spectacle vivant
Ionesco dans le texte [THÉÂTRE] TNT | du 3 au 26 mars | 8 à 15 € | tnt-cite.com
Grand maître de l’absurde, Ionesco pourfend une société obsédée par sa sécurité, claustrée dans le confort de ses certitudes. Clutch pose 3 questions à Laurent Pelly, maître d’œuvre d’un univers sous vidéosurveillance, protégé par un système d’alarme. | Propos recueillis par Paul Muselet
Comment retrouver l’ambiance oppressante du huis-clos dans un espace aussi vaste que le plateau de la grande salle ? J’avais envie de créer un décor inquiétant. Un salon, une salle d’attente ou un lobby d’hôtel, on ne sait pas vraiment. C’est une sorte d’antichambre de la mort. La Cantatrice Chauve ne raconte pas d’histoire. Elle met en scène l’angoisse de l’humanité face au vide, et comment l’être humain tente de le remplir, coûte que coûte. Comme toujours chez Ionesco, nous sommes dans une ambiguïté permanente, à mi-chemin entre la noirceur absolue et la farce quasiment clownesque !
Dans le registre de l’absurde, n’est-on pas tenté de se rattacher au réel quand on est metteur en scène ? C’est primordial. Cette pièce fait le grand écart entre des délires proches du cauchemar et des situations très concrètes. Ce qui est important dans le jeu des acteurs, c’est que chaque réplique - d’une effroyable banalité - résonne en nous comme si nous l’avions déjà entendue. C’est une peinture très réelle des travers absurdes de notre société.
© Polo Garat, Odessa
Un « Jacques Tati hard », comme vous l’aviez déclaré ? Même dans le registre du burlesque, Jacques Tati pouvait-être très sombre. On part souvent du tragique pour élaborer une situation comique. C’est le propre des grandes œuvres du genre. Mais ce qui est raconté ici est bien plus brutal. C’est un texte très fort, il a traversé le temps et n’a jamais cessé d’être actuel.