DEBOUTCIV N°12 (Page 21)

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SOS COTE D’IVOIRE liens, et cette collaboration étroite, se sont considérablement intensifiés avec la création des FRCI en mars 2011. Amnesty International a recueilli de nombreux témoignages oculaires indiquant que les FRCI et les Dozos coopèrent dans le cadre d’opérations armées menées dans divers villages de l’ouest du pays. Les délégués d’Amnesty International ont également constaté que le rôle des Dozos en tant que force de sécurité « non officielle » ne cesse de s’accroître. Ils ont pu constater que les Dozos avaient mis en place plusieurs postes de contrôle sur certaines des routes principales menant aux villes de l’ouest ainsi que sur les routes sinueuses traversant la forêt et conduisant vers des villages plus éloignés.Les délégués d’Amnesty International se sont entretenus avec un jeune Dozo qui surveillait un poste de contrôle dans un quartier de la périphérie de Duékoué. Il a fait état d’une étroite collaboration entre les Dozos et les FRCI et a dit que les FRCI leur donnaient souvent des instructions, à savoir où établir les postes de contrôle, et qu’ils leur fournissaient un support

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En juin 2011 Amnesty International a également rencontré des dirigeants dozos à Duékoué, notamment le chef dozo de la région ainsi que son fils. Ces derniers ont confirmé le fait qu’ils coopéraient étroitement avec les FRCI. Ils ont indiqué que les FRCI leur avaient demandé de prendre en charge les patrouilles de sécurité opérant la nuit dans la région. Ils ont dit que les combattants dozos arrêtaient souvent des personnes lors de ces patrouilles, notamment celles qui n’avaient pas une carte d’identité « valable ». Dans ce cas, ils retenaient les personnes pendant quelques heures avant de les remettre aux FRCI. Ces deux responsables dozos ont indiqué qu’ils ignoraient aux termes de quelle loi les FRCI étaient habilitées à leur confier un tel rôle. Tout en décrivant les modalités de cette coopération, les chefs dozos ont insisté sur le fait qu’ils restaient une force absolument indépendante et qu’ils n’étaient, en aucun cas, ni contrôlés par les FRCI, ni tenus de leur rendre compte de leurs actes.

coopération et coordination entre les Dozos et les FRCI (notamment dans le cadre de nombreuses opérations conjointes) ainsi que l’assistance que les Dozos reçoivent des autorités sous forme d’équipements et d’armes et l’impunité totale dont jouissent les Dozos, laisse fortement supposer que leur action fait partie intégrante du dispositif de sécurité étatique. De ce fait, Amnesty International tient les autorités étatiques directement responsables des violations commises par les Dozos. Les autorités doivent prendre des actions fermes afin de veiller à ce que les Dozos ne jouent plus aucun rôle en matière sécurité – que celui-ci soit de nature formelle ou informelle. Elles doivent également soit démanteler et désarmer ces milices dozos, soit les intégrer dans l’armée et les forces de sécurité officielles en veillant à assurer un mécanisme de sélection et de contrôle de ces membres et en faisant en sorte que ces personnes rendent compte de leurs actes, bénéficient d’une formation et relèvent d’une organisation hiérarchique bien établie.

Amnesty International estime que cette étroite

▉ AMNESTY INTERNATIONAL

Terribles exacTions des frci sur les civils

Amnesty International accuse les nouvelles forces d’Alassane Ouattara d’organiser de sanglantes représailles et de terroriser les déplacés

L’

arrestation de l’ex-président Laurent Gbagbo, le 11 avril, puis l’accession au pouvoir d’Alassane Ouattara, le 21 mai, n’ont de loin pas mis fin aux violences en Côte d’Ivoire. Exécutions extrajudiciaires, torture, disparitions, viols: au terme d’un examen de deux semaines effectué en juin à Abidjan, dans le sud et l’ouest du pays, Amnesty International dresse un portrait apocalyptique de la situation qui y règne. Le rapport, publié aujourd’hui, tombe au mo-

ment où Alassane Ouattara est en visite aux Etats-Unis et aura même les honneurs d’être reçu demain par Barack Obama, qui l’a soutenu à bout de bras. Alors que le nouveau président ivoirien multiplie les signes d’une volonté de réconciliation nationale, le rapport tranche avec ses intentions. Non sans rappeler que des exactions ont été commises par les deux camps jusqu’à la chute de Laurent Gbagbo, l’organisation humanitaire constate que les violences ont augmenté depuis l’investiture d’Alassane Ouattara au gré d’une vague de représailles. Amnesty dénonce en particulier les exactions commises par les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), l’armée nationale créée en mars par Ouattara et censée remettre de l’ordre dans le pays. Selon des témoignages recueillis à Abidjan, il suffit d’avoir «l’allure costaude» pour

être en danger, car soupçonné d’avoir appartenu aux milices de Gbagbo. Un témoin a raconté comment un homme de 33 ans a été exécuté le 29 mai par les FRCI au moyen d’un pneu en feu placé autour de son cou. Le rapport est truffé de témoignages de ce type. En outre, les FRCI cautionnent ou même soutiennent les Dozos, des milices qui s’emploient à maintenir et même à organiser un climat de terreur à l’encontre des populations déplacées – 500 000 personnes le sont encore dans le pays, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés –, afin de les dissuader de regagner leurs terres. La bataille pour la propriété des terres est en effet un vecteur majeur des conflits qui minent la Côte d’Ivoire depuis 2002.

▉ Cathy Macherel


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