état des lieux
URBEX :
l’art de l’exploration
De la France à l’Europe, en ville ou à la campagne, ils traquent les lieux abandonnés pour leur donner une nouvelle vie en photo. Entre illégalité de fait et noblesse de la démarche artistique, l’Urbex cherche à conserver son éthique face à l’effet de mode. | Baptiste Ostré
I
l longe une barrière de sécurité, encerclant une imposante usine au style industriel de fin du XIXe siècle. Se faufile comme si de rien n’était à la recherche d’une entrée. Peine perdue, elle est bouchée par du matériel rouillé, sa large porte close avec du bois et un cadenas explicite le message : vous n’êtes pas les bienvenus. Alors, Tekprod traverse la rue, vérifie que ni voitures ni piétons ne sont à l’horizon, se hisse sur un muret avant de glisser à l’intérieur du bâtiment par une fenêtre. Il atterrit sur un mélange de gravas et de verre brisé. Entre les parties autrefois habitables au charme décrépi, les bureaux
c'est un travail historique, une manière de garder en mémoire les traces du passé 6•
administratifs aux boiseries épaisses, et les zones ouvrières intimidantes, la variété de pièces garde ce point commun : on se croirait dans un tableau post-apo, à mi-chemin entre The Walking Dead et une maison hantée. Tekprod connaît bien le dédale de coursives, qu’il a déjà photographié par le passé. Pénétrer au cœur d’un tel lieu n’est d’ordinaire pas aussi facile, encore faut-il au préalable le dénicher. Pour cela, les Urbexeurs peuvent mener plusieurs mois de recherche, ciblent une zone, une région, un pays, traquent des indices pouvant mener à sa localisation, répertorient sur une carte d’autres endroits désaffectés potentiels. Avant d’enfin partir à l’aventure, vers des maisons, châteaux, hôpitaux, églises ou complexes industriels en friche. Des déplacements souvent lointains, qui peuvent durer de quatre à six jours. « Au-delà, tu t’épuises » raconte Tekprod. « Tu te lèves à 4h du matin, tu as une liste de vingt ou trente lieux à visiter sur un temps très court, certains