Management novembre decembre 2015

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HORS-SéRIE novembre-décembre 2015 / management.fr / 6,50 €

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AUTEUR

RICHARD ESCOT

Rédacteur en chef adjoint à L’équipe, auteur d’une quarantaine d’ouvrages sur le rugby, Richard Escot, 56 ans, a couvert depuis 1985 le Tournoi et les Coupes du monde. PRÉFACE

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ÉDITO

Manager ou être managé

HORS-SÉRIE RÉDACTION 13, rue Henri-Barbusse, 92624 Gennevilliers Cedex. Tél. : 01 73 05 45 45. Fax : 01 47 92 66 85. Pour joindre votre correspondant, composez le 01 73 05 puis les quatre chiffres figurant entre parenthèses après son nom. Pour lui envoyer un e-mail, tapez la (ou les) première(s) lettre(s) de son prénom, son nom et @prismamedia.com. Exemples : Claudia Zels (czels@prismamedia.com) ; Jean-Pascal Comte (jpcomte@prismamedia.com)

Rédacteur en chef : François Genthial (48 61). Responsable éditorial : Lomig Guillo (48 98). Directeur artistique : Frank Sérac (45 93) .Maquette : Marina Ilic Coquio (responsable, édition 2015). Photo : Claudia Zels, chef de rubrique (48 16).

cataloguer comme un très mauvais leader… De même, nous ne vous ferons pas croire que nous allons miraculeusement développer votre leadership naturel. Mais nous vous donnerons la marche à suivre pour adopter la bonne attitude et être en mesure d’entraîner les autres à votre suite. Enfin, nous ne chercherons pas à vous transformer en communicant d’exception, mais nous vous montrerons comment, avec quelques amé nagements simples, vous pourrez adapter votre communication à votre personnalité afin de faire passer des messages cohérents avec ce que vous êtes, vos valeurs et celles de votre entreprise. De l’honnêteté et pas de fausses promesses : voilà qui pourrait être une première leçon de management. Parler vrai, accompagner avec bienveillance et empathie, avec réalisme, mais sans pression : autant d’ingrédients essentiels pour instaurer la confiance. Nous espérons d’ailleurs nous montrer dignes de votre confiance et de votre fidélité, avec ce cru 2016 de notre guide réunissant quelques-uns des meilleurs articles parus au cours de l’année dans Management.

Secrétariat de rédaction : Hélène Sonsino (responsable, édition 2015), Jean-Pascal Comte (48 15), 1er secrétaire de rédaction. Secrétariat : Béatrice Boston (48 01). FABRICATION Jean-Bernard Domin (49 50), Eric Zuddas (49 51). PUBLICITÉ Directeur exécutif Prisma Pub : Philippe Schmidt (51 88). Directrice commerciale : Virginie Lubot (64 50). Directrice commerciale chargée des opérations spéciales : Géraldine Pangrazzi (47 49). Directrice de publicité : Camille Habra (64 53). Directeur de clientèle : Nicolas Serot-Almeras (64 57). Directrice de clientèle : Frédérique Anceau (64 06). Responsable de clientèle : Magali Bode (45 51). Directrice de publicité Automobile et Luxe : Dominique Bellanger (45 28). Responsable back-office : Pascale Faviot (64 55).

NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2015 HORS-SÉRIE MANAGEMENT

PHOTO : LEA CRESPI

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n passant un peu vite sur le titre, vous avez lu «manger ou être mangé» ? C’est normal : c’est la même idée, ou presque. La vie – de bureau – est comme une chaîne alimentaire dans laquelle – à quelques rares exceptions près, de type «superprédateurs» –, on n’est qu’un maillon, en relation avec d’autres maillons. A chacun de décider de la place qu’il veut occuper, de choisir ainsi s’il veut manager ou être managé. Car oui, quelle que soit sa place dans la chaîne, et même si l’on travaille seul, on peut manager. Une des idées fausses les plus répandues sur le management est de penser qu’il ne peut s’exercer que dans un sens, du haut vers le bas. Il doit en fait se penser dans toutes les directions : oui, il est possible de manager son chef, un collègue, un collaborateur ou un client. C’est d’ailleurs ainsi que nous avons pensé et conçu ce guide : pas comme un outil pour chefaillon désireux d’installer ou d’accroître son autorité ; mais comme une compilation de méthodes – qui ont toutes fait leurs preuves – pour mieux appréhender les relations au sein d’une entreprise ou d’une équipe. Nous ne vous apprendrons donc pas à devenir le meilleur manager du monde. En revanche, nous vous éviterons de commettre des erreurs fatales : celles qui risquent de vous faire

Lomig Guillo responsable éditorial

Responsable exécution : Sandra Missue (64 79). Assistante commerciale : Corinne Prod’homme (64 50) MARKETING ET DIFFUSION Directeur marketing opérationnel : Charles Jouvin (53 28). Directrice des études éditoriales : Isabelle Demailly Engelsen (53 38). Directeur marketing client : Laurent Groley (60 25). Directeur commercialisation réseau : Serge Hayek (64 71). Directeur des ventes : Bruno Recurt (56 76). DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Rolf Heinz. ÉDITEUR Martin Trautmann. Directrice adjointe marketing et développement : Dorothée Fluckiger (68 76). Chef de groupe : Hélène Coin (57 67).

Imprimé en Allemagne : Mohn Media Mohndruck GmbH, Carl-Bertelsmann-Straße 16 1 M - 33311 Gütersloh. © PrismaMedia 2015. Dépôt légal : octobre 2015. Diffusion : MLP - ISSN : 1627-4792. Date de création : mars 1995. Commission paritaire : 1019 K 85861.

13, rue Henri-Barbusse, 92624 Gennevilliers Cedex. Tél. : 01 73 05 45 45. Internet : www.prismamedia.com Société en nom collectif au capital de 3 000 000 d’euros ayant pour gérant Gruner und Jahr Communication GmbH. Ses trois principaux associés sont : Média Communication SAS, Gruner und Jahr Communication GmbH et France Constanze-Verlag GmbH & Co. La rédaction n’est pas responsable de la perte ou de la détérioration des textes ou des photos qui lui sont adressés pour appréciation. La reproduction, même partielle, de tout matériel publié dans le magazine est strictement interdite.

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Hors-série management

le guide du manager 2016

Sommaire 6. les 30 plus grosses erreurs de management (et comment les éviter) L’erreur est humaine et les managers sont des hommes comme les autres… Pas de panique, donc : rien n’est plus formateur qu’une erreur. a condition d’en tirer les leçons.

10. Ça y est, c’est vous le chef ! 11 12

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trouvez-vous un mentor ou un modèle Les 15 bourdes que font les managers débutants (sauf vous…) Les 10 attitudes qui feront de vous un supermanager 5 méthodes pour gérer un conflit 7 check-lists pour se décider rapidement Un patron, un conseil : rick goings, tupperware

22. recrutez sans vous tromper 23 25

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Comment monter sa dream team Un patron, un conseil : Charles georges-Picot, marcel et 133 Les nouvelles tendances du recrutement Un patron, un conseil : Jean-Baptiste rudelle, Criteo Peut-on surpayer un cadre qu’on veut vraiment ? Les collaborateurs qu’il faut retenir… et ceux que vous pouvez laisser partir

34. maîtrisez votre communication

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sachez faire passer vos messages 6 erreurs qui peuvent ruiner votre com Comment briller à la machine à café Un patron, un conseil : Frédéric Potter, netatmo

42. motivez vos équipes 42 46 48 49 50 52

redonner confiance en période de crise 4 activités pour souder un collectif L’art de créer une dynamique de groupe Un patron, un conseil : guillaume richard, groupe 02 L’armée peut faire de vous un meilleur chef 2 0 phrases qui sapent le moral (et par quoi les remplacer)

54. progressez à tout âge 55 58 62 65 67

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Changer de job sans changer de boîte avancez plus vite avec la théorie des ailiers gérez votre carrière en mode start-up mis au placard : les clés pour en sortir Les formations qui font rêver les chasseurs de têtes Que répondre à un recruteur tatillon

72. inspirez-vous des meilleurs ! 73 74 76 78 80 84

Des valeurs au service de l’entreprise Les chefs d’orchestre sont-ils de bons chefs ? Comment manager de grands fauves escrime, la maîtrise de l’attaque et de la riposte Le leadership selon Frank Underwood Un patron, un conseil : arnaud Deschamps, nespresso

86. découvrez le management 2.0 87 90 92 94 97 98

Vers la fin des chefs et de la hiérarchie Crowdconsulting, remue-méninges planétaire Philosophes : des consultants très demandés Fini l’autoritarisme, bonjour l’intelligence collective Le coaching… sans coach Un patron, un conseil : edouard Provenzani, Pixelis

toutes les illustrations de ce numéro sont signées éric meurice.

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novembre-décembre 2015 hors-série management


Carrière, business et création d’entreprise L’entreprise comme vous ne l’avez jamais lue

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le guide du manager 2016

Les 30 pLus grosses erreurs de management et comment les éviter

rien n’est plus formateur qu’une erreur. nous avons donc répertorié les 30 bourdes que tout manager a faites (ou fera un jour). une formation accélérée, pour vous aider à prendre du recul sur vos faiblesses et réussir à en tirer le meilleur parti. Par marie-madeleine sève et adrian de san isidoro

@asanisidoro

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’est en se trompant qu’on apprend. Cet encou­ ragement, répété à l’envi par n’importe quel professeur face à ses élèves, est tout aussi va­ lable pour un manager. Personne n’est in­ faillible : corriger ses erreurs permet d’en tirer les leçons et de progresser. Quoi que l’on ait fait, la pire des bourdes serait de réécrire l’histoire : minimiser ses respon­ sabilités, faire comme si rien ne s’était passé, voire faire porter le chapeau à un autre ne peut que vous desservir face à vos équipes. Quant à mettre en cause l’organisation de l’entreprise, ce serait faire l’aveu de votre propre incapacité à anticiper les procédures… Autant dire que votre autorité risquerait d’en prendre un coup ! La seule attitude valable quand vous vous êtes trompé est d’assumer, pour mieux aller de l’avant. Avant d’en arriver là, autant essayer d’éviter ces 30 écueils les plus communs.

Ne pas dire bonjour le matin

Zapper ce rituel cause bien des dégâts. DRH dans l’agro­ alimentaire, Sabine était sur le pont dès 7 h 30. Elle estimait que c’était au dernier arrivé de la saluer et attendait que cha­ cun s’exécute… ce que personne ne faisait. «Il lui a fallu des mois pour renouer le contact», raconte le coach François Enius. Faites le tour des popotes en arrivant. Et, pour «garder le lien», déjeunez de temps à autre avec vos collaborateurs.

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se moNtrer trop bavard

Un manager doit savoir tenir sa langue. Il a un devoir de réserve sur l’ensemble des informations qu’il recueille en haut lieu. Et colporter des rumeurs ou créer des polémiques n’entre évidemment pas dans ses attributions !

piquer ses idées à un collaborateur

«Un manager endosse auprès de ses supérieurs ce qui ne marche pas dans son équipe et attribue à ses collabora­ teurs ce qui fonctionne, rappelle Guillaume Bigot, directeur du groupe Ipag Business School. En trahissant son équipe, il inverse ce principe et détruit tout esprit de loyauté.» Ce mépris risque de se retourner contre lui d’autant plus violemment au moindre signe de faiblesse.

CommuNiquer exclusivement par e-mail

A force, le recours systématique au courrier électronique dépersonnalise les relations. Il crée des malentendus et gé­ nère d’inter minables fils de discussion. «Les e­mails défouloirs laissent des traces et tuent la crédibilité du ma­ nager», prévient également Elisabeth Rochefort, formatrice chez CSP Formation. Son conseil : doser le recours aux modes d’échange (face à face, réunions, coups de téléphone et e­mails) selon la complexité des informations à délivrer.

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Laisser Les nouveaux se débrouiller seuls

20% des nouvelles recrues envisagent de quitter leur entre­ prise dès le premier jour. La raison ? «Un accueil défectueux sur les plans humain et matériel», selon une enquête de SilkRoad de 2013. Les managers n’y sont pas pour rien. «La moitié d’entre eux ne déploient même pas le processus d’intégration maison, estime le coach François Enius. Or tout se joue durant la période d’essai.» Le néophyte mal accueilli met beaucoup plus de temps à être opérationnel. Et ralentit le travail de l’équipe… quand il ne la démotive pas en la quittant. Pourquoi ne pas désigner un de ses membres pour encadrer le bleu ?

ne pas recadrer un tire-au-flanc

Résultats en baisse, retards à répétition, compor­ tements limites… Si vous laissez pourrir la situa­ tion, vous risquez de perdre de l’autorité sur votre équipe par la faute d’un seul. Pour autant, laver son linge sale devant ses collègues est fortement déconseillé ! Prenez le fautif en tête­à­tête pour lui exposer les faits et tâchez de comprendre les raisons de sa dérive. Mettez­vous d’accord sur un objectif précis – et réaliste –, puis instaurez un rendez­vous ultérieur pour faire le point.

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réagir à chaud

L’impulsion est toujours mauvaise conseillère. Sous le coup de la colère, vos mots pourraient bien dépasser votre pensée et blesser. Un excès d’enthousiasme est tout aussi préjudiciable : une promesse irréaliste qu’il faudra revoir à la baisse ne manquera pas de décevoir. Retenez vos ardeurs et prenez toujours le temps de la réflexion avant une décision importante.

arriver en retard aux réunions

Non seulement le laxisme horaire du manager va agacer, mais il risque aussi de faire des émules. «Le subor­ donné a tendance à imiter son supérieur, c’est un instinct animal que chacun porte en soi», explique Guillaume Bigot. Gare à l’anarchie rampante ! Apprenez à minuter votre emploi du temps. Et sachez qu’il vaut parfois mieux être absent qu’en retard. Prévenez à l’avance et déléguez la conduite de la réunion à votre adjoint.

reprendre de fond en comble le travail d’un autre

La tentation est forte. Tout manager a eu envie un jour de remanier complètement un rapport ou une présentation selon l’idée qu’il a du travail bien fait. Céder parfois à cette impulsion va décourager le collaborateur. Y céder

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le guide du manager 2016

souvent sera perçu comme du flicage. Pour juger de la qualité d’un travail, il faut s’attacher à l’essentiel et laisser les détails de côté. Et admettre qu’il n’y a pas qu’une seule façon – la vôtre – de procéder.

Se laiSSer déborder par les râleurs

Canalisez-les au plus vite sous peine de passer pour faible et inéquitable. Le mieux est de tirer profit de ces personnalités pour le confort de tous. Ecoutez-les un peu, car elles sont en partie les porte-parole des autres. Mettez-les dans la confidence avant une annonce à fort enjeu, ce qui dégonflera leurs réactions négatives. Enfin, confiez-leur des responsabilités, des missions, ou donnez-leur une promotion : cela changera leur angle de vue.

avoir Sa porte toujours fermée (ou ouverte)

C’est le «toujours» qui est ici une erreur : soit vous donnez l’impression de snober vos collaborateurs, soit vous transformez votre bureau en moulin. Délimitez clairement les moments où vous avez besoin de vous concentrer et ceux où vous êtes disponible (lire aussi p. 17).

Se laiSSer dévorer par le reporting

Rassurer sa hiérarchie en envoyant des notes, c’est bien. Mais y passer trop de temps empiète sur votre travail de manager. «Il ne faut pas hésiter à aller voir son N + 1 et à lui expliquer que le temps consacré au reporting nuit à votre mission», indique Karine Aubry. Mettez-vous d’accord sur les différentes étapes d’un projet et proposez des points réguliers… mais pas trop envahissants !

vouloir gérer le moindre détail

Cessez de gaspiller votre énergie sur tous les fronts. Si vous passez votre temps à relire chaque e-mail sortant de votre service, votre équipe finira par se sentir inutile et lèvera le pied. Acceptez de ne pas tout contrôler et bannissez les listes d’instructions démotivantes. En prime, ces bonnes résolutions vous protégeront du burn-out.

prétendre que l’on sait tout

Vous n’êtes pas omniscient ! «Le boulot du manager, c’est de prendre les bonnes décisions, pas de trouver toutes les solutions, rappelle Pierre Gédalge, membre de Consult’in France. Il ne faut pas hésiter à solliciter ses coéquipiers et à demander un temps de réflexion.» Cette attitude mettra en valeur votre capacité à prendre du recul et à jouer collectif.

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négliger la formation de ses collaborateurs

«Si on les forme et qu’ils partent ?» s’interroge un manager. Malicieux, son DRH rétorque : «Et si on ne les forme pas et qu’ils restent ?» Les formations sont absolument essentielles pour entretenir l’expertise et la cohésion de l’équipe. «Dans le secteur IT (technologies de l’information), par exemple, les jeunes ridiculisent parfois les anciens avec leur maîtrise des nouveaux logiciels. Entretenir un bon niveau de qualification permet d’éviter ces situations», témoigne JeanMichel Rolland, consultant en entreprise.

ne paS entretenir ses réseaux en interne

Concentré sur votre travail, vous en oubliez de lever le nez pour voir ce qui se passe dans le reste de l’entreprise. «Une de mes clientes pensait que ses résultats suffiraient à la distinguer, raconte Karine Aubry, coach chez Kolibri Coaching. Grave erreur ! A la suite d’une réorganisation, son service s’est retrouvé sous la tutelle d’un ambitieux qui, lui, avait su tisser des liens.» Son conseil : ne plus considérer les échanges informels comme une perte de temps, mais comme un investissement pour sa carrière.

refuSer de déléguer

«On tend à faire davantage confiance à soi-même qu’aux autres, estime Pierre Gédalge. Mais ne pas déléguer, c’est à la fois se priver de l’expertise de ses collaborateurs et les empêcher de progresser.» Tout en faisant exploser votre charge de travail. Alors, apprenez à lâcher prise et faites confiance à vos coéquipiers.

ne paS répartir les rôles clairement

Distribuer vos instructions au petit bonheur finit par créer un flou préjudiciable à la créativité de chacun. Pour éviter les doublons ou les dossiers non traités, distribuez soigneusement les rôles dès le départ.

ne paS tenir compte des problèmes personnels

Les performances d’un salarié baissent ? Il est peut-être en plein divorce. Informez-vous discrètement et n’hésitez pas à en parler avec lui pour vous montrer solidaire et le remotiver. Le pire serait de lui lancer des «Comment ça va ?» ou des «Courage !» entre deux portes.

fuir la confrontation

Raser les murs en cas de conflit dans votre équipe est le meilleur moyen de passer pour un couard et de perdre toute autorité. Vous devez, au contraire, réaffirmer votre

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leadership et repréciser les motifs d’une décision. Restez ouvert à la discussion, mais sachez tenir bon : à votre poste, le manque de courage est rédhibitoire.

Se défauSSer sur autrui

Comment perdre toute crédibilité ? En rejetant vos erreurs sur un coéquipier pour sauver votre peau. Cette réaction guidée par la peur vous attirera le mépris de tous. Encore une fois, la seule solution est d’assumer ! Avec d’autant plus de facilité que, selon une étude de l’université Stanford parue en 2004 et portant sur l’évolution de 14 entreprises sur vingt et un ans, un dirigeant qui assume ses erreurs a un impact positif sur le cours en Bourse de sa firme…

Créer des rivalités au sein de votre équipe

Dans les secteurs des technologies de l’information, les sessions Openfire sont monnaie courante : tous les fichiers clients sont mis en commun et chacun intervient sur le dossier de son voisin. «Ces dispositifs créent une forte rivalité entre les employés, qui se change en ressentiment à l’égard du manager», prévient Karine Aubry. Mieux vaut éviter ce genre de pratiques. Ou, à tout le moins, dédramatiser l’événement en consultant votre équipe en amont.

fixer des objectifs irréalisables

A l’impossible, nul n’est tenu. «Ruiner le sentiment d’efficacité de vos collaborateurs en leur imposant des résultats impossibles à atteindre est le meilleur moyen de les décourager», assène Karine Aubry. La solution : négocier des objectifs raisonnables avec la direction. Et ne pas (trop) répercuter sur vos troupes la pression venue d’en haut.

faire paSSer une mauvaise nouvelle pour une bonne

«C’est vraiment génial, on déménage à 30 kilomètres !» Un manager n’est pas un VRP : arrêtez de vouloir tout vendre, y compris de la camelote. Ecoutez plutôt les craintes exprimées par vos collaborateurs et efforcez-vous d’y répondre. Expliquez les raisons d’un choix et assumez-le. Et, quoi qu’il arrive, ne prenez surtout pas à témoins vos salariés de vos désaccords éventuels avec la direction. Vous risquez d’entamer votre crédibilité aux yeux de tous.

ignorer leS remarqueS de vos coéquipiers

Avoir la foi chevillée au corps n’exclut pas une remise en question de temps en temps. Loin d’être inutile, recueillir les remarques de vos collaborateurs et de votre entourage vous permettra d’avancer en vous ouvrant de nouvelles perspectives. D’autant qu’en restant sourd aux observations, on

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tue l’esprit d’initiative. «Les salariés finissent par se taire à force d’être ignorés, explique Pierre Gédalge. Pour ne pas en arriver là, laissez s’exprimer les idées, en réunion ou de façon informelle, et motivez chacune de vos décisions.»

organiSer des réunions aléatoirement

«Au sein d’un service, ne pas établir de rites ni de rythme, c’est laisser les employés en roue libre», analyse Emmanuel Dehee, fondateur du réseau Coach-manager. Fixez des points hebdomadaires : ces rendez-vous constituent la colonne vertébrale de la relation entre vous et votre équipe.

oublier de prévoir des soupapes de sécurité

Un manager doit faire tampon entre sa hiérarchie et son équipe, encaisser la pression d’un côté et réduire le stress de l’autre, pour permettre à chacun de travailler sereinement. Adoptez une bonne hygiène de vie et trouvez votre équilibre en dehors du travail : c’est encore le meilleur moyen de lutter contre le stress.

S’oCtroyer les lauriers d’un succès collectif

Cette attitude vous mettra tout le monde à dos. Valorisez plutôt le travail de l’équipe toute entière et accordez de la visibilité à vos collaborateurs pendant les réunions ou les présentations. Vous serez sûr d’obtenir leur fidélité et leur appui pour gravir les échelons supérieurs.

avoir un ChouChou ou une bête noire

Privilégier une personne au détriment des autres crée des rancœurs et divise. Alors que vous avez besoin de tout le monde : «L’homme, imparfait par essence, se complète à travers les autres pour accéder à la performance», rappelle Emmanuel Dehee. Attention, de la même façon, à ne pas vous perdre sur le chemin de la bergerie en cherchant à tout prix à intégrer à votre équipe un providentiel mouton à cinq pattes. «A vouloir dénicher à tout prix l’oiseau rare, on risque d’oublier qu’il faut d’abord quelqu’un pour assurer le travail», confirme un consultant.

aggraver les choses en ne faisant rien

Vous avez commis l’une des erreurs précédentes ? Rassurez-vous, ça arrive à tout le monde. La seule faute irréparable serait de vous cacher la tête dans le sable et de ne pas rectifier le tir. A terme, vous risquez une reprise en main par votre N + 1, qui réglera le problème à votre place… et vous passera un savon. I

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ça y est, c’est rouvez-vous  T un mentor ou un modèle p. 11

 L es 15 bourdes que font les managers débutants (sauf vous…) . 12 p  L es 10 attitudes qui feront de vous un supermanager p. 14 méthodes  5 pour gérer un conflit p. 16 réservez  P votre espace . 17 p  7 check-lists pour réussir à se décider rapidement p. 18

n patron /  U un conseil : Rick Goings, PDG de Tupperware p. 21

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vous le chef ! trouvez-vous un mentor ou un modèle Pas simple le premier plongeon dans le grand bain. Pour apprendre à nager au fil de l’eau, le plus simple – et le plus efficace – est d’observer ses pairs ou de s’appuyer sur des mentors. Témoignages. Par marie-madeleine sève

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a première expérience a été plutôt rude», se souvient Cathy Mauzaize, diplômée de l’EM Lyon et aujourd’hui directrice exécutive France chez Dell, à la tête d’une équipe de 100 commerciaux. «A 28 ans, manager novice chez un grand industriel, j’ai dû licencier, sur ordre, une chef comptable chevronnée, plus âgée que moi. Un cauchemar ! J’ai fait au mieux, en effectuant un distinguo entre ma fonction et ma personne.» Selon trois chercheurs américains de l’université de Princeton, la formation ne contribue qu’à hauteur de 10% à un processus d’apprentissage efficace, contre 70% pour l’expérience de terrain et 20% pour l’interaction avec les autres. L’observation de ses aînés en entreprise et l’échange avec ses pairs sont indispensables pour bien démarrer. prendre du recul. Cathy Mauzaize, pour sa part, dit avoir été façonnée par deux supérieurs exemplaires : «Chez Hewlett-Packard, mon boss savait écouter. Il était équitable, coopératif et n’avait aucun chouchou. Je m’en inspire encore aujourd’hui. Comme lui, lorsque j’anime une réunion, je parle le moins possible et je veille à ce que tout le monde puisse s’exprimer, cela suscite la confiance et la créativité.» Son second modèle a été, huit ans plus tard, son premier patron chez Dell : «Il me donnait des feed-back parfois négatifs, mais toujours constructifs, sans

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m’humilier. Et il acceptait la critique. C’était très motivant ! Je m’inspire de lui en expliquant à mes équipes que la parole est ouverte, pourvu que ce soit dans le respect de chacun et avec un esprit toujours positif. Il m’a aussi appris à prendre du recul par rapport à mes émotions, ce qui est indispensable pour rester objectif avec ses collaborateurs.» travailler les détails. Jeune chef des ventes chez Xerox à Lille, Charles Dauman, aujourd’hui quinquagénaire et DG de Shiva (services à domicile), se souvient avoir choisi comme mentor son chef des opérations. «Il menait avec autorité des réunions régulières. Il en retirait une vision globale du business, tout en étant capable de détailler deux ou trois points particulièrement critiques sur un sujet. Puis, le soir, autour d’un repas, ce fan de voile nous racontait ses navigations, laissant parler sa vraie nature de marin breton. Pendant toute ma carrière, je me suis nourri de ses méthodes, m’inspirant à la fois de son tempérament de skipper et de sa proximité avec les gens.» Ce dirigeant avoue aussi avoir beaucoup appris de ses erreurs. «A mes débuts, j’avais dans mon équipe un jeune ingénieur que j’appelais affectueusement “mon petit Pascal”. Un jour, il m’a déclaré qu’il ne supportait plus cette expression. Il avait raison, j’étais bien trop familier.» Savoir écouter et s’écouter est aussi une façon de progresser. I

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ça y est, c’est vous le chef !

les 15 bourdes que font les managers débutants (sauf vous…) Promotion attendue ou non, vous voilà manager. S’offrent à vous une nouvelle voie professionnelle… et les responsabilités qui vont avec. Tout ira bien si vous évitez ces impairs. Par coralie donas

Attendre qu’on vienne à vous

Un nouveau chef d’équipe qui ne va pas à la rencontre de ses collaborateurs suscite inéluctablement un sentiment d’insécurité. Même si vous n’avez pas de message important à faire passer, veillez donc à recevoir chacun d’eux individuellement. «Une simple discussion sur le travail ou sur l’équipe suffit à poser des bases solides pour démarrer», indique Valentine Chapus-Gilbert, dirigeante de Chapus Conseil et auteure, avec Marine Cousin-Bernard, de Manager, ça s’apprend (éd. EMS).

ne pAs se sentir légitime à son nouveau poste

Le sentiment d’illégitimité est lié à un problème de confiance en soi, bien naturel au moment d’endosser de nouvelles responsabilités. Commencez par vous rassurer : si vous êtes à ce poste, c’est que vous l’avez mérité ! Et, surtout, évitez de douter ouvertement de votre légitimité : vos collaborateurs pourraient bien faire de même.

Adopter la mauvaise posture

Pas facile de trouver le ton juste en s’installant à la tête d’une équipe. Autoritaire, copain, paternaliste ? «L’idéal consiste à trouver un équilibre entre ces trois attitudes, estime Valentine Chapus-Gilbert. Rester disponible sans oublier son rôle décisionnaire, défendre

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les projets de l’équipe tout en laissant chacun travailler de manière autonome.» Si vous avez obtenu une promotion, soyez d’autant plus clair sur votre positionnement. «Quand je suis devenue chef, j’ai tout de suite expliqué à mes amies au sein de l’équipe que je n’aborderais aucun sujet professionnel en dehors des heures de travail», raconte Carole, 30 ans, qui encadre cinq personnes.

ne pAs chercher à savoir ce qu’on attend de vous

En tant que manager, vous allez donner à votre équipe des objectifs qui dépendent de ceux qui vous auront été fixés. Vous devez donc impérativement connaître les critères de réussite à votre poste à six mois et à un an. «Si le N + 1 reste flou sur ses attentes, une solution est de rédiger soi-même la feuille de route avant de la faire valider», conseille Valentine Chapus-Gilbert.

ne pAs tenir compte du caractère de chacun

On ne dirige pas tous ses collaborateurs de la même façon. Certains ont besoin d’être strictement encadrés, d’autres sont plus efficaces s’ils sont encouragés, stimulés… Apprendre à les connaître vous évitera bien des maladresses. «Il s’agit de décrypter les attitudes des uns et des autres à votre égard : Untel est-il plutôt enclin à la coopération, à la confrontation,

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à l’évitement ? Il faut ensuite se caler sur ces attitudes pour y adapter son style de leader­ ship», conseille Philippe Gabilliet, professeur de management à ESCP Europe.

Dénigrer son prédécesseur

Médire du manager qui vous a précédé relève de la faute de goût. «C’est un principe de savoir­vivre managérial : pas un mot sur votre prédécesseur», confirme Philippe Ga­ billiet. Quant à critiquer les process qu’il a mis en place, faites attention où vous mettez les pieds. Vos nouveaux collaborateurs risquent de se sentir dévalorisés si vous leur expliquez benoîtement qu’ils faisaient auparavant leur travail en dépit du bon sens. Réunissez­les et expliquez soigneusement les avantages de l’organisation que vous leur proposez.

exercer son métier comme avant d’être promu

Vous étiez un excellent technicien ? Ce n’est plus uniquement ce qu’on attend de vous. «C’est une erreur de vouloir continuer à exer­ cer complètement son expertise, souligne Sté­ phane Maisonnas, directeur des masters spé­ cialisés à Audencia. Il faudra désormais déléguer. Si le manager néglige de le faire, il s’attirera la méfiance de l’équipe, en plus d’une surcharge de travail.»

Se DéSintéreSSer de ses pairs

Ne pas chercher à nouer des relations avec d’autres managers, c’est risquer de se priver d’alliances stratégiques… ou de se retrouver souvent seul pour déjeuner. «C’est le signe que le nouveau manager n’accepte pas assez rapi­ dement son changement professionnel, com­ mente Annette Chazoule, responsable des for­ mations pour les managers chez Cegos. Il doit chercher ses alliés chez ses nouveaux pairs.»

tarDer à affirmer son leadership

«On a toujours fait comme ça et ça marchait bien.» C’est le genre de petite phrase exaspé­ rante que vous risquez d’entendre souvent si vous ne posez pas très vite vos limites. Passé la période d’observation, une simple réunion d’équipe suffira pour établir vos propres mé­ thodes de fonctionnement.

impoSer tous ses protégés

Faire venir votre adjoint dans l’équipe, s’entourer de personnes de confiance, pour­ quoi pas ? Attention tout de même à ne pas trop favoriser vos alliés et à ne pas montrer osten­ siblement vos liens privilégiés avec eux.

ne paS DemanDer conseil à son N + 1

Vous craignez de donner l’impression de ne pas être compétent en posant des questions à votre supérieur ? Il vaut parfois mieux l’embê­ ter que de courir à l’échec. Profitez au contraire de votre état de grâce pour approfondir cette relation et bénéficier de son expérience. Cela pourrait même lui faire plaisir de vous aider !

S’accorDer une augmentation présidentielle

Comme Nicolas Sarkozy, qui s’était augmenté de 172% après sa prise de fonction en 2007.

ignorer celui ou celle qui aurait pu avoir le poste

La place l’intéressait… mais sa candidature n’a pas été retenue. Ce collaborateur risque de traîner les pieds, voire de glisser des peaux de bananes sous les vôtres. Une seule solution : engager le dialogue. «J’ai proposé au collègue qui n’avait pas eu mon poste de soutenir sa candidature si un autre poste venait à se libérer, raconte une consultante. Une op­ portunité s’est présentée deux ans plus tard et j’ai tenu ma promesse. En attendant, il a vraiment joué le jeu au sein de l’équipe.»

refaire de fond en comble la déco de son bureau

Mathieu Gallet et Thierry Lepaon l’ont fait, respectivement à Radio France et à la CGT, et ce n’était pas une bonne idée !

négliger la phase d’observation

Faire table rase du passé sans maîtriser le contexte est une mauvaise idée. «Il faut ména­ ger des transitions, prévient Lionel Bellenger, intervenant à HEC et auteur de Comment manager demain (ESF Editeur). En bouleversant le fonctionnement d’un service, on risque de toucher à des choses qui marchent.» Prenez une quinzaine de jours pour observer comment les choses se passent. I

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ça y est, c’est vous le chef !

les 10 attitudes qui feront de vous un supermanager on ne naît pas tous charismatiques, mais on peut le devenir. Voici des comportements et des techniques qui vous permettront d’obtenir l’adhésion et l’estime de votre équipe. Par laure cailloce et adrian de san isidoro

u

n zeste de confiance en soi, une bonne qualité d’écoute, un discours articulé autour de quelques idées fortes et une posture adéquate : voilà comment embarquer ses collaborateurs dans des projets ambitieux. Mais attention : le charisme n’est ni le fruit d’une recette à suivre aveuglément ni une mise en scène de soi. «Sans un minimum de sincérité, vous serez vite démasqué, prévient Clothilde Van Lerberghe, du cabinet de conseil Stimulus. Et vous perdrez l’autorité que vous aviez sur vos équipes.» Cette mise en garde faite, il existe des astuces pour gagner en charisme. A vous de vous en inspirer.

Développez votre écoute

Un manager est bien plus qu’un super-aiguilleur qui redirige vers le bas les consignes reçues d’en haut. «Pour être sûr que votre discours fera mouche et pour obtenir le meilleur de vos col laborateurs, vous devez les connaître, avoir identifié leurs points forts et leurs faiblesses, mesuré leur degré d’autonomie et savoir ce qui les motive», souligne An nette Chazoule, spécialiste de la formation des managers à la Cegos. Une seule attitude permet d’y parvenir : prendre le temps d’observer et surtout d’écouter. «Beaucoup de cadres ont tendance à manager de façon rigide : ils donnent des instructions, remplissent des tableaux et se font une idée du travail de leurs équipes grâce au seul reporting, ajoute Annette Chazoule. C’est oublier que la dimension relationnelle est au cœur du charisme.» Montrez un

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@asanisidoro

intérêt sincère, sans être intrusif. «C’est un dosage subtil, prévient Jean-Paul Lugan, président du cabinet Lugan and Partners. Savoir que tel collègue a deux enfants et prendre de temps à autre de leurs nouvelles, oui. Mais n’allez pas plus loin, à moins d’y avoir été invité.»

veillez à être exemplaire

Ce n’est pas parce qu’on est sympa, voire laxiste, qu’on est apprécié. «Faire plaisir à tout prix est une erreur. Il faut être capable de dire à un salarié qu’il s’est trompé», explique Annette Chazoule. Tout en cherchant des solutions pour redresser la barre. «Les collaborateurs peuvent entendre les remarques d’un manager s’ils savent qu’il est juste. Ne pas relever une erreur ou un comportement inadéquat aurait pour effet de donner un coup de canif à cette image d’équité», insiste Jean-Paul Lugan. Il faut, en contrepartie, s’appliquer le même régime. Autrement dit, devenir exemplaire : respecter la parole donnée, éviter de s’attribuer les idées d’un autre ou, en cas d’erreur, de rejeter la faute sur l’équipe.

n'hésitez pas à vous engager

On ne devient pas charismatique en s’enfermant dans sa tour d’ivoire. «Le charisme n’est pas lié à la distance que l’on installe avec les gens, relève Clothilde Van Lerberghe. Il réside dans la capacité à agir, et à agir au milieu des autres.» Comme ce chef de secteur de l’agroalimentaire qui n’hésite pas à se jeter dans la mêlée dès qu’il en a l’occasion et se fait un devoir d’accompagner ses commerciaux lors de

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leurs premiers rendez-vous chez les distributeurs. «On ne peut pas demander aux autres de s’engager à fond et être soi-même dans une forme de dilettantisme, renchérit Annette Chazoule. En s’impliquant, on devient plus crédible et on gagne en autorité naturelle.»

donnez du sens aux objectifs

On ne vous demande pas de jouer les prédicateurs exaltés, mais d’expliquer clairement à vos équipes où vous voulez aller afin de donner du sens à leur action. Dire, par exemple, «Nous voulons être à armes égales avec notre concurrent dans deux ans», plutôt que «Nous allons réduire de 20% les frais généraux». Il faut à la fois avoir des convictions et être capable de prendre de la hauteur. «Pour être celui qui voit plus loin que les autres, il faut pouvoir s’intéresser à des champs de réflexion ne relevant pas forcément de son domaine professionnel», détaille Eric-Jean Garcia, professeur en leadership à Sciences Po.

Jouez-la collectif

Le charisme n’est utile que s’il sert le collectif. «Un manager doit pouvoir déléguer, accepter les façons de travailler de ses collaborateurs et prendre en compte leurs suggestions», observe Jean-Paul Lugan. Assumer ses responsabilités et monter au créneau pour défendre ses troupes est l’autre facette de ce jeu collectif.

Contrôlez votre ego

S’il y a un point sur lequel les experts s’accordent, c’est bien celui-là : un manager charismatique affiche une personnalité stable et rassurante. «C’est quelqu’un qui a suffisamment confiance en lui pour ne pas avoir besoin d’écraser l’autre, détaille Clothilde Van Lerberghe. Il a un côté “force tranquille”.» Mais il ne faut pas non plus être trop autocentré : «Améliorer son charisme, c’est effectuer un travail sur le “non-ego”, affirme Jean-Paul Lugan. Cela consiste, par exemple, à ne pas prendre une attaque personnellement.»

travaillez votre voix

La voix, c’est la signature d’une personnalité. C’est pourquoi l’améliorer est essentiel. «Les notes graves, associées à l’autorité, sont celles qui ont le plus d’impact», observe le coach Lionel Bellenger, auteur de Des prises de parole

captivantes (ESF Editeur). Chercher les graves permet aussi de ne pas virer dans les aigus au premier coup de stress. Pour renforcer l’ampleur de votre voix, produisez un son tout en fermant la bouche, afin de prendre conscience des «résonateurs» situés dans les joues et le front.

pratiquez la rhétorique

L’art de discourir, c’est le pouvoir. La preuve ? Les 80 figures de rhétorique sont toujours enseignées dans les grandes écoles pour apprendre à convaincre ou à déstabiliser. En 2012, c’est avec une anaphore – figure qui consiste à répéter un message pour l’amplifier – que François Hollande a mis au tapis son adversaire, Nicolas Sarkozy : «Moi, président de la République…» Autre figure prisée : la métaphore, qui confère une force visuelle à un discours. En 2013, le patron de Free, Xavier Niel, l’emploie pour accuser ses concurrents de trop communiquer sur la 4G : «Pigeon une fois, ça va… Pigeon deux fois, bonjour les dégâts !»

maîtrisez l’art du silence

L’impact que vous avez sur votre auditoire passe, selon les recherches du Dr albert mehrabian, à :

7%

seulement par les mots,

38%

par le ton et le rythme de la voix,

55%

par la gestuelle, l’énergie et l’attitude.

Pour donner du relief à vos paroles, rien de tel que quelques silences habilement distillés : ils serviront de pauses stratégiques avant et après les éléments clés d’une intervention. «Les mots claquent plus fort à la suite d’un silence», souligne le consultant Mathieu Maurice, directeur du développement du Cepig. Mais gardez-vous d’en abuser. «Le phrasé de François Hollande est trop haché, cela donne l’impression qu’il cherche ses mots», critique ainsi Lionel Bellenger. Steve Jobs, lui, excellait dans cet art de la césure. Pendant ses keynotes, son fameux «Ceci… [silence] est une révolution» déclenchait l’hystérie des Apple addicts. Ou comment transformer une simple pause en un véritable teasing publicitaire.

Fuyez l’élément de langage

N’espérez pas toucher votre auditoire avec un langage formaté. Selon Lionel Bellenger, «il faut cultiver sa différence». Le meilleur moyen pour sortir du discours aseptisé ? Adopter des expressions imagées (l’«abracadabrantesque» de Jacques Chirac en 2000 a marqué les esprits) et relire ses discours. «Les plumes de Hollande piquent des crises d’amour-propre, parce qu’il réécrit toujours leurs textes, conclut Lionel Bellenger. Mais il a raison !» I

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ça y est, c’est vous le chef !

5 méthodes pour gérer un conflit Qu’il dirige un service ou l’entreprise tout entière, un manager doit aussi savoir jouer le rôle du médiateur. objectif : régler les désaccords avant qu’ils ne se transforment en crises ouvertes et provoquent des dégâts irréversibles. Par Gaëlle Ginibrière

pour aller plus loin

 Méthode de négociation. On ne naît pas bon négociateur, on le devient, d’aurélien Colson et alain Pekar Lempereur, éd. Dunod, 29,50 €.  La Boîte à outils de la gestion de conflits, de Jacques salzer et arnaud stimec, éd. Dunod, 26,50 €.

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s

@gginibriere

oucieux avant tout d’éviter les conflits, les dirigeants seraient peut-être bien avisés de se transformer en experts de la gestion des désaccords. «Un conflit est avant tout le symptôme d’un dysfonctionnement dans l’organisation de l’entreprise et du caractère obsolète d’un équilibre antérieur, assure Aurélien Colson, professeur à l’Essec où il dirige l’Institut de recherche et d’enseignement sur la négociation (Irené). En cas de tensions, un bon leader doit donc savoir acter les points de désaccord et dégager des solutions.» Voici cinq techniques pour gérer au mieux un conflit, inspirées par l’exemple de petits et de grands patrons.

Incarner l’exemplarité

Attendu de pied ferme par les équipes de Nissan lorsqu’il s’est attelé au redressement du constructeur japonais en 1999, Carlos Ghosn a su jouer sur son exemplarité pour dénouer les conflits latents. «Il a eu l’intelligence de dire qu’il ne pourrait pas élaborer de plan d’action sans écouter les équipes, commente Aurélien Colson. Il a donc rencontré une centaine de personnes, des opérateurs de production aux dirigeants.» Exigeant de tous les salariés qu’ils s’engagent sur des objectifs chiffrés, le nouveau boss a lui-même fait la preuve de sa force de travail, arrivant au bureau aux premières heures pour en sortir très tard. Cela lui a valu le surnom de «Mister 7/11», du nom d’une enseigne japonaise de supérettes ouvertes vingtquatre heures sur vingt-quatre. Parfait contreexemple, le PDG de Radio France, Mathieu Gallet, restera à l’inverse dans les annales des

erreurs de management pour la coûteuse rénovation de son bureau en mars 2015. Celleci a défrayé la chronique au moment même où il demandait aux collaborateurs de la Maison ronde de se serrer la ceinture.

Mettre les équipes en mouvement

Lancement d’iDTGV et de TGVpop (qui adosse les réservations de train aux réseaux sociaux), accent porté sur la relation client… c’est en accélérant le rythme des innovations que Guillaume Pepy, PDG de la SNCF, mobilise ses équipes. Entre 1995 et 2008, le nombre de jours de grève est passé de six à un par an. Fin négociateur, il surmonte les conflits en donnant des objectifs précis à ses collaborateurs. «Lorsqu’une entreprise traverse une période de tensions, ses salariés ont besoin de cette impulsion», analyse Aurélien Colson.

Moduler le timbre de sa voix

Le point commun entre Thierry Boiron, président du conseil d’administration des laboratoires Boiron, et Pierre Kosciusko-Morizet, entrepreneur et business angel ? Ils jouent de leur voix pour calmer les réunions tendues. Rythme plus lent et timbre plus grave contribuent à apaiser les plus virulents. «Une voix grave suscite inconsciemment confiance et maturité», décrypte Christophe Haag, professeur à EM Lyon et auteur de Vox confidential. Une enquête inédite sur les mystères de la voix humaine (Michel Lafon). L’enseignant-chercheur va bientôt publier les résultats d’une étude, menée avec l’université de Genève, montrant qu’un dirigeant parlant d’une voix grave fait

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baisser le taux d’hormones du stress chez ses interlocuteurs. «En induisant des émotions positives, commente le professeur, on facilite une vision partagée des choses, donc la mise en place de solutions.» Les managers ont donc intérêt à travailler leur voix, sans aller cependant jusqu’à la travestir, ce qui leur ferait perdre toute authenticité et nuirait à leur message.

Bâtir un rapport de force

En s’enfermant dans un long face-à-face avec les pilotes à l’automne 2014, Alexandre de Juniac, PDG d’Air France-KLM, a commis une erreur qui a coûté cher à la compagnie. Face au Syndicat national des pilotes de ligne, la renégociation de l’accord sur Transavia Europe, la filiale à bas coût de la compagnie aérienne, a pris des allures de duel. Cette crispation a participé à l’enlisement du conflit – quatorze jours de grève – et hypothéqué le redressement de l’entreprise. Or l’issue d’un conflit tient à la capacité des parties prenantes à bâtir un rapport de force. «Cela ne signifie pas qu’il faut écraser son interlocuteur, précise Aurélien Colson. Mais que, pour prendre le dessus dans une négociation, on doit parfois élargir le nombre d’interlocuteurs.» Du point de vue de la direction d’Air France-KLM, associer les personnels au sol, les tour-opérateurs représentant les usagers ou le principal syndicat de pilotes de KLM (qui a contribué à redresser KLM) aurait sans doute permis de renverser le rapport de force.

Détecter les signaux faibles

Capter à temps les signes avant-coureurs d’un conflit est essentiel dans la gestion d’une équipe. «Des retards, des conciliabules dans les couloirs ou une désorganisation latente : ces signaux faibles sont parfois difficiles à détecter. C’est pourquoi les patrons de PME, qui côtoient davantage leurs collaborateurs au quotidien, sont assez bons dans ce domaine», note Jean-Louis Ray naud, directeur de l’Advanced Management Programme de l’Edhec et consultant en management. Une fois repérés, ces signes doivent être traités. Ce sont cette capacité de rester à l’écoute et ses qualités de communicant qui ont forgé la réputation de Philippe Dorge, alors DRH de PSA (il a rejoint La Poste en septembre 2015), confronté à la fermeture de l’usine d’Aulnay et à la gestion des conflits chez Citroën. I

le point de vue du coach pierre blanc-sahnoun, coach de cadres dirigeants, fondateur et directeur de WHITE SPIRIT

préservez votre espace Vous êtes devenu chef, certes, mais pas nounou. Pour ne perdre ni votre temps ni votre autorité, il va falloir apprendre… à fermer votre porte !

n

ous traînons cette histoire de porte toujours ouverte depuis les années 1970, où il devint de bon ton d’introduire une dose de dialogue dans la relation hiérarchique et où, d’anciens officiers de carrière qu’ils étaient, les chefs du personnel amorcèrent leur mutation en directeurs des ressources humaines. Du coup, le syndrome «Ma porte est toujours ouverte» fit son entrée dans le catéchisme managérial, alors qu’il correspond, à mon sens, à une triple erreur… gestion du temps. Impossible de mener à bien des tâches réclamant une certaine concentration si l’on entre dans ton bureau comme dans un moulin et que l’on vient te déranger à tout bout de champ. Notre bureau est notre territoire ; en tant que tel, il se doit de posséder des frontières matérielles ou symboliques respectées par autrui. Les limites de l’espace conditionnent celles du temps. Et si tu laisses piétiner ton temps, tu condamnes ton efficacité. communication. Créer des moments où l’on ne peut pas te voir ne t’isole pas des autres. Bien au contraire, cela donne de la valeur aux moments où tu es accessible. Cela dit, inutile d’ouvrir ta porte si

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tes oreilles et ton cœur restent fermés. Préfère peu de contacts, mais avec une vraie écoute, à la fiction d’une disponibilité perpétuelle. Lorsque tu es en conversation avec un humain, mets les robots en veilleuse. L’attitude qui consiste à surveiller ses messages du coin de l’œil est beaucoup plus insultante que tu n’imagines. management. Le réflexe naturel d’un collaborateur qui rencontre un problème est de venir en chercher la solution auprès du chef. Comme il est reposant et doux de laisser le cerveau du chef travailler à la place du sien ! Mais s’il doit attendre que tu sois dispo, dans 80% des cas, il se met à réfléchir et trouve la solution lui-même. Alors, ferme donc ta porte avant d’attraper un rhume de moquette. S’il est vrai que le manager est au service de son équipe, une disponibilité permanente et sans conditions est un bien mauvais service à rendre, en termes d’autonomie, à des collaborateurs que l’on souhaite voir grandir. Au lieu d’essayer de te faire apprécier par une disponibilité permanente, comme une maman à la disposition de ses «petits», fais-toi respecter en donnant de la valeur à ton espace et de la densité au temps passé en ta compagnie. I

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ça y est, c’est vous le chef !

7 check-lists pour réussir à se décider rapidement Ces listes de questions vous apportent un cadre de référence pour trancher dans sept domaines clés. a vous de les personnaliser selon vos besoins.

photo : robert halF

Par Gaëlle Ginibrière

Ces listes permettent d’envisager les choses sous un jour nouveau,

d

en se mettant à la place de l’autre ou en se projetant dans le temps. elles aident à privilégier les éléments factuels, à gagner en objectivité. autant de facteurs clés pour prendre de bonnes décisions.” Noëmie Cicurel, directrice chez Robert Half

@gginibriere

ans les secteurs de l’automobile, du meuble ou de la banque, on éprouve la fiabilité de produits ou de services dans des conditions extrêmes : ce sont les fameux crash tests ou stress tests. On s’appuie pour cela sur une liste de points jugés cruciaux, puis analysés un par un. C’est un peu l’idée des check-lists que nous vous proposons ici : ces grilles de référence pour managers pressés ou débutants constituent des outils permettant de décider vite dans des situations types. Brèves et synthétiques, elles vous aideront à vous poser les

bonnes questions et à clarifier vos pensées pour trancher de façon fiable et rapide dans sept contextes précis. «Les cadres n’ont pas toujours les bons réflexes, notamment en matière de management. Ils ont besoin d’être accompagnés et ce mode de questionnement peut les aider», confirme Annick Haegel, consultant RH et coauteure de Réussir dans ses nouvelles responsabilités, prise de fonction : mode d’emploi (éditions Dunod). Ces check-lists sont, bien sûr, de simples canevas. Vous pourrez les enrichir et les affiner au fil du temps, avec l’expérience, pour les rendre plus efficace. I

reCrUter Un CollaborateUr

T

reize pour cent des recrutements en CDi ne dépassent pas la période d’essai, selon le ministère du travail. «Un recrutement raté, c’est du temps perdu, une équipe démotivée, sans parler du coût, souvent mésestimé», rappelle stéphane Waller, fondateur de meltis. spécialiste des rh, le cabinet mozart Consulting évalue ce coût entre 50 000 et 100 000 euros (sur la base du salaire moyen de 2012). avant de signer le contrat d’embauche, mieux vaut donc être sûr de son choix.

oui non Je me vois partir deux jours en déplacement avec ce candidat.

sa personnalité extravertie va contrebalancer la timidité du collègue avec qui il va faire équipe.

il n’a aucun défaut rédhibitoire comme l’agressivité ou le manque de rigueur.

il a cité les trois principales difficultés du poste.

son précédent employeur m’a assuré qu’il est capable de s’adapter aux changements.

il m’a envoyé un e-mail de debriefing pertinent après notre entretien.

Si vouS répondez oui à l’ensemble de ces affirmations, vous avez 80% de chance de recruter le bon candidat. vous pouvez garder quelques marges d’incertitude sur les points les moins cruciaux (comme votre affinité personnelle avec le candidat), à condition d’avoir «bétonné» les autres.

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réaLiser Une présentation

S

a maîtrise de l’art oratoire a grandement contribué à l’image créative qui a accompagné steve Jobs tout au long de sa vie. «Une présentation réussie marquera durablement les esprits, alors qu’on ne vous pardonnera pas une prestation monotone», rappelle Valérie Bergère, fondatrice du gymnase du management. avant de vous lancer, assurez-vous que votre présentation passe l’épreuve de notre check-list.

oui non Je suis capable de raconter en une minute ma présentation d’une demi-heure.

elle comporte au moins trois informations nouvelles, pratiques et utiles à l’auditoire.

elle a des chances de figurer dans le top 3 des pitchs effectués au cours de la matinée.

Les photos et les vidéos qu’elle contient viennent renforcer mon discours.

J’ai identifié la question piège que je redoute par-dessus tout.

Prenez soin de valider chacun de ces points pour être certain que votre présentation repose sur un fil rouge clairement identifiable. vous aurez ainsi la garantie de capter et de retenir l’attention de votre auditoire et, surtout, de faire passer votre message clé.

Fixer Des oBJeCtiFs

E

tablis de manière intelligente, les objectifs peuvent booster vos équipes et les tirer vers le haut. «s’il ne comporte aucun challenge, l’objectif fixé ne poussera pas le collaborateur à se dépasser. mais, hors de portée ou trop difficile à atteindre, il sera démotivant. il doit donc être réalisable et ne générer ni souffrance ni stress insurmontable», rappelle annick haegel, de Cegos.

oui non moi-même, j’ai déjà atteint des objectifs similaires.

Des objectifs comparables ont été réalisés par quelques personnes ces trois dernières années.

ils reposent sur des chiffres et des taux ; bref, des indicateurs vérifiables et mesurables.

Le collaborateur dispose des moyens nécessaires pour les remplir.

ils sont cohérents avec la conjoncture et la performance globale de l’entreprise.

si vous avez des doutes sur une seule de ces phrases, retravaillez vos objectifs jusqu’à valider tous les items, car vous devrez être capable de les justifier auprès de votre collaborateur au moment de la négociation. attention : si la troisième affirmation peut sembler élémentaire, elle est trop souvent négligée.

aCCorDer Une promotion

U

n tiers des professionnels rh reconnaît ne disposer d’aucun indicateur fiable en matière de promotions internes, selon une étude de l’anDrh. en clair, une sur trois se fait «à la louche». «il existe des affinités naturelles, dont il faut se détacher pour se décider objectivement», prévient stéphane Waller, de meltis. mais, attention, les compétences techniques ne sont pas non plus déterminantes…

oui non Le collaborateur pressenti a déjà rempli avec succès des missions que je lui ai confiées.

il a pu me décevoir ponctuellement, mais je reconnais qu’il est compétent pour ce poste.

il a l’envergure et la légitimité pour diriger les quatre employés qu’il aura sous sa responsabilité.

J’ai identifié les points sur lesquels je vais devoir l’accompagner.

Je suis capable de justifier mon choix auprès des autres salariés intéressés par le poste.

réPondre Par l’affirmative à l’ensemble du test devrait suffire à confirmer votre choix. une réponse négative vous fait hésiter ? validez au moins la première affirmation. accorder une promotion reste un pari sur l’avenir, mais vous aurez plus de chances de l’emporter en vous appuyant sur des arguments tangibles.

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ça y est, c’est vous le chef !

défendre Un ProJet

P

as une rencontre avec des business angels qui ne fasse l’objet d’un test maison. Le concept fait même florès sur internet avec une plateforme participative comme id awards (fr-fr.facebook.com/idawards), qui propose de soumettre à l’appréciation des internautes des idées de nouveaux produits ou services. Passez votre projet au crible avant de le dévoiler à vos équipes et à votre direction.

oui Non J’ai le soutien de mon n + 1 et d’un membre du codir.

Le séminaire de leadership en conditions extrêmes que je prévois répond à un vrai besoin de mes équipes.

J’ai identifié les obstacles qui pourraient faire échouer mon projet d’externalisation de la paie.

Un test du logiciel commercial que je veux déployer a déjà été réalisé dans un service avant de passer à une plus grande échelle.

en cas d’échec, je ne risque pas ma place.

Votre projet a passé avec brio l’épreuve de ce test ? Il a toutes les chances d’aboutir puisque vous aurez su anticiper les principaux points d’achoppement. soyez cependant conscient que tout projet comporte une part d’aléas et de risque. a vous de déterminer jusqu’où vous êtes prêt à pousser le curseur.

Choisir Un foUrnisseUr

F

ace à une concurrence toujours accrue, les relations d’une entreprise avec ses fournisseurs sont au cœur de l’amélioration de la compétitivité. Une étude réalisée en 2013 montre que le coût des achats représente, selon les secteurs, de 35 à 70% du chiffre d’affaires. des proportions non négligeables ! La confiance en vos partenaires est donc plus que jamais un critère de réussite majeur, qui impose un choix rigoureux.

oui Non il s’agit d’une entreprise stable et reconnue.

elle a l’habitude de travailler avec des entreprises de la taille de la mienne.

ses autres clients sont satisfaits de ses prestations.

aucun de ses clients ne représente plus de 30% de son chiffre d’affaires.

Je peux la tester pendant six mois, le temps d’évaluer son service de maintenance.

mon interlocuteur dans cette société y est employé depuis plus de deux ans.

Vous aVez répoNdu par l’affirmative à au moins quatre de ces affirmations ? Ce fournisseur a de grandes chances de se révéler un véritable partenaire. deux critères cependant méritent une attention toute particulière : ses références (phrases 1 et 3) et la stabilité de ses équipes (phrase 6).

évaLUer ses ComPétenCes

M

es compétences professionnelles sont-elles toujours efficientes ? Une question que les managers se posent trop rarement. a tort. Ce type d’interrogation se prête parfaitement à la méthode de la check-list et reste instructif. Pour noëmie Cicurel, directrice chez robert half, l’idéal est de se plier à l’exercice chaque année. «C’est l’occasion d’éclairer son positionnement de manager, afin de préparer l’avenir.»

oui Non Je peux citer 4 ou 5 exemples de réussites qui font parler de moi dans l’entreprise.

au cours des deux dernières semaines, j’ai discuté avec chacun de mes collaborateurs.

J’ai contribué à développer leurs compétences.

J’ai félicité le service communication pour le colloque sur les risques psychosociaux organisé le mois dernier.

mes résultats sont à la hauteur du poste de directeur commercial que je convoite.

sI Vous Ne remportez pas le grand chelem, pas de panique : le manager idéal n’existe pas. Ce bilan permet d’identifier vos points forts et vos faiblesses, pour mieux cibler vos efforts. Veillez à atteindre un équilibre entre critères de performance individuelle et indicateurs de votre engagement humain en tant que manager.

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UN PATRON / UN CONSEIL

RICK GOINGS, PDG DE TUPPERWARE

FAITES PASSER VOS SALARIÉS AVANT LES ACTIONNAIRES”

C

hez nous, les managers sont appelés à se mettre au service des salariés, pas l’inverse. Cela signifie qu’ils doivent reconnaître leur énorme potentiel et les aider à atteindre le meilleur d’eux-mêmes. Qu’ils doivent agir avec respect et contribuer à créer un environnement où chacun peut s’épanouir et s’investir pleinement.

CRÉER un cercle vertueux

Pour mobiliser, l’argent ne suffit pas, il faut une cause. Chez Tupper ware, nous nous efforçons de changer des vies. Nous avons ainsi aidé des millions de femmes à sortir de la précarité, et pas seulement dans les pays émergents. Beaucoup de nos démonstratrices sont issues de milieux défavorisés. Nous les formons, nous les microfinançons. Progressivement, elles gagnent en confiance et en influence. Deviennent connectées. Réinvestissent l’argent dans l’éducation de leurs enfants et tirent toute leur famille vers le haut. Nous appelons ce cercle vertueux «l’effet Tupper ware» et cela donne beaucoup de sens à notre activité.

RÉCONCILIER plutôt qu’opposer

J’ai vécu en Asie, je suis bouddhiste pratiquant. Je privilégie une vision holistique des choses : au lieu d’opposer les concepts, je cherche à les réconcilier. Ainsi, lorsque j’en ai pris la présidence en 1992, Tupperware traversait une mauvaise passe et envisageait un gros plan social. J’ai dit : «Il est hors de question de se

séparer de qui que ce soit. Pour rebâtir cette entreprise, nous allons avoir besoin de toutes les énergies.» Elle pesait alors 1 milliard de dollars. Depuis, sa valorisation en Bourse a plus que triplé ! Mon objectif est bien sûr de dégager des bénéfices, mais les actionnaires ne sont pas servis en premier. De toute façon, nous savons de moins en moins qui ils sont : avec la volatilité des marchés, ils achètent et ils revendent en moins d’un an. Nous aurions tort d’hypothéquer le futur de notre société juste pour faire plaisir aux spéculateurs. Ceux qui investissent chez nous depuis longtemps, en revanche, savent qu’ils peuvent compter sur nous : tous les ans, notre dividende augmente de plus de 10%. C’est bien la preuve que respect des hommes et rentabilité économique ne sont pas des principes antinomiques.

PHOTO : TUPPERWARE

PROPOS RECUEILLIS PAR CLAIRE DERVILLE

UN SPÉCIALISTE DE LA VENTE DIRECTE Son parcours. Né en 1945 à Chicago de parents modestes, Rick Goings a commencé à travailler dès 11 ans comme vendeur de glaces. A 25 ans, jeune vétéran de la guerre du Vietnam, il abandonne ses études d’histoire pour fonder une entreprise de détecteurs de fumée, qu’il revendra quinze ans plus tard lorsqu’il rejoindra Avon (vente directe de produits de beauté). Pourquoi il est inspirant. Depuis que ce self-made-man en a pris les rênes en 1992, Tupperware n’a cessé de se développer et de se renouveler. Affichant 2,7 milliards de dollars de chiffre d’affaires, la société emploie 14 000 personnes dans plus de 100 pays. Rick Goings est en outre un infatigable défenseur de la cause des femmes dans le monde et a été décoré à ce titre de la Légion d’honneur par Nicolas Sarkozy en 2010.

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recrutez sans  Comment monter sa dream team p. 23

 Un patron / un conseil : Charles georges-Picot (Publicis), coprésident de marcel et de 133 p. 25

 Les nouvelles tendances du recrutement p. 26

 Un patron / un conseil : Jean-Baptiste rudelle, PDg de Criteo p. 28

 Peut-on surpayer un cadre qu’on veut vraiment ? p. 29

 Bientôt la fin de l’entretien d’embauche ? p. 29

 Les collaborateurs qu’il faut retenir… et ceux que vous pouvez laisser partir p. 30

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vous tromper comment monter sa dream team Du recrutement à la gestion quotidienne, en passant par la création de groupes de projets, nos conseils pour constituer un collectif «triple a», capable d’éclipser les meilleures équipes de votre boîte. Par claire derville et adrian de san isidoro

L

a légitimité n’attend plus le nombre des années !» Valérie Rocoplan, fondatrice de la société de coaching Talentis, explique pourquoi le détournement de la célèbre réplique du Cid est pertinent dans l’entreprise : «Aujourd’hui, un manager ne peut plus se reposer sur son statut pour diriger, il est obligé de justifier ses compétences au jour le jour.» Un meneur doit mouiller le maillot à tous les niveaux pour établir son leadership et le conserver. Un engagement qui commence dès les entretiens d’embauche de vos futurs équipiers. «Un manager doit se ménager une marge de manœuvre sur le plan du recrutement pour cibler des profils capables de tirer son service vers le haut, indique Noëmie Cicurel, du cabinet Robert Half. Je me souviens, par exemple, du cas d’un chef d’équipe qui avait persuadé sa hiérarchie de prendre un junior pour remotiver un salarié qui souffrait de son étiquette de petit dernier.» Coup double : l’embauche a permis à «l’ex-petit dernier» de grimper dans la hiérarchie et de devenir plus performant, et certaines activités de reporting ont été optimisées par le nouvel arrivant. «Grâce à son regard neuf, il a repéré une saisie informatique chronophage qui doublonnait avec des informations déjà enregistrées sur une autre plateforme, poursuit Noëmie Cicurel. Le service y a gagné en efficacité.» Si vous avez une influence sur les recrutements, ne remplacez

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@asanisidoro

pas un employé parti par son clone : cherchez plutôt les candidats qui pourraient compléter intelligemment les talents de votre groupe. Valoriser son Équipe. Mais, le plus souvent, vous devrez travailler avec des collaborateurs que vous n’avez pas choisis. Ainsi, quand Véronique Guélain prend les rênes de sa nouvelle équipe dans le groupe mutualiste IMA, elle est accueillie froidement par l’un des salariés. Dossiers non rédigés, délais interminables : il néglige ses devoirs et remet en cause son leadership. Au lieu de le placardiser, Véronique Guélain décide… de le valoriser. «Ses compétences n’étaient pas assez reconnues, se souvient-elle. J’ai donc sollicité le magazine interne pour accorder une vitrine à ses travaux. Puis je lui ai fait suivre une formation et je l’ai présenté à mon supérieur.» Aujourd’hui, cet employé sert les intérêts de l’équipe avant les siens. Véronique Guélain a réussi à transformer un poids mort en atout. Elle conclut : «Un management autoritaire aurait pu mettre en péril ma structure. Imposer ses choix sans tenir compte des souhaits de ses collaborateurs est une manière de diriger qui appartient à une autre époque.» Philippe Villemus, auteur de Motivez vos équipes (éd. d’Orga nisation), abonde en ce sens : «Le mythe du manager-chef d’orchestre menant son équipe à la baguette est mort. Les injonctions du type “Vous vous adaptez ou vous partez” sont obsolètes. Pour espérer

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recrutez sans vous tromper

obtenir la confiance de ses coéquipiers, il faut savoir céder une partie de son pouvoir.» Pascale Paulat, qui dirige jusqu’à 20 personnes dans l’association culturelle Ere de jeu, regrette d’avoir prononcé un jour cette phrase malheureuse : «Ne remets pas en question ce que je dis : fais-le !» Elle a provoqué le départ d’un élément prometteur. Pour éviter de réitérer cette erreur, elle lâche petit à petit la bride à ses collaborateurs. Un choix payant : «Lorsque Laura est arrivée en 2012 à la communication, elle parlait peu, gardait ses écouteurs vissés sur les oreilles. J’étais anxieuse.» Elle décide pourtant de taire son angoisse. Trois ans plus tard, Laura est son bras droit. «Je peux même lui laisser les clés de la maison, se réjouit Pascale Paulat. Cette évolution aurait été impossible si je l’avais d’emblée asphyxiée.» créer une sous-culture. Accorder sa confiance à ses collaborateurs est une condition primordiale pour les faire monter en compétences et forger sa dream team. Charles Thou, cofondateur de la start-up Agorize, qui organise des compétitions pour détecter les futurs talents, l’a bien compris. «Quand ma société a

levé 2 millions d’euros l’an dernier, on est passés de 15 à 40 personnes en quelques mois. J’ai dû arrêter de vouloir tout contrôler. On a donc mis en place plusieurs groupes de projets de six ou sept personnes, dirigés chacun par un consultant.» Le résultat de cette délégation du travail ? Les salariés ne rendent des comptes qu’à leur référent et se sentent plus libres pour innover. Un dispositif qui permet à Agorize de répondre aujourd’hui à tous les appels d’offres. Meryem Le Saget, auteur du Manager intuitif (éd. Dunod), est favorable à l’instauration de ces groupes de projets : «Le leader doit créer une sous-culture non pesante pour faire régner une bonne ambiance dans son équipe.» En clair, former une dream team repose sur la capacité du manager à modifier les codes de l’entreprise pour satisfaire ses équipiers. «Mais attention de ne pas bâtir le village des Gaulois contre les Romains au sein de l’entreprise, prévient Meryem Le Saget. Marquer trop sa différence pourrait provoquer l’ire de la direction.» C’est l’un des défis majeurs du chef d’équipe : réussir à créer une bulle managériale propice à l’épanouissement de son groupe, sans se couper de sa hiérarchie. I

les 5 erreurs de casting qui tuent choisir un collaborateur n’est pas une mince affaire. voici cinq faux pas dont les conséquences peuvent se révéler cuisantes. 1. se laisser embobiner par un beau parleur. il parle beaucoup, sans citer d’exemples, et écoute peu. «Dans une société où la communication est très importante, on se laisse facilement séduire par les beaux parleurs», regrette saïd hammouche, fondateur du cabinet de recrutement mozaïk rh. Lors de l’entretien, coupez court au discours du candidat et demandez-lui du concret. 2. embaucher un clone. retenir un profil identique au

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sien, cela rassure. sauf que vos brainstormings risquent de devenir de déprimants soliloques ! «Le désaccord fait avancer», souligne Karine Doukhan, directrice chez robert half. saïd hammouche confirme : «Le recrutement de clones tue la créativité.» Pariez plutôt sur des personnes d’âges différents, aux origines sociales variées, et jouez la parité homme-femme. 3. ne se fier qu’au diplôme. Vous avez écarté les candidats qui ont zappé la case grande école ? Dommage : un beau diplôme n’est pas une garantie de succès. «et vous risquez de passer à côté de profils atypiques de qualité», précise Karine Doukhan. avant de vous

laisser bluffer par un intitulé ronflant, interrogez-vous sur l’adéquation de ce candidat au poste proposé. attardez-vous sur ses expériences, ses valeurs… Bref, apprenez à lire entre les lignes d’un CV. 4. recruter un ami. Pour ce poste, votre copain untel a le profil idéal ? «Certes, cela peut fonctionner s’il n’y a aucun favoritisme et que les règles sont fixées dès le départ», convient Karine Doukhan. mais attention : vous risquez de vous emmêler les pinceaux entre vie pro et vie perso, de ne pas être capable de manager ce proche comme un salarié lambda. si vous n’êtes pas prêt à le considérer comme un collaborateur parmi

d’autres, invitez-le pour l’apéro plutôt qu’à votre bureau. 5. ne pas retenir un candidat meilleur que soi. en voilà une grosse tête. a coup sûr, il va briller plus que vous et finir par vous piquer votre bureau. Balayez ces conceptions dépassées ! «il faut sortir de la culture de la concurrence et entrer dans celle de la cocréation», insiste saïd hammouche. recruter quelqu’un de meilleur que soi, c’est tirer tout le monde vers le haut. alors, pensez collectif et entourez-vous bien. Comme au foot, l’important n’est pas de marquer les buts, mais d’être dans l’équipe qui gagne. Charlotte Laurent @CharlotteLrnt

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UN PATRON / UN CONSEIL

CHARLES GEORGES-PICOT (PUBLICIS), COPRÉSIDENT DE MARCEL ET DE 133

PROPOS RECUEILLIS PAR SÉBASTIEN PIERROT

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’arrivée du digital dans nos métiers tend à faire disparaître les organisations pyramidales. Aujourd’hui, les entreprises réussissant le mieux sont celles qui réunissent savoir-faire et expertises selon les besoins de leurs clients. Publicis associe ainsi plusieurs de ses agences à Google et à Vanity Fair (Condé Nast) au sein d’une structure commune, La Maison, afin d’offrir aux marques de luxe une meilleure compréhension des attentes de leurs consommateurs et de leur proposer une communication adaptée. Au sein des entreprises, c’est la même chose. Les managers doivent encourager le fonctionnement collaboratif. Ils connaissent les forces et les faiblesses de leurs équipes et font en sorte que tous les salariés, quelle que soit leur fonction, se sentent valorisés. Il n’y a pas d’autre façon de faire émerger les bonnes idées. En 2014, la campagne d’Intermarché sur «les légumes moches» a connu un joli succès. Elle n’a été possible que parce qu’elle a mobilisé des talents très différents.

CULTIVER un vivier de contacts

Nos métiers deviennent de plus en plus complexes. Pour continuer à grandir, nous devons intégrer des profils nouveaux : des community managers, des spécialistes de l’expérience utilisateur, de l’innovation… Pour les recruter,

je n’attends pas le dernier moment. Je sais avec qui j’aimerais travailler dans les deux ans à venir. Je cultive un vivier de contacts et je m’organise pour rencontrer une ou deux nouvelles personnes chaque semaine : des gens que l’on me recommande ou dont je remarque le travail chez des annonceurs ou des confrères. Je n’ai pas de job à leur proposer, mais nous discutons et je sais assez vite s’ils sont «compatibles» avec l’entreprise, selon les valeurs qu’ils défendent, le regard qu’ils portent sur la profession et leur envie de progresser. J’ai toujours plusieurs noms susceptibles de convenir à nos besoins. Ce soin dans le recrutement est indispensable, car un groupe n’est jamais meilleur que la somme de ses collaborateurs.

PHOTO£: BRUNO LÉVY POUR MANAGEMENT

POUR BIEN RECRUTER, N’ATTENDEZ PAS LE DERNIER MOMENT”

UN FILS DE PUB AUTODIDACTE

Son parcours. Avec juste le bac en poche, ce quadragénaire travaille dans la publicité depuis 1994. Il a œuvré pour différents groupes de communication : à New York pour Draft FCB et à Hong Kong, Sydney, puis Londres pour Bates (groupe WPP). Il rejoint Publicis en 2004 et passe par Dialog et Conseil avant de prendre la direction de Marcel et de 133, deux agences du groupe. Pourquoi il est inspirant. Depuis qu’il est aux commandes de Marcel, l’agence a doublé sa taille (elle emploie aujourd’hui 240 personnes). En juin 2014, il a pris les rênes de La Maison, structure montée en partenariat avec Google et Condé Nast. Et il a gagné le budget du lancement de DS comme marque premium à part entière de PSA, dans 27 pays. Un contrat soufflé à Havas, partenaire habituel du constructeur automobile.

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recrutez sans vous tromper

Les nouveLLes tendances du recrutement Plus de contacts directs, moins de CV, une traque des candidats de plus en plus sophistiquée… Pour embaucher ou pour se faire recruter, des méthodes inédites apparaissent. en voici sept qui ont le vent en poupe. Par marie-madeLeine sève

d

Photo : soCiété généraLe

Pour débusquer des perles rares,

nous diffusons nos offres en utilisant le profil Viadeo ou Linkedin de certains collaborateurs, dans des départements où les postes sont difficiles à pourvoir. Les experts de ces services deviennent, s’ils le souhaitent, nos ambassadeurs, en ajoutant sur leur profil trois lignes sur l’offre. Les chances d’avoir des contacts via leur réseau sont élevées.”

Arnaud Palancade Directeur adjoint du Recrutement, Société Générale

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emain, le recrutement sera mobile. C’est la prochaine révolution, après celle des réseaux sociaux professionnels qui ont déjà bouleversé les pratiques des candidats et des recruteurs. Les atouts du smartphone ? Sa souplesse et sa réactivité. Or, aujourd’hui, l’objectif des DRH est justement d’optimiser les processus d’embauche. «La motivation d’un candidat décroît au fil du temps passé à s’informer sur une offre», observe JeanMarc Mickeler, ancien DRH chez Deloitte et désormais responsable opérationnel de l’audit du groupe. D’où l’apparition de sites carrières Web/mobile et de plateformes communautaires où l’on obtient des réponses plus vite. Oubliez le bon vieux CV et familiarisez-vous avec ces pratiques originales.

PROSPECTER

TENDANCE 1. piocher l’info directement auprès des salariés

Avoir une vision réelle de l’entreprise, de l’intérieur, c’est ce que propose le site communautaire Glassdoor, qui a débarqué des Etats-Unis fin 2014. Il diffuse des photos des locaux (bureaux, aires de détente, cantines…), des appréciations de salariés sur leurs conditions de travail (rémunérations, avancement, mutuelle…), les notes qu’ils attribuent à leur entreprise (à son dynamisme, par exemple) et à leur patron. Ainsi BNP Paribas a obtenu 3,2 sur 5 et son

PDG 70% d’avis favorables. Cet attrait pour l’échange direct n’a pas échappé à certains recruteurs. Depuis 2010, Deloitte affiche sur son site Votre carrière (deloitterecrute.fr) les contacts d’une centaine d’«ambassadeurs digitaux», des collaborateurs prêts à répondre à toute question sur leur vécu ou l’intérêt de leurs missions.

TENDANCE 2. se faire repérer en usant de canaux inhabituels

Les Moocs des universités et les Coocs (Corporate Open Online Courses) des entreprises permettent de gagner en visibilité. A condition d’y être actif. Les sociétés partenaires des Moocs repèrent sur les plateformes de discussion les participants qui questionnent avec pertinence les enseignants, ceux qui obtiennent les meilleures notes ou qui contribuent aux blogs. Orange, qui lance deux Coocs – Décoder le code, Devenir Web conseiller –, pourrait utiliser ces cours comme canal de recrutement pour ses métiers en tension.

POSTULER

TENDANCE 3. envoyer un cv à partir d’un profil viadeo ou Linkedin

Voici une avancée qui va vous faciliter la vie. Vous identifiez sur Viadeo une offre d’emploi qui vous intéresse. Hélas, votre CV n’est pas à jour. Pas de problème, le réseau social récupère toutes les informations utiles de votre profil et

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reconstitue un CV standard que vous pourrez envoyer à partir de votre mobile. Sur le même principe, certaines entreprises comme Colas (travaux publics) et Elior (restauration) proposent sur leur site une fonction Apply with LinkedIn (postuler avec LinkedIn).

TENDANCE 4. vendre votre talent plutôt que votre expérience

L’avantage des serious games et autres hackatons, c’est qu’ils confrontent les candidats sur la base de leurs compétences, et non de leur CV. Ainsi, les Battle dev, organisées depuis 2013 par RegionsJob, permettent aux développeurs informatiques autodidactes, ou au parcours atypique, de défendre leurs chances auprès d’une dizaine de sociétés sponsors. Chaque participant choisit en amont son langage de programmation (Java, Cobol, .Net…) et les entreprises auxquelles son travail sera soumis. Le concept devrait être étendu bientôt aux profils commerciaux.

embaucher

TENDANCE 5. diffuser des offres d’emploi grâce à Twitter

Se servir de Twitter comme d’une plateforme de recrutement, certaines sociétés le font déjà. Mais la contrainte des 140 signes laisse peu de place pour mettre un poste en valeur. Un problème résolu avec les Twitter Cards conçues par Monster. Grâce à elles, chaque offre d’emploi se transforme automatiquement en un tweet, publié sur le fil d’actualité de l’entreprise et disposant d’un contenu enrichi : on peut y

ajouter près de 400 caractères (540 en tout) et y insérer des éléments multimédias.

TENDANCE 6. Traquer les profils convoités

Pour débusquer certains candidats très demandés, comme les développeurs et les codeurs – qui ne sont pas présents sur les réseaux sociaux par crainte d’être trop sollicités –, il faut ruser. C’est ce que propose Monster avec TalentBin, un moteur de recherche capable d’identifier les traces numériques laissées sur les forums, les blogs et les réseaux sociaux d’entraide, et de les agréger. Vous cherchez un développeur maîtrisant un langage particulier ? Soumettez un mot-clé (Java, C++, etc.) et les profils les plus pertinents, ainsi que leur contact, apparaîtront. Il ne vous reste plus qu’à vous montrer convaincant…

TENDANCE 7. Utiliser un site de cooptation

C’est une méthode efficace pour dénicher le mouton à cinq pattes en un temps record et à moindres frais. La différence par rapport à un cabinet de recrutement classique ? La force du réseau. La plateforme de cooptation Keycoopt compte par exemple 15 000 coopteurs en France, répartis dans des métiers et des secteurs divers. Chaque annonce coûte 450 euros à l’entreprise. Trois candidats, en moyenne, sont sélectionnés par Keycoopt au terme d’entretiens approfondis. En cas de succès, la société verse à la plateforme 10% de la rémunération annuelle du recruté. Quant au coopteur, il touchera 750 euros. I

eT en 2020 ? Vous serez traité comme un client ! Fini les courriers, les e-mails, les appels téléphoniques… A l’avenir, les candidats à un poste bénéficieront d’un feed-back en temps réel, qui leur évitera de fastidieuses relances. bref, affirme Jean-christophe Anna, directeur associé de #rmstouch (recrutement mobile et social), ils auront droit aux mêmes égards qu’un client. exemple d’itinéraire d’un postulant.

Jour 1. Vous postulez depuis votre mobile. en réponse, un sms vous invite à suivre les progrès de votre candidature sur une appli de l’entreprise. J 3. une alerte signée «marc», chargé de recrutement, vous informe que votre profil a plu et vous propose un «call». J 5. Dans la rubrique «Votre coach» de l’appli, vous trouvez un petit mot de marc :

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il vous convie à un test de personnalité. J 6. nouvelle alerte : vous avez obtenu un entretien dans trois jours et pouvez accéder aux résultats de votre test. J 9. Bonne nouvelle : l’entretien s’est bien passé, vous êtes embauché. Vous pouvez entamer votre préintégration, via l’appli : visite virtuelle des locaux, infos sur alentours de l’entreprise, livret d’accueil…

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RECRUTEZ SANS VOUS TROMPER

UN PATRON / UN CONSEIL JEAN-BAPTISTE RUDELLE, PDG DE CRITEO

AVANT, NOUS CHERCHIONS DES TÊTES BIEN FAITES. AUJOURD’HUI, DES GROS CALIBRES” PROPOS RECUEILLIS PAR CAROLINE MONTAIGNE

PHOTO : CRITEO

R

ien que sur les six premiers mois de 2015, nous avons embauché plus de 450 salariés, un record ! Le secteur du marketing à la performance est en forte croissance. Cela implique d’étoffer les équipes commerciales, mais aussi d’investir davantage en R&D, en infrastructures et dans les fonctions centrales. Et cela change la politique d’embauche. Avec une croissance modérée, de 10 à 20% par an, c’est une bonne politique de choisir des juniors qui vont grandir au rythme de l’entreprise. Mais avec 70% de croissance annuelle, ça ne fonctionne pas, car les individus ne peuvent pas progresser aussi vite. Nous devons donc mixer les embauches de jeunes et de

UN VISIONNAIRE… QUI SAIT S’ADAPTER Son parcours. Né en 1969, Jean-Baptiste Rudelle découvre l’informatique en 1984 sur un Apple II. Quinze ans plus tard, après être passé par Supélec et l’Imperial College de Londres, il lance Kiwee, fournisseur de services et contenus pour téléphones. Succès immédiat, le site sera revendu en 2004 à American Greetings Interactive. En 2005, avec Romain Niccoli et Franck Le Ouay, il fonde un service de recommandation de films, puis de produits pour sites marchands, Criteo. Pourquoi il est inspirant. Devenu «le» spécialiste de la publicité sur le Net, Criteo est, fin octobre 2013, la deuxième société française à intégrer le très convoité Nasdaq depuis l’éditeur de logiciels Business Object en… 1994. Revendiquant le «droit à l’erreur» hérité de l’époque start-up, Jean-Baptiste Rudelle et ses associés n’ont pas hésité à changer de business model trois fois pour parvenir à ce succès.

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personnes expérimentées, qui vont aider la structure à pousser à la bonne vitesse. Pour recruter, nous faisons beaucoup de mises en situation. C’est ce qui permet aux candidats de mettre en valeur leurs qualités. Ce n’est pas le fond qui est jugé, mais plutôt leur façon d’aborder les problèmes. Notre objectif est de sortir des processus trop classiques. Avant, nous cherchions surtout des têtes bien faites. Mais, aujourd’hui, nous devons faire face à des situations de plus en plus complexes et internationales. Il nous faut des gros calibres, qui ont géré des problèmes similaires, souvent dans de grands groupes. Pour les attirer, il faut leur proposer quelque chose de différent. Nous sommes une entreprise qui bouge vite, avec une culture très agile. Et puis, nous donnons des stock-options à tous nos salariés, ce qui est rare en France : ils détiennent plus de 20% du capital, alors que je n’en ai que 7%. Nous offrons donc à ces experts le meilleur des deux mondes : nous sommes plus petits et plus souples que leur ancienne structure, mais nous avons une taille suffisante pour présenter des problématiques intéressantes et de véritables défis intellectuels. Et notre croissance leur permet d’avoir une progression de carrière rapide, ce qui est moins fréquent dans les sociétés plus matures.

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Peut-on surPayer un cadre qu’on veut vraiment ? Vous êtes prêt à mettre la main au portefeuille pour attirer chez vous le collaborateur de vos rêves, quitte à le payer plus que les autres… attention : ne vous mettez pas en infraction avec la loi.

c

ertes, les grilles salariales de certaines entreprises attribuent des niveaux de rémunération plus avantageux aux titulaires de diplômes de haut niveau, explique Lucien Flament, avocat au cabinet Valmy. Mais vous ne pouvez pas promettre n’importe quel niveau de rémunération à un cadre à haut potentiel ! En novembre 2014, la Cour de cassation a condamné ce type de pratique, dès lors que les fonctions exercées sont les mêmes que celles des autres salariés.» Dans l’affaire qui a motivé cette décision, le collaborateur d’une société d’ingénierie, simple employé devenu dix ans plus tard responsable ventes et marketing, avait vu arriver dans l’entreprise, à un poste équivalent, un ingénieur en électronique, aussitôt payé 20% de plus que lui. Il a contesté cette différence sur

la base du principe «à travail égal, salaire égal». La chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que si les compétences professionnelles de deux salariés occupant le même emploi ou la qualité de leur travail peuvent justifier une différence de traitement ou de progression dans la grille indiciaire, elles ne peuvent en aucun cas légitimer un écart de salaire lors de l’embauche. A ce moment-là, en effet, l’employeur n’a pas encore pu apprécier les qualités professionnelles de la nouvelle recrue. «La Cour précise toutefois que la possession d’un diplôme peut fonder une différence de rémunération si celui-ci témoigne de connaissances particulières utiles à la fonction occupée, conclut Lucien Flament. Ce qui n’était pas le cas dans cette affaire. Le plaignant a donc vu son salaire revalorisé de 20%.» I

Bientôt la fin de l’entretien d’embauche ?

n

e perdez pas votre temps à taper «Offre d’emploi chez Google» dans le moteur de recherche, c’est sans doute une des rares demandes qui ne donnent pas de résultats : le géant de la Silicon Valley ne publie pas d’annonces. «Les meilleurs candidats savent très bien où ils veulent travailler. Ou alors ils sont déjà en poste. Puisqu’ils ne regardent pas les offres d’emploi, inutile, donc, d’en publier.» Voilà ce qu’explique Laszlo Bock, directeur du département RH de Google, dans son Work Rules !, un livre publié en avril 2015 aux EtatsUnis et dans lequel il dévoile ses méthodes de recrutement.Selon lui, par exemple, la seule

façon valable de savoir si un candidat fera un bon employé est de le mettre en situation. Le CV, les diplômes, les entretiens ne serviraient à rien ou presque. En toute logique, depuis qu’il est chez Google, Laszlo Bock a drastiquement réduit le nombre d’entretiens d’embauche. A son arrivée, certains candidats en passaient 25 ! Du temps perdu pour tout le monde, a-t-il estimé, expliquant que, selon une étude fondée sur l’analyse de data, un employé peut être recruté avec un indice de confiance de 86% après quatre entretiens, chaque rencontre supplémentaire n’apportant qu’un point de confiance supplémentaire. I

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recrutez sans vous tromper

Les coLLaborateurs qu’iL faut retenir… et ceux que vous pouvez laisser partir Un de vos meilleurs éléments vous annonce son départ. Devez-vous forcément le rattraper par la manche ? tour d’horizon au cas par cas. Par phiLippe istria

v

Photo : robert half

mettre la main au portefeuille n’est pas la solution.

en fait, c’est contreproductif : même s’il accepte votre offre, le collaborateur finira par partir, parce qu’il est dans une dynamique de départ. essayez plutôt de comprendre les raisons de sa lassitude et voyez si vous pouvez y remédier.” Fabrice Coudray, directeur chez Robert Half

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@Phistria

oici ma lettre de dé mission.» Lors qu’un collaborateur annonce son départ, on éprouve souvent un sentiment de déception, voire de vexation, surtout s’il s’agit d’un haut potentiel : on s’en veut de n’avoir pas su anticiper sa décision. Mais pas question de se laisser abattre, il faut se ressaisir sur-le-champ et chercher à connaître les motifs de sa décision, afin de déterminer si on a une chance de le retenir. «Quand un collaborateur va voir ailleurs, c’est soit par aversion envers son cadre de travail, soit par attirance pour la structure qu’il rejoint», analyse Laurent Lefouet, patron Europe de la plateforme collaborative de planification Anaplan. Si le moteur de sa décision est la déception, rattraper le candidat au départ est encore jouable. Mais s’il vous quitte pour l’entreprise de ses rêves, c’est mission impossible. Les exemples ci-dessous vous aideront à identifier les talents que vous pouvez laisser partir sans regret. Et, surtout, ceux que vous devez essayer de retenir pour éviter que votre société ne se vide de ses richesses.

objectif. De même, une personne qui va monter sa propre société ne trouvera pas chez vous un challenge comparable à celui qui l’attend. Interdisez-vous toute tentative de culpabilisation du type «Nous t’avons tout appris, tout donné». «Un collaborateur estime toujours qu’il a fait plus pour sa boîte que sa boîte n’a fait pour lui. Prétendre le contraire ne peut que générer de la rancœur», prévient Arnaud Cassagne, directeur technique de Nomios (sécurité informatique). Votre priorité, c’est de vous séparer en bons termes. «Le monde est petit, il est probable que vous vous retrouviez un jour comme client ou comme fournisseur, assure Valérie Rocoplan, dirigeante du cabinet de coaching Talentis. Vous pouvez aussi être amené à retravailler avec cette personne si, à votre tour, vous changez d’entreprise.» Donc, remerciez-la pour son travail et adressez-lui vos vœux de réussite. Peut-être un jour reviendrat-elle sonner à votre porte, enrichie d’une nouvelle expérience.

La commerciaLe qui va monter sa boîte

Une personne qui annonce son départ à un moment crucial dans le seul but de faire monter les enchères (un DRH avant un recrutement ou un comptable au moment des bilans, par exemple) fait la preuve de son manque de fiabilité. Dès lors, comment continuer à lui faire

Lorsqu’une collaboratrice vous explique, le regard brillant, quel extraordinaire défi elle va relever dans sa nouvelle entreprise, inutile de vous mettre en quatre pour la détourner de son

 verdict : laissez-la partir.

Le DrH qui fait grimper les enchères

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confiance ? Cette stratégie du hit and run peut être payante à court terme, mais elle ne fonctionne qu’une fois. Ces spécialistes du chantage finissent souvent par être blacklistés dans leur secteur. Laissez-les continuer à ruiner leur carrière… loin de chez vous. Vous ferez d’une pierre deux coups en lançant un signal positif à ceux qui restent : chez vous, on n’accorde pas de promotion sous la pression. «J’ai connu un manager qui a donné une augmentation à un collaborateur après que celui-ci avait posé sa démission et achevé son préavis, rapporte Valérie Bergère, cofondatrice du Gymnase du management. Cela donne une très mauvaise image de votre façon de gérer les talents.»  verdict : laissez-le partir.

L’ingénieur qui part sans savoir où il va

Incompatibilité d’humeur avec un collègue, désaccord sur le fonctionnement de l’entreprise, manque de reconnaissance… Si votre collaborateur rencontre des problèmes tels qu’il souhaite partir, vous devez essayer de lui apporter des solutions : c’est la conviction de Philippe Mercier, directeur général du bureau d’études Betem. «Dans ce cas, précise-t-il, je tiens à cette personne le discours suivant : ne t’enfuis pas, réglons le problème ensemble. Et je l’interroge : comment procéderais-tu si tu étais aux commandes ?» Il ne faut pas hésiter à aborder les sujets qui dérangent, quitte à se mettre soimême sur la sellette. «Ayez le courage de lui demander : “Pars-tu parce que tu en as marre de travailler avec moi ?” conseille Valérie Bergère. En vous remettant ainsi en question, vous pouvez rétablir une relation de qualité. Donnez-lui l’assurance que le prochain projet intéressant sera pour lui. Du coup, il y a de fortes chances qu’il reste sans augmentation de salaire et sans évolution de poste.»  verdict : retenez-le.

Le jeune attaché de com en quête d’expérience

Les membres de la génération Y (les moins de 30 ans) ne cherchent pas la stabilité à tout prix. Ce qui les motive, ce sont les possibilités d’évolution et les nouvelles connaissances. Même si vous considérez que ce jeune collaborateur a encore des choses à apprendre à son poste, il a peut-être un autre point de vue sur la question,

Elle vous quitte pour fonder la boîte de ses rêves ? Inutile d’essayer de rivaliser !

surtout s’il travaille dans un secteur dynamique où changer d’employeur peut permettre de gagner jusqu’à 30% de plus ! Ne cherchez pas pour autant à le retenir avec de l’argent. «Plutôt que de lutter pour les garder, confirme Pascal Nessim, coprésident de l’agence de publicité Marcel, je préfère qu’ils aillent acquérir de l’expérience ailleurs, quitte à attendre quelques années pour aller les débaucher.»  verdict : laissez-le partir.

Le comptabLe qui reprend ses études

Votre collaborateur souhaite acquérir un diplôme de niveau supérieur au sien. Il est prêt pour cela à quitter votre entreprise. Antoine de Riedmatten, DG du cabinet d’expertise comptable In Extenso, a trouvé une solution originale au problème : «Olivier, collaborateur talentueux, avait commencé à travailler très jeune. Arrivé à la trentaine, il considérait qu’il n’avait pas assez de diplômes. Il souhaitait donc retourner sur les bancs de l’école. Si nous l’avions laissé partir, il aurait tourné la page et nous aurions eu peu de chances de le récupérer. Nous lui avons donc proposé une formation sur trois ans, avec un aménagement du temps de travail. Il a accepté et il est resté chez nous.»  verdict : retenez-le.

La sur-performeuse qui tourne en rond

Certaine d’avoir fait le tour de toutes les fonctions de l’entreprise, elle est persuadée qu’elle ne peut plus progresser. Vous lui réserviez pourtant un poste de choix, mais vous attendiez le bon moment pour lui en parler. «Continuez de temporiser, préconise Geoffroy de Lestrange, directeur marketing pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique chez Cornerstone OnDemand (formation et gestion des talents). Le message doit être : “Nous avons pour toi un plan à long terme.” Dites-lui : “Le poste que tu souhaites n’est pas disponible avant plusieurs mois. Mais en attendant je peux t’aider à

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recrutez sans vous tromper

plus d’infos

 La Gestion des talents dans l’entreprise, d’alexandre Pachulski, Vocatis, 25,40 €.  Gardez les meilleurs, de Beverly Kaye et sharon Jordan-evans, esf editeur, 19,80 €.  «Comment retenir vos meilleurs employés?», un document édité par robert half. gratuit sur internet : tinyurl.com/m7c24u9.

t’y préparer en t’offrant des séances de formation ou de coaching.”» Certains n’hésitent pas à orienter ces collaborateurs en quête d’évolution vers un nouveau métier. «Chez Citroën Retail, un chef des ventes peut sortir du domaine commercial pour se réorienter vers la relation fournisseur, la logistique, l’événementiel, etc.», explique Aymeric d’Eimar de Jabrun, responsable des ventes. C’est également le cas au sein des équipes de Pascal Nessim. «Chez Marcel, des commerciaux sont passés créatifs, des créatifs sont devenus planeurs stratégiques… Ça a constitué, pour eux comme pour nous, une vraie bouffée d’air frais.»  verdict : retenez-la.

L’informaticien dragué par un client plus généreux

Augmenter un titulaire coûte moins cher que de recruter son remplaçant, mais vous n’avez pas les coudées franches : vous devez respecter la grille des salaires. «Si vous cassez les barreaux des échelles de rémunération au sein d’une équipe, en payant mieux ceux qui ont menacé de démissionner, vous allez finir par gérer des problèmes au lieu de gérer de la performance», prévient Fabrice Coudray, directeur chez Robert Half (recrutement). Evoluant quant à lui dans un secteur, la sécurité informatique, où les sociétés n’hésitent pas à surenchérir pour débaucher des talents, Arnaud Cassagne, chez Nomios, ne cherche même plus à s’aligner sur les offres de la concurrence. Il préfère accompagner le mouvement en se montrant malin : «Il m’est arrivé de proposer à un collaborateur d’effectuer pendant son préavis une mission chez le client

qu’il allait rejoindre. Dans cette histoire, tout le monde a été gagnant : l’employé, qui a pu juger sur pièce son futur environnement de travail avant de signer ; le client, qui a eu son collaborateur plus tôt que prévu ; et moi, car au lieu de fonctionner au ralenti en attendant la fin de son contrat, mon salarié a été productif jusqu’au bout.»  verdict : laissez-le partir.

Le top manager à l’étroit dans une nouvelle structure

Lors d’une fusion, tout peut changer pour ceux qui occupaient jusque-là des postes importants et se croyaient à l’abri du mauvais temps. Le nouvel organigramme leur donne l’impression qu’ils ne sont plus reconnus à leur juste valeur ; ils sont soudain dans l’obligation de justifier leurs dépenses et leurs déplacements ; leur place de parking réservée a disparu, etc. L’adaptation peut se révéler particulièrement difficile pour des anciens dirigeants de PME devenus simples cadres supérieurs dans de grands groupes. Soyons honnête : leur démission constitue en réalité un soulagement. Puisqu’il n’y a pas de place pour tous, pourquoi les retenir ? Dans les années 2000, Laurent Lefouet, aujourd’hui chez Anaplan, a assisté à un tel scénario : «ALG, ma société, employait 200 personnes. Rachetée par Business Objects, puis par SAP, elle a dû s’intégrer successivement à des ensembles de 600 et de 60 000 salariés ! L’un de nos viceprésidents d’alors s’est retrouvé dans un open space, sans bureau attitré. Il l’a très mal pris et ne s’est pas fait prier pour accepter une proposition d’un autre employeur.»  verdict : laissez-le partir I

À quoi reconnaît-on un cadre sur le départ ? un collaborateur qui s’apprête à vous quitter change souvent de comportement. voici cinq signes qui doivent vous alerter. 1. il tend à s’isoler. il ne déjeune plus avec ses collègues, s’écarte régulièrement pour téléphoner et adopte un air fermé. 2. il prend ses distances. Contrairement à ses habitudes, il arrive tard le matin,

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part tôt le soir. il porte parfois des tenues qui vous surprennent et semble beaucoup moins concentré pendant les réunions. 3. il devient cassant. ses avis se font plus catégoriques et ses propos sont parfois vindicatifs. Quand il dialogue avec vous, il adopte un ton formel, notamment dans ses e-mails. D’ailleurs, il communique désormais davantage par écrit que par oral.

4. il semble démotivé. il ne cherche plus à être créatif ni à innover, ne pose plus de questions et donne l‘impression de ne plus s’impliquer. il traite ses tâches avec une lenteur qui ne lui est pas coutumière. 5. il réseaute tous azimuts. il renforce son activité sur les réseaux sociaux et reçoit de plus en plus de notifications. Les rendezvous privés s’enchaînent sur son agenda.

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maîtrisez votre  sachez faire passer vos messages avec efficacité p. 35

 en finir avec les tics de langage p. 37

 6 erreurs qui peuvent ruiner votre com p. 38

 Comment briller à la machine à café p. 40

 Un patron / un conseil : Frédéric Potter, directeur général de netatmo p. 41

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communication sachez faire passer vos messages avec efficacité Le refrain est connu : il faut communiquer. mais on n’échange pas de la même façon avec son boss, son équipe ou un client. Découvrez comment vous adapter aux circonstances. PAR céline deval

Q

uelle est la chose qu’on fait le plus, mais le plus souvent de manière totalement inefficace ?» interroge Jean-Claude Martin, consultant en communication. Réponse : «Communiquer !» Réclamer une promotion, faire passer une information importante ou annoncer un changement à son équipe, convaincre un client… Autant de situations où communication ne doit pas rimer avec improvisation. Si vous voulez être vraiment entendu, marquer les esprits et, in fine, obtenir ce que vous souhaitez, votre message doit être préparé et maîtrisé. Voici comment y parvenir, en toutes occasions.

retenir l’attention du boss. Huit fois sur dix, lorsqu’un salarié sollicite un entretien avec son boss, c’est pour lui parler d’un problème ou lui demander une augmentation. «Ne vous posez pas en victime avec un “Tout le monde a été augmenté sauf moi”, conseille Sylvaine Pascual, créatrice d’Ithaque Coaching. Misez plutôt sur un bon argumentaire.» Partez des faits, des chiffres, évoquez des événements précis : «Je suis très impliqué, j’ai obtenu de bons résultats, pourtant je suis l’un des moins bien payés.» De même, si vous avez des griefs sur vos conditions de travail, restez factuel et replacez le problème dans son contexte : «Je suis submergé de dossiers depuis le départ de ma collègue», par exemple. Cela donnera à votre boss un aperçu plus complet de la situation. Soyez

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précis aussi sur le degré d’urgence et proposez une solution : «Je connais quelqu’un qui correspond au poste.» Ce sera plus constructif et il appréciera votre capacité d’initiative. Captiver un auditoire. POM. Comprenez : public, objectif, message. C’est la méthode que Catherine Sorzana, directrice de Médias Coaching Communication, recommande pour réussir à captiver un public du début à la fin. «Commencez par vous demander ce qui l’intéresse : quelles questions se pose-t-il ? Quelles solutions recherche-t-il ? S’il vous sent en phase avec lui, cela retiendra son attention.» Déterminez ensuite votre objectif : voulez-vous transmettre une information, distraire vos auditeurs ou les faire changer d’avis ? Adaptez alors votre message. Il ne doit y en avoir qu’un, sinon vous allez vous disperser. Et déclinez-le en trois ou quatre idées, pas plus. Autre avantage : se concentrer ainsi sur la préparation de son intervention permet d’atténuer le trac. reCadrer un Collaborateur. C’est ce qu’on appelle un rendez-vous raté : un gros client de votre agence de pub n’a retenu aucune des propositions de votre chef de projet, pourtant généralement brillant et zélé… Une mise au point s’impose. Exposez d’abord concrètement la situation : «Tes propositions n’avaient pas la touche d’originalité à laquelle tu m’as habitué.» Puis exprimez votre opinion : «Il me semble que cela vient d’un manque

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maîtrisez votre communication

Rien de tel qu’un peu de com pour rafraîchir la mémoire surmenée de votre boss sur vos brillants résultats…

formats car le temps qui vous sera accordé peut varier : cinq minutes avec quatre arguments chocs et dix minutes avec, éventuellement, des slides ou des vidéos. «Et répétez votre pitch pour n’avoir aucune hésitation», ajoute Pierre d’Huy.

d’investissement.» Vous n’avez pas forcément raison, mais piquer un peu au vif votre interlocuteur est un bon moyen de le faire réagir. Pour donner encore plus d’impact à vos propos, partagez votre émotion : «Cela me déçoit car tu as du potentiel.» Et ne vous arrêtez pas là : pour que ce recadrage porte ses fruits, incitez-le à agir en suggérant des directions : «Tu pourrais demander conseil à Untel ou prendre un peu de repos pour te reconcentrer.» Enfin, terminez avec la «résonance», le résultat attendu : «Je voudrais que tu me soumettes deux nouvelles idées d’ici quinze jours.» Votre interlocuteur sait pourquoi il doit agir et comment le faire. Séduire voS clientS. «Pour conclure une vente, le bagou ne suffit pas toujours. Observer, écouter attentivement le client permet de mieux identifier les arguments à avancer», remarque Jean-Claude Martin. Le secret, selon lui ? La méthode SONCAS : Sécurité, Orgueil, Nou veauté, Confort, Argent, Sympathie. Objectif : découvrir les besoins du client et adapter votre discours afin que votre offre semble la plus appropriée. Un consommateur au profil nouveauté et confort, par exemple, sera réceptif aux innovations du produit et à sa praticité. Avec un autre, plutôt sympathie, il faudra jouer la carte de l’affectif. convaincre un inveStiSSeur. Passer une semaine dans la Silicon Valley… c’est ce que propose l’Edhec aux dirigeants en formation, pour qu’ils s’inspirent des pratiques des start-up locales. Très utile, notamment, l’art du pitch, une présentation destinée à séduire partenaires potentiels et investisseurs. En un temps serré, il faut prouver qu’on a la bonne équipe, qu’on répond à un vrai besoin et, surtout, qu’on est le meilleur. La clé, selon Pierre d’Huy, directeur des programmes internationaux de l’Edhec : «Bien sélectionner les infos à mettre en avant.» Préparez au moins deux

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rendre une réunion utile. Pour neuf salariés sur dix, les réunions sont inefficaces. Un tiers d’entre eux avoue même s’être déjà assoupi (Ifop, avril 2014). Le problème est qu’elles s’achèvent souvent sans qu’une décision soit prise et que tout le monde en sort frustré. La solution tient en cinq lettres : IPPDA. Commencez par annoncer l’Information principale (par exemple, mieux répartir les tâches dans le service) et le Problème rencontré (surcharge pour les uns, manque de travail pour d’autres). L’objectif est de faire des Propositions (élargir les compétences de certains, réorganiser le temps de travail) et surtout de prendre des Décisions (nouveau planning, formations), en définissant des Actions (remise à plat des horaires, rendez-vous avec les RH). Une bonne réunion, ce n’est pas seulement réussir à transmettre une information, c’est parvenir à faire évoluer la situation. tirer parti de l’entretien annuel. Salariés et managers abordent ces entretiens en traînant les pieds. Résultat, il n’en ressort strictement rien. En vous aidant à structurer votre discours et à vous mettre en avant, la méthode STAR (Situation initiale, Travail à effectuer, Actions à mener, Résultats obtenus) va vous permettre d’inverser la tendance. Exemple : les ventes baissant (situation), votre objectif était de reconquérir des parts de marché (travail). Vous l’avez fait en lançant de nouveaux produits (actions). Les ventes ont progressé de 3% en un an (résultats). Que les objectifs soient atteints ou non, «parlez de vos réussites, a fortiori si elles n’apparaissent pas dans les chiffres», précise Jean-Louis Raynaud, à la tête de l’Advanced Management Programme de l’Edhec, une formation destinée aux dirigeants. Vous avez amélioré les relations clients, renforcé votre leadership, valorisé le service grâce à telle ou telle action… N’hésitez pas à rappeler les faits afin d’accroître votre visibilité. Rien de tel qu’un peu de com pour allumer la lumière dans le cerveau surmené de votre boss et lui rafraîchir la mémoire ! I

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t i p s en finir avec les tics de langage votre façon de parler est aussi importante que votre comportement. or les tics de langage nuisent à votre crédibilité. voici comment les éviter. PAr céline deval

 les “euh” à tout bout

de champ. c’est sans doute le tic de langage le plus répandu. cette onomatopée jaillit sans prévenir, entre les mots. «elle peut être interprétée comme un manque de confiance en vous, une agitation intérieure, souligne Bernard sananès, directeur de l’organisme de formation clere et auteur de La Communication efficace (dunod). vous ne prenez pas le temps de réfléchir car vous craignez d’être observé durant ce moment.» Plutôt que de vouloir tout dire, trop vite, faites une pause, introduisez de courts silences… «vos “euh” disparaîtront et vous aurez l’air de quelqu’un de posé, qui choisit méticuleusement ses mots. c’est quand même mieux, non ?»

 les “c’est clair” qui exaspèrent. c’est une manie chez vous, pour approuver les propos d’autrui, votre premier réflexe est de dire : «c’est clair.» cette expression, qui peut s’apparenter

à «évidemment» ou à «assurément», manque singulièrement d’élégance et de dynamisme. surtout, elle coupe court à la discussion et vous dispense de contribuer au débat. Pour signifier que vous êtes d’accord, ajoutez un argument pour étayer les idées de votre interlocuteur ou, mieux, développez les vôtres. ce sera beaucoup plus constructif.

 le jargon qui fait fuir.

les informaticiens, les financiers, les métiers techniques et scientifiques sont probablement les champions dans ce domaine. certes, chaque profession a ses codes – cela crée un sentiment d’appartenance et assoit une expertise –, mais «tout est question de nuance, avertit sylvaine Pascual, fondatrice d’ithaque coaching. car cela peut vite devenir agaçant pour votre interlocuteur, qui se sentira déstabilisé, voire tenu à distance.» son conseil ? se mettre à la place de la personne qui nous fait face et sortir

de sa bulle. n’hésitez pas à tester vos allocutions auprès d’un néophyte. et dès que vous avez un doute sur sa compréhension d’un mot, obligez-vous à être plus clair.

 le “voilà” en guise

de conclusion. Pas facile de conclure ? Pour se tirer d’affaire, les «conclusiophobes» ont un joker bien commode : la préposition «voilà», utilisée comme une ponctuation, sans réelle signification. «J’ai étudié les fichiers de prospects, relancé des clients par courrier et téléphone. voilà.» voilà quoi ? ce tic donne l’impression que vous ne voulez pas vous mouiller. vous semblez dire à votre interlocuteur : «Je te donne ces infos pêle-mêle et tu en fais ce que tu veux.» inutile d’éliminer totalement le «voilà», mais utilisez-le à bon escient, en guise de transition, pour apporter un dernier argument ou résumer votre propos : «voilà pourquoi je pense avoir fait tout mon possible.» I

prendre la parole en réunion (sans assommer ses collègues)  intervenez… en silence ! depuis une heure, le codir est en plein débat. vous aimeriez en placer une, mais vous n’avez pas envie d’interrompre vos collègues comme un malpoli. «coupez la parole avec des gestes et non des mots, conseille Bernard sananès. un petit mouvement de la main signifie “là, je dois vous arrêter”.» autre solution, utilisez une formule qui vous permet d’interrompre un interlocuteur en douceur : «ce que vous dites est intéressant…» lui donnera l’impression d’être mis en valeur, vous pourrez embrayer sur une autre idée sans qu’il se sente agressé.

 oubliez les questions

rhétoriques. «vous voyez ?», «hein ?»... ces questions qui n’en sont pas traduisent le besoin de l’approbation incessante de l’autre, donc un manque de confiance en soi. choisissez entre affirmation et question. Pour vous assurer du consentement d’autrui, posez une question ouverte : «Qu’en penses-tu ?» il y a un cas de figure où ce type d’expressions peut être utile : lorsque votre propos est compliqué. en terminant par «tu vois ?», vous tendez une perche à votre interlocuteur pour qu’il réponde : «non, pas vraiment», et obtienne des explications.

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 en cas de panique,

reformulez. vous voilà parti à disserter sur le lancement imminent d’une nouvelle technologie qui va révolutionner le marché, présentation Powerpoint à l’appui, quand, soudain, c’est le blanc… impossible de vous souvenir de ce que vous vouliez dire. «cela arrive de perdre le fil, relativise Jean-louis raynaud, directeur de l’Advanced Management Programme de l’edhec. Pour que cela ne vire pas au blocage qui paralyse, l’astuce est de reprendre immédiatement ce que vous venez dire. reformulez votre propos et vos idées devraient à nouveau s’enchaîner.» céline deval

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maîtrisez votre communication

6 erreurs qui peuvent ruiner votre com Pour bien faire passer votre message et blinder votre plan com, commencez par tirer les leçons des flops les plus retentissants. Par christine haLary

L

Photo : hans bakker

orsqu’elle a lancé son baromètre social, cette entreprise de matériel médical a constaté que la majorité de ses collaborateurs se plaignait d’un manque d’informations. Elle a donc surcommuniqué l’année suivante. Las, dans le baromètre suivant, les scores d’insatisfaction se sont révélés encore plus importants ! La direction s’est rendu compte qu’elle soliloquait, sans se soucier des questions que se poLa saient ses salariés. Ce flop, symptomatique manipulation d’un manque d’écoute, s’apparente à un syndrome national si l’on en croit les sondages : finit toujours 50% des Français n’ont aucune confiance dans par être la communication des entreprises, y compris débusquée. celle pour laquelle ils travaillent (selon Comelle entache votre munication & Entreprise et un baromètre Edelcrédibilité et diminue manTrust). Cette défiance vise davantage les la confiance que sommets de la hiérarchie que les managers de l’on vous accorde. evitez donc de flatter proximité. Mais eux non plus ne sont pas à l’abri vos équipes d’un des bourdes. Voici les principaux pièges à dé‘Vous êtes les meilleurs’ jouer quand on veut crédibiliser son message. quand il s’agit de leur demander erreur N°1. manquer de naturel l’impossible. En hypercontrôle (buste figé et mains bien à Préférez la sincérité.” plat) face à une caméra, François Hollande n’a Philippe Bazin, jamais été aussi guindé que depuis l’émergence associé au cabinet du concept de «président normal». «Il se reKrauthammer (conduite du changement) tient», observe le coach Arnaud Riou. Du coup, ses messages passent mal. Gérald Semenjuk, le DG France de SolarWorld, un fabricant de panneaux photovoltaïques, préfère, quant à lui, cultiver son naturel en développant ses atouts plutôt que de s’évertuer à gommer ses défauts. «Sinon on subit l’effet de la loi de l’attraction, explique-t-il. On devient ce que l’on veut à toute force éviter d’être.» Attention, naturel ne signifie pas spontanéité ! «L’improvisation, ce travers si français, vous fera passer pour un amateur»,

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prévient Adrian Dear nell, le fondateur de l’agence de com EuroBusiness Media. Attention toutefois à l’excès de préparation, lui aussi voué à l’échec. Flairant le formatage, votre public risque de décrocher. «Apprendre son discours par cœur, c’est bien, s’il s’agit de se rendre disponible pour la salle», note Philippe Bazin, associé au cabinet Krauthammer. Ce spécialiste du leadership aime citer cette phrase du compositeur Franz Liszt : «Il faut avoir la partition dans la tête et pas la tête dans la partition.» Le meilleur moyen de se dégager de ses notes, c’est de n’en retenir que les grandes lignes. Loïc de La Brosse, directeur de marché chez un éditeur de logiciels, suggère, lui, de questionner le public. «Plus la salle participe, plus je me sens à l’aise, comme dans une conversation», explique-t-il.

erreur N°2. mentir et enjoliver

Lorsqu’ils ont quitté le centre de Paris pour Ivry-sur-Seine, en banlieue, les salariés d’une société de services ont eu du mal à s’acclimater. Pourtant, leurs managers n’avaient cessé de vanter les bénéfices du déménagement : davantage d’espace, une cantine toute neuve… Mais aucun cadre n’avait abordé les points négatifs, comme le temps de transport allongé ou le quartier, moins glamour que le 5e arrondissement parisien. Enjoliver est l’un des grands écueils de la communication. «On fabrique un discours lisse qui suscite de la méfiance», analyse Thierry Libaert, chargé de la communication de la direction développement durable d’EDF. Et si vous n’êtes pas convaincu du message que vous devez faire passer, inutile d’espérer convaincre vos troupes ! La psychologue Sylvie Protassieff se souvient d’un manager chargé d’apprendre à ses collaborateurs la mise

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en vente de la société. Ses supérieurs lui avaient affirmé que l’affaire serait conclue en un mois, mais il doutait de ce délai et se trouvait désorienté. La psychologue lui a conseillé de jouer la franchise en expliquant à son équipe que la négociation pourrait être plus longue que prévu. «Rien n’est pire que d’annoncer quelque chose qui tarde à voir le jour», affirme-t-elle.

erreur N°3. cacher son ignorance

Quand il travaillait encore dans une multinationale, Gérald Semenjuk avait affaire à un N + 1 qui ne s’adressait à lui que par des périphrases du type : «On est bien d’accord que…» «C’était une façon tordue de s’insinuer dans mes projets pour en savoir plus, au lieu de me demander sur quoi je travaillais», résume Gérald Semenjuk. Son N + 1 était incapable d’admettre son ignorance. Mais à vouloir jouer l’omniscient, il n’a fait que se décrédibiliser. «On n’est jamais aussi bon qu’en étant authentique, quitte à dévoiler ses imperfections», assure Adrian Dearnell. «Assumez votre vulnérabilité», conseille même Philippe Bazin. Admettre des difficultés vous permettra en effet d’entamer la discussion. N’hésitez pas à avouer que vous êtes dans une impasse : «Je n’ai pas bouclé ce projet et j’ignore comment on va s’y prendre.» Vous interpellez ainsi vos collaborateurs et vous suscitez l’échange.

erreur N°4. ne pas écouter

Elodie Repellin, spécialiste de la gestion du stress, évoque les déboires du manager d’un centre d’appels. A une opératrice qui arrivait toujours en retard, il avait ordonné d’être à son poste à 9 heures tous les matins. Devant l’indignation des collègues de la jeune femme, il l’avait interrogée sur les raisons de ses retards. Et, prenant conscience de la légitimité de ses arguments, il avait fini par lui proposer de décaler ses horaires. Une bonne communication passe par une bonne écoute. Pour vendre un message, vous devez comprendre les attentes de vos collaborateurs et argumenter en fonction d’elles. Y compris lorsque vous annoncez une mauvaise nouvelle. Dites : «Je crains que vous n’appréciiez pas ce qui va suivre (vous prenez en considération votre auditoire), mais je vous le dis quand même.» En principe, vous espérez que votre discours entraînera l’adhésion. Or, il ne suffit pas de parler pour que les choses

soient comprises. «Sondez les résistances de vos interlocuteurs et reformulez votre message», préconise encore Sylvie Protassieff.

erreur N°5. Parler sans cohérence

Désemparés ! C’est dans cet état qu’Arnaud Riou a trouvé les cadres commerciaux d’une entreprise du bâtiment dont la direction avait soudain réduit drastiquement le budget tout en maintenant leurs objectifs de vente. «L’entreprise aurait dû accepter que leur chiffre d’affaires baisse dans un premier temps», décrypte le coach, qui dénonce les ravages des injonctions paradoxales. L’autre faux pas à éviter si vous voulez que votre message passe, c’est de faire l’inverse de ce que vous dites. Comme ce manager qui imposait un reporting draconien à ses équipes quand lui-même se montrait peu rigoureux. Coaché par Elodie Repellin, il a réussi à remotiver ses collaborateurs, alors que plusieurs d’entre eux pensaient déjà à changer de service. La méthode à suivre : accorder ses paroles et ses actes, et donner à son équipe les clés pour atteindre ses objectifs.

Plus d’infos

 Le Média training. Réussir face aux journalistes, d'adrian Dearnell, 24 €, eyrolles.  Le Marketing de soi, de sylvie Protassieff, 25 €, eyrolles.  Oser parler et savoir dire, d'arnaud riou, 20 €, Les editions de l’homme.

erreur N°6. Trop discourir

«Vous avez dix minutes pour me convaincre !» entend-on souvent. Dans cette situation, la plupart des managers commettent les mêmes erreurs : ils parlent trop, trop vite, et finissent par bafouiller. «Communiquer, ce n’est pas dire quelque chose, c’est créer les conditions pour que l’autre l’entende», souligne Philippe Bazin. Pour vous faire comprendre, ralentissez votre débit et réduisez le nombre de messages. Faites le test : après une réunion, demandez à vos collaborateurs quel message ils ont retenu. Chacun vous en citera un différent. Limitez donc le nombre de sujets abordés, quitte à n’en traiter qu’un. Idem pour réussir une présentation. Lors de sa préparation, Philippe Bazin recommande de commencer par la conclusion (quel est le message à délivrer ?), puis de vous attaquer au corps de l’intervention (avec quels arguments ?), pour terminer par l’accroche (comment attirer l’attention du public ?). Pour captiver votre auditoire, faites comme les Anglo-Saxons : trouvez une blague ou une anecdote qui fera office d’introduction. Votre public appréciera et vous vous sentirez tout de suite plus à l’aise. I

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maîtrisez votre communication

comment briller à la machine à café Bien plus qu’un espace de papotage, la machine à café est «la» zone de représentation de l’entreprise. L’endroit idéal pour assurer son autopromotion. Par benjamin Fabre, ex-consuLtant en stratégie, écrivain et coach en management

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lle ne prend jamais de vacances. Avec ses bips, ses bruits de pièces et ses vapeurs d’expresso lyophilisé, la machine à café assure le service le plus continu de tout le système capitaliste. A toute heure du jour, les travailleurs s’y rassemblent. S’y épanchent. S’y confrontent. Si elle avait des oreilles (et du talent), elle pourrait écrire la version col blanc de La Comé­ die humaine. Comment tenir le bon rôle dans cette épopée quotidienne ? En évitant de vous laisser anesthésier par le caractère faussement insignifiant de la machine à café. Cliché absolu du monde de l’entreprise, elle est souvent perçue comme une bulle conviviale, un sas de décompression qui servirait à raconter ses week-ends. En réalité, la machine à café est un carrefour bourdonnant, où les regards n’en finissent pas de courir, les lignes hiérarchiques de se mêler et les oreilles de se dresser… Au lieu d’agiter bêtement votre touillette, apprenez donc à utiliser cet espace de mixité afin d’assurer votre autopromo. Pour cela, trois règles à suivre.

Règle n°1. oubliez votre regard de droopy dans l’ascenseur

On sait tous que la vie de bureau est difficile. Mais, dès lors que vous approchez du distributeur de boissons, vous devez incarner la joie de

Soyez positif. Souriant. Si vous semblez heureux de votre sort, les autres penseront que travailler avec vous est une bénédiction.

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vivre et la bonne humeur. Pour attirer le bon peuple à vous, bien sûr, mais surtout pour vous démarquer de tous ces pleurnichards qui, le regard au fond du gobelet, portent le fardeau d’un destin qui dérape. Soyez positif. Souriant. Si vous semblez heureux de votre sort, les autres penseront qu’il est formidable et que travailler avec vous est une bénédiction.

Règle n°2. ne venez pas à des heures régulières

Cela limiterait la diversité de votre public et risquerait de vous donner l’image d’un vulgaire produit de première nécessité, toujours disponible. A-t-on déjà vu un cadre surbooké avoir un emploi du temps fixe ?

Règle n°3. ayez toujours l’air au courant de tout

Quelles que soient les circonstances, votre phrase favorite doit être : «Oui, je savais.» Avec elle, vous aurez l’air introduit là où il faut (c’està-dire partout) et donc intéressant à fréquenter. La machine à café est le royaume du off : neuf fois sur dix, c’est là que vous apprendrez la nouvelle la plus marquante de votre semaine. Pour capter le maximum d’infos, arrangez-vous pour avoir, de manière régulière, quelques biscuits à donner à votre auditoire. Si vous en manquez, vous pourrez toujours égrener, d’un air suggestif, des locutions sibyllines du genre «Ça va bouger au Comex…» ou «Préparez-vous à une grosse tempête…» que les gens ressasseront tout le reste de la journée. Soyez bref. Incisif. En moyenne, une pause café dure huit minutes. Vous n’avez que quelques mots à votre disposition. Un peu moins que dans La Comédie humaine… I

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UN PATRON / UN CONSEIL

FRÉDÉRIC POTTER, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE NETATMO (OBJETS CONNECTÉS)

FAITES CIRCULER L’INFORMATION : C’EST LA CLÉ DU MANAGEMENT”

A

vant de trouver de l’argent et de définir la stratégie de l’entreprise, la première mission du dirigeant est de recruter des collaborateurs de qualité. Certes, la stratégie est la partie la plus noble de l’activité, la plus simple à expliquer – la nôtre consiste à «développer la maison connectée». Tout le monde a envie d’être «le» grand stratège. Mais l’entreprise n’est rien si elle n’est pas composée des meilleurs éléments possibles.

FORMER des équipes de talent

A mes yeux, le processus RH est fondamental. Je consacre un tiers de mon temps au recrutement. Je sélectionne des profils créatifs, dont le regard original va aider à trouver des solutions neuves. Dans l’informatique, si l’on est pragmatique et créatif, on peut aller dix fois plus vite que ses concurrents. Je m’assure ensuite que ces nouveaux salariés aiment travailler en équipe. C’est hyperimportant. Dans notre secteur, la fluidification de l’information est la clé du management. Pourquoi croyez-vous que les sociétés de hightech américaines prennent autant de temps à organiser la circulation de l’information ? Si celle-ci passe mal, les collaborateurs ne pourront pas imaginer de bons produits et le marketing qui va avec. Un produit de mauvaise qualité est souvent le signe de la mauvaise qualité de la communication au sein d’une entreprise. En tant que dirigeant, mon rôle est aussi de me séparer des salariés qui refusent de travailler

en équipe. Même si c’est un moment pénible, il faut avoir le courage de les faire partir car ces personnes peuvent déstabiliser toute l’entreprise : une équipe, c’est des gens qui travaillent ensemble, certes, mais surtout qui se font confiance. Si une personne rompt cet état d’esprit, cela peut tout désorganiser. Et puis, quand vous embauchez de très bons profils, ceux que j’appelle des «rock stars», ils ne veulent travailler qu’avec d’autres rock stars. Donc avec des gens qui savent coopérer pour mettre au point les produits les plus brillants.

PHOTO : XAVIER POPY/REA

PROPOS RECUEILLIS PAR SÉBASTIEN PIERROT

SE DONNER les moyens financiers

Enfin, mon rôle consiste à trouver de l’argent. Sans cela, même les meilleures équipes ne peuvent pas travailler. Et là, c’est ma réputation qui entre en jeu. Les investisseurs savent qu’ils peuvent me faire confiance parce que j’ai toujours été honnête et transparent. Tout ce que j’ai fait jusque-là m’aide à mobiliser de l’argent.

UN CRÉATEUR ULTRACONNECTÉ Son parcours. Ingénieur télécom ParisTech, ce docteur en microélectronique quadragénaire n’en est pas à sa première entreprise : avant de lancer Netatmo (en 2011), il avait créé Cirpack (téléphonie sur Internet) et Withings, l’autre spécialiste français des objets connectés, avec Eric Carreel, croisé chez Technicolor. Pourquoi il est inspirant. Parce qu’il a très tôt perçu le potentiel des objets connectés. Sa station météo (lancée en 2013) a fait un tabac dans 150 pays, ce qui l’a encouragé à proposer, l’année suivante, un thermostat intelligent, dessiné par Philippe Starck. Enfin, la caméra Welcome, sortie en juin 2015, a été primée quatre fois au Consumer Electronics Show de Las Vegas.

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motivez vos  4 activités pour souder un collectif p. 46

 L’art de créer une dynamique de groupe p. 48

 Un patron / un conseil : guillaume richard, pdg du groupe o2 p. 49

 L’armée peut f aire de vous un meilleur chef p. 50

 2 0 phrases qui sapent le moral (et par quoi les remplacer) p. 52

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équipes redonner confiance en période de crise Quand la France broie du noir, les entreprises n’y échappent pas… il est temps de regonfler le moral de vos troupes. Comment ? en les écoutant et en vous montrant honnête. Par Lisa TeLfizian

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’année 2014 a été rude pour les déve­ loppeurs de Solocal Group (éditeur des Pages Jaunes) : face à Google ou à Facebook, leur société a une image vieillotte. Elle propose pourtant des solutions professionnelles aussi performantes que celles des deux champions américains du Web. Pour dissiper le blues ambiant et remon­ ter le moral de ses troupes, la direction s’est li­ vrée à une mise au point. «Nous leur avons rap­ pelé que nous sommes la cinquième entreprise du Web en France (près d’1 milliard d’euros de chiffre d’affaires) et que, avec plus de 33 mil­ lions de téléchargements, PagesJaunes est la troisième appli la plus populaire, résume Jean­ François Paccini, directeur technique du groupe. Par ailleurs, notre croissance est plus forte que celle de Google en Europe. Mais ça, les collaborateurs ont tendance à l’oublier.»

RassuRez. Avec la crise qui s’installe, les Français ont le moral dans les chaussettes, y compris au bureau : 53% des cadres ont une confiance «dégradée» vis­à­vis de leur entre­ prise (sondage TNS Sofres pour la Fondation ITG, septembre 2014). Un sur cinq parle même de «morosité». Idem pour les chefs d’entre­ prise : la France est le pays d’Europe où les di­ rigeants de PME sont le moins optimistes (55% contre 64% dans le reste de l’Union, selon une enquête Sage d’octobre). A tel point qu’Em­ manuel Macron, le ministre de l’Economie, a

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qualifié la défiance de «première maladie» de l’Hexagone. Est­ce grave, docteur ? Oui, car la confiance est un des piliers de la croissance. Elle stimule les échanges : quand elles sont rassurées, les entreprises investissent (et les ménages dépensent)… Dans votre service, c’est la même chose : l’in­ quiétude diminue l’entrain, l’investissement (dans le travail) et la présence sur le terrain. Ce qui rend les objectifs plus difficiles à at­ teindre. Pour aider vos troupes à regarder l’ave­ nir avec optimisme, il faut leur insuf f ler du peps. Certes, le changement ne se fera pas du jour au lendemain, mais c’est une raison de plus pour instaurer au plus vite les pratiques qui regonfleront tout le monde à bloc. Responsabilisez. Premier objectif : ac­ croître la confiance en eux de vos collabora­ teurs. Pour cela, rien de tel que de les respon­ sabiliser. En octobre 2014, Richard Branson, patron de Virgin, a ainsi annoncé que chaque cadre était libre de décider du nombre de jours de congé dont il avait besoin, sans en discuter avec son manager. Une révolution ? Non, mais un vrai gage de crédit. «L’utilisation souple des jours de congé, la possibilité de télétravailler ou d’arriver plus tard le matin sont une re­ connaissance de l’engagement des salariés», confirme Camille Dupuy­Olléon, coprésidente de Financi’Elles, un réseau de femmes cadres du secteur bancaire. En lâchant la bride sur

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motivez vos équipes

Pour inciter vos employés à s’engager et à oser, admettez le droit à l’erreur.

certains process, on permet au personnel de rester concentré sur l’essentiel : le travail à accomplir. En matière de travail, justement, «il serait temps de découvrir les vertus du droit à l’erreur», préconise Jérôme Lefèvre, chef d’entreprise et ancien vice-président du Centre des jeunes dirigeants. Et de témoigner : «Un commercial insistait pour que je l’accompagne à un rendez-vous à TF1 car l’enjeu le tétanisait. Je lui ai rappelé qu’il ne serait pas sanctionné si cette rencontre ne débouchait pas sur un contrat. Et tout s’est bien déroulé.» Une telle sollicitude n’est pas de la pure bienveillance. Donner à vos collaborateurs la possibilité de se tromper les incite à oser et, au final, à progresser. «Si je l’avais écouté, poursuit le dirigeant, j’aurais pris les commandes pendant le rendez-vous, il serait resté en retrait et n’en aurait rien tiré. Mais je l’ai quand même aidé à préparer son entretien.» Ouvrez les esprits. Autre ressort de la confiance en soi, le sentiment d’être respecté. Offrez à vos équipes la possibilité de s’épanouir ailleurs que dans le travail. Encouragez-les par exemple à rejoindre les clubs professionnels, ces nouveaux «corps intermédiaires» des sociétés. Ils apportent à leurs membres des contacts et une forme de reconnaissance. «Dans le secteur bancaire, Financi’Elles rassemble les femmes cadres et œuvre pour qu’il y ait davantage de mixité dans les entreprises», raconte Camille Dupuy-Oléon. Soutenez aussi les initiatives visant à parler d’autre chose que de boulot, telles la préparation d’un pot entre collègues ou une rencontre sportive interservices. Enfin, sur des questions d’organisation du service, demandez leur avis à ceux que vous dirigez. «Chez Meteojob, explique Philippe Deljurie, cofondateur de l’entreprise, nous nous sommes aperçus que la bonne entente est d’autant plus indispensable que nous travaillons en open space. Nous avons par exemple décidé de demander le point de vue de cinq personnes avant chaque embauche. Chacune d’elles peut bloquer un recrutement

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pour des raisons de feeling ou de personnalité. C’est une façon de témoigner notre reconnaissance à ceux qui sont déjà en place.» Et si, au final, vous passez outre l’opinion que vous avez sollicitée, «expliquez pourquoi», recommande Fabrice Coudray, directeur chez Robert Half. Sinon, la déception risque d’être terrible. Évitez les nOn-dits. Toutes les composantes de l’entreprise sont touchées par la crise de confiance, y compris les managers. Il est donc essentiel de redorer votre image et de faire en sorte que vos collaborateurs croient en vous. Or, un bon responsable ne gomme pas les aspérités interpersonnelles au travail. Au contraire : «Je prends régulièrement le temps de faire une promenade ou de boire un café avec chaque personne de mon équipe, raconte Emmanuel Stanislas, fondateur du cabinet de conseil en recrutement Clémentine. Lors de ces rencontres informelles, chacun peut exprimer un souci personnel susceptible d’interférer avec son job et évoquer autre chose que son activité dans l’entreprise.» Ces moments peuvent vous faire gagner un temps précieux en évitant les non-dits qui sapent le moral des troupes. Nicolas d’Hueppe, directeur de l’éditeur numérique Cellfish Media, se souvient ainsi d’avoir été confronté à l’inquiétude de la directrice de la branche SMS de son entreprise, qui craignait de voir disparaître son service. «Je l’ai écoutée, raconte le jeune dirigeant, pour comprendre ce qui était le plus important pour elle. Et je l’ai invitée à participer au comité de direction, alors qu’elle n’y siège pas d’habitude. En échange, je lui ai demandé de me faire des propositions sur les possibilités de transformation de son activité. Je lui ai ainsi montré que son investissement comptait beaucoup pour nous.» Il a transmué la peur bleue d’une de ses collaboratrices en histoire positive. Et l’intéressée a repris goût à son travail. sOignez vOtre leadership. Au quotidien, le héros de l’équipe, c’est vous. Vos faits et gestes sont scrutés. Par conséquent, montrez-vous à la hauteur. Prenez en charge les aspects opérationnels d’un ou de deux projets majeurs de votre département afin de partager les contraintes du personnel. Rapprochez-vous également d’autres managers, inscrivez-vous

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sur les forums de discussion de l’entreprise qui vous sont réservés et participez aux «séances de coaching en codéveloppement», ces réu­ nions de cadres comme il en existe chez Orange ou EDF. Plus vous cultiverez vos compétences de meneur, plus votre équipe vous en saura gré. Autre point clé : soyez lucide sur la situation de votre société. «Chaque trimestre, le di­ recteur général s’adresse aux managers pour évoquer la stratégie et les résultats du groupe et répondre à leurs questions», indique Ber­ trand Gérard, DRH de Sanef. Et l’exercice est retransmis en visioconférence partout en France. Attachez­vous à cette transparence surtout quand ça va mal. «Quand j’ai réalisé que nous étions en retard de six mois dans nos perspectives de développement inter­ national, je n’ai pas hésité à dire à mes colla­ borateurs que, sur ce point, nous avions été mauvais», confie Nicolas d’Hueppe, de Cellfish Media. En admettant les difficultés, on ancre les équipes dans le réel : cela leur montre que le manager, cons cient des problèmes, de­ meure bien le capitaine à bord. N’hésitez pas non plus à séquencer vos ob­ jectifs commerciaux. «Nous nous sommes aperçus que des attentes annuelles ou semes­ trielles laissaient les collaborateurs seuls face aux fluctuations du marché, ce qui leur sapait le moral», relate Philippe Deljurie chez Meteo­ job. Il a donc pris une décision simple et effi­ cace : «Nous fixons des objectifs de résultats au trimestre et des objectifs de moyens à la

semaine.» Il définit les efforts que chaque com­ mercial doit fournir. Par exemple : obtenir cinq rendez­vous par semaine. S’ils ne sont pas dé­ crochés ou si le marché se retourne, les visées trimestrielles sont très rapidement réajustées. Idéal pour ne pas plomber le moral des com­ merciaux avec des chiffres inatteignables. Soutenez l’équipe. «Le collectif joue un rôle fondamental dans la confiance, assure Fabrice Coudray. Sans basculer dans la coges­ tion, il est important de faire travailler en­ semble les personnes de différents services afin que chacun comprenne mieux les contraintes des uns et des autres.» Ainsi, ra­ conte­t­il, une société a mis en place une dé­ marche «Vis ma vie» : chaque mois, un employé change de service pendant une journée. A force de la jouer collectif, le degré d’implica­ tion de vos équipes va s’accroître. Enfin, terminez la semaine sur une note positive : «Chaque vendredi, en fin d’après­ midi, j’envoie un e­mail résumant ce qui a bien fonctionné pendant la semaine, y compris dans les autres départements, témoigne Cédric Brochier, directeur du site de petites annonces Vivastreet. Cela rassure les collaborateurs sur le fait que l’entreprise avance et ça leur évite de passer le week­end à ruminer les tracas rencontrés au bureau. Car c’est toujours le vendredi soir que l’on songe à quitter sa boîte…» A tester si vous voulez retrouver votre équipe au complet le lundi matin ! I

Plus d’infos

 La Confiance au travail, sous la direction de Laurent Karsenty, octares editions, 23 €.  Le Pouvoir de la confiance, stephen m.r. Covey, éditions J’ai Lu, 8,50 €.  Leadership et confiance : jouer collectif, parler vrai, être humain, alain Duluc, éditions Dunod, 30 €.

comment motiver sans argent

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ette année encore, les revalorisations de salaire ne devraient pas dépasser 2% (selon Deloitte et aon hewitt). il existe heureusement d’autres moyens de stimuler vos collaborateurs. appréciez les efforts à leur juste mesure. Un cadre a rempli une mission au-delà de vos espérances ? exprimez sincèrement votre enthousiasme. et de préférence en public, par exemple lors d’une réunion avec l’équipe : la reconnaissance prend tout son poids si elle est visible. remises de prix et affichages au mur (wall of fame) valorisent aussi les meilleurs éléments.

donnez des responsabilités. Confier à un collaborateur la supervision d’un projet permettra de le faire patienter, à condition qu’il y ait une promotion à la clé si les résultats sont bons. mais sachez-le : s’il est promu, ii y a fort à parier qu’il demandera une augmentation de salaire. lâchez la bride. L’autonomie est une motivation importante, notamment chez les jeunes. encouragez ainsi le télétravail, sans dépasser deux jours par semaine. Proposez des formations valorisantes. aidez vos collaborateurs à ajouter des cordes à leur arc. La stimulation

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intellectuelle liée à l’acquisition de nouvelles compétences pourra compenser l’absence de gain financier. et, par la suite, leur servir de tremplin pour un autre poste. favorisez le bien-être au travail. Postes ergonomiques, massages, cours de yoga, etc. peuvent favoriser une bonne ambiance et renforcer le moral des salariés. a condition, toutefois, de ne pas leur donner l’impression qu’on dépense sans compter pour des choses accessoires, tout en leur refusant de l’argent... Corine Moriou, avec arnaud hautesserres, directeur des opérations, meltis

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motivez vos équipes

4 activités pour souder un collectif Pour renforcer l’esprit d’équipe, rien de tel qu’un enjeu commun et une franche bonne humeur. Voici quatre propositions de team building pour faire de vos séminaires d’entreprise une réussite. Par coralie Donas

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umérique, développement durable, solidarité… Le team building épouse les tendances du moment. Destinées à renforcer la cohésion d’une équipe, mais aussi ses savoir-faire collectifs, les activités proposées vont du chantier d’écoconstruction à l’atelier d’apiculture en passant par le rallye ou la course d’orientation (qu’on effectue muni d’un GPS et d’une tablette). Portée par le succès de certaines émissions TV, la cuisine occupe aussi une place de choix dans la boîte à outils du team builder. «Un repas se prépare comme un projet, explique Julien Rossello, créateur et dirigeant d’EatSentive. Cela nécessite de l’organisation, de la hiérarchie, des règles, un sens du timing et de la créativité. Le lien avec le travail d’équipe est évident.» Tour d’horizon des activités les plus courues.

Le sport : pour l’émulation

Six cents participants inscrits en dix minutes, les suivants sur liste d’attente : le cabinet d’audit et de conseil Deloitte n’a aucun mal à fédérer ses collaborateurs autour du derby sportif qu’il orga n ise chaque année depuis vingt-cinq ans. Au cours de ce week-end corporate, cent équipes de six personnes enchaînent les épreuves : courses et trails à pied et à VTT, natation, kayak… Une bonne formule pour souder les salariés, qui choisissent pour leur équipe des noms amusants et des teeshirts assortis, puis s’entraînent ensemble. «C’est un fil rouge qui court tout au long de l’année et renforce les liens entre les concurrents», observe Raphaël Zaera, senior manager audit chez Deloitte, fidèle au derby depuis huit ans. Les épreuves elles-mêmes sont un modèle

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de team building. «Ce ne sont pas les équipes les plus sportives qui gagnent, mais les plus stratèges, précise R aphaël. La diversité des épreuves suppose des compétences multiples et pas uniquement sportives. Cela crée une cohésion, nous devons nous répartir le travail, trouver les mots pour remotiver ceux qui sont fatigués.» Randonnée, VTT, tir à l’arc… Le sport est l’une des activités phares du team building. «Il véhicule des valeurs de dépassement de soi, de travail en équipe. Dans le cadre du team building, on privilégiera la performance collective ou un challenge entre équipes plutôt que la performance individuelle», recommande Olivier Gouvernal, dirigeant de For Event et président de l’Association de concepteurs-producteurs d’animations événementielles (Animaé). Limite inhérente à l’exercice : les non-sportifs ne s’y sentiront pas toujours à l’aise.

Le bricoLage : pour mieux se connaître

Travailler sur l’esprit d’équipe permet aussi de rapprocher des collaborateurs répartis sur différents sites. En juin 2015, 23 salariés d’un groupe pharmaceutique italien se sont retrouvés à Paris, en combinaison de mécano de course, fiche d’instructions à la main, pour démonter et remonter une 2 CV en deux heures. L’activité avait été organisée à l’occasion d’une réunion de service du département des études, dont les salariés sont basés en Italie et en France. «Nous étions encadrés par un animateur parfaitement bilingue et par un technicien, raconte Kristelle, assistante de direction, qui a organisé l’événement et y a participé. Il s’agissait d’intégrer les personnes qui nous avaient rejoints récemment et de renforcer la cohésion

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de groupe. Nous communiquons par e-mail et par téléphone, mais le fait de se retrouver ensemble crée d’autres liens. Nous avons beaucoup dialogué pendant l’activité, beaucoup ri aussi. Nous étions fiers d’avoir réussi, car la mécanique n’est pas notre domaine.» Construire un radeau, constituer un orchestre éphémère, élucider un crime lors d’une murder party ou préparer un repas : les idées originales ne manquent pas en matière de team building. «Cela permet de travailler sur la dimension relationnelle, impérative pour que l’équipe devienne plus performante, indique Arnaud Tonnelé, coach d’équipe au sein du groupe Julhiet Ster wen. Mais il ne faut pas oublier de travailler en parallèle sur la dimension métier.» Un debriefing peut se révéler utile pour évaluer les apports de la session.

Les actions soLidaires : pour donner du sens

Certaines activités permettent de renforcer les compétences des équipes tout en répondant à une attente des salariés en quête de sens. Depuis 2012, l’association Pro Bono Lab organise les Pro Bono Days : des «marathons» durant lesquels des professionnels bénévoles planchent au profit d’une association. «Nos consultants sont amenés à changer d’équipe au fil des missions, précise Claudia Montero, associée chez Eurogroup Consulting, partenaire des Pro Bono Days. L’épreuve les plonge dans un planning et une problématique circonscrits : le collectif se construit tout de suite !» Une cinquantaine de salariés du cabinet d’audit PwC ont également participé aux Pro Bono Days cette année. «Contrairement à une session de team building plus classique, comme un rallye ou

Le temps d’une session, les hiérarchies disparaissent. Cela détend les relations et crée une alchimie au sein de l’équipe.

une course, c’est une activité qui a du fond, explique Nicolas Jolivet, senior manager dans l’audit chez PwC à Nantes. A la fin de la journée, une association a en main un outil concret, par exemple un modèle de pitch pour décrocher des financements.» La cote du team building solidaire est en hausse. Axa Atout Cœur a ainsi lancé il y a deux ans un programme consacré à ce type d’actions.

La chasse aux œufs : pour renforcer les liens

Dégustation de vins, croisières, réalisation d’une parodie d’émission TV, repas à thème… Certains événements aident à fluidifier les relations au travail. Depuis quatre ans, l’équipe d’Engie University ajoute à son séminaire de rentrée une session de team building. «Ce sont des moments dont tout le monde se souvient, durant lesquels les hiérarchies disparaissent. Cela détend les relations au quotidien et crée une alchimie au sein de l’équipe», explique Dorothée Lintner, responsable de programme chez Engie University. Mais pas question de se limiter à une action ponctuelle dans l’année pour renforcer la cohésion de l’équipe : «Afin d’entretenir cette convivialité, nous organisons d’autres activités. Par exemple, une chasse aux œufs dans les bureaux.» Le team building, c’est du sérieux ! I

Idéal pour faire passer des messages en douceur… à l’origine de la réussite d’un team building, il y a l’envie du manager de développer son équipe. Ce développement a un début, mais pas de fin, et il faut se concentrer à la fois sur les relations et sur le métier du groupe. C’est un travail qui

s’inscrit dans la durée : deux rendez-vous dans l’année permettent d’entretenir les effets positifs des sessions. Des activités comme le sport, le théâtre ou la cuisine contribuent aussi à faire passer des messages en douceur. Le regard extérieur du coach aide

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le manager à identifier les points forts et les zones de fragilité du groupe. C’est le fonctionnement des équipes sportives.» Arnaud Tonnelé, coach du groupe de conseil Julhiet Sterwen et auteur de La Bible du teambuilding, Eyrolles, 2015

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motivez vos équipes

L’art de créer une dynamique de groupe Insuffler un élan collectif tout en respectant les aspirations de chacun : une mission délicate qui requiert doigté et organisation. Par marie-madeleine sève

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a pression des résultats pèse si lourd sur les épaules du manager qu’elle l’entraîne trop souvent à négliger la dimension humaine de sa mission. Il ne pourra pourtant atteindre ses objectifs qu’en insufflant un véritable élan à ses collaborateurs. «Il faut veiller à la fois à l’en­ gagement collectif et au plaisir de ses équi­ piers», note Ricardo Croati, coach de dirigeants chez France Training. Votre rôle n’est plus de «faire», mais de «faire faire», en gardant en tête le collectif et l’individuel. Voici cinq leviers à actionner pour y parvenir.

instaurez des rendez-vous rituels

Ces moments d’échange vont rythmer la vie de l’équipe en créant des points de dialogue et d’entraide entre pairs. Valérie Moissonnier, coach de dirigeants, suggère ainsi d’organiser régulièrement des réunions de cohésion, conclues par un repas en commun : «L’objectif, est d’inciter l’équipe à réfléchir à son fonction­ nement.» Prévoyez aussi des temps de libre pa­ role plus informels et conviviaux, autour d’un café matinal, par exemple. Pour le pilotage in­ dividuel, utilisez l’entretien annuel, afin de passer en revue le travail et les objectifs de cha­ cun, et l’entretien de développement, centré sur les compétences et les comportements.

Peaufinez votre storytelling

«L’idée est d’embarquer votre équipe dans une expérience qui a du sens, en situant sa contri­ bution dans une histoire globale qui suscite le désir», résume Tatiana Marot, responsable des formations management au sein du groupe EFE. N’hésitez pas à mobiliser vos troupes autour d’une «grande cause» : améliorer le confort de vos clients, apporter un nouveau

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service… Il s’agit d’élaborer un schéma narra­ tif autour de vos réussites partagées afin de mieux fédérer le groupe. Un storytelling à dé­ rouler également en face à face : «Voilà en quoi tes tâches sont utiles, elles serviront à tel pro­ jet, de telle façon… Je peux compter sur toi ?»

installez chacun à la bonne place

Personne n’a les mêmes compétences ni les mêmes facilités. Certains ont besoin d’être plus épaulés que d’autres. Tout l’art du manager consiste à repérer les potentiels et à placer cha­ cun là où il sera le plus efficace. Le sentiment d’être à la bonne place insuffle aux équipiers ce que les consultants appellent la «motivation intrinsèque» : ils travaillent pour le plaisir.

Partez à la pêche aux idées

Vous n’avez pas la science infuse ! Vos équipiers sont eux aussi des pros, capables d’apporter des idées. «Il faut donc encourager la prise d’initia­ tive, l’audace et, bien sûr, reconnaître le droit à l’erreur», affirme Vincent Dicecca, auteur des 5 Clés pour réussir ses premiers pas de manager (Dunod). Chacun applique d’autant mieux les décisions qu’il y a participé.

Montrez votre appréciation

Livrez un retour précis en fin de mission ou des messages flash au quotidien : c’est capital pour stimuler votre collaborateur et le faire grandir. Multipliés par 10 ou 20 coéquipiers, ces feed­ back dynamiseront tout le groupe. Et pensez à marquer le coup si la victoire est belle. Thomas Detwiler, président de Beissier, un fabricant d’enduits de décoration, profite de la fête an­ nuelle pour mettre à l’honneur les salariés à l’origine de réalisations remarquables. «Cela crée une fierté d’appartenance.» I

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UN PATRON / UN CONSEIL

GUILLAUME RICHARD, PDG DU GROUPE O2 (SERVICES À DOMICILE)

POUR GARDER VOS COLLABORATEURS, ADOPTEZ LA POSITIVE ATTITUDE !” PROPOS RECUEILLIS PAR SÉBASTIEN PIERROT

LA CULTURE du «merci/bravo»

Cette façon de commencer la journée en célébrant une réussite a un impact significatif pour la personne qui reçoit le coup de fil, bien sûr, mais également pour moi : cela m’oblige à sourire et me met dans des dispositions positives pour le reste de la journée. J’essaie de transmettre cette culture du «merci/bravo» à mes directeurs et à mes cadres, afin qu’ils la répercutent sur leurs collaborateurs. Car elle améliore l’ambiance au travail et la satisfaction des salariés… laquelle contribue à hauteur de 99,9% à celle de nos clients. Un intervenant épanoui effectue un meilleur travail. Il prête

davantage attention aux personnes dont il s’occupe et se soucie du moindre détail, car rien ne doit être négligé lorsqu’il s’agit d’améliorer la relation clients.

TURNOVER en baisse

Nous menons auprès de nos salariés deux types d’enquête de satisfaction. La première est anonyme et porte sur l’ambiance de travail, leur rémunération et la qualité de leurs relations avec le siège. La seconde est nominative et mesure des points très opérationnels comme leur satisfaction vis-à-vis de leur emploi du temps, leurs besoins en formation, la réactivité de leur agence quand ils la sollicitent. Le fait d’apporter des réponses aux questions soulevées par la seconde améliore le score de la première et fait diminuer le turnover, en baisse de 5% par an depuis cinq ans.

PHOTO : O2

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hez O2, nous faisons très attention au bien-être de nos collaborateurs et à leur satisfaction vis-à-vis de l’entreprise. A minima, il faut que les gens se sentent écoutés, respectés et valorisés. En un mot : reconnus. Leur épanouissement au travail reste un élément fondamental de leur réussite professionnelle, de leur implication et de leur attachement à l’entreprise. J’essaie de remercier ou de féliciter chaque matin l’un de mes managers. Pour son anniversaire, pour un nouveau contrat décroché, pour un bon résultat ou juste pour «l’ensemble de son œuvre», je prends quelques minutes pour le remercier de vive voix au téléphone. Et une fois sur cinq, je joins le geste à la parole en lui faisant livrer des fleurs ou du chocolat.

UN HOMME QUI NE MANQUE PAS DE SOUFFLE Son parcours. Après trois années à la Française des jeux, ce diplômé de l’Edhec de Lille fonde At Home, qui devient O2 quelques années plus tard, après sa fusion avec Unipôles. Pourquoi il est inspirant. Parce que ce quadragénaire a cofondé et dirige l’une des toutes premières entreprises françaises de services à la personne (ménage, repassage, accompagnement des seniors, garde d’enfants). Depuis quatre ans, O2 (qui emploie 1 1 500 salariés dans ses 200 agences) connaît une croissance annuelle de plus de 20%. La société devrait atteindre les 150 millions d’euros de chiffre d’affaires fin 2015. Elle se tourne à présent vers l’international et la croissance externe. Et vise « la première place mondiale dans vingt-cinq à trente ans».

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motivez vos équipes

L’ armée peut faire de vous un meilleur chef Professionnalisée, la grande muette fait figure de modèle en matière de leadership. au point de former des managers. Par Gaëlle Ginibrière

@gginibriere

b a théâtre d’opérations nouveau, solutions nouvelles !

Placés sur un terrain militaire, dans des situations inédites pour eux, les cadres sont poussés à agir différemment, à faire évoluer leur capacité à prendre des décisions et à animer des équipes.” Jean-Louis Raynaud, directeur du programme Management avancé de l’Edhec Business School

ivouaquer dans des campements rudimentaires, faire des marches de nuit et se lever aux aurores… Pas facile la vie de fusilier marin ! Surtout lorsqu’on n’est pas militaire, mais top manager ! Olivier Babilon, DG d’une fonderie à Saint-Dizier (Haute-Marne), et ses camarades de promotion de l’Executive MBA de Neoma Business School ont été soumis pendant plusieurs jours au régime spartiate des troupes d’élite de la Marine nationale, au cours d’un séminaire de «management sous tension» organisé en association avec l’armée. Malgré la fatigue, ce stage original s’est révélé bénéfique pour le dirigeant. «Depuis que ma société connaît des difficultés, confie-t-il, je dois sans cesse prendre des décisions en situation de stress. Chez les fusiliers marins, j’ai appris à mieux le maîtriser et à garder une ligne de conduite claire face à mes collaborateurs.» Cette formation n’est pas un cas isolé. HEC, l’Edhec et plusieurs autres établissements en proposent aussi. Et leur succès ne se dément pas. En effet, bien plus que de leur enseigner des méthodes de commandement, la Grande Muette aide les cadres à découvrir de quoi ils sont capables en situation extrême et les initie à ses pratiques en matière de gestion des hommes. Voici sept conseils pour vous inspirer du meilleur du management de l’armée.

envisagez toutes les hypothèses avant de trancher

Sur un théâtre d’opérations, un mauvais choix peut être lourd de conséquences et se payer en vies humaines. «Avant une mission, les soldats prennent le temps d’analyser les options à leur portée, ce que font rarement les dirigeants, plus habitués à partir bille en tête», constate le

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commandant Xavier Boute, militaire et professeur à HEC, où il coordonne le séminaire Leadership et esprit d’équipe, organisé avec l’école militaire de Saint-Cyr. Avant d’agir, identifiez vos alliés et vos concurrents, et demandezvous quelles seront les conséquences de votre action. Y aurait-il d’autres scénarios possibles ? Comme sur un champ de bataille, commencez par bâtir plusieurs hypothèses avant d’opter pour celle qui vous paraît la meilleure. Quand la décision est prise, sachez vous y tenir. Une fois lancé dans la bataille, il s’agit de mettre en œuvre le plan arrêté et d’orchestrer la partition jouée par vos collaborateurs. Surtout pas de revenir sur vos choix… «Tenir ses positions sans se laisser influencer : sur ce point encore, l’armée peut beaucoup apporter aux civils», estime le commandant Boute.

maîtrisez la complexité sans être réducteur

Elargir son champ de vision pour prendre la mesure de la complexité d’une situation, telle est la leçon que Philippe Greffin, directeur de la filiale commerciale de Brabantia (distribution d’ustensiles de cuisine) a retenue de son passage de deux jours sur les bases aériennes de Mont-de-Marsan (Landes) et de Cazaux (Gironde), dans le cadre d’un partenariat entre le Medef et le ministère de la Défense. Depuis, il s’efforce de ne plus se focaliser sur les perspectives de vente ou de chiffre d’affaires pour englober dans son champ de vision d’autres paramètres, comme le suivi de ses collaborateurs. «Si un commercial n’a pas réalisé ses objectifs, souligne-t-il, je fais la part des choses entre ce qui relève de l’erreur – et qui fait partie de toute action humaine – et ce qui s’apparente à une faute. Assez floue dans le monde de l’entreprise,

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cette distinction est très claire à l’armée.» Ainsi, un soldat qui écrirait sur un réseau social qu’il a participé à une mission commettrait une erreur. Cela deviendrait une faute s’il en dévoilait les détails, car il mettrait en danger la sécurité des hommes sur le terrain.

davantage les résultats que la façon de procéder. Dans un régiment, quand une mission est confiée à un subalterne, il reçoit aussi les responsabilités qui y sont attachées.

EngagEz-vous en portant en étendard les valeurs communes

S’entraîner, répéter les manœuvres dans différentes configurations jusqu’à ce que chacun maîtrise parfaitement sa mission. Cette façon de pousser les troupes à donner le meilleur d’elles-mêmes a impressionné Valérie Noël. «Une équipe n’est pleinement opérationnelle que si l’on veille à lui affecter des ressources suffisantes et dûment formées», note-t-elle. Pour Cécile Bisch, de Métroergo, cette parfaite adéquation entre un poste, une mission et la capacité d’un salarié à l’accomplir devrait d’ailleurs être une préoccupation constante du manager, depuis le recrutement jusqu’à la répartition des tâches au sein d’une équipe.

La qualité qui caractérise les militaires est bien leur sens exceptionnel de la mission. «A bord d’un navire de guerre, le fait de servir la patrie est la colonne vertébrale du leadership du commandant, note Valérie Noël, qui a fait un stage d’immersion à bord du Mistral. Il parvient à faire partager à ses soldats un sens commun du devoir : la défense du pays.» DRH dans une société de transport, elle y a vu un exemple à suivre. Même si l’enjeu n’est pas aussi fort en entreprise, le partage des valeurs y est essentiel. «Dans l’armée, les notions de service et d’excellence fédèrent tous les membres d’un groupe de combat, confirme Jean-Louis Raynaud, directeur de l’Advanced Management Program de l’Edhec. De même, les managers doivent porter des valeurs s’ils veulent que leurs équipes se mobilisent autour d’un objectif commun.» Pour faire vivre ces valeurs, rien de tel que l’exemplarité du patron.

DéléguEz les tâches… mais aussi les responsabilités

Pourtant essentiel, l’art de déléguer est moins bien maîtrisé dans les entreprises qu’à l’armée. «Les managers donnent souvent une délégation, mais pas toujours le pouvoir qui va avec», déplore Jean-Louis Ray naud. Selon lui, les cadres gagneraient à s’inspirer des pratiques militaires en laissant une plus grande marge de ma nœuvre à leurs salariés et en jugeant

assurEz-vous que vos troupes sont en ordre de marche

DécuplEz la polyvalence de vos équipes

Plus d’infos

 Management. L’armée, un modèle à suivre ? Patrice huiban et hugues marchat, studyrama, 22,50 €.  Principes fondamentaux de stratégie militaire, Carl von Clausewitz, mille et Une nuits, 3 €.  Leadership & Management, Esprit d’équipe, Gestion de projet, trois formations dispensées par saint-Cyr Formation continue, 700 €.

Dans la Marine, un cuisinier sait manier le pèle-patates électrique aussi bien que le fusil d’assaut. Une polyvalence nécessaire quand on travaille sur un bâtiment où le nombre d’hommes d’équipage est limité, et un atout du point de vue managérial. «La polyvalence des marins constitue pour eux une source de motivation. Elle permet d’éviter la routine. Et elle leur confère même une certaine employabilité», observe Jean-Louis Raynaud, de l’Edhec. De fait, 73% des militaires quittant l’armée retrouvent un emploi dans le civil dans les douze mois suivant leur départ, selon Défense Mobilité, l’agence de reconversion de l’armée. Un chiffre qui laisse rêveur. I

le point commun entre l’officier et le dirigeant, c’est la gestion des hommes. en tant que commandant d’escadron, je devais faire travailler ensemble des ego forts : il n’y a pas plus fier et individualiste qu’un pilote de chasse. Certains jouent de leur charisme pour y

parvenir. moi, j’ai misé sur l’exemplarité en appliquant à moi-même ce que j’exigeais des autres. aujourd’hui, j’exerce des responsabilités dans le civil. Pour gagner le respect et la confiance de mes collaborateurs, j’ai

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commencé par bien maîtriser les aspects techniques de notre secteur, la surveillance. ensuite seulement, je leur ai demandé de m’obéir.” Vincent Fournier, associé d’Air Marine (surveillance de sites)

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motivez vos équipes

20 phrases qui sapent Le moraL (et par quoi Les rempLacer) Par maladresse ou manque de sang-froid, un manager peut, en une phrase, briser l’élan de ses collaborateurs. Démonstration. Par Gaël le BelleGo avec Patrick Amar, directeur général du cabinet Axis Mundi et auteur de Psychologie du manager (Dunod), et Valentine Chapus-Gilbert, directrice du cabinet de conseil RH Chapus Conseil

«on ne s’en sortira Jamais !»

Pourquoi ça ne va Pas. Le «on» flou déresponsabi­ lise ; le «jamais» grave la notion d’échec dans les esprits : il n’y a ici ni vision ni espérance. Ce qu’il vaut mieux dire. «C’est mission impossible… mais pas pour nous.» Tout en admettant la dif­ ficulté, on envisage le succès. Plus motivant.

«prenez exemple sur pierre qui…»

Pourquoi ça ne va Pas. S’il y a valorisation de l’indi­ vidu, c’est aussi, en creux, un dénigrement du collectif. Ce qu’il vaut mieux dire. Pour susciter une réelle ému­ lation, évoquez le souvenir d’une réussite du groupe : «Rappelez­vous quand, ensemble…»

«il Va falloir se serrer un peu la ceinture»

Pourquoi ça ne va Pas. Ce «un peu» laisse craindre «beaucoup». Faites plutôt miroiter l’espoir… Ce qu’il vaut mieux dire. Il faut solliciter les bonnes volontés : «Compte tenu des ressources et des moyens, nous devrons faire mieux avec moins. Nous en sortirons plus forts.»

«ne Vous inquiétez pas, Je ne Vais rien changer»

Pourquoi ça ne va Pas. En disant cela, le manager pense rassurer. Mais ses collaborateurs y verront de l’immobilisme frileux et un manque de confiance dans leurs capacités à bouger. Ce qu’il vaut mieux dire. Après avoir fait la liste de ce qui ne change pas, car cela fonctionne bien,

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expliquez : «Nous procéderons à des retouches nécessaires, en les accompagnant.»

«Vos états d’âme, moi, ça ne m’intéresse pas !»

Pourquoi ça ne va Pas. Une absence d’empathie, un mépris pour le ressenti des équipes. Ce qu’il vaut mieux dire. «Je comprends que vous soyez déçus ou même en colère, mais nous devons aller de l’avant et j’ai besoin de vous.»

«Je n’y peux rien, c’est la crise»

Pourquoi ça ne va Pas. On nage en plein détermi­ nisme : la crise devient l’explication externe, qui rend toute action vaine. Déprimant. Ce qu’il vaut mieux dire. «Des contraintes impor­ tantes liées à la conjoncture existent. Retrous­ sons nos manches !»

«Je n’ai Vraiment pas le temps !»

Pourquoi ça ne va Pas. C’est un manque de considé­ ration pour l’autre : «T’es gentil, mais j’ai d’au­ tres chats – plus importants – à fouetter…» Ce qu’il vaut mieux dire. «Désolé, je ne suis pas dis­ ponible. Ne pourrait­on pas caler un rendez­ vous demain après 15 heures ?»

«Je n’en ai aucune idée»

Pourquoi ça ne va Pas. Le manager donne l’im­ pression que le bateau avance sans capitaine. Ce qu’il vaut mieux dire. Renvoyez la balle avec intel­ ligence : «Vos idées me sont précieuses, com­ ment voyez­vous les choses ?»

novemBre-décemBre 2015 HoRs-séRie MAnAGeMent


«J’exige que tout soit bouclé d’ici à vendredi» (même si ça n’est pas tenable…)

Pourquoi ça ne va Pas. L’objectif est fixé sans dis­ cernement, ce qui peut laisser croire que le manager transmet un ordre sans réfléchir… Ce qu’il vaut mieux dire. «Je souhaite que vous fassiez votre possible pour achever ce travail vendredi, date butoir. Nous prévoirons ensuite une séance de débriefing afin d’éviter à l’avenir que…»

«le boss pense que… Moi, Je pense que…»

Pourquoi ça ne va Pas. Le manager se désolidarise de son N + 1, peut­être pour se rapprocher de la base. Dangereux : il passe pour un fourbe. Ce qu’il vaut mieux dire. En cas de désaccord avec la direction : «Voici la décision prise, comptez sur moi pour obtenir des précisions.» Devenir un relais actif plutôt que passif.

«vous n’allez pas M’apprendre Mon Job !»

Pourquoi ça ne va Pas. Cet autoritarisme masque mal un sentiment d’illégitimité. Ce qu’il vaut mieux dire. «Soyez tranquille, je sais ce que je fais, et pourquoi je le fais.» Manière d’affirmer sans agresser.

«Mais qui a pondu ce docuMent Minable ?»

Pourquoi ça ne va Pas. L’humiliation publique n’a jamais payé. Méditez plutôt ce dicton anglo­ saxon : «Praise in public, blame in private» (Louez en public, blâmez en privé). Ce qu’il vaut mieux dire. Adoptez un ton neutre : «La personne ayant rédigé le projet 134 peut­elle passer me voir ? Merci.»

«ne pose pas de questions, fais-le»

Pourquoi ça ne va Pas. Le N ­ 1 est réduit à un rôle d’exécutant. Difficile d’espérer qu‘il s’implique dans ces conditions. Ce qu’il vaut mieux dire. «Je t’expliquerai mieux, et en détail, quand tu auras plus d’expérience.»

«vous le faites exprès ou vous êtes nuls ?»

Pourquoi ça ne va Pas. Cette phrase, impulsive et méprisante, signifie : «Vous êtes les deux à la fois.» Et ne laisse aucune place pour l’échange. Ce qu’il vaut mieux dire. Ni jugement ni condescen­ dance : «Ce travail n’est pas à la hauteur de vos performances habituelles…»

«Je M’en lave les Mains»

Pourquoi ça ne va Pas. Même sans être cou­ pable, le manager doit se montrer responsable. Ce qu’il vaut mieux dire. «Vous vous êtes plantés, mais peut­être que mon brief était insuffisant.»

«Je dis ça, Je dis rien…»

Pourquoi ça ne va Pas. C’est un jeu rhéto­ rique. La formule accuse, de façon implicite. Ce qu’il vaut mieux dire. «Vous voyez ce que je veux dire ?» Ce n’est plus de l’insinuation, mais une amorce de dialogue franc.

«faites au Mieux, les gars» (alors que c’est perdu d’avance)

Pourquoi ça ne va Pas. Une fausse connivence qui démobilise. Et un challenge «perdant­per­ dant» : «Si je ne fais rien, ce n’est pas bon, si je fais quelque chose, ça ne sert à rien.» Ce qu’il vaut mieux dire. «Essayons ! Donnons­nous au moins une chance…»

«vous vous débrouillez, vous êtes grands»

Pourquoi ça ne va Pas. Vous invitez votre équipe à se «débrouiller» avec un ton paternaliste qui trahit un manque de confiance. Ce qu’il vaut mieux dire. «Vous ferez très bien sans moi, j’en suis sûr.»

«on n’est pas là pour rigoler»

Pourquoi ça ne va Pas. Réplique castratrice qui laisse entendre que travail = souffrance. Ce qu’il vaut mieux dire. «Ce projet, c’est du sérieux, je veux que chacun donne le meilleur de lui­ même pour qu’on y arrive.»

«Henri, J’ai besoin de votre expertise : pourriez-vous gérer le pot de départ de léa ?»

Pourquoi ça ne va Pas. Un mélange désagréable de technique manipulatrice (mielleux : «J’ai besoin de votre expertise») et de mépris du (vrai) travail d’Henri. Ce qu’il vaut mieux dire. Un «Peux­tu me rendre un petit service ?» crée du lien et valorise Henri. I

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progressez à  Changer de job sans changer de boîte p. 55

 avancez plus vite avec la théorie des ailiers p. 58

 n’ayez pas peur de bouger p. 60

 networking : décrochez trois contacts à chaque rendez-vous p. 61

 gérez votre carrière en mode star-up p. 62

 mis au placard : les clés pour en sortir p. 65

 Les formations qui font rêver les chasseurs de têtes p. 67

 Les arguments chocs face à un recruteur tatillon p. 70

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tout âge changer de job sans changer de boîte Vous avez besoin de nouveaux défis… mais quitter un confortable CDi vous semble risqué. et si vous jouiez la carte de la mobilité interne ? Par adrian de san isidoro

@asanisidoro

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esponsable de la communication chez Renault, Mat thieu Hubert manageait près de 50 personnes. Puis le jour est venu où il a eu l’impression d’avoir fait le tour de son job. Il aurait pu postuler ail leurs, riche d’une expérience réussie chez le numéro 1 français de l’automobile, mais à quoi bon bou­ ger pour aller faire la même chose chez le numéro 2 ? Il a plutôt décidé de faire jouer son excellente connaissance de l’entreprise pour réaliser un saut de carrière étonnant : il est aujourd’hui chef de montage à l’usine de Tan­ ger, au Maroc, la plus grosse du groupe en Afrique, avec une capacité de production de 170 000 véhicules par an. Et, cette fois, il en­ cadre 1 300 collaborateurs ! Sur le papier, Matthieu Hubert n’avait pas le profil type pour ce poste, mais il a profité d’un principe qui veut qu’un connu imparfait a sou­ vent davantage la cote auprès des recruteurs qu’un parfait inconnu. «Un DRH sera plus dis­ posé à faire confiance à un ancien respecté qu’à un nouveau candidat, décrypte Eric Beau­ douin, directeur général du cabinet de conseil Oasys. Les changements en interne sont moins périlleux que les reconversions en externe.» C’est d’autant plus vrai dans les sociétés de plus de 500 salariés, qui connaissent un turnover important, ce qui facilite les reconversions. Mais appartenir à un grand groupe n’est pas suffisant pour tenter sa mue professionnelle.

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Réseautage, opportunisme, anticipation… Les chemins de traverse sont nombreux pour bien réussir sa mobilité interne. En voici six. menez votre enquête. Vous devez être incollable sur le poste visé. Collecter un maxi­ mum d’informations avant les premiers entre­ tiens est le b.a.­ba pour prouver sa motivation aux recruteurs. Si cela vaut quand on postule en externe, cette étape est souvent négligée par les candidats internes, qui croient déjà tout connaître de leur boîte. Il y a pourtant parfois autant de différences entre deux services qu’entre deux entreprises ! Les compétences exigées, les attentes de votre future hiérarchie, rien ne doit vous échapper. Béatrice Solanet, ex­directrice des programmes à la Banque populaire­Caisse d’épargne, a ainsi rencontré plusieurs se­ crétaires généraux du groupe pour préparer sa reconversion. «Cela m’a permis de réduire l’écart entre l’idée que je me faisais du poste et la réalité, explique­t­elle. Et de mesurer les ta­ lents de diplomate nécessaires. Secrétaire gé­ néral est un métier de démineur.» Une hauteur de vue qui a fait mouche auprès de sa hié­ rarchie et lui a permis d’obtenir les clés du se­ crétariat général en Côte d’Azur. Vous ne connaissez personne qui occupe l’emploi de vos rêves ? «Partez à la pêche sur les réseaux sociaux», conseille Bénédicte de Raphélis Soissan, fondatrice de Clustree,

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progressez à tout âge

une société spécialisée dans les reconversions professionnelles. C’est encore mieux si votre entreprise possède un Intranet ou un réseau social interne. Mais ne négligez pas pour autant le contact «réel» : la cantine se révèle souvent le meilleur lieu de rencontres. «N’hésitez pas à inviter les contacts qui vous intéressent à prendre un café et interrogez-les pour en savoir plus sur leur poste.» Ils seront d’autant plus disponibles pour vous répondre que vous faites déjà partie de la même maison.

photo : Dr

mettez en avant vos succès. «En 1996, je travaillais à structurer les parcours de carrière chez KPMG», se souvient Sylvie Bernard-Curie, à l’époque directrice du développement des compétences du cabinet d’audit. «J’ai mis en place les premiers jalons pour identifier, gérer et développer les talents.» Un travail reconnu par sa hiérarchie qui lui permet de Parlez-en créer, deux ans plus tard, le poste de DRH pour la partie internationale et grands comptes du d’abord à votre équipe. cabinet. Pour Eric Beaudouin, utiliser ses succès comme tremplin constitue une stratégie juil faut rendre votre dicieuse. Il ne faut pas jouer les modestes ! «Le départ acceptable, candidat qui a acquis la confiance des dirigeants affectivement et matériellement. et qui sait valoriser ses réussites part avec une responsabilisez longueur d’avance sur ses concurrents», vos collaborateurs confirme-t-il. Mais il prévient : «Vouloir chanen leur déléguant ger de métier juste après un premier succès peut vos anciennes tâches sembler louche à votre hiérarchie, qui veut et contentez-vous s’assurer de la régularité de vos performances. de superviser leur Ne soyez pas trop pressé !» activité. Faire en sorte que le service Attention aussi à ne pas trop tirer la couverfonctionne jusqu’à ture à vous en cas de succès. «Si vous la jouez l’arrivée de votre trop perso, vous risquez d’attiser la jalousie de remplaçant est le vos supérieurs, qui pourraient user de leur meilleur moyen de influence pour vous barrer la route», avertit vous attirer Etienne Madelin, coach et ex-directeur général les bonnes grâces du Club Med. Veillez donc à toujours associer vos des rh.” collaborateurs à vos réussites. etienne madelin, coach chez Lee Hecht Harrison

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trouvez des alliés. Cultiver son réseau est souvent payant, à condition de ne pas donner à vos cibles le sentiment que vous leur forcez la main. «Mon poste au siège social m’a permis de rencontrer un responsable de l’usine de Flins, qui m’a donné ma chance dans la branche fabrication, une des voies royales de la réussite chez Renault», relate Matthieu Hubert, qui, dans la foulée, a gravi un à un les échelons jusqu’à son poste actuel à Tanger. L’essentiel est de

jouer la partie avec subtilité. «Si vous indiquez votre intérêt avec insistance à votre futur patron, il se sentira manipulé et mettra votre candidature de côté, avertit Etienne Madelin. Il faut l’épauler sur votre temps libre, en l’aidant à avancer sur un dossier délicat par exemple.» Evitez par ailleurs de mettre tous vos œufs dans le même panier. «Un patron, ça peut aussi changer de service. S’il vous fait faux bond, vous vous retrouverez sans aucun soutien, souligne Patrice de Broissia, associé chez Oasys. Il faut tisser un réseau complet, en vous rapprochant des personnes susceptibles de vous aider comme les gestionnaires de carrière, les managers, les DRH.» Plus vous avez d’alliés, plus vos chances de mobilité augmentent. anticipez sur le long terme. «Dans les start-up en forte croissance, de nouveaux départements voient le jour : prenez les devants en vous rendant indispensable en amont», recommande Eric Beaudouin. Anticiper les besoins de l’entreprise vous permettra en quelque sorte de préempter le poste. Intégrer, par exemple, l’équipe de recrutement avant la création du service des ressources humaines est un excellent moyen de devenir DRH. Si vous êtes dans un grand groupe, au fonctionnement plus rigide, donnez-vous l’étoffe de la fonction visée. Etienne Madelin raconte : «Le chef d’unité d’un groupe industriel convoitait le poste de responsable des risques. Il a lancé une étude pour limiter l’exposition aux effluents chimiques toxiques, publiée dans le magazine interne.» Quelques mois plus tard, il décrochait le poste. Mais il suffit parfois de mettre en valeur une compétence personnelle pour convaincre tout le monde que vous êtes la personne rêvée. «Une cadre a insisté sur son activité bénévole de monitrice de voile pour persuader sa hiérarchie qu’elle avait l’étoffe et les qualités de management requises pour occuper la direction du service marketing opérationnel», témoigne Patrice de Broissia. valorisez votre inexpérience. Vous n’avez aucune référence dans le secteur où vous postulez ? N’hésitez pas à convertir votre manque d’expérience en avantage. «Les recruteurs recherchent des profils susceptibles d’enrichir la fonction, rappelle Etienne Madelin.

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Etre en mesure de promettre à ses supérieurs un bénéfice futur constitue un avantage déterminant.» «Un directeur d’usine est devenu directeur des ressources humaines alors qu’il n’avait aucune ligne RH sur son CV, raconte Eric Beaudouin. Son atout majeur ? Il connaissait très bien les syndicats de la maison et les ouvriers. Une aura de leader remarquée par sa hiérarchie, et très utile pour faire appliquer les choix de la direction à tous les échelons de la société.» En clair, ne négligez pas les compétences acquises au fil de votre carrière professionnelle même si elles n’ont a priori rien à voir avec le poste que vous visez. CONTINUEZ À VOUS FORMER. Pour passer d’auditrice financière à DRH chez KPMG, puis devenir associée, Sylvie Bernard-Curie a enchaîné les années d’étude parallèlement à son activité : «Avec mes diplômes d’école de commerce, d’expert-comptable et de psychologue du travail, j’ai désormais l’équivalent d’un

Le fin du fin : anticiper les besoins pour préempter un poste avant sa création.

bac +17 ! Continuer à se former reste le meilleur moyen de prendre du recul dans un métier où l’on aide les autres à grandir.» Certaines sociétés, comme la BPCE, ont institué des parcours d’excellence pour préparer les futurs dirigeants. «La formation balaie toutes les fonctions de la banque», témoigne Bénédicte Solanet. Elle lui a non seulement permis d’acquérir de nouvelles aptitudes, mais aussi de rencontrer la fine fleur des dirigeants du groupe. Résultat, souligne-t-elle, «quand j’ai voulu changer de poste, je l’ai fait savoir à ma promotion et c’est mon réseau qui m’a permis d’apprendre qu’un poste de secrétaire général se libérait en région». Se former est aussi une bonne occasion de réseauter.

ILS L’ONT FAIT, ILS RACONTENT…

LAÉTITIA BALKANY, 28 ANS, ANALYSTE DU MARCHÉ SOLAIRE CHEZ TOTAL.

PHOTOS : DR

«Je visais l’opérationnel, dans un secteur en croissance. Après

trois ans comme chargée des affaires à la direction des affaires publiques, j’ai passé des entretiens pour m’orienter vers un poste business. J’étais intéressée par les énergies nouvelles, activité qui s’est étoffée chez Total. Quand un poste d’analyste du marché solaire s’est libéré en 2014, j’ai saisi l’opportunité : la filiale étant récente, la direction ne voulait recruter qu’en interne. J’ai été retenue.»

SABINE ASSENS, 44 ANS, RESPONSABLE INNOVATION CHEZ ENGIE (EX-GDF).

«J’ai doublé mon salaire en évoluant en interne. Je suis entrée

chez Engie en 2003, avec un bac technico-commercial. Et j’ai fini par décrocher une formation avec Grenoble Ecole de Management. Le retour à la case “devoirs” a été dur, mais mes proches m’ont aidée. Je me suis spécialisée en management de l’innovation. Un choix payant : en 2010, je suis passée responsable d’une plateforme permettant aux salariés de participer à l’évolution de l’entreprise.»

NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2015 HORS-SÉRIE MANAGEMENT

RONAN KERLOC’H, 49 ANS, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE COMPASS FRANCE.

STÉPHANE MARCH, 44 ANS, DIRECTEUR GÉNÉRAL D’ÉLECTRO DÉPÔT.

je suis passé du poste de directeur commercial à celui de directeur des opérations. Après quinze ans dans la branche commerciale de ce groupe de restauration collective, j’ai posé ma candidature comme directeur des opérations. J’ai mis en avant mes succès, dont la restructuration des équipes commerciales, qui avait contribué à rationaliser les coûts sans ralentir la croissance de la société. Cela m’a permis de diriger 15 000 salariés.»

En 2013, après douze ans passés dans la vente, j’ai proposé ma candidature à la direction des achats. Pour compenser mon défaut de compétences, j’ai mis en avant mon expérience de directeur régional (je supervisais dix grandes surfaces). Ce point de vue de terrain a suffi pour me démarquer et j’ai décroché le poste. Un bon tremplin qui m’a permis, deux ans après, de devenir DG de l’enseigne.»

«Je voulais étoffer mes compétences. En 2008,

«Je souhaitais me remettre en situation d’apprentissage.

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progressez à tout âge

avancez plus vite avec la théorie des ailiers Les ailiers sont des soutiens sûrs à qui vous êtes lié par un pacte tacite : à eux de sillonner le terrain pour dire du bien de vous, à vous de renvoyer l’ascenseur le moment venu. Bien plus efficace pour booster sa carrière que de faire sa pub seul dans son coin. PAR marie-madeleine sève

v

ous connaissez sûrement Top Gun, ce film où Tom Cruise joue les pilotes de chasse. Ce que vous ne savez peut-être pas, en revanche, c’est que les scènes aériennes, où un autre pilote vole à son côté pour l’alerter en cas de danger, illustrent une théorie bien connue en management : celle des ailiers. Avoir un partenaire sur qui compter est efficace face à l’ennemi, mais aussi, si l’on se place dans l’univers de l’entreprise, pour faire sa propre publicité. Le principe : charger l’autre, avec qui vous avez passé un pacte d’entraide, de vanter vos mérites. «L’autopromotion est mal vue. Mais si votre publicité est faite par d’autres, personne ne vous le reprochera», observent les chercheurs américains Jeffrey Pfeffer et Robert Cialdini («Surmonter les dilemmes de l’autopromotion» dans Personality and Social Psychology Bulletin). Chacun s’engage à promouvoir l’autre à la moindre opportunité, pour accroître sa notoriété et favoriser sa carrière. «Cet allié doit être quelqu’un que vous respectez et qui vous veut du bien. Pas quelqu’un qui vous considère comme un concurrent», précise Dorie Clark, professeure à l’université de Duke (Etats-Unis) et auteure de Se réinventer : définir sa marque personnelle, imaginer son futur (Pearson). C’est un deal de ce type qu’Eric,

Deux ou trois témoignages bien sentis permettent de construire une réputation.

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alors secrétaire général dans un groupe de textile, a passé avec son adjoint de l’époque. Ce dernier lorgnait son poste et Eric celui de son supérieur. «J’ai fait en sorte que mon second rencontre souvent des membres du codir, à qui il racontait mes faits et gestes les plus banals en les transformant en défis et en exploits. De mon côté, je chantais ses louanges auprès du PDG.» Cette alliance n’avait rien de cynique puisque le N + 1 visé – le directeur financier – partait à la retraite. Et elle a fonctionné : nos compères ont obtenu les postes convoités. De tels arrangements sont rares en France. Ce n’est pas dans nos mœurs ! s’exclament les experts. «Aux Etats-Unis, cela choque moins : les gens sont plus cash et, surtout, ils ont la culture du contrat, analyse Jean-Louis Muller, expert en management chez Cegos. En France, c’est interprété comme de la manipulation.» Mieux vaut donc avancer de manière subtile.

communiquez sur vos succès

Tout d’abord, arrangez-vous pour marquer les esprits par des actions fortes : rattraper une situation désespérée, remporter un gros appel d’offres, tenir une conférence devant une centaine de personnes… «Et débrouillez-vous pour que cela se sache», ajoute le coach de dirigeants François Enius. A chaque fait d’armes, il faut des témoins. Il y a des chances pour qu’ils relaient le message, sur le mode : «Il a du coffre, ce gars-là…» C’est ainsi qu’une réputation se construit, avec parfois seulement deux ou trois témoignages bien sentis. Le Web est ensuite un outil efficace pour élargir le cercle de ceux qui chantent vos louanges. Web design, marketing, e-commerce… Des centaines d’abonnés

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LinkedIn attestent ainsi des compétences du CV en ligne de Frédéric Montagnon. Présent sur le média social depuis 2003, le cofondateur d’EBuzzing (pub vidéo sur Internet) y accumule les recommandations d’acteurs reconnus dans son domaine. Un moyen efficace pour être identifié comme un expert et… multiplier encore les contacts. Selon ce pro de la recommandation, LinkedIn a une meilleure visibilité que Twitter : «Quand vous y postez une info, elle reste. Sur Twitter, elle est vite engloutie dans le fil d’actualités.» Autre puissant levier de soutien, créer un sentiment de dette chez l’autre en lui rendant service. Il aura spontanément envie de dire du bien de vous. Partant tard un soir, vous découvrez qu’un collègue est toujours là. Proposez-lui votre aide. Même si cela ne dure qu’un quart d’heure, il vous en saura gré et claironnera le lendemain : «Hier soir, tout le monde était parti, heureusement, Marc était là pour me dépanner.» Dans cette logique de donnant-donnant, demandezlui à votre tour un service ou des conseils : «Dans ce dossier, que ferais-tu à ma place ?» Il se sentira valorisé et peut-être se répandra-t-il davantage encore en compliments sur vous.

privilégiez les travaux en équipe

Pour inciter les autres à dire du bien de vous, privilégiez les travaux en équipe. «Les références communes favorisent les échanges et les rapprochements», observe François Aélion, fondateur du cabinet de formation Danthros. Un coéquipier gardera une image flatteuse de vous, puisque c’est aussi un peu la sienne… C’est la technique qu’appliquait Arnaud Lacheret lorsqu’il travaillait dans le service relations

Secrétaires, gardiens… Ils connaissent tout le monde et peuvent redorer une image.

institutionnelles du groupe Chèque Déjeuner. Alors que son N + 1 devait piloter un ouvrage destiné aux collectivités locales, il s’est emparé du sujet, tout en impliquant ses neuf collègues. «On a élaboré une trame ensemble, mais j’ai bâti et rédigé seul 90% du livre. Je les ai quand même tous cités en couverture. Résultat, ces coauteurs fantômes m’ont encensé.» Il fut qualifié de «brillant», de «bon camarade», d’«expert» dans toute la maison. Et, six mois plus tard, ses supérieurs lui proposaient la responsabilité du service. Il n’y a pas qu’aux étages supérieurs que se fabriquent les réputations. Secrétaires, gardiens, standardistes peuvent y contribuer. «Ils connaissent tout le monde, alerte Alain Bosetti, président du Salon des microentreprises. D’une simple réflexion, ils peuvent égratigner ou redorer votre image.» Et parfois plus. Comme le raconte Olivier, à la tête d’une petite structure de formation : il y a quelques années, la femme de ménage de la boîte lui a fait une pub d’enfer auprès… du PDG d’Axa France. «Depuis des semaines, elle me voyait plancher jusqu’à 23 heures. Elle a fini par m’interroger sur mon activité, je lui ai expliqué que je concevais une revue pour dirigeants. Le PDG d’Axa était un de ses amis d’enfance. Elle m’a proposé de le rencontrer !» Elle l’a appelé et lui a vanté les qualités d’Olivier. Ce qui a débouché sur une collaboration de six mois avec Axa. I

plus d’infos

50 000 $ C’est le tarif que peut facturer le cabinet américain JobWhiz à des candidats cherchant un emploi pour les mettre en relation avec des personnes susceptibles de les aider à intégrer l’entreprise visée (sans garantie de succès).

Quand l’entreprise prend le relaIS pour lutter contre le manque de reconnaissance des salariés, des entreprises s’emparent de la théorie des ailiers. Depuis la fin 2014, la filiale danoise du groupe français de marketing digital Valtech offre tous les quatre mois à ses 100 salariés (hors direction) une prime de 400 euros. Chacun doit la donner

à un collègue qui s’est, selon lui, distingué. «Le choix est libre, mais il doit être justifié par écrit sur l’intranet», précise Pascal malotti, directeur conseil chez Valtech France. Pour la première édition, 70 salariés ont été récompensés, dont l’un douze fois, soit une prime de 4 800 euros ! Chez telus, leader des télécommunications au

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Canada, les salariés s’accordent des cartes électroniques ou des points échangeables contre des cadeaux. en 2013, plus de 36 000 cartes et 67 000 points ont été échangés pour une valeur de 5,6 millions de dollars. et la part de salariés s’estimant «reconnus à leur juste valeur» est passée de 67 à 75% en deux ans.

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progressez à tout âge

Le point de vue du coach pierre bLanc-sahnoun, coach de cadres dirigeants, fondateur et directeur de WHITE SPIRIT

n’ayez pas peur de bouger ! Le secret de l’éternelle jeunesse dans le monde de l’entreprise : rester mobile. Quel que soit votre âge, il n’est jamais trop tard et il n’y a pas de mauvais choix. seulement des choix.

L

e moment est venu pour toi de prendre une décision. Soit rester dans cette filiale d’une multinationale où les objectifs trimestriels sont une sorte de divinité sacrificielle servie par une caste de prêtres inquisiteurs, les Directeurs Europe. Soit mettre ton destin entre les griffes d’une autre caste de moines-soldats non moins redoutables, les Chasseurs de Têtes. Il y a longtemps que tu y songes. Tu ne supportes plus le mensonge rituel des Objectifs Trimestriels. Les petits arrangements pour ne pas s’attirer les foudres du Siège. Les séances d’autocritique rebaptisées Evaluations Semestrielles de Performance. Tu ne veux plus cacher à tes collaborateurs le projet ultraconfidentiel de plan social qui doit restaurer les marges tandis que, par ailleurs, on te demande de maintenir leur motivation. Tu as soif de sens et, en cela, tu es bien typique de ta génération, montée au codir après les années 2000, et qui ne comprend plus rien à ce qu’on lui demande. Ou qui refuse de comprendre pour préserver son petit bunker. Une génération de managers qui rêve d’ouvrir une

On prend une décision dans le brouhaha incessant des experts à poil et à plumes qui vous expliquent votre propre vie faute de pouvoir la vivre à votre place.

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bodega ou de se barrer à Montréal plutôt que de continuer à tailler des cailloux pour bâtir une cathédrale à la gloire du Marché. Seulement voilà, tu restes indécis, paralysé par la peur de faire un mauvais choix qui anéantisse toutes tes années d’efforts depuis la prépa. Le sens tant recherché se heurte dans tes insomnies à la si maternelle sécurité. Aujourd’hui, chaque dirigeant qui a conservé une étincelle de conscience entretient un débat éthique interne sur le sens des décisions qu’il prend. Mais les bonnes décisions n’existent pas. On reconstruit toujours l’histoire a posteriori pour donner l’illusion qu’on a tout contrôlé. En vérité, on bricole. On prend une décision en fonction d’éléments vagues et incomplets, dans le brouhaha incessant des experts à poil et à plumes qui vous expliquent votre propre vie faute de pouvoir la vivre à votre place. Le secret de la bonne décision, c’est de prendre une décision, point barre. Et ensuite de faire tout ce que tu peux pour la rendre bonne. Et si cette décision se révèle une grosse cata ? Alors, change vite. Ne t’obstine pas. Tu éviteras ainsi d’attendre un taxi pendant trentecinq minutes alors qu’il aurait été si facile d’aller prendre le métro au bout des cinq premières. Car, au bout de trente-cinq minutes, on ne bouge plus. On continue à attendre parce qu’on espère de plus en plus fort. C’est la Loi du Taxi : plus une stratégie est mauvaise depuis longtemps, plus on a de mal à en changer. Alors, prends une décision, n’importe laquelle. Mais bouge. Pendant que tu te demandes quel est le bon chemin, tu ne vas nulle part. I

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t I p s networking : décrochez trois contacts à chaque rendez-vous c’est l’objectif a minima de tout réseauteur digne de ce nom. cinq astuces imparables pour inciter vos cibles à vous ouvrir leur carnet d’adresses. Par SébaStien Pierrot avec isabelle sathicq, directrice associée de l’espace dirigeant

Pour les cadres, l’essentiel du marché de l’emploi est «caché» : 80% des postes sont pourvus par le réseau ! Le seul moyen d’accéder à ces gisements d’opportunités est de multiplier les rencontres et de convaincre vos interlocuteurs, non pas de vous offrir un job sur un plateau mais de vous ouvrir leur carnet d’adresses. votre mission : obtenir trois contacts à chaque fois et poursuivre le parcours jusqu’à la fameuse opportunité cachée. voici comment la mener à bien.

 Instaurez la confIance.

créez dès le premier instant une atmosphère cordiale en rappelant à votre interlocuteur de la part

de quelle connaissance commune vous vous présentez.

spécialiste, j’aimerais échanger sur le marché, ses enjeux, etc.»

 Donnez envIe. on vous viendra

 soIgnez votre pItch. votre

plus volontiers en aide si vous restez positif et confiant. La démarche demande un subtil équilibre entre conviction (si vous ne croyez pas vous-même à votre projet, qui y croira ?) et ouverture d’esprit (restez à l’écoute des suggestions de votre interlocuteur).

 resserrez le lIen.

eveillez son attention en évoquant un centre d’intérêt commun, qui vous servira de teaser. dites par exemple : «nous nous intéressons au même secteur d’activité. vous en êtes un

contact vous aidera d’autant plus qu’il comprendra votre projet et sera convaincu de sa cohérence avec votre profil. dans votre pitch (deux minutes au maximum), évoquez uniquement des éléments de votre parcours venant appuyer votre projet.

 osez DemanDer. après

la phase d’échange et de conseils, posez enfin «la» question : «qui me conseillez-vous de rencontrer?» si vous avez fait un parcours sans faute, vous obtiendrez sans problème les trois noms escomptés. I

La bonne Stratégie Pour attirer L’attention des recruteurs vous leur offrez votre tête sur un plateau et ils ne la remarquent même pas ? quatre conseils pour capter la lumière. Par corine moriou avec Pierre Fouques duparc, directeur associé chez Boyden (executive search)

vous aurez beau fixer intensément votre mobile, il ne sonnera pas si vous n’y mettez pas un peu du vôtre ! Pas de secret, en effet : pour qu’une star du recrutement vous remarque, vous devez devenir vous-même une étoile et briller de mille feux au centre de votre galaxie professionnelle.

 Jouez sur le Devant De la scène. essayez de changer de poste tous les trois ans (y compris au sein d’un même groupe) : le mouvement crée de la visibilité et les recruteurs scrutent les carnets de nominations dans la presse.

 Devenez «people». imposez-

vous comme une référence dans votre secteur. tables rondes, conférences des salons professionnels… saisissez toutes les occasions de parler en public. contactez les journalistes spécialisés pour leur proposer des idées de sujets. vous aurez peut-être un jour la bonne surprise de faire la une d’un magazine.

 soIgnez votre e-réputatIon. commencez par googler votre nom pour vérifier qu’aucune information susceptible de vous porter préjudice

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ne traîne sur internet. et, pour accroître vos chances d’entrer dans l’orbite des chasseurs de têtes, soignez votre profil sur Linkedin et viadeo en y indiquant clairement votre profession.

 réseautez habIlement.

(re)découvrez le réseau des anciens élèves de votre école. Les chasseurs de têtes épluchent leurs annuaires. rappelez-vous aussi au bon souvenir de vos anciens collègues. L’un d’entre eux peut vous recommander s’il est «chassé» pour un job qui ne l’intéresse pas. a charge de revanche ! I

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progressez à tout âge

Gérez votre carrière en mode start-up inspirez-vous du fonctionnement agile et innovant des jeunes pousses pour donner un nouveau souffle à votre vie professionnelle et accélérer votre progression. Par charlotte laurent

Photo : Less &  more

b

@CharlotteLrnt

ravo, vous voici à la tête d’une petite entreprise particulièrement dy na mique : vous-même ! On le sait, les parcours professionnels tout tracés appar tiennent à un passé révolu. Et il revient désormais à chacun de prendre en main sa carrière. Or, rien de mieux pour cela que de se transformer en entre pre neur, en appliquant à sa pro pre Vos personne les recettes qui font le succès des meilleurs : dynamisme, polyvalence, autoporte-parole ? start-up nomie, initiative… Vos actes ! Pour progresser au sein d’entreprises qui a côté des cadres travaillent de plus en plus en mode projet, il PowerPoint, il y a faut en effet savoir «pitcher» ses idées comme les makers, ceux qui le font les patrons de jeunes pousses. Mieux agissent. L’esprit start-up, c’est préférer vaut aussi se montrer capable d’anticiper et d’inventer, ne pas craindre de se planter pour se faire enguirlander pour avoir fait quelque mieux rebondir, s’adapter en permanence à chose plutôt que son environnement et à l’évolution du marché, pour avoir demandé apprendre à activer intelligemment ses réla permission.” seaux… Bref, devenir une force de proposition et d’innovation permanente. Jacques Birol, fondateur de Cette démarche d’entrepreneur imaginatif Less & More (conseil vous aidera non seulement à avancer plus en communication) rapidement au sein de votre entreprise, mais également à rebondir plus facilement en cas de coup dur. Selon le cabinet Roland Berger, 42% des métiers actuels présentent une forte probabilité d’automatisation d’ici à vingt ans et risquent donc de disparaître. Autant dire qu’il est urgent de travailler sa polyvalence et sa réactivité. Et de s’entraîner à faire son autopromotion, auprès de «clients inter nes» (chefs de département, responsables de projets…), mais aussi d’éventuels nouveaux employeurs, de la même manière qu’un start-uppeur vend ses compétences et son projet à un

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business angel ou à un capital-risqueur. Voici donc sept conseils pour piloter votre carrière avec audace et agilité.

Renouez avec la notion de plaisir

La passion est le principal signe distinctif du start-uppeur. Il pense, mange, vit et dort startup. «Un bon porteur de projet doit être un passionné, c’est l’un de nos premiers cr itè res d’investissement», confirme Marc Fournier, associé chez Serena Capital, un fonds de capital-risque. A l’image de ces créateurs mordus, demandez-vous ce qui vous fait vraiment vibrer. «Les entrepreneurs n’hésitent pas à vendre leur voiture, à rentrer chez papamaman et à manger des pâtes pendant deux ans. Il ne faut pas avoir peur de se donner du temps», souligne Emilie Abel, responsable de l’incubateur de HEC. Cet état des lieux vous permettra de cibler vos recherches et de mieux convaincre. Michaël Loison, 29 ans, est aujourd’hui responsable commercial chez Homido, le fabricant lillois de casques de réalité virtuelle. Avant de rejoindre la start-up, il a passé cinq ans chez Boulanger, comme technicien multimédia. «J’adore les jeux vidéo et je me suis pris de passion pour la réalité virtuelle, raconte-til. J’ai rencontré Mathieu Parmantier, le cofondateur d’Homido, lors d’une démonstration que j’organisais chez moi avec la toute première version du casque Oculus. Il m’a proposé un CDI parce qu’il a vu cette passion en moi.»

TesTez votre employabilité

Il n’est pas toujours évident d’identifier le métier de ses rêves. Si vous doutez, passez en mode lean start-up. Cette stratégie consiste à

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vérifier si le concept et le modèle économique d’une entreprise résistent à l’épreuve des faits en procédant à des ajustements au fil de l’aventure. «Il s’agit de tester et d’ajuster son offre au plus tôt pour rester proche de la demande des clients», résume Emilie Abel. Pour ce faire, confrontez-vous à la réalité. Elaborez des hypothèses, consultez LinkedIn pour analyser le parcours des profils qui ont exploré des pistes similaires, rendez-vous à des événements sectoriels (conférences, salons…), discutez avec ceux qui vous entourent pour affiner votre projet. Et continuez à appliquer ce concept une fois votre nouvelle activité démarrée. Amélie Terrien, 38 ans, a occupé plusieurs postes marketing avant de créer, en 2010, son activité de conseil. Lorsqu’elle a été contactée par le site d’e-commerce L’Autre Thé, elle ne connaissait rien au numérique. Mais elle a accepté le contrat et a relevé le défi en se plongeant dans des livres sur le référencement en ligne. Elle a su se mettre à l’écoute du marché et acquérir de nouvelles compétences en fonction de la demande. Une vraie start-uppeuse.

Avoir l’esprit start-up, c’est chercher à acquérir de nouvelles compétences en fonction de la demande.

développez vos compétences

Vous avez étoffé votre portefeuille de compétences ? A présent, il faut les valoriser en apprenant à vous «marketer» comme les startuppeurs. Ceux-ci, c’est bien connu, excellent dans le pitch, l’art de se présenter en 1 minute chrono. Un exercice particulièrement efficace pour se préparer à un entretien d’embauche. Selon Jacques Birol, fondateur du cabinet de com Less & More, la recette est la suivante : aller à l’essentiel et, surtout, oublier tout vocabulaire jargonnant. Et n’oubliez pas les réseaux sociaux. Sur LinkedIn, concoctez-vous un profil aux petits oignons avec photo professionnelle (indispensable), titre engageant, évoquant non pas le poste que vous recherchez mais votre profession, et résumé efficace. «Une ligne sur votre secteur d’activité, une ligne pour évoquer ce qui vous intéresse dans ce domaine en particulier, et une ligne plus personnelle sur vos centres d’intérêt généraux», conseille Nicolas Galita, formateur en recrutement social. «Vous n’êtes pas là pour mendier, mais pour créer du lien», insiste-t-il. Pour les plus motivés, le blog serait la «voie royale» afin de se faire remarquer : lui-même n’a-t-il pas été embauché chez Link Humans, son entreprise

Comme Amélie Terrien, qui a tout mis en œuvre pour parvenir à ses fins, les entrepreneurs investissent sans cesse dans leur start-up en recherchant des financements et en attirant auprès d’eux les profils et les compétences dont ils ont besoin pour se développer. Afin de faire grimper la valeur ajoutée de votre petite entreprise perso et de flairer les créneaux porteurs, armez-vous d’outils de veille comme les applis Pocket (12 millions d’utilisateurs) ou Feedly (15 millions) et installez des systèmes d’alerte à l’aide de mots-clés choisis pour collecter efficacement l’information. Et s’il vous manque une compétence cruciale pour votre évolution, formez-vous. Isabelle Sathicq, directrice associée du cabinet d’outplacement L’Espace Dirigeants, évoque l’un de ses clients, responsable commercial, qui souhaitait acquérir les compétences nécessaires pour diriger sa propre société. Malgré une charge de travail quotidienne élevé, il a suivi plusieurs MOOCs (des cours en ligne) sur le management. Il est aujourd’hui en passe de racheter une PME. Christophe Bruyère a, lui aussi, eu recours aux MOOCs. Ce diplômé en électronique et informatique, passionné par

le développement depuis des années, s’est retrouvé au chômage en 2009. Constatant la pénurie en développeur, mais ne pouvant se faire financer une formation, il découvre le concept du MOOC et y voit une vraie opportunité. «J’ai suivi six ou sept cours avec OpenClassrooms, certificats à la clé, explique-t-il. Ces certificats n’étant pas reconnus par Pôle emploi, je les ai mis en valeur sur mon profil LinkedIn, mon compte Twitter et mon CV en ligne. J’ai eu dix appels en une semaine et trois rendez-vous. Le premier a fait mouche. Depuis mars 2015, je développe des applications dans le médico-social. Tout a fonctionné au-delà de mes espérances», se réjouit-il.

devenez un as du pitch

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progressez à tout âge

actuelle, grâce à celui qu’il tenait (baptisé Les Sourceurs)… Poster un billet toutes les deux semaines a suffi à faire la différence.

plus d’infos

 Managez votre carrière comme une start-up, de reid hoffman et Ben Casnocha, Leduc.s, 20 €.  Business Model You, de tim Clark, alexander osterwalder et Yves Pigneur, Pearson, 36 € (consulter aussi le site Businessmodelyou.com).  France-universitenumerique.fr, le site de référencement des mooCs disponibles en France.

Réseautez façon billard à 3 bandes

Pour avancer dans sa carrière, mieux vaut être bien entouré. Les entrepreneurs ont une culture du réseau qui leur est propre : ils l’activent de manière «désintéressée». «Ce n’est pas du donnant-donnant, c’est A qui donne à B qui donne à C», résume Isabelle Sathicq. Emmanuel Rodriguez-Maroto, cofondateur de RestoFlash, affirme donner un coup de main à n’importe quel créateur qui lui demande son aide, dès lors que sa démarche est sincère. Alors, triez les cartes de visite empilées sur votre bureau et osez ! «Un entrepreneur crée des grappes autour de lui, il évolue en bande et tire sa vérité des échanges qu’il a avec ses alliés», ajoute Jacques Birol. En effet, les feed-back de votre réseau sont cruciaux. Isabelle Sathicq se souvient de deux anciens clients : l’un, directeur juridique, est devenu notaire après avoir été conseillé par un proche ; l’autre, consultant dans un cabinet d’audit depuis quinze ans, a découvert le métier de compliance officer (directeur de la conformité) grâce à un membre de son réseau avant de l’exercer quelques années plus tard. Pour cette coach, la démarche est simple : «Décrochez votre téléphone et servez-vous de la force des autres.»

tRouvez une nouvelle idée à chaque obstacle

Soyons lucide : évoluer, changer de voie ou encore trouver un emploi ne sont pas de minces affaires. Le parcours est semé d’embûches.

les 7 qualités les plus recherchées sur Le marChé du travaiL piloter sa carrière comme une start-up, c’est aussi savoir affûter des traits de caractère bien précis. selon les experts que nous avons interrogés, aujourd’hui, pour être banka­ble, il faut faire preuve de…

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1. Passion 2. agilité 3. audaCe 4. soCiabilité 5. déteRmination 6. CuRiosité 7. CRéativité

«L’échec est inhérent à l’entrepreneuriat, note Emilie Abel à HEC. Un créateur passe son temps à résoudre des problèmes. Face à un mur, il trouvera toujours un moyen de passer par-dessus ou de le contourner.» Jean-David Chamboredon, cofondateur du fonds d’investissement Isai, parle de «course de haies». Et c’est précisément cette capacité à transformer tout échec en occasion de rebondir que recherchent les recruteurs. Karine Doukhan, directrice chez Robert Half, demande toujours aux candidats de lui décrire la situation la plus difficile qu’ils aient eu à surmonter. Objectif : juger de leur «endurance». Emmanuel Rodriguez-Maroto, 45 ans, a dû quitter l’Amérique latine pour motifs personnels en 2006, sept ans après y avoir monté son entreprise. «Pour trouver un boulot en France, raconte-t-il, je n’ai rien lâché : j’ai passé des milliards d’appels pour décrocher huit rendezvous par jour pendant quinze jours.» Il ajoute : «Un entrepreneur se bat. Rien ne tombe jamais tout cuit du ciel, il faut provoquer le destin.»

Cultivez le goût du risque

Chez les entrepreneurs, la persévérance va de pair avec l’«aptitude au risque». Cette capacité à sortir de sa zone de confort est aussi un critère pour les recruteurs. «Nous cherchons des profils audacieux qui n’ont pas toujours occupé la même fonction ni effectué leur carrière dans la même entreprise ou le même secteur», insiste Karine Doukhan. N’hésitez pas à vous mettre en danger. Isabelle Sathicq pousse parfois ses clients à prendre le risque de décliner certaines offres, si alléchantes soient-elles. Elle se souvient d’une directrice commerciale dans l’agroalimentaire qui, à peine un mois après avoir commencé ses recherches, avait été sollicitée par le concurrent direct de son ancienne société. Problème : ce poste était le copié-collé du précédent. Courageuse, la jeune femme a refusé. Elle a bien fait : trois mois plus tard, elle décrochait le poste dont elle rêvait dans une agence de conseil marketing. Prendre des risques, c’est bien sûr aussi savoir dire oui : si Amélie Terrien n’avait pas accepté de travailler d’abord gratuitement pour L’Autre Thé, le temps de se former et de faire ses preuves sur le Web, elle serait passée à côté de ce contrat et n’aurait jamais ajouté une corde à son arc. I

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Mis au placard : les clés pour en sortir Les placards «dorés», c’est du passé. aujourd’hui, l’ostracisation d’un salarié a pour but de le pousser vers la sortie. sachez quel comportement adopter si cela vous arrive.

c

hristophe est tombé de haut. Directeur des systèmes d’information d’une entreprise depuis dixsept ans, il a été mis sur une voie de garage à l’arrivée d’un nouveau directeur général. «Il m’a confié l’obscure mission d’“éclairer l’entreprise sur les pistes possibles de développement pour l’avenir”», raconte-t-il. A plus de 56 ans, ce manager se retrouve seul dans un bureau tout juste équipé d’un téléphone et d’un ordinateur. Après avoir encadré plus de 500 personnes, le choc est rude. La mise au placard n’épargne personne. «80% des harcelés sont des managers», souligne Sophie Aubard, cofondatrice de l’Institut du salarié, un cabinet d’accompagnement des personnes en difficulté. Mais elle a changé de physionomie : «Auparavant, le placard pouvait être “doré”. Il avait quelque chose de bienveillant. Avec la crise, il vise purement et simplement à pousser vers la sortie.» Vous aussi, après des années où vous n’avez ménagé ni votre temps ni vos efforts, avez été soudain mis à l’écart, privé de réunions, voire de travail ? Reprenez la situation en main.

perfectionnistes et impliqués dans leur travail», prévient la coach Sandra Sadat. Alors, pourquoi et comment se retrouve-t-on en ligne de mire ? «Le point commun des placardisés est de n’avoir pas fait assez de “marketing personnel” en participant, par exemple, à des projets emblématiques qui leur auraient permis de se faire connaître dans l’entreprise.» Moins facile de faire disparaître un cadre “visible” qu’un autre œuvrant dans l’ombre… «Ils n’ont pas non plus créé d’alliances avec des collègues suffisamment haut placés pour être “protégés”», poursuit la coach. Ceux qui n’ont pas su capter les signaux d’alerte (lire l’encadré page suivante) sont souvent très ébranlés lorsque le placard se referme sur eux. Certains songent à saisir les prud’hommes, dans l’espoir d’obtenir un licenciement avec indemnités. La plupart des salariés préfèrent cependant démissionner ou signer une rupture conventionnelle plutôt que de risquer de longues procédures judiciaires. «C’est épuisant pour le moral de n’avoir rien à faire», confirme Sophie Aubard. S’en aller, donc, au lieu de subir.

Se mettre horS d’atteiNte installez-vous dans la lumière

En cette période de chômage élevé, certains salariés hésitent à quitter l’entreprise de leur propre chef. Une option est alors de «profiter» du temps libéré pour investir son énergie différemment : dans sa vie familiale, des activités associatives, des loisirs… Au sein de l’entreprise, il est aussi possible de continuer de se montrer «présent» dans son domaine : Christophe fait ainsi de la veille technologique et rédige des rapports sur des projets innovants. «J’ai des retours très positifs. Tant que je pense apporter quelque chose à l’entreprise, je

Dès qu’ils atteignent 50, voire 40 ans, les managers sont dans le collimateur. Objectif de l’entreprise : les faire partir en vidant leur poste de tout intérêt. Les spécialistes des ressources humaines appellent cela le «job vacuum». L’âge mis à part, certains épisodes de la vie d’une entreprise sont propices aux placardisations : restructuration, rachat, fusion… Le comble, c’est qu’un parcours sans faute ne protège pas. «La mise au placard concerne aussi les cadres

teNir placez votre énergie ailleurs

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Photo : aLain FoUQUet

Par isabelle Gonse

Ne restez pas dans votre coin.

Pour retrouver confiance en vous, faites des propositions d’évolution de poste à votre supérieur hiérarchique : cela le mettra face à ses responsabilités. Demandez aussi une mobilité interne à votre Drh et, surtout, trouvez des appuis au sein de l’entreprise.» Sandra Sadat, coach, expert en leadership, directrice associée d’Interactive Conseil

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progressez à tout âge

Honte, culpabilité… le placardisé a tendance à rester caché alors qu’il lui faut se montrer.

reste !» dit-il. Lucide, il n’est toutefois pas dupe de la précarité de sa situation : «Chaque matin, je m’attends à ce que mon badge soit refusé à l’entrée du parking !»

réagir ouvrez-vous de nouveaux horizons

La pression qu’ils subissent conduit nombre de placardisés à prendre des médicaments ou/et à suivre une psychothérapie. Car l’ostracisation entraîne des sentiments de honte et de culpabilité. «Toutes les personnes placardisées se demandent ce qu’elles ont fait pour mériter ça», note Sophie Aubard. En fait, assumer au grand jour sa traversée du désert reste le meilleur moyen de s’ouvrir de nouveaux horizons. Placez votre manager devant ses responsabilités : n’hésitez pas à vous montrer déterminé et demandez-lui ce qu’il attend de vous. S’il ne réagit pas, frappez à la porte de votre N+2 ou de la DRH : une opportunité peut se présenter dans un autre service. Attention cependant aux «fausses» propositions de mutation interne. C’est ce qui est arrivé à Fabien. A 52 ans, ce cadre supérieur placardisé s’est vu proposer de remplacer une DRH qui partait à la retraite. La période de transition en doublon avec elle, prévue pour durer trois mois, s’est prolongée… jusqu’au jour où la direction lui a annoncé qu’il ne ferait pas l’affaire. «J’avais senti que le vent tournait.

Mais, au lieu de crever l’abcès, j’ai fait le dos rond.» Assommé par la nouvelle, il lui a fallu neuf mois pour se remettre et trouver un nouveau poste dans son administration.

rebondir appuyez-vous sur votre réseau

Malgré l’amertume ressentie, il est crucial de nouer de nouvelles alliances, à l’extérieur comme au sein de l’entreprise. Après avoir managé plusieurs dizaines de collaborateurs, Catherine, 50 ans, cadre dans le secteur bancaire s’est ainsi retrouvée sans poste pendant neuf mois, chargée de diverses missions plus creuses les unes que les autres. Loin de se décourager, elle a activé son réseau interne et a fini par décrocher un poste de directrice des risques. Un fauteuil moins prestigieux que celui qu’elle occupait avant, mais qui lui a permis de retrouver sa légitimité dans l’entreprise. Et même si les résultats tardent, il est important de ne pas baisser les bras : être au placard ne signifie pas qu’on y restera ad vitam æternam. Les renversements de situation ne sont pas rares. C’est ce qui s’est produit pour Michel, DSI dans le secteur financier. «Ma société a nommé un second DSI. J’ai vite compris que deux crocodiles ne pouvaient pas baigner longtemps dans le même marigot. J’ai pris l’initiative de demander un autre poste.» Il se voit confier la responsabilité de «la stratégie et de la veille commerciale» : une fonction vague dans un poste flou. Mais il se retrouve proche géographiquement du directeur de l’entreprise, ce qui lui permet de nouer avec lui d’étroites relations : trois ans plus tard, il devient son adjoint ! Un poste qu’il n’aurait jamais obtenu s’il n’était pas passé par la case «placard». I

décryptez les signaux d’alerte avant qu’il ne soit trop tard… personne ne vous dira : «a partir d’aujourd’hui, tu es au placard.» mais certains signes ne trompent pas. si la plupart des affirmations suivantes s’appliquent à votre situation, vous êtes ostracisé…

vOus n’êtes même plus en cOpie de certains e-mails importants.

On “Oublie” de vOus cOnvier à des réunions. dans celles où vous êtes invité,

vOtre patrOn rencOntre vos collaborateurs sans vous en informer.

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vos projets passent en dernier. la plupart du temps, ils ne sont pas abordés.

la pOrte de vOtre patrOn vous était toujours ouverte. désormais, il n’a pas le temps de vous recevoir et repousse sans cesse vos rendez-vous. On vOus prOpOse une missiOn «stratégique», mais mal définie et dépourvue de véritable enjeu.

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Les formations qui font rêver les chasseurs de têtes suivre une formation longue est un excellent moyen de relancer sa carrière… à condition de choisir la bonne. Voici les cursus préférés des recruteurs et des cabinets d’outplacement.

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@brunoaskenazi

n ancien ministre sur les bancs de l’école ! En novembre 2014, Arnaud Montebourg s’est inscrit à l’Advanced Management Programme de l’Insead pour la bagatelle de 34 500 euros (hors taxes)… Ob­ jectif de l’ancien ministre de l’Economie : ap­ prendre un nouveau métier, celui de chef d’en­ treprise. Si, comme lui, vous cherchez à changer de cap ou souhaitez progresser dans votre entreprise, il existe des formations plus abordables que celle de la prestigieuse école de Fontainebleau…

grandes écoLes : des cursus plébiscités

Dans les domaines de la finance, des res­ sources humaines, du management ou du mar­ keting, les Executive Masters ou les formations spécialisées, qui s’étendent sur douze à vingt­ quatre mois, font florès. Les sommes à débour­ ser varient de 3 500 à près de 30 000 euros pour les plus onéreuses. Boosteurs de carrière ou miroirs aux alouettes ? Choisir une formation devient de plus en plus compliqué. Mais cer­ taines sortent vraiment du lot. Sans surprise, parmi les cursus favoris des chasseurs de têtes figurent ceux des plus pres­ tigieuses écoles de management : HEC, Insead, ESCP Europe, EM Lyon, Essec… En finance d’entreprise, par exemple, l’Executive Mastère d’HEC est une référence. Outre des enseigne­ ments de haut niveau avec de nombreux cas pratiques, les participants ont accès au réseau des anciens. Dans le marketing, le mastère de

l’Essec ou l’Executive Mastère d’ESCP Europe tiennent le haut du pavé. Et, si vous cherchez une formation innovante dans le domaine du management, penchez­vous sur l’Advanced Management Programme de l’Edhec. Sa prin­ cipale originalité est de comporter des sémi­ naires à l’étranger (dans la Silicon Valley no­ tamment) et dix jours sur un bâtiment de la Marine nationale sur le thème : «Manager sous tension» (lire aussi p. 50). Un programme qui tient toutes ses promesses, selon Sandrine An­ nebicque. Cette directrice générale de la filiale d’un grand groupe industriel l’a suivi il y a deux ans et elle est catégorique : il lui a fait franchir un pas de géant dans l’art du leadership. «On gagne de la confiance et on apprend à mieux se connaître. Il me semble à présent plus facile d’entraîner mes équipes dans mon sillage.» Evidemment, pour avoir accès à ces établis­ sements, il faut montrer patte blanche. Les cri­ tères d’admission sont très exigeants. Vous pas­ serez au moins un entretien devant un comité de sélection, plus un test écrit ou l’analyse d’un cas pratique. Ces programmes étant facturés entre 20 000 et 25 000 euros, mieux vaut faire prendre en charge la note par son entreprise. Ce à quoi parviennent la plupart des partici­ pants, des cadres supérieurs de 40 à 45 ans, souvent issus de groupes internationaux.

universités : une offre affûtée

Moins onéreuses, mais aussi sélectives, certai­ nes formations proposées à l’université méritent le détour. Ainsi des Executive Masters de Paris­ Dauphine (en association avec l’institut

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Photo : Dr

Par brUno askenazi

La formation doit avoir pour objectif une spécialisation ou une reconversion.

si vous êtes DaF depuis quinze ans, inutile de suivre un cursus en finance dans une école cotée juste pour pouvoir mettre son logo sur votre CV. Cela n’impressionnera pas les recruteurs et ne changera rien à votre employabilité.» Sébastien Bompard, associé au cabinet de chasse Taste RH

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progressez à tout âge

Cegos). «Une alternative intéressante aux programmes des grandes écoles», estime Mickaël Hoffmann-Hervé, directeur général délégué chez Randstad. L’université parisienne vient d’en créer un, intitulé «Management commercial» : quarante jours de formation étalés sur douze mois où sont privilégiés le travail par petits groupes, l’échange d’expériences et le développement personnel (tarif : 14 500 euros). Plus ancien, le Master Management global de Dauphine, assez coté, s’adresse à des cadres supérieurs qui veulent renforcer leurs connaissances en finance, en stratégie et en management dans la perspective d’une prise de poste. Sa mantha Gadenne, directrice Eu rope et Afrique du Nord d’un groupe agro-industriel américain, l’a suivi : «A l’époque, mon employeur envisageait d’ouvrir une filiale dans l’Hexagone. Finalement, ce projet ne s’est pas réalisé, mais j’ai beaucoup appris sur la finance d’entreprise en France, plus complexe qu’aux Etats-Unis, et mon réseau s’est enrichi.» Dans le domaine des ressources humaines, en revanche, «peu de formations tiennent la route, estime Laurent Hürstel, directeur chez Robert Walters. L’une des plus sérieuses est celle de l’organisme de formation professionnelle de Paris-Assas, le Ciffop». Ce Master Executive propose deux cent vingt-neuf heures de cours (six semaines environ) réparties sur un an. Sur le campus, on croise aussi bien des spécialistes RH souhaitant donner un nouvel élan à leur carrière que des cadres en reconversion. Lise Vinais fait partie de cette catégorie. Ex-actuaire, elle avait besoin d’une formation pour achever sa transition vers les ressources humaines de son entreprise. «C’était le cursus le plus riche en droit social. Acquérir ce background juridique m’a aidée pour décrocher le poste que j’occupe actuellement : celui de directrice politique de rétribution, pilotage RH et mobilité internationale chez Allianz.» Autres formations bien cotées : celles de l’Institut de gestion sociale (IGS), qui propose notamment deux programmes «executive» en temps partiel (DRH de Business Unit et Responsable en gestion des ressources humaines). Sans oublier le mastère en gestion RH de l’Essec, à forte dimension internationale. Parmi l’offre pléthorique de programmes en communication, ceux du Celsa Paris-Sorbonne demeurent une référence. Pour celles et ceux

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qui souhaitent se reconvertir dans le coaching, les formations dispensées par l’Ifod, International Mozaik et Transformance Pro sont les plus sérieuses, selon Isabelle Mounier-Kuhn, directrice associée d’Oasys Consultants (conseil en transition professionnelle). Si vous travaillez dans une PME qui n’a pas les moyens de vous payer HEC, des solutions plus accessibles et très bankables existent. Le réseau des IAE (instituts d’administration des entreprises) offre ainsi des formations en marketing, gestion, finance et RH dont la réputation est en hausse. Une option payante, surtout en début de carrière. A 30 ans, Benoît Barteau a choisi un Master Finance à l’IAE de Paris : il comprenait deux à trois jours de cours par mois, des travaux en groupe et un examen final, le tout orchestré sur dix-huit mois. «Il n’y avait aucun prérequis pour l’inscription et le coût, moins de 8 000 euros, pouvait être pris en charge dans le cadre de la formation continue», se félicite-t-il. De formation scientifique, cet ancien collaborateur d’une start-up bretonne a pu acquérir les fondamentaux en finance d’entreprise qui lui manquaient pour être embauché dans un organisme de capitalinvestissement. Le début d’une nouvelle carrière ? «Je démarre plutôt en bas de l’échelle et n’ai pas encore de responsabilités d’encadrement, mais cela viendra.»

L’option Cnam : pour des projets autofinancés

Pour se former à la gestion de projet (un mode d’organisation en vogue dans les entreprises), Isabelle Mounier-Kuhn, d’Oasys, conseille d’aller «frapper à la porte du Cnam». Abordable (quelques centaines d’euros), le Conservatoire national des arts et métiers est la solution idéale pour les cadres qui financent euxmêmes leurs cours. «Les participants y trouvent des outils et des méthodes qui vont les aider à aller plus vite et à être plus efficaces.» Ces formations sont-elles bien perçues par les recruteurs ? Même si, pour des postes opérationnels, les expériences en entreprise font la différence, certains n’y sont pas insensibles. «Moi, j’en suis fan, assure Eric Abdelhamid, directeur au sein du cabinet de recrutement Hudson. Ce choix dénote une grande maturité personnelle et professionnelle chez une personne qui a su se remettre en question.» I

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J’ai élargi mon réseau

Samantha Gadenne, Master management global à Paris-Dauphine

J’ai apprécié l’équilibre entre les cours théoriques et les cas pratiques exposés par des professionnels. J’ai aussi trouvé très riches les échanges d’expérience entre participants :

des cadres supérieurs de 40 à 45 ans. Je garde d’ailleurs le contact avec certains d’entre eux. Nous sommes en train de créer l’association des alumni du master.

Je gagne bien plus qu’avant mon mastère

Benoît Barteau, Master Finance de l’IAE de Paris

Cette formation m’a permis de doubler mon salaire. Ex-business developer dans une start-up, je suis devenu chargé d’investissement à BpiFrance. Compatible avec la poursuite d’une activité professionnelle, ce mastère m’a donné les compétences

indispensables pour travailler dans le secteur du capital-risque. Pendant mon cursus, j’ai rencontré un enseignant membre d’une association d’investisseurs. Il m’a donné de précieux conseils et m’a fait bénéficier de contacts très utiles.

C’était intense et stimulant

Sandrine Annebicque, Advanced Management Programme de l’Edhec

J’avais besoin d’acquérir des fondamentaux en stratégie, en marketing et en finance pour diriger une nouvelle entité. La formation a été très intense.

A la fin du cursus, j’étais sur les rotules. Mais la dynamique de groupe et l’émulation entre les 24 participants poussaient chacun d’entre nous à se dépasser.

Lise Vinais, Master Executive en RH du Ciffop

Pendant un an, j’ai bossé d’arrache-pied J’avais décidé de me constituer un socle solide en ressources humaines pour évoluer durablement dans ce domaine. La formation que j’ai suivie au Ciffop, tout en continuant à travailler, m’a demandé un gros investissement personnel : pendant un an, j’ai fait une croix sur une partie de mes week-ends et de mes vacances. Avec une pression permanente et pas mal de culpabilité vis-à-vis de mes proches. C’est bien que ce cursus soit concentré sur douze mois.

Fini le DIF, vive le CPF ! Depuis le 1er janvier 2015, chaque salarié dispose d’un compte personnel de formation (CPF) qui le suivra tout au long de sa carrière, même en période de chômage. Avis aux managers : un collaborateur pourra utiliser son CPF sans avoir besoin de demander l’accord de sa direction comme c’était le cas pour le défunt DIF. «Si la formation se déroule en dehors des horaires de travail, elle s’impose, quoi qu’il arrive, à l’employeur», souligne

Virginie Devos, avocat associé au cabinet August & Debouzy. Si la formation a lieu pendant le temps de travail, elle s’impose aussi, mais dans trois cas seulement : si elle a pour objet l’acquisition d’un «socle de connaissances et de compétences» ; si elle se déroule dans le cadre d’une validation des acquis d’expérience (VAE) ; si elle consiste en un stage prévu par des accords de branche ou d’entreprise. Le feu vert de l’employeur ne sera alors requis que pour fixer le calendrier.

NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2015 HORS-SÉRIE MANAGEMENT

La loi impose aussi la tenue, tous les deux ans, d’un entretien avec chaque salarié «afin de faire le point sur ses perspectives d’évolution», et donc sur des formations éventuelles. Qui va gérer ce rendez-vous : les RH, les managers ou des consultants extérieurs ? La loi ne le précise pas. Mais l’entretien est obligatoire : si l’entreprise ne les organise pas, elle devra payer des heures en plus sur le CPF du salarié. Plus d’infos sur : travail-.emploi.gouv.fr, moncompteformation.gouv.fr

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PHOTOS : IAE, DR, EDHEC

LES SALARIÉS PLUS LIBRES POUR SE FORMER


progressez à tout âge

les arguments chocs face à un recruteur tatillon en entretien d’embauche, sachez donner la bonne réponse lorsque le recruteur repère une grosse faille dans votre parcours. Par bruno askenazi

photo : Vanessa jouning / oasys

N’abordez pas les sujets qui fâchent si on ne vous en parle pas.

@brunoaskenazi

au chômage depuis plus d’un an “Je n’ai pas eu le temps de m’ennuyer, ça a été une période dense et instructive”

v

oilà ce que vous pouvez assurer à un recruteur qui tique sur la durée de votre période de chômage ou sur un «trou» plus ou moins long dans votre CV. Montrez-lui que vous avez recherché activement un poste mais que les opportunités sont rares (si c’est la réalité du marché). Soyez transparent sans pour autant jouer la victime. «Dites : je me suis donné un an pour trouver un empar exemple, si vous êtes un senior, ne dites ploi dans mon cœur de métier. Puis je me suis ouvert à des pas : «mon âge ne vous postes plus polyvalents», conseille Célia Yvain, consuldérange pas ?» c’est tante au cabinet de recrutement Aravati. Enfin, précisez un très mauvais signal les formations que vous avez suivies pendant cette période. pour le recruteur !” L’essentiel est de montrer que vous n’êtes pas resté passif. Eric Beaudouin, directeur général d’OasYs Consultants, cabinet de conseil en transition professionnelle

après 20 ans dans la même boîte  “c’était formidable dans cette entreprise, ça bougeait tout le temps !”

d

écrivez de manière concise les différents départements et filiales que vous avez connus pendant ces années. Car un doute taraude votre futur boss : allez-vous réussir à vous adapter après être resté aussi longtemps chez le même employeur ? Pour l’écarter et prouver votre «agilité», racontez comment vous vous êtes plié aux brusques changements stratégiques et aux multiples réorganisations. «Evoquez aussi vos activités en dehors de l’entreprise, ajoute Eric Beaudouin, directeur général d’OasYs Consultants. Du bénévolat dans une association humanitaire ou pour un club sportif montrera votre ouverture d’esprit et la richesse de votre réseau.»

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pas de diplôme  “vous connaissez le livre de mark mccormack : Tout ce que vous n’apprendrez jamais à Harvard…”

u

ne réponse à donner si l’on vous reproche des études trop courtes. Dans cet ouvrage, le PDG de l’agence artistique IMG raconte le monde des affaires tel qu’il est dans la «vraie vie». Mais ne vous inquiétez pas trop : si vous avez obtenu ce rendez-vous, c’est que votre parcours intéresse. Prouvez que votre expérience de terrain vous qualifie pour le job au même titre que le titulaire d’un MBA. Citez les managers qui vous ont appris à motiver une équipe et à gérer un projet. Mentionnez les formations effectuées. Ne vous excusez pas de ne pas avoir bac +5. «Si vous n’avez pas fait d’études, dites qu’à 20 ans vous deviez travailler pour payer votre loyer. On ne vous le reprochera pas», assure Célia Yvain, consultante pour Aravati.

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vous avez accumulé les cDD  “J’ai acquis beaucoup de compétences en enchaînant ces différents jobs”

r

assurez ainsi un DRH qui vous interroge sur un long tunnel de CDD ou de contrats d’intérim, voire sur un parcours professionnel chaotique, typique d’un début de carrière. Ne noircissez pas le tableau en invoquant votre manque de chance ou la crise du secteur. Au contraire, montrez grâce à des exemples précis que ces missions express ont été formatrices. «Après tout, vous avez prouvé votre flexibilité en changeant de fonction et en passant d’un style de management à un autre. C’est un véritable atout», souligne Eric Beaudouin d’OasYs Consultants. Pour valoriser vos petits boulots alimentaires, dites : «J’ai préféré entretenir mes compétences plutôt que d’attendre un CDI sans rien faire.»

néophyte Dans le secteur  “Par plusieurs aspects, mon expérience est transposable dans votre activité”

S

i l’on pointe votre absence d’expérience dans un domaine, pensez à mettre en avant les compétences que vous pouvez facilement transposer d’un métier à un autre. Dites par exemple : «Pendant cinq ans, je me suis occupé de fidélisation clients dans la grande distribu­ tion. J’ai cru comprendre que cette problématique vous in­ téressait dans l’e­commerce.» Ajoutez qu’après avoir passé plusieurs années dans le même environnement, vous avez envie de nouveaux défis et que vous pouvez apporter un regard neuf sur le secteur. Cela rassurera votre inter­ locuteur sur votre motivation.

vous avez pris un congé sabbatique D’un an “J’avais besoin de ce long break pour me ressourcer et découvrir de nouveaux horizons. J’en sors renforcé”

trop âgé “c’est un véritable atout d’avoir une personne expérimentée, prête à s’engager dans la durée”

c

’est l’argument à oppo­ ser à un employeur qui vous trouve «surdimen­ sionné» ou «trop expérimenté» pour le poste (on ne dit jamais ouvertement à quelqu’un qu’il est trop vieux). En effet, passé 50 ans, on n’a plus l’obsession de bouger pour emmagasiner de l’expérience. On souhaite plutôt s’engager dans un poste à sa mesure, auquel on espère apporter une expertise ou une riche expérience de manager. Cherchez toutefois à décrypter plus précisément ce qui motive la réticence de votre interlo­ cuteur. Cela peut être le (haut) salaire que vous demandez, des doutes concernant votre capacité d’adaptation ou votre maîtrise de certains logiciels ou des réseaux sociaux… Vous pourrez le rassurer en citant des exemples concrets.

la boîte que vous avez créée a fait faillite  “c’était une expérience enrichissante et formatrice, j’ai appris à lever des fonds, à manager des hommes”

licencié pour faute grave  “comme tout le monde, j’ai connu des moments difficiles. Ça n’efface pas le reste de mon parcours professionnel”

S

i vous venez d’être licencié pour «motifs personnels» (faute grave, incompétence, harcèlement moral, incompatibilité d’humeur, etc.) et que le recruteur le sait, ne niez surtout pas. «Au contraire, jurez que cet échec a été une parenthèse et que vous en avez tiré les leçons. Affirmez, par exemple : “Je me suis rendu compte que je n’étais pas fait pour travailler dans ce type d’environnement”», explique Valérie Roco­ plan, la fondatrice de Talentis (coaching de managers et de dirigeants). S’il n’est au cou­ rant de rien, mais veut savoir pourquoi vous êtes parti de façon soudaine, vous n’êtes pas obligé de tout lui raconter. Répondez : «Un nouveau directeur voulait renouveler l’équipe. J’ai eu l’impression d’être sur la touche et j’ai préféré négocier mon départ.» Surtout, évitez la langue de bois («Je n’étais plus en accord avec la stratégie de l’entreprise»). Cela ne tromperait personne. I

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InspIrez-vous  Des valeurs au service de l’entreprise p. 73

 Les chefs d’orchestre sont-ils de bons chefs ? p. 74

 Comment manager de grands fauves p. 76

 escrime, la maîtrise de l’attaque et de la riposte p. 78

 Le leadership selon Frank Underwood p. 80

 Un patron / un conseil : arnaud Deschamps, directeur général France de nespresso p. 84

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des meilleurs ! des valeurs au service de l’entreprise en accord avec les valeurs portées par François d’assise, le souverain pontife incarne une conception du leadership basée sur la modestie, l’œuvre commune et la communication. Par lomig guillo

B

eaucoup de grands patrons seraient bien inspirés de «délaisser leur bureau de cadre pour un bureau plus petit, voire un box dans un open space», explique l’auteur américain Jeffrey A. Krames dans Leadership et humilité. 12 leçons de leadership du pape François (éd. Métanoïa). Il signifieraient ainsi qu’ils font partie d’une communauté, constituée de l’ensemble des salariés de la boîte. Le pape François lui-même, dès son intronisation, a quitté le palais pontifical pour une résidence plus modeste de 90 mètres carrés au cœur du Vatican. Surprenant, le livre de Jeffrey A. Krames analyse la façon dont le souverain pontife, chantre de la simplicité, a repris en main le Vatican depuis mars 2013. Il tire de cette observation 12 conseils applicables par tous. Jeffrey A. Krames encourage ainsi les top managers à communiquer avec tout le monde, sans tenir compte de la hiérarchie, à mettre l’accent sur les forces de chacun plutôt que sur ses faiblesses et à obliger les cadres à aller régulièrement sur le terrain. Des conseils de bon sens, qui prennent du relief à mesure que l’on découvre les différentes façons dont le pape les a mis en pratique. L’idée principale de

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l’ouvrage est que l’usage de la force est inutile pour devenir un grand leader. Et que seules la modestie et l’humilité paient sur le long terme. C’est aussi la conviction des 2 700 chefs d’entreprise français réunis au sein des Entrepreneurs et dirigeants chrétiens (lesedc.org), mouvement qui propose de réfléchir autour de la justice dans le travail, des relations entre salariés, de la cohérence entre la foi du patron et le fonctionnement de l’entreprise… Mettre sa foi en action, voilà qui aiderait à pacifier les relations. Ainsi, pour Laurent Spanghero, figure de l’industrie de la viande, mettre en cohésion ses croyances et ses actes en tant que patron, «c’est pouvoir se regarder le matin dans la glace sans avoir de reproches à s’adresser. Même si, parfois, rester dans le droit chemin peut se faire au détriment de la réussite de l’entreprise». De même, explique Michel de Rovira, cofondateur de Michel et Augustin : «Le lien entre ma foi et ma manière d’aborder le travail, c’est l’idée de la communication non violente. Le fait de ne pas rendre responsables les autres de ce que je ressens.» Bref, manager en se référant à Dieu rendrait surtout plus humain. I

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inspirez-vous des meilleurs !

les chefs d’orchestre sont-ils de bons chefs ? a la fois dirigeants et interprètes, les chefs d’orchestre ont une grande capacité d’organisation et une puissante agilité mentale. en revanche, chacun se distingue par son style de leadership. Zoom sur quatre figures légendaires de la direction orchestrale. par muriel jaouën

daniel barenboim

Le pédagogue Natif de Buenos Aires (où il a vu le jour en 1942), ce chef n’a jamais été considéré comme un virtuose de la baguette. On pointe même parfois chez lui une exécution négligée. Sa technique de direction est celle d’un autodidacte. Car, avant d’être un chef d’orchestre, Barenboim est un – immense – pianiste. A 7 ans, il donne son premier concert au clavier et attendra d’en avoir 22 pour diriger… depuis son piano. Ce statut d’instrumentiste en fait un chef singulier : à la fois «expert» et «pair» de ses musiciens. Avec lui, la figure archétypale du maestro inaccessible et capricieux vole en éclats. Scène totalement inédite dans le monde ultraprotocolaire de la musique classique : à la fin d’un récent concert à Pleyel, on le vit prendre vingt minutes pour embrasser chacun des 100 musiciens de l’orchestre. Apprécié pour sa simplicité, son contact chaleureux, sa camaraderie, le chef israélo-argentin est avant tout un homme de partage. Pédagogue dans l’âme, il a dirigé de nombreuses master class avec de jeunes talents devenus depuis des têtes d’affiche, comme Lang Lang ou Hélène Grimaud. Nommé directeur de la musique à la Scala, il a pris l’habitude de dialoguer avec le public, notamment les jeunes, avant les représentations.

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En 1999, il réalise son rêve en créant le WestEastern Diwan Orchestra, une phalange symphonique composée de jeunes musiciens d’Israël, des territoires palestiniens et des Etats arabes voisins. Avec Barenboim, le chef est descendu de son estrade.

Wilhelm furtwängler

Le magnétiseur La gestique de Wilhelm Furtwängler (18861954) était anarchique, désarticulée, à la limite du grotesque. Elle laissait toujours l’orchestre très perplexe. Le maestro ne donnait jamais le départ aux musiciens, et le début de ses concerts était vécu par beaucoup comme un cauchemar. Il ne livrait pas davantage d’indications précises par le langage que par la battue. Ce grand homme mal habillé était si timide qu’il ne parlait presque pas. Et pourtant… Chaque fois, le miracle se produisait. Nombre de critiques musicaux considèrent Furtwängler comme le plus grand chef de tous les temps. Beaucoup ont parlé de l’effet hypnotique et télépathique qu’il avait sur les gens. Un jour qu’ils répétaient sans leur chef, les musiciens du Philarmonique de Berlin se mirent subitement à jouer de façon «extraordinaire» sans comprendre immédiatement pourquoi. Furtwängler venait juste d’entrer

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Herbert von Karajan

le visionnaire Karajan (1908-1989) est l’homme du «toujours plus». Chef le plus enregistré (avec près de 1 000 enregistrements !), il est aussi celui qui aura cumulé le plus de fonctions : directeur de l’opéra de Vienne, du festival de Salzbourg, conseiller musical de l’Orchestre de Paris et, surtout, chef et directeur musical du Philarmonique de Berlin durant trente-quatre ans. La prestigieuse phalange berlinoise, il va la forger à son image, faisant construire de toutes pièces une salle de concert adaptée à sa conception orchestrale, recrutant les meilleurs artistes, sculptant une sonorité aussitôt identifiable par les connaisseurs, signant avec Deutsche Grammophon une association discographique sans précédent. Vénéré par ses musiciens, il parlera toujours du Philarmonique comme de son enfant (tout l’orchestre sera parrain de sa première fille). Mais, en premier lieu, Karajan est un visionnaire. Il est sans doute le premier à comprendre le parti qu’il peut tirer d’un marketing pensé pour bâtir sa légende. Flanqué d’un photographe autorisé, il se met en scène dans la presse people. Et, pour mieux assurer sa postérité, il crée une firme audiovisuelle, Télémondial, qui filme ses concerts. Mégalomane ? Sans doute. Autocrate ? Certainement. Mais incontestablement

Flanqué d’un photographe autorisé, Karajan se met en scène dans la presse people.

guidé par la volonté de porter son art et son orchestre au sommet. Travailleur infatigable, passionné de nouvelles technologies, toucheà-tout, Karajan veut régir absolument tout : direction, enregistrements, mises en scène.

Arturo Toscanini

le tyran Du chef Arturo Toscanini (1867-1957), Stefan Zweig disait : «Il voit dans la foule des musiciens qui l’attendent une horde insoumise qu’il doit maîtriser, un être récalcitrant, hostile, auquel il faut imposer une loi, une discipline.» Dans l’histoire de la direction d’orchestre, Toscanini représente sans conteste la figure la plus criante (dans tous les sens du terme) du chef tyrannique. Ses colères sont légendaires. Durant les répétitions, il n’hésitait pas à agonir d’injures musiciens et chanteurs. Du haut de son mètre cinquante-trois, il alla, un jour, jusqu’à frapper un violon solo avec un archet qu’il avait lui-même brisé. Directeur musical de la Scala, il harcelait de télégrammes les artistes qui osaient se produire sur d’autres scènes. Ce tempérament qu’il réservait à la sphère professionnelle – dans le privé, Toscanini était un être charmant et charmeur – reflétait une exigence de rigueur extrême. Formé à l’école de l’opéra, le maestro mettait la partition au centre de tout. Sa devise, «com’e scritto» («comme c’est écrit»), est devenue proverbiale dans le monde lyrique. Cette obsession de la règle se retrouve dans un style de direction interdisant toute subjectivité : tempos vifs, sonorités sèches, métronomie froide. Toscanini était d’autant plus craint qu’il connaissait tous les opéras par cœur et dirigeait de mémoire, concentrant toute son attention sur le jeu de musiciens réduits au statut d’exécutants. I

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photos : colette masson / roger viollet, mp / leemage, akg, imagno / roger viollet

dans la salle, sans rien dire, juste pour les écouter. Celui qui se considérait comme un compositeur raté et comme chef par défaut répétait peu et tolérait les erreurs. L’important était d’atteindre ce qu’il appelait l’«au-delà des notes». En instillant dès le début de chaque concert une tension nerveuse et émotionnelle palpable, il indiquait que quelque chose d’exceptionnel allait se produire. Traitant ses collaborateurs avec une grande affection, indifférent à sa carrière, constamment porté à l’autocritique, d’une grande modestie, Furtwängler se considérait comme le «serviteur» des musiciens, qu’il estimait supérieurs à lui.

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inspirez-vous des meilleurs !

comment manager de grands fauves Dans la cage avec ses douze lions blancs, le dresseur du cirque Pinder n’a pas le droit à l’erreur. Face à de tels collaborateurs, un simple faux pas peut être fatal. par eve ysern

p

as de répit pour les circassiens. Même les jours de relâche, Frédé­ ric Edelstein est sur le pont – dans la cage en l’occurrence. «Je vois mes lions tous les jours, confie le dompteur du cirque Pinder. Il est nécessaire que nous soyons très proches.» Avec ce type de collaborateurs, jouer la proximité est en effet quasiment un impératif de survie. «S’il y a de la brutalité, un rapport de force s’installe auto­ matiquement, explique le dresseur. Et comme ils sont beaucoup plus forts que moi, je dois l’éviter à tout prix.» Première règle pour gérer ces douze animaux sauvages : prétendre être des leurs. «Je me mêle à eux, comme si j’étais un lion et que nous appartenions à la même fa­ mille.» Des conseils valables dans la cage du cirque comme autour de la table d’un codir. Un trait de khôl sur la paupière inférieure et un bambou dans la main droite, le dompteur lance ses ordres dans un étonnant sabir. Pour un observateur profane, cela ne fait aucun doute : Edelstein parle lion. En réalité, il a créé son propre langage pour communiquer avec ses fauves : il use de l’anglais, qui claque plus que le français («sit» est plus approprié qu’«as­ sis», par exemple), et de l’allemand, dont les sonorités gutturales font merveille. Si la voix est un outil clé, la posture ne l’est pas moins. Il est ainsi capital de se tenir bien droit . «Les lions voient tout, souligne le dres­ seur. Si je me retrouve dans une situation de

Le cocktail gagnant pour cadrer les lions : douceur, fermeté, justice. Et récompense.

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faiblesse, ils le sentiront à coup sûr. Les bêtes savent tout de suite à qui elles ont affaire. C’est comme un instituteur face à une classe : soit il se fait respecter, soit il se fait bouffer !» Sauf qu’ici, c’est au sens propre…

toutes griffes dehors

Avec son mètre quatre­vingt et sa large car­ rure, Edelstein ne manque pas de prestance. A voir les lions monter et descendre docilement de leurs tabourets comme s’ils jouaient aux chaises musicales, à les regarder sauter par­ dessus leur maître ou s’allonger à cinq sur lui, on comprend vite qui est le boss. Mais gardons­ nous d’en déduire que chaque répétition est un long fleuve tranquille ! Aujourd’hui, Donna fait l’imbécile : elle traîne, se fait prier, se trompe de tabouret… Edelstein doit la recadrer. Muni de son bambou et de son fouet, il s’approche, lève la voix, lui donne une tape sur le museau sans la moindre hésitation, comme s’il répri­ mandait un toutou. Quand la lionne rugit et tente de lui balancer un coup de patte, il re­ commence, car il ne doit y avoir aucun doute : c’est lui qui commande. Fini de jouer pour Donna, qui accepte de rentrer dans le rang.

attention constante

«Je dresse mes lions avec douceur et fermeté, martèle le dompteur. Et je les récompense sys­ tématiquement. Le tout est d’être juste : de cette façon, j’obtiens d’eux ce que je veux.» Face à ses bêtes, s’il ne peut se permettre d’avoir peur, il doit aussi afficher une force physique sans faille. Enrhumé ou fatigué, il sera moins vigilant. Et les animaux le sentiront sur­le­ champ. Edelstein en a fait l’expérience dans sa jeunesse, un jour qu’il s’entêtait à faire son

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photo : françois dehurtevent / rp

Frédéric eldenstein, posture bien verticale, lors d’une représentation : il ne doit montrer aucun signe de faiblesse.

numéro alors qu’il avait de la fièvre. Malgré les mises en garde de son père, il est entré dans la cage et cela n’a pas loupé : une tigresse lui a flanqué un coup à l’épaule en sautant par-dessus lui. Plus de peur que de mal cette fois. Sa vraie frayeur, il l’a vécue il y a dix ans quand il a failli être dévoré par une horde de tigres et de lions : «Je suis tombé et ils ont tout de suite compris que je ne l’avais pas fait exprès. Ils se sont rués sur moi. C’est pareil dans la nature : quand une lionne se jette sur un buffle, toutes les autres arrivent pour croquer leur part.» Si Dicky Chipperfield – son ami et mentor – n’était pas intervenu ce jour-là, Frédéric Edelstein ne serait plus de ce monde. Depuis, il a retenu la leçon et organise régulièrement des répétitions au cours desquelles il tombe volontairement : les fauves doivent comprendre qu’une chute ne constitue pas une occasion d’attaquer. «Il ne faut jamais qu’ils soient surpris ni qu’ils puissent penser que ce qui arrive est anormal ou bizarre.»

maîtriser les dominants

Chaque bête ayant son caractère, le talent du dompteur réside aussi dans sa capacité à détecter les forces et les faiblesses des uns et des

autres. Il y a des doux, des vicieux, des lents, des rapides, des dominés, des dominants… «C’est en fonction des capacités physiques et mentales de chacun que je monte le numéro, explique-t-il. J’essaie de les comprendre et de me mettre à leur place. Sans complicité avec votre équipe, il n’y a pas de succès possible.» En véritable DRH, le dompteur doit donc trouver les éléments sur lesquels il va pouvoir s’appuyer pour faire tourner son équipe et régler d’éventuels conflits. Il a ainsi repéré plusieurs «sous-directeurs», des dominants, à qui il donne ses ordres en priorité. Car ils ont le pouvoir d’entraîner les autres à leur suite. Edelstein peut ainsi compter sur Dora et Donna, deux lionnes à fort caractère, pour l’aider à faire régner l’ordre. Sauf quand Dingham et Chaka, les deux mâles de la troupe, cèdent à leurs pulsions sexuelles, pas toujours bien maîtrisées, et se jettent, parfois en pleine représentation, sur une femelle. «Mes lions ont beau être encore jeunes, ils commencent à y penser sérieusement ! D’ailleurs afin de limiter le désordre, je n’ai pris que deux mâles pour dix femelles.» Dans ces cas-là, l’intervention du dompteur reste indispensable : c’est là qu’il faut du courage, pour montrer qui est le patron. I

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en chiffres

15 000 € le prix d’un lion blanc

10 kilos la dose quotidienne de viande dévorée par un animal

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inspirez-vous des meilleurs !

escrime, la maîtrise de l’ attaque et de la riposte sur la piste comme dans l’open space, les joutes commencent par l’adoption d’une bonne posture. Place ensuite à la capacité d’adaptation et à la créativité. par marie peronnau

c

a ferraille sec dans les open space. Avec un collègue ou le boss, un client ou un partenaire, les joutes verbales sont monnaie courante quand il s’agit de plier l’autre à ses vues. On prend des postures, on lance des attaques, on riposte avec des reparties, avant de battre en retraite… Ces affrontements trouvent un écho dans la pratique de l’escrime, qui use des mêmes ressorts. En escrime comme dans nombre d’autres disciplines, la première chose à faire face à un adversaire est de soigner sa posture, en tenant sa garde. Le tireur doit rester droit et bien fléchi sur ses jambes, en portant son poids un peu vers l’avant, dans une attitude légèrement offensive. Cette position facilite les déplacements d’avant en arrière. Mais pas seulement ! Elle met aussi en condition psychologique pour bondir plus facilement sur l’adversaire.

TROUVER la bOnnE disTancE

Sur la piste, avant de tirer, les duellistes se jaugent. Et s’ils portent un masque, ils discernent derrière le grillage le visage et, surtout, le regard du rival. «ça peut donner une indication sur son état d’esprit. Je suis également très attentif aux attitudes corporelles, comme la tête baissée», glisse Mathyas, épéiste amateur.

Il s’agit, certes, d’être rapide, mais surtout de lancer la bonne action au bon moment.

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Quand l’assaut est donné, les déplacements s’enchaînent. Des marches, des retraites s’effectuent en miroir… Objectif : garder la bonne distance avec l’adversaire, ni trop près, ni trop loin de lui. On peut chercher à l’acculer en bout de piste ou à créer des situations de corps à corps. «Certains athlètes sont très forts dans la proximité, surtout les petits, qui laissent de cette manière moins de marge de manœuvre aux grands qui ont, eux, besoin de plus d’espace», analyse Franck Boidin, entraîneur de l’équipe de France de fleuret.

aVOiR dE l’à-pROpOs

Quelle que soit la distance maintenue, les qualités d’observation sont primordiales. «L’idéal est de raccourcir le temps entre l’observation et la prise de décision quant à l’action à mener. Mais attention, l’athlète le plus rapide n’est pas forcément le meilleur ! poursuit Franck Boidin. Il faut surtout lancer la bonne action au bon moment. Andrea Baldini, par exemple, avait un sens de l’à-propos très développé, sans être forcément très rapide.» La capacité d’adaptation et la créativité jouent à plein. Il va falloir surprendre l’adversaire et feinter. Esquiver ou parer ses attaques à lui, riposter pour marquer la touche. «Il y a des personnes dont le jeu est plus axé sur l’attaque, d’autres sur la riposte. C’est ce qu’il faut décrypter chez l’autre et camoufler chez soi», avoue Mathyas. Cette roublardise n’empêche pas les bonnes manières. Au terme comme au début d’un assaut, les tireurs doivent se saluer. Avec la main désarmée bien entendu. I

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Photo : rondeau / Presse sPorts

Attaquant ou défenseur, le style du sabreur est un révélateur de son tempérament.

FLeUreT, éPée, SAbre : Quel duelliste êtes-vous ? L’escrime comprend trois armes : le fleuret, l’épée et le sabre. Chacune exige des qualités spécifiques et correspond à des tempéraments différents. découvrez le style de duel qui vous convient et vous dévoile. dis-moi comment tu tires et je te dirai qui tu es.

qui marque, celle qui lance l’action offensive et qui la réussit. il s’agit donc souvent de prendre l’avantage sur l’adversaire en attaquant. mais ce dernier pourra parer et riposter. on assiste alors à un duel avec des «phrases d’armes», qui peuvent se vivre comme de véritables conversations.

Les fLeurettistes diaLoguent avec L’adversaire le fleuret est une arme d’estoc, c’est-à-dire qu’on marque avec la pointe, pas avec la tranche. elle nécessite une grande précision car la cible est restreinte : la zone de touche ne comprend que le tronc (buste et dos). autre particularité : l’existence de priorité. il ne peut y avoir qu’une personne

Les épéistes font assaut de patience avant L’expLosion a l’épée, le premier qui touche marque. Contrairement au fleuret, les «coups doubles» sont possibles : si les joueurs touchent en même temps, chacun remporte un point. tête, pied, buste… le corps entier est pris pour cible avec la pointe. on considère l’épée comme

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l’arme de la patience. les adversaires s’observent parfois longuement pour découvrir la faille de l’autre. Les sabreurs chargent comme des têtes brûLées Comme le fleuret, le sabre obéit à des conventions. Priorité à l’attaque : il faut toucher au-dessus de la ceinture. la frappe peut être de taille (avec la tranche) ou d’estoc (avec la pointe), ce qui offre une grande variété de mouvements. les assauts sont extrêmement vifs et les prises de décision rapides. Plus fantasques dans leur jeu, les sabreurs sont perçus comme des casse-cou par les autres escrimeurs.

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inspirez-vous des meilleurs !

le leadership selon Frank underwood Le héros de la série House of Cards n’a qu’un but : devenir président des etats-Unis. Pour parvenir à la fonction suprême, ce redoutable stratège use de méthodes audacieuses. et même si certaines semblent très contestables, elles restent pertinentes pour qui veut exercer un leadership efficace en entreprise. Par yaël gabison, coach et fondatrice dU cabinet smartside

@Ygabison

leçon n° 1

Le courage, première qualité d’un leader

d

es crissements de pneu, le bruit d’un choc violent, une plainte déchirante puis, sortant en courant d’une maison, deux hommes indignés : le chien du voisin vient d’être percuté par la voiture d’un chauffard qui a pris la fuite. Frank Underwood s’agenouille près de l’animal agonisant. Face caméra, il s’adresse au spectateur tout en caressant le chien : «Il y a deux sortes de douleur : l’une rend plus fort ; l’autre est inutile, elle n’apporte que de la souffrance. Je ne m’embarrasse pas de choses inutiles.» Puis il ajoute : «Dans ce genre de situations, il faut être capable d’agir. Et savoir s’acquitter d’un travail ingrat si cela est nécessaire…» Il brise le cou de la bête : «Voilà, il n’a plus mal.» Cette scène d’ouverture de la saison 1 de House of Cards laisse entrevoir tout ce dont le politicien sera capable par la suite… Mais,

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au-delà de son insoutenable brutalité, elle met en lumière les trois composantes d’une qualité essentielle chez un leader : le courage. Prendre Position. Le chien souffre inutilement, il faut agir. Frank Underwood fait preuve de lucidité et de sang-froid en posant un diagnostic clair et dénué d’affect : l’animal n’a aucune chance. Le personnage nous interroge aussi sur le «vrai» courage, celui de prendre des décisions difficiles et impopulaires : au lieu d’amener l’animal chez le vétérinaire en laissant à ce dernier la responsabilité de l’euthanasier, il le tue de ses propres mains. Enfin, le personnage aurait pu culpabiliser après l’exécution du chien, mais il ne le fait pas. Il affirme avec aplomb «Voilà, il n’a plus mal», donnant ainsi un sens à son action : mettre fin à une douleur inutile. Assumer ses actes est bien plus facile lorsqu’on a défini un objectif précis. Même si, chez Frank Underwood, les prises de position sont radicales, la manière dont il agit dans cette scène synthétise les caractéristiques du courage, qui reste fondamental pour bâtir un leadership affirmé : la lucidité, la capacité de faire des choix difficiles et celle d’assumer ses actes.

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leçon n° 2

Influencer, c’est bien se placer

A

u milieu de la foule d’une cérémonie officielle, Frank Underwood nous livre un de ses préceptes : «Le pouvoir, c’est comme l’immobilier : ce qui compte avant tout, c’est la situation géographique. Plus on se rapproche du centre, plus notre bien prend de la valeur. Dans des années, quand les gens regarderont ces images, qui verront-ils sourire, limite bord cadre ?» Travelling arrière pour montrer un Frank Underwood ravi, placé à quelques rangées du président des Etats-Unis. L’aparté met en lumière à quel point il est important de savoir se situer physiquement dans une assemblée. choisir sa place avec soin. En sélectionnant une place plutôt qu’une autre, vous transmettez inconsciemment des signaux de pouvoir. Dans une réunion, par exemple, il y a deux positions dominantes : en bout de table

– la place traditionnelle du chef de famille – et au milieu de la table, avec une vue centrale sur tous les participants. Comme un chef aime à s’entourer de sa garde rapprochée, les numéros 2 s’assoient près de lui, et plus particulièrement à sa droite. L’expression «être le bras droit de quelqu’un» n’est pas le fruit du hasard ! De la même façon, «avoir des vues diamétralement opposées» a un sens : pour montrer votre opposition à un individu, placez-vous face à lui. Si vous désirez éviter une confrontation, placezvous plutôt à côté. C’est la position idéale pour dominer une situation de conflit larvé. Un leader averti en vaut deux : à vous de choisir la place qui vous permettra d’atteindre votre objectif.

leçon n° 3

Renoncer aujourd’hui pour réussir demain

photos : sony pictures

G

rosse déconvenue pour Frank Underwood au tout début de la première saison : il se voyait secrétaire d’Etat, il ne sera que chef de la majorité au Parlement. «Je sais qu’on vous en a fait la promesse, mais les circonstances ont changé», lui déclare Linda Vasquez, proche collaboratrice du Président. Lui qui a berné tant de personnes – et en bernera tant d’autres au fil des épisodes – vient de se prendre «la» claque de sa carrière politique ! D’un coup d’un seul, la perspective d’accéder à la fonction suprême s’éloigne de plusieurs années… Incrédule, il s’effondre sur sa chaise et lâche rageusement : «C’est une décision minable.» Mais, très rapidement, il se reprend. Linda Vasquez lui demande s’il

est toujours possible de compter sur lui. Il sourit et lance un «oui» extrêmement convaincant. garantir sa survie et maintenir le cap. Tout le monde a connu cette situation. On travaille dur pour un job, on s’engage et l’on croit qu’on va être promu. Et puis… rien. Les réactions à ce type de déconvenue sont intéressantes. L’attitude soumise de Frank paraît ainsi surprenante quand on connaît le personnage et son tempérament de feu. En réalité, elle est plus que sensée. Manifester de l’emportement n’aurait abouti qu’à l’exhibition d’un ego blessé, avec une sanction immédiate : sa mise hors jeu définitive. Même s’il n’obtient pas ce qu’il veut sur

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le moment, Frank comprend vite qu’il a tout intérêt à ne pas se braquer : s’il veut atteindre son objectif – la présidence –, il lui faut rester dans les arcanes du pouvoir. Et, surtout, il sait que son heure ne pourra venir que si les autres sont convaincus de sa loyauté. Pour bien diriger, un leader digne de ce nom doit garder deux objectifs à l’esprit. Le premier : rester en place et assurer sa survie à court terme en prenant des décisions dans l’intérêt de l’organisation. Le second : ne jamais oublier son but à long terme. Pouvoir, argent, humanisme ou plaisir, peu importe, il ne faudra jamais le lâcher. Un vrai leader saura donc parfaitement jouer son rôle au présent sans renoncer à son désir futur.

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inspirez-vous des meilleurs !

leçon n° 5

leçon n° 4

briller n’est pas durer

Les amis font les pires ennemis

ans l’épisode 7 de la saison 1, Frank Underwood se livre à un de ses apartés à propos de Remy Danton, le lobbyiste prodige de la série : «Il a choisi l’argent au lieu du pouvoir. L’argent, c’est une villa tape-à-l’œil de Sarasota qui commencera à se dézinguer au bout de dix ans. Le pouvoir… c’est le building en vieille pierre qui restera debout des siècles durant. Je n’ai aucun respect pour quelqu’un qui ne fait pas la différence.» Une analyse qui attire notre attention sur deux des clés les plus subtiles du leadership : la durabilité et la dissimulation des intérêts.

uand, dans le cinquième épisode de la saison 1, Marty Spinella, puissant responsable syndical, quitte le bureau de Frank en claquant la porte, furieux de la trahison du politicien, ce dernier se tourne vers nous, face caméra : «Marty a bon caractère, j’entretenais de bonnes relations avec lui. Mais là, je l’ai peut-être poussé trop loin.» Il conclut par l’un de ces aphorismes dont il a le secret : «Les amis font les pires ennemis.» L’avertissement est clair : gare à celui qui déçoit un allié, cela peut lui coûter cher. Cela implique une autre question : l’amitié a-t-elle vraiment sa place dans les cercles du pouvoir ?

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se méfier du plaisir immédiat. Cela n’a pas échappé aux fans de la série : l’antihéros de House of Cards est un authentique handicapé émotionnel. Le moindre geste est réfléchi, pesé, anticipé. Underwood associe le pouvoir à une forme de pérennité et relie l’argent à une instantanéité qu’il méprise. Il voit dans ce dernier un danger qui pousse à agir de façon impulsive, au lieu de mettre au point de nouvelles stratégies. Pour lui, un homme ou une femme de pouvoir doit toujours se méfier des décisions motivées par un plaisir immédiat qui flatte son ego. Underwood nous alerte aussi sur le risque encouru par un leader dès qu’il se révèle aux autres. Montrer qu’une rémunération importante, un bonus ou une prime constitue l’un de vos buts majeurs apparaîtra comme un signe de faiblesse. Un vrai leader dure non pas parce qu’il brille à un instant T, mais parce qu’il a su installer son influence dans le temps. Pour garantir cette pérennité, l’un des enjeux majeurs du leadership sera donc d’apprendre à manier l’art de la discrétion et du désintérêt feint.

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Q

devenir une forteresse. Il ne faut pas se mentir. Dans un contexte professionnel, la plupart des gens agissent pour leur propre compte. L’être humain est ainsi fait qu’il choisira de servir ses intérêts, plutôt que les vôtres, même si vous êtes «amis». Cela se vérifie encore plus à l’heure des réseaux sociaux, alors que l’amitié tend à devenir un lien hypertexte plus qu’un véritable engagement… Ne soyez donc pas dupe de vos «amis de bureau» : en cas de coup dur, le risque est grand qu’ils quittent le navire. Ou qu’ils se ser vent de vos failles pour vous affaiblir. Alors, un conseil à tous ceux qui veulent atteindre le sommet : restez vigilant et ne laissez personne vous approcher de trop près. Devenez une forteresse imprenable et assumez une forme de solitude. On naît et on meurt seul, non ? Frank ajouterait que les personnes croisées entre ces deux moments fatidiques représentent de futiles distractions ou des appuis qu’on doit utiliser. Le seul bémol qu’il apporterait à cette règle est incarné par son épouse, à qui il confie tout et qui le connaît mieux que lui-même. Dans le monde cruel de House of Cards, la relation du couple nous rassure un peu quant à l’humanité du héros. C’est surtout une leçon de leadership : chaque leader peut – et doit – compter sur une personne qu’il sait loyale. Une loyauté assurée tant que celle-ci partage son objectif.

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leçon n° 6

Un adjoint ne doit pas servir de paillasson

r

éunion du staff de la MaisonBlanche. Le président consulte son équipe, dont son nouveau bras droit, Frank Underwood. Ce dernier semble s’ennuyer. Face caméra, il livre cette confidence : «Il y a deux types de vice-présidents : les paillassons et les matadors. Devinez dans quelle catégorie je me situe…» Frank n’envisage ses rapports avec son supérieur que sous l’angle d’un combat pour la pole position. Tout au long de la saison 2, il va d’ailleurs user de nombreux stratagèmes pour lui piquer son poste. s’imposer face à son chef. Le féroce Frank prise les «paillassons», ceux qui vivent dans l’ombre du chef et dont le rôle se cantonne à celui de

superassistant, de faire-valoir ou, pis encore, de bouc émissaire, à sacrifier en cas de coup dur. Lorsqu’on est numéro 2, il faut effectivement réussir à tenir un subtil équilibre. D’un côté, rester dans l’ombre et montrer de l’abnégation ; de l’autre, savoir dire non à votre numéro 1 pour éviter qu’il vous écrase… Tout l’enjeu consistant en définitive à se faire une place au soleil sans effrayer son boss. Pour cela, rien de mieux que de monter au créneau et de se mettre en valeur en s’imposant sur des sujets clés qui ne l’intéressent pas… Si Frank a raison de nous alerter sur les risques de cette fonction, il gagnerait à mettre un peu d’eau dans son vin. D’abord parce que, contrairement à ce

qu’il sous-entend, la position de second n’a rien de méprisable. Elle permet d’observer son chef de très près et de tirer les leçons de ses meilleures pratiques, comme de ses pires erreurs. C’est aussi un moyen de progresser et d’avancer sans être directement exposé. Ensuite, parce que certains individus – qui n’ont ni le talent ni l’envie de devenir calife à la place du calife – apprécient cette place et y excellent. Tout le monde n’est pas, comme Frank, un ambitieux aux dents longues ! En fait, la nature d’un numéro 2 nous en dit beaucoup sur son numéro 1 : un vrai leader n’aura que faire d’une serpillière comme bras droit. Tout comme il aura pris garde à ne pas faire entrer le loup dans la bergerie.

leçon n° 7

L’immobilité dans une carrière est fatale

photos : sony pictures

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ntre Zoe Barnes et Frank Underwood, c’est une histoire d’intérêts communs, de services rendus et d’ambition partagée (de sexe aussi, mais c’est une autre histoire). Lorsqu’une chaîne de télévision recrute la jeune journaliste pour présenter le journal, celle-ci demande à Frank son avis sur cette opportunité professionnelle. Et pour la première fois dans la série, notre redoutable héros va jouer le gentil coach. Il la met en situation – l’émission commence – et l’interroge : Où se trouve-t-elle ? Sur son canapé, chez elle ? Ou en studio ? Que voit-elle ? Qu’entend-elle ?… Quelques questions suffisent pour lui faire prendre conscience qu’elle n’a qu’une

envie : être face à la caméra et devenir la star du JT. Le commentaire de Frank tombe comme un couperet à la fin de leur échange : «Faire du surplace, c’est la même chose que la noyade pour des gens comme vous et moi.» exprimer ses désirs. Nous avons tous connu des moments où nous tournons en rond dans notre boulot, ce qui nous empêche de progresser intellectuellement et d’évoluer hiérarchiquement. Bref, un vide pour nos neurones et notre CV ! Heureusement, l’antihéros de House of Cards est là pour mettre un coup de pied dans la fourmilière de nos habitudes. Il nous rappelle que stagner professionnellement signe

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notre arrêt de mort. Même s’il est un peu excessif, Frank soulève un vrai problème : doit-on se satisfaire d’un nid douillet qui nous sécurise mais nous ennuie ? La réponse n’est, bien sûr, pas si évidente. Changer, OK, mais pour faire quoi ? La peur du changement nous fait alors nous poser nombre de questions ; certaines utiles, d’autres fonctionnant comme autant de freins. En utilisant les techniques de visualisation avec Zoe, Frank la pousse à se libérer de ses angoisses et à se confronter à ses désirs : il lui fait réaliser qu’elle doit sortir de son petit confort. Il agit en cela comme un vrai leader, qui sait placer ses collaborateurs dans une dynamique de succès. I

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UN PATRON / UN CONSEIL ARNAUD DESCHAMPS, DIRECTEUR GÉNÉRAL FRANCE DE NESPRESSO

ALLEZ PIOCHER DES IDÉES DANS D’AUTRES UNIVERS !” PROPOS RECUEILLIS PAR GAËLLE GINIBRIÈRE

@gginibriere

PHOTO : NESPRESSO

N

otre valeur ajoutée repose sur le service. Nous alignons donc le niveau de notre relation clients sur la qualité de nos produits. Dans cette perspective, Nespresso innove à la fois sur le Web, le mobile et en boutiques, et relie ces composantes pour que le service reste fluide. Notre politique d’incentives, par exemple, vise à accroître cette fluidité : plutôt que d’intéresser les employés des boutiques aux seules ventes réalisées en magasin, nous prenons en compte le chiffre d’affaires généré par les clients passés au moins une fois en boutique, même si la vente est finalement enregistrée en ligne.

Nous nous sommes ainsi inspirés du protocole de remise des clés à un acheteur de voiture pour penser l’accueil de nos clients en boutique. Et nous sommes organisés de façon à faire remonter les remarques, qu’elles viennent des boutiques, de Facebook, de Twitter ou de notre numéro vert. C’est par exemple à la demande des clients que nous avons créé en 2011 le libre-service en magasin. Quant à moi, je reste ouvert aux innovations. Lorsque nous avons créé notre circuit de collecte et recyclage des capsules en France (en 2008), j’ai visité une usine de tri sélectif pour mieux comprendre ce que proposaient les équipes.

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Un autre levier est la formation de nos 1 300 salariés. Pour améliorer nos pratiques, nous travaillons avec des experts d’autres secteurs.

UN NESPRESSO PUR JUS Son parcours. Entré chez Nespresso en 1995 après des études de commerce, Arnaud Deschamps est un pur produit maison. Passé par la fonction marketing, puis par le développement commercial, il fait escale dans le plat pays en 2002, comme DG de la filiale Belgilux, puis de celle du Benelux. Après un poste de directeur international de zone, il dirige depuis 2008 la filiale française. Pourquoi il est inspirant. Malgré l’apparition de concurrents, il a su conserver la place de leader sur le marché des dosettes en développant la distribution multicanale : sur les réseaux sociaux, Internet, les applis mobiles et dans les boutiques de la marque, qui génèrent encore 40 % du CA France (NC). Selon Euromonitor International, Nespresso détient 42,6% du marché, loin devant Senseo (12,9%) et Tassimo (8,7%).

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Les divers prix de la relation client auxquels nous concourons nous font, eux aussi, avancer. Ils nous permettent de regarder comment d’autres ont gagné des places. A cet égard, nos références sont moins les autres marques de café que les sociétés qui misent sur la qualité de leur accueil et de leur service : La Poste, la SNCF, Louis Vuitton, etc. Nous sommes toujours à l’affût de bonnes idées. C’est en nous inspirant des distributeurs d’iPod présents dans les Apple Stores que nous avons imaginé le Cube, un distributeur automatique géant de capsules. Enfin, à l’instar des compagnies aériennes qui délivrent les billets sur téléphones mobiles, nous permettrons bientôt aux clients du Cube de commander dès la file d’attente, avec leur smartphone.

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 Le coaching… sans coach p. 97

 Un patron /  un conseil : edouard Provenzani, patron de Pixelis p. 98

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management 2.0 vers la fin des chefs et de la hiérarchie et si les managers étaient voués à disparaître ? Prônant l’autoorganisation et la redistribution permanente des responsabilités, l’holacratie veut en finir avec la hiérarchie et les statuts. Les start-up adorent, mais les grands groupes se font tirer l’oreille. Par eve ysern

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epuis quelques années, on assiste à une lente tombée en disgrâce des managers. Ils ont commencé par perdre leur autorité de statut, ne pouvant plus compter que sur une autorité de compétences. Aujourd’hui, leur utilité même est remise en question. Au sein d’organisations matricielles, digitales et mouvantes, on a en effet tendance à les considérer comme des gêneurs. D’où l’émergence d’une théorie des organisations qui trouve un écho favorable auprès d’un nombre croissant d’entreprises en prônant rien de moins que la mise à mort des chefs. Loin d’être une utopie imaginée par des rêveurs, ce modèle a été pensé et expérimenté par un entrepreneur américain, Brian Robertson. Dès 2001, dans sa société d’édition de logiciels, Ternary Software, il a aplati la pyramide hiérarchique. Il a théorisé son approche sous le nom d’holacratie (du grec holos, qui désigne à la fois le tout et la partie d’un tout – comme un atome ou une cellule vivante – et de kratos, le pouvoir). Son manifeste Organization at the Leading Edge : Introducing Holacracy a été médiatisé en 2007 grâce à un article du Wall Street Journal. Pour Brian Robertson, le système top-down né avec la révolution industrielle et le taylorisme – où l’on distingue la conception et le contrôle (relevant des cadres) de l’exécution (réservée aux salariés) – ne sont plus adaptés

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au monde contemporain. L’holacratie vise à donner le pouvoir de gouvernance à l’organisation elle-même plutôt qu’à certains de ses membres. Ces principes ont été précisés par Didier A. Depireux : distribution d’un pouvoir qui n’appartient plus aux seuls managers, primauté de l’intelligence collective sur les talents isolés, autonomie et responsabilisation valorisées. La nouvelle organisation tend à libérer la motivation de chaque collaborateur, à le pousser à s’engager davantage et à encourager la prise de risques. Mais les détracteurs du système s’interrogent : l’holacratie n’est-elle pas le plus court chemin vers la désorganisation ? organisation par tâches. Bien au contraire, répondent ses partisans ! L’holacratie est un système très organisé. Robertson le compare au corps humain : les employés représentent les cellules, chacune ayant une tâche spécifique tout en étant connectée à l’ensemble. D’où une structure par cercles de projets autoorganisés, pilotés par un manager, garant pour son cercle de l’objectif qui lui a été fixé. Mais l’holacratie refuse l’idée de «manager un jour, manager toujours» ! Les missions sont chaque fois confiées à des acteurs différents, qui ont des «rôles managériaux» à tenir sans pour autant accéder à l’immuable statut. Un même individu peut coiffer différentes casquettes et contribuer à plusieurs cercles en tant

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découvrez le management 2.0

que chef, expert ou associé. Le modèle holacratique présente en outre la particularité d’être évolutif. Des réunions ont lieu régu­ lièrement afin de réexaminer la pertinence des projets et des processus choisis. Aujourd’hui, Brian Robertson promeut sa méthode au sein de HolacracyOne, une société de conseil en management (holacracy.org). Il a déjà séduit de nombreuses entreprises et non des moindres. Parmi les (grosses) start­up américaines à avoir adopté le modèle, citons Medium, la société d’Evan Williams (le cofon­ dateur de Twitter), ou encore Zappos. Le 3 jan­ vier 2014, le pionnier de la vente de chaussures en ligne annonçait la suppression de tous les postes de manager. Selon les dirigeants, le but de la manœuvre est d’empêcher leur société de devenir trop rigide, trop bureaucratique et trop peu maniable. Avec ses 1 500 salariés, Zappos est à ce jour la plus grande entreprise à avoir adopté la déhiérarchisation. collectifs de travail. Si l’approche a séduit de nombreuses start­up et PME, c’est qu’elle se révèle particulièrement bien adaptée aux structures agiles, où les valeurs d’auto­ nomie, de responsabilisation et d’engagement existent déjà. En France, quelques entreprises avant­gardistes se sont lancées. La biscuiterie Poult a ainsi supprimé ses directeurs opéra­ tionnels pour privilégier une organisation structurée autour de collectifs de travail. Agesys, une société de services en informa­ tique, expérimente depuis début 2014 une nouvelle forme de management. Désormais, chaque collaborateur peut devenir responsable de projet, à condition d’être coopté par ses col­ lègues en raison de sa compétence et de sa connaissance du client. Il peut aussi choisir le manager qui va l’accompagner dans son déve­ loppement professionnel. Un type de mana­ gement qui permet, selon Christophe Thuillier,

La déhiérarchisation nierait un aspect essentiel de la nature humaine : la volonté de se battre pour acquérir un meilleur statut social.

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PDG de l’entreprise, de répondre aux attentes de la génération Y, qui veut à la fois prendre du plaisir dans son travail et y trouver du sens. Le modèle semble cependant difficile à appli­ quer aux grandes et très grandes entreprises. Les fameux «cercles de management» ne se compteraient alors plus par dizaines mais par milliers… Le système est tellement cadré et sa démarche qualité si exigeante que les entre­ prises seraient contraintes de se faire accompa­ gner par des sociétés de conseil. Sans oublier que la culture de la hiérarchie est parfois si pro­ fondément enracinée dans ces grandes boîtes qu’il semble compliqué d’y toucher. Imaginez la réaction d’un dirigeant investi dans sa société depuis vingt ans et à qui l’on annoncerait la sup­ pression de tous les postes de managers, dont le sien ! Mais la taille et la culture de l’entreprise ne constituent pas les seuls obstacles… et la compétition ? Certains éléments constitutifs du modèle holacratique le rendent en effet difficilement tenable. Par exemple, la remise en question permanente des objectifs et des moyens peut se révéler usante… Selon Janice Klein, maître de conférences au MIT, des expériences similaires ont déjà eu lieu par le passé, sans qu’aucun avantage significatif ait été observé. D’après elle, l’être humain ne possède pas la discipline requise pour s’auto­ gérer. De plus, selon le coach Harrison Mo­ narth, le modèle de la déhiérarchisation nie­ rait un aspect essentiel de la nature humaine : la volonté de se démarquer et de se battre pour acquérir un meilleur statut social. Enfin, la der­ nière critique que l’on pourrait adresser au mo­ dèle est de n’être pas assez orienté vers le client : les heures passées à réfléchir sur la fa­ çon dont on va s’organiser sont autant de temps que l’on ne passe pas à aider ses clients ! Finalement, une entreprise holacratique fonctionne un peu comme Twitter : tout le monde peut tweeter, des leaders émergent ponctuellement sans que leur domination soit statutaire ni pérenne, et cette hiérarchie se réinvente naturellement, par le simple jeu des compétences des uns et des autres. Comme Twitter, l’holacratie est un concept récent, adapté au digital, à notre environnement mou­ vant et au besoin de sens exprimé par les sala­ riés. Et comme pour Twitter, c’est l’avenir qui nous dira si le modèle est pérenne. I

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crowdconsulting, remue-méninges planétaire Plus réactives et moins gourmandes que les grands cabinets, des nébuleuses d’experts réunis par internet fournissent dans des délais records informations et analyses stratégiques. Les entreprises sont tout ouïe. par Francis lecompte

o 1300

experts et analystes du monde entier contribuent aux prospectives économiques et géopolitiques de Wikistrat. ouvrir la boîte noire

pour les fondateurs du réseau, le conseil partagé en ligne va révolutionner l’industrie en mettant au service du plus grand nombre une bonne partie de la connaissance économique maniée par les consultants.

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sera, osera pas ? Le 27 février 2014, Vladimir Poutine tient le monde en haleine. Son allié ukrainien, Victor Ianoukovitch, a été mis en fuite par le mouvement populaire Euromaï-dan. Mais, aux yeux du président russe, le nouveau gouvernement, proeuropéen, n’a aucune légitimité. D’importants mouvements de troupes sont signalés en Crimée, autour de la base militaire russe de Sébastopol. Pourtant, la communauté internationale tout comme les experts du renseignement américain se refusent encore à croire que Moscou déploiera ses forces armées dans cette république autonome, rattachée à l’Ukraine en 1992. Le lendemain, Poutine déclare vouloir «éviter l’escalade», mais des hommes en armes prennent le contrôle de l’aéroport de la capitale, Simferopol. Et, le 1er mars, le Premier ministre de Crimée demande officiellement le soutien militaire de la Russie, début du processus de «normalisation» et du retour de la petite république dans le camp russe.

des sources multiples

A la stupéfaction générale ? Pas tout à fait. Joel Zamel, expert australien en géopolitique, ne manque pas de rappeler que, plus d’un mois avant cette annexion, son association d’analystes avait pronostiqué que la crise de Crimée se conclurait par une intervention russe et qu’un mouvement séparatiste prorusse verrait le jour en Ukraine. Quel est ce mystérieux

groupe capable de tant de clairvoyance ? Un réseau social créé en 2009 en Australie, puis déployé aux Etats-Unis et baptisé Wikistrat. Strat pour stratégie, Wiki pour l’idée de contribution collective née avec Internet. Au contraire de l’encyclopédie Wikipédia, où tout un chacun peut apporter ses connaissances, les 1 300 contributeurs de Wikistrat sont sélectionnés parmi des experts reconnus, des universitaires, des consultants… Et ils ne cogitent qu’à la demande, pour tenter d’anticiper l’évolution de la situation militaire au MoyenOrient ou les conséquences économiques d’un changement de régime politique. Quid d’un Royaume-Uni amputé de l’Ecosse ? se sont-ils par exemple interrogés à la fin de l’été 2014. Pour chaque dossier, tous les membres du réseau peuvent participer au brainstorming planétaire qui se déclenche via Internet. Et pas question de s’appuyer exclusivement sur le spécialiste en vue du monde anglo-saxon ou celui de la microbiologie. Wikistrat est convaincu que, pour échafauder des prévisions réalistes, il faut capter des informations et des analyses tirées du plus grand nombre de sources possible, elles-mêmes connectées à tous les domaines de l’activité humaine.

réflexion collective

Accumuler les données et diversifier les points de vue, c’est l’ambition d’un nombre croissant de chercheurs. Au CNRS, comme dans tous les grands laboratoires du monde, le recours au

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«crowdsourcing» permet de démultiplier les sources de données, mais aussi d’accélérer leur traitement et leur analyse. Et le monde du business, déjà converti au crowdfunding pour renouveler les sources d’investissement, est en train de découvrir le crowdconsulting. Car les têtes pensantes de Wikistrat n’ont pas tardé à intéresser les grandes entreprises. La multiplication des imprimantes 3D remetelle en cause l’équilibre économique des industries du textile ? L’état des classes moyennes pourra-t-il encore justifier, en 2033, le modèle de la consommation de masse ? Selon les animateurs de Wikistrat, seule la méthode du crowdsourcing peut proposer des réponses crédibles à ce type d’interrogations. Quelques arguments simples plaident en leur faveur. La rapidité, d’abord. En quelques clics, des dizaines de cerveaux entrent dans la danse. Impossible d’imaginer une telle réactivité au sein d’une organisation instituée, a fortiori à l’échelle d’un individu, fût-il le plus brillant des penseurs. Un avantage qui parle aux chefs d’entreprise, qui n’ont pas à attendre des mois pour obtenir des réponses et en profitent pour réduire leur budget conseil de 20 à 30%. «Pensez à l’organisation bureaucratique des cabinets de conseil traditionnels, souligne Joel Zamel dans ses conférences. Elle étouffe la réflexion collective, donc la pertinence des scénarios élaborés.»

soutien dans la durée

Autre travers du conseil, la complaisance. «On a tendance à dire au client ce qu’il souhaite entendre», reconnaît un consultant senior, fort de vingt ans d’expérience dans un grand cabinet de conseil international. Même le boss de la CIA n’a sans doute pas envie de prévenir le président Obama que la Russie va provoquer un conflit avec l’Ukraine… D’autant qu’il y a un statut à justifier. Les Deloitte, McKinsey et autres géants du consulting doivent préserver leur image. Ils tendent donc à établir des scénarios censés garantir leur sérieux, mais qui ne collent pas forcément avec la réalité. Des «solutions toutes faites» que refuse Nathalie Vincent, fondatrice associée d’Open Mind, jeune société de conseil qui cherche justement à favoriser les échanges d’expériences à travers l’animation d’une communauté de dirigeants. «Nous sommes davantage dans l’accompagnement et la proximité avec les entre-

En quelques clics, des dizaines de cerveaux entrent dans la danse…

prises. Cela suppose du dialogue et du partage.» Ici, pas de facturation du conseil à l’heure, mais des abonnements et un soutien dans la durée. Start-up française née en 2011, IdeXlab a, de son côté, lancé une approche plus technologique de cette démarche participative. Elle a mis au point ses propres moteurs de recherche pour rendre accessible aux directeurs d’innovation et aux responsables R & D l’essentiel des connaissances et recherches scientifiques dans le monde. Exemple : un développeur cherche une solution de cryptologie pour créer une application autour d’objets connectés. En quelques heures, IdeXlab sélectionne dans sa base de données les meilleures informations publiées sur le sujet, identifie les experts reconnus et les moyens de les contacter. Le cas échéant, le moteur de recherche peut détecter les solutions protégées par des brevets et indiquer à quelles conditions ceux-ci pourraient être utilisés. «Même dans des groupes comme Airbus ou Thales, ce type de recherche prendrait des semaines, explique Pierre Bonnard, cofondateur d’IdeX-lab. Grâce à nos algorithmes, nous pouvons apporter à ces entreprises, abonnées à nos services, des réponses en quarante-huit heures.» Le tarif démarre à 5 000 euros par question, un prix abordable pour des PME qui ne peuvent s’offrir un cabinet de consultants.

résistances internes

L’anticipation et l’innovation en un clic, on n’en est plus très éloigné. Mais il faut savoir en user avec doigté. Comme le souligne Hervé Garnousset, ex-DG de Fujitsu France reconverti dans le conseil, « ces informations qui arrivent de partout obligent à développer les produits autrement : il faut intégrer toutes ces données, mais en montant des systèmes qui restent simples, efficaces, intuitifs. Car il ne faut jamais perdre de vue les besoins des clients». Ni oublier qu’une contribution extérieure risque fort de provoquer des résistances en interne. Managers, rassurez-vous, même dans ce monde de l’intelligence connectée, vous avez encore votre mot à dire. I

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PhilosoPhes : Des consultants très DemanDés Les philosophes font irruption dans les entreprises. et loin de se cantonner à la théorie et au concept, ils proposent aux managers une démarche opérationnelle. Par Fabien trécourt

l 5 000

euros et plus. C’est le prix moyen d’une conférence en entreprise pour des stars de la philo telles que Luc Ferry ou michel serres. objectif :

se nourrir de la réflexion des penseurs.

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@Fabientrecourt

es «amoureux de la sagesse» – du grec philein (aimer) et sophia (sagesse) – ont la cote en entreprise. Alexis Douay – qui dirige une agence de placement d’experts, Entourages Conseil – constate depuis quelques années une demande accrue pour les conférenciers-philosophes : «Les managers jettent un regard neuf sur cette discipline car elle leur permet de nourrir une réflexion sur des questions qui les préoccupent de plus en plus.» Peuton humaniser le travail ? Le développement durable doit-il primer sur des bénéfices immédiats ? Le capitalisme est-il moral ? Autant d’interrogations dans l’air du temps. «Après les attentats de janvier 2015, de nombreux patrons ont aussi interpellé des philosophes sur la laïcité», remarque Isabelle Barth, directrice de l’EM Strasbourg. Avec en toile de fond les problématiques de liberté de culte dans l’entreprise et de management interculturel. «La philosophie peut aider les managers à prendre du recul sur leurs pratiques et à gérer les situations de conflit», assure Isabelle Barth. Le format le plus fréquent reste celui de la conférence, soit à l’attention d’un petit groupe de cadres, soit pour toute l’entreprise. Des stars de la discipline, comme Luc Ferry ou André Comte-Sponville, font ainsi un cours magistral sur le sens du travail, l’épanouissement personnel, le bonheur ou encore la motivation. «Je ne propose pas forcément d’applications pratiques, explique le philosophe Charles Pépin, également conférencier. Les managers font

eux-mêmes le lien avec leurs problématiques et leur vécu. Je les aide à faire la synthèse. Car s’ils sont évidemment capables de penser seuls, ils n’en ont juste plus le temps !» Et Philippe Nassif, coauteur de Pop Philosophie (Denoël), d’ajouter : «Quand les portables ne cessent de sonner et que les dossiers s’accumulent, un peu de philosophie leur permet de faire une pause intellectuelle et culturelle, et de mettre de l’ordre dans leurs idées.» Ce philosophe-consultant définit d’ailleurs la philosophie comme «la clarification d’un savoir détenu par tous». Les conférences peuvent ainsi aider les managers à reconsidérer leurs pratiques et à trouver de nouvelles ressources en eux-mêmes, sans forcément proposer des outils clé en main.

gagner en maturité

Certains formats sont cependant plus directifs : des «philosophes praticiens» mettent en place des ateliers en collaboration avec les ressources humaines – une démarche qui tend alors vers le développement personnel ou le coaching. Philosophe et diplômé d’une école de commerce, Jérôme Lecoq se propose de jouer les Socrates au sein des équipes : tous les collaborateurs s’installent autour d’une table et répondent à ses questions sur un thème donné. Le philosophe pilote les échanges, incitant les participants à pousser plus loin la réflexion. «L’exercice est éprouvant, car chacun se retrouve face à lui-même et à l’image qu’il renvoie aux autres», prévient Jérôme Lecoq, auteur de La Pratique philosophique (Eyrolles).

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Cette démarche permet aux équipes de gagner en maturité et en lucidité. «Cet atelier nous a fait prendre conscience de mauvaises habitudes de travail», confirme Céline, responsable de dé­ veloppement dans le secteur financier. Pour répondre à la demande, de plus en plus de philosophes montent leur société de conseil. Counseling Philosophie, qui a reçu le prix 2013 de l’Innovation au concours Jeunes Entrepre­ neurs de Lyon, intervient ainsi dans l’un des plus grands centres hospitaliers de l’agglomé­ ration, Le Vinatier. «Nous formons les cadres pendant deux à trois ans pour forger une iden­ tité collective», explique Laura Lange, cofon­ datrice de ce cabinet. Ils y apprennent, par exemple, à mieux définir les mots utilisés au quotidien, en s’assurant qu’ils ont le même sens pour tous. Une démarche particulièrement utile après une fusion. L’agence Thaé a ainsi aidé les collaborateurs de SNCF Infra et de Réseau ferré de France – regroupés en jan­ vier 2015 – à se retrouver autour de valeurs communes. «Si vous utilisez un mot valise tel que “performance” sans jamais le définir, vous aurez des problèmes de communication en bout de chaîne», prévient Flora Bernard, présidente de Thaé. Or quelle discipline s’as­ treint en permanence à définir ses concepts, sinon, justement, la philosophie ?

préciser les objectifs

Contrairement à une idée reçue, en effet, les philosophes se révèlent souvent moins fumeux que bien des consultants : ils s’appuient sur de grands concepts et donnent de nombreux exemples. «C’est du solide», s’enthousiasme Patricia Delon, directrice du département com­ mercial de la RATP, qui a ainsi redécouvert la philosophie comme «méthode opérationnelle». Elle a sollicité Thaé, au nom de l’association Grandes Ecoles au féminin, pour préparer une enquête d’opinion sur la place des femmes dans l’entreprise. «L’approche philosophique nous a aidées à préciser notre objectif et à l’asseoir sur des arguments rationnels.» «Rien ne sert de courir, il faut partir à point», rappelle la fable du lièvre et de la tortue. En nous incitant à commencer par prendre le temps de la réflexion, le philosophe nous permet d’avancer avec constance sur la bonne voie. «Cette approche fait gagner du temps», assure Nicolas Crabot, fondateur de l’agence de

les philosophes se révèlent souvent moins fumeux que bien des consultants… communication Mindded, qui a mandaté le philosophe Olivier Bobineau lors d’une mission pour la SNCF. «Nous voulions encourager la bienveillance entre voisins le temps du voyage», explique­t­il. Olivier Bobineau leur a expliqué comment fonctionnaient les liens éphémères. La réflexion a contribué à la définition du pro­ gramme Voisins à bord. «J’ai travaillé des an­ nées sur le fait religieux, la construction iden­ titaire ou les politiques d’intégration. Je peux donner des clés aux entreprises en matière de management interculturel ou de diversification des équipes», affirme Olivier Bobineau, qui a fondé son cabinet de conseil, The Olive Branch. La philosophie a aussi infiltré les murs de certaines écoles de commerce, comme HEC, l’Inseec ou l’EM Strasbourg. «Cela apporte à des profils de commerciaux ou de gestion­ naires une souplesse intellectuelle essentielle : l’aptitude à penser plusieurs possibles en mê­ me temps et à jongler avec les approches théo­ riques», résume Emmanuel d’Hombres, ensei­ gnant­chercheur et responsable du master Philosophie et management à l’Université catholique de Lyon. Comme le résumait le général de Gaulle : «Au fond des victoires d’Alexandre, on retrouve toujours Aristote.» I

Les conférenciers font leur show Les philosophes ne sont pas les seuls experts à intervenir en entreprise ! voici trois autres catégories très demandées. Les sportifs. sélectionneur de l’équipe de France de handball, cinq fois championne du monde, thierry onesta donne des conférences sur la gestion du collectif

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et sur la performance durable. aimé Jacquet et Bernard Laporte sont également très sollicités. Les chefs. thierry marx, l’un des cuistots les plus créatifs du moment, intervient sur le thème de l’innovation, mais aussi sur celui du management. Car une équipe de cuisine, c’est toute une organisation ! autres conférenciers

toqués : Pierre gagnaire et Philippe etchebest. Les aventuriers. L’explorateur du grand nord nicolas Vanier, l’apnéiste guillaume nery et le spationaute Patrick Baudry connaissent mieux que quiconque les enjeux du dépassement de soi et de la prise de risques. et ils savent en parler. alors, pourquoi s’en priver ?

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Fini l’autoritarisme, bonjour L’inteLLigence coLLective ! L’organisation pyramidale a-t-elle fait son temps ? Pour renouer avec la performance, certains dirigeants adoptent un nouveau mode de fonctionnement qui encourage la responsabilisation de chacun. et ils obtiennent des résultats convaincants. Par christine halary

P 26% des salariés

en France déclarent souffrir de stress chronique. C’est l’un des taux les plus élevés d’europe. En causE, un manque de reconnaissance de l’individu, de ses résultats, de son engagement et de ses compétences. Source : Better Human Cie (2011-2013).

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@Chhalary

ied de nez à la traditionnelle SARL (société à responsabilité limitée), Probionov, implantée à Aurillac, dans le Cantal, depuis soixante ans, se définit désormais comme une Sara, une société à responsabilité augmentée. Comprenez : une entreprise dont les quelque 100 salariés sont pleinement impliqués dans leurs tâches. Stanislas Desjonquères, qui di­ rige cette PME spécialisée dans la recherche et la fabrication de probiotiques pour l’indus­ trie pharmaceutique, a entrepris de révolu­ tionner le mode de management. Misant sur l’intelligence collective, ce patron a gommé tous les signes d’injustice ou de défiance (comme les fournitures de bureau sous clé) et a proscrit les tâches absurdes et improduc­ tives, identifiées en interne sous la dénomi­ nation 5C : «C’est con mais c’est comme ça.» Pour instaurer l’autocontrôle et favoriser l’autonomie, le dirigeant a aussi supprimé le middle management et dissous son comité de direction. Probionov commence à récolter les fruits de cette démarche, avec un regain d’initiatives à tous les niveaux. A l’usine, par exemple, les machines qui étaient souvent en panne ne le restent pas longtemps : lorsqu’un problème survient, les ouvriers le gèrent.

EntrEprisEs libéréEs

Sta nislas Desjonquères, qui fréquente les cercles de l’Association progrès du manage­ ment (APM), a choisi le modèle de «l’entreprise libérée», théorisé par Isaac Getz et Brian M.

Carney dans leur ouvrage Liberté & Cie (Fayard). Des principes déjà appliqués avec succès dans les années 1980 par Jean­François Zobrist, qui en fut l’un des précurseurs en France quand il dirigeait la fonderie Favi. Le retraité en fait aujourd’hui l’apologie dans les nombreuses conférences qu’il anime sur le sujet. Une utopie défendue par quelques philan­ thropes ? Pas vraiment. «Les entreprises qui adoptent cette démarche “surperforment”. Les salariés y sont davantage impliqués, élevant eux­mêmes leur niveau d’exigence», observe le patron de Probionov. Illustration avec inov­ On, un petit groupe nantais de 300 salariés qui rassemble des activités aussi diverses que le dépannage de flexibles hydrau liques et le conseil en communication : moribond en 2009, au plus fort de la crise, il a fait en 2013 sa meilleure année, en dépit d’un marché resté morose, avec un chiffre d’affaires en hausse de 15% et une rentabilité multipliée par quatre. Même constat à la biscuiterie Poult, dont les équipes, depuis peu, s’auto­organisent : elle a enregistré une croissance de 13% en 2013 sur un marché en recul de 2%. Si bien que la pe­ tite centaine d’«entreprises libérées» repérées à ce jour dans le monde par Isaac Getz, docteur en management et professeur à l’ESCP Europe, fait des émules. Des groupes comme Michelin, Auchan ou Kiabi s’intéressent sérieusement à ces nouveaux modèles et commencent même à en appliquer certains préceptes. Ce mouve­ ment sonnerait­il le glas du management py­ ramidal hérité du taylorisme ? Il serait temps,

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on l’annonce quand même depuis les années 1950 ! Le psychosociologue américain Douglas McGregor, issu du courant humaniste et auteur de la théorie des X et des Y, avait alors prédit, à échéance de dix ans, la fin des entreprises orga nisées sur le modèle X, alors hégémo­ nique. Ce dernier partait du postulat que l’être humain n’aimait pas le travail. Et qu’il fallait par conséquent manier la carotte et le bâton afin de pousser les salariés à l’effort. Quant au modèle Y, dont McGregor an nonçait l’avè­ nement imminent, il considérait les salariés comme des individus motivés par le désir de s’accomplir et de progresser dans l’exercice de leurs responsabilités. Des collaborateurs qu’il était donc préférable de laisser s’orga­ niser par eux­mêmes, le rôle du patron se li­ mitant alors à donner une vision.

fin de cycle

L’histoire pourrait donner raison à McGregor… avec un demi­siècle de retard. «A la différence des années 1970, les entrepri ses n’ont au­ jourd’hui plus les moyens d’assumer les coûts cachés (absentéisme, turnover, démotiva­ tion…) d’un type d’organisation fondé sur la méfiance et le contrôle», analyse Isaac Getz. «La tyrannie du reporting», pour reprendre les mots du psychiatre Eric Albert, fondateur de l’Institut français d’action sur le stress (Ifas) dans Partager le pouvoir, c’est possible (Albin Michel), a en particulier un effet délétère sur l’implication des individus. Le baromètre 2014 de l’observatoire Cegos sur le climat social dans l’entreprise souligne ainsi une brutale dé­ gradation, après des années de lente érosion : seuls 45% des salariés se déclarent motivés par leur travail, contre 58% en 2013. L’étude souligne également qu’en cas d’insa­ tisfaction la plupart des collaborateurs préfére­ ront adopter une attitude de soumission straté­ gique, plutôt que de provoquer une discussion franche avec leur manager. Mais ils sont alors 42% à poursuivre leur activité en levant le pied. «En obligeant les individus à travailler selon des règles, des normes et des processus, les entre­ prises se privent de l’intelligence humaine», renchérit Florence Bénichoux, cofondatrice du cabinet de conseil en capital humain Better Human Cie, auteure de Et si on travaillait autrement ? (Eyrolles). Plutôt que de parler de faillite d’un modèle managérial, Eric Albert préfère

Une organisation fondée sur le contrôle et la méfiance nuit à l’implication des individus.

dire que nous arrivons au bout d’un cycle sous la pression de deux facteurs. L’avènement du numérique, d’abord, qui a radicalement changé le jeu relationnel dans la société. «C’est sans doute la première fois que l’entreprise doit s’adap­ ter à la société et non l’inverse», observe le psy­ chiatre. Ensuite, l’excès de financiarisation de l’économie et son corollaire, le cost killing, ont creusé à l’extrême les divergences d’intérêts entre les salariés et leur direction. «Pour répondre aux impératifs d’innovation et attirer, ou retenir, les talents, les entreprises n’auront bientôt plus d’autre choix que de changer leur organisation», prédit­il. Comment ? «En redonnant de la latitude et de la proximité, donc de l’agilité», explique David Guillocheau, à la tête de la société de conseil Talentys, qui cite en exemple le revirement de Carrefour. Depuis mi­2012, le nouveau patron de l’enseigne, Georges Plassat, a redonné de l’autonomie aux directeurs des magasins, supprimant près de 600 postes administratifs au siège.

briser le silence

La France, championne du management auto­ cratique (lire page suivante), aura peut­être plus de mal que d’autres pays à changer de modèle. De fait, le premier blocage vient de l’équipe de direction. La coach Laurence Ba­ ranski, auteure du Manager éclairé (Eyrolles), le confirme : «Lorsqu’on propose à un comité exécutif d’encourager l’intelligence collective, en général seul un tiers des membres est con­ vaincu. Un autre tiers en comprend les prin­ cipes mais n’en voit pas l’intérêt. Quant au dernier, il est ouvertement sceptique.» Cette crispation sur le pouvoir est non pas une ques­ tion d’âge mais de cheminement personnel. Avant de changer son organisation, Florence Bénichoux, qui a mis au point la démarche HQH (haute qualité humaine) fondée sur l’autonomie, le lien et la confiance, préconise de faire un diagnostic du climat dans l’entre­ prise. «Cela peut aider à briser le silence», témoigne Krisja Vermeylen. Ayant elle­même expérimenté cette démarche lorsqu’elle

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pilotait l’une des filiales françaises (350 salariés) du danois Novo Nordisk, spécialisé dans le diabète, elle avait été surprise par la véhémence des salariés, qui n’avaient pas hésité à dénoncer un excès de contrôle et un manque de soutien des managers. Autre conseil : ne confondez pas bien-être et bonheur au travail. «Plutôt que de proposer des services (cours de yoga, pose de vernis, table de ping-pong…) que les salariés ne réclament pas, ciblez leurs besoins psychologiques, comme le besoin de confiance ou de liberté», recommande Isaac Getz. Et abstenez-vous de multiplier les beaux discours : il faut agir sans le dire, simplement en montrant l’exemple. «La

transformation ne se décrète pas. Elle s’opère de façon organique, confirme David Guillocheau. Le dirigeant donne l’impulsion et laisse le corps social s’approprier l’autonomie.» Les conditions pour que ça marche ? Accompagner ceux qui souhaitent prendre des initiatives dans le développement de leurs compétences. Et réorienter les managers à qui l’on retire leur mission de contrôle vers des tâches productives. Il s’agit non pas de changer les individus, mais de libérer leurs talents. Une démarche qui n’est pas si coûteuse mais exige du temps. «Deux ans au minimum pour faire bouger les lignes», estime Florence Bénichoux. Une affaire de persévérance. I

en france, le chef reste celui qui a toujours raison Piètre danseur, vineet nayar, le Pdg de hclt, l’un des fleurons indiens des services informatiques, n’hésite pas à esquisser quelques entrechats maladroits devant ses collaborateurs. une façon amusante d’affirmer qu’un chef n’a pas toutes les compétences et que les aptitudes de chacun méritent d’être sollicitées. Dans les quatre typologies de managers proposées par le cabinet Better human cie (ci-dessous), ce patron appartient à la catégorie des motivants. D’ailleurs, quatre

ans après la mise en œuvre de ce style de management, hclt a triplé ses recettes et la satisfaction de ses salariés a augmenté de 70%. mais le management collaboratif peine à s’imposer en France. selon l’étude du linguiste britannique richard D. lewis, notre pays serait même l’un des derniers au monde, avec l’indonésie, à appliquer un mode de management autocratique. «un problème culturel, décrypte Florence Bénichoux. nos élites sont formées selon un modèle où le chef a toujours raison.»

manager motivant

exigence

manager autoritaire

e style de management est dit «d’expert», car c il est souvent pratiqué par d’excellents techniciens ayant été promus managers sans avoir été formés à la fonction. c’est aujourd’hui encore le modèle dominant dans l’hexagone.

i l s’intéresse vraiment aux hommes qu’il manage. c’est le leader qui partage des valeurs, a une vision, stimule ses équipes et donne du sens au travail, à l’image du chinois jack ma, président d'alibaba group, surnommé «crazy jack».

bienveillance

manager laxiste

source taBleau : Better human cie

i l veut se faire aimer de ses équipes en jouant au copain. l’ambiance est détendue, pas de risque de se sentir sous pression. en revanche, cela ne tire pas les salariés vers le haut. un profil courant chez les jeunes qui n’ont pas encore acquis assez d’expérience.

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manager Paternaliste

e type de comportement, parfois considéré c comme infantilisant, fonctionne très bien dans certains pays ou certaines structures. mais, à l’heure où les entreprises ne peuvent plus se permettre un faible niveau d’exigence, il tend à disparaître.

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le coaching… sans coach importé du Quebec, le codéveloppement mise sur l’échange d’expériences entre pairs pour améliorer les pratiques. Par muriel Jaouën

S

iemens, Orange, PSA, Air France, MMA ou encore le ministère de l’Environnement ont choisi de le déployer : le codéveloppement professionnel trouve un écho grandissant dans les entreprises. Importée du Québec, cette méthode bouleverse l’approche classique de la formation continue : pas de formateur attitré, pas de contenus programmés, pas de savoirs théoriques. «Il s’agit d’un apprentissage construit entre pairs, en réponse aux difficultés pratiques que chacun peut rencontrer dans son travail», explique Xavier Tedeschi, fondateur du cabinet de conseil Latitude RH. Aucune thématique n’est donc imposée aux participants. Ce qui n’empêche pas le respect de certaines règles. Un groupe de «codév» comprend au maximum une dizaine de personnes exerçant le même métier ou occupant une fonction identique. Il se réunit chaque mois, autant de fois qu’il compte de membres (un projet s’étale sur six mois s’il implique six personnes). Et ce, hors de tout rapport d’autorité. Un participant (le «client») expose sa problématique aux autres (les «consultants»). Chaque séance s’articule autour de six séquences : énoncé de la problématique, questions, formulation précise de la question, suggestions, plan d’action réalisable à court terme et enfin échange d’expériences. Chaque réunion est guidée par un animateur formé au codéveloppement (une prestation de qualité est facturée environ 2 000 euros). «On cherche autant à résoudre des problèmes qu’à développer chez les managers une posture d’écoute et de questionnement», explique Bernard Lévêque, directeur du développement de l’intelligence collective chez l’assureur Covéa. Il a lancé ses premiers groupes de «codév» en 2008. «Dans

le contexte de la fusion entre MMA et Azur, poursuit-il, nous voulions prévenir les mouvements de repli sur soi et encourager la dynamique collective.» Covéa a ciblé en priorité les managers de proximité, pivots du changement et de l’intégration. A ce jour, plus de 700 collaborateurs ont suivi ce parcours.

s’approprier le changement

Le codéveloppement permet ainsi de passer d’une logique d’accompagnement du changement à une logique d’appropriation. En 2014, le groupe Solocal (ex-Pages Jaunes) a revu entièrement les contrats de ses 2 000 commerciaux. En moins de dix ans, le modèle de l’entreprise s’est en effet trouvé bouleversé, 75% du chiffre d’affaires étant désormais réalisé par l’activité numérique… Solocal a mis sur pied 23 groupes de codéveloppement réunissant 180 managers commerciaux. «Nous montons d’abord des séminaires d’un ou deux jours pour présenter le concept. C’est chronophage, mais indispensable», explique Julien Veyrier, DRH. Car la démarche repose sur le volontariat réfléchi des participants. «Une réunion de codéveloppement n’est pas un exercice anodin. On s’y met à nu. Il ne faut pas craindre de montrer ses incompétences, d’accorder sa confiance», souligne Xavier Tedeschi. Autant de prérequis qui pourraient encourager des pratiques déviantes. «Le codéveloppement n’est pas du coaching collectif. Pas question de mettre des gens autour d’une table sans précautions, et de leur demander ce qu’ils pensent les uns des autres. Cela pourrait être destructeur», insiste Fabien Rodhain, fondateur de Codéveloppement Academy. Pour éviter les dérives, il travaille à la constitution d’une communauté d’animateurs accrédités. I

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les 3 clés du codév

C’est au contact des autres et à l’épreuve des difficultés qu’on progresse. Ce sont ceux qui vivent les situations qui en parlent le mieux. C’est en se nourrissant de l’expérience de ses pairs qu’on apprend à surmonter ses difficultés.

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UN PATRON / UN CONSEIL ÉDOUARD PROVENZANI, PATRON DE PIXELIS (DESIGN ET COMMUNICATION)

LES MÉTIERS MONOTÂCHES, C’EST FINI. TOUS EN MODE PROJETS !” PROPOS RECUEILLIS PAR FRANCIS LECOMPTE

PHOTO : PIXELIS

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ans les prochaines années, nous devrons conduire le changement vers un monde digitalisé, mais aussi être à l’écoute des évolutions de la société. C’est pour cela que j’ai suivi des formations à l’Institut des futurs souhaitables – si on me parle de transhumanisme, je veux savoir de quoi il retourne – et que je tente de comprendre comment les entreprises, mes clients, se transforment. En ce moment, j’observe avec quelles difficultés l’industrie, qui s’est développée sur une culture du zéro défaut, essaie de faire une place à la notion d’erreur. Si on veut innover, il est normal de se tromper. En tant que manager, il nous faudra capter toutes les idées et canaliser les individualités dont nous serons

UN PATRON “NEW SCHOOL” Son parcours. Après différentes collaborations avec des agences de design, Edouard Provenzani lance Pixelis en septembre 1995, à 29 ans. Son credo : les frontières entre les métiers du design et de la communication sont poreuses, les compétences des uns et des autres pouvant s’enrichir mutuellement. Pourquoi il est inspirant. Au sein de son agence (8,8 millions d’euros de chiffres d'affaires en 2014), il recrute des talents de tous horizons et privilégie le collectif. Et s’engage au quotidien en faveur de la Responsabilité sociétale de l’entreprise : hiérarchie simplifiée à trois niveaux, 75% des embauches réalisées à travers un jury égalitaire, bureaux repensés pour favoriser la convivialité. Tous les six mois, les 75 collaborateurs de l’agence sont invités à s’exprimer sur leur bien-être au travail, puis à assister à la restitution des résultats pour identifier les axes de progrès.

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entourés. Les jeunes veulent de l’optimisme, de l’action ! Ils demandent aussi qu’on les écoute, qu’on soit proche d’eux. Ce n’est pas toujours facile à encaisser pour le manager. Et puisque beaucoup d’entre eux rêvent de créer leur boîte, mon rôle de patron nouvelle école, c’est de les épauler.

ENCOURAGER l’autonomie

On peut bien sûr aider les plus jeunes à se former, mais aussi prendre des parts dans leur société. Et ensuite, se partager les clients – c’est une autre approche de la fidélisation et de la concurrence. Le manager de demain encourage l’autonomie de ses collaborateurs, favorise leur poly valence et s’attache à valoriser l’intelligence collective plutôt qu’une organisation pyramidale.

S’OUVRIR à la création

On cherche désormais des gens ouverts à des méthodes de travail et de création plutôt que des compétences. Je ne définis pas précisément la fonction de mes collaborateurs. C’est à eux de construire le périmètre de leur job. Les métiers monotâches, c’est fini ! Même s’il y a toujours des comptables et des commerciaux. Je vais mettre de plus en plus l’agence en mode projets, sans postes fixes.

NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2015 HORS-SÉRIE MANAGEMENT


Tétraplégique à 16 ans : le parcours d’un homme déterminé L’histoire vraie, sans secret ni tabou, d’une renaissance éclatante.

À 16 ans, Alexandre Bodart Pinto, tête brûlée, brise son corps et sa vie en tentant d’atteindre les 200 km/h à moto. Lorsqu’il se réveille à l’hôpital, il est paralysé. Refusant cette fatalité, il s’acharne à faire de sa rééducation une réussite, et finit par se lancer dans le monde de la nuit, loin des stéréotypes du handicap. Le jeune entrepreneur connaît un succès rapide, et qu’importe si cela attire des personnages troubles, la fête est au rendez-vous ! Jusqu’au jour où un nouveau drame le pousse à reprendre sa vie en main…

« Que d’émotion dans ce témoignage ! » Philippe POZZO DI BORGO (Intouchables)

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