Economie de Querétaro au Mexique

Page 1

Article du Figaro du 29/08/2013 - mis à disposition par http://www.boustens.com/

Querétaro, l'emblème du Mexique qui décolle

o

26/08/2013 à 18:55

LES LABOS DE LA CROISSANCE 8/12 - Au nord de Mexico, au cœur de la région industrielle du Bajío, cette ancienne ville coloniale d'un million d'habitants est le théâtre d'une nouvelle révolution. Son succès vient de son université, qui forme une main-d'œuvre sur mesure pour attirer les filiales d'Amérique latine des grands groupes internationaux.

Envoyé spécial à Querétaro

Petit-fils, fils, frère et neveu d'émigrés clandestins mexicains partis chercher une vie meilleure de l'autre côté du Rio Bravo (le nom mexicain du Rio Grande), Hugo semblait avoir un avenir tout tracé. C'est en blouse blanche, chaussures parfaitement cirées, lunettes vissées sur le nez que ce futur ingénieur, étudiant à l'Unaq, l'université aéronautique de Querétaro, apparaît. «Ici, c'est un peu comme si on pouvait accéder au rêve américain, mais de notre côté de la frontière, et en toute légalité, précise-t-il. Il y a des universités publiques de pointe, 100 % d'embauche à la sortie, et des salaires qui nous permettent de nous offrir ce dont nos parents ont toujours rêvé. C'est le miracle de Querétaro.» Située à deux heures au nord de la capitale mexicaine, au centre de la région industrielle du Bajío, cette petite ville coloniale d'un million d'habitants est le théâtre d'une nouvelle révolution. «Querétaro a toujours été avant-gardiste. C'est ici qu'a commencé la guerre d'indépendance face aux Espagnols, et c'est également ici qu'a été signée la Constitution mexicaine de 1917. Maintenant, c'est sur le plan économique que la ville fait parler d'elle, probablement comme précurseur, cette fois encore, de ce qui devrait se passer au Mexique dans les années à venir», prédit Andrés Garrido del Torral, chroniqueur au quotidienl'Universal de Querétaro. Selon les analystes les plus réputés, comme Jim O'Neill, le célèbre inventeur des Bric (les pays émergents Brésil, Russie, Inde et Chine), le Mexique pourrait devenir «la 7e puissance économique mondiale d'ici à 2020, devant l'Inde et la Russie». Rien


Article du Figaro du 29/08/2013 - mis à disposition par http://www.boustens.com/ d'étonnant, selon Luis Sainz, en charge du bureau mexicain de la Société générale: «Le Mexique a longtemps été effacé de la carte par la Chine et le Brésil, mais le vent est en train de tourner. Aujourd'hui, les coûts de main-d'œuvre locaux sont égaux, si ce n'est inférieurs à ceux de Pékin et le pays profite d'une proximité avec les États-Unis qui redevient un atout de taille. En effet, avec les coûts de transport prohibitifs liés au cours du pétrole, et le temps d'acheminement, l'alternative chinoise n'est plus aussi attrayante qu'auparavant pour les industriels, qui regardent donc le Mexique d'un nouvel œil.»

L'effervescence industrielle

Autres atouts, le marché intérieur de 112 millions d'habitants et une situation géographique centrale permettant d'irriguer toute l'Amérique latine. Des points forts qui n'ont pas échappé au groupe L'Oréal. C'est à San Luis Potosí que le géant français de la cosmétique a récemment choisi d'implanter sa plus grande usine de coloration capillaire au monde, après la fermeture d'une unité de production aux États-Unis: un investissement de 100 millions de dollars. «Le Mexique est une plate-forme d'influence importante et constitue le fer de lance de notre politique marketing en Amérique latine», avait alors annoncé Alexandre Popoff, le vice-président exécutif en charge de la région, sous l'œil approbateur du président mexicain, Enrique Peña Nieto, venu en personne pour l'inauguration. Autour de l'usine flambant neuve, des chantiers s'étendaient à perte de vue, témoins de l'effervescence industrielle qui règne dans la région.

San Luis Potosí, Guanajuato, Aguascalientes, Querétaro, ces villes forment les contours de la région du Bajío, «la zone la plus dynamique d'Amérique latine», selon le ministère de


Article du Figaro du 29/08/2013 - mis à disposition par http://www.boustens.com/

l'Économie mexicain, citant le rapport du cabinet américain Stratfor. Au-delà des coûts de main-d'œuvre attractifs, la zone - relativement préservée de l'insécurité ambiante - possède un accès rapide et direct aux États-Unis, via un réseau de transports modernisés, ainsi qu'une population de travailleurs particulièrement bien formée. Ces qualités ont fait de la région un fief pour l'industrie automobile. Une sorte de « Detroit mexicain», comme l'explique Bruno Alberer, consultant spécialisé dans le secteur. «Ici, les usines poussent comme des champignons, constate-t-il. Le Japonais Honda vient d'annoncer un nouvel investissement de 470 millions de dollars à Celaya, près de Querétaro. Même chose pour Mazda, dont l'usine à 650 millions est actuellement en construction. Ces grands noms emmènent dans leur sillage leurs sous-traitants, qui préfèrent désormais installer leurs usines sur place plutôt qu'aux États-Unis.» Au total, plus d'un milliard et demi de dollars auraient été investis l'an passé dans le Bajío, une région que certains analystes voient déjà comme le nouveau cœur manufacturier nord-américain. Située au centre de cette région en plein essor, réputée pour sa sécurité et pour sa qualité de vie dans un pays rongé par la violence, Querétaro, la capitale du Bajío, bouillonne. D'après les chiffres officiels, plus de cent personnes s'installent chaque jour dans cette cité coloniale aux airs de carte postale, dont on peine à percevoir le pourtour, estompé par l'urbanisation galopante. «C'est un chantier perpétuel: chaque semaine, un nouvel immeuble pousse, un nouveau resto ouvre, un nouveau pont est inauguré, je ne reconnais plus ma ville», note José Manuel, un trentenaire originaire de Querétaro.

Magasins bobos et centres commerciaux

Côté affaires, le thermomètre s'affole. «Depuis trois ans, la croissance de la ville dépasse les 6 %, si bien que plus de 100.000 emplois ont été créés. C'est la ville la plus dynamique du pays, voire d'Amérique latine», se félicite Marcelo López, secrétaire d'État en charge du Développement économique. «Tout a commencé avec l'arrivée du canadien Bombardier, en 2006. Les investisseurs étrangers ont compris qu'ici, on savait fabriquer autre chose que les chemises en coton des maquiladoras. Grâce à son cluster aéronautique, Querétaro est apparue sur la carte du monde, devenant le bastion des industriels attirés par cet alliage solide mêlant sécurité, compétitivité et main-d'œuvre qualifiée.» Une denrée précieuse au Mexique, d'après Serge Durand. «Après un an passé à scruter le pays, c'est là-bas que nous avons choisi d'implanter notre nouvelle usine Eurocopter, un investissement de 100 millions de dollars, explique le directeur de la filiale mexicaine. En plus des atouts intrinsèques de la ville, on nous proposait du personnel formé sur mesure, via l'Unaq. C'est comme cela que ça fonctionne ici. Chaque constructeur informe l'université de ses besoins à venir et eux sélectionnent et forment leurs étudiants en conséquence, si bien que tout le monde est gagnant. Nous avons les bons techniciens à l'instant T, et eux ont 100 % de débouchés à la sortie.» Une stratégie voulue par le gouverneur José Calzada, le futur président mexicain selon la rumeur publique. «Il nous est demandé de recevoir chacune des entreprises lors de leur repérage sur place, afin de leur proposer des cursus personnalisés», confie Salvador Coutiño, directeur du campus local du prestigieux Tech de Monterrey, dont l'effectif a augmenté de 30 % en trois ans. Querétaro est devenu un «paradis» pour Mexicains privilégiés ou motivés. «Le symbole de l'émergence de la classe moyenne, selon Tonatiuh Salinas, secrétaire d'État au Travail. Ici, le PIB par habitant frise les 14.000 dollars, contre 10.000 dollars en moyenne dans le pays, si bien que la ville s'est transformée en profondeur et en apparence.» Désormais, les arcades


Article du Figaro du 29/08/2013 - mis à disposition par http://www.boustens.com/ historiques abritent des magasins bios bobos, alors que les maisons millénaires se muent en bars branchés. Autour, les centres commerciaux se sont multipliés - le plus grand du pays s'y trouve - et côtoient les résidences pour classes moyennes, où les maisons identiques s'alignent à perte de vue, prêtes à accueillir les futurs arrivants venus chercher leur part de rêve à l'américaine. «Pas étonnant que Barack Obama nous ait cités en exemple lors de son dernier voyage officiel au Mexique. Nous sommes l'emblème du Mexique qui décolle», conclut Tonatiuh Salinas, un grand sourire aux lèvres.

Un îlot de tranquillité dans un océan de violence «Cela faisait longtemps que je n'étais pas sorti me promener avec mes enfants le soir,confie un touriste mexicain croisé sur la place d'Armes, le lieu de rendez-vous local. C'est comme si le temps s'était arrêté ici, on en oublierait presque la violence qui gronde aux alentours.» Et ce n'est pas un hasard. La municipalité a mis en place une stratégie quasi militaire pour cultiver son atout le plus précieux: la tranquillité. Propreté irréprochable, façades colorées impeccablement entretenues, policiers sillonnant la ville à bord de buggys électriques façon parc d'attractions, petites places pittoresques où se mêlent groupes de jazz et terrasses chics: à Querétaro, le visiteur doit se sentir en paix et en sécurité, selon Marcelo Lopez, en charge du développement économique de la ville: «C'est notre meilleur argument pour faire venir les investisseurs dans un pays rongé par la violence.» La plupart des expatriés qui arrivent dans la région, dont de nombreux Japonais, choisissent Querétaro pour s'installer, quitte à faire une heure de route pour aller travailler. Le tourisme a battu des records d'affluence cette année, faisant de la ville, classée au patrimoine mondial de l'Unesco, la destination culturelle numéro un au Mexique. Source : Le Figaro – 29/08/13


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.