Du bruit autour de la PAC

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DU BRUIT AUTOUR DE LA PAC Pourquoi est-il urgent de parler de la politique agricole commune de l'UE ?

Ce vendredi 23 octobre, dans l’ignorance et l’indifférence générale, un vote de la plus haute importance se déroulera au Parlement Européen. En effet, tous les 7 ans, les eurodéputé·e·s sont amené·e·s à se prononcer sur une réforme de la PAC, la Politique Agricole Commune de l’Union Européenne. La nouvelle proposition de réforme, qui sera discutée de mardi à vendredi au Parlement Européen, semble répondre en premier lieu aux intérêts des grands industriels. Dans un contexte de Green New Deal1 et de promesses ambitieuses de la part de la Commission Européenne, c’est par là un pilier majeur de la transition écologique au niveau Européen qui sera figé dans le marbre 2.

Qu’est-ce que la PAC ? La PAC est la politique agricole commune aux états membre de l’Union Européenne. Prévue par le traité de Rome, elle est entrée en vigueur en 1962 et constitue l’un des fondements de la construction européenne. Son objectif était de garantir une sécurité alimentaire pour l’ensemble des européen·ne·s en augmentant la productivité du secteur. Le but était de rendre la Communauté des états membres auto-suffisante, plus solidaire et de moderniser un secteur agricole encore très disparate selon les pays. Elle constitue encore aujourd’hui 38% du budget européen 3 et est considérée comme un des leviers d’actions majeurs pour les enjeux d’autosuffisance alimentaire et de développement durable au niveau Européen.

Comment ça fonctionne ? Concrètement, La PAC est divisée en 3 piliers 4 : 1) Les aides directes : Il s’agit d’un soutien financier directement accordé aux agricult·eur·rice·s. Les aides sont distribuées selon 2 critères : 85% en fonction de la surface de l’exploitation et 15% en fonction du potentiel de production5. Ces critères font débat, car ils favorisent les grandes surfaces de production au détriment de petits producteurs. 2) Le développement rural :

Cette partie de la PAC est cofinancée par les états-membres. Il s’agit d’un soutien accordé aux agricult·eur·rice·s en situation de désavantage compétitif lié à leur zone géographique, leur pratique ou du fait de leur démarrage dans le secteur. Cette aide complémentaire a pour but de favoriser la compétitivité de l’agriculture, de garantir une gestion durable des ressources et d’établir des mesures pour préserver le climat mais aussi d’assurer un développement territorial équilibré des économies et des communautés rurales6. 2) L’organisation commune des marchés : Cet axe de la PAC sert à garantir une stabilité sur les marchés agricoles par des interventions de l’UE. Son rôle est également d’aiguiller le secteur agricole afin qu’il s’adapte aux évolutions du marché 7. 1) https:/ / ec.europa.eu/ info/ strategy/ priorities-2019-2024/ european-green-deal_ fr

2) Lire aussi : https:/ / www.natagora.be/ news/ le-parlement-europeen-sauvera-t-il-le-green-deal? fbclid= IwAR0MOomtEwsXiMA9BerbvPcWy_ 8kHduPMCrwlHqaiSV1ZbuCcDoTp8aNoYY 3) https:/ / fr.wikipedia.org/ wiki/ Politique_ agricole_ commune?fbclid= IwAR30Gvi3BRiJQ4mLo6khyogGnQTOEAZ6Ao6SajyIN6Ob8tnKRylrGKa1vc#Budget_ de_ la_ PAC_ (en_ millions_ d'%E2% 82%AC) 4) https:/ / ec.europa.eu/ info/ food-farming-fisheries/ key-policies/ common-agricultural-policy/ cap-glance_ fr#howitspaidfor 5) https:/ / ec.europa.eu/ budget/ graphs/ revenue_ expediture.html 6) https:/ / ec.europa.eu/ info/ food-farming-fisheries/ key-policies/ common-agricultural-policy/ rural-development_ fr 7) https:/ / ec.europa.eu/ info/ food-farming-fisheries/ key-policies/ common-agricultural-policy/ market-measures/ market-measures-explained_ fr


Quel est le problème ? Aujourd’hui, le monde agricole n’a plus la même allure qu’au début de la PAC : les fermes sont plus grandes mais moins nombreuses et des conditions de plus en plus difficiles pour des petit·e·s producteur·trice·s. Les prix de vente des aliments en supermarché ne permettent pas de couvrir les frais et coûts de production des agricult·eur·rice·s. Iels dépendent des subsides alloués par la PAC pour vivre, ou survivre. De plus, comme explicité auparavant, La PAC alloue davantage de subsides à l’agriculture industrielle, à grande échelle et à rendements très élevés 8. Elle encourage ainsi la surexploitation des ressources qui s’accompagne d’une utilisation généralisée de pesticides, réduit la diversité des cultures et menace la biodiversité.

Par ailleurs, les subsides alloués aux grandes exploitations sont à l’origine d’une surproduction. Ces surplus sont exportés vers le Sud et vendus à un prix inférieur au prix local, menaçant ainsi l’agriculture vivrière (dumping) 9 . Des agriculteur·trice·s du Sud tenteront de venir travailler en Europe pour sortir de la misère et y seront exploités, augmentant encore notre productivité et diminuant encore les prix10.

En tant que telle, la PAC pourrait être un outil adapté pour arriver à concilier sécurité alimentaire, revenu digne pour les agriculteur·trice·s et respect des écosystèmes. Ainsi, pensée différemment, la PAC pourrait favoriser la transition vers un secteur agricole plus durable et résilient face aux futurs chocs liés au dérèglement climatique, freiner la perte de biodiversité dans l’Union Européenne et permettre à une plus large tranche de la population de se nourrir de façon saine et durable. Malheureusement, les sommes déboursées pour des enjeux environnementaux restent marginales par rapport à celles qui poussent à une production (trop) intensive. De fait, selon les critères actuels, il faut avant tout produire beaucoup pour toucher plus de subsides 11.

Que va-t-il se passer ce vendredi 23 octobre 2020 ? Ce vendredi se tiendra le vote au Parlement, vote qui aurait été une occasion de faire établir de nouvelles mesures favorisant l’agroécologie et les plus petits producteurs. Et, a priori, tous les indicateurs étaient au vert et les associations militantes se réjouissaient d’une réforme de la PAC qui prenait en compte les enjeux de durabilité et d’agroécologie. Cependant, sous la pression de lobbys industriels, entres autres la CopaCogeca, lobby européen rassemblant de nombreux industriels du secteur agricole, la réforme actuellement à l’ordre du jour ne correspond en rien au texte de réforme initial et ne répond plus à ces idéaux12. Le texte de réforme a été proposé récemment et est extrêmement complexe techniquement d'une complexité technique extrême, et il est donc difficile d’en analyser chaque tenant et aboutissant en détail. Notons que c’est une stratégie fréquemment suivie utilisée par les lobbys industriels.

8) Lire aussi « Croître ou céder ? » : https:/ / fr.boell.org/ fr/ 2019/ 02/ 11/ fermes-croitre-ou-ceder 9) https:/ / www.rfi.fr/ fr/ emission/ 20190415-impacts-pac-paysanneries-afrique 10) Lire aussi : https:/ / www.lemonde.fr/ planete/ article/ 2019/ 09/ 02/ en-andalousie-plongee-dans-l-enfer-des-serres-de-la-tomatebio_ 5505296_ 3244.html 11) En réalité, il a été prévu de diminuer le montant des aides pour les très grandes exploitations ( https:/ / ec.europa.eu/ eip/ agriculture/ en/ news/ future-food-and-farming) en prévoyant un plafond et un prélèvement sur les exploitations à partir d’un certain montant. Mais cette mesure n’aura que peu d’effet puisqu’il est possible de faire augmenter ce plafond à hauteur des charges de travail ; (lire aussi : « Une politique agricole si peu commune » : https:/ / www.monde-diplomatique.fr/ 2018/ 10/ COURLEUX/ 59117)


En effet, comme explicité lors d’un article au sujet du lobbying dans les institutions européennes13 dans le Bulletin de rentrée, les lobbies industriels sont particulièrement puissants et influents dans l’élaboration et la modification de divers projets de loi. Au niveau Européen, ces projets de loi sont élaborés par la Commission Européenne, puis débattus et amendés au Parlement Européen – à la COMAGRI (Commission de l’agriculture et du développement durable) -et au Conseil de l’UE, qui rassemble les ministres des divers états membres. Dans le cadre de cette réforme-ci, le lobby Copa Cogeca (comité des organisations professionnelles agricoles européennes),), exerçant une influence majeure dans le processus législatif européen14 , semble avoir contré les velléités de verdissement de la politique agricole commune avec succès. Ce vendredi, les eurodéputé.e.s voteront donc pour une version non satisfaisante de la PAC. C’est dans ce contexte de prolongation du statu quo que de nombreuses associations et militant·e·s appellent à voter non au projet de réforme actuel.

Que faire à notre échelle? Du bruit. Manifester notre mécontentement du système agricole actuel et notre envie de nouvelles mesures mieux adoptées aux enjeux environnementaux et sociaux actuels. Greenpeace a lancé ce matin une pétition à signer d’ici mercredi pour une vraie réforme de la PAC. Signez-là ! Partagez cette publication et la pétition !

Lien vers la pétition : https:/ /www.greenpeace.fr/ petition-pac/ Les retombées de la PAC nous concernent directement15. L’agriculture joue un rôle plus qu’essentiel dans notre système alimentaire. Or l’urgence climatique et la détresse socio-économique des agricult·eur·rice·s nous imposent un changement de nos systèmes alimentaires 16 . Changeons la PAC, pour préserver la biodiversité, assurer une alimentation saine à l’ensemble de la population européenne et arrêter de négliger les enjeux climatiques.

13) https:/ / issuu.com/ bulletinlibrex/ docs/ bulletin_ version_ 80_ pages_ cover_ sans_ marges?fbclid= IwAR1D2qVcCFhnoNZAPOtEo14HcHJfmAyQnjFncVjd-SKRckwhBPwvu5OOVY pages 70 à 73 14) https:/ / corporateeurope.org/ en/ 2020/ 10/ privileged-access-copa-cogeca-and-industry-dg-agriculture 15) https:/ / pouruneautrepac.eu/ comprendre-la-pac/ la-pac-ca-mimpacte/ 16) Lire aussi « Je pige pas ces bouffeurs de graines, pourquoi manger c’est voter » : https:/ / asbean.be/ 2019/ 08/ 22/ as-bean/


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