La corruption et les flux financiers illicites

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U4 Issue 2011: 15

La corruption et les flux financiers illicites Les limites et atouts des approches actuelles

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Le second Protocole à la convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l’Union européenne, qui édicte d’importantes dispositions encourageant les Etats à s’entraider même lorsque le délit en jeu n’est pas illégal dans l’un des pays impliqués, fut ouvert à la signature en 2001. A la mi-2009, parmi les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, seuls 18 pays l’avaient ratifié. Ni la France, ni l’Allemagne, ni le Royaume-Uni ne l’ont signé.

D’après le Comité européen de la Chambre des Lords du Royaume-Uni, l’entraide judiciaire entre les Etats signataires des protocoles est « plutôt rare », en grande partie parce qu’elle est longue à mettre en place.

Le cas des Philippines illustre parfaitement ces difficultés d’entraide judiciaire : en 2005, ayant identifié 83 sociétés et fondations du Liechtenstein impliquées dans le blanchiment des fonds de Marcos, l’Etat philippin sollicita l’aide du pays. Trois ans plus tard, il était toujours sans réponse (Chaikin et Sharman 2009, 179). Si l’amélioration de l’entraide judiciaire n’est qu’une question de mise en œuvre des obligations internationales existantes, elle ne devrait pas être problématique. En revanche, si elle dépend de la résistance des Etats aux ingérences étrangères dans la mise en œuvre de leurs politiques nationales, ce facteur doit être pris en compte. Ainsi, par exemple, si le Royaume-Uni s’est montré réticent à signer et à ratifier le second Protocole à la convention européenne, c’est en partie parce que l’accord autorise les CRF étrangères à effectuer des demandes susceptibles d’entraîner le gel de transactions dans le pays (Chambre des Lords 2009).

6.10. Une trop lourde charge pour les pays pauvres : un régime cher conçu pour les pays riches Enfin, il est regrettable que la mise en œuvre des systèmes de LBC partout dans le monde n’ait pas fait l’objet d’une réelle analyse de coût. De nombreuses voix se sont élevées pour critiquer le fait que les politiques majoritairement financées par le secteur privé (c’est-à-dire par les institutions financières) n’ont que rarement fait l’objet d’études d’impact réglementaire et que les pays pauvres ne peuvent assumer leur coût (Sharman 2006, 7-8). La simple lecture de la Recommandation 11 du GAFI suffit à se faire une idée du coût de la mise en œuvre des mesures de LBC dans leur intégralité : Les institutions financières devraient apporter une attention particulière à toutes les opérations complexes, d’un montant anormalement élevé et à tous les types inhabituels de transactions, lorsqu’elles n'ont pas d'objet économique ou licite apparent. Le contexte et l'objet de telles opérations devraient être examinés, dans la mesure du possible; les résultats de cet examen devraient être établis par écrit, et être mis à disposition des autorités compétentes et des commissaires aux comptes.

Les gouvernements sont en outre tenus de financer la création et l’entretien d’une Cellule de renseignements financiers. Les régimes de LBC sont parfaitement adaptés aux systèmes financiers sophistiqués des pays riches, mais ils conviennent en revanche beaucoup moins aux pays plus pauvres, dans lesquels les opérations sont pour la plupart effectuées en liquide, les sources d’identification sont difficiles à trouver et les comptes bancaires compliqués à ouvrir, etc.

6.11. Des défaillances aux causes multiples Comme nous venons de le voir, les régimes de LBC sont fragilisés en plusieurs points, ce qui compromet la lutte contre les flux financiers illicites. Ces défaillances peuvent être divisées en trois catégories non exclusives :

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