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ART, CU LT URE URBA I N E E T M ULT I M ED I A TEXTES LOÏC CHAUX PHOTOS GWAEL DESBONT
VOYEZ-Y CE QUE VOUS VOULEZ On ne parle pas souvent d’art abstrait, dans ces pages. Avec Théophile Delaine, ce sera fait.
A
voir pour la première fois devant les yeux les toiles de Théophile, c’est avoir ce réflexe, comme devant toute œuvre abstraite : essayer d’y voir quelque chose, de deviner des formes connues derrière l’accumulation des couleurs. Bonne idée ? “Lors des expositions, j’aime écouter ce que le public voit dans mes toiles. Moi, lorsque je les crée, je pense à quelque chose, oui. Mais chacun arrive avec son histoire, ses sentiments, et chacun va y voir ce qu’il veut. Mais moi, je sais ce que j’y mets.” Son expo, Voyage, encore visible jusqu’à fin septembre au Va Piano, à Saint-Denis, frappe d’abord par ses couleurs. Il a voulu des “toiles vivantes”, jouer sur “le champ sémantique des couleurs”. Chaque tableau exprime une étape personnelle d’un voyage, les teintes et les coups de pinceau faisant le reste. Il faut dire qu’il a eu le temps d’y réfléchir, à cette thématique : “Quand on se déplace, on se confronte à soi-même. Puis, quand on change d’endroit, on emporte avec soi ses expériences précédentes. Et quand je “sclérose” à un endroit, je me dis qu’il est temps de bouger. D’ailleurs, mon expérience me fait dire une chose, c’est que cette notion du voyage évolue, elle devient de plus en plus précise. Mais attention, on n’est pas obligé d’avoir voyagé pour ressentir ce que j’ai voulu exprimer ici. La vie elle-même est un voyage.”
C’est toujours très compliqué, de parler de l’art abstrait, lorsque notre culture dans le domaine est proche du néant. Pourtant, nous vous le disons tout net : les toiles de Théophile sont accessibles au néophyte. Lors de notre visite, il nous a conseillé de prendre du recul, d’embrasser la toile du regard, de ressentir, tout simplement. Et il a raison : c’est fou comme, si on veut bien prendre un peu la peine de plonger son regard dans ces tableaux, tout à coup, nous vient quelques sensations de vertige, de joie, parfois même de mélancolie. On sent bien que l’artiste a voulu nous raconter quelque chose ; cela vaut peut-être le coup de l’écouter… ou de le voir, en l’occurrence. Mieux : le regarder.