Livret d'exposition Skol 2002-2003

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de saison ou on replante le jardin en entier d'espèces différentes. Si

on veut prévoir ce qui arrivera. Planification à long terme, plan de

l'artiste y effectue ses travaux de jardinage le dimanche matin, cela

développement, courbe de croissance, on veut savoir; il faut s'y pré-

relève de son temps à elle, pas de celui du jardin, sur lequel le temps

parer et contrôler.

n'a évidemment aucune emprise. Ce temps chronologique n'a non plus aucune influence sur le jardin du Complexe, dont les plantes cultivées

Et pourtant. Qui voudrait de fleurs qui ne fanent jamais, de jardins au

en serre sont disposées là où il convient aux impératifs de la saison

printemps perpétuel, de promenades programmées? Le propre d'un

pascale, pour être rejetées ensuite (on espère qu'au moins ils compostent

jardin, comme de toute espèce vivante, est de naître, de croître, de se

les résidus). Ce temps chronologique a encore moins d'influence sur

transformer et d'éventuellement mourir. Les jardins de Dettwiler sont

les plantes de plastique des aquarelles, dont la décomposition s'étendrait

totalement inertes et refusent toutes transformations autres que celles

sur plusieurs siècles.

déterminées par l'artiste.

Temps chronologique et temps météorologique : même c o m b a t !

Le vivant est tout sauf prévisible. Tout ce qu'on sait for sure est que ça se termine un jour. Au mieux, on en jouit. Au pire, on peut toujours se dire que ça ne durera pas.

L'idée du temps, celui qui affecte les jardins, continue malgré tout à m'agacer. Vingt-cinq ans de jardinage, ça laisse des traumatismes : on ne viendra pas me faire croire que les fleurs s'épanouissent à la date inscrite sur le paquet de graines. Faut voir non seulement le temps qui passe, mais aussi le temps qu'il fait. C'est trop figé, tout ça. Les fleurs en plastique sont éternelles, les pseudo-jardins de Monet sont replantés comme on dispose des meubles dans une pièce, le logiciel crée un jardin « idéal » sur lequel les éléments n'ont aucune influence. Revenons au temps qu'il fait. Comme pour l'autre notion de temps, ses principales caractéristiques sont l'instabilité, la fluidité, la mouvance. Le temps, les temps ne s'arrêtent jamais, et quand ils s'arrêtent, on parle de la mort. De l'humain ou du vent. Je devrais plutôt dire : on constate la mort. Parce que dans notre société, technologique et parfaitement contrôlée, on ne parle pas de la mort, réalité embarrassante et esquivée. On se fait parfois des 11 septembre : c'est tellement plus intéressant quand ça meurt en masse. Les petites morts du quotidien n'intéressent personne, que ce soit celles d'individus isolés ou les multiples flétrissements qui affectent le vivant et nos vies. Notre monde tout-à-jeter semble paradoxalement cultiver une obsession pour ce qui est inaltérable. On veut les choses fixes, immuables, sinon

Régula Dettwiler est née en Suisse en 1966. Elle vit maintenant à Vienne, en Autriche. Après avoir étudié dans ces deux pays, elle a séjourné à Chicago, à Paris et à Montréal. Son travail a été présenté lors d'expositions individuelles et de groupe, en Allemagne, en Autriche et en Suisse. En 2002, elle exposait Plus City à la galerie Monika Reitz à Francfort-sur-le-Main, en Allemagne, et Orchideenjagd, à la Kunstverein, à Salzbourg en Autriche, en 2003. Cette même année, elle a participé à l'exposition Der Mondopunkt, présentée à la Kunstlerhaus Bethanien à Berlin, ainsi qu'à Really Real, à la Ausstellungsraum Klingental de Bâle, en Suisse. Daniel Roy jardine depuis assez longtemps pour savoir qu'on peut diriger, inciter ou orienter mais jamais contrôler. Cela convient parfaitement à sa nature.


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