BIBI Le 5e élément / BIBI the 5th element

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BiBi Le 5e Élément The 5th Element Karkarodon


à Jacques-Yves Bruel for Jacques-Yves Bruel

BiBi Le 5e Élément The 5th Element Le Plastique on le mange.

We eat plastic.

Le Plastique on le respire.

We breathe plastic.

On en produit 360 millions de tonnes par an.

We produce 360 million tons of it every year.

C’est triste de mourir du Plastique.

It’s sad to die of plastic.

Mais le Plastique c’est tellement beau.

But plastic is so pretty.


Le Mouton Électrique Camarès, France 1992 (Bidons plastiques recyclés, ampoules CFL) Collection particulière

Electric Sheep Camarès, France 1992 (Recycled plastic containers, CFL light bulbs) Private Collection


Ci-contre : Le BIBIGLOO I Light, Singapour 2012 (Bidons polyéthylène recyclés, ampoules CFL) En Couverture : Éléphant Rouge Illuminart, Montréal, Canada 2017 Coproduction Ville de Lyon (Bidons polyéthylène recyclés, LEDs) 4e de couverture : Emmanuel Casanova des Beaux Quartiers abattu par Bibi rue de Turenne Paris 2008 (Cône de signalisation, cornes de taureau) Collection particulière

Opposite : The BIBIGLOO I Light, Singapore 2012 (Recycled polyethylene containers, CFL light bulbs) Cover image : The Red Elephant Illuminart, Montreal, Canada 2017 A co-production with the city of Lyon (Recycled polyethylene containers, LED lights) Back cover : Emm fanuel Uptown Casanova shot down by Bibi on Turenne street Paris 2008 (Traffic cone, bull horns) Private Collection


Il les retient, les détourne de leur chemin.

He holds onto them and shifts them from their path.

Il les attrape aux quatre coins du monde et force leur destin. Ils étaient pourtant bien partis pour migrer, rejoindre leurs semblables, créer un nouveau continent, le 7e ou le 8e, peu importe.

He gathers them up from the 4 corners of the world and alters their fate. Never mind that they were on their way to join others like them, in creating a new 7th or even 8th continent.

Ils auraient pu être bouffés par les bêtes, finir dans l’estomac ou la trachée d’une bestiole goulue jusqu’à s’en étouffer. Ils auraient pu être broyés ou livrés aux flammes.

They could have been gobbled up and finished their days in the stomach or trachea of a creature voracious enough to choke on them. They could have been ground up and fed to flames.

Il les manipule, les convainc de dire au monde, celuilà, celui qui les a vus naître, qu’il est déjà très fort ce courant, que c’est un grand vortex qui va nous emporter tous, si rien n’est fait. Qu’on va tous finir comme ça, bouffés de l’intérieur, petit à petit envahis, jusqu’à ce qu’on en soit tétanisé, naturalisé, statufié, ourbodyfié. Que la seule vie qui transparaîtra de nos nouveaux corps sera une lueur rougeâtre, celle d’un feu qui s’éteint doucement dans la nuit.

He manipulates them, convincing them to tell the world, the very same world that conceived of them, that this current is already so strong, that it’s a great vortex – great enough to swallow us all if nothing is done. To tell us that we are all going to end up eaten from the inside, slowly permeated until we become paralyzed, taxidermied, ‘bodified’ into statues: that the only life left in these new bodies will be the red glow of an ember dying slowly in the night.

Pourtant quand je les vois, d’abord je souris. Je me réjouis de cette imagination, de ce détournement, de la cocasserie de la situation. Quel drôle de bestiaire ! Quelle bonne idée ! Tu y aurais pensé toi ? JacquesYves ? Romuald ?

Yet when I see them, I smile at first. I am delighted by the imagination, the subversion, the comical situation. What a curious bestiary! What a great idea! Would you have thought of it? Jacques-Yves? Romuald?

Et puis, j’écoute les infos, je lis les journaux. Encore des dizaines, des milliers qui partent chaque jour, chaque heure. Voilà qu’ils sont de plus en plus nombreux, qu’ils s’organisent, débordent les digues, passent les frontières. Que faire ? Pendant ce temps, Bibi pose ses totems devant des assemblées d’humains, sur les places, dans les rues, expose, compose ses avertissements : Regardez, ça réfléchit. Comme un miroir qui livrerait une image un tout petit peu décalée dans le temps, vraiment un tout petit peu. Qui à force de dire l’avenir, parle au présent, le nôtre. Bibi ne nage plus. Il marche sur l’eau. Qui n’est plus de l’eau. Bibi ne pêche plus. Il multiplie les poissons. Qui n’ont plus de chair. Bibi n’est pas une icône. Ou alors de Lübeck. Et pas bidon. Bibi, l’Enfer lui est promis. À nous aussi ? Pascal Fruchon

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But then I listen to the news and read the papers. Dozens of thousands are still rolling out every day, every hour. More and more profuse to the point of mobilization, they overflow dams and cross borders. What is to be done? Meanwhile, Bibi puts his totems in places where people gather: in city squares, in the streets, exposed and composed warning signs – look, someone is thinking. Like a mirror reflecting an image only slightly off kilter in time. An image that speaks so much of the future, that speaks to the present – to our time. Bibi doesn’t swim anymore. He walks on water. That isn’t water anymore. Bibi doesn’t fish anymore. He multiplies fish. Fish with no flesh. Bibi isn’t an icon. Well, maybe one from Lübeck. He’s no phony with plastic baloney. Hell awaits Bibi. And us too? Pascal Fruchon


L’Arche de BIBI Restaurant KILLER, Milan, Italie 2019 (Bidons polyéthylène, plastiques divers recyclés, ampoules LEDs) Collection particulière

BIBI’s Ark KILLER restaurant, Milano, Italy 2019 (Polyethylene containers, various recycled plastic parts, LED light bulbs) Private Collection

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Phillip K. Dick Nîmes, France 1993 (Déchets plastique divers, ampoule CFL) Collection particulière

Phillip K. Dick Nîmes, France 1993 (Pieces of plastic refuse, CFL light bulb) Private Collection


SOMMAIRE

TABLE OF CONTENTS

PRÉFACE

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PREFACE

L’ARCHE DE BIBI

9

BIBI’S ARK

UN TOUR DU MONDE

16

A TRIP AROUND THE WORLD

TUEZ-LES TOUS

36

KILL THEM ALL

POISSONS

46

FISH

UTOPIES

55

UTOPIAS

ESPACE PUBLIC

71

PUBLIC SPACES

LA FÊTE DES LUMIÈRES

78

LYON FESTIVAL OF LIGHTS

DRAGONS

82

DRAGONS

LA LUMIÈRE

92

LIGHT

RECYCLAGE

102

RECYCLING

ROUDOUDOUS

111

ROUDOUDOUS

L’ENFER DE BIBI

117

BIBI’S HELL

SÈTE

125

SÈTE

SLIPS INTERGALACTIQUES

138

INTERGALACTIC UNDERPANTS

TOROS

144

TOROS

BIBI

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BIBI

Samuel Ours noir astucieusement chassé par BIBI Place de la Madeleine Paris, France 2008 Collection particulière

Samuel Black Bear hunted most craftily by BIBI Place de la Madeleine Paris, France 2008 Private Collection


Le Chat qui louche Nîmes, France 1993 (Bidon polyéthylène, plastiques divers, ampoule CFL) Collection particulière

The Cross-Eyed Cat Nîmes, France 1993 (Polyethylene container, various pieces of plastic, CFL light bulb) Private Collection


L’ARCHE DE BIBI Sa tête est chenue et c’est avec un bon sourire qu’il pousse sa troupe indistincte vers un millénaire au moins aussi croquignolet que les précédents.

L’Arche de BIBI Passage de l’Ours Paris, France 2000 BIBI’s Ark Passage de l’Ours Paris, France 2000

Si Noé s’appelait BIBI et vivait aujourd’hui, voici le cortège d’animaux élus qu’il prendrait dans son arche : poulets transgé­ niques, licornes, triceratops. Ceci afin de livrer à la sagacité des généra­tions futures un juste échantillon de merveilles et ignominies divines et humaines – dûment entremêlées comme il se doit : car il n’échappera à personne que BIBINoé, le bon berger, se confond ici avec Dieu-BIBI façonneur espiègle de toutes ces créatures (d’après modèles obsolètes ou hors d’usage). Marc Simon

BIBI’S ARK With the grey beard of a sage and a broad smile, he drives his motley flock towards a millennium that will be as juicy as the ones that came before. If Noah had been called BIBI, and lived today, this would be the panoply of animals chosen for his ark: transgenic chickens, unicorns, triceratops. It’s all to supply future generations with a fair sample of both wonders and horrors, human and divine – intertwined as they should be: one cannot fail to notice that BIBI-Noah, the righteous shepherd, blurs into BIBI-God the mischievous maker of all creatures (especially broken down and obsolete models). Marc Simon 9


BiBi

Pourquoi le plastique ?

Autodidacte, en marge du réseau institutionnel, mon travail s’est construit autour de mes expériences personnelles et de la rencontre du travail des Nouveaux Réalistes et de Jacques-Yves Bruel. Tout d’abord la Paléontologie : je constitue un cabi­ ­ net de curiosités dès 1974. Ensuite, le Corps et particulièrement l’Orthopédie : en 1986, j’em­ po­ che mon Brevet de Technicien Supérieur d’ortho­ prothésiste (fabrication de bras, de jambes et autres corsets). L’Égypte où je réside une année en 1988. L’Enfer avec mon accident de soucoupe volante au Carnaval de Lunel et mon séjour aux grands brûlés qui a suivi. L’Enfer, je l’ai aussi tutoyé avec les derniers poilus de la première guerre mondiale lorsque j’étais aidesoignant à l’Institut National des Invalides durant mon service national. La Mer avec la pratique de l’apnée et de la chasse sous-marine : par un rapide calcul, j’ai comptabilisé que j’avais vécu 2 années et demi entièrement sous l’eau. L’alchimie que forment la paléontologie, la chasse sous-marine et mes études d’orthopédie m’a amené à me questionner sur les rapports de l’homme avec la « nature » et surtout ses natures. Mes activités sont indissociables de ma démarche. Mon travail s’articule ainsi autour de plusieurs thèmes majeurs : l’Enfer, l’Arche, la Chasse, le Bibigloo… Le médium privilégié pour synthétiser ces points de vue est le plastique.

Parce que si la bipédie, la fabrication d’outils, le rire et la conscience de soi ne sont plus aujourd’hui le propre de l’homme, celui-ci est à chercher ailleurs. Le propre de l’homme est sans doute sa phéno­ ménale capacité à s’autodétruire, à concevoir des artifices et des déchets inutiles et improbables. Le plastique est partout, les multiples sont la nor­ me dans la vie courante comme dans l’art contemporain. Dans les objets du quotidien, j’ai recherché les formes cachées – tant animales qu’anthropomorphes – que les designers anonymes avaient derrière la tête ; c’est particulièrement la Lumière qui m’a servi de révélateur. Pour donner au plastique la place qu’il mérite - à savoir le 5ème élément – je me suis singulièrement acharné sur le BIDON en polyéthylène et le CÔNE de Lübeck, deux icônes distribuées universellement. Depuis 1991, en utilisant des accessoires familiers conçus dans une matière éminemment contempo­ raine, mes œuvres sondent notre rapport à notre environnement et notre capacité à affronter nos contradictions concernant nos déchets. Ma démarche questionne aussi notre perception de l’espace public. Mes installations pérennes ou éphémères mettent le plus souvent en scène un bestiaire magique qui dévoile la convergence entre les objets plastique et les formes animales. Des lieux alternatifs où mon travail était présenté il y a quelques années, mes installations voyagent aujourd’hui autour du globe. Néanmoins, mon approche du monde reste ludique mais, surtout, ironique.

www.bibi.fr 158


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Why plastic ?

Self-taught at the margins of institutional networks, my work has been built upon personal experience and the discovery of Nouveaux Réalistes like Jacques-Yves Bruel. It began with paleontology: I started putting toge­ ther a collection of oddities in 1974. Then there was the body, and orthopedics in particular: in 1986, I completed an Advanced Technician’s Certificate in prosthetics (the creation of legs, arms and corset prostheses.) Egypt, where I lived in 1988. Hell was an accident I experienced, in a flying saucer during the Carnival of Lunel. I spent some time in the burn unit of intensive care with the severely wounded as a result. Hell was also up close and personal when I did my national service as a medical assistant at the National Institute for the Disabled, the last survivors of World War were there to remind me. The sea, is a place that I have dived in, hunted in, lived in, and if I add it all up: I have spent two years and half completely underwater. The alchemy that informs paleontology, underwater hunting and orthopedics all led me to question man’s relationship with nature and with himself.

Because if being bipedal, making tools, laughing and consciousness are no longer our nature, that nature is to be found elsewhere. Man’s nature is undoubtedly his phenomenal appetite for selfdestruction and coming up with gimmicks and useless, if not outlandish, garbage. Plastic is everywhere, having multiples of everything is the norm in everyday life, just as it is in contem­po­ rary art. In these everyday objects I have sought out hidden forms – both anthropomorphic and animal – that anonymous designers had in mind; it is Light in particular that reveals form to me. To give plastic the place it deserves – notably as the 5th element – I have worked relentlessly with two universally distributed icons: polyethylene containers and traffic cones from Lübeck. Using familiar accessories, conceived of in an eminently contemporary material, my work has been examining our relationship with the environment and our capacity to face contradictions created by garbage since 1991.

What I do is inseparable from my process. My work is therefore centered around several major themes: hell, the ark, hunting and the Bibigloo…

My approach also questions our perception of public space. My installations, whether durable or ephemeral, most often showcase a magical bestiary that highlights the convergence of plastic objects and animal forms. My work, installed in alternative spaces a few years back, now circles the globe.

To synthesize these vantage points, plastic is my preferred medium.

My approach, however, remains playful and above all ironic.

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CRÉDITS ET REMERCIEMENTS CRÉDITS AND THANKS © pour les textes / © for the texts BIBI (alias Fabrice Cahoreau) sauf / except Pascal Fruchon (p.4) / Marc Simon (p.9) Vanessa Notley (p.17) / David Gilbert (p.18) Jean-Loup Welcomme (p.32-35) / Karen Jouve (p.37,111) Agnes Rosse (p.46) / Philippe Saulle (p.59,71-72) Julien Pavillard (p.79) / Jean François Zurawik (p.81) Gwenaëlle Lenoir (p.83-84) / Jean-Pierre Destand (p.125) Paul-Marie Grangeon (p.139) © pour les photographies / © for the photos BIBI (alias Fabrice Cahoreau) sauf / except Olivier Aubry (p.13) / Darren Chin (p.20-21) David (p.50,130-131) / Guillaume la Sorcière (p.60) Jacky (p.138) / Alain Jan (p.152) / Pépé Martinez (p.155) Milou Sanner (p.102) / Michel Mourguy (p.70) Delphine Terlizzi (p.58,69,142) / Nassib Traboulsi (p.38-39) © Traduction / Translation Arènes sanglantes (p.145) G. Hérélle Traduction anglaise / English translation : Lisa Friedli Conception graphique et réalisation / Design : Karen Jouve, Fabienne Gabaude Relecture / Editing : Martine Courtois Production / Production : Karkarodon Livre publié avec le concours de la Région Occitanie et de la ville de Sète Book published with the participation of the Occitanie region and the city of Sète Tous mes remerciements à Tiphaine Collet et Stéphanie Sobezyk All my thanks to Tiphaine Collet and Stéphanie Sobezyk Éléphant Rouge Lumières Shanghai, Chine 2017 Coproduction Ville de Lyon The Red Elephant Lumières Shanghai, China 2017 Coproduced with the city of Lyon


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© BIBI 2020 Édité par BIBI 57 quai de Bosc 34200 Sète - France www.bibi.fr bibi@bibi.fr Produit par KARKARODON 17 rue de Tunis 34200 Sète - France www.karkarodon.com Dépôt légal septembre 2020 ISBN 978-2-9573675-0-4 Imprimé en Italie en septembre 2020 par Pixartprinting S.p.A Via 1° Maggio, 8 30020 Quarto d’Altino VE – Italia

Le Code de la propriété intellectuelle et artistique n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l’article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. All Rights Reserved. No part of this publication may be reproduced or transmitted in any form or by any means, electronic or mechanical, including photocopy, recording, or any other information storage and retrieval system, without prior permission in writing from the publisher and the author.


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ISBN 978-2-9573675-0-4

9 782957 367504


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