Pleins feux sur la neutralité
carbone L
es sociétés BHP, Rio Tinto, Vale et Teck se sont engagées, depuis une année, à atteindre la « neutralité carbone » (zéro émission nette de dioxyde de carbone) à l’horizon 2050. La course est lancée. Au Canada et dans des pays plus lointains, les sociétés minières tentent de « décarboniser » leurs activités, à savoir réduire, voire supprimer leurs émissions de dioxyde de carbone (CO2), en utilisant des parcs de véhicules électriques, en puisant leur énergie dans des sources plus écologiques et en mettant au point des stratégies plus propres pour les méthodes de fusion et le transport des marchandises. « Jusqu’ici, il était bienvenu d’adopter des mesures écologiques. Aujourd’hui, c’est une tendance généralisée. Des sociétés [de fonds mutuels] telles que BlackRock proclament que la [responsabilité] environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) constitue un facteur de décision important pour ses investissements dans des actions minières », déclarait Julian Kettle, vice-président de la section Métaux et mines de la société de conseil spécialisée dans l’énergie Wood Mackenzie. Les efforts de « décarbonisation » (à savoir l’ensemble des mesures et techniques visant à réduire la teneur en carbone, plus spécifiquement en CO2, des énergies, voire d’une économie entière) déployés par les sociétés minières ont jusqu’à présent été « décevants », déplorait-il. Des promesses telles que celles, récentes, de Rio Tinto, d’investir un milliard de dollars américains (soit l’équivalent de 1,4 milliard de dollars canadiens) dans des initiatives vertes sont, certes, « un bon départ, mais devront faire leurs preuves rapidement ». Une course contre la montre que la pandémie liée au COVID-19 rend désormais encore plus complexe. Certaines démarches en faveur de la décarbonisation des sites sont éprouvées, testées et constituent une option compétitive. Dans les nouvelles mines, il est logique sur le plan économique de puiser l’électricité dans des sources d’énergie renouvelables. L’énergie propre est, par définition, plus écologique et peut parfois être moins onéreuse que l’électricité produite à l’aide de combustibles fossiles. Les autres stratégies de décarbonisation requièrent une innovation et un investissement supplémentaires. 52 | CIM Magazine | Vol. 15, No. 3
Alors que les sociétés minières s’engagent à réduire leur empreinte carbone, la portée de cet engagement ne cesse de croître Par Cecilia Keating
Par rapport à l’exploitation minière souterraine, la disponibilité et la maturité de l’équipement électrique utilisé pour l’exploitation minière à ciel ouvert accusent un certain retard, et les efforts visant à décarboniser les procédés à forte intensité de carbone tels que la production d’acier et la fusion de l’aluminium (que l’on considère toujours plus comme étant en partie de la responsabilité du secteur minier) se trouvent dans un état encore plus embryonnaire. L’examen minutieux des émissions de CO2 engendre inévitablement une surveillance encore plus rigoureuse et constitue un enjeu supplémentaire pour les producteurs de produits de base. Les émissions de champ d’application 3, à savoir des émissions résultant d’activités extérieures et en aval de la chaîne de valeur telles que le transport, la fusion et l’utilisation finale des matériaux, peuvent être jusqu’à 30 ou 40 fois supérieures aux émissions résultant des activités opérationnelles ou de l’utilisation d’électricité sur place dans une mine. En 2019 par exemple, Teck a généré 290 kilotonnes d’émissions de CO2 provenant d’électricité produite à l’extérieur de ses sites, 2 936 kilotonnes dans ses exploitations et 73 000 kilotonnes en aval de la chaîne d’approvisionnement. En d’autres termes, 96 % de ses émissions de CO2 étaient générées après que les matériaux ont quitté l’exploitation. De même, les émissions de champ d’application 3 de Vale en 2018 représentaient 96 % des émissions totales de la société. Elles étaient initialement réparties entre les navires (2 %) et les clients (93,9 %). Ceci explique qu’un nombre croissant d’investisseurs et de consommateurs appelle l’industrie à inclure les