aidé à la trouver. Jamaisd'aprèsnature. II en fut ainsi de la suite si évocatrice, si profonde, clés Paysages dont un ensemble fut exposé vers 1890 boulevard Montmartre, chez Joyant et Manzi, et dont d'autres encore furent retrouvés à l'atelier et mis en vente. Mais quelle vérité dans ces rappels d'un homme qui pendant des années fit alterner des périodes casanières, claustrales,

avec de soudaines

Coll. Durand-Buel

DANSEUSES

(pastel) 166

fringales d'excursions : en Angleterre, en Belgique, en Hollande, en Espagne (avec Boldini, se concluant au retour sur une brouille), en Auvergne, en Bourgogne, dans les Pyrénées! Les paysages recréés, si variés, montrent l'homme s'étant rendu maître de la nature. Un cri, un aveu, ou une plainte, comme on voudra, car de ce point de vue l'un ou l'autre est également bouleversant, éclaire d'une lueur fatale cette conscience et cette fierté de Degas dans sa lutte triomphante de la mémoire sur la directe copie. Il parle de Mme Rose Caron qu'il admirait fort, 1 et il termine ce


DEGAS

LEÇON DE DANSE

167

(pastel)


L'ART ET LES ARTISTES un feuillet d'autobiographie. Mais un Pascal doublé d'un Bourdaloue n'aurait pas trouvé d'accents plus forts que cette reconstruction imaginative qui ne pouvait être menée à fin que par un grand peintre et un grand honnête homme. Nous voilà fort loin d'adopter pour lui l'insuffisante et triviale appellation de « peintre des danseuses ». Même pour les danseuses, il s'évade de cette pauvre limitation, puisque dans un simple rat, comme dans toute une « répétition », comme dans la Famille Mante, comme dans les puissants portraits dont quelques-uns sont ici sous vos yeux, il a mis tout le jugement d'une perspicace droiture et toute la maîtrise d'une virtuosité dirigée. Se garder aussi de faire des phrases sur ses intentions qu'il n'a jamais eues, comme j'en ai souvent lues sur le tableau de l'Absinthe dont les modèles étaient simplement les portraits de la fine et bonne Ellen Andrée et du graveur Desboutins, un peu déguisés pour la circonstance. Degas aurait été bien agacé par toute déclamation à cet égard.

J'aurai très peu parlé

cette série, objet d'unepiquantecuriosité: les sculptures dont le Louvre a pu réunir la collection complète, grâce à la libéralité de M. A. A. Hébrard, c'est-àdire les bronzes, dont l'illustration rappelle ici quelques types significatifs. Ce fondeur passionné avait "de bonne de

PORTRAIT DE FEMME

(monotype vers 1880) Paris, Coll. Marcel Guérin

168

heure conçu, et il réalisa, le projet d'arracher à la destruction fatale ces fragiles terres crues, menaçant au moindre souffle de se crevasser ou de se pulvériser. On peut apprécier au Musée, l'intérêt documentaire, dirai-je de ces travaux ? non, plutôt, de ces exercices, et en admirer, sans jeu de mots, le jet, mais à la condition de ne pas les considérer ' comme ayant joué pour Degas un autre rôle que celui de divertissement et en même temps de contrôle. Sans doute ils sont saisissants, mais je crois que pour les admirer dans les meilleures conditions possibles, il faut les regarder avec la vue diminuée de Degas, c'est-à-dire en clignant les yeux. Alors ils prennent plus de mouvement et même de


DEGAS

MANET ASSIS,

TOURNÉ A DROITE

(eau-forte, 2me état) EDOUARD MANET

(mine de plomb 1864-1865) Paris. Coll. E. Bouarl

quelque opportune commande et demanda un moment de

vacances. («Ma, mon cer Degas, il faut bien me permettre aussi un poco de vivre»). Furieux ou plutôt désolé, Degas lui donna incontinent un congé... illimité. relief, quoique ce terme soit ici contradic- Plaignons Zando, mais comprenons Degas. toire. Il faudrait même les palper comme lui. D'ailleurs il cessa un jour de lui en Je n'en dirai pas davantage faute de vouloir, quelle bonté ! Mais Hébrard ne pouvoir les analyser chacun en soi, suivant put ranimer ces dijecii membra picloris. leur respective importance. Mais il sera peut-être curieux, et ce sera du moins encore un trait de caractère, de rapporter Parvenu au terme de Cette étude où nous un épisode à peu près inconnu, de Degas sculpteur, concernant la seule oeuvre nous sommes efforcé, évitant les énuméraplastique entièrement d'après nature pour tions de catalogues, les redites d'anecdotes laquelle il s'était tout à fait passionné. célèbres, et le jargon de l'esthétique, de Intéressé par le faciès à la Véronèse de présenter des aperçus nouveaux, parce l'excellent et trop oublié peintre Vénitien qu'ils sont véridiques, nous voyons se Zandomenghi, il avait entrepris son buste, succéder dans notre méditation et dans grandeur nature. Comme les séances se notre souvenir le portrait continu de prolongeaient, le pauvre artiste objecta l'homme que nous avaient fait conun jour timidement qu'il avait à ce moment naître et aimer ceux qui avaient été 169


L'ART ET LES ARTISTES

PAYSAGE D ITALIE

(peinture) témoins de ses débuts et que nous avons et perfectionnant son outil avec une assinous-même à notre tour, aimé et connu duité qui va droit au but. pendant les trente dernières années de sa Puis c'est l'homme fait, élégant, monvie. dain, sceptique (avec une foi permanente, Le voilà d'abord avec sa timidité, son latente) et en même temps infatigable, besoin d'affection et d'amitié, mais diffi- voyant les choses et les gens de haut, ce cile dans ses choix ; comme peintre, qui le rendra de plus en plus isolé et mal jamais las de savoir pour le savoir seul, compris.

JEUNE POULAIN s'ÉLANÇANT (bronze)

170


DEGAS

AUX COURSES, AVANT LE DÉPART

(peinture, 1884)

Aux approches de la cinquantaine, Il en faisait à son ami de Valernes il devient plus sombre. Les craintes pour l'émouvant aveu dès 1890 : « J'étais ou sa vue le poursuivent. « Je suis, écrit-il, à je semblais dur avec tout le monde, par un de ces moments où l'on se ferme comme une sorte d'entraînement à la brutalité une porte, et non pas seulement sur ses qui me venait de mon doute et de amis. On supprime tout autour de soi... ma mauvaise humeur. Je me sentais J'ai trop fait de projets, et me voici si mal fait, si mal outillé, si mou, pendant bloqué, impuissant.» qu'il me semblait Pourtant, il ne cesse que mes calculs d'art étaient si justes... » pas de travailler Dans ces années avec une sorte de fude passage à la vraie reur, et de soixante à soixante-quinze vieillesse, il éprouvait toujours plus ans, il a encore, je puis l'attester, des d'éloignement poulbienveillances, des ies grimaces de la grâces même pour vie, plus d'aversion contre le banquisme ceux à qui il a accordé son intérêt del'art, mais presque jusqu'auxapproches ou sa confiance. Seuls ses vieux amis de la guerre, c'estBartholomé, Jeanà-dire lorsqu'un niot, Forain et très déménagement forcé le désempara, peu d'autres éprouvent sa fidélité un il conserve deux passions : refaire peu bourrue. Mais malheurà celui de ces presque à tâtons de magnifiques car« autres » qui ferait tons de danseuses au une fausse note. pastel et rêver Le tourment était ÉTUDE DE CHEVAL devant ses collecau fond de ce soi(bronze) tions, ses grands disant intraitable. 171


L'ART ET LES ARTISTES

Musée du Louvre

LE

JUB (bronze)

portraits par Ingres, ses dessins de Delacroix.

...Le jour où tout cela sera transporté dans des voitures à bras boulevard de Clichv par le personnel dévoué de Durand-Puel, où tout son atelier, ses oeuvres à lui jusqu'ici jalousement retournées et envahies par la

coiffé de son vieux chapeau de feutre, à moins qu'il ne séjourne de longues

neures au lit.

poussière, sont

insultées par le grand j our dela rue, il n'a plus qu'à devenir le lamentable errant au hasard, la barbe et la chevelure de neige ruisselante et embroussaillée, enveloppé de son vieux macfarlane,

FEMME A SA TOILETTE

(bronze) 172

Heures désespé-

rées,

égarées,

solennelles,avec de rares sursauts de vie.

Il m'advint, pendant la guerre même, de le rencontrer par hasard dans un train qui le ramenait, comme moi, d'une excursion automnale à Versailles. Même dans la nuit, à la rentrée dans Paris, il refusa toute aide et il se dirigea avec une parfaite sûreté en pleine rue encom-

brée

d'aut'os.


DEGAS

LA GRANDE DANSEUSE

Supplément de l ART ET LES ARTISTES (N° 154)



DEGAS

Pendant le trajet, il me répondit à Degas, non, vous qui ne vouliez jamais quelque déférente question: « A mon être salué du nom de Maître! Vous âge, on ne croit plus à personne, on ne touchiez au moment où vous alliez comtient plus à rien, on est foutu... » mencer à devenir pour toujours un point d'appui pour les artistes futurs et un exemple pour les hommes. Foutu ! Non, Degas ; non, monsieur ARSÈNE ALEXANDRE.

DANSEUSE REGARDANT LA PLANTE DE SON PIED DROIT

(bronze)

173


L'EXPOSITION INTERNATIONALE DE PARIS 1937 "ARTS ET TECHNIQUE DANS LA VIE

MODERNE"

L'Exposition

de 1937 est entrée dans la voie des réalisations : les pioches des démolisseurs s'atta-

quent aux monuments vétustés qui vont faire place à des palais neufs, à des jardins fleuris. Des monuments seront transformés, des ponts élargis, des quartiers entiers de la ville réorganisés... Avant d'étudier les résultats des concours, les réalisations des travaux, et toute la genèse de cette manifestation d'un si vif intérêt non seulementartistique, mais aussi social —puisqu'elleva permettre de donner une activité nouvelle à de nombreux corps de métiers et de professions techniques gravement touchés par la crise économique,— nous avons cru devoir faire connaître à nos lecteurs la façon dont était conçu ce vaste projet. Citons d'abord le programme qui en résume bien toute la portée morale : L'Exposition Internationale des Arts et « Technique dans la vie moderne, qui s'ouvrira à Paris en 1937, réunira les oeuvres originales des artisans, des artistes, des industriels. Elle se propose d'être créatrice, éducalrice, et même de provoquer des réalisations qui semblent à l'heure actuelle être du domaine de l'avenir. L'Exposition s'efforcera de montrer que le souci d'art dans le détail de l'existence journalière peut procurer à chacun, quelle que soit sa condition sociale, une vie plus

douce ; qu'aucune incompatibilité n'existe entre le beau et l'utile, que l'art et la technique doivent être indissolublement liés, que si le progrès matériel se développe sous le

signe de l'art, il favorise l'épanouissement des valeurs spirituelles, patrimoine supé-

rieur de l'humanité. L'Exposition sera ouverte à toutes les productions qui présenteront un caractère indiscutablement d'arl et de nouveauté. L'admission des oeuvres sera subordonnée à une sélection qui tiendra compte de l'effort créateur et sera inspirée par la préoccupation d'adapter la production aux possibilités d'achat des diverses catégories de consommateurs. Seront admises les présentations qui se rattachent à l'art de l'habitation, des jardins, de la décoration intérieure, du mobilier, du théâtre, du cinémalographe, de la radiophonie, de la publicité. Réunies dans des ensembles nationaux ou régionaux, les oeuvres présentées traduiront tes aspects de la vie individuelle ou collective dans le cadre de la ville, de la campagne,

l'usine, el même à bord des navires et jusque dans les plus lointaines colonies. L'Exposition Internationale de 1937 tendra à stimuler les activités économiques el à contribuer au développement des échanges de loule nature entre les peuples. Le Gouvernement français a le ferme espoir qu'elle constituera une manifestation grandiose, de de

174


L'EXPOSITION DE 1937 collaboration internationale, dans l'ordre de la pensée, de l'art el du travail. »

C'est au centre même de Paris, ayant la Seine comme axe principal, que sera érigée l'Exposition de 1937. La partie la plus importante couvrira une superficie d'environ trente hectares, sur les bords du fleuve. Une première annexe de trois hectares et demi prendra place sur un terrain provenant du dérasement de l'enceinte fortifiée et affectée à une section consacrée à l'habillement. Une seconde annexe, de onze hectares, sera installée dans le parc du domaine de Sceaux, et réservée à l'art des Jardins. L'Exposition a été placée sous la haute autorité du ministre du Commerce et de l'Industrie. La direction en est confiée à un commissaire général, nommé par décret. Les exposants seront répartis en quatorze groupes, eux-mêmes divisés en soixante-quinze classes. L'entrée principale s'ouvrira place du Trocadéro. Ce palais, transformé provisoirement de façon à le faire participer à l'esprit et l'aspect général de l'Exposition, sera réservé aux diverses manifestations de l'expression de la pensée. Le pont d'Iéna sera reconstruit et atteindra une largeur de trente-cinq.mètres. Un passage souterrain sera percé quai de Tokio. Une passerelle longera le pont de l'Aima ; une autre doublera le pont de Passy ; celle du quai Debilly sera élargie. A la base de la tour Eiffel, l'on construira un grand palais horizontal, bas mais long, destiné à abriter tout ce que le Progrès apporte dans le domaine de la diffusion artistique, technique, et de la publicité. Sur les rives de la Seine s'élèveront les Palais des nations étrangères. Le chemin de fer de l'État recouvert et les larges berges débarrassées de dépôts de matériaux permettront d'édifier des constructions et des promenades. Sur la rive droite, établi sur l'eau en raison du peu de largeur des quais, sera créé l'illusion d'un Paris port de mer. Sur l'emplacement de la gare du Champ-

de-Mars désafectée, sera organisé : le Centre régional, un des ensembles les plus importants de l'Exposition. Des fêtes et des cortèges rappelleront les jolies traditions des costumes, des danses et des chants qui se perdent : ce seront les seules concessions faîtes au passé. Sur la rive, les villages maritîmes montreront, sur 300 mètres de développement, la maison des pêcheurs à travers les climats. L'emplacement de l'ancien gardemeuble national, quatre hectares environ, sera réservés aux Arts appliqués et aux métiers d'art, présentés de façon instructive et nouvelle, où l'urbanisme tentera une expérience riche en enseignementspour l'étude des plans des villes futures. Partout les arbres seront respectés. Tous seront conservés. Le plus granc soin sera apporté aux fêtes de la lumière, aux harmonies des couleurs, et aux émissions de sons. Les musées d'Art moderne, qui s'élèveront sur l'emplacement de la Manutention, seront les oeuvres architecturales les plus importantes. Comme toutes les constructions de l'Exposition, ces musées ont fait l'objet d'un concours public entre architectes français. lisseront conservés et après 1937, abriteront les collections d'art moderne de l'État et de la Ville de Paris. Une oeuvre d'urbanisme survivra aussi à l'Exposition : ce sont les jardins que l'on doit créer sur la rive gauche, sur l'emplacement couvert du chemin de fer de l'État et sur les berges entre l'avenue de La Bourdonnaie et l'avenue de Suffren, et peut-être même jusqu'au pont de Passy. Le tour complet de l'Exposition représentera un parcours fermé de plus de quatre kilomètres. L'ait des jardins sera à l'honneur dans tous les espaces non construits de l'Exposition. Mais c'est surtout dans les onze hectares réservés dans le parc de Sceaux qu'il pourra être développé à l'aise. Tous ces travaux vont être menés à un rythme qui assurera l'ouverture à la date fixée. L'Exposition sera inaugurée au mois d'avril 1937 ; elle aura une durée maxima de six mois.

175

JEAN MÉRYEM.


LACTUAUTÉ ET LA CURIOSITÉ A TRAVERS LE SALON DES

D'aucuns ont déjà sa]ué,.ta mort des « Indépendants » : c'est, dire qu'aujourd'hui ceux-ci se survivraient grâce à certains procédés artificiels, lesquels pourraient, eux-mêmes commencer à fatiguer un organisme si affaibli. Certes, ce 46e Salon n'infirme pas cette opinion. Le temps des « Indépendants » serait-il passé ? Que ce soit pour des raisons internes ou pour des raisons externes, la moisson sera vite liée. LA PEINTURE. — Quelques jeunes en plein

travail profitent de ce Salon situé entre celui de l'Automne et celui des Tuileries pour marquer

un jalon. M. Poncelet domine son art et corrige ses excès de rudesse d'autrefois par un affmement de sa sensibilité et une plus souple technique. G. Pacouil ne cherche plus à s'imposer que par la valeur interne de ses oeuvres, sa compréhension profonde de la nature (voir surtout son Paysage du Jura), et semble vouloir heureusement délaisser une séduction trop extérieure. M. Parturier, directement en contact avec la terre, a peut-être tentation à trop parfaire. Léon Toublanc a pris le parti de la simplicité, et c'est excellent ; il sait la valeur du sacrifice ; ses figures y gagnent en profondeur. Rolf est très doué ; s'il ne dit pas encore tout ce qu'il veut dire, il y parviendra. Chapelain-Midy, sûr de ses moyens, s'efforce d'eeuvrer en pro-

fondeur, d'atteindre au spirituel ; il y parvient déjà ; il parviendra à mieux encore. A. Combes nous avait fait beaucoup espérer ; il tient ses promesses ; ses deux envois, paysage et composition, sont d'une harmonie si juste et d'un sentiment si finet pénétrant que l'oeil n'est pas seul à être conquis. C. Caillard est un peintre authentique, ennemi des habiletés et des raffinements ; il ne cherche pas à séduire ; il va droit et franchement. J. Aujame a rapporté une nouvelle « série espagnole » ; le paysage qu'on en voit, plus clair, plus vif de couleurs, fait souhaiter prendre bientôt connaissance du reste. P. Corpus est en bonne forme ; ses paysages montrent qu'il atteint une plénitude heureuse. P. Charlemagne, qui vient de fournir le gros effort de deux expositions dont nous avons signalé la haute qualité, est présent à ce Salon : voilà un travailleur. J. Billard se révèle dans les Buveurs un jeune peintre amoureux de son

INDEPENDANTS

métier, ne craignant point quelque hardiesse et cherchant l'expression. Le paysage d'A. Holy, quoique dépourvu de personnages, nous a semblé plus « humain » que sa composition à figures qui, par ailleurs, contient de très fines qualités de couleurs, fi. Feuillatfe a trouvé en Tunisie un équilibre bienfaisant : d'une part, il a acquis un sens plus certain de la matière; d'autre part, ses oeuvres gagnent en pensée. Constant Le Breton a pu montrer un ensemble d'une vingtaine de toiles ; sérieux et consciencieux il s'affirme sans tapage, et son portrait de Maximilien Luce est concentré en même temps que ressemblant. A. Breuillaud, A. Chartres, P. Ullmann, Berthommé-Saint-André, J. Bersier, P. Ltannaux, Le Chuifon, R. Morère, K. Minrichsen, Mognat-Duclos poursuivent sans faiblir leur route. Y. Brayer devrait avoir l'habileté de s'en tenir à de petits formats. Parmi ceux qui, croyons-nous, sont tout à fait au début de leur carrière, il nous semble bon de signaler A. Trêves, G. Zendel, E. Pefisné, F. Coignet qui développeront leurs dons certains. Fidèles à ce Salon depuis plus longtemps que les premiers sont : le persévérant H. de Waroquier, inquiet dans ses visages, sûr dans ses paysages ; le sensible Urbain ; M. Asselin, possesseur de la perfection de son art ; R. Antral dont la franchise n'exclut pas la finesse ; A. Claudot, maître de sa matière ; A. Foy aux effets fantomatiques ; F. Desnoyers ; J. Joëts ; A. Jouclard qui ajoute la bonne caricature au mouvement ; Lcopold Pascal ; Am. Le Petit ; S.-H. Moreau ; P. Marseille ; Igonnet do Villcrs; Paulémilc-Pissarro; René-Juste ; Renofer ; Seevagen ; Besserve ; Berjole ; G. Balande ; Durand-Rosé ; Ch. Guérin ; Oguiss, etc.. Ceux-ci sont en même temps bien fidèles à eux-mêmes. A leur tête, l'ancien président P. Signac, toujours lumineux et coloré, et le nouveau « patron » M. Luce, aux douces harmonies. Le principe, pris il y a quelques années, d'attribuer à un peintre tout un panneau, commence — il fallait s'y attendre — à tourner contre les intentions des promoteurs. Si Constantin Le Breton gagne l'épreuve, si Sardin, qui manque d'accent, et Lépreux, et J.-M. Bar-

176


L'ACTUALITÉ bey ne s'y déshonorent pas, si Pierre-Bertrand s'y montre homogène, si Elève montre de. la sensibilité et Bompard de la robustesse et de la sanlé, si A bel Gerbaud fait preuve d'un certain tempérament : Hoi'er cependant paraît desservi par ses moyens, Madeleine Luka découvre la vanité de ses prétentions, ManzanaPissarro ses limites rapprochées, Dreyfus-Stem le danger des excès. Quant aux autres, passons. Nous clôturerons cette vue rapide, mais suffisante, par quelques noms notés dans la grisaille générale : le modeste G. Klein, Ilhier, Neillol que son procédé finira par assécher, .). Janin. le réaliste Lugnier, A. Moseo, Myr, C. .lungluth, l'âpre Mania Mavro, Maks, J. Pelisson-Mallet. P. Slreckcr dont la vision est personnelle, M. Rendu, Uzelae, Ryback, Hcdwige deBayser,la romantique R. Dujardin-Beaumclz, J. Ilanau... Pourquoi citer plus longuement ? Presque tout est redite. Et quoi donc justifie ce Salon ? La rétrospective A. Villard n'est elle-même qu'une petite partie de celle organisée au Salon d'Automne et dont nous avons dit la rare qualité. Parmi les autres expositions posthumes, celle de Schuffenecker a surtout un intérêt historique.

LA SCULPTURE. — Nous serons encore plus bref. Il y a l'ensemble de Canfo da Maya qui

montre une noble ambition cl la haute idée qu'il se fait de son art ; il y a les envois de .J.-J. Martel (dont un busle de Signas) qui ont un style authentique ; les bustes de Nelly Bai',

d'A. Iiousaud avec celui largement. Irai lé du peintre du Marboré; de M. Schwenck, d'il. Martinet, de C.-.I. Longuet, de G. Muguet qui acquiert de la finesse, do G. Henshaw. Il y a encore certains essais, un peu dangereux, de décorations de plaques de rues. Les animaliers I.emar et J.-L. Vuilleumier se tiennent non sans péril dans le sillage de Pompon. MaisPryas donne un petit nu de qualité; mais Chauve! a rare-' ment atteint à l'excellence de sa Femme à la sandale, harmonieuse de lignes et d'attitude, aux formes souples et pleines ; mais R. Bros a trouvé un sentiment personnel dans sa Déposition du Christ, oeuvre sentie, comprise ; mais R. Collamarini nous offre l'oeuvre la plus importante de ce Salon : un grand nu en plâtre, traité avec une sûreté des volumes et un sens de la vie qui s'approche de la maîtrise. El voilà qui console... MICHEL FLORISOONE.

LA I- EXPOSITION DU «TEMPS PRESENT» organisateurs de l'Exposition des Artistes du « Temps Présent » ont renoncé à Si les

nommer celle-ci « Salon de la Qualité », comme ils le pensèrent tout d'abord, ils en ont cependant conservé la prétention. Certes, la qualité est abondante dans ces cinq Salles de la Galerie Charpentier. Même si foutes les oeuvres accrochées ne sont pas, sur ce point, égales entre elles.

Même si toute la qualité ne s'esl pas réfugiée sous le manteau sauveur do M. André Lhotc. Heu-

reuse constatation : la qualité, aujourd'hui, est plus fréquente qu'on ne pense. Mais il y a qualité et qualité. La qualité de ce Salon est surtout technique : recherches plastiques, recherches picturales. Quels que soient la sympathie et l'intérêt que l'on éprouve pour la pensée philosophique d'un Braque, d'un Joan Miro, d'un Picasso, d'un Max Ernst, d'un Yves Tanguy, il faul bien reconnaître que la qualilé spirituelle n'esl guère la préoccupation dominante de la plupart des exposants. Et cependant, c'est, la seule qualité qui, en définitive, compte, puisqu'il n'est aucune oeuvre durable sans la primauté de l'esprit. Chacun, avec quelque don, peut devenir par le travail un excellent ouvrier en peinture ; mais devenir peintre est auIre chose. Celte carence spirituelle est-elle le fait des artistes ou celui des organisateurs ? Peu importe, sans doute ; elle est plutôt le fait d'une époque. Mais on peut se demander pour-

quoi des peintres comme Aujame ou ChapelainMi dy, en qui est le désir de rénovation spirituelle el qui s'efforcent d'y parvenir, ont été placés comme en pénitence ? Le Cerf-volanl de Poncclet, les Cyclistes de Planson, les envois de R. Limouse qui n'est plus seulement coloriste mais affirme son style, le Porlrait de femme si curieusement séduisant de K. Terechkovitch, la figure de G. Kars, les portraits faits de taches colorées, subtiles el harmonieuses de R. Chaslel, le sérieux Enfant dessinant de G. Darel, la noble et familiale Visite à la ferme de G. Cochet, le riche Savreux, VAriémis surprise de R. Oudol, la Minerve baroque de Le Molt : voilà, sans vouloir donner des prix, le groupe du « Temps présent » qui a. croyons-nous, le plus d'avenir. Ce n'est pas que nous voulions dire que les autres sont du passé : Othon Friesz ne vient-il pas de nous • donner une des meilleures séries qu'il ait peintes avec ses paysages de Saint-Malo ? El Waroquier, ne se renouvelle-t-il pas toujours "? Kisling tire des feux d'artifice de couleurs avec des poissons subitement Pgés ; Rouault demeure le magnifique et tourmenté solitaire dont on ne peut se délachcr ; Chagall, autre peintre religieux, conte naïvement, gauchement, de grandes choses ; Marquel, discret, juste, dit tout ce qu'if faut, rien que ce qu'il faut ; Lotiron aussi ; Hermine David s'attendrit, joyeuse d'avoir

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L'ART ET LES ARTISTES trouvé l'essentiel ; M. Asselin affine sa maîtrise. Dans un tel Salon, qui défend victorieusement — aux réserves faites près -— son programme, il faudrait rendre compte de chaque toile, et longuement. Mais n'est-ce pas plutôt, l'artiste lui-même et sa production entière que la toile envoyée — choisie par un jury-dictateur — qui est en jeu : c'est une série d'articles qui serait nécessaire, c'est-à-dire tout l'objet de cet te Revue. Nous dirons alors seulement qui étaient... présents : P. Bonipard, Gromaire, Dufresne, Luc-Albert Moreau, li. Dufy, Favory, HenriMatisse, Goerg le fantastique, André Foy el ses revenants, A. Lhole évidemment, R. Dclaunay dont les compositions deviennent autant de ta sculpture eu bas-relief que de la peinture, puisque la matière, ou le matériau, est du sable. El nous n'aurons garde d'oublier R. Vvild surtout dessinateur ; Adès ; Y. Alix qui a reçu la lumière de Grèce ; Suz. Tissier, peintre d'intimité harmonieuse el ferme ; Henriette Grôll dont les esquisses ont du style ; Milich, simple et. ardent ; Kanclba qui a de l'humour ; Malançon ; Walch qui manque de sérieux mais qui est peintre ; E. Detthow qui est personnel ; Mogniat-Duclos qui ne l'est pas assez ; Cavaillès aux extrêmes finesses de rapport ; Capello qui va plus loin encore ; J. Bazaine ; Coubine précis ; A.-B. Czobel naïf ; A. Dubreuil un peu sec ; P. Vérité qui aime la pâte et la caricature. La sculpture concentre plus heureusement peut-être que la peinture, mais moins complètement encore, — la faute, nous disent les organisateurs, n'est pas à eux, mais aux circonstances, — les différentes recherches d'aujourd'hui et d'hier. Zadkine résoud le problème des plans en mouvement, en groupant et mêlant trois personnes qui courent ; H. Laurens, celui des volumes rassemblés en accroupissant une femme ; Lipchitz, celui dos courbes el de la suggestion expressive ; P. Gargallo, dont il faut pleurer la perte récente, tordait le métal avec une élégance rythmée et dansante, inégalable. Autour du buste sûr et humain de Gimond, autour du cerf en granit noir et taillé directement de Maleo Hernandez : le Busle de M'ie M.-T.-K., par Raymond Martin, constate l'acuité grandissante de ce jeune artiste qui progressera en simplifiant ; le Polirait du D1 Viéron par Pryas rend une impression plus netle; la Tête de jeune nomme est taillée par G. Hilbert directement et à grands plans ; R. Couturier ne nous présente malheureusement qu'une oeuvre ancienne, mais forte. Il nous faudrait encore parler des graveurs A. Jacquemin, K. Llascgawa. J. Hccht. E. Courneau, J. Frélaut, G. Friedberger, P. Guastalla, J.-E. Laboureur : tous, jeunes ou vétérans, possèdent leur métier, et Frélaut atteint ta grandeur sans effort apparent. Voilà donc les « purs ». Le public a jugé, par lesuccès qu'il afait à;ce Salon et fera aux suivants,

s'il préfère les émotions de la découverte, sans doute quelquefois lassante, toujours difficile et qui demande du temps, à l'étalage de ceux que l'on fait prétendre au titre, disons brièvement, de « maîtres ». En tout cas, il nous semble qu'un tel Salon, en ce moment, était nécessaire, moins peut-être pour le public que pour l'artiste. S'il montre la qualité, il révèle aussi la déficience. Le point sera l'ail. En avant! M.

F.

LES EXPOSITIONS PRESTIGE DU DESSIN. — S'il est un lieu

commun pour d'aucuns, aujourd'hui, c'est d'affirmer qu'on ne sait plus dessiner. D'autres, prenant à témoins des « écoles » différentes, soutiennent à peu près l'inverse. Ceux-ci comme ceux-là sont dans l'erreur : ceux-ci, parce que certains artistes ont eu le puéril orgueil de croire que leur moindre étude méritait d'être produite en public, et ils ont exhibé ces essais que les grands, de Léonard de Vinci à Cézanne, se. gardaient bien de montrer ; ceux-là, parce qu'ils ne savent pas distinguer entre le dessin de M. Ingres et le dessin de Delacroix. Aussi grâces soient rendues à M. Georges Wildenslein et à M. Raymond Cogniat pour la mise au poinl qu'ils ont entrepris de faire. Les exemples qu'ils ont montré à la Galerie de Beaux-Arts serviront utilement à redresser une opinion hâtive, que, il faut bien le reconnaître, certaine négligence, et certaine suffisance de la pari d'artistes ont singulièrement aidé à établir.

nu « JEU DE PAUME ». — Il ne s'agit pas d'acquérir, il s'agit d'enrichir : tel est, bien le but poursuivi — et atteint — par l'actif conservateur du Musée dos Écoles Étrangères contemporaines, M. André Dezarrois. Il suffira pour que nos lecteurs s'en persuadent d'aller voir, parmi les derniers « arrivages », VIntérieur du Russe Martin Lauterburg, poète du réalisme, le Repas de la prenante NOUVELLES

ACQUISITIONS

Maria Blanchard, un portrait de femme sculpté par le Russe Gui ton Knoop, l'Acrobate par Marc Chagall, la Danseuse Riabouchinska par Terechkovitch, et des oeuvres do Mompou, Gimmi, Audreu, Lilly Steiner, du Persan Kalchadourian, de l'Allemand Georges Grosz, de Vera Rocklinc, Benno Eekau, Maurice Barraud. JANE POUPELET AU LUXEMBOURG. — La

discrète et si sensible artiste que fut Jane Pou pclel monte à la consécration officielle : une vingtaine de sculptures cl soixante-cinq dessins viennent d'entrer, grâce à la donation do la famille Poupelct-La Gaulcrie, au Musée du Luxembourg. L'exposition séparée qui en a été faite le mois dernier confirme à quel point Jane Poupelet est digne, grandement digne, de

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L'ACTUALITÉ

ROGER REBOUSSIN HIROUX

prendre place dans~cet avant-Louvre. Si sa sculpture où s'est inscrite une maîtrise faite d'émotion vive, et du sens le plus sûr de la forme était heureusement connue, ses dessins, moins produits, feront la plus légitime admiration : dessins d'animaux, dessins de nus féminins dont certains font penser à Rodin. Et c'est

tout dire.

Pour sa première exposition, J.-G. Daragnès nous invite à une rétrospective. Rétrospective du peintre, du dessinateur et du graveur. Daragnès a eu l'honneur d'illustrer d'illustres textes de ses contemporains et d'autres : André Suarès, Marcel Schwob, Giraudoux, Henri de Régnier, Paul Claudel, Francis Carco, et puis encore la Chanson de Roland, Tristan el Iseult, etc. 11 a peint aussi pour le plaisir de peindre de magnifiques étalages de victuailles, des profils de montagnes sur un ciel clair, dans une pâle où parfois la lumière extérieure s'accroche cl concourt au lyrisme. Daragnès était un peintre né, et cela aurait, pu sulfire à sa gloire (d'ailleurs, son illustration a la peinture pour base) ; mais il a préféré plier ses dons sous la férule d'un texte, el cette obéissance consentie, désirée — cet esclavage, a dit M. J. Giraudoux dans la préface du catalogue —• a haussé son talent et grandi son oeuvre. LE VIIe GROUPE DES « ARTISTES DE CE DARAGNÈS. —

TEMPS ». — P. Baignères est un fin coloriste,

léger et ferme, qui, par moments, est proche de Bonnard ; Bertrand Py a le sens du sérieux et du profond ; Henriette Tirman a des dons

évidents, mais il lui manque celui de la joie ; E. Sigrist, A. Urbain, Marius Chambon, R. Léwel complètent ce groupe qui, cette fois, compte une certaine homogénéité et est composé de peintres sensibles aux jeux de la nature, de ses couleurs, de sa lumière. Les sculpteurs se tiennent à un même niveau avec Hubert Yencesse dont certains nus montrent une heureuse influence de Gimond, avec Henri Martinet qui cherche les volumes simples et les plans nets, avec les nus de Bouraine, les animaux d'A. Abbal, les bustes de Marie-Louise Bar. La discrétion de Jacques Denier est égale à la force de son latent ; une haute place sera réservée à son art qui procède des maîtres du Nord, de Chardin, de Corot, art qui se présente très pur, décanté, de la plus fine sensibilité, el humain ; l'authenlique poésie qui l'imprègne vient

d'un homme qui sait sentir et s'émouvoir ; la technique très réfléchie qui se dissimule sous la simplicité apparente révèle à qui sait voir le travail d'un peintre qui connaît tout son métier : métier et âme, intelligence et coeur sont en accord désormais chez Denier, et voilà qui fait un véritable artiste (GAL. DRUET). —• Georges Pacouil possède une riche sensualité qui, parfois, l'a poussé au trivial ; la passion qui l'anime lui a fail reconnaître le danger, et ses paysages aux résonances profondes sont d'un bel amoureux de la nature et de la peinture (GAL. AL-

L'impressionnisme de Roger Reboussin ne craint, pas de fouiller les subtilités des LARD). —

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L'ART ET LES ARTISTES férence que M. Gaston Poulain a prononcée, le 28 janvier, au Musée du Louvre. Sur ce sujet, dont on parle si volontiers sans bien le connaître, M. Poulain a su donner des idées originales, venues de réflexions et d'observations très personnelles. Avec une rare acuité d'esprit, dans une langue très sûre et grâce à une science étendue, le jeune conférencier n'a pas craint de s'attaquer, sans aucune animosité d'ailleurs, mais au contraire avec la plus fine courtoisie, aux opinions les plus reçues, et de rétablir à leur juste place certains jugements trop rapides.

CHRONIQUE DES ARTS DÉCORATIFS

R. CARLE.

Au SEPTIÈME GROUPE DES ARTISTES DE CE TEMPS, au Petit-Palais, quelques oeuvres de belle tenue de : M. Daurat, Jean Besnard; F. Massoul. Lucien Renaudot, P. Lardin, Jean Luce, J. Macqueron, Suzanne Roussy, disent la force et le goût do cette « équipe ». Au SALON DES ARTISTES INDÉPENDANTS signalons un important ensemble de bijoux de Jean Desprès. Cet artiste au talent neuf et bien personnel, dont nous avons déjà longue-

— LE DÉJEUNER

lumières, des tons, des rapports qui fourmillent dans la nature ; son oeil étonnamment exercé ne laisse échapper aucun accident coloré ; il y a de la science dans le cas de Roger Reboussin, et elle va jusqu'à l'étude précise, anatomique, des

animaux, à l'observation constante de leurs coutumes et de leurs moeurs (GAL. CHARPENTIER). — Georges Dieudonné est un vrai jeune ; il débute ; sa personnalité se dégagera, car elle est sous-jacente (GAL. DE PARIS). — D'un trait prompt, sûr et souple, avec quelques couleurs

placées avec légèreté, André Villeboeuj suggère en d'agréables aquarelles la vie de l'Espagne (GAL. MARSEILLE). — Carie et Ruby montent à l'assaut de Paris; le premier, Roger Carie, peintre aux curieuses harmonies sourdes et profondes ; le second, René Ruby, coloriste à la vision nette, fine et large, ne s'encombrant pas de détails (GAL. CARMINÉ). A la Galerie de — F Art et la Mode un groupe féminin riche et divers

ment parlé ici, prouve à nouveau qu'il restera comme le créateur du bijou de notre temps. LE

AU

MUSÉE

DES CHATEAU DE

ANTIQUITÉS NATIONALES, SAINT-GER.M AIN-EN'-LAYE,

vient de faire une acquisition de tout premier ordre : un trésor d'argenterie de l'époque romaine et même gallo-romaine, qui fut mis à jour dans les berges de la Saône, à Chalon-surSaône, et qui se compose : d'un canthare orné de branches et de têtes en relief, de deux cenochoes aux anses délicates travaillées et deux patères aussi très artistiquement décorées. Ces pièces, qui sont dans un admirable état de conservation, sont d'une grande importance .pour notre archéologie nationale.

avec SuzanneLalique,M adeltineVaury, Hermine David, Magdeleine A-Dayot, Adrienne Jouclard, A-M. Profilet, pour ne citer que quelques-uns de ces talents dont certains ont une autorité

toute... virile.

M. F.

ÉCHOS DES ARTS

L'ART DÉCORATIF

« La Peinture religieuse française d'Eugène Delacroix à nos jours »,te) fut le sujet de la con-

180

— Une expo-

sition d'art décoratif a été inaugurée dernièrement à Londres par le prince de Galles. Celle très importante manifestation, qui a eu lieu à la Burlington House, est présentée avec beaucoup de goût. C'est un ensemble fort intéressant de l'industrie el des arts qui s'y rattachent : le vêtement, la tapisserie, l'orfèvrerie, la verrerie, la céramique, le livre, la reliure, l'ameublement et la décoration des appartements. En un mot, tout ce qui intéresse le «

Une Conférence de M. Gaston Poulain au Louvre.

A LONDRES.

home

».

M. A-D.

Nous nous excusons de devoir reporter, à cause de l'abondance des matières, nos chroniques habituels d'art décoratif au Théâtre et uu Cinéma, des Livres et des Ventes, au prochain numéro.


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