Les avocats interpellent les candidats à l'élection présidentielle 2017

Page 1

LES AVOCATS INTERPELLENT LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

w w w. c n b . a v o c a t . f r



SOMMAIRE LE MOT DU PRÉSIDENT...............................................................................................p.05 LA MÉTHODOLOGIE.....................................................................................................p.06 I. PROPOSITIONS EN MATIERE DE JUSTICE..............................................................p.09 1. Le budget de la justice.............................................................................................p.10 2. L’aide juridictionnelle...............................................................................................p.13 3. Les actions de groupe..............................................................................................p.16 4. Les délais de traitement des procédures par les juridictions................................p.19 5. Les modes alternatifs de règlement des différends (MARD).................................p.22 6. La carte judiciaire.....................................................................................................p.24 II. PROPOSITIONS ECONOMIQUES ET FINANCIERES...............................................p.27 7. L’accès à la justice....................................................................................................p.28 8. La réduction des charges.........................................................................................p.30 9. La réforme du RSI....................................................................................................p.32 III. PROPOSITIONS RELATIVES A L’EXERCICE PROFESSIONNEL............................p.35 10. L’acte d’avocat........................................................................................................p.36 11. Le secret professionnel..........................................................................................p.38 12. La formation...........................................................................................................p.40 13. Le numérique au service du droit (LegalTech)......................................................p.42 VI. PROPOSITIONS RELATIVES AUX DROITS FONDAMENTAUX...............................p.45 14. La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH)...........................................p.46 15. L’état d’urgence......................................................................................................p.48 16. La constitutionnalisation du droit à l’assistance d’un avocat...............................p.50 17. L’égalité entre les hommes et les femmes...........................................................p.51

3


LES AVOCATS INTERPELLENT LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

4


LE MOT DU PRÉSIDENT Mes.chers.confrères, Comme.pour.chaque.élection.présidentielle,.le.Conseil.national.des. barreaux.a.souhaité.faire.porter.la.voix.de.la.profession.auprès.des. candidats. afi.n. de. les. interpeller. sur. les. préoccupations. qui. sont. les. nôtres.. Cette. année,. nous. vous. avons. consultés. pour. mieux. adapter. le. questionnaire.. 2116. confrères. ont. répondu. et. je. tiens. à. les. en. remercier.. Ces. réponses. ont. fait. partie. intégrante. de. notre. interpellation.de.ceux.qui.aspirent.à.gouverner. Au-delà. des. questions. habituellement. abordées. par. les. candidats. en. matière. de. justice. et. de. politique. pénale,. le. Conseil. national. a. introduit. des. interrogations. sur. les. moyens. et. les. modalités. du. fonctionnement.de.la.justice,.l’exercice.professionnel.des.avocats.et. les.droits.fondamentaux.. Ainsi. le. Conseil. national. a-t-il. interrogé. les. candidats. à. partir. des. travaux. conduits. par. l’institution. et. leur. a. demandé. de. prendre. position. à. leur. sujet. :. aide. juridictionnelle,. carte. judiciaire,. développement. du. numérique,. formation,. acte. d’avocat,. accès. au. droit,.constitutionnalité.du.droit.à.l’assistance.d’un.avocat,.autant.de. sujets. qui. nous. préoccupent. et. pour. lesquels. nous. attendions. une. réponse.claire. J’ai.le.plaisir.de.vous.adresser.la.teneur.des.réponses,.point.par.point,. et.formule.le.vœu.que.notre.voix.sera.considérée.par.les.programmes. de.campagne.et.que.les.engagements.formulés.seront.respectés. Cette. publication,. issue. de. votre. contribution. jointe. à. celle. du. Conseil.national.est.la.vôtre..Je.vous.invite.à.consulter.les.réponses. des. candidats. et. ainsi. vous. faire. une. idée. plus. précise. de. leurs. propositions.et.de.leurs.projets. Le. Conseil. national. synthétisera. ces. propositions. qu’il. soumettra,. après.l’élection,.au.Président.de.la.République.élu.en.lui.présentant. une. plateforme. actualisée. de. la. profession. dont. le. rôle. majeur. est. de.concourir.partout.et.en.toute.matière.à.la.régulation.des.rapports. sociaux.et.économiques. Je. vous. prie. d’agréer,. mes. chers. confrères,. l’expression. de. mes. sentiments.confraternels.et.dévoués. Pascal EYDOUX Président.du.Conseil.national.des.barreaux

5


LES AVOCATS INTERPELLENT LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

I. MÉTHODOLOGIE D’ÉLABORATION ET DE DIFFUSION DE LA PLATEFORME « Les avocats interpellent les candidats à l’élection Présidentielle »

Questionnaire adressé aux 65 000 avocats Le Conseil national des barreaux a consulté les 65 000 avocats de France, entre le 12 décembre 2016 et le 8 janvier 2017, pour porter la voix de la profession auprès des candidats à la Présidentielle 2017. Ce questionnaire était adressé sous la forme de 32 questions fermées et d’une question ouverte, sur l’avenir de la profession, le fonctionnement de la justice, ainsi que certaines problématiques sociétales. Cette enquête « Présidentielle 2017 », menée par l’Observatoire de la profession, a donné lieu à 2116 réponses à sa clôture. Au vu notamment du nombre et de la répartition des répondants, il s’agit d’une photographie significative de la profession permettant d’interpeller les candidats dans le cadre d’une prise de parole unifiée.

lateforme de propositions du CNB P adressée aux candidats déclarés à la Présidentielle Les réponses au questionnaire « Présidentielle 2017 » ont confirmé les positions communes à la profession. Sur la base de ces réponses comme de ses travaux et de ses prises de position antérieurs, le Conseil national des barreaux a formalisé sa plateforme autour de 17 propositions. La synthèse des réponses et la plateforme de propositions ont été transmises à l’ensemble des avocats. Le Conseil national des barreaux a par ailleurs soumis cette plateforme de propositions à tous les candidats déclarés à l’élection Présidentielle sur laquelle il leur a été demandé de se prononcer et de préciser leurs engagements ainsi que leurs priorités pour le 10 mars 2017. A cette date, les candidats suivants nous ont communiqué leurs réponses : Nicolas Dupont-Aignan, François Fillon, Benoît Hamon, Marine Le Pen, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon.

6


Restitution des réponses des candidats Le Conseil national des barreaux a fait le choix de faire figurer au sein de cette publication uniquement les candidats ayant répondu dans les délais impartis et ayant obtenu les 500 signatures d’élus nécessaires à la validation de leur candidature par le Conseil constitutionnel. La plateforme contient les engagements et priorités des candidats au regard des propositions du Conseil national des barreaux. Elle s’articule autour de 4 thématiques au cœur des préoccupations de la profession : les propositions en matière de justice ; les propositions économiques et financières ; les propositions relatives à l’exercice professionnel ; les propositions relatives aux droits fondamentaux. Le Conseil national des barreaux ne prend position pour aucun candidat en particulier et souhaite rester neutre. A cette fin les réponses sont présentées de manière aléatoire au sein de chaque thématique. Sensible aux retours des candidats et à leur intérêt manifeste à l’égard de la profession et du fonctionnement de la Justice, le Conseil national des barreaux restituera leurs réponses auprès des 65 000 avocats et les rendra accessibles en ligne.

7



PROPOSITIONS EN MATIERE DE JUSTICE


LES AVOCATS INTERPELLENT LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

I. PROPOSITIONS EN MATIERE DE JUSTICE 1. Le budget de la justice CONSTAT DU CNB : La France consacre aujourd’hui à la justice un budget par habitant qui figure parmi les plus faibles de l’Union européenne. Comment expliquez-vous cette situation et que comptez-vous faire pour y remédier dans les années à venir afin de garantir l’indépendance de la justice ? PROPOSITION DU CNB : Dans le cadre d’une loi d’orientation et de programmation de la justice, le gouvernement et sa majorité parlementaire pourraient définir, pour la durée du quinquennat (2017/2022), des engagements et des priorités, ainsi qu’un financement budgétaire pluriannuel.

Benoît Hamon Depuis 2012, la justice a été l’une des priorités du gouvernement et son budget a augmenté de manière conséquente. Pour autant, le constat est aujourd’hui le suivant : le service public de la justice est sinistré. Le budget de la justice reste insuffisant et la situation dans les juridictions est alarmante. Paupérisée par les dix années de gouvernement de droite, l’augmentation des moyens depuis 2012 n’aura pas suffi à réparer les dégâts. De ce manque de moyens, souffrent non seulement les professionnels, dont beaucoup sont en souffrance, mais également les justiciables car cela impacte les délais d’audience notamment. Toute réforme de notre système judiciaire ne peut se concevoir sans poser avant tout la question du budget de la justice et de l’accès aux droits. Il faudra donc poursuivre l’effort engagé sur la dernière législature pour rattraper le niveau budgétaire consacré à la justice par les autres grands pays européens. La proposition que vous faites d’une loi d’orientation et de programmation de la justice est une bonne idée pour permettre ce rattrapage. François Fillon Je partage votre constat : la Justice française est en crise et doit être réformée. Les moyens de la Justice sont très insuffisants : avec 8 milliards d’euros, dont plus de la moitié dédiée aux services pénitentiaires, le budget de la Justice se situe en effet dans la moyenne basse des pays européens.

10


Je propose de renforcer les moyens humains (300 postes) et le budget de fonctionnement de la Justice à raison d’une augmentation d’1,5 milliard d’euros d’ici la fin du quinquennat et d’accompagner le développement d’une informatique alliant qualité et sécurité en matière de gestion et de communication avec les justiciables sur l’ensemble du territoire. Une loi de programmation et de modernisation définira les investissements, les effectifs et les équipements pour l’ensemble sécurité-justice sur le quinquennat. Emmanuel Macron Je constate que toutes les lois de programmation sur la justice, votées ces vingt dernières années, ne sont jamais allées à leur terme, victimes de l’annualité budgétaire et des aléas financiers. L’important est donc de fixer des objectifs politiques clairs et de s’y tenir. J’entends définir et faire voter au Parlement dès l’automne 2017 une loi de programmation quinquennale des finances publiques, fixant les moyens financiers par grande politique publique sur la durée du mandat. Cela apportera à la Justice une visibilité sur 5 ans. Cette approche est préférable à des lois de programmation sectorielles, qui ne peuvent contenir des engagements financiers contraignants et sont souvent décalées par rapport aux textes législatifs financiers, créant alors un écart entre les promesses affichées et les montants effectivement budgétés. Mon programme pour la justice repose sur un plan d’investissement très important en matière de numérisation. L’effort financier qui sera accordé doit s’accompagner de la refondation de la justice et de son organisation pour qu’elle assure une grande proximité pour les contentieux de la vie quotidienne, une spécialisation adaptée pour les questions les plus complexes, une réponse rapide et une prise en charge des usagers au plus près de leurs difficultés. Marine Le Pen La justice a été sacrifiée ces dernières années, tant sur le plan moral que financier. La France est d’ailleurs un des pays développés avec l’un des plus faibles budgets de la justice par habitant. Je propose donc de mettre fin à cette situation. Pour remettre la France en ordre, nous aurons besoin d’une justice efficace, qui applique réellement les lois et traite rapidement les contentieux. C’est aussi une des conditions de la confiance des citoyens envers la justice. Sur le plan matériel et financier, je propose donc de : Rattacher l’administration pénitentiaire au ministère de l’Intérieur afin de. gagner en efficacité et de recentrer la Justice sur le rendu de décisions et l’application de la loi ; Augmenter le nombre de postes de magistrats, notamment par le recrutement au tour extérieur. Par ailleurs, je remplacerai l’École Nationale de la Magistrature par une filière de formation commune aux carrières judiciaires (avec des écoles d’application) ; Suite à la réforme institutionnelle que j’engagerai et qui supprimera notamment les intercommunalités et les conseils régionaux, je réaffecterai certains de ces fonctionnaires au ministère de la justice afin qu’ils libèrent les magistrats du travail administratif. Le métier des greffiers sera revalorisé et leurs outils de travail seront revalorisés.

11


LES AVOCATS INTERPELLENT LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

Jean-Luc Mélenchon Constat La justice est négligée. Depuis trop longtemps, la justice est le parent pauvre des missions régaliennes de l’Etat : son budget est dérisoire au regard des besoins, son fonctionnement trop complexe et trop obscur pour le justiciable. Victime de restrictions budgétaires aberrantes, l’institution judiciaire est à l’agonie et ne peut plus remplir ses missions de service public. Les chiffres sont sans appel : avec seulement 10 juges professionnels pour 100 000 habitants (contre 21 en moyenne au sein des pays du Conseil de l’Europe), avec un budget de 72 euros par habitant dédié à la justice (soit deux fois moins qu’en Allemagne et en Grande-Bretagne) et avec des procédures d’une durée de 304 jours en moyenne (contre 19 jours au Danemark, 91 aux Pays-Bas, etc.), la France se classe parmi les plus mauvais élèves de l’Union européenne en la matière. Propositions Loi de programmation pluriannuelle fixant l’objectif d’une nette augmentation du budget en cinq ans (+ 2,5 milliards d’euros ajoutés aux 6,9 milliards du budget prévu en 2017) afin de parvenir en 2022 au niveau des principaux pays de l’Union européenne (UE) en matière de moyens consacrés à la justice. Augmentation de moitié des effectifs des services judiciaires afin de parvenir au nombre approprié de magistrats par habitant, en recrutant 18 000 magistrats, greffiers et personnels administratifs. Nicolas Dupont-Aignan Malgré les effets d’annonce des gouvernements successifs, la part consacrée à la justice dans le budget de l’Etat, 1,79 % dans la loi de finances de 2017, reste extrêmement faible. Cette situation résulte de ce que le budget de la justice est perçu comme une source d’économies dans les arbitrages financiers alors qu’il s’agit d’une des fonctions régaliennes et même d’un des premiers devoirs de l’Etat envers ses citoyens. En tant que député, j’ai toujours combattu cette vision étriquée, malheureusement imposée par les majorités successives. C’est l’une des raisons de ma candidature à l’élection présidentielle. Je propose d’augmenter sensiblement le budget de la justice, afin notamment de fournir aux magistrats les outils dont ils ont besoin (informatique, locaux, fournitures, etc.). Cette augmentation des moyens bénéficiera tant à la justice pénale qu’à la justice civile et administrative. Par ailleurs, je propose de construire 40.000 places de prison supplémentaires. L’objectif est de mieux appliquer la loi pénale, mais aussi d’éviter la surpopulation carcérale tout en permettant de meilleures conditions de détention et de réinsertion. Le budget annuel de la justice et de la sécurité sera ainsi augmenté de 5 milliards d’euros. 12


L’idée d’une loi de programmation quinquennale est intéressante et pourrait aider à traduire le programme présidentiel en début de mandat. Mon expérience de parlementaire m’oblige toutefois à vous dire que de telles lois de programmation ne sont rien sans la volonté politique année après année de mettre en œuvre le projet porté pendant l’élection. L’exemple des lois de programmation en matière de défense est éclairant à cet égard. La loi de programmation ne sera utile que si elle s’inscrit dans un véritable programme de rétablissement de l’efficacité de la justice.

2. L’aide juridictionnelle CONSTAT DU CNB : 1° L es avocats travaillent à perte pour assister et représenter des personnes bénéficiant de l’aide juridictionnelle. Face à ce constat, quelles sont vos propositions pour revaloriser la rémunération de l’avocat ? 2° D e nombreux rapports ont montré que le dispositif actuel de l’aide juridictionnelle (système des unités de valeur) avait atteint ses limites et ne permettait plus une rémunération suffisante pour les avocats, quel système alternatif proposez-vous ? PROPOSITIONS DU CNB : 1° S ystématisation de la consultation rémunérée d’un avocat préalable à toute action judicaire pour une personne bénéficiant de l’aide juridictionnelle. 2° A fin d’accroître les moyens de financement de l’aide juridictionnelle, un financement complémentaire de nature fiscale pourrait être mis en place. Il consisterait en la taxation des actes juridiques de toute nature, lors de leur dépôt, de leur enregistrement ou de leur publicité. Le nombre très important de ces actes juridiques permettrait de fixer un taux de taxation ou un droit fixe de faible niveau, permettant un rendement important. Ces nouvelles recettes fiscales pourraient être affectées à un « fonds de financement de l’aide juridique » permettant la pérennisation de ce financement complémentaire. La gestion de ce fonds serait assurée par des représentants du Conseil national des barreaux, des magistrats, des représentants du ministère du budget et des représentants de la Chancellerie.

François Fillon L’aide juridictionnelle doit constituer un véritable moyen d’accès à la Justice et permettre une juste rétribution des professionnels du droit. L’augmentation prévue du budget de la Justice permettra d’y contribuer outre les mesures ci-après. Les discussions menées avec les compagnies d’assurance doivent se poursuivre car une meilleure prise en charge des frais de justice en faisant appel à l’assurantiel est souhaitable.

13


LES AVOCATS INTERPELLENT LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

Pour les inciter à faire des propositions de prises en charge d’un périmètre élargi de contentieux hors pénal, il parait utile que soit fournies au juge la convention d’honoraires et les factures de telle manière qu’il en tienne compte dans la taxation de l’indemnité recouvrable par la partie gagnante sur la partie perdante. Il faut aussi responsabiliser les justiciables et subordonner l’attribution de l’aide juridictionnelle à la production d’une attestation de la compagnie d’assurance du demandeur confirmant qu’il ne bénéficie pas d’une protection juridique pour le procès considéré. Enfin, comme en matière pénale, la partie perdante dans tout procès civil devra payer à l’Etat une taxe recouvrable par le Trésor Public et affectée au ministère de la Justice pour l’aide juridictionnelle. Emmanuel Macron L’aide juridictionnelle doit être profondément réformée tant en ce qui concerne ses modes d’obtention, qui doivent être simplifiés et facilités, notamment par le recours à la dématérialisation en ligne des demandes, qu’en ce qui concerne le mode d’exercice. Chaque barreau pourrait se voir allouer un budget aux fins de mettre en place un service d’aide juridictionnelle constitué d’avocats salariés ou liés par un contrat de collaboration aux ordres, réunissant avocats juniors et expérimentés, en plus du système actuel. La question du financement se pose effectivement et je préconise une évolution vers une source de financement complémentaire. Le CNB évoque la piste d’une ressource fiscale. On pourrait à mon sens songer aussi à celle de l’assurance juridique, dont les modalités restent à préciser. Les justiciables souscriraient une assurance de protection juridique qui viendrait se substituer ou compléter la prise en charge par l’aide juridictionnelle. Marine Le Pen La juste rémunération des avocats apportant leur aide aux personnes bénéficiant de l’aide juridictionnelle est en effet une question importante et je m’engage à mener une discussion avec eux pour la revaloriser. L’accessibilité à l’aide juridictionnelle a également été rendue plus difficile par le gouvernement Fillon. Or, l’accès à la justice est crucial dans une démocratie. Je me suis engagée à augmenter les moyens de la justice et le budget consacré à l’aide juridictionnelle sera augmenté en conséquence. Je ne taxerai pas les actes juridiques pour financer cette mesure car cette taxation entraverait l’accès à la justice. Mais j’entends bien lutter contre les abus par la création d’une carte d’aide juridictionnelle, qui permettra un meilleur suivi des affaires par le greffe et le barreau. Jean-Luc Mélenchon Constat La paupérisation de l’institution judiciaire s’en ressent jusque dans les rangs des avocat·e·s, dont les énormes disparités de revenus sont la preuve de la précarité financière qui touche certaines matières (droit pénal, droit des étrangers, droit du travail) et certaines catégories (les femmes, les jeunes, les commis d’office), précarité qui se mêle bien souvent à une concurrence exacerbée et à une surcharge de travail insoutenable. 14


Ce cruel manque de moyens est la cause première des simulacres de justice que sont devenues les comparutions immédiates, des délais déraisonnables de traitement des affaires prud’homales, de la dégradation des relations entre magistrats et avocats. Propositions Revalorisation immédiate de l’aide juridictionnelle (augmentation et redéfinition des subsides accordés aux avocat·e·s), dont l’accès sera simplifié. Les actes pouvant bénéficier de cette aide seront élargis à la phase de conseil et de précontentieux. Cette revalorisation devra être financée par les deniers publics, et notamment par les économies réalisées par la réorientation de la politique pénale (notamment : légalisation du cannabis, décroissance carcérale). Nicolas Dupont-Aignan Le financement de l’aide juridictionnelle conduit à une impasse. Il faut, à l’évidence, recourir à de nouveaux modes de financement pour améliorer l’indemnisation des avocats. A mes yeux, défendre les intérêts d’un client bénéficiaire de l’aide juridictionnelle avec la même compétence et le même dévouement qu’un client beaucoup plus rentable est l’une des plus nobles facettes de la profession d’avocat ; elle ne doit pas se traduire par la paupérisation de ceux qui donnent ainsi de leur temps et de leur énergie. Pour cela, je propose tout d’abord de tenter de développer les contrats d’assurance juridique, qui permettent de mettre les frais en commun grâce aux cotisations et d’offrir une rémunération décente aux avocats. Je suis plus réservé au sujet de la taxation des actes juridiques de toute nature pour financer l’aide juridictionnelle. Un tel mécanisme aboutirait à taxer les redevables indépendamment de leurs facultés contributives et risquerait de créer une nouvelle couche de bureaucratie dont la justice n’a sans doute pas besoin. L’aide juridictionnelle est le pendant nécessaire du droit d’accès à la justice. Il s’agit donc en réalité d’une charge publique et les avocats qui traitent ces dossiers exercent une mission de service public (au plus noble sens du terme). C’est pourquoi elle doit être financée par l’impôt réparti entre tous les contribuables plutôt que par une taxe sur les actes juridiques ou judiciaires. Benoît Hamon L’aide juridictionnelle est un instrument essentiel pour permettre l’égalité d’accès de tous devant la justice. Les conditions de ressources empêchent un trop grand nombre de citoyens, pourtant modestes, de bénéficier d’une prise en charge de leurs frais de justice. C’est un élément clé du service public de la justice. Depuis 2012, le gouvernement a augmenté régulièrement le budget de l’aide juridictionnelle. Il est ainsi passé de 275 millions d’euros en 2010 à 375 en 2015 et il a été augmenté de 12% pour 2017. Pour les années à venir, ce budget devra continuer à être revalorisé régulièrement. La question de la juste rémunération des auxiliaires de justice, en grande majorité des avocats est évidemment un enjeu majeur pour que l’aide juridictionnelle prenne tout son sens en termes d’égalité. L’accord conclu en 2015 entre la Chancellerie et votre profession a permis une revalorisation de l’unité de valeur, qui n’avait pas été réévaluée depuis 2007, de plus de 12%. Ce n’était qu’une première étape. Les avocats qui assurent cette mission d’intérêt général ne sont pas rémunérés encore à la hauteur du travail fourni. Mais tous n’y participent pas de la même manière, 58% d’entre eux n’assurent aucune mission au titre de l’aide juridictionnelle. 15


LES AVOCATS INTERPELLENT LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

L’Etat est le garant de l’égalité d’accès à la justice et a vocation à le rester. Sa participation financière doit donc continuer à augmenter. Pour autant, d’autres pistes de financement existent et sont à explorer. La réflexion doit se poursuivre entre l’Etat et la profession de manière à mettre en place un dispositif pérenne du financement de l’aide juridictionnelle, à élargir son accès et à garantir aux avocats une rémunération juste.

3. Les actions de groupe QUESTION POSÉE PAR LE PANEL DES AVOCATS : L’initiative de l’action de groupe est actuellement réservée par la législation en vigueur, aux seules associations agréées. La profession d’avocat a regretté ce choix du législateur faisant de ces associations le filtre obligatoire par lequel doit passer le justiciable, alors que celui-ci a également le droit de saisir l’avocat de son choix de la défense de ses intérêts. Constat fait de l’inefficacité de la procédure ainsi mise en œuvre (seules 9 actions de groupe ont été engagées), seriez-vous favorable à ce que l’action de groupe puisse être engagée directement par l’avocat lorsque l’association agréée refuse ou est empêchée d’engager une telle action (92% des avocats interrogés y sont favorables) ? PROPOSITIONS DU CNB : Au moins deux personnes victimes d’un préjudice relevant de la procédure de l’action de groupe, peuvent agir directement en justice sans l’intervention des associations, ou à la place des associations, dans l’un des cas suivants : 1° I l n’existe pas d’association compétente ou ayant intérêt à agir ; 2° L ’association reste inactive et n’agit pas en justice même quinze jours après mise en demeure par les usagers susvisés ; 3° L ’association est dans l’impossibilité d’agir ou de continuer son action en justice ; 4° L ’association est dans une situation de conflit d’intérêts ou de risque d’un tel conflit.

Emmanuel Macron La possibilité en droit français de pouvoir agir au moyen d’actions de groupe est un grand progrès pour la défense des droits et je suis très attaché au succès de cette procédure. Elle rétablit le plus souvent un vrai équilibre entre les parties. Je suis également très attaché aux équilibres entre les associations agréées pouvant agir et la profession d’avocat. D’ailleurs c’est au titre de cet équilibre, ou plutôt d’un déséquilibre existant au détriment des avocats, que j’ai fait voter dans la loi du 6 août 2015 la possibilité de verser le montant des réparations obtenues dans le cadre d’une action de groupe sur le compte CARPA des avocats et non plus seulement auprès de la Caisse des dépôts (article 42 de la loi). Entre le 1er octobre 2014, date d’entrée en vigueur de la loi du 17 mars 2014, et le 1er janvier 2017, soit en 15 mois, 9 actions de groupe ont été engagées et toutes sur le fondement de la loi de 2014. 16


Depuis, de nombreux textes sont venus élargir le champ des actions de groupe et ces lois entrent juste en vigueur maintenant : la loi santé du 26 janvier 2016 (entrée en vigueur après la publication des décrets en septembre 2016) ou la loi sur la justice du XXI siècle qui permet une action de groupe en matière de discrimination et en matière environnementale. Elle pose le cadre, en outre, de l’action de groupe en matière administrative. Les propositions que vous formulez, pleinement pertinentes, devront à mon sens être étudiées quand nous aurons un certain recul sur le sort de ces actions de groupe et leurs dysfonctionnements éventuels. Marine Le Pen Les actions de groupe sont un moyen utile pour les justiciables d’obtenir gain de cause et de mutualiser et de renforcer leurs moyens ; ce dont ils sont généralement dépourvus quand ils veulent engager une procédure seuls. L’accès à la justice n’est en effet pas forcément simple pour un citoyen seul. Je suis donc favorable à ce que l’action de groupe puisse être engagée directement par l’avocat si l’association agréée a été saisie et refuse ou est empêchée d’engager une telle action. Afin d’éviter une multiplication inutile des actions de groupe, l’avocat pourra engager l’action de groupe dans le cas où l’association agréée ne motive pas de manière suffisante ou s’abstient de motiver son refus d’engager une action de groupe. Jean-Luc Mélenchon Constat L’action de groupe telle qu’elle existe en France n’est pas entièrement satisfaisante, et connait des débuts pour le moins timides. Son déclenchement est monopolisé par les associations «installées» et son fonctionnement est lacunaire et ne permet pas à toutes les personnes concernées de bénéficier de sa mise en œuvre. Notons que si son champ a été élargi à de nouvelles matières par la loi du 18 novembre 2016, la procédure en matière de discrimination syndicale est peu convaincante. Propositions Pour une action de groupe réellement efficiente, il faudra donc qu’elle puisse : être engagée par toute association, syndicat ou groupement «ad hoc» dont le sérieux et la représentativité seraient appréciés par le juge, fonctionner selon le modèle de l’opt-out, être débarrassée des obstacles inutiles, notamment en matière de discrimination syndicale. Nicolas Dupont-Aignan J’avais fait campagne dès 2012 en faveur du développement d’une véritable action de groupe, à la française, pour éviter les excès du système américain. Depuis, la loi n’a autorisé qu’un petit nombre d’associations agréées à intenter des actions de groupe et le mécanisme actuel n’est pas pleinement efficace. Si aucune des associations agréées pour intenter une action de groupe ne peut agir (soit en raison d’un obstacle de droit, soit en raison d’un conflit d’intérêts), il est nécessaire de trouver un dispositif qui permette quand même l’action de groupe.

17


LES AVOCATS INTERPELLENT LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

C’est pourquoi, je suis favorable à ce que les institutions représentatives de la profession d’avocat soient pleinement associées à la réflexion sur le développement et l’amélioration du dispositif existant, en prenant garde d’éviter les excès de l’action de groupe à l’américaine. Benoît Hamon Avant toute chose, il convient de rappeler que l’action de groupe est à mettre au bilan du quinquennat qui s’achève. Longtemps promise par la droite, c’est la gauche qui a mis en œuvre cette réforme nécessaire pour permettre aux victimes de préjudices, notamment de faibles montants, d’obtenir réparation au lieu de renoncer, faute de pouvoir se lancer seul, dans une procédure longue et coûteuse. Initiée en matière de droit de la consommation, elle vient d’être étendue en novembre 2016 aux questions de discriminations, d’environnement et de protection des données personnelles. La volonté du gouvernement était de répondre à une insuffisance de notre droit, sans verser dans les dérives d’un dispositif à l’américaine qui aurait eu pour conséquence d’engorger les tribunaux. C’est la raison pour laquelle l’initiative a été réservée aux associations agréées ou aux associations existant depuis 5 ans et dont l’objet statutaire comporte la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte. Il est difficile de tirer un bilan définitif après deux années d’existence d’un dispositif aussi innovant. Neuf actions ont été introduites et sont actuellement en cours. Une évaluation de la loi est aujourd’hui nécessaire. Elle sera menée par les parlementaires et permettra de déterminer comment, le cas échéant, élargir les modalités d’engagement d’une action de groupe. François Fillon Je partage votre avis : sous réserve d’un examen plus précis, je ne vois pas de raisons objectives pour que ce type de contentieux soit monopolisé par des associations agréées alors que l’Avocat, professionnel du droit, présentant toutes les garanties de compétence et de déontologie, a vocation à intervenir par principe.

18


4. Les délais de traitement des procédures par les juridictions CONSTAT DU CNB : Le délai de traitement des procédures civiles et des procédures pénales par les juridictions est un indice de dysfonctionnement portant atteinte aux droits des justiciables. Ainsi, le délai moyen de traitement des procédures civiles (hors procédures courtes) est de plus de 10 mois devant les TGI, plus de 16 mois devant les conseils de prud’hommes et de 13 mois devant les cours d’appel. On constate que plus d’un quart de ces juridictions dépasse ce délai moyen de plus de 15%. Le délai moyen de traitement des procédures pénales est de 39 mois en matière criminelle et de 12 mois en matière délictuelle. Quelles mesures comptez-vous adopter pour diminuer l’encombrement des juridictions et réduire les délais des procédures ? PROPOSITIONS DU CNB : Il est proposé de simplifier et d’unifier les modes de saisine, (75% des avocats interrogés y sont favorables), ainsi que les délais de recours en première instance et en appel. Le CNB propose d’unifier les délais impartis pour conclure, d’assouplir les sanctions encourues en cas de défaut d’exécution des formalités procédurales. Le principe directeur de ces propositions est de réintroduire une plus grande initiative des parties dans le déroulement de la procédure. Le CNB propose également la généralisation de la communication électronique en première instance, (71% des avocats interrogés y sont favorables). Les avocats doivent pouvoir saisir directement les juridictions pour l’ensemble des procédures. S’agissant du service d’accueil unique au greffe, les avocats doivent bénéficier, pour les dossiers dont ils ont la charge, des mêmes droits d’interrogation de la base de données enregistrées par le bureau national automatisé des procédures judiciaires que les magistrats, les procureurs de la République et les greffiers.

Marine Le Pen Comme je l’ai indiqué, je recruterai plus de magistrats et suite à la réforme institutionnelle que je mènerai, des fonctionnaires territoriaux seront redéployés vers le ministère de la Justice afin qu’ils soulagent les magistrats du travail administratif. Ce double-mouvement devrait considérablement accélérer les rendus de décisions et le fonctionnement de la justice. Notre justice doit également s’engager dans un vaste élan de modernisation. L’informatisation et la publication numérique des décisions seront progressivement généralisées. Mais je pense qu’il faut accélérer le mouvement et que la justice puisse être (en matière civile) saisie via un portail internet unique, géré par le Ministère de la Justice. Ce mode de saisie ne sera pas le seul car je pense notamment aux personnes âgées qui ne sont pas forcément équipées pour saisir la justice de cette manière.

19


LES AVOCATS INTERPELLENT LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

Jean-Luc Mélenchon Constat Les chiffres sont sans appel : avec seulement 10 juges professionnels pour. 100 000 habitants (contre 21 en moyenne au sein des pays du Conseil de l’Europe), avec un budget de 72 euros par habitant dédié à la justice (soit deux fois moins qu’en Allemagne et en Grande-Bretagne) et avec des procédures d’une durée de 304 jours en moyenne (contre 19 jours au Danemark, 91 aux Pays-Bas, etc.), la France se classe parmi les plus mauvais élèves de l’Union européenne en la matière. Projet La réaffirmation de la mission d’intérêt général que doit assurer la justice. Les professionnel·le·s du monde judiciaire doivent non seulement être au service des justiciables, mais être aussi en mesure de répondre de manière durable aux problématiques contemporaines. Propositions Outre le plan d’embauches massif et la revalorisation nécessaire du budget de la justice (voir la partie «budget»), nous proposons notamment la réinstauration d’une justice prud’homale humaine et efficace, par l’amélioration de la formation initiale (assurée par l’État) et continue (assurée par les partenaires sociaux) des conseillers prud’homaux, par un remaillage territorial des juridictions et par la facilitation de la saisine des conseils de prud’hommes. Ces mesures urgentes iront de pair avec une augmentation substantielle des effectifs et des budgets alloués et avec une refonte de la procédure afin que la justice sociale puisse mener à bien ses missions dans des délais raisonnables. Pour des raisons pratiques et écologiques, la généralisation de la communication électronique en première instance est nécessaire et souhaitable. Nicolas Dupont-Aignan Je m’engage en faveur de la réduction des délais de procédure. Je propose de profondément simplifier et uniformiser autant que possible les règles de procédure, tant pour réduire les délais et diminuer l’encombrement des juridictions que pour éviter les formalités qui augmentent indûment le coût des procédures et aboutissent parfois à priver les parties de la possibilité de faire valoir leur bon droit. L’informatisation doit enfin être favorisée autant que possible. Benoît Hamon La question des délais est majeure car derrière elle, on peut imaginer sans peine les situations humaines difficiles, pour les professionnels comme pour les justiciables. A rebours de ces longs délais notamment en matière sociale et familiale, la justice peut parfois être expéditive et nuire ainsi aux droits de la défense. Entre ces deux extrêmes, le temps de la justice doit permettre tout à la fois au justiciable en demande de trouver une réponse dans un délai raisonnable mais aussi à chacun de disposer de délais suffisants pour le respect des droits de la défense et du contradictoire. La question des délais est essentiellement liée à la question des moyens, notamment humains. Y répondre permettra d’améliorer de manière notable le temps de traitement des procédures. La modernisation de la justice, entamée avec la réforme Justice du 21e siècle, doit être poursuivie. 20


Tous les outils numériques qui pourraient faciliter l’accès des justiciables ou le travail des professionnels doivent pouvoir être mis en place. Une réflexion avec l’ensemble des professionnels doit être engagée pour permettre d’améliorer, de simplifier et de raccourcir toutes les procédures, sans que ces dernières perdent en qualité. François Fillon Pour diminuer l’encombrement des juridictions et réduire les délais des procédures, il faut d’abord recentrer la Justice sur ses missions essentielles en développant le corps intermédiaire des assistants de justice et décharger les Présidents de juridiction des aspects purement organisationnels pour les recentrer sur le juridictionnel complexe. Je partage votre souhait de poursuivre la généralisation de la communication électronique et il faut aussi rendre compatibles les systèmes et les accès par communication électronique sur l’ensemble du territoire. Toutes les initiatives en ce sens que la profession d’avocat présentera au ministre de la Justice seront étudiées avec beaucoup d’intérêt car la Justice doit cesser d’être le parent pauvre du domaine régalien, ce doit être un engagement fort vis-à-vis de nos concitoyens. La simplification des procédures notamment des procédures pénales doit permettre de désengorger les tribunaux. Par exemple il faut le faire de façon systématique et prioritaire en cas de reconnaissance de la commission d’un délit en autorisant la rédaction des procès-verbaux de procédure et d’auditions par simple enregistrement, assortie de la rédaction d’un PV de synthèse, avec présence d’avocat obligatoire. Emmanuel Macron Comme je l’ai exposé dans mon programme pour la justice, ma première volonté est de rendre la justice plus lisible. C’est pourquoi j’ai prévu de simplifier les procédures en unifiant les modes de saisine. Je veux aussi que la justice soit plus accessible. Je créerai donc un service public numérique de la justice, avec un portail unique d’accès sur le modèle d’impots. gouv.fr. Les citoyens et leurs avocats y trouveront toutes les informations pratiques. Ils pourront se pourvoir en justice depuis leur ordinateur, transmettre une requête, des pièces, ou suivre leur dossier depuis leur smartphone, en première instance comme en appel et en cassation. Je suis favorable aux initiatives des parties dans le déroulement de la procédure, mais je suis attaché à garantir que la justice soit rendue dans des délais décents. Je pense par conséquent qu’il est indispensable que la mise en état soit encadrée dans des délais stricts, ce qui ne me parait pas incompatible avec un large champ d’initiatives. Les juges pourront également poser des questions aux parties, solliciter la production de pièces, en amont de l’audience. Je veux que la mise en état soit interactive. En matière pénale également, la procédure sera localisée numériquement en un seul endroit, avec droits d’accès conformes au code de procédure pénale. Dès la plainte ou les premières constatations, la procédure sera construite sous un format numérique. La transmission au parquet et au juge se concrétisera par des ouvertures et des fermetures de droits d’accès à la procédure numérique. Ainsi, selon l’orientation de la procédure, les procureurs et membres du parquet, les juges d’instruction, les présidents des tribunaux correctionnels et les juridictions d’appel ou de cassation auront accès au dossier et seront en charge des droits. 21


LES AVOCATS INTERPELLENT LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

Les avocats auront ainsi pleinement accès aux procédures numériques, dans le respect du code de procédure pénale. Ce système devrait permettre également de mettre en place une mise en état numérique des procédures correctionnelles.

5. Les modes alternatifs de règlement des différends (MARD) CONSTAT DU CNB : La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a favorisé les modes alternatifs de règlement des différends. Les avocats souhaitent aller plus loin dans cette voie de simplification, afin que les justiciables soient mieux informés de l’existence de ces MARD et incités à les utiliser. PROPOSITIONS DU CNB : Les justiciables doivent être obligatoirement informés de la possibilité de recourir aux différents dispositifs de justice négociée. Les parties doivent pouvoir rechercher un accord négocié dans un cadre sécurisé à tout moment de la discussion, y compris après introduction de l’instance. La convention de procédure participative doit être développée devant les juridictions administratives. Une meilleure information du justiciable et des professionnels du droit passe également par la codification unique des MARD.

Jean-Luc Mélenchon Constat Les MARD sont souvent vus comme des solutions face à l’engorgement des tribunaux. Toutefois, ils ne doivent pas constituer une privatisation de la justice ou encore une prime aux plus riches, dont les avocats sont les plus fins négociateurs, au détriment de la partie la plus faible. Proposition Limitation à certaines matières du recours aux modes alternatifs de règlement des litiges que sont la conciliation, la médiation ou encore l’arbitrage pour éviter la privatisation du service public de la justice et ses dérives (exemple de l’affaire Tapie) mais aussi pour protéger, dans chaque litige, la partie la plus faible. L’information du justiciable est évidemment un élément crucial qui doit être sans cesse mise en œuvre tout au long de la procédure de règlement alternatif. Nicolas Dupont-Aignan Je suis favorable à une meilleure information des justiciables au sujet des MARD ainsi qu’à la possibilité de négocier en toute bonne foi et de façon sûre. On pourrait envisager une codification unique des MARD et un développement de la convention de procédure participative devant les juridictions administratives.

22


Benoît Hamon Les modes alternatifs de règlement des litiges sont utiles car tous ne nécessitent pas l’intervention d’un juge. La loi « Justice du 21ème siècle » de novembre 2016 va dans le bon sens en les favorisant et en faisant de certains de ces dispositifs des préalables obligatoires à la saisine du juge. Le recours à ces modes alternatifs est bénéfique s’il est choisi, assumé, possible et si chacune des parties dispose d’un égal accès à l’information de ses droits et à la possibilité de saisir l’autorité judiciaire si cela est nécessaire. Il ne doit pas être vécu comme une privation du recours au juge, qui reste nécessaire au règlement de certains conflits. Dans cet objectif, il est important de renforcer et diversifier les modalités d’accès au droit. C’est dans cet état d’esprit que doit être pensé le développement de ces alternatives. François Fillon Il faut poursuivre le développement des modes alternatifs de règlement des conflits en associant encore plus étroitement les avocats à ces nouvelles procédures, leur rôle est essentiel. En matière civile, je souhaite que le recours à la tentative préalable de conciliation soit généralisé et que les contentieux sociétaux soient déjudiciarisés. La saisine du juge sans préalable sera toujours possible en cas d’urgence ou dans certaines matières. Pour que ces nouveaux modes de règlement des conflits trouvent leur pleine efficacité, il faut faire évoluer les mentalités des justiciables mais aussi de certains professionnels. C’est à vous de participer activement à cette évolution pour laquelle vous avez un rôle de premier plan à jouer. Emmanuel Macron Le développement du règlement alternatif des litiges constitue un des éléments les plus importants et innovants d’une justice en adéquation avec son temps. Il est fondamental que les professionnels du droit, et en tout premier lieu les avocats, qui représentent une profession dotée d’un cadre déontologique fort et d’une régulation par les barreaux, investissent ce champ. L’information préalable des justiciables sur le recours aux MARD est indispensable et elle sera systématique avec mon grand plan de numérisation de la justice. Par ailleurs, la sécurité des accords passe non seulement par la qualité des professionnels mais également par la force juridique qui sera attribuée à ces accords. Je donnerai aux protocoles d’accords passés par l’intermédiaire de professionnels du droit associant avocats, huissiers ou notaires la même force exécutoire qu’un jugement. Concernant la codification, à ce stade je ne suis pas favorable à la création d’un corpus juridique normé enfermant les modes de règlements alternatifs des litiges dans des carcans. Je crois aux initiatives des uns et des autres et aux possibilités d’innovation.

23


LES AVOCATS INTERPELLENT LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

Marine Le Pen Ce genre de transactions n’aboutit qu’à une seule chose : il profite aux puissants et les citoyens qui ne connaissent pas le fonctionnement de la justice sont généralement lésés. Je ne suis donc pas favorable à l’élargissement des modes alternatifs de règlement des différends. Je pense qu’il faut développer les modes de règlement à l’amiable mais ces rencontres doivent se faire devant un magistrat. Sur ce point, la suppression des juges de paix et des juridictions de proximité a été une grave erreur et je pense qu’il faut au contraire les rétablir, afin que la justice gagne en proximité.

6. La carte judiciaire QUESTION POSÉE PAR LE PANEL DES AVOCATS : Depuis plusieurs années des réformes de la carte judiciaire se succèdent, sans réelle cohérence et sans réelle concertation avec les professionnels du droit intéressés. Une large majorité des avocats s’oppose à toute nouvelle modification (73% des avocats interrogés y sont opposés). Quelle politique souhaitez-vous engager en la matière et quelles sont vos propositions ?

Nicolas Dupont-Aignan Je suis attaché au maintien d’une justice de proximité. C’est pourquoi, je n’envisage pas une nouvelle réforme globale de la carte judiciaire. Les récentes réformes ont d’ailleurs entraîné un coût humain et matériel supérieur aux économies qu’elles ont pu procurer. Il convient, au demeurant, d’inclure dans le coût des réformes de la carte judiciaire, le coût subi par les auxiliaires de justice, aussi bien au moment de la réforme que dans la gestion courante de leur cabinet. Seuls des ajustements très ponctuels exigés par des situations particulières seront donc éventuellement engagés, tant pour la suppression que pour la création de juridictions. Benoît Hamon La réforme de la carte judiciaire menée de 2007 à 2010, sans réflexion ni concertation, a laissé des plaies dans l’institution judiciaire. Elle a eu d’abord pour conséquence de sacrifier la justice de proximité. Le rapport Daël, rendu en 2013, a établi qu’un certain nombre de justiciables ont renoncé à agir en justice, et notamment parmi les plus modestes. Une nouvelle réforme de la carte judiciaire n’est aujourd’hui ni nécessaire, ni souhaitable. Si des ajustements de l’organisation territoriale de la justice s’avèrent nécessaires, ils seront menés en concertation avec l’ensemble des acteurs.

24


François Fillon Il faut mettre de la cohérence dans la carte judiciaire dans un souci d’aménagement des territoires, en concertation avec l’ensemble des professionnels et des élus avec un objectif d’efficacité, de simplification et de spécialisation attendu par tous. C’est la raison pour laquelle je veux maintenir le maillage des tribunaux d’instance et les doter d’un guichet unique universel permettant d’effectuer des opérations relevant du Tribunal de Grande Instance et garantir ainsi la proximité avec les justiciables. Sauf dérogation liée à la configuration géographique et au nombre d’habitants, je souhaite aussi adopter le principe d’un Tribunal de grande instance par département pour garantir un accès raisonnable à la justice et favoriser le regroupement des Cours d’appel. Emmanuel Macron Toujours dans un objectif de lisibilité, je propose la création, dans chaque département, d’un tribunal de première instance qui fusionnera l’ensemble des tribunaux locaux spécialisés de première instance. Ce tribunal traitera l’ensemble des matières dans des pôles dédiés : pénal, social, affaires familiales, commercial, civil…. Les justiciables n’auront plus à chercher leur juge. La création de ce tribunal de première instance départemental ne sera pas synonyme de fermeture de sites, car la justice a besoin de proximité. Avec les tribunaux de première instance, on mettra fin à la complexité des compétences en unifiant mais on laisse des lieux de proximité où toutes les démarches peuvent être faites. C’est pourquoi, en parallèle du service public numérique de la justice, je créerai un service d’accueil unique du justiciable sur les anciens sites des juridictions fusionnées. Dans ces points d’accueil, les justiciables, quel que soit le contentieux, pourront s’ils le souhaitent être renseignés et accompagnés, effectuer les démarches préalables à l’audience, et suivre l’avancée de leur dossier. Je modifierai les ressorts des cours d’appel afin qu’aucune ne soit à cheval sur plusieurs régions administratives et qu’aucun département ne dépende d’une cour qui ne soit pas dans la même région que lui. Là encore, cela ne nécessite pas de fermer les sites. L’activité juridictionnelle des cours d’appel plus modestes pourra être maintenue dans les locaux existants, mais les services de gestion seront situés à la Cour d’appel la plus proche. Ces modifications géographiques seront évidemment menées en concertation avec les acteurs. Marine Le Pen Je pense que la justice ne peut être efficace que si elle est rendue au plus près des citoyens. C’est une question d’égalité des justiciables. Je refuse que des mesures d’économie soient prises aux dépens des principes fondamentaux qui sont les piliers de notre République. La réforme de la carte judiciaire menée sous François Fillon a été à cet égard une véritable catastrophe. Je veux garantir l’égal accès aux services publics sur tout le territoire et notamment en milieu rural (engagement numéro 138 de mon projet présidentiel). Je m’oppose donc à toute nouvelle fermeture de TGI et de Cours d’Appel et j’en rouvrirai dans les endroits où la proximité entre l’institution judiciaire et les citoyens n’est plus garantie.

25


LES AVOCATS INTERPELLENT LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

Jean-Luc Mélenchon Constat Le. maillage. judiciaire. est. très. imparfait. et. synonyme. de. grandes. inégalités. territoriales.. Propositions Révision.de.la.carte.judiciaire.à.partir.d’une.analyse.approfondie.des.besoins.des. populations. et. des. territoires,. en. lien. avec. les. professionnel.les. du. droit. et. de. l’aménagement. du. territoire. (création. de. nouveaux. tribunaux. d’instance. et. de. grande.instance,.rénovation.et.construction.de.nouveaux.locaux,.etc.).

26


PROPOSITIONS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERES


LES AVOCATS INTERPELLENT LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

II. PROPOSITIONS ECONOMIQUES ET FINANCIERES 7. L’accès à la justice CONSTAT DU CNB : Le principe de l’égalité de tous les individus devant la justice a valeur constitutionnelle. Afin d’assurer un égal accès de tous à la justice, êtes-vous favorable à des mesures fiscales permettant aux personnes physiques, qui ne peuvent pas récupérer la TVA, d’être placées dans une situation analogue à celle des personnes morales au regard de cette taxe ? PROPOSITION DU CNB : Afin de compenser l’impossibilité pour les personnes physiques de récupérer la TVA acquittée sur les honoraires d’avocats, il est proposé la création d’un crédit d’impôt égal au montant de la TVA acquittée. Cette somme soustraite du montant de l’impôt dû, présente l’avantage de pouvoir être remboursée en totalité ou partiellement si le montant de ce crédit d’impôt dépasse celui de l’impôt dû ou si la personne bénéficiaire du crédit d’impôt n’est pas imposable.

Benoît Hamon Le renforcement de l’accès au droit et à la justice est au cœur de nos préoccupations. Comme évoqué précédemment, il nous faudra revaloriser l’aide juridictionnelle, notamment pour permettre d’élargir encore son accès à tous ceux dont les revenus sont trop faibles pour leur permettre de faire valoir leurs droits. Il est important également de renforcer les modalités d’accès au droit, en soutenant fortement les permanences associatives, syndicales ou des auxiliaires de justice dans les conseils, la médiation, les saisines des tribunaux ou en défense. L’ensemble de ces mesures nous semble plus efficient pour permettre l’égalité réelle de tous devant la justice. Nicolas Dupont-Aignan Je partage le constat dressé par le CNB. C’est pourquoi, je propose d’exonérer de TVA les honoraires d’avocats portant sur les dossiers non professionnels (comme notamment le droit du travail, le droit du logement, le droit de la consommation ou encore le droit des personnes). 28


Jean-Luc Mélenchon Constat L’accès au droit est trop inégal dans notre pays, et nombre de nos concitoyens renoncent à faire valoir leurs droits du fait du poids financier des procédures et de la complexité de nos institutions. Il convient de mettre en œuvre un plan d’urgence pour remédier à cette situation inacceptable vis à vis des plus démunis, pour que notre justice soit véritablement un service public efficace et protecteur. Propositions Développement de l’accès au droit par la création de nouveaux points d’accès (structures municipales) et de nouvelles maisons de justice et du droit (structures étatiques), mais également par la revalorisation du budget accordé par l’État aux Conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD), par le soutien aux associations, etc. De surcroît, les avocat·e·s intervenant à titre bénévole dans les structures publiques seront rémunéré·e·s par l’État pour le service rendu. Gratuité des médiations familiales, même non ordonnées par un juge, en créant un service public dédié à partir des associations de médiation existantes et selon un processus d’agrément vigilant. Revalorisation immédiate de l’aide juridictionnelle (augmentation et redéfinition des subsides accordés aux avocat·e·s), dont l’accès sera simplifié. Les actes pouvant bénéficier de cette aide seront élargis à la phase de conseil et de précontentieux. Intégration d’une initiation au droit dans les programmes du collège et du lycée. En effet, l’ignorance de ses propres droits et du fonctionnement de la justice nourrit fortement le sentiment d’injustice et affaiblit l’intervention citoyenne dans le champ politique. Lancement d’une réflexion pour instaurer un service public de la défense en matière pénale en lien avec les professionnel·le·s du droit. François Fillon Cette proposition est intéressante mais il est indispensable d’en examiner les conséquences techniques et d’apprécier le risque de demandes d’extension à d’autres secteurs d’activité. Il ne serait pas raisonnable de répondre sans une étude approfondie. Emmanuel Macron Je comprends le raisonnement en ce qu’il est fondé sur le principe d’égalité dans l’accès à la justice. Cependant, la TVA est un impôt encadré par le droit communautaire et ne me parait pas constituer la bonne solution pour atteindre une égalité d’accès. La comparaison entre personnes morales et personnes physiques ne me semble pas non plus forcément pertinente : elles bénéficient de régimes fiscaux différenciés dans tous les domaines, ce qui n’est pas critiquable. Il me semble qu’une aide juridictionnelle mieux financée et mieux gérée permettrait de garantir l’absence de discriminations dans l’accès à la justice.

29


LES AVOCATS INTERPELLENT LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

Marine Le Pen Je pense que c’est l’accès à l’aide juridictionnelle qu’il faut revoir afin d’améliorer l’accessibilité de la justice, notamment pour les personnes les plus démunies. Je suis donc favorable à ce que l’on relève le plafond de revenus pour avoir droit à l’aide juridictionnelle (actuellement 1007 euros mensuels par foyer) afin que plus de nos compatriotes y aient accès.

8. La réduction des charges CONSTAT DU CNB : Au cours de la dernière législature, des mesures de baisses des cotisations sociales ont été mises en œuvre pour les entreprises pour leurs salariés rémunérés au SMIC. Ces baisses ne bénéficient pas aux professionnels libéraux exerçant comme travailleur indépendant. Engagerez-vous une politique de baisses des charges sociales pesant sur les professionnels libéraux, afin de leur permettre d’embaucher les personnels dont ils ont besoin pour développer leurs activités ?

Nicolas Dupont-Aignan Je propose de réduire les charges sociales de l’ensemble des entreprises, sans distinguer selon la forme juridique entre professionnels libéraux et sociétés commerciales. Le montant démesuré des charges sociales est un frein pour toutes les activités économiques, de sorte qu’il n’y a pas lieu de distinguer entre les modes d’exercice. Il est important de relever que la profession d’avocat crée sur le territoire français, des emplois non délocalisables. J’ai pour objectif que les charges sociales salariales soient réduites de 30% sur l’ensemble du quinquennat, quel que soit le statut juridique de l’employeur. Jean-Luc Mélenchon Le candidat n’a pas formulé de réponse à cette question François Fillon Je veux une politique économique qui place les entreprises au cœur de la croissance, et qui leur donne les moyens de se développer et de créer des emplois. C’est parce qu’elle réalise des bénéfices qu’une entreprise peut investir, innover, gagner des parts de marché, et donc créer des emplois. Voilà pourquoi il faut continuer à réduire les charges sociales et les impôts des entreprises pour favoriser l’investissement, l’innovation et la création d’emplois. Je veux ainsi réduire massivement les charges sociales et fiscales qui pèsent sur la compétitivité, par un allègement des charges patronales pesant sur les salaires

30


et la production, pour un total sur le quinquennat de 25 milliards d’euros. Dans le même temps, les allègements de charges existantes et le CICE seront intégrés dans un nouveau barème des cotisations. Parallèlement une baisse progressive du taux de l’impôt sur les sociétés à 25% (10 milliards d’euros) renforcera notre attractivité et notre dynamisme. Cette baisse et son calendrier seront votés dès l’été 2017 pour donner de la visibilité aux entreprises et aux investisseurs. Et pour faciliter le démarrage dans la vie professionnelle, je souhaite relever les niveaux de chiffres d’affaires plafonds de l’autoentreprise à 50 000 euros pour les services et que la franchise de TVA soit étendue jusqu’à ces plafonds. Emmanuel Macron En application de ce que je propose dans mon programme, les cotisations sociales des professionnels libéraux seront diminuées, tant pour leurs salariés (du fait de la conversion du CICE en baisse de cotisations), que pour leur propre rémunération (les professionnels libéraux bénéficieront d’un gain de pouvoir d’achat dans le cadre de la bascule des cotisations sociales vers la CSG : leurs cotisations baisseront plus que la CSG n’augmentera.). Les assistants juridiques constituent une source d’emploi certaine, afin de permettre aux avocats de se concentrer sur leur cœur de métier tout en permettant le développement de leur cabinet. La baisse des charges sociales permettra aux avocats d’embaucher davantage de personnel de support. Marine Le Pen Les allègements de charges menés sous les quinquennats Sarkozy-Fillon et de François Hollande ont été mal calibrés et sont inefficaces : ils n’ont pas aidé les entreprises concernées et ils n’ont pas non plus créé suffisamment d’emplois supplémentaires. Je propose donc de redonner de la lisibilité et de favoriser pour ces aides les indépendants, les TPE et les PME. J’abaisserai donc les charges sociales pour ces entreprises de façon lisible et significative en fusionnant les dispositifs d’allègement des charges sociales de manière dégressive. Cet allègement sera notamment conditionné au maintien de l’emploi et les professionnels libéraux en bénéficieront. Benoît Hamon La distinction entre salariat et travail indépendant doit être dépassée par la création d’un statut unique pour tous les actifs. Ce statut sera plus protecteur à partir du socle commun du droit du travail et de la protection sociale. Les prélèvements sociaux seront équilibrés afin qu’à revenus égaux, un indépendant et un salarié, cotisent du même montant.

31


LES AVOCATS INTERPELLENT LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

9. La réforme du RSI CONSTAT DU CNB : Le régime social des indépendants (RSI) connait d’importantes difficultés depuis de nombreuses années, notamment des défaillances des systèmes informatiques. Les avocats relèvent du RSI s’agissant des prestations maladiematernité, ainsi que pour leur régime de prévoyance. Le rapport Bulteau/ Verdier remis au Premier ministre en 2015 avait émis un certain nombre de propositions de réformes et d’améliorations. Souhaitez-vous poursuivre dans cette voie ou mettre en œuvre un nouveau dispositif dans un cadre négocié avec les représentants des affiliés ?

Jean-Luc Mélenchon Constat Le RSI est loin de donner entière satisfaction : ses incohérences structurelles ne permettent pas d’offrir à ses bénéficiaires une protection sociale convenable. Proposition Donner la liberté aux artisans, commerçants, indépendants, chefs d’entreprises et auto-entrepreneurs de s’affilier au régime général de la Sécurité sociale plutôt qu’au Régime social des indépendants (RSI). François Fillon Je veux réformer radicalement le RSI, et le transformer en une Caisse de Protection des Indépendants (CPI) pour : Confier à cette caisse le calcul des contributions, la collecte et la gestion. Mettre en place un calcul et un paiement en temps réel des cotisations liées au salaire, lorsque c’est applicable. Permettre aux indépendants qui ont de faibles revenus et versent la cotisation retraite minimum de valider quatre trimestres de retraite au lieu de trois aujourd’hui. Je souhaite aussi mettre en place un système d’assurance pour les travailleurs indépendants en cas de perte d’activité, sur une base volontaire. Ce fonds sera adossé à la Caisse de Protection des Indépendants (CPI). Emmanuel Macron Comme je l’ai annoncé, le RSI sera supprimé en tant que tel. Ses fonctions administratives et opérationnelles seront adossées sur les services du régime général (recouvrement des cotisations, remboursement des frais de santé, versement d’indemnités, liquidation de la retraite). Pour autant, les droits et règles de cotisation propres aux indépendants seront maintenus et les indépendants conserveront, pour leur protection sociale, une gouvernance dédiée, ainsi qu’un guichet dédié (action sociale, accueil, accompagnement...).

32


Marine Le Pen Le RSI est un véritable fléau pour nos indépendants. La source de ces dysfonctionnements est pourtant bien connue : c’est la réforme Sarkozy-Fillon, opérée à la hâte et maintenue par Emmanuel Macron qui en a fait l’interlocuteur social unique des indépendants, avec le succès que l’on connaît. Tout ceci ne peut plus durer. C’est pourquoi je propose aux indépendants de leur offrir un bouclier social qui consistera à leur proposer le choix de s’affilier au régime général ou de conserver la spécificité de leur régime après une refonte totale du RSI, qui fonctionnera sur la base de l’auto-déclaration trimestrielle des revenus. Ce bouclier social comprendra notamment l’amnistie généralisée pour les arriérés du RSI, parce que les indépendants ne doivent pas payer pour l’incompétence et les défaillances de leur système de protection. Benoît Hamon Le régime social des indépendants ne fonctionne pas. Il sera supprimé au profit d’un statut social unique de l’actif pour que, demain, tous, travailleur indépendant comme salarié, bénéficient de la même protection sociale. La couverture retraite complémentaire et la couverture accident du travail/ maladie professionnelle des indépendants sera améliorée. Nicolas Dupont-Aignan Le RSI connaît en effet des dysfonctionnements graves et répétés depuis de nombreuses années. Je propose par conséquent d’y mettre fin. Le RSI sera remplacé par un système de sécurité sociale unique, qui sera conçu et mis en œuvre dans le cadre d’une négociation avec les représentants des affiliés. Cette négociation permettra notamment de prendre en compte la situation particulière de certaines professions, dont les avocats, pour garantir que la mise en place du nouveau système ne conduise ni à une augmentation des cotisations, ni à une réduction des prestations.

33



PROPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE PROFESSIONNEL


LES AVOCATS INTERPELLENT LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

III. PROPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE PROFESSIONNEL 10. L’acte d’avocat CONSTAT DU PANEL DES AVOCATS : L’article 1374 du code civil institue l’acte sous signature privée contresigné par avocat. Il s’agit d’une variété particulière d’acte sous signature privée doté d’une force probante accrue. La sécurité juridique et l’attractivité économique qui y sont attachées sont ainsi actées. PROPOSITIONS DU CNB : La conservation des actes sous seing privé contresignés par avocat doit pouvoir être faite sous format numérique. Cette copie numérique doit avoir la même force probante que l’acte original. La formalité de l’enregistrement électronique de l’acte sous seing privé contresigné par avocat lui confère date certaine. Le CNB demande que cette date certaine soit également conférée à l’acte natif. Afin de renforcer l’efficacité de ce nouveau type d’acte et d’en développer l’utilisation dans de nombreux domaines, la profession d’avocat demande que soit conférée à cet acte la force exécutoire, (86% des avocats interrogés y sont favorables).

François Fillon L’acte sous signature privée contresigné par avocat que Nicolas Sarkozy et mon gouvernement ont mis en place a apporté, comme vous le soulignez, sécurité juridique et attractivité économique. Je veux poursuivre dans cette voie et l’évolution que vous appelez de vos vœux fera l’objet de discussions entre le ministre de la Justice et les professionnels du droit. Emmanuel Macron S’agissant des originaux numériques et des copies numériques, j’avais une double ambition dans le projet de loi sur les Nouvelles Opportunités Économiques (NOE), qui sera une de mes priorités : ous les documents nativement numériques conservés sous un format T protégeant leur intégrité doivent constituer des originaux, avec autant d’originaux que de documents dont l’intégrité est garantie ; 36


Tous les documents nativement papiers mais numérisés selon une méthode garantissant leur authenticité et sous un format garantissant leur intégrité doivent devenir des originaux numériques. Ce qui permettra de détruire les documents papiers originaux. Ce cadre général s’adresse tout particulièrement aux actes d’avocats qui spécifiquement pourront être conservés numériquement en qualité d’original et auront dans leur format numérique la date certaine du document nativement papier. Concernant le caractère exécutoire des actes d’avocat, la force juridique du caractère exécutoire est conférée à certains actes réalisés par des professionnels ayant qualité d’officier public et ministériel. Or je ne pense pas que cela corresponde à l’essence de la profession de conférer cette qualité aux avocats, avec toutes les obligations qu’un tel statut induit, notamment le contrôle de la part du ministre de la justice et des procureurs généraux.. En revanche, en créant la pluri professionnalité d’exercice et en permettant les associations capitalistiques entre professionnels du droit, j’ai ouvert à la profession d’avocat la possibilité d’être désormais partie totalement intégrée à l’authentification des actes. Marine Le Pen Je suis favorable à ce que la conservation des actes sous seing privé contresignés se fasse sous format numérique ET que cette copie numérique ait la même force probante que l’acte original. La force exécutoire pourra également être attachée à cet acte. Je mets néanmoins une condition : la copie numérique devra se faire via un site public géré par le Ministère de la Justice. Benoît Hamon La création de l’acte d’avocat est une avancée importante à la fois pour la profession et la société. Cela va augmenter les possibilités de négociation et de transaction (le divorce sans juge va d’ailleurs dans le même sens). Il faut donc faciliter son enregistrement et sa conservation. Quant à l’attribution de la force exécutoire, celle-ci est classiquement liée à la qualité d’officier ministériel. Au-delà de cette remarque, il ne serait possible d’accorder la force exécutoire qu’après une étude approfondie pour vérifier que cette décision ne bouleverse pas la répartition des tâches entre les différentes professions du droit. Il faut éviter que la conséquence en soit des milliers de licenciement des salariés des autres professions. Nicolas Dupont-Aignan La création, il y a plusieurs années, de l’acte sous seing privé contresigné par avocat a été une bonne réforme, permettant de conférer une plus grande sécurité juridique à cet acte par rapport à ceux établis par les usagers eux-mêmes, sans les conseils avisés d’un professionnel compétent. Cet acte bénéficie de la garantie déontologique propre à la profession d’avocat.

37


LES AVOCATS INTERPELLENT LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

Il conviendra de poursuivre cette réforme en permettant : que « l’acte d’avocat » puisse être formalisé sous forme numérique, celui-ci devant avoir exactement la même force probante que l’acte original ; qu’il ait date certaine grâce à la formalité de l’enregistrement électronique. Conférer force exécutoire à l’acte d’avocat est un sujet intéressant, qui devra être étudié pour veiller à sa faisabilité technique et au respect des droits des justiciables. Jean-Luc Mélenchon Pas de proposition spécifique sur ce point.

11. Le secret professionnel QUESTION POSÉE PAR LE PANEL DES AVOCATS : La législature qui s’achève a été marquée par des attaques graves et répétées portées au secret professionnel de l’avocat, qui est un élément fondamental des droits de la défense et des libertés individuelles. Êtes-vous favorable à une protection absolue du secret professionnel de l’avocat, à laquelle ne pourrait être apportée aucune exception ? (88% des avocats interrogés y sont favorables) PROPOSITIONS DU CNB : 1° L ’application systématique des dispositions de l’article 56-1 du code de procédure pénale pour toutes les visites domiciliaires et les saisies visant les locaux professionnels ou le domicile de l’avocat, que celles-ci aient été ordonnées par l’administration fiscale, les organismes relevant de la sécurité sociale, le Défenseur des droits ou les différentes autorités administratives visées au code de commerce et au code monétaire et financier. 2° L ’application systématique des dispositions de l’article 60-1 du code de procédure pénale pour tous les cas de l’exercice du droit de communication visant un avocat quelle que soit la nature du détenteur de ce droit.

Emmanuel Macron Je considère que le secret professionnel n’est pas un privilège de l’avocat mais bien un droit du justiciable. Je me porte garant de son respect. La proposition formulée par le CNB s’agissant des visites domiciliaires me semble cohérente. Je souscris donc à l’application des dispositions de l’article 56-1 du code de procédure pénale pour toutes les visites domiciliaires et les saisies. En revanche, s’agissant de l’application systématique de l’article 60-1 du même code dans les cas d’exercice du droit de communication, je serais davantage favorable à une réflexion autour du renforcement de la protection du secret professionnel par l’intervention d’un magistrat, le juge des libertés et de la détention par exemple, en cas de désaccord de l’avocat à la remise du document.

38


Marine Le Pen En effet, de nombreuses attaques graves et répétées ont été portées au secret professionnel de l’avocat mais pas seulement. Les atteintes au secret de l’instruction sont également de plus en plus courantes et il n’est plus rare de voir des éléments entiers d’un dossier fuiter dans la presse sans que les parties concernées aient accès au même dossier. Secret professionnel de l’avocat et secret de l’instruction sont deux conditions essentielles de l’État de droit. Je suis donc favorable à une protection absolue du secret professionnel de l’avocat, à laquelle ne pourra être apportée aucune exception. Les peines encourues pour violation du secret de l’instruction doivent être renforcées et le parquet devra se saisir de toute violation manifeste dudit secret. Benoît Hamon Le secret professionnel est un principe essentiel et une condition même de l’exercice de la profession d’avocat. C’est ce qui permet, par la confiance qu’il installe, de garantir les droits de la défense et des conseils adaptés. Sans préjuger de son caractère absolu, certaines limites et aménagements au secret professionnel sont parfois nécessaires en cas d’impératifs d’ordre public. La lutte contre le blanchiment d’argent, la lutte contre le terrorisme sont notamment deux domaines dans lesquels il peut être nécessaire de porter exception au secret professionnel. Nicolas Dupont-Aignan Je suis entièrement favorable à la protection absolue du secret professionnel de l’avocat. Les atteintes portées à ce secret tant dans les procédures judiciaires que dans les diverses procédures administratives, ne doivent pas être tolérées plus longtemps. La pratique qui consiste, notamment, à saisir des correspondances avocat-client ou à écouter des avocats lors de leurs entretiens avec leurs clients me paraît en outre profondément déloyale et de nature à miner la confiance qui doit exister entre l’avocat et son client. Le corollaire de la politique de fermeté face à la délinquance que je propose est évidemment de ne jamais employer des moyens aussi déloyaux que l’utilisation de la confiance existant entre l’avocat et son client pour incriminer ce dernier ou enquêter à son sujet. C’est pourquoi, je suis favorable à l’application systématique des dispositions de l’article 56-1 du code de procédure pénale aux visites et saisies visant les locaux et domiciles des avocats, ainsi qu’à l’application de l’article 60-1 du code de procédure pénale lorsqu’un avocat est requis au titre du droit de communication. Là encore, la volonté politique du gouvernement jouera un rôle décisif dans la mise en œuvre effective de ces règles et je veillerai en tant que Président de la République au respect du secret professionnel de l’avocat par toutes les autorités publiques.

39


LES AVOCATS INTERPELLENT LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

Jean-Luc Mélenchon Constat Le secret professionnel de l’avocat.e est l’une des garanties, dans une société démocratique, du respect des libertés fondamentales. Il doit être respecté dans les textes mais aussi, et surtout, en pratique. Cependant, une protection absolue du secret n’est pas souhaitable, puisque cela placerait de fait les avocats au-dessus de la justice (impossibilité de pratiquer des perquisitions, impossibilité de pratiquer des écoutes téléphoniques, etc.). Proposition Si le droit positif est clair en ce qui concerne la transcription sur PV des écoutes téléphoniques d’un avocat soupçonné d’avoir participé à une infraction, il doit être précisé à propos de l’interdiction de la simple écoute d’un avocat sur lequel aucun soupçon préalable ne serait apparu. Par ailleurs, le bâtonnier devrait se voir confier un rôle plus actif lors de la mise en œuvre des actes qui portent atteinte au secret professionnel. François Fillon Depuis un certain nombre d’années nous constatons une dégradation du secret professionnel de l’avocat qui est pourtant le marqueur de votre profession et du droit pour chacun, dans une démocratie, d’assurer sa défense. A cet égard la confiance dans l’avocat qui passe par la confiance dans le secret qu’il doit respecter est cardinale. Je suis donc favorable à la restauration du secret professionnel de l’avocat.

12. La formation QUESTIONS POSÉES PAR LE PANEL DES AVOCATS : 1° S eriez-vous favorable à une réforme de la formation initiale des professionnels du droit par la mise en place d’une formation commune à l’ensemble de ceux-ci ? (70% des avocats interrogés y sont favorables) 2° S eriez-vous favorable à la mise en œuvre de nouvelles passerelles professionnelles permettant aux professionnels du droit d’exercer plusieurs professions différentes au cours de leur carrière professionnelle : par exemple une simplification des passerelles entre les professions d’avocat et de magistrat ? (86% des avocats interrogés y sont favorables)

Marine Le Pen Comme je l’ai indiqué dans mon projet, je suis favorable à la mise en place d’une formation commune à l’ensemble des professionnels du droit, avec la mise en place d’écoles d’application du droit. L’École Nationale de la Magistrature sera notamment supprimée en ce sens. Cette formation permettra de faciliter la reconversion des professionnels du droit et d’accroître les passerelles entre les différents métiers.

40


Benoît Hamon Le quinquennat qui s’achève a permis une réforme importante pour l’accès à la profession d’avocat, avec l’instauration d’un examen national au CRFPA qui prendra effet à la rentrée 2017. La formation a également été réformée pour en renforcer la dimension pratique. Si les professions du droit gagneraient à renforcer leurs liens, notamment dans le cadre de la formation, leurs fonctions sont différentes. Une formation commune ne semble pas aujourd’hui être la solution idoine. S’agissant des passerelles entre les différentes professions, elles existent déjà et de nombreux exemples l’ont déjà démontré. Des solutions pour les faciliter et les simplifier sont à porter à la réflexion. Nicolas Dupont-Aignan La réforme de la formation initiale des professionnels du droit est tout à fait nécessaire pour pallier les lacunes unanimement constatées depuis plusieurs années. A ce sujet, la mise en place d’une formation commune à l’ensemble des professionnels du droit est une voie tout à fait intéressante. Cette réforme permettrait, dès le début de l’engagement professionnel, de meilleurs échanges et une complémentarité accrue entre les différentes professions du droit. Je suis également favorable à la création et au développement de passerelles entre les différentes professions du droit. Cela contribuerait à la possibilité d’exercer plusieurs professions au cours d’une carrière, mais aussi à diminuer les incompréhensions parfois constatées entre des professions qui doivent être complémentaires. Jean-Luc Mélenchon Constat La formation initiale des professionnels du droit est encore imparfaite, et inégalitaire. Proposition La formation initiale des avocat.e.s devra être harmonisée au niveau national et les frais d’inscription aux CRFPA devront être encadrés pour permettre à chacun.e d’y accéder sans que lui soient imposées des contraintes financières inacceptables. François Fillon Les professionnels du droit ont une formation initiale commune et ils se spécialisent ensuite par des cursus différenciés. Je souhaite que les avocats poursuivent rapidement la mise en place d’un examen national d’aptitude à la profession d’avocat qui permette l’égalité de tous les étudiants devant l’examen et une certaine régulation du nombre d’avocats entrant dans la profession sans pour autant faire appel à un numerus clausus. Je suis par ailleurs très favorable à la simplification des passerelles entre les professions du droit et notamment entre les professions d’avocat et de magistrat. Je souhaite diversifier l’origine et le profil des magistrats en augmentant de manière significative le nombre de magistrats recrutés hors École Nationale de la Magistrature favorisant au surplus une pyramide démographique du corps plus cohérente. 41


LES AVOCATS INTERPELLENT LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

Emmanuel Macron Je souhaite la constitution d’une grande communauté des juristes. Les Français sont désormais appelés à exercer plusieurs métiers dans leur vie et les juristes qui le souhaitent doivent eux aussi avoir accès à cette fluidité professionnelle, source d’épanouissement personnelle, en capitalisant sur leurs expériences passées. Magistrats, avocats, mais aussi professeurs de droit, juristes d’entreprise, gagneront les uns en expérience «de terrain», les autres en expertise théorique, tous en indépendance, s’ils ne sont pas cantonnés à un seul métier du droit. Pour autant, la formation universitaire commune poursuivie à l’école du barreau ou à l’école de la magistrature ne me parait pas être un frein à la constitution de cette communauté. Il faut en revanche faciliter effectivement les passerelles après quelques années d’exercice.

13. Le numérique au service du droit (LegalTech) CONSTAT DU CNB : Le terme LegalTech désigne toute entreprise proposant une innovation technologique de rupture sur le marché du droit, que ce soit au service des professionnels du droit (B2B) ou directement à destination des justiciables (B2C). Ces entreprises innovantes interviennent sur le même marché que les professions juridiques réglementées. Êtes-vous favorable à un renforcement ou à un allègement de la réglementation encadrant l’intervention de ces sociétés innovantes LegalTech sur le marché du droit ?

François Fillon La réponse à cette question suppose une concertation préalable avec la profession d’avocat avec l’idée de prioriser la protection du justiciable dans le respect des règles déontologiques. Jean-Luc Mélenchon Constat Il est nécessaire d’aménager l’arrivée des nouvelles technologies juridiques, qui tendent pour certaines à « ubériser » le métier d’avocat·e, mais qui répondent bien souvent à de nouveaux besoins. Sans les interdire a priori, il convient d’en encadrer strictement l’intervention. Proposition Nous lancerons donc une conférence réunissant tous les acteurs de la société civile afin de réfléchir aux moyens d’établir un juste équilibre entre les intérêts des praticiens et ceux des justiciables, dans le respect des règles déontologiques propres à la profession.

42


Nicolas Dupont-Aignan Avocats et LegalTechs commencent à travailler ensemble, l’intervention des LegalTechs se faisant souvent en amont de celle des avocats. Il n’y a pas lieu de regretter cette évolution car les deux peuvent et doivent être complémentaires. Les avocats offrent en effet des prestations distinctes de celles des LegalTechs et à forte valeur ajoutée. Les avocats peuvent en effet, notamment : suivre le processus du début jusqu’à la fin, proposer des prestations sur mesure et, en dernier recours, offrir une garantie de compétence car tout avocat engage sa responsabilité civile professionnelle. La collaboration entre avocats et LegalTechs se fera avec d’autant plus de facilité que ces dernières sauront respecter certaines obligations, en ne se plaçant pas en porte à faux par rapport aux principes essentiels portés par la profession d’avocat (notamment confidentialité, conscience professionnelle, probité,…). Aussi, un renforcement de la réglementation encadrant l’intervention des LegalTechs peut être envisagé. Cela devra se faire avec les LegalTechs ellesmêmes, mais aussi avec les instances représentatives de la profession d’avocat qui, au regard de leur objet et de leur expérience, pourront veiller au respect des garanties essentielles pour les usagers du droit. Benoît Hamon Il faut les encadrer à la fois pour éviter une concurrence déloyale au détriment des avocats et pour garantir la qualité des prestations. Emmanuel Macron L’avènement des LegalTechs est une réalité et constitue une évolution irrémédiable qui s’amplifiera. Leurs champs d’intervention dans le domaine du droit sont vastes et protéiformes, pas tous encore connus du grand public : plateformes de services, référentiels, analyse de jurisprudences automatisée, analyse de comportements, smart contrat, blockchains, robots d’individualisation de relations contractuelles, règles de droit individualisées, data room numérique et analyses automatisées, outils d’aide à la décision, justice prédictive... Elles offrent de nouveaux services, mais aussi des services « classiques » réalisés dans des conditions nouvelles, au bénéfice des utilisateurs. La clef de leur développement, au-delà des progrès techniques, se situe dans l’imagination, l’innovation, des paris souvent incroyables ou fous, une grande fluidité d’adaptation et d’évolution. L’enjeu majeur pour l’avocat est d’investir massivement le monde des LegalTechs, de s’emparer de ces nouvelles opportunités. Je suis convaincu que la qualité d’avocat offre aux usagers du droit la meilleure garantie d’excellence et de sécurité juridique dans un cadre déontologique exigeant. Nul ne peut concurrencer ces qualités de l’avocat, dans le monde numérique comme en dehors du monde numérique. La capacité pour les avocats à investir ces domaines passe par la possibilité d’accéder à des modes de financements beaucoup plus ouverts et à la hauteur de ces nouveaux défis. C’est ce que j’ai en partie mis en œuvre avec la loi du 6 août 2015, notamment en permettant aux avocats d’accéder à des sociétés commerciales ouvertes aux autres professions du droit, et partant d’émettre par exemple des obligations simples ou complexes. De même, la réforme de

43


LES AVOCATS INTERPELLENT LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

la.commercialité.permet.à.des.tiers,.via.de.fi.liales.ouvertes.capitalistiquement,. d’investir.dans.des.projets.de.LegalTechs.avec.des.avocats.... Aujourd’hui,. je. considère. que. le. cadre. juridique. d’intervention. des. LegalTechs. permet. de. trouver. un. point. d’équilibre. entre. ce. qui. relève. d’une. profession. réglementée. du. droit,. le. conseil. juridique. par. exemple,. et. ce. qui. relève. de. la. liberté.d’entreprendre,.comme.proposer.des.référentiels.de.jurisprudence..Il.faut. éviter.l’enfermement.des.professions.du.droit.dans.un.monde.qui.les.couperait.de. l’innovation.juridique,.au.risque.de.les.exclure.du.marché.du.droit,.comme.il.faut. éviter. le. développement. de. prestations. totalement. insécurisées,. possiblement. trompeuses. Cet. équilibre. ne. nous. dispense. pas. pour. autant. évidemment. d’observer. précisément. les. évolutions,. car. au-delà. du. champ. d’exercice. des. professions. réglementées,. les. LegalTechs. poseront. très. vite. des. questions. qui. relèvent. du. droit.des.personnes,.de.la.vie.privée,.de.l’égalité.de.traitement.face.au.droit,.etc.. Dans.cette.perspective,.la.vigilance.de.la.profession.d’avocat.est.primordiale. Marine Le Pen Je. suis. favorable. à. l’automatisation. des. procédures. afi.n. qu’elles. soient. notamment.accessibles.via.un.grand.portail.public..Cette.automatisation.doit.se. faire. néanmoins. sous. le. contrôle. de. la. puissance. publique,. qui. est. garante. de. l’intérêt.général. La. réglementation. actuelle. encadrant. l’intervention. des. sociétés. innovantes. LegalTechs. me. semble. suffi.sante. mais. je. lancerai. un. audit. afi.n. d’évaluer. la. pertinence.d’un.allègement.ou.au.contraire.d’un.renforcement.de.la.réglementation.

44


PROPOSITIONS RELATIVES AUX DROITS FONDAMENTAUX


LES AVOCATS INTERPELLENT LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

IV. PROPOSITIONS RELATIVES AUX DROITS FONDAMENTAUX 14. La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) CONSTAT DU CNB : Plusieurs personnalités politiques demandent, au nom de la souveraineté nationale, que la France quitte la Cour Européenne des Droits de l’Homme, notamment suite aux arrêts rendus sur la gestation pour autrui et l’euthanasie. En qualité de candidat à l’élection présidentielle, prendrez-vous l’engagement de ne pas mettre en œuvre un tel retrait ?

Emmanuel Macron Il est hors de question que la France quitte la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Notre pays, patrie des Droits de l’Homme, accueille sur son territoire cette Cour internationale. Nous pouvons en être fiers. La jurisprudence de la Cour a aidé notre droit à évoluer dans un sens protecteur des libertés publiques, là où parfois nous restions arc-boutés sur certains archaïsmes, notamment en matière de procédure. L’article 52-3 de la Charte de l’Union européenne prévoit que la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme détermine le sens et la portée de la Charte. Les partisans d’une démission de la France de la Cour Européenne des Droits de l’Homme souhaitent-ils que la jurisprudence de la Cour, où ne siégeraient plus de juges français, s’impose à travers la Charte ? Veulentils également claquer la porte de l’Union Européenne ? Le Conseil de l’Europe constitue par ailleurs un lieu précieux de diplomatie multilatérale. Assument-ils d’y renoncer ? Pour ma part, je prends l’engagement de ne pas mettre en œuvre le retrait de la France du Conseil de l’Europe. Marine Le Pen Je refuse l’autorité de la CEDH et la suprématie du droit de l’Union européenne sur les normes nationales. Je n’accepte pas les pressions d’autorités supranationales. Je suis pour que la loi qui s’applique en France et aux Français soit décidée en France par les Français, et non par des comités techniques et technocratiques, qui n’ont aucune légitimité démocratique. Si je suis élue présidente de la République, la France retrouvera sa souveraineté et j’engagerai le retrait de la France de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

46


François Fillon Il faut évaluer précisément l’impact sur notre droit de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et de son interprétation par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Il n’y a pas que les arrêts que vous citez qui nourrissent cette réflexion et notre pays de droit écrit doit examiner cette question avec beaucoup de sérieux. Il y a aussi la jurisprudence que vous connaissez concernant l’impossibilité dans un certain nombre de cas d’extrader les terroristes étrangers vers leur pays, jurisprudence qui a suscité de l’émotion non seulement en France mais également dans nombre de pays européens. Dans le contexte actuel cela fait débat et peut être faudra-t-il renégocier si nécessaire cette convention sur certains points en concertation avec nos partenaires européens. Nicolas Dupont-Aignan Je n’entends pas prendre cet engagement. Je souhaite renégocier la Convention européenne des droits de l’Homme et la Charte des droits fondamentaux de la Constitution européenne, qui reprend et accroît encore les dispositions de la CEDH (ratifiée en 2008 par le Parlement, malgré le Non français à la Constitution européenne en 2005). Je veux intégrer dans la CEDH les dispositions de la Convention universelle des droits de l’Homme protégeant les droits des peuples à disposer d’eux-mêmes, anormalement écartées. Jean-Luc Mélenchon La Cour Européenne des Droit de l’Homme est garante du respect des libertés fondamentales et participe, par ses innovations, à leur développement qualitatif et quantitatif. L’adhésion de la France à la Convention EDH ne doit en aucun cas être remise en cause, et l’utilisation de l’article 15 portant dérogation à ladite Convention doit être réservée aux situations les plus graves (et être strictement limitée dans le temps). Benoît Hamon La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales a été signée par la France en 1950 et ratifiée en 1974. Cette Convention est une source de protection pour les Droits de l’Homme et les libertés fondamentales pour 47 pays européens. La Cour européenne des Droits de l’Homme en est l’un des instruments essentiels. Les décisions de la CEDH ont permis à de nombreuses reprises de faire avancer les droits nationaux, et notamment le droit français. L’obligation de la présence d’un avocat en garde à vue en est l’un des exemples les plus récents et les plus forts. Un retrait de la CEDH n’est pas, pour nous, envisageable. Il serait tout à fait contraire à la tradition de la France, pays de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen.

47


LES AVOCATS INTERPELLENT LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

15. L’état d’urgence CONSTAT DU CNB : La loi n°2016-1767 du 19 décembre 2016 a prorogé l’état d’urgence jusqu’au 15 juillet 2017. Il s’agit de la cinquième prolongation de l’état d’urgence depuis les attentats du 13 novembre 2015. L’état d’urgence, de par son caractère exceptionnel s’agissant par exemple des procédures dérogatoires en matière de perquisitions ou de pouvoirs de l’autorité administrative, n’a pas vocation à être prolongé indéfiniment. Les avocats souhaitent connaître vos intentions au-delà du 15 juillet 2017.

Marine Le Pen L’état d’urgence n’est devenu aujourd’hui qu’un vaste plan de communication du gouvernement actuel. Ce gouvernement porte d’ailleurs une très lourde responsabilité. Il n’a malheureusement pas pu empêcher les tragiques événements de l’été dernier. Nous devons vaincre le terrorisme islamiste. Cela passe par un réarmement moral et matériel de nos forces de sécurité et par un renforcement considérable de nos forces armées. Nous devons également veiller à fermer les mosquées radicales et à expulser les imams-prêcheurs de haine. Nous devons également mettre en place la déchéance de nationalité pour les Français qui se rendent indignes de la nationalité française en tuant d’autres Français. L’état d’urgence n’a pas permis non plus au gouvernement de dissoudre les milices auto-proclamées «antifas» qui sont en réalité de véritables fascistes puisque ce sont des groupuscules violents, qui ont une vision anti-républicaine. J’engagerai, moi, la dissolution immédiate de ces milices. Avec toutes ces mesures nous remettrons la France en ordre et nous la rendrons plus sûre. Pour le reste, le maintien de l’état d’urgence ne me semble pas nécessaire car je le répète, il est une illusion et ne sert que la communication du gouvernement. Jean-Luc Mélenchon L’état d’urgence peut se révéler nécessaire dans un temps très voisin à une atteinte à la sécurité de notre pays ; il constitue néanmoins une atteinte aiguë aux libertés fondamentales des personnes se trouvant sur le territoire national, notamment en ce qu’il évince le juge judiciaire de certaines procédures. Il est donc une mesure exceptionnelle qui doit être utilisée selon des modalités strictes, et sous le contrôle du Parlement. Nous proposons donc qu’il soit mis fin à l’état d’urgence dès le début du nouveau quinquennat, et que les dispositions de la loi du 3 juin 2016 instaurant un véritable «état d’urgence permanent» soient abrogées.

48


Benoît Hamon L’état d’urgence était nécessaire au lendemain des attentats de novembre 2015. Il a permis l’arrestation de membres de réseaux criminels, il a également permis de mettre à mal des réseaux susceptibles d’aider à des activités terroristes. Aujourd’hui c’est surtout le droit commun qui est utilisé pour détecter et réprimer des menées visant à semer la terreur. Un état d’urgence qui dure éternellement n’a pas de sens. Il nous faudra, après la période électorale, envisager la sortie de l’état d’urgence, non pas pour baisser la garde, mais pour adapter la manière dont nous utilisons toutes les ressources de nos services de renseignement et de sécurité. La menace existe toujours et nous devons en tenir compte et y répondre. Il faudra alors réunir les représentants des différents groupes parlementaires, les directions des services de renseignement, de police et de gendarmerie, le procureur de la République de Paris pour établir un diagnostic et une stratégie partagée, de manière à élaborer un consensus et les modalités de sortie de l’état d’urgence sans diminuer nos capacités de riposte au risque terroriste. Nicolas Dupont-Aignan L’état d’urgence n’a pas vocation à être prolongé sans limite de durée. Toutefois, il doit être maintenu tant que la menace existe, ce qui est toujours le cas. Pour ne plus avoir à appliquer l’état d’urgence, il faut donc faire disparaître la menace terroriste. François Fillon Vous avez raison l’état d’urgence dans notre arsenal législatif présente un caractère exceptionnel. Parallèlement il faut constater que notre pays est soumis à une menace terroriste jamais atteinte et il nous appartiendra une fois en responsabilités et connaissance prise des éléments précis de la situation de prendre position sur la poursuite ou non de l’état d’urgence pour une durée déterminée. Emmanuel Macron La loi sur l’état d’urgence a été proposée puis adoptée dans des conditions particulièrement dramatiques pour le pays. Il s’agissait d’assurer la sécurité des Français. En tant que telle, elle n’est pas critiquable. Les mesures qui sont prises sous l’empire de cette loi font l’objet d’un contrôle juridictionnel. Néanmoins, l’état d’urgence ne doit pas devenir le droit commun et ce régime juridique n’a certainement pas vocation à être prolongé indéfiniment. La décision qui devra être prise après le 15 juillet 2017 dépendra de l’évolution de la menace terroriste sur le pays et la population. Je ne dispose donc pas à ce jour des éléments, en provenance notamment des services de renseignement, pour indiquer quelle devra être la décision à ce moment-là.

49


LES AVOCATS INTERPELLENT LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

16. La constitutionnalisation du droit à l’assistance d’un avocat QUESTION DU CNB : Êtes-vous favorable à la constitutionnalisation du « droit à l’assistance d’un avocat pour assurer la défense des droits et libertés de chaque citoyen », qui constitue la garantie d’un procès équitable ?

Benoît Hamon Le droit à l’assistance d’un avocat et le droit à un procès équitable sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales. Il s’impose donc à la loi et sa constitutionnalisation ne semble pas aujourd’hui nécessaire. Elle pourrait toutefois être un signal important en faveur de la défense des droits et libertés fondamentales. Nicolas Dupont-Aignan Compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le droit à l’assistance d’un avocat, ainsi que la défense des droits et libertés de chaque citoyen a d’ores et déjà une valeur constitutionnelle. Néanmoins, je ne suis pas opposé à ce que ce droit fondamental soit inscrit explicitement dans la Constitution à l’occasion d’une réforme constitutionnelle plus ample. François Fillon La Constitution est l’acte fondateur de notre République et il faut y toucher avec respect et de façon exceptionnelle, je suis donc réservé sur une modification de la Constitution sur ce point mais je souhaite comme je vous l’ai déjà dit, mettre en place tous les mécanismes qui permettent à tout justiciable d’être assisté par un avocat quelle que soit sa situation pour lui permettre d’avoir un procès équitable. Cela passe notamment par le renforcement des garanties d’indépendance et de secret dont les avocats doivent bénéficier. Emmanuel Macron Le rôle de l’avocat est évidemment absolument fondamental pour assurer une défense effective. Il constitue une composante essentielle des droits de la défense, constitutionnellement et conventionnellement garantis. En l’état actuel du droit, les procédures les plus lourdes au civil et au pénal nécessitent le recours obligatoire à l’avocat, ce qui est en soi la garantie du droit à l’assistance d’un avocat, qui peut être librement choisi. Le secret professionnel qui lie l’avocat et son client est protégé pour garantir le procès équitable. Je sais que la profession s’inquiète des atteintes qui pourraient y être portées. Je m’engage à porter une attention particulière pour éviter ces atteintes, notamment en ce que seule la loi puisse réguler ce qui a trait au secret professionnel. Pour autant, je ne suis pas favorable aux modifications constitutionnelles si elles ne sont pas absolument indispensables. Il me semble qu’ici une réforme constitutionnelle ne s’impose pas.

50


Marine Le Pen La justice doit être équitable, indépendante et accessible à tous. Les libertés publiques n’ont que trop reculé dans notre pays, sous les attaques des gouvernements de droite et de gauche qui se sont succédés. Je veux les renforcer. Je veux refaire de la France un grand pays de libertés, un pays qui fera honneur à la démocratie. La constitutionnalisation du droit à l’assistance d’un avocat est cependant inutile car ce droit est un marqueur constitutif de l’État de droit. En revanche, un vrai marqueur démocratique est bien la protection du secret professionnel de l’avocat, que je renforcerai. Jean-Luc Mélenchon Le programme de la France Insoumise prévoit la refonte de nos institutions par la convocation d’une assemblée Constituante en charge de rédiger la Constitution d’une 6e République. Le droit à l’assistance d’un avocat, en tant que garantie d’un procès équitable, devrait, selon nous, trouver sa place dans cette nouvelle Constitution.

17. L’égalité entre les hommes et les femmes QUESTION DU CNB : Quelles mesures prendriez-vous pour assurer une meilleure égalité hommes-femmes ?

Nicolas Dupont-Aignan Mon projet comporte de nombreuses mesures rassemblées sous l’intitulé «Combat pour les Femmes» : es mesures de lutte contre les violences physiques et psychologiques faites d aux femmes : libérer les femmes des «prisons textiles» dans les universités, les hôpitaux, les entreprises par le bannissement de tous signes d’appartenance religieuse, la création d’un centre d’hébergement d’urgence dans chaque intercommunalité, la mise à disposition de téléphones avec touche «grand danger», le renforcement des sanctions contre les propos et images misogynes, la mise en place d’un vrai plan de lutte contre le harcèlement, etc. ; des mesures pour favoriser l’égalité dans l’entreprise et la conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle : création d’un label «F-H» permettant un allègement des cotisations pour les entreprises respectant l’égalité salariale, la mise en place d’un droit à la formation suite à un congé maternité ou un congé parental, l’infléchissement de la politique de santé publique afin que l’offre de soins spécifiques aux femmes soit strictement assurée ; Je veux que cette égalité existe également devant la retraite grâce à une amélioration de la protection des conjointes de commerçants, artisans et agriculteurs en prévoyant une validation plus souple de leurs trimestres de cotisation vieillesse.

51


LES AVOCATS INTERPELLENT LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

François Fillon En France, l’égalité juridique entre les femmes et les hommes est globalement consacrée. Mais les progrès réalisés demeurent fragiles et on observe encore trop souvent dans notre société des comportements discriminants et des violences intolérables. Or, aujourd’hui, les femmes françaises, qui représentent plus de 51% de la population, ont la possibilité de prendre leur destin en main. Je veux notamment que les mères isolées soient davantage aidées dans leur quotidien pour pouvoir élever leurs enfants tout en poursuivant une carrière professionnelle dans des conditions matérielles décentes en leur donnant par exemple un accès prioritaire aux crèches et aux logements sociaux. L’égalité Femmes-Hommes est une priorité dans nos institutions publiques et dans. la société c’est pourquoi je m’engage à former un gouvernement paritaire. Il faudra aussi évaluer le résultat des premières législations en vigueur (ex participations des femmes aux conseils d’administration) puis poursuivre la construction des outils législatifs adéquats de manière à atteindre l’égalité femmes/hommes. Emmanuel Macron L’égalité hommes-femmes est loin d’être une réalité dans de larges parties de la société et j’attache une importance particulière à mettre fin à cette situation inadmissible. Notamment, les choses progressent trop lentement dans la vie politique et dans l’entreprise. S’agissant de la vie politique, le mouvement « En Marche » a pris des engagements très clairs concernant la parité des candidatures aux élections législatives. S’agissant des entreprises, en plus des dispositions pouvant être prises au plan juridique, j’ai proposé que des campagnes de « testing » soient organisées et que les entreprises les moins vertueuses puissent faire l’objet de signalement public (pratique de « name and shame »). J’encourage les professions libérales à mettre en œuvre des initiatives de ce type pour garantir en leur sein la parité. Marine Le Pen L’égalité Femmes-Hommes est cruciale, essentielle et pourtant les inégalités restent criantes dans notre pays. Salariales d’abord puisqu’à compétences égales, un homme gagne en moyenne 17% de plus qu’une femme selon l’INSEE. Je mettrai donc en place un grand plan national pour l’égalité salariale, en concertation avec les entreprises et les syndicats. L’État devra aussi être exemplaire et je ne tolérerai aucune inégalité dans la fonction publique. Nous lutterons aussi contre la précarité qui touche plus les femmes que les hommes et que l’infâme loi El Khomri a amplifiée. Nous aiderons les mères isolées qui sont elles aussi enfermées dans la précarité, en leur donnant un accès prioritaire au logement social. Mais les droits des femmes reculent également dans nos villes et dans nos quartiers sous la pression de l’islamisme. Oui, dans certains quartiers, les femmes doivent se voiler contre leur gré ou n’ont plus le droit de sortir seules dans la rue ou de se promener en jupe. C’est inacceptable, c’est une atteinte insupportable à l’égalité entre les femmes et les hommes. La laïcité sera donc étendue à l’ensemble de l’espace public et tous les signes religieux ostensibles seront interdits. Je lutterai de manière implacable contre l’islamisme : en fermant les mosquées radicales, en expulsant les prêcheurs de haine, en interdisant le financement de lieux de culte par des puissances étrangères...

52


Jean-Luc Mélenchon Constat Au travail, dans l’accès au logement ou dans la vie quotidienne, les discriminations sont très diverses : sexistes, racistes, homophobes, envers les personnes en situation de handicap, les pauvres, les syndicalistes, les habitant·e·s des quartiers populaires… Elles ont pour point commun de saper les fondements de la République. Des lois répressives existent (selon les cas, de 3 à 5 ans d’emprisonnement et de 45 000 à 75 000 euros d’amende encourus pour les personnes physiques, des amendes cinq fois supérieures pour les personnes morales) mais sont insuffisamment appliquées, faute de volonté politique. Il faut en faire un axe majeur de la politique pénale. Propositions Nous créerons un pôle judiciaire de lutte contre les discriminations par cour d’appel, comprenant des magistrat·e·s du siège et du parquet ainsi que des officiers de police judiciaire spécialisé·e·s. Ces fonctionnaires de police pourront procéder à des opérations de « testing » qui seront versées par procès-verbal aux procédures. Par ailleurs, le programme l’«Avenir en Commun» propose de : I mposer l’égalité de conditions entre les femmes et les hommes dans les institutions politiques, administratives, économiques, syndicales et associatives ; Renforcer la loi et les moyens contre les violences faites aux femmes ; Généraliser le Planning familial dans ses missions de formation et d’éducation pour la contraception et le droit à l’avortement ; Adopter une loi de lutte contre le sexisme ; Abolir la prostitution et garantir la dignité de la personne humaine. Benoît Hamon Beaucoup a été fait pour faire avancer cette cause depuis 2012 mais les inégalités entre les femmes et les hommes persistent dans de nombreux domaines. L’égalité doit être un objectif partagé par toutes et tous. Nous proposons notamment une meilleure protection des femmes victimes de violence par une augmentation des places d’hébergement spécialisé et une amélioration du traitement des plaintes. Les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations en matière d’égalité seront mieux contrôlées et sanctionnées systématiquement. Un service public de la petite enfance sera créé avec 250 000 nouvelles places. Le congé paternité sera allongé à 6 semaines dont 11 jours obligatoires pour répondre à l’attente des jeunes parents et favoriser le partage des tâches parentales. S’agissant de votre profession, la création du statut unique de l’actif en renforçant les droits des salariés notamment en situation de parentalité, constituera une avancée majeure en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.

53


LES AVOCATS INTERPELLENT LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

54



© Conseil national des barreaux. Édition mars 2017 Etablissement d’utilité publique. Art. 21-1 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée 22 rue de Londres - 75009 Paris Tél. 01 53 30 85 60 - Fax. 01 53 30 85 62 www.cnb.avocat.fr Ce document a été élaboré par le Conseil national des barreaux (CNB). Sa reproduction et sa réutilisation ne sont autorisées sans accord préalable que pour un usage privé ou lié à l’activité professionnelle à l’exclusion de toutes fins commerciales. Toute autre diffusion ou réutilisation est soumise à autorisation préalable du CNB qui en conserve tous les droits de propriété intellectuelle. Elle reste dans tous les cas subordonnée au respect de l’intégrité de l’information et des données et à la mention précise des sources.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.