Le rôle des pouvoirs publics dans les télécommunications en Belgique (1900-2010)

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les risques reposant sur Goldschmidt. Par avenant du 27 janvier, ce contrat prévoit également la remise à la colonie des installations jugées satisfaisantes. Et le 12 mai 1911, Goldschmidt obtient du ministre des Chemins de fer, Postes et Télégraphes le « droit exclusif d’installer et d’exploiter tous postes de même nature tant internationaux qu’intercontinentaux, y compris ceux ayant les communications avec les navires pour objet », contrat qui sera régulièrement renouvelé et étendu par le ministre des Colonies. Dès 1912, les trois grands centres congolais de Boma, Stanleyville et Elisabethville sont reliés par la TSF, sous l’impulsion notable de 11 Raymond Braillard , ingénieur en chef associé à Goldschmidt. Ensuite, en 1913, une station radio intercontinentale – une des plus puissantes de l’époque, comprenant notamment quatre paires de pylônes, dont une paire de 120 mètres de haut – et une école de télégraphie sans fil sont installés dans le domaine royal de Laeken, toujours sous la responsabilité de Braillard et Goldschmidt. Les premiers signaux de la station radio de Laeken sont reçus tant au Congo 12 qu’aux Etats-Unis à la fin de l’année 1913 . La station de Laeken est également le lieu privilégié d’essais radiophoniques – la transmission de sons et plus seulement de signaux –. Le 28 mars 1914 a ainsi lieu un premier « radioconcert », diffusé par la station de Laeken à l’attention de la famille royale, et inaugurant officiellement une série de concerts diffusés les mercredis et samedis après-midis et captés jusque dans le nord de la France. Cette date est retenue comme celle des débuts de la radiodiffusion en Belgique, si pas comme celle de la première émission régulière en Europe et dans le monde. L’expérience est brutalement interrompue par la guerre : eu égard à la puissance de la station de Laeken, le roi ordonne son dynamitage le 19 août 1914, peu avant l’arrivée des armées allemandes à Bruxelles, pour éviter que les installations ne tombent entre 13 les mains ennemies . A l’aube de la Première Guerre mondiale, l’activité radioélectrique en Belgique est donc, en pratique, monopolisée par deux entrepreneurs privés, Maurice Travailleur et Robert Goldschmidt, qui se partagent les contrats publics relatifs à cette nouvelle technologie. Elle demeure néanmoins entièrement sous le contrôle de l’Etat… ou du roi. La guerre ne modifie en rien la situation d’un service demeuré jusque là fort limité même si, dans une perspective plus générale, elle contribue de manière décisive au développement de la technologie radioélectrique et à son utilisation militaire et politique.

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BRAILLARD Raymond (° Les Nans (France, Jura), 11 mai 1888 - † Saint-Cloud (France, Seine), 27 octobre 1945), ingénieur électricien de nationalité française, il fit l’apprentissage de la T.S.F. à l’émetteur de la Tour Eiffel au début du siècle, puis se retrouva engagé dans l’aventure de Goldschmidt au Congo belge et à Laeken. Cela lui permet d’être détaché dans l’armée belge durant le premier conflit mondial, en charge de la T.S.F. militaire belge, puis de devenir un acteur majeur des grandes étapes de la radiodiffusion belge et internationale de l’entre-deux-guerres. Voy. infra, Titre III, et G. GOURSKI (1990), art. « Braillard Raymond », dans Nouvelle Biographie Nationale, t. 2, pp. 51-54. 12 F. STOCKMANS (1981), op.cit., col. 312-320, qui synthétise l’ouvrage de R. BRAILLARD et R.B. GOLDSCHMIDT (1920), La télégraphie sans fil au Congo belge. Une œuvre du Roi et les « Dossiers contrats radiotélégraphie avec Goldschmidt (1911-1925) et postes à ondes courtes au Congo », aux Archives africaines. La concession de 1911 devait en principe être ratifiée par le Parlement, mais elle semble ne jamais lui avoir été soumise, bien qu’elle y ait été critiquée (Ann.parl., Sénat, sess. 1912-1913, 21 août 1913). 13 Voy. la recension du radio-concert dans Le Soir du 30 mars 1914 ; et H.M. DE GALLAIX, « Destruction of the Brussels Radio Station in 1914, By An Eyewitness », Radio Amateur News, novembre 1919, p. 220 – disponible sur www.earlyradiohistory.us.

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