Annales INRAT 2015 volume 88

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Annales de l’INRAT, 2ème Numéro Spécial Centenaire, Volume 88, 2015.

BACHTA

génétique national. De nouvelles règles de gestion des rapports que les agriculteurs entretiennent avec les ressources naturelles sont à mettre en place. 5. CONCLUSION Sous l’impulsion de son environnement international, le système politique tunisien a adopté une politique économique d’ouverture et ce, dès le début des années soixante dix. Ce choix s’est accompagné par des politiques publiques agricoles qui n’ont pas permis jusque là le développement économique et social de la paysannerie. Celles-là sont conçues selon une vision fonctionnaliste de l’agriculture. Selon cette vision, le secteur agricole devrait contribuer à l’équilibre de la balance commerciale, à l’emploi, notamment en milieu rural, à la sécurité alimentaire, sans prise en compte des conditions socio économiques des agriculteurs, notamment ceux disposant des conditions de production les moins avantageuses. Un tel schéma de développement économique et social a permis la mobilisation des ressources naturelles des zones rurales pour la réalisation des objectifs fixés par l’Etat au secteur agricole. L’exploitation de ces ressources ne s’est pas accompagnée par un réel développement des zones rurales à même d’absorber la main d’œuvre agricole pléthorique, pléthore due à l’essor démographique mais aussi aux changements des techniques agricoles devenues moins intensives en main d’œuvre. Le schéma de développement adopté a été à l’origine d’un processus de destruction du tissu économique et des structures sociales des zones rurales. Un tel processus de destruction sans création a conduit à la disparition de certains anciens métiers en parfaite complémentarité avec les anciennes techniques de production observées dans le secteur agricole. En revanche, les usines agroalimentaires qui ont été créées en prolongement de la diversification et du développement des productions agricoles sont, le plus souvent, près des grands centres de consommations, loin des zones rurales. La conception et la mise en œuvre des politiques agricoles décidées par un Etat plus fort que la société n’ont pas permis la participation des agriculteurs, c'est-à-dire l’instauration de mécanismes de négociation entre le centre et les agriculteurs. Ces derniers ont développé des politiques différenciées conçues en réaction aux décisions prises par l’Administration. Ces réactions ne constituent, le plus souvent, pas l’aboutissement d’une concertation entre les agriculteurs ou des catégories d’agriculteurs. Autrement dit, les agriculteurs n’ont pas pu au cours des cinq dernières décennies développer des règles organisant les rapports entre eux et ceux qu’ils peuvent entretenir avec l’Etat. La révolution du 14 janvier 2011 a mis fin aux anciens rapports que l’Etat centralisé entretenait avec l’ensemble de la population, notamment avec les agriculteurs. Des signes de perte du prestige de l’Etat sont observables, ici et là. Des revendications salariales excessives, des grèves se déclarant, le plus souvent, sans préavis sont les preuves patentes de la détérioration du prestige de l’Etat. Ces changements des rapports entre l’Etat et les agriculteurs devraient se traduire par des révisions des contenus des politiques publiques agricoles prenant en compte l’avènement d’un pluralisme politique. L’élaboration des politiques agricoles dans ce nouveau contexte politique requiert de l’apprentissage de nouvelles règles par le complexe politico administratif. Mais la disparition des anciens rapports introduit de l’incertitude dans les comportements des agriculteurs. Cette incertitude est d’autant plus grande que ces agriculteurs n’ont pas appris à se concerter entre eux pour définir une position commune. Leur capacité de négociation avec l’Administration est aussi quasi nulle. Au vu de ce manque de capacité de négociation et d’élaboration de politiques, les agriculteurs seraient-ils, en définitive à même de proposer des contenus de politique 102


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