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Composteurs en gare, la fin d’une époque

Vous connaissez le poinçonneur des Lilas ? Pas la chanson de Gainsbourg, le vrai, l’employé qui trouait les tickets de métro dans les années 50 ?

Il s’agit là d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître.

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D’autant qu’il fut remplacé il y a près d’un demi-siècle par les composteurs, ces appareils devenus indissociables de nos gares et qui vont, les veinards, prendre leur retraite.

Adieu composteurs…

Si nous en parlons au passé, c’est parce que ces machines qui font partie du paysage ferroviaire depuis plus de quarante ans vont disparaître. Pour quelle raison ? Selon la SNCF, « Plus de 99% des titres de transport TGV-Intercités sont aujourd’hui digitalisés. Sur TER, seuls 4 % des titres nécessitent encore d’être compostés. En résumé, selon les lignes, 96 à 99 % des billets sont désormais numériques ». Maintenir ces bornes représenterait donc un coût important.

ans les années 80, après le préposé RATP à la perforation des petits bouts de carton,  ➀ la SNCF déploya dans ses gares ses machines destinées à valider les billets de train. Plus exactement, les composter. Vous avez peut-être croisé, voire utilisé, la première génération de ces machines électromécaniques orange ➁ qui entaillaient le billet et y imprimaient le numéro du jour de l’année, ainsi qu’un code correspondant à la gare. Après vingt ans de presque bons et loyaux services, elles furent remplacées dans les années 2000 par les appareils électroniques encore en place, jaune vif, qui impriment le nom de la gare, la date, l’heure et pressent sur le billet un triangle en relief.

“Mesdames, messieurs, bienvenue à bord de notre train… Les personnes ayant rencontré des difficultés lors du compostage de leur titre de transport sont priées de se présenter au contrôleur lors de son premier passage.”

Valider son billet a longtemps été une étape obligatoire avant de monter dans le train. Il fallait le présenter à l’appareil d’un sens à l’autre, un peu à droite, un peu à gauche (surtout à gauche), le gigoter jusqu’à ce bruit libérateur : chlak ! Bon nombre de cheminots et de voyageurs garderont le souvenir de ce geste et ce bruit caractéristiques qui étaient déjà une invitation au voyage… Répété maintes et maintes fois par des millions de voyageurs, cet acte entrera bientôt dans l’histoire.

Selon notre estimation, il y en aurait un peu plus de 3000 sur le territoire national. Elles devraient donc progressivement disparaître des gares dès cette année. Des autocollants seront apposés sur les composteurs et les distributeurs de billets ➂ pour aviser les voyageurs. Il faut noter que cette suppression des composteurs ne sera pas réalisée (pour le moment) sur les périmètres Transilien, TER Sud PACA et TER Nouvelle-Aquitaine (les régions administratives Sud PACA et Nouvelle-Aquitaine n’ayant pas autorisé la SNCF à les supprimer). Le démontage et le recyclage des composteurs sera assuré par l’Agence bâtiment énergie de la SNCF (ABE).

…Bonjour “Dématérialisation obligatoire” La numérisation de nos modes de vie a commencé dans les années 2000 avec l’avènement des ordinateurs et d’internet. Ce phénomène s’est accéléré avec l’arrivée des smartphones qui concentrent en quelques centaines de grammes une bonne part de ce que le numérique nous a apporté : audios, vidéos, photos, textes, stockage, vitesse de transmission des informations… Aujourd’hui, certains experts s’accordent à dire que plus de 50% de nos communications se font directement via internet (mail, réseaux sociaux, appels vidéo). Une étude menée par l’INSEE en 2021 précise que 93% des ménages français ont accès à internet (contre 99% aux Pays-Bas ou au Luxembourg, 95% pour la Belgique et 92% pour l’Allemagne). En 2021 toujours, 78% des particuliers utilisaient quotidiennement internet, une tendance qui devrait s’accentuer dans les prochaines années puisqu’ils étaient 92% à surfer quotidiennement chez les 16-24 ans. Il suffit d’observer nos enfants (les miens du moins) ou petits-enfants pour voir que si nous avons appris à nous servir de ces technologies, eux sont nés avec.

Si la fin des composteurs en gares est la fin d’une époque, elle ne ravit pas tout le monde, notamment les usagers qui n’ont pas encore commencé à utiliser les billets électroniques. La direction de la SNCF a ainsi déclaré que “les voyageurs qui envisagent de continuer à utiliser des billets papier devront aller voir le contrôleur de leur train pour vérifier la validité de leurs billets”. Encore faudrait-il que tous les trains soient pourvus d’un contrôleur et que ce dernier soit en capacité d’accomplir cette tâche supplémentaire.

En outre, la dématérialisation des titres de transport a apporté d’autres contraintes : alors qu’il y a quelques années encore, un billet de TER était valable deux mois, certains billets achetés sur internet ne sont plus valables que pour une date, un horaire et un train précis, qui doivent être sélectionnés à l’avance. En cas de changement de programme personnel, c’est tout un parcours que le voyageur doit accomplir pour modifier son billet.

Depuis quelques décennies, la numérisation de notre quotidien nous a apporté un confort certain, mais elle génère des contraintes qui pèsent parfois jusqu’à l’étouffement : obligation d’être connecté pour déclarer ses revenus, procéder à des opérations bancaires, remplir des formulaires, rédiger des demandes en ligne, contacter un SAV, etc. Et surtout, l’omniprésence du smartphone, ce soi-disant téléphone sans fil qui porte mal son nom, tant finalement nous avons tous son fil à la patte ! « À la SNCF, le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous. » Espérons que cet ancien slogan SNCF sera une nouvelle fois partagé par nos clients, les cheminots et les cheminotes.

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