BRUZZ - editie 1773

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‘La danse m’a sauvé la vie’ FR

Dans le cadre du festival WIPCOOP, plateforme révélatrice de nouveaux talents dans la ville, le jeune danseur et chorégraphe congolais Lucas Katangila propose un spectacle qui dénonce le pillage des richesses et l’exploitation de la population de son pays. — GILLES BECHET

La veste du président, c’est celle que chaque politicien congolais enfile dans sa course au pouvoir. « Je viens de l’est du Congo », explique le danseur, chorégraphe et activiste Lucas Katangila. « Dans mon pays, la course au pouvoir est comme un jeu où la population est toujours perdante. On n’a pas d’autres moyens de revendiquer nos droits. On ne peut pas faire grève, on ne peut pas manifester. Moi je préfère la danse à la violence. » C’est pour ça qu’il a voulu faire un spectacle politique qui ne se voile pas les yeux devant les atrocités commises dans le Kivu. « J’aime bien être clair et que les gens comprennent ce que je raconte par mes mouvements. » Lucas vient d’une famille d’artistes. Son grand-père, le Roi Katangila, était à la tête d’une troupe de danse traditionnelle Mboko. À six ans, le jeune garçon y jouait des percussions et voyait ses sœurs, ses tantes et ses frères danser autour de lui. « J’ai été très tôt pris

par la danse, plus que par les études. La danse, c’est toujours un moment de joie et de partage. » Après, avec d’autres adolescents dans les rues de Goma, il découvre le hip-hop et les clips de Michael Jackson. Ses parents voyaient d’un mauvais œil ce passe-temps de voyou et ses battles entre quartiers qui pourtant les mettaient à l’abri de la violence.

CYBER-RENCONTRE C’est par internet que la danse contemporaine est entrée dans sa vie. « Je devais demander de l’argent à ma mère pour aller au cybercafé. C’est là que j’ai découvert Martha Graham dont j’ai commencé à reproduire les mouvements. » Les gestuelles fluides et ralenties de la chorégraphe américaine le fascinent parce qu’elles se démarquent de la danse hip-hop et sa grammaire plus saccadée. À Goma, avec ses deux frères et des amis de son quartier, il fonde l’association Ndoto Kids Dancers pour resocialiser les gamins des rues, souvent d’anciens enfants-soldats, à laquelle il redistribue la moitié de ce qu’il gagne en Europe. « On retrouve déjà des enfants de 4 ou 5 ans livrés à eux-mêmes et qui consomment des drogues. La danse

m’a sauvé la vie et je veux partager cette expérience avec les enfants de Goma. » À Bruxelles, il suit des cours d’art et de chorégraphie à l’Académie de Bruxelles et ensuite participe aux créations chorégraphiques 9 Forays de Louise Vanneste, ou East African Boléro de Wesley Ruzibiza. Avec la danse qu’il pratique aujourd’hui, il veut créer des ponts entre la danse et les cultures d’Afrique et d’Europe. « En Afrique, on n’explique pas la danse, on la dessine avec son corps alors qu’en Europe on l’écrit. Dans mes spectacles, j’essaie de combiner ces deux approches. » À terme, il rêverait de présenter La veste du Président au Congo, ce qui lui semble difficile en raison du manque de salles et aussi de son message politique trop explicite. Au pays, il aimerait aussi avoir le temps de voyager à travers le pays et s’imprégner des danses de ses différentes tribus. « Les gens ne sont pas coupés des traditions, ils n’ont jamais arrêté de danser. Pour partager la joie et pour oublier. »

BRUZZ | PORTRAIT

© KAREL DUERINCKX

LUCAS KATANGILA

LUCAS KATANGILA: LA VESTE DU PRESIDENT 28/10, 10.00, Kaaitheater, www.mestizoartsplatform.be 37


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