CFJ Magazine - Taïwan

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U N E J E U N E D É M O C R AT I E

L E P O I D S D U PA S S É

Mémoires d’un prisonnier politique Victime de la « Terreur blanche » instaurée pendant quarante ans à Taïwan, Huang Ting-chin en a passé la moitié en prison, dont quatre dans le bagne de Green Island. Il s’effraie du retour au pouvoir du KMT, l’ancien parti unique. rop de souffrances, trop de cauchemars. Huang Tingchin ne voulait plus parler de Green Island, l’île où il a croupi pendant quatre années d’enfer. Mais, ces derniers temps, les souvenirs remontent à la surface et les mots affluent. Le retour du Kuomintang au pouvoir et les déboires du DPP – parti composé de nombreux anciens dissidents – l’effraie. Au mutisme, Huang préfère désormais la parole. Il évoque les conditions de détention, les privations, les sévices en vigueur au bagne de Green Island, qui n’a fermé ses portes que dans les années 80.

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tentative d’évasion, à Green Island. En 1987, les prisonniers espéraient attirer l’attention nationale sur leur sort. Par une grève de la faim, puis en tentant de s’immoler. La rébellion fut réprimée dans le sang. Désigné leader du mouvement, Huang fut condamné à perpétuité, et finalement libéré au terme d’une longue procédure. Agé aujourd’hui de cinquante- ans, l’homme n’est jamais retourné sur l’île, devenue entre temps une destination touristique. Il refuse de l’envisager. Trop de souffrances, trop de cauchemars. ■ MAUD NOYON

L’homme au visage décharné et au regard fuyant décrit sa détention dans les moindres détails à tel point que l’interprète s’interrompt. Une torture mimée, mains menottées, doigts manquants, restera sans traduction. Début de l’horreur en 1984 quand Huang était jeté en prison, victime avec 3 900 autres personnes d’une vaste campagne d’arrestations d’opposants politiques. Malgré la levée de la loi martiale en 1987, il restera six années supplémentaires enfermé dans les geôles du pouvoir. Car Huang a été accusé d’avoir fomenté une révolte, assimilé à une

FOCUS

THOMAS VAMPOUILLE

Green Island, la culpabilité d’une île

L’ancienne prison, transformée en musée, est désormais ouverte au public. our des citadins en manque de années, l’Ile Verte a hébergé une colofraîcheur, un rocher tranquille à la nie pénitentiaire connue pour sa végétation luxuriante. Pour des mil- dureté. Centre de correction de la liers d’anciens prisonniers politiques, Nouvelle vie, puis prison de Réforme l’enfer sur Terre. Pendant trente-cinq et Rééducation – baptisée par dérision

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« Oasis villa » –, le bagne de l’Ile Verte aura vu passer de nombreuses figures actuelles de la politique taïwanaise. Dont Annette Lu, l’ancienne vice-présidente DPP. Encerclés par l’océan Pacifique, à quelques encablures des côtes, les 15 kilomètres carré de l’île ont accueilli les premiers détenus en 1951. Ces derniers cassaient du rocher à longueur de journée, et devaient trouver de quoi survivre des cultures et de la nature environnante. Les prisonniers suivants avaient pour seul horizon les quatre murs de leur cellule. Une nourriture rare, des coups et des punitions étaient censés les rééduquer. La prison de L’Ile Verte a définitivement fermé ses portes en 1987. Aujourd’hui, un mémorial commémore les victimes de la prison et les souffrances des survivants. Une façon de soulager la culpabilité de l’île. ■ M. N. Avril 2009

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