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Emploi-formation
Carrières et pandémie
LES TRAVAILLEURS DÉSENCHANTÉS VEULENT FAIRE APPEL À DES ROBOTS
Les employés se tournent vers les robots pour soutenir leur développement de carrière après que la pandémie de Covid-19 les a laissés seuls et déconnectés de leur propre vie, selon une nouvelle étude d’Oracle et Workplace Intelligence, une société de recherche et de conseil en ressources humaines.
«82% des travailleurs sont d’avis que les robots peuvent mieux soutenir leur carrière qu’un humain.»
La fin de l’année approche à grands pas. Pour beaucoup de travailleurs, c’est l’heure de faire le bilan. Quelles ont été les principales réussites en 2021? Quelles compétences développer en 2022 en vue d’une évolution professionnelle? Faut-il partir à la conquête de nouveaux horizons pour développer ses talents? Ces questions classiques, que tout un chacun se pose au cours de sa vie professionnelle, ont dernièrement cédé la place aux inquiétudes, à l’appréhension et au doute. Après plus d’un an de pandémie, l’incertitude ambiante a en effet laissé de nombreux travailleurs dans une tourmente émotionnelle, leur donnant l’impression que leur carrière échappe à leur contrôle. Jugez plutôt: selon une récente étude d’Oracle et Workplace Intelligence effectuée sur plus de 14’600 employés, managers, responsables RH et cadres dirigeants dans treize pays, plus de 75% de personnes se sentent «coincées» personnellement et professionnellement – certaines évoquent le manque d’opportunités de croissance professionnelle, d’autres le sentiment d’être trop débordées pour apporter des changements – 31% sont anxieuses quant à leur avenir et 26% se sentent «plus seules que jamais».
Des problèmes de santé mentale L’étude poursuit en rappelant que la crise sanitaire a eu un impact considérable sur l’équilibre psychique des travailleurs. Plus de la moitié des personnes disent avoir plus de problèmes de santé mentale au travail en 2021 qu’en 2020 et 62% ont trouvé que 2021 était «l’année la plus stressante au travail de tous les temps». Ce stress est imputable à différents facteurs: difficultés financières pour les uns, démotivation pour les autres ou encore déconnexion de sa propre vie. Plus généralement, on observe un désenchantement quant à la possibilité de trouver dans l’entreprise un terrain
«82% des travailleurs sont d’avis que les robots peuvent mieux soutenir leur carrière qu’un humain.» LDD
d’expression de son potentiel. Près d’un quart des sondés affirme ne voir aucune opportunité de croissance dans leur entreprise. Pourtant, à l’approche de 2022, le développement professionnel est une priorité pour tous. Les travailleurs recherchent en effet des emplois qui leur permettent de développer pleinement leurs compétences (34%) et qui leur offrent des opportunités pour de nouveaux rôles au sein de leur entreprise (30%). En échange, certains sont prêts à renoncer à des avantages clés tels que les vacances (52%), les primes monétaires (51%) et même une partie de leur salaire (43%)! S’agissant du sens, 88% des personnes déclarent que leur définition du succès a évolué durant la pandémie. Leurs priorités sont désormais un équilibre travail-vie personnelle (42%), la santé mentale (37%) et la flexibilité du lieu de travail (33%). Ces constats rejoignent ceux du groupe d’entreprises Malakoff Humanis selon lequel six jeunes sur dix sont d’avis que la crise a questionné le sens de leur travail. Sur LinkedIn, le hashtag #QueteDeSens n’a d’ailleurs jamais été aussi populaire.
Des robots à la rescousse Comment sortir du marasme? Toujours selon Oracle et Workplace, 75% des personnes seraient prêtes à adopter des changements de vie basés sur les recommandations d’un robot. Est-ce la fin des conseillers en gestion de carrière? La question reste ouverte. Il n’en reste pas moins que 82% des travailleurs sont d’avis que les robots peuvent mieux soutenir leur carrière qu’un humain en donnant des recommandations impartiales, mais aussi en répondant rapidement aux questions sur leur carrière ou en trouvant de nouveaux emplois qui correspondent à leurs compétences actuelles. On le sait, les rites d’interaction sociale ont été mis à mal durant la pandémie qui a supprimé les poignées de main et imposé les masques qui nous privent de certaines expressions faciales essentielles à la communication. Cette distance semble avoir évolué en méfiance à l’égard de son prochain. On lui préfère désormais une machine inexpressive. Le même danger guette depuis plusieurs années les journalistes. Pour rappel, selon Kris Hammond, CEO de Narrative Science, d’ici à 2030, 90% des articles de presse seront rédigés par des robots. L’agence Associated Press fait d’ailleurs déjà appel depuis 2015 à Wordsmith, un robot capable d’écrire un article en quelques dixièmes de seconde pour un coût unitaire quasi nul. Rappelons également le fait que le manager robot est déjà une réalité. Chez Uber par exemple, l’employé ne répond pas aux ordres d’un supérieur hiérarchique mais à ceux d’une plateforme numérique qui lui demande s’il souhaite (ou pas) faire une course ou livrer un repas. «Le travailleur se trouve dans une situation paradoxale où il est à la fois son propre patron, puisqu’il peut choisir de travailler ou non, de ses horaires et de sa disponibilité, analysent Cécile Dejoux et Emmanuelle Léon, co-autrices du livre Métamorphose des managers. Dans le même temps, il reçoit régulièrement un retour sur sa performance: temps moyen d’acceptation d’une course, temps de trajet pour atteindre le client ou le restaurant, évaluation des clients, refus de courses.» Terminons sur une anecdote révélatrice. «Le logiciel du Los Angeles Times exerce une veille sur les données de l’Institut géologique américain, écrit Damien Desbordes dans Les robots vontils remplacer les journalistes? Le 22 juin 2017, Quakebot a annoncé un séisme d’une magnitude de 6,8 qui a lieu en... 1925. L’erreur venait de la newsletter, où une petite main avait remplacé 1925 par 2025. Or, le robot n’a pas eu le réflexe que tout journaliste est censé avoir: vérifier avant de publier. Ne sachant pas qu’on était en 2017, le robot s’est juré qu’il tenait un scoop. Ce qui a eu pour effet de créer une petite panique en Californie.» Jusqu’à ce qu’un journaliste en chair et en os démente... Amanda Castillo