The graduates Une expo des étudiants en photographie du 75
Une photo ne dit jamais la vérité Une vingtaine d’étudiants sortent cette année de la section photo de l’école supérieure Le 75 réputée pour son approche documentaire. Trois d’entre eux nous parlent de leur travail et de leur vision du monde. — GILLES BECHET © LOUP GUICHARD
FR
L’Expo Jurys est un événement important pour les étudiants du 75 , comme Loup Guichard qui interroge, avec ses photos, notre rapport aux animaux et notre regard sur la ville et ses éléments au premier abord sans originalité.
20
L
e 75 a 50 ans. Parmi les quatre sections que propose l’école supérieure artistique implantée à WoluweSaint-Lambert, la photographie est sans doute celle qui a le plus contribué à sa renommée. Une réputation qu’elle doit à une tradition documentaire et au travail d’accompagnement pour, au bout de trois années, faire de ses étudiants des auteurs. « Pour nous, le challenge c’est qu’ils ne viennent pas tous avec le même bagage. Certains savent très tôt ce qu’ils ont envie de faire, chez d’autres, un déclic sur les enjeux et les possibilités de la photo peut se faire à l’occasion d’un exercice ou d’une rencontre avec un des photographes invités », explique Philippe Jeuniaux, professeur. Cette année, une vingtaine d’étudiants ont défendu leur travail devant le jury de fin d’études concluant trois années d’apprentissage. Titulaire d’un BTS en design graphique à Marseille, Alexane Lafon est venue au 75 pour approfondir sa technique et apprendre à travailler en projets. « Je faisais de la photo surtout pour ne pas oublier. Et je faisais un peu de tout sans penser une thématique. » Son premier projet personnel s’est tourné vers l’avortement qu’elle avait vécu quelques années plus tôt. Elle a eu envie d’en explorer les traces en
textes et en images. En troisième, elle s’est tournée vers les autres pour recueillir les ressentis de femmes qui avaient vécu le même traumatisme. « En trois ans, j’ai essayé de faire quelque chose qui se tient en explorant le même sujet par des chemins différents. » La finalité de ce travail est la réalisation d’un livre où elle rassemble des photos, des portraits, parfois des images plus métaphoriques, mais aussi des documents et témoignages recueillis au cours d’entretiens approfondis. « J’ai appris énormément de choses avec elles, car c’est en parlant qu’on apprend à s’accepter. Et dans mes images, j’essaie d’apporter ma patte tout en restant extrêmement juste. » Loup Guichard avait déjà fait un BTS photo en France et il est venu chercher au 75 un bagage théorique et une pratique personnelle du documentaire. Dans son travail de fin d’études, il a choisi de parler de la disparition progressive de certaines espèces animales. « Je me suis demandé si à Bruxelles, il n’y avait pas des petits éléments visuels qui témoignent de notre relation problématique avec les animaux. » Ce qui l’a amené à s’intéresser aux stickers placés sur les vitres pour empêcher les oiseaux de s’y fracasser, à la silhouette métallique d’un éléphant dans une plaine de jeu ou aux coquelicots hauts de trois mètres affichés sur des immeubles du quartier européen. « Une photo ne dit jamais la vérité, ce n’est pas sa fonction. J’essaie avec mes images de changer le regard des gens sur ce qui est perçu comme banal ou insignifiant. » Elise Dervichian a découvert la photo à l’Académie de Bruxelles. Elle est venue au 75 après un an de photo à Sint-Lukas où l’orientation trop conceptuelle ne lui convenait pas vraiment. Attirée par le documentaire, elle se consacre principalement au portrait. Un exercice dans le Cantal, où elle a été chargée de réaliser des portraits des maires de différents villages, a joué comme un déclic. « J’aime le travail de commande et dans le portrait, j’aime la rencontre avec des gens. Dans un portrait toute