TAPA. DE L'ÉCORCE À L'ÉTOFFE, ART MILLÉNAIRE D'OCÉANIE (extrait)

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DE L’ÉCORCE À L’ÉTOFFE, ART MILLÉNAIRE D’OCÉANIE de l’Asie du Sud-Est à la Polynésie orientale

FROM TREE BARK TO CLOTH: AN ANCIENT ART OF OCEANIA From Southeast Asia to Eastern Polynesia


© Somogy éditions d’art, Paris, 2017 © Association TAPA, Tahiti, 2017 Coédition Association TAPA, Somogy Avec le soutien financier du Fonds Pacifique, du ministère de la Culture, de l’Environnement, de l’Artisanat, de l’Énergie et des Mines, en charge de la Promotion des langues et de la Communication de la Polynésie française, du ministère de la Culture et de la Communication (Paris), de Air Tahiti Nui et de la Communauté de communes des îles Marquises (CODIM). Partenaires : Musée de Tahiti et des Îles – Te Fare Manaha, Tahiti, et Délégation de Wallis-et-Futuna en Polynésie française, Tahiti. Directeur de la publication : Michel Charleux Ethnoarchéologue, membre de l’UMR7041 ArScAn, Président fondateur de l’Association TAPA, Tahiti Comité scientifique de lecture : Hélène Guiot, ethnoarchéologue, UMR PALOC (MNHN-IRD), Paris, France Fanny Wonu Veys, conservateur du département Océanie du Nationaal Museum van Wereldculturen, Leiden, Pays-Bas Michel Charleux, Tahiti, Polynésie française

Les opinions exprimées dans les articles n’engagent que leur(s) auteur(s). L’ouvrage est protégé par des copyrights. La reproduction des textes et documents par quelque moyen que ce soit est rigoureusement interdite. Seule la reproduction partielle à des fins pédagogiques est autorisée. Pour citer cet ouvrage/To quote this book : Charleux M. (ed.), Tapa, de l’écorce à l’étoffe, art millénaire d’Océanie. De l’Asie du Sud-Est à la Polynésie orientale/ Tapa, From Tree Bark to Cloth, An Ancient Art of Oceania. From Southeast Asia to Eastern Polynesia, Paris, Somogy-TAPA Ed., 2017, 600 pages. Pour citer un article de cet ouvrage, merci de suivre le modèle/ To quote a paper from this book, please follow the model : Butaud J.-F., 2016, « Les plantes à tapa de Polynésie orientale », in Charleux M. (ed.), Tapa, de l’écorce à l’étoffe, art millénaire d’Océanie. De l’Asie du Sud-Est à la Polynésie orientale/ Tapa, From Tree Bark to Cloth, An Ancient Art of Oceania. From Southeast Asia to Eastern Polynesia, Paris, Somogy-TAPA Ed., 2017, p. xx-xx.

Ministère de la Culture, de l’Environnement, de l’Artisanat, de l’Energie et des Mines, en charge de la promotion des langues et de la communication.

Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Directeur éditorial : Nicolas Neumann Chargée des coéditions : Véronique Balmelle Conception graphique : Arnaud Roussel Fabrication : Béatrice Bourgerie, Mélanie Le Gros Traductions du français vers l’anglais : Adam Rickards Traduction de l’anglais vers le français : Manuel Benguigui Suivi éditorial : Clarisse Robert ISBN 978-2-7572-1209-7 Dépôt légal : juillet 2017 Imprimé en Union européenne

Pages de garde : Détail du tiputa en tapa à motifs floraux des îles de la Société, fin XVIIIe - début XIXe siècle. © Collection du Musée de Tahiti et des Îles – Te Fare Manaha, photo Ph. Bacchet

REMERCIEMENTS - ACKNOWLEDGEMENTS Le directeur de la publication tient à remercier les auteurs, le directeur et l’équipe du Centre des Métiers d’Art de la Polynésie française, les artistes et les artisans sans la confiance et la contribution desquels cet ouvrage n’aurait pas vu le jour. Il tient aussi à exprimer sa plus profonde gratitude au gouvernement de la Polynésie française, et tout particulièrement au Président Édouard Fritch et au ministre de la Culture Heremoana Maamaatuaiahutapu, au HautCommissariat de la République, à la compagnie Air Tahiti Nui et aux maires de la CODIM, pour la confiance qu’ils ont bien voulu accorder au projet et les financements dont ils ont permis le déblocage pour que l’ouvrage se réalise. Des remerciements particuliers au comité de lecture scientifique, Hélène Guiot et Wonu Veys, à Alain Brianchon pour ses précieuses remarques durant les longues années de la préparation de l’ouvrage, à Philippe Bacchet pour les clichés qu’il a bien voulu mettre à disposition et aux différentes personnes et institutions pour certains des clichés qu’elles ont pu fournir.


DE L’ÉCORCE À L’ÉTOFFE, ART MILLÉNAIRE D’OCÉANIE de l’Asie du Sud-Est à la Polynésie orientale

FROM TREE BARK TO CLOTH: AN ANCIENT ART OF OCEANIA From Southeast Asia to Eastern Polynesia


Sommaire Le tapa, Patrimoine culturel immatériel Tapa, Intangible Cultural Heritage 14

Le tapa en Asie du Sud-Est Tapa in Southeast Asia

Adrienne L. Kaeppler

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Southeast Asian Barkcloth 45 The Contribution of Guangxi peoples to Austronesian Expansions: What the Barkcloth Beaters Say Dawei Li, Wei Wang, Christopher J. Bae

Sauvegarde du Patrimoine culturel immatériel (PCI) pour le développement durable dans le Pacifique Akatsuki Takahashi

21

54 Origins of Barkcloth: A Techno-Typological Analysis of Beaters in South China and Southeast Asia

Christian Hottin

24

Stephanie Lüerssen, Olivier Lueb

94 “Maisin is tapa!” Exploring the Meaning and Use of Tapa among the Maisin People in Papua New Guinea Anna-Karina Hermkens, John Barker

99

59 Roots in Taiwan

105

Danee Hazama

68 Le tapa chez les Tau’t Batu de Palawan, Philippines

Focus 29

Kap japi Dance Decoration from Papua New Guinea – Challenges in Preservation, Biographies, and Meanings

Making Tapa to Make Themselves: Ritual Work among the Baining of Papua New Guinea

Tang Chung, Mana Hayashi Tang

Le Patrimoine culturel immatériel : principes généraux, mise en œuvre par la France et questions d’actualité

90

42

Michael C. Howard

Tangible Objects, Intangible Knowledge: Barkcloth as Cultural Expression in Oceania

PapouasieNouvelle-Guinée Papua New Guinea

Jean-Michel Chazine

70

Emerita Jane Fajans

Approche d’une collection de tapa funéraires Nakanai, Nouvelle-Bretagne, Papouasie-Nouvelle-Guinée Alain Brianchon

110 Focus 117

Carte Map

Papouasie occidentale West Papua

30

74

Le peuplement de l’Océanie The Peopling of Oceania 32

Maro from Lake Sentani and Humboldt Bay Anna-Karina Hermkens

78 “A Sheet of the Daily Mail”: Barkcloth Aprons in the Kamoro Region of Papua Karen Jacobs

Les navigateurs de Pasifika : peuplements océaniens anciens Christophe Sand

34

4

84


Archipel du Vanuatu Vanuatu Archipelago

Île Wallis Wallis Island

Archipel des Samoa Samoa Islands

128

190

246

Vanuatu Barkcloth (nemas-itse)

L’enlèvement de la belle Sinaitau’aga. Tapa, féminité et responsabilités rituelles à Wallis

Saili`iliga ma suesuega e faatatau i Mamanu Siapo: Initiating a Dialogue about Samoan Siapo and Motifs

Sophie Chave-Dartoen

Regina A. Mereditch, Su’a Tupuola Uilisone F. Fitiao

Alain Brianchon

132 Tracking Erromango Barkcloth Barbara Lawson

137 The Career and Corpus of Chief Jobo Lovo: Tapa as Contemporary Art in Port Vila, Vanuatu Lisa McDonald

194

250 Focus 201

Îles Futuna et Alofi Futuna and Alofi Islands

145

210

The Barkcloth of Vanuatu Steven Sau

Le siapo et le lafi, constante séculaire et vivante à Futuna

149

Malia-Petelo Kulimoetoke-Gaveau

Nouvelle-Calédonie New Caledonia

Focus 223

214

Emmanuel Kasarherou

Île Niue Niue Island 234 Hiapo: A Genealogy of Barkcloth On Niue Tom Ryan

237

Archipel des Fidji Fiji Islands 162 The Red Barkcloths of Fiji – na masi damu ni Viti Roderick Ewins

166 Masi Making and Marking

257 Focus 262

Archipel des Tonga Tonga Islands 272

Fanny Wonu Veys

156 Focus 161

Vanya Taule' alo

Between the Cross and the Cloth

152 Awa ma kwèè be. Technique et usage du tapa en NouvelleCalédonie

Samoan Siapo – Connecting Culture and Lineage through the Ages

Focus 244

276 Tapa Culture Ancient Knowledge – Sacred Spaces Cresentia Frances Koya Vaka'uta

283 Kupesi, a Creative Tradition of Tonga Tunakaimanu Tonga Fielakepa

289

Ngatu Pepa in New Zealand: Diasporic Tongan Tapa and Authentic Ties to Culture Ping-Ann Addo

296 Focus 303

Tessa Miller

172 Focus 179

5


Polynésie centrale Central Polynesia

Île Pitcairn Pitcairn Island

Le tapa dans les musées Tapa in the Museums

310

366

413

Valeurs et usages des tapa non décorés de Polynésie et Fidji

Pitcairn Tapa Discovering the Past through Tapa

376

Première partie Part One Changer notre compréhension des tapa polynésiens en intégrant l’Histoire, la Culture, la conservation, la communauté des chercheurs et l’analyse des matériaux Transforming our Understanding of Polynesian Barkcloth through Integration of History, Culture, Conservation, Community Scholars, and Materials Analysis 414

La signification et la fonction des statuettes et des grands mannequins de Rapa Nui confectionnés en étoffe d’écorce de mahute

Introduction to the Smithsonian Barkcloth Project; and Tangible and Intangible Knowledge Embedded in Tahitian `Ahu and Hawai`ian Kapa

Jean-Hervé Daude

Adrienne L. Kaeppler

Hélène Guiot

Pauline Reynolds

314

370

Focus 320

Focus 375

Îles Cook Cook Islands 322 Te Kakau anga ote Ariki – Robes for Royalty Andrea Eimke

325 The Tutunga Is Silent Now: The Lost Art of tapa-making in the Cook Islands Jean Tekura Mason

330 Focus 338

Île de Pâques Easter Island

380 Moai and Mahute: An Archaeological Perspective on Rapanui Barkcloth Jo Anne Van Tilburg

388

Archipel des Marquises Marquesas Islands

Focus 392

415 Tapa Preservation at the Smithsonian: the US Exploring Expedition Tapa Conservation Project Greta Hansen

422 Methods for Microscopic Fiber Identification of Polynesian Barkcloth

340

Îles Hawai`i Hawai`i Islands

Illya Moskvin

Les tapa des îles Marquises, et principalement les tapa parfumés de Fatu-Hiva

396

Unfolding: Community Scholars Explore the Contemporary Significance of Historic Tapa

Alain Brianchon, Sarah Vaki

344

The Challenges of Being a Modern Hawaiian Kapa Maker Dalani Tanahy

Traditional Resonance: Tapa, Tourism and the Land in the Marquesas Islands Emily C. Donaldson

350

400 IKE KUMU O KA HANA KAPA: Foundations of Hawaiian Kapa Making Moana K. M. Eisele, Kalamu du Preez

404

Focus 357

Focus 409

6

429

Michele Austin Dennehy

436


Deuxième partie Part Two Tapa et muséographie Tapa and Museography 442 Le tapa de Polynésie française dans les collections du musée de Tahiti et des Îles – Te Fare Manaha Théano Jaillet

443 Les vicissitudes de la collection de tapa du Muséum d’Histoire naturelle de Rouen. De la collecte à la restauration Julia Ferloni, Anne-Claire de Poulpiquet

450 Connections from Here to There, from Yesterday to Today: Cologne exhibition 2013-14 “Made in Oceania: Tapa – Art and Social Landscapes” Olivier Lueb

458 Les livres tapa d’Alexander Shaw : le mariage captivant de l’objet et du texte Fanny Wonu Veys

465 Identification botanique de trois tapa des îles de la Société Catherine Orliac

473

Festival international des tapa d’Océanie International Festival of Oceanian Tapa 521 Premier Festival international des tapa d’Océanie Michel Charleux

522

Les artistes, le styliste et le tapa. Regards croisés The Artists, the Stylist and Tapa: Diverse Perspectives

Annexes 570 Contributeurs à l'ouvrage 570 Collaborateurs du monde des arts 571 Références bibliographiques 572 Index 593

527 « Tapa et déclinaisons », une exposition contemporaine polynésienne au Centre des Métiers d’Art de la Polynésie Jean-Daniel Tokainiua Devatine

529 Couleurs Polynésie… Christine Briant

537 Focus 545

On the Biology and History of Paper Mulberry (Broussonetia Papyrifera) in Oceania Andrea Seelenfreund, Antonio Rivera-Hutinel, Gloria Rojas, Isabelle Riquelme, Ximena Moncada, Daniela Seelenfreund

488 Les plantes à tapa de Polynésie orientale Jean-François Butaud

496 De la fibre au réseau : les médiations des tapa de Polynésie Hélène Guiot

504 Focus 509 7


Benilde Menghini, Le lien, triptyque de 20 × 50 cm, huile sur toile. © Délégation de Wallis-et-Futuna en Polynésie française, collection privée, photo Ph. Bacchet, avec l’aimable autorisation de l’artiste

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« À la fascination que provoquent les tapa s’ajoute

“To the fascination generated by tapa should be

l’admiration pour ce savoir-faire qui, transmis de génération en génération, a traversé, non seulement les siècles, mais aussi les océans pour s’adapter à chacune des sociétés, se diversifier et s’enrichir d’apports multiples. C’est à de telles traditions que nous pensions lorsque lors d’assemblées multiples fut rédigée la Convention de l’UNESCO pour la sauvegarde du Patrimoine culturel immatériel. Le savoir-faire de la fabrication des tapa est, sans aucun doute, un élément du patrimoine immatériel et devrait faire l’objet d’une candidature multinationale pour une inscription sur l’une des listes de la Convention. La reconnaissance internationale de cette pratique séculaire rendrait justice à tous ceux qui œuvrent à la perpétuation de cet art remarquable. »

added the admiration for this know-how which, from generation to generation, has traveled not only through centuries, but also across oceans to adapt to each society, to diversify and to be enriched by many other contributions. It is such traditions that we had in mind when, over the course of many assemblies, the UNESCO Convention for the Safeguarding of Intangible Cultural Heritage was written. The know-how of tapa making is, without a doubt, an element of intangible heritage and should be the object of a multinational request for inscription on the list of the Convention. The international recognition of this centuries-old practice would render justice to all those who work toward the perpetuation of this remarkable art.”

1 March 2014 1er mars 2014 Chérif Khaznadar Président du Comité Culture, vice-président de la Commission nationale française pour l’UNESCO

Chérif Khaznadar President of the Culture Committee and Vice President of the French National Commission for UNESCO

Mirna Avae et Monique Teheiura battant des écorces d’arbre à pain (Rurutu, îles Australes, Polynésie française, 2016). © M. Charleux, 2005, avec leur aimable autorisation

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L’Océanie s’était donnée rendez-vous en novembre 2014, à Tahiti, pour le Festival des tapa. Un événement fort et symbolique, qui avait permis à treize communautés présentes d’échanger, entre tradition et modernité, sur l’univers d’un patrimoine unique à nul autre pareil, un univers porteur de nos mémoires. Le tapa symbolise en effet un savoir-faire ancestral. Il porte notre histoire commune et évoque nos origines, situées bien loin à l’ouest du grand Pacifique, cet océan qui nous nourrit, nous relie et nous unit. Nous voici devenus, malgré le fardeau lié à l’isolement de nos insularités, les héritiers d’une culture témoignant du génie de nos pères. Cette étoffe habillait quotidiennement les anciens Polynésiens : elle les protégeait de la fraîcheur nocturne, elle était une matière prisée et précieuse, objet de tous les soins… Bien évidemment, elle participait aux rituels des temps anciens, constituant une offrande prestigieuse aux visiteurs de marque. Il est vrai qu’aujourd’hui, toutes les communautés ne pratiquent plus l’art de la confection de cette étoffe. Elle garde néanmoins une place importante dans la culture océanienne, le succès du Festival de 2014 et l’assiduité du public aux ateliers en témoignent. D’où cet ouvrage, que je suis heureux de préfacer, et qui est à la fois le témoignage de notre grand rendez-vous, mais également son prolongement heureux. Un livre sans « tabu », qui regroupe les contributions de la grande famille scientifique des archéologues et des ethnologues, mais également les mots, précieux, de conservateurs de musées, d’experts et d’artisans… sans oublier un groupe qui donne un éclairage nouveau à la pratique du tapa : je veux parler des artistes qui ont apporté à ce Festival une touche contemporaine. Les contributions nombreuses de cet ouvrage proviennent du Vanuatu, des États-Unis, d’Hawai`i, de Chine, de NouvelleCalédonie, de notre Fenua 1, de France, du Canada, des îles Cook, d’ Australiens de Tonga, de Grande-Bretagne, de Fidji, d’Allemagne, des Samoa américaines, de Norfolk, de NouvelleZélande, du Chili, de Hollande et des Western Samoa. Nous tenons donc avec cet ouvrage une très précieuse présentation, aussi bien pour les experts et les scientifiques que pour nos communautés. Merci à tous ceux qui ont contribué à sa réalisation : le travail fut colossal, mais au bout du compte nous serons fiers, un jour, que nos enfants et les enfants de leurs enfants s’abreuvent à la source d’une connaissance rendant un vibrant hommage aux hommes qui, avant nous, ont vécu et vivent encore dans nos cœurs.

Oceania came together in November 2014, in Tahiti, for the TAPA Festival. It was a powerful and symbolic event, which gave the 13 attending communities an opportunity to share, between tradition and modernity, the Universe of their unique and distinctive heritage, a Universe that carries our memories. Tapa symbolises our common ancestral knowledge. It carries our common history and relates to our origins, from the far reaches of the Western Pacific, the ocean that nourishes us, connects us together and unites us. We have now become, despite the burden entailed by isolation and insularity, the heirs of a culture that bears witness to the ingenuity of our forefathers. This fabric was the everyday dress of ancient Polynesians: it protected them from the cool of the night. It was a prized, precious and lovingly cared for material… Of course, it was used in rituals held at ancient Temples, constituting a prestigious offering for special visitors. It is true that today not all communities practice the art of making this fabric anymore. Nevertheless, it holds an important place in Oceanian culture, as witnessed by the success of the 2014 Festival and the impressive public turnout at the workshops. This is why this book exists, and I am happy to write this preface. It is both a testament to our great meeting, and its successful continuation. It is a book without taboos, bringing together the contributions of the great scientific family of archeologists and ethnologists, and the precious words of museum curators, experts and artisans, not to mention a group that has shed new light on the practices associated with Tapa – I am here referring to the artists who have given this Festival a contemporary touch. The numerous contributions to this book come from Vanuatu, the United States, Hawai`i, China, New Caledonia, our Fenua 1, France, Canada, the Cook Islands, Australia, Tonga, Great Britain, Fiji, Germany, American Samoa, Norfolk Island, New Zealand, Chile, the Netherlands and Western Samoa. This book is precious, not only for specialists and scientists, but also for our own communities. We extend our gratitude to all those who contributed to its creation – it was a colossal effort, but in the end we will be proud, one day, that our children and their own children may use the knowledge and skills contained in this book, thus paying heartfelt tribute to the people who may now be gone, but are still living in our hearts. Heremoana Maamaatuaiahutapu

Heremoana Maamaatuaiahutapu Ministre de la Promotion des langues, de la Culture, de la Communication et de l’Environnement de la Polynésie française

1. Pays (note de l’auteur).

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Minister of Culture, Ecology and Handicraft, responsible for the Promotion of Languages and Communication, French Polynesia

1. Editor’s note: “country”.


L'Océanie est une vaste région, aux traditions et à l'histoire riches. Parmi ces traditions, la fabrication du tapa, étoffe d’écorce battue qui précédait l’apparition des tissus, occupe une place à part, en Polynésie française notamment. Ce n’est d’ailleurs guère un hasard si les voyageurs occidentaux des mers du Sud qui la découvrirent au xvıııe siècle désignèrent ensuite toutes les étoffes d’écorce battue de la région océanienne du nom de tapa, vocable emprunté d’abord à la langue polynésienne. Technique de fabrication ancestrale, que certains historiens font remonter aux migrations en provenance d’Asie du Sud-Est vers les îles Tonga et Samoa, l’art du tapa a longtemps revêtu une forte utilité pratique. L’étoffe ainsi réalisée constituait en effet l’unique façon de s’habiller, de langer les nouveaux-nés ou de vêtir les linceuls mortuaires en Polynésie, du moins jusqu’à la venue des Occidentaux. Servant aussi à envelopper l’effigie des dieux à l’occasion des grandes cérémonies religieuses, ou aux cérémonies sociales, le tapa – fabriqué notamment à partir de l’écorce de l’arbre à pain, de figuiers ou du mûrier à papier – relie en quelque sorte l’humain au divin. Sa fabrication épouse parfaitement la diversité des archipels de la Polynésie française et de leurs populations, puisque les différents types de tapa portent souvent des décors imprimés ou peints à la main, réalisés à partir de colorants végétaux ou minéraux spécifiques à chaque île de tel ou tel archipel. Témoin d’une tradition pluriséculaire, le tapa est aussi et surtout un art vivant, ancré dans les réalités humaines. Il nous appartient de le protéger vigoureusement.

Oceania is a vast area, with rich traditions and history. Among these traditions, the production of tapa, a cloth made from beaten bark which dates back to before the emergence of fabric, has a unique place, particularly in French Polynesia. It is no coincidence that the Westerners who traveled the South Seas and discovered this traditional fabric in the eighteenth century chose to designate all the Oceanian barkcloth using the Polynesian word “tapa”. An ancestral technique, believed to have originated from to the Polynesian migrations from South-East Asia to Tonga and Samoa Islands according to some historians, the art of tapa has long been recognized as useful in daily life. This traditional fabric was indeed the only way to dress, to wrap newborn children or to make funeral shroud in the Polynesian Triangle, at least until the arrival of Europeans. Also used during the great social and religious ceremonies, tapa – made from the breadfruit tree, fig tree or paper mulberry tree barks – connects in some way the human with divine. Tapa craft manufacture reflects the diversity of Polynesian archipelagoes and populations. The different types of tapa are decorated with hand-painted designs, produced from vegetable and mineral colors, characteristic of each island or archipelago. As witness to a centuries-long tradition, tapa is above all a living art, anchored in human realities. It is our role to strongly protect it.

René Bidal René Bidal

High Commissioner of the French Republic in French Polynesia

Haut-Commissaire de la République en Polynésie française

Battage d’écorce de mûrier par la délégation rapanui durant le Festival du tapa, Tahiti, 2014. © J. Kape

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Air Tahiti Nui se positionne comme le fer de lance

Air Tahiti Nui is fully invested in developing tourism

du développement touristique de la Polynésie et se donne pour mission de participer à construire et diffuser l’image de nos îles et de notre culture dans le monde. Les écrits et la photographie restent les meilleurs moyens pour témoigner du passé. Notre compagnie est donc fière d’avoir pu apporter son soutien à la création d’un ouvrage qui deviendra sans nul doute une référence internationale par la qualité de ses articles et de son choix de photos. Ces qualités, associées à une conception polynésienne, permettront à la Polynésie française de proposer un ouvrage que les experts, collectionneurs ou simples admirateurs pourront considérer comme le plus abouti et complet édité à ce jour sur le tapa, pilier essentiel des cultures du Pacifique. C’est par la vision et la passion des hommes que de tels projets voient le jour. Nous souhaitons donc saluer et remercier l’ensemble des contributeurs qui ont participé à sa création. Ce pan du patrimoine culturel océanien, qui nous est aujourd’hui révélé, peut désormais être transmis à une jeunesse du Pacifique qui ne pourra se projeter dans l’avenir qu’en ayant une meilleure connaissance de son passé et de ses origines.

for French Polynesia. Promoting the Islands of Tahiti and our culture is one of the core missions of our company. Today, writings and photographs remain the best way to share our past. Our company is therefore very proud to be part of this great endeavor and trusts it will become the international reference in its field thanks to the quality of its content. We also take great pride in the fact that the Islands of Tahiti have the honor to preside over the creation of what could be the final book on tapa, an essential part of our heritage, that experts, collectors and simple admirers will now be able to study. Great vision and dedicated passion are required to achieve such great endeavors. We would like to salute and thank all the great people that have contributed to the creation of this book. The part of our cultural heritage that is revealed to us today is the legacy of the children of the Pacific, not only to better understand their past, but also to help them build their future.

Torea Colas Directeur marketing & communication Air Tahiti Nui

Sarahina Birk, Hina tutu haa, « Hina la déesse des batteuses de tapa », 2014. © Photo Ph. Bacchet, collection M. Charleux, avec l’aimable autorisation de l’artiste

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Torea Colas Marketing & Communication Director Air Tahiti Nui


C’est durant les préparatifs des diverses manifesta-

It was during the preparations for the many events

tions du premier « Festival des tapa, lien culturel d’Océanie » qui s’est déroulé à Tahiti en novembre 2014, que l’idée d’un ouvrage consacré au tapa prit naissance. Même s’il devait en reprendre certains éléments, pour autant, il n’en serait pas le catalogue et je souhaitais que la zone géographique couverte soit beaucoup plus étendue. C’est donc avec passion que je me suis lancé dans ce projet. Il dépassa très rapidement le cadre des seuls participants du Festival, suscitant l’enthousiasme de spécialistes internationaux des étoffes d’écorce battue. Des propositions spontanées de collaboration émanèrent du monde entier jusqu’à tripler le nombre initial d’auteurs. Mais c’était là la phase la plus aisée. Rassembler les financements fut un défi singulièrement plus ardu… Quelle joie aujourd’hui, après presque trois années de travail acharné pour le mener à son terme contre vents et marées, d’avoir pu surmonter toutes les difficultés techniques et surtout financières, et de voir ce volumineux ouvrage entre vos mains. Merci à tous ceux qui ont soutenu le projet d’une façon ou d’une autre, et tout particulièrement aux institutions de l’État et du Pays qui ont apporté un soutien financier décisif. Sans ces soutiens déterminants, ce livre n’aurait jamais vu le jour. J’espère qu’il répondra à l’attente de tous ceux qui ont participé à cette aventure, et qu’il contribuera à ce que vivent éternellement les tapa océaniens, inestimables trésors du Patrimoine culturel immatériel océanien.

of the first “Festival of Tapa: A Cultural Link in Oceania,” which took place in Tahiti in November 2014, that the idea for a work dedicated to tapa was born. Although it would certainly borrow some elements from the festival, I didn’t want it to be a catalogue, and I wanted it to cover a much larger geographic zone. So, I passionately launched myself into this project. Quickly, it went far beyond just the festival participants, inspiring the enthusiasm of international barkcloth specialists. Proposals for collaboration emerged spontaneously from around the world, to the point of tripling the initial number of authors. But that was only the easiest stage. Gathering funds was a uniquely more arduous challenge…. What a joy today, after nearly three years of hard work to bring this work to fruition against the winds and tides, of having to confront a good number of technical and financial difficulties, to see this voluminous work in your hands. I am grateful to everyone who supported this project in one way or another, and especially to the governments of France and French Polynesia, who have given it decisive financial support. Without this support, this book would never have seen the light of day. I hope that it will satisfy the hopes of everyone who has participated in this adventure, and that it will contribute to the eternal life of Oceanian tapa, an inestimable treasure of the Intangible Cultural Heritage of Oceania.

Michel Charleux Michel Charleux Editor - Directeur de la publication Président de l’Association TAPA

Ce livre est dédié à Mme Moana EISELE (20 Février 1942 – 11 Juin 2017), expert reconnu qui a contribué à la renaissance du kapa (Hawai'i), décédée le 11 Juin 2017 à Honolulu.

Editor - Director of Publication President of the Association TAPA

This book is dedicated to Mrs Moana EISELE (20th February 1942 – 11th June 2017), recognized expert kapa maker, who passed away on June, 11th, 2017 at Honolulu. As a pioneer of the Hawaiian renaissance of kapa making, Moana was a beloved teacher and artist.

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Le tapa, Patrimoine culturel immatĂŠriel Tapa: Intangible Cultural Heritage


Tangible Objects, Intangible Knowledge: Barkcloth as Cultural Expression in Oceania Dr Adrienne L. Kaeppler Curator of Oceanic Ethnology at the Smithsonian Institution

L’article dresse un panorama général du tapa dans le Pacifique en tant que mode d’expression culturel et manifestation matérielle d’un patrimoine immatériel. Loin de se résumer à une simple activité manuelle plus ou moins complexe majoritairement pratiquée par les femmes, le tapa était le matériau de base des objets employés dans les rites, les représentations et les spectacles de nombreuses sociétés d’Océanie. Bien que ces aspects performatifs et d’offrandes rituelles des pièces de tapa soient souvent négligés, dans beaucoup de régions du Pacifique, le tapa tenait une place majeure dans les mises en scène aussi bien dramatiques que religieuses du fait de sa double dimension sacrée et esthétique. Et bien sûr, dans de nombreux endroits, il s’agissait également d’un matériau important utilisé pour les vêtements, les éléments de la vie domestique, les offrandes et la sculpture. L’article met l’accent sur un certain nombre de pièces importantes de Nouvelle-Bretagne, de Tahiti, de l’île de Pâques, des îles Fidji et de Tonga.

1. Nighttime performance of barkcloth sculptures in the midst of a bonfire. Pacific Festival of Arts, Papua New Guinea, 1980. Photograph Adrienne L. Kaeppler

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LE TAPA, PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL


2. Day dance mask Oggeroggeruk from Rondoulit village, Baining culture, New Britain. Collected in 1972 by George Corbin. Smithsonian Institution (E433033). Longest dimension 275 cm. Barkcloth wrapped and stitched onto a bamboo frame. Photograph Donald Hurlbert

Barkcloth, or tapa as it is widely known, is the material expression of intangible knowledge. Although the pieces of cloth, or the objects made from them, are of great interest and can be found in countless museums and private collections, the knowledge embedded in the cloth and objects made from it, as well as the occasions on which the objects were used, is of equal, or even more, value and importance. Far from being a simple or complex craft made usually by women, barkcloth formed tangible objects necessary for ritual, theater, and spectacle in many Pacific societies. The presentational and performative aspects of using barkcloth are often overlooked, but in many areas were a main ingredient of theatrical and religious performance in which tapa was a sacred, as well as an aesthetic product. Indeed, in many parts of the Pacific barkcloth was the basic element for clothing, household furnishings, presentation, and sculpture. Textiles made from the inner bark (or bast) of certain trees are widespread and are well-known in Japan, Korea, China, Taiwan, Indonesia, South America, and Africa. Some of the finest barkcloth was made by beating the inner bark of the paper mulberry (Broussonetia papyrifera), cultivated specifically for the purpose, and carried with Pacific Islanders as they migrated or moved from island to island. Other plants include breadfruit (Artocarpus), banyan (Ficus), and in Hawai`i an endemic nettle (called māmaki in Hawaiian, and thought to be a variety of Pipturus). In the Pacific, the uses of barkcloth reached high points in Melanesia and Polynesia (in contrast, Micronesians primarily used loom-woven textiles). In New Britain, for example, huge masks and sculptures were featured in spectacular ritual performances that took place in outdoor sacred spaces at night with huge bonfires (fig. 1), or

as ritual headdresses used for daytime performances (fig. 2). In Polynesia barkcloth was considered a “valuable” and categorized with distinctive terms (such as iyau, koloa, and tōga in Fiji, Tonga, and Samoa) to separate them from food and other products usually associated with men. The fabrication of barkcloth was usually women’s work, but the resulting product was often sacred to men, women, and the gods. In the Cook Islands, images of gods and ancestors were wrapped with cloth and fiber attachments, the most remarkable of which is the staff god from Rarotonga now in the British Museum (see Kaeppler 2008:94 for a photograph). About three and a half meters long, the figure was wrapped with a huge bale of barkcloth, and embellished with red feathers and pearlshell pieces. The carved wooden section of the image includes an upright head, a phallus at the opposite end, and a number of horizontal secondary figures near the ends of the long staff. In the British Museum example, the barkcloth remains intact, but in similar figures in other collections the barkcloth has been removed when given to missionaries and other Westerners, because (at least in my view) it was the barkcloth wrapping that made them sacred. In Tahiti, according to Teuira Henry, sacred white pu`upu`u barkcloth was made from breadfruit bast by men, and used in the pa`iatua ritual on marae for important occasions or at times of crisis, performed in conjunction with theatrical wrapping of objects and chanting of priests. Like elsewhere in East Polynesia, an object could capture the process of praying and become sacred as an objectified prayer. The process of making an object in conjunction with prayers and presenting it in a theatrical setting by a specialized religious practitioner could make an object sacred. The elaborate ritualized performance of a “chief

TAPA: INTANGIBLE CULTURAL HERITAGE

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Corée du Sud

Japon CHINE TAÏWAN Wake

Mariannes du Nord

Joh

Philippines

Guam

îles Marshall

États fédérés de Micronésie Brunei Malaisie

Palaos WEST PAPUA (Indonésie)

PAPOUASIENOUVELLE-GUINÉE

Nauru

îles P

Kiribati (1)

Indonésie Timor Oriental

Howland Baker

îles Gilbert

Tuvalu

îles Salomon

WALLISET-FUTUNA VANUATU

SAM TONGA

FIDJI

Australie

Tokel

NOUVELLE-CALÉDONIE îles Kermadec Norfolk

Nouvelle-Zélande îles Chatham

Sa


États-Unis Mexique

HAWAI`I

Johnston

Palmyra

owland aker

ONGA

tham

îles Phoenix

Jarvis

îles de la Ligne

Kiribati (2) Tokelau

Kiribati (3)

ÎLES MARQUISES

SAMOA Samoa US NIUE

îles Tuamotu

POLYNÉSIE FRANÇAISE

ÎLES COOK îles de la Société

îles Australes

îles Gambier

PITCAIRN RAPA NUI

(île de Pâques)

Les archipels et États d’Océanie. © D’après une carte et avec l’autorisation de Luc Vacher, université de La Rochelle

Les étoffes d’écorce des lieux géographiques en caractères gras sont abordées dans l’ouvrage.



Le peuplement de l’Océanie The Peopling of Oceania


Les navigateurs de Pasifika 1 : peuplements océaniens anciens Dr Christophe Sand Institut d’archéologie de la Nouvelle-Calédonie et du Pacifique

Un jour, Tagaloa-i-Lagi descend du ciel pour poser son filet dans l’océan. Il attrape quelque chose de lourd, alors il tire, tire encore et ramène des profondeurs une île et des îlots. Tagaloa remarque que sa pêche est belle, il en est content et laisse son filet autour pour ne pas qu’elle soit emportée par les courants. Le filet de Tagaloa serait le récif barrière qui entoure ‘Uvea.

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LE PEUPLEMENT DE L'OCÉANIE

The story of the peopling of the Pacific islands, a space that encompasses nearly a third of the earth’s surface area, has been an incredibly long one, marked by several major phases of development, separated by long periods of stasis. The first settlement of Northern Melanesia and of Australia took place during the Pleistocene era, some 50,000 years ago. These first Oceanians, hunter-gatherers who navigated rafts, settled in a new world, one inhabited by plants and animals (kangaroos, koalas, wombats, etc.) unknown to their Asian ancestors. Those who discovered the islands of the Melanesian Arc, all the way to the south of the Solomon Islands, adapted to increasingly barren and isolated landscapes. Only 3,000 years ago this boundary of “Near Oceania” was crossed by new groups of Austronesian-speaking peoples, who were producers of Lapita pottery and who reached the center of the Pacific in only a few centuries. Other Austronesianspeaking groups were also the first discoverers of the archipelagoes of Western Micronesia in the northern Pacific. Over the course of the next millennium, advances in outrigger-canoe navigational techniques allowed for Oceania’s expansion through the groups of atolls of Central Micronesia. But it was only a little more than 1,000 years ago that the exploration of the immense Polynesian Triangle took place, leading to the discovery of Hawai`i in the north and of Rapa Nui (Easter Island) in the southeast, before the exploration around AD 1200-1250 of the large islands of Aotearoa (New Zealand), located in colder climates, only 400 years before the first European navigators.


1. Carte du Pacifique présentant les grandes aires culturelles ainsi que les différentes phases de peuplement. © C. Sand

INTRODUCTION L’océan Pacifique, qui s’étend des marges de l’Asie à l’ouest à la masse continentale de l’Amérique à l’est, couvre une superficie totale correspondant presque à un tiers du globe terrestre. Au milieu de cette immensité aquatique, se détachent des îles qui représentent, en superficie cumulée, environ 0,006 pour cent de la masse totale des terres émergées de notre planète. Cette spécificité géographique unique au monde résume à elle seule l’extraordinaire aventure humaine qu’a représentée le peuplement des milliers de grandes et petites îles disséminées à travers un espace maritime total de plus de 180 millions de kilomètres carrés. De par les multiples défis placés sur la route des découvreurs océaniens et de leurs descendants, ce peuplement d’ouest en est est celui qui a mis chronologiquement le plus de temps à être mené à bout dans l’histoire de l’humanité : débuté il y a probablement plus de 50 000 ans sur la côte nord-ouest d’un sous-continent aujourd’hui morcelé, il ne s’est achevé qu’au xıııe siècle, avec la découverte du « pays du long nuage blanc », Aotearoa/Nouvelle-Zélande. Entre-temps, différents épisodes d’exploration avaient poussé toujours plus loin les radeaux et les pirogues, permettant la découverte d’îles montagneuses et d’atolls au ras de l’eau, de plateaux coralliens

surélevés et de volcans actifs, de lagons se perdant à l’infini comme de bords de mer rendus inaccessibles par la présence de falaises massives. Cet article propose de synthétiser les phases majeures de l’épopée océanienne (fig. 1), en s’attachant pour chaque période à individualiser les caractéristiques culturelles spécifiques mises en lumière par les recherches archéologiques, en association avec les études linguistiques, ethnographiques et génétiques. Ces différents champs d’investigation contribuent en effet chacun à mieux définir les racines historiques lointaines des sociétés traditionnelles observées par les premiers navigateurs occidentaux à partir du xvıe siècle. Fascinés dans un premier temps par l’extraordinaire diversité culturelle et ethnique observable dans les îles du sud-ouest du Pacifique bientôt regroupées sous le terme de Mélanésie, impressionnés par l’étendue d’un ensemble culturel homogène réparti à travers un triangle liant Hawai`i, Rapa Nui/île de Pâques et Aotearoa/Nouvelle-Zélande, bientôt défini comme la Polynésie, les Européens n’ont depuis eu de cesse d’expliquer comment des hommes sur des embarcations simples ont réussi bien avant eux à atteindre jusqu’aux îles les plus isolées du monde. Aujourd’hui, toute une série de sciences concourent, de la fouille archéologique à la génétique en passant par les études comparatives en linguistique, à apporter des

THE PEOPLING OF OCEANIA

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Le tapa en Asie du Sud-Est Tapa in Southeast Asia


SOUTHEAST ASIA: THE OLDEST BARKCLOTH BEATERS Les battoirs à tapa sont largement répandus sur les sites archéologiques du continent asiatique, de la Chine du Sud, et des îles d’Asie du Sud-Est et d’Océanie où, dans de nombreux endroits, on les utilise encore aujourd’hui. En Chine du Sud, ce sont plus de soixante battoirs en pierre qui ont été découverts en fouille, pour beaucoup au Guangdong et à Taïwan. D'après les reconstitutions chronologiques actuelles se fondant sur les battoirs mis au jour, la Chine du Sud apparaît comme le berceau mondial de la culture du tapa, et le Guangxi serait l’une de ses régions d’origine. À ce jour, neuf battoirs à tapa y ont été découverts sur huit sites archéologiques. Ils datent tous du Néolithique, de 8000 à 3000 ans BP, et comptent parmi eux le battoir à tapa de Dingmo, qui est actuellement le plus ancien de ce type de toute la région. Les battoirs à tapa font partie du bagage archéologique ayant favorisé l’expansion

austronésienne qui aurait pris sa source en Asie du Sud-Est, peut-être en Chine du Sud, avant de s’étendre dans le Pacifique. De plus en plus d’éléments semblent indiquer que l’on peut faire remonter l’origine des Austronésiens au littoral de la Chine du Sud, et en particulier aux provinces du Zhejiang, du Fujian et du Guangdong. Toutefois, les dernières découvertes archéologiques suggèrent fortement qu’il conviendrait d’ajouter le Guangxi à ces foyers de départ de l’expansion en Océanie. De futures recherches permettront d’affiner les observations présentées ici et de mieux comprendre la place potentielle du patrimoine archéologique Néolithique du Guangxi dans le débat relatif aux origines et à l’expansion austronésiennes.

SOUTHEAST ASIA: THE OLDEST BARKCLOTH BEATERS Barkcloth beaters are widely distributed at archaeological sites in southern China, mainland and island Southeast Asia and Oceania. In southern China, more than 60 barkcloth beaters have been reported. Many of these stone tools have been identified in Guangdong and Taiwan. Barkcloth beaters are still used today in many regions of southern China, Southeast Asia, and Oceania. Based on current chronological reconstruction of found bark cloth beaters, southern China has been considered the cradle of the barkcloth culture world-wide, and Guangxi province should also be part of the origins region. In Guangxi, nine pieces of barkcloth beaters have been reported to be found at eight archaeological sites to date. The barkcloth beaters from Guangxi province can be traced back to the Neolithic, between 8,000 and 3,000 years BP. This includes the Dingmo barkcloth beater, which is currently the oldest artifact of its kind in the region.

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LE TAPA EN ASIE DU SUD-EST

Barkcloth beaters are considered part of the archaeological package that in part facilitated Austronesian expansions, thought to have originated some place in Southeast Asia, perhaps southern China, and eventually crossed the Pacific. There is growing evidence that Austronesians can trace their origins to the southern China coast, particularly the provinces of Zhejiang, Fujian, and Guangdong. The archaeological evidence strongly supports that Guangxi should be included as part of the stepping off point for these expansions into Oceania. Additional research will help to refine many of the observations presented here and to better understand the potential role the Guangxi Neolithic archaeological record played in contributing to the Austronesian origin and expansion debate.


Southeast Asian Barkcloth Pr. Michael C. Howard Simon Fraser University

L’histoire du tapa en Asie du Sud-Est couvre environ six millénaires, durant lesquels il a été produit dans toute la région. Ce chapitre se divise en trois parties. La première traite des origines, de la diffusion et du déclin du tapa. La seconde propose un panorama du tapa à l’époque historique dans différentes aires de la région : chez quelques populations du Myanmar, dans certaines parties des hautes terres centrales du Vietnam, chez certains groupes aborigènes du sud de la Thaïlande et de Malaisie péninsulaire, sur l’île de Bornéo où il était utilisé de manière intensive, dans certaines zones isolées des Philippines et sur un grand nombre d’îles d’Indonésie (en particulier dans la partie orientale). Enfin, la dernière partie évoque la survivance de l’art du tapa et sa renaissance récente en quelques endroits.

Detail of a woman's blouse (halili) Kaili (Sulawesi, Indonesia). ©M.Howard Refer to Fig.5

TAPA IN SOUTHEAST ASIA

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Papouasie occidentale West Papua


PAPUA BARAT Kulit kayu dari Danau Sentani dan Teluk Humboldt Sejak tahun 1900-an, kulit kayu dari Danau Sentani dan Teluk Humbolt (Teluk Yos Sudarso) di Pantai Timur Laut Papua merebut perhatian khalayak kolektor benda-benda seni bermotif ‘primitif’ dan ‘etnik’ serta kalangan lain yang berminat pada seni tradisional. Di Danau Sentani, kulit kayu, atau maro/malo dalam bahasa setempat, di produksi dari kulit kayu pohon Ara. Lapis kulit luar yang kasar dikupas dan sesudahnya lapis dalam kupasan tersebut diletakkan pada pengalas batu dipukuli berulang-ulang dengan penumbuk kayu atau batu sehingga serat-seratnya terpapar. Sesudah proses yang lama dan menguras tenaga, secarik kulit kayu yang tebal dan sudah dihaluskan direndam dalam air dan dibiarkan kering. Di masa lampau, perempuan juga menggunakan pohon murbei untuk membuat kulit kayu, tapi pohon kulit kayu yang dibudidayakan ini tidak ada lagi di sekitar Danau Sentani sehingga orang bergantung pada pohon Ara liar untuk membuat kulit kayu. Karena pengerjaannya secara tradisional dilakukan dan umumnya digunakan oleh perempuan, kulit kayu kadangkala dibiarkan polos, tapi juga dihiasi motif lingkaran-lingkaran (fouw) yang khas dan corak binatang. Corak-corak ini masih digunakan hingga hari ini. Warna-warna yang biasa digunakan baik sekarang maupun dulu adalah hitam (nokoman), terbuat dari arang; putih (kéléuman) dari jeruk nipis; dan merah (nime-nime atau mele) dari tanah atau batu merah. Pigments ini dicampur dengan air dan getah pohon yang berfungsi sebagai cairan penggumpal. Di masa lampau tunas kelapa dipakai sebagai alat untuk melukis dan mewarnai motif-motif tersebut. Kini baik seniman laki-laki maupun perempuan sering menggunakan pensil dan pola untuk menerakan motif-motif itu ke dalam permukaan kulit kayu yang umumnya dibuat dan dijual kepada masyarakat Indonesia dan turis asing.

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PAPOUASIE OCCIDENTALE


PAPOUASIE OCCIDENTALE Étoffe d'écorce du Lac Seulani et de la Baie de Humboldt. Depuis les années 1900, le tapa du lac Sentani et de la baie de Humboldt (Teluk Yos Sudarso), sur la côte nord-est de la Papouasie (au sud-ouest de la capitale provinciale Jayapura), a attiré l’attention des collectionneurs d’arts premiers. Près du lac Sentani, le tissu d’écorce, ou maro/malo comme on l’appelle localement, est fabriqué à partir de l’écorce d’un Ficus (banian). Sa couche externe grossière est grattée. Puis, la bande d’écorce interne est battue régulièrement sur une enclume en pierre à l’aide d’un battoir en bois ou en pierre, provoquant l’étalement des fibres. Après un long et pénible martèlement, le morceau de tissu, uniforme et épais, est trempé dans l’eau et laissé à sécher. Dans le passé, les femmes utilisaient également le mûrier à papier pour la fabrication du tapa, mais cet arbre domestiqué n’étant plus cultivé autour du lac Sentani, les gens utilisent désormais un Ficus sauvage. Traditionnellement fabriqué par les

WEST PAPUA Barkcloth from lake Sentani and the Humboldt Bay Since the 1900s, tapa from Lake Sentani and Humboldt Bay (Teluk Yos Sudarso), on the northeast coast of Papua (southwest of the provincial capital Jayapura), has captured the attention of so-called ‘primitive’ and ‘tribal’ art collectors and others interested in indigenous arts. In Lake Sentani, barkcloth, or maro/malo as it is locally called, is manufactured from the bark of the Ficus (fig) tree. Its coarse outer layer is scraped off, after which the strip of fleece-like inner bark is repeatedly beaten on a stone anvil with a wooden or stone beater, causing the fibers to spread out. After a long, arduous pounding, the smooth, uniformly thick piece of cloth is soaked in water and left to dry. In the past, women would also use the paper mulberry tree to make tapa, but this domesticated tapa tree is no longer grown around Lake Sentani, so people rely on wild Ficus trees to make barkcloth. Traditionally made and predominantly used by women, the barkcloth was sometimes left plain, but also decorated with typical spiral (fouw) and animal designs.

femmes qui en sont les principales utilisatrices, le tissu d’écorce peut être laissé brut ou décoré de motifs typiques en spirale (fouw) et de dessins d’animaux. Ces décors sont encore en usage de nos jours. Les couleurs les plus couramment utilisées, aujourd’hui comme hier, sont : le noir (nokoman), fabriqué à partir de suie raclée des marmites ou de charbon de bois ; le blanc (kéléuman), obtenu à partir de la chaux ; et le rouge (nime-nime ou mélé), fabriqué à partir de terre ou de pierres rouges. Ces pigments sont mélangés à de l’eau et de la résine végétale faisant office d’agent épaississant. Dans le passé, le pédoncule qui retient la noix de coco servait à tracer et colorier les dessins. Aujourd’hui, les artistes, hommes ou femmes, utilisent le plus souvent des crayons et des pochoirs pour appliquer les dessins sur les tapa, qui sont principalement destinés aux Indonésiens et aux touristes.

These designs are still in use today. The colors most commonly used, both in the past and present, are: black (nokoman), made from soot scraped from cooking pots or charcoal; white (kéléuman), made from lime; and red (nime-nime or mélé), made from red soil or stones. These pigments are mixed with water and tree-resin, which is applied as a thickener. In the past, the little stalk from the bottom of a coconut was used to draw and color the designs. Today both male and female artists often use pencils and stencils to apply the designs on the tapa surface, which is predominantly made for and sold to Indonesian and other tourists.

WEST PAPUA

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PapouasieNouvelle-GuinĂŠe Papua New Guinea


PAPUA NIUGINI Long ol Maisin pipel i stap long Collingwood Bay lon Oro Provins, tapa em i bikpela samting. Tapa i no samting bilong kisim moni tasol. Ol save usim long kastom we ol save givim na bekim na putim olsem laplap. Tapa em samting bilong man na meri. Taim ol meri save pasim laplap, ol i kolim embobi. Long ol man, ol i kolim Koefi. Kain tapa olsem, wankain ol liklik, ol save bilasim gutpela stret wantaim blakpela lain na ol save kalarim retpela. Lon kastom, ol meri save wokim tapa. Ol save paitim skin bilong mulberry diwai. Bihain ol save penim. Nau, sampela ol man save penim tapa bikos em I gutpela wei lon kisim moni. Ol meri yet save paitim na putim retpela pen. Ol save wokim retpela pen (ol I kolim dun) long sikin bilong wanpela diwai nem bilongen Parasponia, ol lip bilongen, na wara. Ol save miksim olgeta na boilim. Taim ol save penim tapa wantaim dun, ol save lusim pot long paia. Olsem na pen save stap hat liklik. Ol meri save givim dun bilong ol long ol meri wantok. Planti taim bai yu lukim ol meri I sindaun klostu lon wanpela dun pot, na ol save penim tapa klostu lon paia.

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PAPOUASIE-NOUVELLE-GUINÉE


PAPOUASIE-NOUVELLE-GUINÉE Pour les Maisin vivant le long de Collingwood Bay dans la province de Oro en Papouasie-NouvelleGuinée, le tapa est très important. Non seulement il procure un moyen de gagner quelques revenus, mais il est aussi étroitement associé aux échanges cérémoniels et aux rituels qui marquent les cycles de la vie au cours desquels il est à la fois un présent et un vêtement. Le vêtement féminin, appelé embobi, de forme rectangulaire, est enroulé autour des hanches avec une ceinture et couvre les cuisses et les genoux. Koefi, le vêtement masculin, est une pièce de tapa longue et étroite portée entre les jambes et enroulée autour des hanches, l’une des extrémités couvrant les parties intimes et l’autre tombant sur les fesses. Ces vêtements, ainsi que d’autres pièces de tapa plus petites, étaient décorés de dessins soulignés de lignes noires remplies d’un pigment rouge, composant une figure de méandres et de lignes rouges sur le fond clair de l’étoffe. Traditionnellement, la fabrication du tapa est

de la responsabilité des femmes : battage de l’écorce du mûrier à papier, dessin des motifs noirs décoratifs et peinture des lignes rouges. Aujourd’hui, de plus en plus fréquemment, les hommes appliquent eux-mêmes les motifs du fait de l’augmentation de la valeur du tapa comme produit de base. Toutefois, ce sont toujours majoritairement les femmes qui grattent les écorces et appliquent le pigment rouge. Ce pigment (dun) est fabriqué avec de l’écorce d’arbres de l’espèce Parasponia et des feuilles de Fians subcuneata mélangées et bouillies ensemble dans de l’eau douce. Pendant que l’on peint le tapa avec le dun, le pot est maintenu sur le feu afin de s’assurer que le pigment est appliqué chaud. Les femmes partagent souvent leur dun avec d’autres femmes de la même famille ou des amies, et il est commun de voir plusieurs d’entre elles tournant autour d’un pot chaud de dun et peignant leur tapa autour du feu.

PAPUA NEW GUINEA For the Maisin people living along Collingwood Bay in PNG’s Oro Province, tapa is very important. Not only does tapa provide a means to earn some income, but it’s also entangled with ceremonial exchanges and life-cycle rituals in which it features as a gift and as a garment worn by women and men. The female garment, called embobi, is rectangular in shape and wrapped around the hips with a girdle, covering the thighs and the knees. Koefi, the male garment, is a long and narrow piece of barkcloth worn between the legs and wrapped around the hips, one end covering the genitals and the other pendant over the buttocks. These and smaller pieces of tapa are decorated with designs outlined by black lines and filled with red pigment, producing a vivid display of meandering and curving red lines on the light barkcloth. Traditionally, making tapa is the women’s responsibility: beating the bark of the paper mulberry tree, drawing the decorative black motifs on the tapa surface and painting the lines red.

Today, men increasingly apply tapa designs due to its increased value as a commodity, however women still predominantly beat the bark and apply the red pigment. The red pigment (dun) is made out of the bark of a Parasponia species tree, the leafs of a Fians subcuneata, and fresh water, which are mixed and boiled together. When painting the barkcloth with dun, the pot is kept on the fire as to make sure the pigment is applied while it is warm. Women often share their dun with female relatives or friends, and it is a common sight to see several women gathered around a heated pot of dun, painting their tapa around the fire.

PAPUA NEW GUINEA

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8. Tapa funéraire Nakanai 0,95 × 0,80 m, Nouvelle-Bretagne. © Photo et collection A. Brianchon

9. Tapa funéraire Nakanai 1,86 × 0,53 m, Nouvelle-Bretagne. © Photo et collection A. Brianchon

10. Tapa funéraire Nakanai 1,30 × 0,40 m, Nouvelle-Bretagne. © Photo et collection A. Brianchon

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PAPOUASIE-NOUVELLE-GUINÉE


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PAPUA NEW GUINEA

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Archipel du Vanuatu Vanuatu Archipelago


VANUATU Man anuatu i bin save fasin blong mekem tapa bifo, be tradisen blong mekem hem i lus long las fiu yia bifo long yia , from kaliko blong waet man i tekem pies blong hem. Reverend Lawrie hemi singaotem hem napamas, be ol man oli save hem gudwan mo long nem nemas-itsi long lanwis blong Erromango, mo long Bislama masi, wan nem we i kamaot long aelan blong Ifira; hemia i ol nem we oli givim long kaen fasin ia we oli kilkilim skin blong wud blong mekem wan kaen kaliko. Oli bin mekem tapa long fulap blong ol aelan blong anuatu; ol gudfala exsampol we oli kipim long gud kondisen yet we yu save faenem long ol museum i kam long trifala aelan blong Efate, Erromango mo Tanna. Long ol eksampol blong tapa long anuatu yumi save faenem plante difren kaen mak mo pija bitim ol eksampol long ol nara aelan blong Pasifik. I gat ol longfala strap blong Tanna, we i gat ol stret mak long hem, ol kaliko blong Efate we ol man i werem we oli laenem wetem gras blong pidgin, mo tu ol kaliko blong Erromango we ol flasem wetem ol difren kaen sep mo ol mak we i olsem ol pija blong man o animol. Tapa blong Erromango i wan gud eksampol, from oli no sem mak wetem ol kaen we yu faenem long nara pies. Oli mekem plante difren kaen mak we oli ripitim long ol pis tapa long ol difren saes. Yu save faenem ol sep wetem tri saed we oli laen ap, ol ring we oli joen wan pies, yu faenem wan san long ples la, wan san long nara ples, ol laen we i sem mak long ol laen blong tut blong sak, mo ol nara mak tu. Long ol nara wan i olsem oli oganaesem ol mak, we i luk olsem ol hon blong wan animol, o wan hip lif, olsem Lawrie i talern, o tu wan hip rus blong wud. Ol tapa oli yusum long ol difren kaen fasin. Olgeta we oli no flasem gud oli yusum olsem jenjenis, olsem ol strap we wan mama i hangem long solda blong hem blong karem pikinini, ol klos blong woman, olsem Reverend Robinson, we hemi bin wok long long Erromango, i talem. Ol nara wan we oli flasem gud ol man oli werem long ol seremoni o givim olsem presen long wan mared. Long Tanna, ol man oli werem ol strap blong holemap nambas blong hem mo kala blong hem i soemaot posisen blong hem long sosaeti. Long Efate, ol tapa i no gat mak long hem, be kala blong hem i braon o yala, mo oli gat gras blong pidgin long hem; oli werem olsem kaliko raon long bodi blong olgeta mo oli yusum wan strap we oli mekem aot long wan plan blong holem hem istap. Long tedei, fasin blong mekem tapa i no laef yet long anuatu, be i gat sam man mo woman olsem Moces Jobo mo Juliette Pita we oli usum yet ol samting blong bus blong ol dei bifo blong mekem wok blong olgeta.

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ARCHIPEL DU VANUATU


ARCHIPEL DU ANUATU L’art du tapa était connu au anuatu. On considère que sa fabrication traditionnelle a disparu vers la fin du x xe siècle, car il fut très vite remplacé par le calicot et autres tissus importés par les Européens. L’étoffe d’écorce battue, que le révérend Lawrie appelait napamas, mais que l’on conna t beaucoup plus sous le nom de nemas-itse, était fabriquée sur une grande majorité des les de l’archipel. Efate, Erromango et Tanna sont celles dont les musées ont conservé quelques trop rares exemplaires. Longues ceintures aux motifs rectilignes à Tanna, pagnes bordés de plumes sur Efate ou encore étoffes parsemées de motifs géométriques et presque semi-figuratifs pour Erromango, dénotent une diversité picturale rarement rencontrée dans les autres archipels d’Océanie. Les tapa d’Erromango sont caractéristiques et ne ressemblent à aucun de ceux rencontrés ailleurs. En effet, leurs motifs sont divers et répétitifs sur des surfaces de tailles variables : des sortes de triangles alignés à la queue leu leu, des cercles accolés sur

plusieurs bandes, un soleil de-ci de-là, des lignes en dents de scie, etc. Sur d’autres, on observe un enchevêtrement ordonné, faisant penser à une ramure, un « amas de feuilles » pour Lawrie, ou encore un rhizome. Les usages de ces étoffes étaient variés. Si les plus simples servaient au « troc, de bandoulière pour porter les enfants, de robe pour les femmes » comme l’écrit le révérend Robertson, d’autres, plus prestigieuses, étaient portées lors des cérémonies ou encore offertes à l’occasion des mariages. Tanna, les ceintures de tapa servaient aux hommes à maintenir l’étui pénien vers le haut, la couleur étant fonction de leur statut social. Efate, pas de motifs peints, mais une coloration uniforme en marron jaune. Les pagnes à plumes étaient positionnés autour de la taille et maintenus par une ceinture végétale.

ANUATU ARCHIPELAGO The art of tapa making was known in anuatu, even if we consider that its traditional manufacturing disappeared in the late nineteenth century, as it was quickly replaced by calico and other fabrics imported by Europeans. The beaten barkcloth, which Reverend Lawrie called napamas, but which is better known as nemas-itse, was manufactured on a large majority of the islands of the archipelago; barkcloth from Efate, Erromango and Tanna being those best preserved in museums, and in too rare quantities. Long belts with straight patterns in Tanna, loin cloths lined with feathers on Efate, or cloths decorated with geometric and almost figurative patterns in Erromango, a pictorial diversity rarely found on other islands in Oceania is found in anuatu. The Erromango tapa are particularly emblematic because they do not look like any of those seen elsewhere, especially the patterns,

various and repetitive on surfaces of different sizes: like the triangles lined up one after another, circles joined over several bands, a sun here and there, sawtooth lines, etc. On others, it’s an organized tangle, looking like antlers, a “pile of leaves” for Lawrie, or also a rhizome. The role of these fabrics was different, and while the simplest ones were used in bartering, as shoulder straps to carry infants, as dresses for women, as described by Reverend Robertson, others, more prestigious, were worn during ceremonies or even given as gifts during weddings. On Tanna, belts were used to hold the penis sheath up, the color of them indicating the wearer’s social status. In Efate, there were no painted patterns, but a uniform brown/yellow color, feathered loincloths being positioned around the waist, while a vegetal belt maintained the unit.

VANUATU ARCHIPELAGO

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Nouvelle-CalĂŠdonie New Caledonia


MW CIRI AWA MA KW

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Hunge o yele peei lu ngen vahi pepeei o vin hava yele u n di o na po gen aman. O pwa ngen khaa yele nyiniami pe peei o yele laa gaa po gen aman ne vathaan waraun o gen aman, o yele laa gaa n di vin hava pw ne kana o, aman o cile thomw o, aman o hmac o vi hwari hawak o, awe le gaa n di hava ne vin aman o th t o men jila men. Ai vin vhalik o yele u pala kon o ngen kahyuk o, o na u pwa yele u cimwi vin hava. O hava duu hwemaa vin w k, vin hee balan nyaa thang haa ngen duu khaak o vin hee balan nyaa th ng haa vin danu. O pmwa vin w k o hava nyaa the pala kon lu ngen khaak o na u vin waan thilic (Ficus sp) ma vin ceek hyalan hava (Broussonetia papyrifera). Ngen duu khaak o yele kam na tha Kaledoni o kan o yele pwa hwêmaa ngen khaa kaya na Polinesi pwane yele po hava. in duu aman ne yele po hava nyaa pw ne yele po gen aman na kon, ai vin hava na xa duu aman o th t. Pw ne po duu thawe pw ne nyaa th ng lu vi hava ai vin thawe nyaa kh na ne vin cin o vin ceek hyalan hava do tabii. O vin thawe nyaa th ng o vin ceth n o tuut thên o duu bwek yele ceei h do tuvi vi balan tip. O pwa vi balan ta o vi gan o yele n di vin kalemaan danule yele davi ne vi ceek, h do yele n di na lek o ngen hele o yele ceei ne ngen jiem. Peei duu ai aman ne yele pwa ma hava hwêma kh un (phaup, juun, hava do hiva ). Yele peei hava pwane po pije, peei duu hai ngen vhalik yele peei pwane pala o vin hava na vathan hoogo na tha Kaledoni. Nangena o duu cian nga lu ngen hun pwaian ne po hava na tha Kaledoni. Peei na puun yele peei hitei ne nai pwa vi hava lu ngen misio.

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NOUVELLE-CALÉDONIE


NOU ELLE-CALÉDONIE Considéré autrefois comme une richesse dans les échanges cérémoniels, le tapa marque le rapport au lien entre les clans à différentes étapes de la vie et selon les circonstances rattachées aux gestes coutumiers. Il est le support végétal de la parole des hommes. Il devient alors parole, sou e de vie intemporel, liant également les hommes aux ancêtres par la liane-racine du banian (Ficus sp.) et le tronc du m rier à papier. Dans la société kanak traditionnelle, l’art du tapa se déclinait dans des réalisations d’une variété et d’une technicité moins poussées que dans les sociétés polynésiennes. Les tapa les plus aboutis étaient essentiellement ceux destinés aux échanges cérémoniels. Ainsi, la monnaie kanak traditionnelle employée comme « sceau » liant deux groupes durant les échanges coutumiers était constituée pour partie d’un étui en tapa rectangulaire replié sur lui-même.

Dans sa partie basse, il renfermait un chapelet de perles d’os de roussette (ou de coquillages) et, dans sa partie supérieure, une pièce de sparterie finement tressée à l’intérieur de laquelle se tenait parfois une sculpture en bois ornée de pendeloques en nacre. L’habillement était l’usage le plus commun du tapa (coiffe, jupes, bande d’étoffe à attacher ). Le contact avec l’Occident à partir du xv e siècle a entra né le déclin de certains usages du tapa. Ainsi l’évangélisation, en cachant la nudité sous des tissus manufacturés, a entra né la fin du port des étuis péniens chez les hommes et des jupes en fibres végétales chez les femmes. Les étoffes de fibres naturelles confectionnées pour les usages cérémoniels ont également rapidement périclité pour être remplacées par des coupons de tissus de calicot.

NEW CALEDONIA Considered in the old days as a sign of wealth during ceremonial exchanges, tapa marks, at different stages of life and according to the circumstances relating to traditional rituals, the relationship to the links between clans. Tapa is the vegetal support of the men’s word. It then became the word itself, the timeless breath of life, also binding the men to the ancestors by the root-vine of the banyan tree (Ficus sp.) and the trunk of the paper mulberry (Broussonetia papyrifera). The relationship to tapa in the traditional Kanak society is expressed in less sophisticated diversity and less technical creations than in Polynesian societies. The most advanced uses of this material were essentially for ceremonial exchanges. Thus, the traditional Kanak currency used as a seal binding two groups during ritual exchanges is made in part of a folded-over rectangular tapa case. It contains a string of pearls of flying fox bone (or of shell) strung through its lowest portion, and on its upper part, a piece of finely braided plaiting inside which is sometimes found a wooden carving

decorated with mother-of-pearl pendants. The most common uses of tapa are as fabric for clothing (headgear, skirts, fabric strips to tie, etc.). The typology of the term tapa varies according to the terms used in the 28 Kanak languages. Contacts with Western culture starting in the 18th century led to the decline of some customs related to the making of tapa. Thus evangelization, to hide nudity under manufactured fabric, led to the end of the wearing of penile holsters for men and of skirts made of vegetal fibers for women. Fabric made of natural fibers for ceremonial uses also rapidly declined, to be replaced by calico-type fabric.

NEW CALEDONIA

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Archipel des Fidji Fiji Islands


FIJI

Na masi ni veiyatu e viti E sega tale ni dua na vei yatu yanuyanu ena vasivika me vakayagataki kina e vuqa na vei mataqali walewale ni kena ukutaki se na kena kesavi na isulu kuli ni kau, me vaka na rokataki ni vei volavola vakamatana, vakayagataki ni bulibuli ni vei draunikau kotivi vakamatau, na vaqiqici ni taba ni kau ceuti, ukuuku volai ga ena liga, ka vaka kina na kuvui ni so na mataqali sulu vaka oqo. Me da raica vinaka sara mada na i walewale ni kesakesa: Rawa ni vakayagataki kina na drauni jaina kotivi vakamatau kina na matana e na dua nai yatu dodonu, ka vakotori ena dela ni sulu kuli ni kau sa malumu ka tukilaki vinaka oti, ka qai boro yani na delana ena dua na tiki ni sulu toni ena wai roka ulitaki. Na « draudrau » se na drau ni jaina kotivi vakamatau qo, sa qai laveti ka vakotori tale ena i yala ni vanua sa boro oti se kesavi, ka boroi tale ena tiki ni sulu toni ena wai roka ko ya. Me vaka tiko oqori ka yacova ni sa robota kece na i sulu kuli ni kau na mata ni kotikoti ena « draudrau ». E sa qai vakatokayacataki e viti na i sulu kuli ni kau oqo (tapa), me « masi », ia sa qai sema na yaca me « masi kesa (se na tapa rokataki ena kesa damu se dravudravu), me vaka na kena i naki lokuci, se na mata ni vei roka e koto kina, « masi vulavula », na masi vaka na roka ni vula, « masi kuvui », masi e toni ena lolo ni niu ka qai kuvui ena kubou ni buka, ka vuqa tale. Dina ni vei sulu se masi oqo e i vakaraitaki ni nodra kila-ka na noda qase e liu e viti, ia ena sega talega vaka kina ni da lecava na veika e a kauta mai na i vakarau ni bula vaka tonga e loma ni sivia na senitiuri era mai maliwai keda voli kina, ka rawa ni kunei na kena i vakaraitaki ena « gatu vakatonga » kei na « masi ni viti » ka boroya koto na i yaloyalo ni tikotiko vaka - polinisia ena loma ni vanua vaka - melanisia kei na veilomani ni veicurumaki vinaka ni vakarau ni bula vakavanua ni vanua e rua, ena loma ni sivia e dua na senitiuri. Ni sa mai yali na « masi totoka veilatai na matana » ka tukuna o cook, ka sa sega ni da qai raica tale na « masi dravudravu mamare matalia, rai basika » ka vakamacalataka ko mc donald ena , ia e se tikoga e so na kena i vakaraitaki maqosa ka totoka ni sulu vakavanua ena so na kena soqo.

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ARCHIPEL DES FIDJI


ARCHIPEL DES FIDJI L'archipel Fidjien et ses masi

Il n’y a pas d’autre archipel en Océanie où une si grande diversité de techniques ait été employée pour décorer les étoffes d’écorce : estampage à l’aide d’une matrice, utilisation de pochoirs végétaux, application de motifs par roulage de b tons gravés, décoration à main levée, et enfin par fumage de certains types d’étoffes. Toutefois, c’est bien la méthode du pochoir dont il faut surtout faire état : des feuilles de bananier prédécoupées de motifs en ligne étaient posées sur l’étoffe issue du m rier à papier. Puis, ces motifs étaient colorés à l’aide d’un tampon imbibé de teinture. Le pochoir végétal, appelé ndraudrau, était ensuite enlevé et repositionné à la suite ; l’opération se répétait sur toute la surface de l’étoffe. Les Fidjiens donnaient le nom générique de masi à leur tapa, en précisant également sa fonction ou sa couleur particulière par un mot complémentaire : masi kesa ou tapa teint avec du kesa (marron rouge), masi vulavula ou long tapa de couleur crème rappelant celle de la Lune (vula), masi kuvui ou tapa fumé après avoir été imprégné de lait de coco, etc.

Si ces étoffes sont bien typiques du savoir ancien de Fidji, on ne peut oublier l’apport multiséculaire de la culture tonguienne, dont on retrouve la trace dans les grands draps ngatu vakatonga et masi vakaviti. La traduction de ces deux noms, les « ngatu faits comme à Tonga » et les « masi à la manière de Fidji », montre cette implantation polynésienne en Mélanésie et le mélange harmonieux des deux cultures au fil des siècles. Si les « belles étoffes » à rayures croisées dont parlait Cook ont disparu et si l’on ne trouve plus la fine « gaze brune » que Mac Donald décrivait en 1855, il reste néanmoins un vrai savoirfaire. Il se découvre les jours de cérémonie dans quelques tenues, empruntant certes beaucoup à l’importation, mais donnant un rendu assez convaincant du passé.

FIJI ISLANDS The Fijian archipelago ans its masi

There is no other archipelago in the Pacific where such great variety of techniques has been used to decorate bark cloth: stamping with a matrix, using plant stencils, patterning by rolling engraved sticks, freehand decoration, and finally, smoking certain types of fabric. We must emphasize the technique of stencilling: banana leaves pre-cut with linear patterns were placed on the beaten mulberry cloth, then colored using a stamp soaked with stain. The plant stencil called ndraudrau was removed and placed at the end, and the operation was repeated until it covered the entire surface of the bark sheet. Fijians gave the generic name masi to their tapa, but they also specified its function or its colored partition with an additional word: masi kesa, or tapa dyed with kesa (brown-red), masi vulavula, a long cream-colored tapa of the color of the moon (Vula), masi kuvui or tapa smoked after being soaked in coconut milk, etc.

While the above-mentioned fabrics are typical of Fiji’s ancient know-how, one cannot forget the contribution over the centuries of Tongan culture, the presence of which is found here in large ngatu vakatonga and masi vakaviti sheets. The translation of these two names, “ngatu made like in Tonga” and “Fiji-style masi”, illustrates this Polynesian settlement in Melanesian land and the harmonious blend of both cultures over the centuries. While the “beautiful fabrics with crossed stripes” mentioned by Cook, have disappeared, and you cannot find the fine “brown gauze” described by MacDonald in 1855, there is still however a skill displayed on ceremonial days in some outfits.

FIJI ISLANDS

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4. Sulu masi kesa 2,27 × 0,82 m. Pagne masculin porté lors des grandes manifestations coutumières. Chaque archipel donnait un nom particulier à ses tapa, nom qui pouvait être complété par un autre qui spécifiait sa qualité, sa texture, sa décoration ou encore la personne qui le portait. Ainsi, le mot sulu traduit exactement l’usage qui est fait de ce pagne de ceindre la taille. Les Fidjiens désignaient leur étoffe sous le nom de masi, parfois aussi, mais plus rarement, sous celui de maro. Le terme kesa, pour sa part, indique la couleur brun-rouge qui domine sur le pagne, cette teinte provenant le plus souvent de l’écorce macérée et écrasée de plusieurs variétés d’arbres, comme Elaeocarpus pyriformis, ou les palétuviers Rhizophora gymnorhiza et Bruguiera gymnorhiza. Alors que dans les autres archipels on utilisait la technique de l’estampage, puis du surlignage, ou tout simplement l’application des colorants à main levée, les Fidjiens ont développé la technique du pochoir. Ils découpaient très soigneusement les motifs qu’ils souhaitaient reproduire dans une feuille de bananier. Celle-ci était ensuite plaquée sur l’étoffe vierge, et la couleur était appliquée par le tamponnage de la matrice végétale avec les pigments choisis. La feuille enlevée, le motif, draudrau, apparaissait, net et précis. L’opération était renouvelée sur toute la surface du tapa. Cette technique entraînait un gain de temps non négligeable. Aujourd’hui, les clichés radiologiques médicaux remplacent bien souvent les feuilles de bananier car plus résistants et réutilisables. © Collection et photo A. Brianchon (exposé : Musée de Tahiti et des Îles, 2014M

5. Masi kesa 1961, tapa décoratif pour une cérémonie traditionnelle, mûrier à papier. © Délégation de Wallis-et-Futuna en Polynésie française, collection H. Alvez, photo Ph. Bacchet (exposé : Musée de Tahiti et des Îles, 2014)

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ARCHIPEL DES FIDJI


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FIJI ISLANDS

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ĂŽle Wallis Wallis Island


U EA Ko koloatukuholo o Uvea : te gatu mo te lafi Kote gatu, kote uluaki koloa mauhiga aia ote nofofakafenua o te pule’agahau o Uvea. Nee kafu’i tafito ia ite temi mu’a pea toe faka’aoga ki te fakatapu’i ohe malumaluga fakafenua. Ite mauli fetonokoni’aki faka’uvea, e hoko he gaohime’a fakafamili, pe kohe aho lahi, pe’e fakatahi fakafenua, pea faifagona’i ai pe he lauhogofulu, pe kohe lautefuhi foki. Kote fagona faka’uvea eina puke me’a e tolu, te fatogia, te ofa pea mote faka’apa’apa. Mole feala te fagona faka’uvea ke hala mo mo’i gatu. E lagiaki fakakolo tu’umau te faikoka, pea fakatahi te haha’i fafine o koka. Ko te matagafua aia ote fafine uvea moka hala mo gatu. E toe ma’uhiga kehe leva moka hoko he fakanofohau, pe’e ’alikifa’u, pe’e pelepitelo, pe kohe sakalameta kihe fanau, o kaku pe mohe mate, e faifagona’i aipe te gatu. E toe mamafa age tona ma’uhiga moka hoko he Faihu kote’uhi e ma’ukava’i leva te lautefuhi o ave aki te mo’i kava, o kole aki leva te fakamolemole. Kote tohi o te’u gatu, e fai pe te’u pule o te’u kupesi koka pea tohi faka’iloga o mulimuli pe kite fakanumelo ote gatu he’e fakatuha kiai tona tu’utu’u. Ko te tohi faka’afea ote gatu, e fakahaha aipe te nofo ate pule’agahau o Uvea. Kote lafi leva, e faka’aoga tafito ia kite faikava, o teu kiai te tagata taukava pe’e agaikava. E toe malumalu ai foki te taukava pea faka’apa’apa tafito kite hau mo te kau alikifa’u mai te alofi. Ko te’u pule o te’u lafi, ko ni faifaitaki aipe o te nofofakafenua, mai te afio a Lavelua kote hau, te kau alikifa’u o feia aipe kite kau pulekolo kaifenua o Uvea. Ite temi ae ne’e kaku mai ai teu me’a matapule ki ’Uvea, ne’e hoki ha ai leva ni paaki ote kele mote tai.

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ÎLE WALLIS


LE WALLIS

Le gatu et le

fi : mémoire du peuple de Uuez

Étoffe végétale de grande taille, le gatu est l’ uvre la plus caractéristique de la culture wallisienne. Son usage ancestral s’inscrit dans une perspective rituelle et sacrée. Fabriqué par les femmes, le gatu est la pièce privilégiée du don et de l’échange au cours de cérémonies coutumières, notamment l’intronisation d’un roi ou de grands chefs. Sa présentation à ces occasions atteste de trois vertus : savoir-faire, solidarité et respect. Il accompagne donc l’individu tout au long de sa vie et son statut évolue à chaque grande étape qui la jalonne, de la naissance à la mort. Le gatu est également offert à l’occasion de sacrements religieux, du baptême au mariage ainsi qu’aujourd’hui au moment de l’ordination des prêtres. Dans le cas d’un homicide involontaire, une demande coutumière de pardon en réparation de l’acte est présentée auprès de la famille victime. Un gatu, accompagné de la racine de kava, est alors offert par la famille du fautif. Le gatu est donc

un modèle de pouvoir dans le mode de vie pratiqué à Wallis, celui de la solidarité et du partage. Les motifs au graphisme géométrique obéissent à un ensemble de codes culturels et respectent plusieurs symboles identitaires. La numérotation traditionnelle de l’étoffe, qui en permet un découpage précis, respecte ces règles. Le fi est un vêtement cérémoniel qui renforce le prestige des manifestations. Lors des événements coutumiers, les hommes et les femmes occupant une fonction importante dans la cérémonie portent un « feuillage » de fi devant le roi et la chefferie. Les décors des fi sont majoritairement symétriques et traduisent généralement l’organisation du royaume d’Uvea, d’où un cadre strictement ordonné. Enfin, des représentations plus ou moins stylisées d’éléments de la faune et de la flore marquent le basculement de ce savoir ancestral dans la modernité.

WALLIS ISLAND The gatu and

fi, memory of the people of Uuez

The most characteristic work of Wallisian culture and direct evidence of the bonds between man and the earth, the gatu is a large vegetal material dedicated primarily as a cover in a ritual and a sacred contexts. Its ancestral use was essentially to cover and protect the body. A prestigious means of exchange par excellence, the gatu is the preferred piece of offering during traditional ceremonies. Therefore, its value is measured by these criteria. Produced by females, its presentation illustrates three virtues: skill, solidarity and respect. Marking milestones in the life of an individual, it is used as a diaper at birth becomes a shroud at death. It was also offered on the occasion of sacraments or accompanied with kava root in a request for forgiveness. It is an outstanding model of power in a lifestyle primarily based on solidarity and sharing. The geometrically developed patterns and graphics in its compositions correspond to a set of cultural codes and symbolic identity, hence

the traditional numbering of the fabric for precise cutting. Finally, its sacred status makes it a receptacle of the souls of the dead. The fi was originally a ceremonial garment whose function was to enhance the importance of the ceremony. In customary events, men and women involved in important roles were dressed in a fi, “foliage”. The mandatory wearing of a fi loincloth when being presented to King Lavelua and the chiefs was a sign of respect. Predominantly symetrical compositions affixed to these pieces usually represent the structure and identification of the Kingdom of Uvea, hence the ubiquity of an orderly framework. Finally, traces of more or less stylized figuration of elements of the fauna and flora emphasize the switch to modernism.

WALLIS ISLAND

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ĂŽles Futuna et Alofi Futuna and Alofi Islands


FUTUNA I le fakamatala tuku gutu o le isitolia o Futuna, nau kamata le faka’aoga o le siapo mei le temi o le Kele Kula na tau ake ai fenua sa’amoa, leia na fetau’aki ai le kau Futuna, o teu kiai tagata to’a o le tau. I le temi lena, na toe faka’aoga ki le kafu pe kole fakatapu’i o se malumaluga. Sosolo mei ai o kaku mai ki le temi nei mo le fakam ’uiga’i o leinei koloa e ta’utupu fuli o tupu t fito ko lona faka’aoga leia ki nei fa’asig ne’a o le ma’uli fetokoi’aki fakafutuna. E toe faka’aoga foki ki le kofu o mate. Ko le siapo e g ’oi’i aia e fafine ti kole koloa ma’uiga lena e tausi fakalotofale e le fafine fatogia na ko le matagafua a ia. Ko le siapo katoa e ’igoa loa ia ko le tekumi. E faka’aoga tafito aia ki le fai fe’ilo, pe ke kole ai le fakamolemole, pe ko se fakanofo’avaga. Nau kaku ake le lotu ki Futuna tio faka’aoga ai le siapo ki sakalameta fuli ala e soko i famili, mei le komunio ki le ’avaga. O ’uiga mole lafi, e lasi ona fa’asiga faka’aoga tafito kile teuteu kise aso lasi o teu ki ai tagata fuli e faikava ki le sau mole kau ‘aliki. Ka soli ki se ’avaga ti ‘igoa a ia ko le tepi pe kole salatasi. Ka soko se faikava pe ko se mako, e teu loa kiai a tagata fuli ti ’igoa loa ia ko le safe. Ko le koloa leinei e malumalu ai a fa’asiga ne’a fuli e fakasoko i mu’a o le kau ’aliki. E fakalogo fa’i le teuteu’i o le lau lafi ki le ma’uiga o le fakatasi fakafenua leia e faka’aoga kiai.

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ÎLES FUTUNA ET ALOFI


LES FUTUNA ET ALOFI Élément le plus prestigieux de la culture futunienne, le siapo est une imposante étoffe végétale appelée tekumi lorsqu’elle atteint les cent coudées (45 mètres) de longueur. D’après la tradition orale, il aurait été introduit à Futuna lors des invasions samoanes au x ve siècle. Le siapo est le fruit d’un travail collectif et minutieux exécuté par les femmes. Il tient un rôle central dans les échanges lors des cérémonies d’autorité et de prestige comme celle d’un kava royal, ou bien encore celle d’une demande coutumière de pardon, par exemple auprès d’une famille victime d’un grave préjudice comme un homicide involontaire. Un tekumi est donc présenté à ces occasions, rituel qui vient asseoir son pouvoir symbolique. Dans d’autres circonstances comme un deuil, le siapo est découpé en morceaux de cinq à dix coudées qui seront offerts au cours de la cérémonie. La taille du morceau d’étoffe varie en fonction du prestige de celui qui le reçoit. Dans l’organisation sociétale des deux royaumes de Futuna, posséder un tekumi est gage d’insertion sociale et preuve de la maîtrise du geste coutumier.

Le système de motifs, graphisme et figurations, fait référence à la hiérarchie coutumière, d’où l’omniprésence de formes triangulaires et rectangulaires, les alignements, et la répétition ordonnée des dessins. Le fi revêt un statut fonctionnel de grande valeur dans les cérémonies coutumières. Tout rituel est l’occasion pour les Futuniens d’affirmer leurs origines ancestrales et répond à des principes en faveur de leurs royaumes, tels que le respect et la solidarité. En fonction de la cérémonie et de l’usage qui en est fait au cours de celle-ci, le fi porte un nom spécifique. Ainsi, lorsque le fi devient pagne, il porte alors le nom de tepi s’il s’agit d’un mariage coutumier, et celui de salatasi s’il s’agit d’une cérémonie de kava royal. Porté en bandoulière lors de manifestations culturelles ou de danses collectives en présence de la chefferie, le fi devient safe.

FUTUNA AND ALOFI ISLANDS The most prestigious element of Futuna culture, siapo is an important vegetal fabric, and is called tekumi when it reaches one hundred cubits in length (about 45 m). According to the oral tradition, the siapo culture originated with the first Samoans settled in Futuna. The product of the meticulous and enthusiastic work of women, siapo has a central role in exchanges in all ceremonies of authority and prestige. The method of making these large fabrics varies from one kingdom to another. Its ritual and symbolic importance is dictated by its presentation inside a mat. The size of the siapo fragment offered reflects the rank of the receiver. This exchange process does not end until the death of the individual, as the offering accompanies the actions and the changes in status. Often associated with kava, the siapo also symbolizes the unity of the people of Futuna.

Owning a tekumi is a proof of the individual’s social integration and demonstrates the mastery of a traditional know-how. The system of patterns, graphics or representations affixed to these pieces is usually associated with customary hierarchy, from the monarch to the village chief, and to the succession of generations, hence the ubiquitous triangular and rectangular shapes, alignments, orders and repetitions. The fi gets a functional status of great value in traditional ceremonies. Any ritual is an opportunity for the Futunans to assert their ancestral origins, which meets principles favorable to their royalties, such as respect and solidarity. Each use of fi bears a specific name. For a traditional wedding, the fi is used as a loincloth, and called tepi or salatasi for a royal kava ceremony. Worn over the shoulder during cultural ceremonies or group dances for the chiefdom, the fi becomes a safe.

FUTUNA AND ALOFI ISLANDS

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11. Lafi 1966, 2,45 × 1,40 m. © Collection et photo A. Brianchon

12. Lafi 1966, 2,46 × 1,45 m. © Collection et photo A. Brianchon

13. Lafi 1966, 2,51 × 2,45 m. © Collection et photo A. Brianchon

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ÎLES FUTUNA ET ALOFI


14. Siapo 1970-1980, 5,39 × 2,60 m, mûrier à papier, pigments. De l’avis de plusieurs experts, ce tapa serait originaire de Futuna, mais il est vrai qu’il ressemble terriblement à un tapa de Wallis et dans ce cas ce serait un gatu. Le Musée de Tahiti et des Îles possède un second morceau qui provient du même tapa initial, hélas coupé en deux dans les années soixante-dix avant d’être intégré à ses collections. Ce second morceau (inv. 81.11.02), moins long (4,09 × 2,60 m), provient de l’ancienne collection de l’amiral Roger de Scitivaux. © Collection du Musée de Tahiti et des Îles – Te Fare Manaha, inv. 81.11.01, photo Ph. Bacchet

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FUTUNA AND ALOFI ISLANDS

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ÃŽle Niue Niue Island


LE NIUE

NIUE ISLAND

La relation de voyage que fit le capitaine Cook de l’ le « Sauvage » (Niue), en juin 1774, ne mentionne qu’une petite note au sujet des vêtements des habitants : « quelque chose de blanc enveloppait leur tête et leurs reins » Presque 60 ans plus tard, en juillet 1830, le pasteur John Williams écrivit : « Il ne portait pas de vêtements, hormis une étroite bande de tissu (à savoir hiapo) autour de ses reins, dans le but de passer une lance à travers » S’il existait certainement une petite fabrication de tapa avant l’arrivée des Européens, ce sont surtout les missionnaires samoans de la London Missionary Society qui ont très rapidement apporté leur savoir-faire en la matière et amplifié son usage pour couvrir les corps dénudés, avec, en premier lieu, le tiputa, sorte de poncho en tapa venu de Tahiti. ers les années 1880, le hiapo de Niue s’est différencié de ceux des autres archipels et a commencé à se couvrir d’une ornementation fine et variée : formes géométriques rectilignes ou circulaires, représentations florales multiples, et même quelques visages humains. Toujours réalisé par feutrage et non par collage, avec sa décoration teintée de noir, fine et aérienne, voulu long ou circulaire par les prédicateurs, le hiapo servait souvent dans les premiers temps de sa réintroduction à couvrir les autels des temples. Un peu plus tard, reconnu et apprécié, il fut réalisé pour être offert ou même vendu aux personnes de passage. Avec l’arrivée des tissus européens, la fabrication du hiapo disparut à la fin du x xe siècle.

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ÎLE NIUE

The travel log kept by Captain Cook of “Savage Island” (Niue), in June 1774, makes only a small mention of the clothes worn by the island’s inhabitants: “ something white was wrapped around their heads and loins ” Nearly sixty years later, in July 1830, the pastor John Williams wrote: “... He wore no clothing except a narrow slip of cloth (i.e. hiapo) round his loins for the purpose of passing a spear through .” Although a small production of tapa certainly existed before the arrival of Europeans, it was the Samoan missionaries from the London Missionary Society who quickly brought their knowledge in the domain, and expanded its usage to cover unclothed bodies, with, at first, the tiputa, a sort of poncho made from tapa brought over from Tahiti. Around the 1880s, the hiapo of Niue became distinct from those of the other archipelagoes, and began to be covered with a fine and varied ornamentation: rectiliner and circular geometric forms, various floral depictions, and even human faces. Always made by felting rather than by collage, its adornment made from black dye, fine and airy, long or circular, as the priests desired, the hiapo, in the years following its reintroduction, often served to cover temple altars. A little later, once it was recognised and appreciated, it was made to be offered or sold to travelers. With the arrival of European fabric, the production of hiapo disappeared at the end of the 19th century.


Hiapo: A Genealogy of Barkcloth on Niue Tom Ryan PhD, University of Waikato, Hamilton, New Zealand

Ces dernières années, le tapa de l’ le de Niue, en Polynésie occidentale, a fait l’objet d’un intérêt croissant de la part des chercheurs. Grâce, en particulier, aux recherches exhaustives de John Pule et de Nicholas Thomas, plusieurs douzaines de pièces de cet art appelé hiapo sur Niue ont pu être identifiées dans des collections du monde entier. Prenant souvent la forme de vêtements ou de nappes, la plupart de ces hiapo présentent des motifs complexes noirs et rouges dessinés à main levée, comprenant typiquement une bordure, des rectangles, des cercles, des lignes, des formes, des plantes et parfois aussi des figures humaines, des navires et des mots. Il est clair qu’ils ont tous été produits entre les années 1860 et 1890 et que les évangélisateurs samoans et leurs épouses ont joué un rôle dans la naissance de ce genre. De ce fait, cette influence étrangère sur la production de hiapo de ce type à l’époque missionnaire a malheureusement amené certains commentateurs à en conclure que le hiapo n’existait pas sur cette île isolée durant la phase préeuropéenne. Le premier objectif de cet essai est d’effectuer une plongée approfondie dans les légendes et l’ethnologie de Niue afin de démontrer que le hiapo – essentiellement sous une forme non décorée – faisait bel et bien partie de la culture quotidienne traditionnelle. Le second objectif est de faire valoir que l’indubitable capacité d’adaptation et d’innovation des Niuéens et un contexte général d’acculturation et de christianisation, ont été les premiers facteurs de cet épanouissement particulier de la production de tapa et de sa décoration à la fin du XiXe siècle.

1. 1904 photograph by Beatrice Grimshaw of a Palangi (European) woman on Niue wearing a tiputa from the 1860s. Believed by the writer to be Blanche Nicholas, wife of an Alofi trader.

NIUE ISLAND

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Archipel des Samoa Samoa Islands


SAMOA O lenei faivaalofilima o le gaosiga o le siapo na aumai i Samoa i le sili atu ma le toluafe tausaga ua mavae. Fa’atasi ai ma isi mea na moomia mo le fa’afoeina o nofoaga po’o aai fou o le laa’u o le u’a le isi mea sa tausia ma fa’afailele lelei i nei femalagaiga. O tipiga laau o lenei laau na maua mai i le uluai laau sa maua i vaega i Saute o Saina e tusa ma le lima afe tausaga ua mavae. O le ietoga lava poo le ie o le malo o loo tumau pea le avea ma measina e maualuga atu lona taua i lo o le siapo i fesuiaiga faaleaganuu. E tusa ai ma talatuu faasolo sa la’ei e aliitaua ma tulafale, o latou alo alii ma alo tamaitai le siapo ma sa faaalia ai o latou tulaga ma tofiga. O nei fasi siapo sa laiti pe tusa ma le ta’ilua iata ma sa teuteuina matagofie. O siapo lautetele sa fa’aaogaina e fai ma ie’ afupupuni, ta’aiaitino maliu ma fanuape a fanau se pepe. O aso nei, ua gaosia le siapo e faatau i turisi, e fai ai meaalofa ae fai foi ma measina mo fa’aaloaloga i sauniga faale-aganuu. O mamanu o le siapo na afua mai i ata faigofie o le si’osi’omaga fa’ale-natura. O laina ninii e aumai i meafaitino fa’aaoga so’o e pei o launiu ma le ’afa. O le atigipipi poo le ‘asi e maua i foliga tafatolu ese’ese e vaaia i siapo. O isi fa’atusa poo mamanu e maua mai i le fua o le paogo, o lau o le paogo, lau o le ulu, tulagavae o manulele, aveau, fa’i, anufe ma le atualoa ma le tuitui. O le gaosiga o le siapo e aofia ai le saeina, sasaina ma le valuina o le pa’u o le ua, o le fa’alauteleina ma fonofono ona fa’amagoloa lea. E lua auala e faailoa ai mamanu i luga o le la’ua. O le auala ua ta’ua o le elei e aofia ai le oloina lea o le mamanu i luga o le lau’a e fa’aaoga ai le ‘ele ona faaolaola lea o le mamanu pe tutusi foi e faaaoga ai valifaa-samoa e gaosi mai i fatu ma pa’ula’au, e fa’aaoga ai le fua o le falasu’iula, fua o le paogo e fai ma peni poo le pulumu. O le siapotutusi poo le siapomamanu e fa’aaoga ai le tusilima o ata ma mamanu i lanu ese’ese ma vali e maua mai i la’au o faatoaga ma le vao.

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ARCHIPEL DES SAMOA


ARCHIPEL DES SAMOA Aux Samoa, le tapa est appelé siapo. Ce sont les premiers habitants, arrivés voici près de 3 000 ans, qui apportèrent le m rier à papier (u’a), matière première du siapo, et très certainement aussi l’art de fabriquer et décorer cette étoffe d’écorce. Le m rier à papier était de tous les voyages de ces navigateurs. Ceux-ci lui prodiguaient des soins attentifs afin d’en réussir l’introduction et la multiplication à chaque étape de leur expédition. Historiquement, les chefs, leurs fils (manaia) et leurs filles (taupou), portaient le siapo qui symbolisait leur rang et leur statut. Ces pièces de siapo étaient de petite taille et magnifiquement décorées. Les plus grands siapo servaient de tapis de sol, de cloisons murales, de moustiquaires, d’enveloppe pour le placenta (pute) ou encore de linceul. Aujourd’hui, le siapo est fabriqué principalement pour les échanges lors des cérémonies rituelles, pour en faire cadeau ou encore pour répondre aux attentes des touristes. La fabrication du siapo implique le pelage et le trempage de l’écorce, puis le battage pour l’étirer et l’assouplir, le cas échéant le rapié age, et enfin le séchage des lés.

Les décors des siapo ont évolué à partir de modèles naturels simplifiés. Les lignes droites représentent les filets utilisés pour attraper les oiseaux, les poissons et les tortues. La coquille de troca se retrouve dans les nombreuses formes triangulaires observées sur les siapo. D’autres symboles sont dérivés de plantes ou d’animaux. Les petites lignes proviennent, quant à elles, d’objets couramment utilisés comme les feuilles de cocotier et de pandanus. Il y a deux façons de réaliser des dessins sur le siapo. La méthode e qui consiste à estamper un motif sur l’étoffe à l’aide d’une pierre rouge, puis à repasser les contours à l’aide d’un pinceau de pandanus enduit de peinture à base de colorants naturels fabriqués à partir de graines et d’écorce. Le dessin à main levée ou mamanu est la seconde méthode. Elle consiste à peindre le siapo sans traçage préalable, en employant une gamme de colorants naturels trouvés dans l’environnement.

SAMOA ISLANDS In Samoa, tapa is called siapo. The ancient art form of siapo making was brought over three thousand years ago. The first inhabitants introduced the paper mulberry or u’a, carefully propagated and nurtured during the voyages. Historically, chiefs, their sons (manaia) and daughters (taupou) wore siapo symbolising their rank and status. These pieces of siapo were small and beautifully printed. Larger siapo pieces were used as floor mats, wall dividers, mosquito nets, to wrap the dead and also the afterbirth (pute). Today siapo is produced for tourists and gifts, as well as for exchange during rituals and ceremonies. The making of siapo involves stripping, beating and soaking the bark, stretching the bark and patching it before letting it dry. Siapo patterns evolved from simplified natural patterns. The straight lines depict nets used to catch birds, fishes and turtles. The small lines come from commonly used objects such as

coconut and pandanus leaves. The Trochus shell is found in the many triangular shapes seen on siapo. Other symbols are derived from plants and animals. There are two ways of creating designs on the siapo. The e method involves rubbing a design on the siapo with a red stone and then painting over the design using a pandanus brush, with natural dyes made from seeds and bark. The mamanu method of marking involves hand-painting the siapo with a range of natural dyes found in the forest and plantations.

SAMOA ISLANDS

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Focus Archipel des Samoa Samoa Islands

1. Siapo ēlei Première moitié du xxe siècle, 1,76 × 1,58 m, mûrier à papier. Siapo de type lava lava qui, dans ses dimensions traditionnelles, était porté comme un pagne, ceint autour de la taille. En règle générale, la finition du pourtour des siapo de Samoa est soignée. Il est donc probable que cette étoffe ait eu des proportions plus importantes que celles qu’elle conserve aujourd’hui, un côté semblant amputé de sa réciproque. Les motifs sont assez originaux pour être soulignés, notamment celui que l’on peut qualifier « d’as de pique » que l’on ne connaît pas sous cette forme à Samoa. En effet, le motif du cœur est connu. Il peut être attribué à la représentation de la feuille du mûrier à papier, le Broussonetia papyrifera, mais ce même cœur transformé en « pique » l’est beaucoup moins. Il pourrait bien être une invention totale, assez surprenante. Les larges pétales foncés qui se développent sur la toile sont probablement d’influence tonguienne. Ces motifs, assez soutenus dans leur tonalité rouge marron, sont d’un bel effet sur l’étoffe à la nuance jaune orangé. Ce rendu est obtenu grâce au savant dosage de la teinture préparée à l’aide de l’écorce du ‘o’a (Bischofia javanica), cette couleur marron rouge peut être plus ou moins délayée ou, tout au contraire, renforcée de noir. © Photo et collection A. Brianchon (exposé : Musée de Tahiti et des Îles, 2014)

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2. Siapo ēlei Milieu du xx siècle, 1,72 × 1,37 m, mûrier à papier. e

Autre exemple de siapo de type lava lava. Ce pagne masculin était maintenu à la taille à l’aide d’un autre tapa long fusi ou d’une ceinture végétale. La couleur est intéressante et peu fréquente. En effet, uniforme et presque rosé par endroits, le blanc crème est franc et éclatant. En général, l’écorce battue s’oxyde légèrement au contact de l’air et le liber devient vite un peu jaune. Toutefois, celui du Broussonetia papyrifera résiste un peu mieux que celui de l’arbre à pain ou du banian, déjà très teintés d’origine. Dans le cas présent, on ne constate aucune altération de la teinte et les motifs de couleur marron rouge, issue de l’écorce du ‘o’a (Bischofia javanica), ressortent avec force et netteté.

Ici, nous sommes en présence de deux motifs dont l’un est une composante de l’autre. L’hirondelle de mer (sterne) est le motif le plus facilement identifiable. Stylisée, ce n’est qu’une vision lointaine de l’animal en plein vol. Appelé fa’a gogo, ce motif est figuré par deux arcs de cercle accolés. Reproduit parallèlement et plusieurs fois, un plus petit sur un plus grand, il fait apparaître un autre motif : un triangle qui rappelle un coquillage bien connu de toute la Polynésie, le troca (Trochus niloticus), le fa’a’ali’ao des Samoans. © Photo et collection A. Brianchon (exposé : musée de Tahiti et des Îles, 2014)

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Archipel des Tonga Tonga Islands


TONGA Na’e ngaohi ’e he kakai Tonga ’a e ngatu mei he ’akau ko e hiapo ( o o e e ) ’ a ia ’oku to pe ’a e huli mei he fu’u hiapo motu’a kuo ’osi amusi. ’Oku ma’u ’a e hiapo i he Tonga Hahake ’o’ Esia. Ko e mahu’inga ’o e ngatu ’i he ulungaanga Fakafonua ‘oku ne tala ’a e tu’unga ’o e tangata pe fefine ’aki ha konga ngatu pe koha la’I fetaa’aki manifinifi pea haohaoa ’oku ngaahi ’aki ha fa’u ’o ha to’a. ’Oku ngaueaki ’a e ngatu ki ha vala pe puipui fakaloki pe valaloto ’o ha Pekia. ’Oku kei ngaueaki ki ha katoanga mali pe vala faiva. Ko e tefito’I ngafa ’o e ngatu ’I he ngaahi katoanga ko hono tala ’o e fetu’utaki ’a ha famili pe kainga ’I he fetongi koloa. Ko e ngatu ’oku ngaohi ’i Tonga ko e ngaue ’a fafine fakatokolahi. ’Oku tanaki ’a e tutu ’o fohi e kili ki tu’a pea fai ’a e la’i tutu ’i hono ta ’aki ’a e ike ’i he funga tutua. ’Oku fakaviviku ’o molu ’a e la’i tutu ’o mafola. ’I he mafola ’a e la’itutu pea momoa ’oku ngaue tauhoa leva ’a e kau fefine ’o vali ’aki e feta’aki ’a e koka. ’Oku toumoliliu ’a e founga ni’i hono ta, fakaviviku, tae, hokohoko, fakapipiki pea mo koka’i ka e ’oua kuo a’u ki he lahi na’e feima’u ’e he kau fefine. ’Oku te’eki kakato ’a e ngaue ki he ngatu kae ’oua ke tauaki, tata’o pea tohi ’a e kupesi ’aki ha fo’i fa ’o ngaueaki ’a e ’akau ’o e ’atakai ’o hange koe koka kuo fakatoka pe tongo kuo haka. Ko e ngaahi kupesi ‘o e ngatu Tonga ‘oku ha fo’ou mo makehe ’o makatu’unga ‘i he ngaahi fakatata ’oku koka’i pea tohi ke ha mahino hake ’a e kupesi. Ko e kakai Tonga ’oku nau manako ke katoanga’i ha ngaahi me’a mahu’inga na’e hoko ’o nau tui ha ngaahi kupesi ’o felave’i mo e me’a koia. ’Oku koka’i leva ha ngatu ke fakamanatu ’aki. ’Oku ha he ngatu ha ngaahi fakatata ’o ha monumanu, pe koe sila, pe kalauni fakatu’i, manupuna, ’akau, ika pe ko ha ngaahi fakatata ‘oku felave’i mo e me’a ’oku katoanga’i.

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ARCHIPEL DES TONGA


ARCHIPEL DES TONGA Le ngatu tongien est culturellement significatif et traduit le statut social de celui qui le porte. Les ngatu grossiers servaient de vêtements simples alors que les pièces fines et blanches étaient utilisées pour faire des turbans portés par les personnes ayant un statut social élevé. Les ngatu étaient également utilisés en guise de cloisons et comme linceuls. Aujourd’hui, ils sont toujours portés par les groupes de danse et à l’occasion des mariages. Mais le ngatu est fabriqué principalement pour être offert au cours des cérémonies. C’est la fonction principale de cette étoffe qui souligne son importance dans toutes les relations familiales et les échanges cérémoniels. La fabrication du ngatu à partir de l’écorce du m rier à papier est une activité communautaire exclusivement effectuée par les femmes. Sous l’action du battoir (ike), les fibres de l’écorce interne forment une sorte de feutre fin et résistant. Une fois les fibres étirées et séchées, les femmes travaillent en binôme.

La surface de la pièce est alors frottée avec le pigment brun de l’écorce de koko (Albizia). Le processus est alors répété : battage, trempage, grattage, assemblage, collage et pigment brun jusqu’à ce que le ngatu atteigne la longueur souhaitée. La pièce de tapa est incomplète tant qu’elle n’est pas sèche et que les décors de la matrice (kupeti) n’ont pas été surlignés à l’aide d’une drupe de pandanus imprégnée de teinture naturelle. Les motifs imprimés ou peints à la main donnent aux ngatu tongiens un cachet particulier. Les Tongiens célèbrent les événements importants en fabriquant un ngatu sur lequel ils peignent des symboles spécifiques les commémorant. Le ngatu est alors décoré d’images représentant des animaux (oiseaux et poissons notamment), des blasons, la couronne royale, des plantes, des arbres, et d’autres motifs personnels en relation avec l’événement célébré.

TONGA ISLANDS Tongan ngatu is made using the paper mulberry tree, which can only be grown from carefully tended cuttings from parent plants that are found in SouthEast Asia. Tongan ngatu is culturally significant, and it denotes status, with plain ngatu being used as clothing and the fine white pieces used for making turbans. Ngatu was also used for marking room boundaries and wrapping corpses. Today it is still used by dance troops and at weddings. The major function of ngatu is as exchange during ceremonies, which emphasises ngatu is all about family relationships and ceremonial exchanges. Ngatu making is a community activity carried out by groups of women. The bark is collected, and the coarse outer bark is removed, the inner bark is beaten with a wooden beater (’ike) on an anvil (tutua). It is wet, and the fibers are softened and spread. Once the fibre has been stretched and dried, the women work in pairs, and the surface of the cloth is rubbed with brown pigment from the bark of the koko tree.

This process is repeated: beating, soaking, scrapping, joining, pasting, and rubbing until the ngatu has reached the length the women want it to be. The cloth is incomplete until it is dried, flattened, and the patterns from the kupeti board have been painted over with a pandanus brush using dyes from the natural environment. Tongan ngatu has a distinct freshness about it due to the symbols that are printed and hand painted onto it. Tongan’s like to celebrate significant events by making ngatu and painting specific symbols onto it to commemorate the occasion. The ngatu reveal images of animals, coats of arms, royal crowns, birds, plants, trees, fishes, and other personal symbols related to the event being celebrated. Some of these motifs are also carved onto wooden kupesi and rubbed and over painted onto the ngatu.

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PolynĂŠsie centrale Central Polynesia


PU O PORINETIA Tapa n P r netia rop E ’ohipa t tiare faufaa roa t te tapa o te mau t amotu n P rinetia r pu: e t pa’o faufaa rahi e, e faahiahia. E t atihia o ia i te mau tuhaa ato’a o te oraraa, mai te p hii e tae atu i te ’ahu v hi taata pohe. E h manihia o ia e te paa roto o na tumu raau too toru. E te aute, o o e e , e noaa te tapa rairai e ’uo’uo a’e. E te ’uru, o , e noaa ia te tapa me’ume’u e tei faa’ohipahia a’e. E te mau ’ maa e tae atu i te mau aa ni’a o te ’ r , o , e noaa ia te tahi tapa paari a’e e ’ hiri. Ua faa’ohipahia taua tapa r i te mau ’ ro’a pureraa e n te faa’iteraa i te tahi ’ohipa mo’a. I te mau fenua M tuita m , e v hi te tamaroa m t mua a te h ’ ’urateni i te hami hiapo, ’ahu t po’i ure h manihia e te paa o te tahi tumu ’ r ’ p . I te mau motu n T taiete m , e tanu te mau ’utu fare ato’a i te tahi mau aute i p ha’i iho i t r tou fare. E haapa’o-maita’ihia t r tou tupuraa e, e ’ uahia n te p ruru i te mau ’animara. E tutuhaahia te paa e te i’e i ni’a i te tahi tutua i te mau motu T taiete e Tuhaa pae m , e i ni’a i te tahi t pa’iraa, , taraihia i roto i te ’ fa’i ’ar i te mau motu n M tuita m . E faa’una’unahia te mau ahu e te tahi mau hoho’a raau rau m te nene’i i te mau rau’ere t puruhia e te ’ mati, te tahi mau p taa nene’ihia e te tahi mau t p ’ofe mai i Tahiti, e aore r te tahi mau hoho’a toruaa e aore r p tahi mai i te mau fenua Tuhaa pae. I te mau motu Maareva e M tuita m , aita te mau tapa e faa’una’unahia e te tahi mau hoho’a, e t ’ereere-noa-hia e te ’ re’a m te t puru e te e ( o ). Te ’ahu i te mau motu n T taiete, e maro ia, e parauhia hami i te mau motu M tuita, e h tua t po’i ure ’ahuhia e te mau t ne, e ’itehia na i roto ia P titif ato’a. E ’ahu te mau vahine i te pareu i te mau motu T taiete e aore r ka’eu i Matuita m , t amuhia i ni’a i te h maha. E ’ahu ato’a te mau t ne i te pareu. I Tahiti, e ’ahu te mau t ne e te mau vahine i te tiputa o tei topa roa i ni’a i te ’avae. I te mau motu Tuamotu, aita e tapa.

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POLYNÉSIE CENTRALE


LA POLYNÉSIE CENTRALE Le tapa des archipels de la Polynésie centrale (Société, Australes, Gambier, Marquises, Cook) avait un r le social important : il était un symbole de richesse, un présent de choix et était associé aux différentes étapes de la vie, du lange au linceul. Il était principalement obtenu à partir de l’écorce interne de trois arbres. Avec le e ou m rier à papier, on obtenait le tapa le plus fin et le plus blanc. Le ’uru ou arbre à pain donnait un tapa plus épais, le plus utilisé. Les branches et les racines aériennes du ou banian fournissaient un tapa plus résistant de couleur brune. Ce tapa était surtout employé pour les rites religieux et pour souligner un caractère sacré. Aux Marquises par exemple, le premier fils d’un chef portait un o, vêtement cache-sexe réalisé à partir d’écorce d’un jeune banian. Aux les de la Société, chaque famille plantait près de son habitation des pieds de e, dont la croissance était surveillée et les plants protégés des animaux par des cl tures. Les écorces étaient ensuite battues avec un battoir, e, sur une poutre, tutu'a aux les de la Société et aux Australes, ou sur une enclume en basalte, , aux les Marquises.

Les étoffes étaient décorées de motifs végétaux obtenus par impression de feuilles imprégnées de teinture, de cercles dessinés à l’aide de sections de bambou comme à Tahiti, ou de motifs triangulaires ou concentriques comme aux les Australes. Aux les Gambier et aux Marquises, le tapa n’était pas orné de motifs, mais parfois simplement teinté en jaune par imprégnation de e ( o ). Parmi les vêtements en tapa, on comptait le o aux les de la Société, appelé aux les Marquises, sorte de ceinture cache-sexe portée par les hommes et présent dans tout le Pacifique. Les femmes portaient, drapé autour des hanches, le e aux les de la Société ou e aux les Marquises. Les hommes pouvaient aussi utiliser le e . Les deux sexes s’habillaient à Tahiti d’une sorte de grand poncho, le , qui tombait jusqu’aux chevilles. Les des classes supérieures étaient teints et richement ornés de motifs. On notera qu’aux Tuamotu, le tapa était absent.

CENTRAL POLYNESIA The tapa of central Polynesia’s archipelagoes (Society, Austral, Gambier, Marquesas, Cook) had an important social role : it was a symbol of wealth, a present of choice and was associated with the different stages of life, from diapers to the shroud. It was mainly obtained from the inner bark of three trees. From the e or paper mulberry, the finest and whitest tapa was obtained. The or breadfruit tree produced a thicker tapa, the most often used. Branches and aerial roots of the banyan tree or , gave a stronger brown tapa. This tapa was mainly used for religious rituals and to emphasize the sacred aspect. In the Marquesas, the first son of a chief used to wear a o, a loincloth made of the bark of a young banyan. In the Society Islands, each family used to grow e plants near their home; their growth was monitored and protected from animals by fences. The barks were then beaten with a beater, e, on a beam, called tutua in the Society Islands and the

Austral Islands, and an anvil made of basalt, named , in the Marquesas Islands. The cloths were decorated with plant motifs obtained by imprinting dye-impregnated leaves, or circles printed with sections of bamboo, as in Tahiti, or triangular or concentric patterns as in the Austral Islands. In the Gambier and Marquesas Islands, tapa was not decorated with patterns, but it was sometimes just colored yellow by impregnated e ( o ). Clothing consisted in a o in the Society Islands, and it was called in the Marquesas, a kind of belt worn by men, found throughout the Pacific. Women wore a e in the Society Islands or a e draped around the hips in the Marquesas. Men could also wear the e . Both sexes dressed in Tahiti in a kind of large poncho, the , falling to the ankles. In the Tuamotu, there was no tapa.

CENTRAL POLYNESIA

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Focus Polynésie Centrale Central Polynesia

1. Tiputa (poncho) des îles de la Société Fin du xvıııe-début du xıxe siècle, 2,87 × 1,40 m, mûrier à papier (?), ancienne collection J. Hooper, Londres. © Collection Musée de Tahiti et des Îles – Te Fare Manaha, photo Ph. Bacchet (exposé : Musée de Tahiti, novembre 2014)

Mai 2017 : le Musée de Tahiti et des Îles vient de faire l'acquisition d'un autre très beau tapa : ahufara, daté du xviiie-début du xixe (193 × 157,5 cm) présentant des impressions de feuilles de fougères, comme sur le tiputa ci-contre (La Dépêche de Tahiti, 24 mai 2017)

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2. Tapa des îles de la Société

3. Tapa des îles de la Société

Début du xıxe siècle

Début du xıxe siècle

Courtesy ©Mark & Carolyn Blackburn Collection Honolulu, Hawai`i (publié : A. Kaeppler, Polynesia, p. 31, figure 348)

Courtesy © Mark & Carolyn Blackburn Collection Honolulu, Hawai`i (publié : A. Kaeppler, Polynesia, p. 31-307, figure 349)

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ÃŽles Cook Cook Islands


ÎLES COOK

COOK ISLANDS

presque équidistance de Tahiti et de Niue, la quinzaine d’ les des Cook s’éparpille sur une surface océanique de plus de 2 000 000 de kilomètres carrés, mais ne dévoile que seulement 240 kilomètres carrés de terres émergées. Trait d’union entre les grands archipels voisins, lieu d’escale lors des voyages au long cours, la tradition orale rapporte la venue ancienne des navigateurs samoans, des les de la Société, des Tuamotu, des Australes ainsi que des Marquises. Il n’est pas de rencontres sans échanges et l’art du tapa s’est certainement enrichi de cette multitude d’arrivées au fil des siècles, surtout venant de cultures si proches dans le savoir-faire du battage de l’écorce. Étoffe d’écorce toute emplie de spiritualité pour les dieux-b ton de Rarotonga, étoffe d’écorce blanche o pour les prêtres et les grands chefs, ponchos finement frangés apportés par les missionnaires samoans, mais aussi ces e e ou costumes de danse décorés de motifs noirs et terminés par des franges à chacune de leurs extrémités. Enfin, la grande particularité des tapa anciens des les Cook tient dans ces découpages géométriques que l’on voit courir sur bon nombre d’entre eux et qui font songer à de la dentelle. Cet art de l’étoffe, étouffé par les calicots importés, s’est peu à peu éteint et si le son de l’enclume de ne résonne plus comme autrefois, son souvenir existe encore dans les mémoires et certains tentent de faire revivre ce patrimoine des siècles passés.

Roughly equidistant from Tahiti and Niue, the fifteen islands that make up the Cook Islands are scattered across an ocean surface of more than two million square kilometers, but reveal only 240 square kilometers of land surface. According to oral tradition, ancient navigators from Samoa, the Society Islands, the Tuamotu Archipelago, the Austral Islands and the Marquesas Islands came to the Cook Islands, an important link between the large archipelagoes nearby and a stopping point during long-distance voyages. Contact between groups is always accompanied by cultural exchange, and the art of tapa on the Cook Islands was certainly enriched by the many people who arrived during the centuries, mostly from cultures with very similar knowledge about bark beating. Barkcloth pieces filled with spiritual meaning were made for the stick gods Atua rakau from Rarotonga; o , a type of white barkcloth, was made for priests and leaders; tiputa, finely fringed ponchos, were brought by Samoan missionaries, along with Pare eva, costumes used for dance, decorated with black motifs and fringes at each of their extremities. Overall, the particularity of these ancient tapa from the Cook Islands comes from the geometric cuttings that run across many of them, and that make one think of lace. The art of barkcloth in the Cook Islands, overwhelmed by imported calicos, has little by little died out, and although the anvil of Ta’akura no longer resounds as it once did, its memory still exists, and some are trying to bring this centuriesold heritage back to life.

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ÎLES COOK


Te Kakau anga ote Ariki – Robes for Royalty Andrea Eimke Artist

1. Tapa costumes worn by performers during the Constitution Celebrations, Atiu, 1985. Photo © Rudolf Eimke †, 1985

Aux les Cook, le coton importé a supplanté l’étoffe d’écorce communément appelée tapa pour l’habillement et dans les rites qui accompagnent la plupart des événements de la vie sociale, comme la célébration d’anniversaires importants ou d’étapes marquantes de la vie telles que la première coupe de cheveux, le mariage et les obsèques. Comme sur beaucoup d’autres les du Pacifique, avant l’arrivée du christianisme, de sa fabrication à son utilisation, le tapa s’inscrivait dans un processus performatif solennel soumis à des rites sacrés. Mais de nos jours, la seule occasion qui nécessite encore le recours au tapa en tant que matériau conducteur d’énergie spirituelle est l’investiture des chefs traditionnels. Les femmes des les d’Atiu et de Mangaia sont les dernières du pays à poursuivre l’art de la fabrication du tapa au fil des années. Ce sont elles qui confectionnent les robes traditionnelles réservées aux grandes occasions qui se présentent. S’il arrive que des vêtements en tapa soient utilisés en guise de costumes lors de spectacles dans le cadre des compétitions se déroulant sur Rarotonga et les les s urs pendant e , la fête annuelle de la Constitution, l’étoffe est avant tout utilisée pour les robes des chefs et fait partie de leur tenue officielle lors de l’investiture traditionnelle et des cérémonies commémoratives impliquant la noblesse des les Cook. Battre le tapa n’est plus une activité quotidienne sur les les Cook. Toutefois, e oe , les robes destinées aux membres de la famille royale et le reste des costumes traditionnels en tapa représentent de manière unique cette nation insulaire par-delà ses c tes. Et leur importance grandissante assure que le , la fabrication d’étoffe et l’art du tapa se perpétueront encore pour les générations à venir.

2. Investiture of Henry Ngamaru Ariki: Handing over of chiefly regalia, Atiu, 1995. Photographer unknown, with permission from Ngamaru Ariki

COOK ISLANDS

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Archipel des Marquises Marquesas Islands


HENUA ENANA Ua apa te Ati Enana i to a puke motu « Te Fenua Enata akoè a te Henua Enana », te henua o « te Enana », T tahi puke motu ùnaùna ti, papa tiketike t anaè i v veka o te Tai Nui Ahau o Patitifa, kirometa i te k k tiu-tuatoka te mamao me i Tahiti, e kirometa me i te hope v veka o te huehenua. « Te m ta o te tapa, e uhi a me t tahi hakatu ke ananu, oiaa ana iho te kahu o t nei tau at » te patu a a Max Radiguet i te èhua , e haka te aa i t tahi tapa ata koè i ùka iho, te tapa ata koè akoè a huhu a io he kao èka m o , no te v h pao na na i te nino o te tau ènana ka pe i te mata tiki. To tou mata tiki oiaa te hakatu no te haka te i to tou t a, o ai to tou ati ; ùmaha te patu i ùka o to tou kahu tapa ua àva ana iho atii. Te tapa h apo no te tau papa t uà, te tapa m ta me io he kii ute no te tau po tiketike atii te tapa me io he kii tumu mei hou no te paot . Ua ka te hana o te tapa t io tahipito tau motu o te henua ènana, atià a ua hana ananu te tau vehine me i Fatu Iva i te hana i hakako a e to tou tau tupuna. Tihe ana mai i te ava nei, te po e koutee nei, t tahi umihi a i te haameita aè i te pohuè a o te huaa haè, ua haahana te tau vehine ènana i to tou tuhuka v àna e te hia o te ènana e ape, ma te patu atu i te tau ata mata tiki kaèkaè a te kakiu e hia a nei e te po « me i vaho ma ».

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ARCHIPEL DES MARQUISES


ARCHIPEL DES MAR UISES Les Marquisiens donnent à leur archipel le nom de e ou e , la « Terre des hommes », quelques minuscules pointes de terre, souvent très escarpées et isolées dans le grand Pacifique, à un peu plus de mille cinq cents kilomètres au nord-est de Tahiti et environ sept cents kilomètres de l’équateur. « La blanche tapa, drapée avec une gr ce originale, était le seul vêtement des indigènes », écrivait Max Radiguet en 1882, montrant déjà une étoffe d’écorce vierge de toute décoration. Un tapa immaculé ou simplement teint en jaune, pour couvrir le corps entièrement tatoué des hommes. Leurs tatouages étaient leur identité, la preuve de leur origine, de leur rang ; nul besoin d’en ajouter sur les étoffes. Tapa en écorce de banian pour les prêtres, tapa blanc en écorce de m rier pour les hauts dignitaires, ou en écorce d’arbre à pain pour un usage plus quotidien.

Alors que le battage de l’écorce avait pratiquement disparu dans la plupart des les de l’archipel, les femmes de Fatu-Hiva lui ont redonné ses lettres de noblesse et ont remis au go t du jour cet art transmis par leurs ancêtres. Avec le temps, les visiteurs de passage, une économie enrichissante pour les familles, les Marquisiennes ont adapté leur savoir-faire du tapa à la demande, embellissant leur travail de ces magnifiques motifs de tatouages ancestraux qui plaisent tant aux gens « d’ailleurs ».

MAR UESAS ISLANDS The Marquesans call their archipelago e or e , the “The Land of Men” – a few small points of land, often craggy and isolated in the great Pacific Ocean, a little more than 1,500 kilometers northeast of Tahiti and about 700 kilometers from the equator. “The white tapa, draped with a unique grace, was the only clothing of the aboriginals,” wrote Max Radiguet in 1882, already showing a barkcloth lacking all decoration, an undyed tapa, or one dyed simply in yellow, to cover the heavily tattooed bodies of the men. Their tattoos were their identities, the proof of their origins, of their ranks; it was thus unnecessary to add anything to the tapa. Tapa of banyan bark was made for priests, white tapa of mulberry for upper dignitaries, and of breadfruit for daily use.

Although the threshing of bark had practically disappeared from most of the islands in the archipelago, the women of Fatu-Hiva brought back its former status and gave new life to the art form passed down by their ancestors. Over the course of time, and with passing visitors, who generated an important source of wealth for the families, the Marquesans adapted their knowledge of tapa to the demand, embellishing their work with magnificent motifs from the ancestral tattoos that so pleased visitors from “elsewhere.”

MARQUESAS ISLANDS

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Focus Archipel des Marquises Marquisas Islands

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1. Lors du Festival des Arts des Marquises, le tapa obtenu à partir de l’écorce du mûrier à papier ou du banian et teint à l’aide de la racine de Curcuma est très largement utilisé pour les costumes. Ici, le groupe de Fatu-Hiva lors de sa prestation sur le site Upeke à Ta’aoa (île de Hiva Oa).

2. Le groupe de Nuku-Hiva sur le tohua Himene et ses vêtements en tapa teint. © Photo Marquises avec l’aimable autorisation de L. Gouverneur

© Photo Marquises avec l’aimable autorisation de L. Gouverneur

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3a et 3b. Le tapa – en particulier celui issu de l’écorce de banian – est largement utilisé par les groupes de danse marquisiens. Ici, le groupe de Nuku-Hiva interprétant la « danse de l’oiseau » lors du Festival des Arts des Marquises en décembre 2015 à Hiva Oa. © Comothe, photos É. Olivier

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ARCHIPEL DES MARQUISES



ÃŽles Pitcairn Pitcairn Islands


PITCAIRN Mauatua, Teraura, ahineatua, Toofaiti, Tevarua, Teio, (O)puarai, Faahotu, Teatuahitiaa, Teehuteatuaonoa, Tinafanaea, Mareva. Mauatua es dorta o daa chiif o Matavai, Toofaiti cam fram Huahine, en Tinafanaea fram Tubuai. Orl dem ada wahine cam fram Tahiti. Hetieh dem naim dem twelw wahine hu araiw orn Pitcairn iin orn da o lorng fe nain myuutiniyas en siks Pohliniishan mien. Afta ten yias, ooni wan mien stil standen en ten wahine stil liwen. Da fiemas o myuutini se owashadoh da inkredibl bat forgohten stori o dem Bounty wahine. Wii se foget dem gehl. Bat dem labii plenti o dem byuutiful piis taapa s’ kiip et iin’ myuusiyam orl baut raun’ werl. Dem taapa es da ewidens dem wahine en dems laif. Iin , Kaeptan Mayhew Folger fram wan shep korlet daa Topaz wen hi siil kros Pitcairn en solw da misteri o da o . Fram den orn, dem wahine, dems dorta en gran-dorta giw plenti taapa gen wisitas. Dem shoe dems Pohliniishan tradishan ewri taim dem giw sam taapa gen wisita. Orl dem Pitkern salan weya , e o, o , ena o o (ala ). Dem shoe dems kam fram, en inowashan, en niu desain. Dii yias bin es daak taims f’ dem wahine, en mieken taapa clorth help dem plenti. Fe miek yaeloh fram da o en rehd fram . Dem miek aa e e fram wood en a wehl boen. Desdieh sam o dem e e s’ kiip et orn Pitcairn en iin’ myuusiyam.

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ÎLES PITCAIRN


ÎLES PITCAIRN Mauatua, Teraura, ahineatua, Toofaiti, Tevarua, Teio, (O)puarai, Faahotu, Teatuahitiaa, Teehuteatuaonoa, Tinafanaea, Mareva. Ces douze Polynésiennes sont arrivées sur l’ le de Pitcairn à bord de la o avec neuf mutins et six Polynésiens. Mauatua était la fille d’un chef de Matavai, Toofaiti venait de Huahine, et Tinafanaea de Tubuai. Les autres étaient probablement toutes originaires de Tahiti. L’histoire célèbre des révoltés de la o a éclipsé l’histoire des Polynésiennes qui les accompagnaient. Celles-ci sont rarement reconnues. Néanmoins, elles ont laissé de magnifiques étoffes d’écorce, que l’on retrouve aujourd’hui dans les musées du monde entier. Ces tapa sont le témoignage matériel qui nous reste de la vie de ces femmes courageuses. En 1808, le Captain Mayhew Folger du Topaz résolut le mystère de la o quand il découvrit Pitcairn. « Ces femmes manufacturent une étoffe que tous portent, elles m’en donnèrent environ 50 mètres de deux mètres de large environ, toute

blanche et faite avec l’écorce d’un arbre qui pousse sur l’ le » (Captain Folger, 1808). partir de là, les Polynésiennes, leurs filles et leurs petites-filles firent cadeau de grandes quantités de tapa aux capitaines et aux équipages de passage à Pitcairn. Offrir ces étoffes faisait partie des usages polynésiens en matière d’échanges d’amitié et d’alliances, que ce soit avant ou après le contact avec les Européens. Tout le monde portait le o, le e , le et le . Les que les femmes ont fabriqués reflètent leurs origines et en même temps présentent des innovations remarquables. Un nouveau style décoratif particulier s’est développé. En effet, pendant ces temps difficiles, la fabrication du tapa leur permettait de s’exprimer et de créer. Pour teindre leurs créations, elles extrayaient une coloration jaune vif du o o et un marron rouge tre du bancoulier ( ). Les battoirs de Pitcairn étaient généralement en bois, parfois en os de cachalot, une innovation dont quelques exemplaires se trouvent à Pitcairn et dans les musées.

PITCAIRN ISLANDS Mauatua, Teraura, ahineatua, Toofaiti, Tevarua, Teio, (O)puarai, Faahotu, Teatuahitiaa, Teehuteatuaonoa, Tinafanaea, Mareva. Mauatua was the daughter of a chief of Matavai, Toofaiti was from Huahine, and Tinafanaea was from Tubuai. The rest of the women were probably from Tahiti. These twelve women arrived on Pitcairn Island in 1790 aboard the o , along with nine mutineers and six Polynesian men. The famous o mutiny has overshadowed the incredible yet forgotten story of the Polynesian women of the o . They have not been acknowledged; however, they left behind their beautiful barkcloth which are today found in museums around the world. These tapa are the surviving material evidence of these courageous women’s lives. In 1808, Captain Mayhew Folger of the o solved the o mystery when he came across Pitcairn. ee o e e o e e o e e e o e

e

e eo e o e ee o o e (Captain Folger, 1808). From this time on, the women, their daughters and granddaughters gifted great amounts of Pitcairn-made tapa to passing captains and crews. The act of gifting in this way was a reflection of Polynesian tradition used in pre- and post-contact exchanges of friendship and alliance. Everyone wore the o, the e , the and the . The reflected their origins but also show remarkable innovation, and a new decorative style that had developed. During difficult times, tapa-making allowed the women to express themselves. They used the o o to make a bright yellow dye, and the candlenut to make a reddishbrown dye. Another innovation was the Pitcairn beaters which were made from wood and whalebone. Some of these beaters are still found on Pitcairn and in museum collections today.

PITCAIRN ISLANDS

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Île de Pâques Easter Island


RAPA NUI I te huru o te ve’a-ve’a, o te take’o, o te tokerau, o te ua e te t tahi huru o te me’e n tura kai riva mo oka te tumu uru e te tumu pika o Bengala. Te mahute ( o o e e ) e oka era i roto i te manavai (parehe henua ko titi hai m ’ea), ki ora riva-riva ai te tumu. Tumu ta’e ru a nui e ta’e a’ano rahi. Te a a i a o te tapa mahute pahe a a i a o te t tahi motu M ’ohi. Hai kiri o te tumu mahute ana ti i-ti i mo a a i te tapa mahute, e k tako’a r he mahute n i Rapa Nui. Te miro ti-ti i mahute hai miro o te Toromiro ( o o o o o) e a a era. E i ru a i te m ’ea hio-hio pororeko e ti i-ti i era. Ina he nu-nui rahi te tapa mahute e oti era te ti i-ti i, o ira e haka piri-piri era te parehe-rehe mahute e kaui hai hau a a mai te tumu hau-hau ( e e o ) e te ivi kaui e a a era hai ivi ta ata. Mo haka nehe-nehe o te tapa mahute, e paru era hai rauhuru o te huru k ’ea minerare, e hai arahu o te miro tako’a. Mo haka nehe-nehe i te tapa mahute he to’o mai he paru hai k ’ea minerare, pa he arahu mai te miro e hai vai o te aka o te pua ( o ). Te k ’ea e paru era hai huhuru o e haka p -p mai roto i te haha te k ’ea. I te ta’e rahi o te mahute mo te kahu mo uru, e haka vari n a roto i te kauha a te tapa mahute po-poto ai ka here hai pena n tura. O te ta ata honui te maro i uru i te ta’u hahine mai ki a arin . Te nua e a a era e kaui mo haka piri-piri te tapa mahute ro-roa, e e uru r e te vi’e e ke ta p ’oko tako’a. Hai k ’ea toumamari te nua ata nu-nui e paru era e k mahana hauha’a n e uru era. Hai hakari a a pahe p p e a i-a i tako’a ena a Rapa Nui, te a a i a o te hakari nei, e here-here te parehe-rehe miro hai hau o te hau-hau, ai ka viri tahi hai mahute (huru manu) te hakari, e paru r te me’e tika o te t t i ru a i te mahute. E hitu hakari p p toe i roto i te Hare H pa’o Tao’Tuai o te ao. t e toru metera o te nu-nui o te hakari nehe-nehe nei i ru a i te ahu, e ai r te roa haka tere pahe me’e pure e e riva n mo ai he matamu’a e tahi o he p ’oko ko mate i roto i te tama’i. Ina e tahi hakari p p mahute toe mo rova’a mai i a arin . Tapa mahute ta’e rahi te me’e toe mo haka nehe-nehe i te p ’oko. E riva n te mahute mo haka nehenehe o mo viri i te ta ata mate.

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ÎLE DE PÂQUES


LE DE P

UES

Du fait du climat de l’ le, ni l’arbre à pain, ni le banian ne purent se développer. Le m rier à papier ou e avait du mal à cro tre, et dut être protégé par des enclos de pierres ( ). Aussi, la hauteur et le diamètre des arbustes étaient-ils limités. L’étoffe végétale porte le même nom que la plante de laquelle est tirée l’écorce : e. La technique de fabrication était sensiblement celle observée ailleurs en Polynésie. Les battoirs ( ) étaient fa onnés dans le bois du o o o o o (o o o). Des galets basaltiques servaient le plus souvent d’enclume. Les pièces de e n’étant pas très grandes, elles étaient cousues à l’aide d’un lien végétal ( e e o ) et d’aiguilles fa onnées dans des os. Pour le décor, des pigments minéraux, du charbon de bois et le jus exprimé des racines du o ( ; e ) étaient utilisés. Les pigments étaient appliqués avec des brosses faites de plumes ou vaporisés par la bouche. Le e étant relativement rare, les hommes ne portaient qu’une courte bande d’étoffe passée entre les jambes, retenue par une ceinture

végétale. Les hauts dignitaires portaient le o apparu tardivement. Les , sortes de capes rectangulaires faites de pièces de tapa cousues entre elles, étaient portées par les femmes et certains chefs. Les plus grandes ( ), colorées de jaune, étaient sorties lors de grandes occasions. Le e pouvait également servir de décoration et de linceul. Rapa Nui est aussi connue pour quelques rares figurines anthropomorphes à ossature de roseau recouvertes de e sur lequel étaient peints des motifs de tatouages. Il n’en subsiste que cinq dans le monde conservées dans des musées. D’autres figures fort précieuses, associées à certains cultes sur le , mesuraient jusqu’à 3 mètres de haut et pouvaient représenter un ancêtre ou un chef tué dans une bataille. Aucune d’elles ne fut collectée. Les couvre-chefs de e qui ont résisté au temps sont, quant à eux, très rares.

EASTER ISLAND Due to the climate, neither the breadfruit tree nor the banyan could be grown. The paper mulberry or e, had to be protected by stone enclosures ( ). Therefore the small trees’ height and diameter were limited. The technique of production was about the same as what we observe elsewhere in Polynesia. The resulting fabric bears the same name as the plant from which the bark comes: e. The beaters ( ), were made from the wood of the o o o o o( o o o). Basalt pebbles were most often used as an anvil. As the mahute pieces were not very large, they were sewn together with a vegetal string ( e e o ) and needles carved from bone. For the decoration, mineral pigments, charcoal and juice extracted from the roots of the o ( ; e ) were used. The pigments were applied with brushes made of feathers or sprayed with the mouth.

Since the e was relatively rare, only a short strip inserted between the legs and held by a vegetal belt was worn. High dignitaries would wear the o that appeared later. The , which are sorts of rectangular capes, made of sewn pieces of tapa, were worn by women and by some chiefs. The largest ones ( ), colored in yellow, were worn on special occasions. Rapa Nui is also known for its exceptional human figurines with reed ossature and covered with e on which tattoo patterns were painted. Only seven of them remain in museums throughout the world. Other very precious figures, associated with some religious rituals on the , were up to three meters in height and could represent an ancestor, or a chief killed in battle. None of them have been saved. Tapa headgears that survived the test of time are very rare. The e could be used as decoration or as a shroud.

EASTER ISLAND

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Focus Île de Pâques Easter Island

1. Figurine en tapa contemporaine 2014, inspirée par les figurines anciennes du Peabody Museum, H = 40 cm, artisan Sandra Ines Atan Teave, collection M. Charleux. Réplique moderne de l’une des rares petites « sculptures » anthropomorphes collectées sur Rapa Nui. Les figurines originales, collectées avant 1840, sont spécifiques de Rapa Nui. Elles sont habituellement constituées d’une armature végétale faite de roseaux totora, d’herbes sèches et de liens végétaux divers. Elles sont recouvertes de mahute sur lequel sont peints, à l’aide de pigments naturels, de délicats motifs représentant pour certains des tatouages. Il n’en reste que cinq de ce type à travers le monde, conservées dans des musées : deux au Peabody Museum of Archaeology and Ethnology de la Harvard University (USA), une au National Museum of Northern Ireland à Belfast (Irlande du Nord) et deux au New Brunswick Museum à Saint John, Nouveau-Brunswick (Canada). Les informations relatives à l’usage qui pouvait en être fait sont limitées, et conduisent à des hypothèses pour le moins opposées. Faut-il y voir le réceptacle des dieux ancestraux utilisé par le ariki mau, chef divin descendant des dieux, et par les chefs descendants de Miru, fils de Hotu Matu’a comme le pense A. Kaeppler ? Ou au contraire, s’agit-il d’objets de peu de valeur ? En effet, selon Tepano, qui fut le principal informateur de K. Routledge, C. Brown, A. Métraux et H. Lavachery, les manu uru (les objets de tapa) étaient fabriqués par les hurumanu, des personnes ordinaires, et étaient donc sans grande valeur symbolique. Quelle qu’ait pu être leur destination, ces figurines restent des œuvres originales, uniques dans l’univers polynésien, par l’utilisation faite du tapa pour imiter la peau. © Photo Ph. Bacchet, 2016

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2. Autre figurine en tapa contemporaine 2014, inspirée par les figurines anciennes du Peabody Museum, H = 37 cm, artisan Sandra Ines Atan Teave, collection M. Charleux. © Photo Ph. Bacchet, 2016

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ĂŽles Hawai`i Hawai`i Islands


HAWAI`I I ko ka po’e k puna a’a i ke kea o ka moana P kipika mai Kahiki mai, ’o ka wauke kekahi mea ulu ko’iko’i i lawe p ’ia mai. He lawe ’ia ka wauke i mea e kuku ai i ke kapa. He mea ko’iko’i ke kapa i k ’ono’ono ka noho ’ana i ka w kahiko. Ua lilo ia i ’a’ahu, i ku’ina kapa moe, i wak k papa’u, a i mea i ’auhau ’ia e n ali’i. ’O ka pulu o ka ’ili hou o ke ’ao ke kuku nui ’ia i kapa. Ua loa’a maila ho’i i n Hawai’i he mau mea ulu ’ pa’akuma i hiki ke ho’olilo ’ia i kapa. He ’ea a he m ku’e paha ke kapa o ka m maki. ’O ko ka ma’aloa, ua keakea maika’i n . Ua ho’ohana ’ia ka ’ulu i kapa kekahi. ’O ke kapa mai ka Wauke na’e ka mea laha loa. ’Ohi’ohi ’ia ka wauke a pau ’ekahi a ’elua makahiki o kona ulu. ’ nikiniki ’ia n p liko l l i ulu pololei ke ’ao. He k ikawa no Hawai’i ka ho’opulu ’ana i ka ’ili hou o ka wauke a me ko ’ane’i mau ’ano hana ho’onaninani kapa. He mea ka ho’opulu ’ana i ’uhola a’e ka pulupulu o ka pa’ pa’ , a laila he p h paha ka nui maila. Ma ka m hele hope o ke kuku kapa ’ana, ua ho’ohana ’ia ka ka i’e kuku h lu’a i loa’a ka nao nani ma ke kapa ke m lo’o mai. Ua hana ’ia ka waiho’olu’u mai ke kukui, ka ’ lena, a me ka ’alaea i ’ike ’ia n waiho’olu’u like ’ole o ke nuenue. He k lailai ’ia ka ’ohe k pala i mea e k pala ai i ke kapa. Eia ho’i, ua h ’a’ala ’ia ke kapa i n wehiwehi onaona i la’a me ka laua’e, ka ’iliahi, a me ka ’ili o ka maile.

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ÎLES HAWAI`I


LES HAWAI`I Lorsque les ancêtres des Hawaiiens bravèrent l’étendue de l’océan Pacifique depuis les terres lointaines de Kahiki, le wauke (m rier à papier) fut l’une des principales plantes qu’ils apportèrent dans leurs pirogues. Le m rier à papier était spécifiquement cultivé pour la fabrication du kapa. Cette étoffe végétale était utilisée pour la confection de vêtements, pour la literie, pour envelopper les restes des défunts, et constituait également un tribut que les chefs imposaient à leurs populations. Si les fibres du liber (écorce interne) du wauke étaient les plus couramment utilisées dans la fabrication du kapa, les anciens Hawaiiens utilisèrent également des plantes endémiques. Le mamaki (Pipturus albidus) produisait un kapa brun rouge tre foncé, alors que le ma’aloa (Neraudia melastomefolia) produisait un fin kapa blanc. Le ’Ulu (Artocarpus altilis - arbre à pain) pouvait également être utilisé. Cependant, le kapa fabriqué à partir du wauke était le plus fin et le plus prisé. Très prolifiques, les plants de wauke étaient récoltés entre 1 et 2 ans d’ ge. Les branches latérales étaient pincées et coupées pour encourager la croissance verticale de la tige.

La fabrication traditionnelle du kapa hawaiien demande la mise en uvre de procédés tels que le rouissage des fibres du liber et certaines techniques de décoration de l’étoffe. Le rouissage permettait aux fibres battues de s’étendre et d’atteindre une taille presque quatre fois supérieure à leur taille d’origine. Dans la phase finale du battage du kapa, un battoir orné de motifs sculptés, appelé kuku de i’e, était utilisé pour gaufrer la surface, effet visible sur les kapa finement battus. Des pigments naturels obtenus à partir de kukui (Aleurites moluccana), de racines d’ e (Curcuma longa), et d’ ’alaea (ocre rouge) servaient à teindre ou décorer le kapa. Les ’ohe kapala, sortes de tampons en bambou sculpté (Schizostachyum glaucifolium), permettaient de reproduire sans peine certains motifs. la fin du processus de fabrication, le kapa était parfumé avec des plantes odorantes comme laua’e (Phymatodes Polypodium), le santal ‘iliahi (Santalum paniculatum), et l’écorce de maile (Alyxia stellata).

HAWAI`I ISLANDS When the ancestors of the Hawaiians braved the expanse of the Pacific Ocean from the distant lands of Kahiki, wauke (Broussonetia papyrifera) was among the principal plants carried in the hulls of their voyaging canoes. Wauke, also known as paper mulberry, was specifically brought for cultivation and made into kapa, or barkcloth. Kapa was a necessary component of ancient Hawaiian life. It was used as clothing, as bedding, to wrap the remains of the dead, and as a form of tax due to the chiefs. The bast fibers, or inner bark, of wauke was most commonly used in kapa manufacture. Ancient Hawaiians discovered endemic plants that could also be made into kapa. Mamaki (Pipturus albidus) produced reddish-brown to dark brown colored kapa, while ma’aloa (Neraudia melastomefolia) produced a fine, white kapa. ’Ulu (Artocarpus altilis) could also be used to make kapa. However, kapa made from wauke was the most prolific. Generally, wauke plants were harvested between one and two

years. Any sprouting side branches were pinched off, encouraging the stalk to grow vertically. Unique to traditional Hawaiian kapa manufacture is the retting process of wauke bast fibers and the various methods of kapa decoration. The retting process allowed the beaten bast fibers to spread, almost quadrupling its original size. In the final stage of beating kapa, a beater with carved designs, called an i’e kuku, was used to emboss the whole surface, which is visible in finely beaten kapa. Natural dyes made from kukui (Aleurites moluccana), e oo (Curcuma longa), as well as ’alaea (red ochre) representing the whole color spectrum – were used to dye kapa. ’Ohe kapala, carved bamboo (Schizostachyum glaucifolium) stamps, was another method of decorating kapa. Lastly, kapa was scented with fragrant plants like laua’e (Polypodium phymatodes), ’iliahi (Santalum paniculatum), and the bark of maile (Alyxia stellata).

HAWAI`I ISLANDS

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Le tapa dans les musĂŠes Tapa in Museums


Première partie Part One

Mason and Moeauri conserve tapa. Photo © R. Meredith, 2013

Transforming our Understanding of Polynesian Barkcloth through Integration of History, Culture, Conservation, Community Scholars, and Materials Analysis


Introduction to the Smithsonian Barkcloth Project; and Tangible and Intangible Knowledge Embedded in Tahitian `Ahu and Hawaian Kapa Dr Adrienne L. Kaeppler Curator of Oceanic Ethnology at the Smithsonian Institution, Washington DC, USA

Le présent article présente le panel de la Smithsonian Institution intitulé « Transformer notre connaissance du tapa polynésien » et dresse le bilan des trois premières années de ce projet en cours. L’auteur résume ensuite ses propres recherches sur le tapa, commencées à Tonga en tant qu’étudiante, puis dans les collections de musées du monde entier. Elle termine par deux études de cas tirées de ses recherches actuelles sur les savoirs matériels et immatériels dont sont empreints le ‘ahu tahitien et le kapa hawaiien. Elle évoque ce faisant la fa on dont elle s’est servie des livres d’échantillons d’Alexander Shaw et de la spectrométrie de fluorescence des rayons ( RF).

TAPA IN MUSEUMS

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Deuxième partie Part Two

Tapa et muséographie Tapa and museography

L’exposition au Musée de Tahiti et des Îles présentait quelques tapa provenant de PapouasieNouvelle-Guinée. © Photo M. Charleux, 2015


Le tapa de Polynésie française dans les collections du Musée de Tahiti et des Îles – Te Fare Manaha Théano Jaillet Directrice-conservatrice du Musée de Tahiti et des les – Te Fare Manaha 2011-2016

Made from the internal bark of three primary plant species, tapa was associated with every step in the lives of ancient Polynesians, up until imports of European cloths led to the decline of their production in the five archipelagoes of what is now French Polynesia. From the legend of tapa, created by the moon goddess Hina, to contemporary tapa made primarily for tourists, we give a brief survey of what is known about the tapa of French Polynesia. We look at the different functions and uses of this bark fabric, which accompanied people from birth to death, as much in ceremonial events as in daily life. We also look at the techniques and tools of its fabrication, and at its motifs, relying on museum collections, specifically the Musée de Tahiti et des les - Te Fare Manaha. This museum holds not only a range of barkcloth pieces, beaters and anvils, but also a wide variety of objects made of tapa, attesting to the diversity of forms the material could assume. Finally, we consider the questions of the difficulty of conserving tapa and of the necessity of making the public aware of these remarkable objects of Polynesian heritage that are too often neglected.

TAPA IN MUSEUMS

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Plantes et outils du tapa Plants and Tools of Tapa


Broussonnetia papyriefera © Photo M. Charleux

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PLANTES ET OUTILS DU TAPA


PLANTES ET OUTILS DU TAPA En Océanie, c’est essentiellement l’écorce du m rier à papier (Broussonetia papyrifera) qui est utilisée pour la fabrication des tapa. Cette plante, apportée lors du peuplement initial des les, a fait l’objet de sélections successives et de soins attentifs. C’est elle qui donne sans doute les tapa les plus beaux et les plus fins. Toutefois, on emploie également l’écorce de l’arbre à pain (Artocarpus altilis), celle des racines aériennes du banian (Ficus prolixa), ainsi que d’autres écorces plus anecdotiques. La séparation de la partie interne de l’écorce, le battage, la teinture et l’application de motifs traditionnels sont généralement des activités réservées aux femmes. L’écorce, qui peut avoir trempé plusieurs jours dans l’eau, est placée sur une enclume en bois dur, voire en pierre dans certains archipels (Marquises notamment). Elle est vigoureusement frappée à l’aide d’un battoir confectionné lui aussi dans un bois dur. Il est le plus souvent de section carrée, mais on observe également des battoirs grossièrement cylindriques en bois (Nouvelle-Calédonie) et en

pierre (Papouasie-Nouvelle-Guinée). Les faces sont gravées de stries longitudinales plus ou moins fines et profondes, ou de stries entrecroisées. Suivant l’usage qui en est fait et l’archipel, les pièces de tapa peuvent être laissées à l’état brut, teintes, parfumées ou décorées de motifs traditionnels. Pour les teintures et les décors, des pigments le plus souvent d’origine végétale sont utilisés. Les décors peuvent être effectués à main levée ou dupliqués par estampage. Pour cette technique, les femmes utilisent une matrice : panneau de bois gravé de motifs géométriques ou matrice végétale. Cette dernière est composée de tissu foliaire de palme de cocotier ou de bananier sur lequel des nervures secondaires de cocotier cousues à l’aide de fibres de noix de coco dessinent les motifs. Après estampage, les femmes repassent les motifs à l’aide d’un pinceau fait d’une drupe sèche de pandanus imprégnée de pigment.

PLANTS AND TOOLS OF TAPA In Oceania, it is essentially the bark of the paper mulberry tree (Broussonetia papyrifera) which is used to make tapa. This plant, brought along during the islands’ settlements, has been subjected to successive selections. After attentive care, it has produced some of the most beautiful tapa. But breadfruit tree (Artocarpus altilis) bark, that of aerial roots of the Banyan (Ficus prolixa), as well as more anecdotic barks, were also used. The separation of the internal part of the bark, its pounding, its eventual dyeing and the addition of traditional patterns were generally an exclusively female activity. The bark, which may have been soaked several days in the water, is placed on an anvil made of hard wood, if not of stone in some archipelagoes (Marquesas). It is vigorously pounded with a beater most often with a square section also made of hard wood, although we also observed hard wood beaters with a circular section (New Caledonia) and some

made of stone (Papua New Guinea). These beaters’ faces were engraved with longitudinal, more or less thin and deep striations, or crisscrossed striations. Depending on the islands and their use, pieces of tapa could be kept raw, dyed, scented or decorated with traditional patterns. For dying and decorating, pigments were used, most often of vegetal origin. The patterns could be drawn by hand or duplicated by stamping. For the latter technique, women used a stencil: a wooden panel engraved with geometric patterns, or a vegetal stencil from coconut palms sewn with coconut fibers would create the patterns. After stamping, women would go over the lines with a brush made from a dry Pandanus drupe dipped in pigment.

PLANTS AND TOOLS OF TAPA

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Focus Plantes et outils du tapa Plants and tools of tapa

LES BATTOIRS Outil essentiel dont la qualité joue sur celle du tapa obtenu, le battoir sert à marteler l’écorce interne sur une enclume pour confectionner le tapa. Dans les archipels polynésiens, le battoir, de section carrée, est généralement fabriqué dans un bois dur (Casuarina equisetifolia, le « bois de fer »). Chacune de ses faces porte des stries parallèles et régulières, plus ou moins espacées, plus ou moins fines et profondes, voire entrecroisées et dessinant des motifs géométriques. Utilisées successivement au cours du travail de martèlement, elles participent à l’aspect final de l’étoffe. Ainsi, après trempage de l’écorce interne, le martèlement débute par la face du battoir présentant les stries les plus larges et les plus espacées. Au fur et à mesure que les fibres s’entrecroisent en formant un feutre et que l’écorce s’élargit, on utilise les faces dont les stries sont de plus en plus serrées. Le battage se termine avec la face la plus finement striée.

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Les battoirs de Mélanésie (Nouvelle-Calédonie et Papouasie-Nouvelle-Guinée notamment) sont plus ou moins cylindriques. Ils sont eux aussi généralement façonnés dans un bois dur, mais ils peuvent également être en pierre (Papouasie-Nouvelle-Guinée) (voir cet ouvrage).

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1. I’e, battoir à tapa archéologique

2. I’e, battoir à tapa en bois dur

ıxe-xve siècle, 36,5 × 5,5 × 5 cm, masse : 429,5 g, île de Huahine, Polynésie française, bois : Dodonea viscosa (tahitien : apiri). La partie battoir de section circulaire est longue de 18 cm. Cette pièce archéologique a été mise au jour lors des fouilles du site de Faahia par le Pr Sinoto (Bishop Museum) en 1977.

Avant 1939, 40,6 × 4,8 × 5 cm, manche : 10,5 cm, diam. : 4,8 cm, masse : 823,2 g, îles de la Société. Les faces portent respectivement 18 (1 mm), 46 (0,7 mm), 26 (0,8 mm) et 38 stries (0,6 mm). © Collection du Musée de Tahiti et des Îles – Te Fare Manaha, photo D. Hazama, inv. 220

© Collection du Musée de Tahiti et des Îles – Te Fare Manaha, inv. 93.05.17 (exposé : Musée de Tahiti et des Îles, 2014)

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3

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6

3. Battoir à tapa des îles Fidji

4. Battoirs à tapa des îles Cook

Ike vakaviti, battoir à tapa, avant 1939, 36 x 3,6 x 3,9 cm, manche 10,5 cm, stries de 5 mm, 4 mm et 4 mm, Fidji, bois de Casuarina equisetifolia.

En haut : Ike, battoir à tapa Début du xıxe siècle, L : 40,6 cm, ancienne collection Hooper (no 398a). L’une des faces de ce battoir est dépourvue de stries.

© Collection du Musée de Tahiti et des Îles – Te Fare Manaha, photo Ph. Bacchet et Musée de Tahiti, inv. 158 (exposé : Musée de Tahiti et des Îles, 2014)

En bas : Ike, battoir à tapa, début du xıxe siècle, L : 31 cm. Trois faces creusées de profondes rainures, une face polie. Motifs décoratifs incisés sur le manche.

5. Battoir à tapa des îles Pitcairn I’e, battoir à tapa, xvıııe siècle, 39 × 3,5 cm, Pitcairn. Ce battoir, façonné dans de l’os de cétacé (note de l’auteur : probablement cachalot), est l’un des rares spécimens de ce type. Les quatre faces sont striées. Courtesy © Mark & Carolyn Blackburn Collection, Honolulu, Hawai`i (publié : A. Kaeppler, Polynesia, p. 321, figure 401)

Courtesy © Mark & Carolyn Blackburn Collection, Honolulu, Hawai`i (publié : A. Kaeppler, Polynesia, p. 327, figure 415 )

6. Battoirs à tapa des îles Tonga En haut : Ike, battoir à tapa en bois, xıxe siècle, L : 34 cm, Tonga. Deux des faces du battoir sont polies alors que les deux autres présentent cinq et six rainures. Courtesy © Mark & Carolyn Blackburn Collection, Honolulu, Hawai`i (publié : A. Kaeppler, Polynesia, p. 249, figure 160)

En bas : Ike, battoir à tapa en bois, début du xıxe siècle, L : 40,5 cm, collecté par Conway Mordaunt Shipley alors qu'il était à bord de la HMS Calypso, 1848. Courtesy © Mark & Carolyn Blackburn Collection, Honolulu, Hawai`i (publié : A. Kaeppler, Polynesia, p. 249, figure 161)

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PLANTES ET OUTILS DU TAPA



Festival international des tapa d'OcĂŠanie International Festival of Oceanian Tapa


Premier Festival international des tapa d’Océanie Michel Charleux Ethnoarchéologue Commissaire général du Festival 2014, UMR 7041, ArScAn, Laboratoire d’ethnologie préhistorique

Affiche de l’exposition du Musée de Tahiti et des Îles – Te Fare Manaha.

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FESTIVAL INTERNATIONAL DES TAPAS D’OCÉANIE

From 10 to 23 November 2014, on the initiative of the Delegation from Wallis and Futuna, the “First International Festival of Oceanian Tapa” was held in Tahiti (French Polynesia). Under the patronage of the highest political and cultural authorities in French Polynesia, New Caledonia and the Territory of the Wallis and Futuna Islands, this event brought together museum conservators, restaurateurs, ethnologists, archeologists and other researchers working on tapa from around the world. Expert craftsmen, who carry with them the traditional knowledge of the Pacific countries, also participated in the festival, which united several distinct events. Three mornings of exchange and an international colloquium entitled “Defense, Preservation and alorization of the Tapa of Oceania” all led to the final common declaration in favor of labeling tapa as a part of Intangible Cultural Heritage by UNESCO. Public workshops and demonstrations, and conferences filled out the festival, while five exhibitions were open to the public, including the exhibition at the Museum of Tahiti and the Islands. The exhibition entitled “The Artists, the Stylist and the Tapa: Diverse Perspectives” presented thirty works of art created for the occasion. The participants all vowed to bring the festival’s events to their respective states.


C’est à l’initiative de la Délégation de Wallis-et-Futuna en Polynésie française que s’est tenu à Tahiti, du 10 au 23 novembre 2014, le « 1er Festival international des tapa, lien culturel d’Océanie ». Validé en Conseil des ministres de la Polynésie française du 22 octobre 2014, placé sous le haut-patronage du Président de la Polynésie française, M. Édouard Fritch, de la Présidente du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, Mme Cynthia Ligeard, et du Président de l’Assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna, M. Petelo Hanisi, l’événement a rassemblé plus de soixante-dix participants extérieurs venus de différents archipels du Pacifique (Fidji, Western et American Samoa, Tonga, Cook, Pitcairn, Vanuatu, Hawai`i, Rapa Nui, NouvelleCalédonie, Wallis-et-Futuna), de divers pays continentaux (Australie, France, Allemagne, Hollande, Chili, USA…) et, bien évidemment, de Polynésie française. Ainsi, artisans experts, porteurs de savoirs, créateurs, mais également scientifiques, anthropologues, conservateurs de musées, représentants de l’UNESCO, de la culture et du « Secretariat of the Pacific Community/SPC », ont pu échanger sur le thème des techniques, des décors, de la propriété intellectuelle culturelle, ainsi que sur la protection de ce Patrimoine culturel immatériel océanien si riche et varié. Objectif de ces échanges, l’ambitieux projet pour l’ensemble des tapa d’Océanie, d’entamer au plus tôt une démarche commune, afin d’obtenir le label « Patrimoine culturel immatériel/ Intangible Cultural Heritage » de l’UNESCO. Le Festival a fédéré plusieurs événements distincts, tous ouverts au public : trois matinées d’échanges, un colloque international, des ateliers de démonstrations pour les délégations, des ateliers publics pratiques, un cycle de conférences, le tout accompagné de pas moins de cinq expositions. Tous ces événements furent largement soutenus par une intense campagne médiatique, tant locale que régionale. Ainsi, durant les deux premières semaines, il ne se passa pas un jour sans que les chaînes de télévision (TNTV, France Ô, La Première Polynésie, Nouvelle-Calédonie et Wallis/Futuna), des sites web (Culture, compagnies aériennes partenaires, mairie de Pirae, etc.) et les médias écrits (Dépêche de Tahiti, Hiro’a…) ne consacrent du temps et/ou de l’espace à l’événement : interviews, reportages, films... qui, bien évidemment, renforcèrent grandement l’intérêt du public. La commune de Pirae, dont le maire est également le Président du Pays, accueillit les congressistes durant toute la première semaine. Dans la grande salle du Conseil, les trois premières journées furent consacrées à de riches sessions d’échanges et de discussions, soigneusement prises en note par des rapporteurs. Dans les jardins de la mairie, divers ateliers prenaient place : des ateliers de démonstrations de techniques par des artisans experts venus des différents archipels du Pacifique, des ateliers ouverts au public qui, sous la conduite attentive des passeurs de savoirs et autres experts océaniens, permirent d’initier les visiteurs au battage des écorces. Dans le même temps, les délégations œuvraient au décor d’un tapa communautaire, symbole de ces rencontres internationales, chacun apportant son savoir-faire particulier et ses motifs traditionnels. La pièce ainsi réalisée fut offerte au Musée de Tahiti à l’issue de la manifestation.

En parallèle des fructueux échanges qui s’établissaient entre les artisans et les scientifiques, on put noter que toutes les activités mises en place rencontrèrent un vif succès, attirant plusieurs centaines de visiteurs. Le colloque « Défense, préservation et valorisation des tapa d’Océanie », qui occupa les deux jours suivants, permit à vingt-cinq intervenants d’aborder tous les domaines techniques, ethnologiques, muséologiques, les questions liées à la propriété intellectuelle et à la protection du Patrimoine culturel immatériel, et les spécificités socioculturelles des différents archipels océaniens. À l’issue de cette importante réunion, les rapporteurs des trois sessions d’échanges (conservateurs de musées et experts) proposèrent à l’assemblée générale finale une déclaration commune qui reprenait, en la structurant, l’intégralité de ce qui avait été dit. Cette déclaration finale fut approuvée à l’unanimité après quelques amendements mineurs (cf. en annexe). Simultanément cinq expositions étaient proposées au public polynésien : - Le Musée de Tahiti et des Îles – Te Fare Manaha, a proposé du 10 novembre 2014 au 21 février 2015 l’exposition « Tapa d’Océanie, d’hier et d’aujourd’hui » (commissaires : Michel Charleux et Tara Hiquily). Montée à partir de pièces provenant des réserves du musée et de collections particulières locales, de Rapa Nui et de Nouvelle-Calédonie, cette exposition inaugurée avec faste, en même temps que le Festival, a été visitée par plus de six mille visiteurs. La plupart des pièces exposées et l’exposition proprement dite se retrouvent dans les différents portfolios du présent ouvrage situés en fin de chapitres. Le vernissage de cette exposition fut couplé à l’inauguration officielle du Festival. Cet événement qui fut l’occasion d’une grande manifestation culturelle au Musée de Tahiti et des Îles, rassembla un public important, en présence des plus hautes autorités politiques et administratives du Pays et de l’État, et des diverses délégations océaniennes. - À la Maison de la Culture – Te Fare Tauhiti Nui, l’exposition « Tapa contemporains d’Océanie » (commissaires : Mmes Malia-Petelo Gaveau et Mylène Raveino) présentait un ensemble de pièces de tapa contemporains de différents archipels, dont certains étaient proposés à la vente. L’entrée était gratuite et les visiteurs furent nombreux. - Au Centre des Métiers d’Art – Te Pū, pour « Tapa et déclinaisons, une expression polynésienne d’aujourd’hui », le directeur, M. Viri Taimana, et son équipe exposaient les travaux originaux et exploratoires sur le thème du tapa et de ses décors. - Enfin, deux galeries d’art de Papeete avaient décidé de se joindre à la manifestation en ouvrant leurs cimaises aux artistes qui avaient accepté de créer une œuvre sur le thème du tapa. - À la galerie des Tropiques, l’exposition « Les artistes et le tapa, regards croisés » accueillit une trentaine d’œuvres originales. - À la galerie Winkler, l’artiste d’origine tongienne Dagmar Dyck présentait ses toiles dans une exposition intitulée « Du ngatu à soi, Dagmar Dyck » qui lui était entièrement consacrée.

INTERNATIONAL FESTIVAL OF OCEANIAN TAPA

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Les artistes, le styliste et le tapa. Regards croisĂŠs The Artists, the Stylist and Tapa: Diverse Perspectives


LE TAPA ET LE MONDE ARTISTIQUE

THE ARTISTS, THE STYLIST AND TAPA: DI ERSE PERSPECTI ES

Le tapa, objet du Patrimoine culturel immatériel des sociétés océaniennes, est précieusement conservé dans les collections des plus grands musées du monde. Mais ce tapa, souple et doux au toucher, est loin d’être passé au stade d’objet inanimé Il vit, il vibre, il se perpétue, il évolue, il est l’élément incontournable des relations socioculturelles qui perdurent avec vigueur dans plusieurs archipels. Il est aussi art vivant. Pouvait-il échapper aux artistes Bien évidemment, non Aussi, à l’ensemble des événements qui constituaient le Festival des tapa d’Océanie qui s’est tenu à Tahiti en 2014, il m’avait paru passionnant d’associer les artistes en leur demandant de créer une uvre originale. La plus grande liberté leur était accordée quant au choix des matériaux, à la technique mise en uvre, et même à la fa on de traiter le thème du tapa. Fidèle à sa démarche artistique exploratoire, le Centre des Métiers d’Art de la Polynésie fran aise – e ne pouvait que s’associer à cette expérience culturelle. Disposant de ses propres locaux, c’est bien évidemment là que furent présentés les réalisations de son équipe lors d’un vernissage auquel participaient des membres du gouvernement polynésien. L’autre défi c’était celui lancé auprès des artistes de Polynésie auxquels s’associèrent des artistes d’autres les du Pacifique et même d’Europe. Comme on pouvait s’y attendre, les créations furent particulièrement variées dans leur forme comme dans leur esprit. Si quelques-uns des artistes se sont attachés à traduire les étapes de la fabrication du tapa, d’autres ont pris le parti de l’infinie variété des décors. Certains ont utilisé ou traité la matière elle-même de diverses fa ons tandis que les derniers laissaient libre cours à leur imagination au risque d’en oublier le tapa lui-même. Expérience artistique enrichissante saluée par tous les participants qu’il convient de remercier pour leur engagement. La galerie des Tropiques et la galerie Winkler s’associèrent à l’événement en accueillant durant deux semaines les créations, un geste fort apprécié car aucune « rentabilité » n’était assurée. ces créations artistiques, quoiqu’elle ne date que de la Fashion Week de Tahiti 2016, j’ai jugé nécessaire d’associer la démarche d’un styliste qui a utilisé de grandes pièces de tapa savamment nouées et pliées pour habiller ses modèles. êtir de jolies femmes du Pacifique avec du tapa, n’est-ce pas l’un des plus beaux défis Les pages suivantes sont le reflet de l’ensemble de ces démarches créatives. Je vous invite à les découvrir.

Tapa, an important part of the Intangible Cultural Heritage of Oceanian societies, is carefully conserved in the collections of many of the world’s best museums. But tapa, supple and soft to the touch, is far from passing into the word of inanimate objects It lives, it vibrates, it perpetuates itself, it evolves, it is the key element in sociocultural relations that have endured vibrantly in many archipelagos. It is also a living art form. Could it have been left untouched by artists Of course not. Additionally, as part of the events of the Festival of Oceanian Tapa, which took place in Tahiti in 2014, it seemed like an inspiring idea to bring in the artists by asking them to create original works. They were given great freedom in terms of the choice of material, the techniques used, and even the way in which they approached the festival’s theme of tapa. Faithful to its creative artistic approach, the Centre des Métiers d’Art de la Polynésie Fran aise - e agreed to be a part of this cultural experience. It was in the spaces of the Centre, of course, that the creations of its team were presented, during a vernissage in which members of the Polynesian government participated. The other challenge was bringing together artists from Polynesia, other Pacific Islands and even Europe. As we had expected, the works were especially varied in both their form and their spirit. Some artists decided to communicate the different steps involved in the production of tapa, while others focused on the infinite variety of decorations. Some made use of the barkcloth itself in a variety of ways, while the others gave free rein to their imaginations at the risk of losing sight of the tapa itself. It was an enriching artistic experience commended by all the participants, who must be thanked for their engagement. The Galerie des Tropiques and the Winkler Gallery were also associates of the event, hosting the artworks for two weeks, a gesture for which we are very grateful, as no “profitability” was guaranteed. Along with these works, I feel it is necessary to associate the work of a stylist who, even though his works were presented later, at Tahiti Fashion Week 2016, made use of large works of tapa expertly tied and folded to dress his models. Dressing the beautiful people of the Pacific in tapa – isn’t that one of the most beautiful challenges The following pages reflect the whole range of these creative directions. I invite you to discover them for yourself.

Michel Charleux. Editor

Michel Charleux. Editor

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LES ARTISTES, LE STYLISTE ET LE TAPA. REGARDS CROISÉS


« Tapa et déclinaisons », une exposition contemporaine polynésienne au Centre des Métiers d’Art de la Polynésie

The artworks of the exhibition Tapa et déclinations made at the Centre des Métiers d'Art show that in Tahiti the difficulty in finding a production of tapa is opposite a variety of objects using references to tapa. Tapa in Tahiti continues to inspire and to exist differently through contemporary artistic production.

Jean-Daniel Tokainiua Devatine Enseignant, adjoint du directeur du Centre des Métiers d’Art de la Polynésie fran aise – e , tdevatine.cma mail.pf

L’affiche de l’exposition du Centre des Métiers d’Art de la Polynésie.

THE ARTISTS, THE STYLIST AND TAPA: DIVERSE PERSPECTIVES

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24. LES ROBES SCULPTURES EN TAPA DU STYLISTE ALBERTO VIVIAN Avec la collaboration de Sandrine Mollon-Marere, photos prises lors de la Tahiti Fashion Week 2014 ; maquillage : Mareva David pour Rock’hair ; stylisme et direction artistique : Alberto Vivian. Le styliste Alberto Vivian utilise le tapa pour ses créations. Il a donc toute sa place dans cet ouvrage. Sa démarche est originale car il respecte totalement l’intégrité des pièces de tapa. Ainsi, pour draper les mannequins dans des tapa entiers, à la façon d’une robe de soirée aussi unique qu’éphémère, il ne joue que sur de savants pliages et des nœuds : aucune découpe, aucune couture pour des créations exceptionnelles. Photos : © Teiki Dev

Mannequin : Allison Maran, robe « Mahana », collier « Rereata » créé par Bijoux Design de Tahiti.

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LES ARTISTES, LE STYLISTE ET LE TAPA. REGARDS CROISÉS


Mannequin : Hereia Descaux, robe : « Hina », collier : Fauura Création.

Mannequin : Lucile Floch, robe : « Rarahu », collier et bracelet : « Hererany Pearl Shell » créés par Heremoana Buchin.

Mannequin : Maylie Richer, robe : « Ariivahine », bijoux (boucles d’oreilles, collier, ceinture et bracelet) créés par Heiani Création (Heiani Frébault).

THE ARTISTS, THE STYLIST AND TAPA: DIVERSE PERSPECTIVES

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CONTRIBUTEURS À L’OUVRAGE

ADDO, Ping-Ann Anthropologist, University of Massachusetts, Boston, USA Ping-Ann.Addo@umb.edu AUSTIN-DENNEHY, Michele Conservator, Maryland, USA Austin-DennehyM@si.edu maustin-conservation@comcast.net BAE, Christopher Ph.D. Associate Professor, Chair of Graduate Studies, Department of Anthropology, University of Hawai`i at Manoa, Honolulu, HAWAI`I cjbae@hawaii.edu BARKER, John Professor, Australian National University, Canberra, AUSTRALIE John.Barker@ubc.ca BRIANCHON, Alain Galeriste, Nouméa, NOUVELLE-CALÉDONIE brialain@gmail.com BUTAUD, Jean-François, Dr. Ethnobotaniste, linguiste, Papeete, TAHITI jfbutaud@hotmail.com CHARLEUX, Michel Ethnoarchéologue, UMR 7041 ArScAn, Laboratoire d’ethnologie préhistorique, TAHITI michel@charleux.com CHAVE-DARTOEN, Sophie Université de Bordeaux, ADESS UMRCNRS 5185, Bordeaux, FRANCE sophie.chave-dartoen@u-bordeaux.fr CHAZINE, Jean-Michel, Dr. Maison Asie-Pacifique/CNRS-CREDO, Marseille, FRANCE jmchazine@gmail.com COLAS, Torea Directeur marketing et communication Air Tahiti Nui, Papeete, TAHITI Torea.COLAS@airtahitinui.pf DAUDE, Jean-Hervé Auteur, Montréal, CANADA jeanhervedaude@outlook.com vivelesgrenouilles@outlook.com DONALDSON, Emily Doctoral student in anthropology at McGill University, Montréal, CANADA embillybee@gmail.com DU PREEZ, Kamalu Bernice Pauahi Bishop Museum, Honolulu, HAWAI`I kamalu.dupreez@gmail.com EIMKE, Andrea Artiste, auteur, Aitutaki, COOK Islands andrea.eimke@gmail.com

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EISELE, Moana Cultural Practitioner, Honolulu, Hawai`i pawehe2012@gmail.com

JACOBS, Karen, Dr. Sainsbury Research Unit, University of East Anglia, ENGLAND K.Jacobs@uea.ac.uk

EWINS, Roderick, Dr. Auteur, University Associate, University of Tasmania, Nubeena, TASMANIA, AUSTRALIE rodewins@gmail.com

JAILLET, Théano Directrice, musée de Tahiti et des Îles, Punaauia, TAHITI theajaillet@gmail.com

FAJANS, Jane Professor, Department of Anthropology McGraw Hall, Cornell University, Ithaca, NY 14853, New York, USA jf20@cornell.edu

KAEPPLER, Adrienne Curator of Oceanic Ethnology at the Smithsonian Institution, Washington DC, USA KAEPPLEA@si.edu

FERLONI, Julia Conservateur du Patrimoine, MUCEM, Marseille, FRANCE julia.ferloni@mucem.org

KASARHEROU, Emmanuel Conservateur en chef du Patrimoine, musée du Quai Branly – Jacques Chirac, Paris, FRANCE Emmanuel.KASARHEROU@quaibranly.fr

FIELAKEPA, Tunakaimanu Expert reconnu, TONGA tuna.fielakepa@gmail.com popua2000@yahoo.co.nz FITIAO, Su’a Tupuloa Uilisone Tufunga ta tatau, Pacific Horizons School, Tutuila, AMERICAN SAMOA fitiaow@yahoo.com de FROMONTEIL, Alice Université d’Aix-Marseille, CREDO-UMT 7308, Marseille, FRANCE alice.fromonteil@gmail.com GUIOT, Hélène, Dr. Ethnoarchéologue, UMR PALOC (MNHN-IRD), Paris, FRANCE heleneguiot@gmail.com HANSEN, Greta Conservation Manager, Anthropology Conservation Lab, Museum of Natural History, Smithsonian Institution, Washington DC, USA gardeningone@gmail.com HAZAMA, Danee Photographe professionnel tahitidanee@gmail.com HERMKENS, Anna-Karina Ph.D., Australian National University, Canberra, AUSTRALIE akhermkens@gmail.com HOTTIN, Christian Conservateur en chef du Patrimoine, Directeur des études du département des conservateurs, ministère de la Culture et de la Communication, Paris, FRANCE christian.hottin@culture.gouv.fr HOWARD, Michael Supervisor, Department of Sociology and Anthropology, Simon Fraser University, Burnaby, CANADA mhoward@sfu.ca

KHAZNADAR, Chérif Président de la Maison des Cultures du monde/Centre français du Patrimoine culturel immatériel, vice-président du Fonds international pour la promotion de la culture (UNESCO), Paris, FRANCE cherif.k@free.fr KOYA-VAKAUTA, Cresantia Associate Dean Research & Internationalization, Faculty of Arts Law & Education, The University of the South Pacific, Suva, FIJI Islands cresantia.koyavakauta@usp.a.c.fj cfkoya@gmail.com KULIMOETOKE-GAVEAU, Malia-Petelo Déléguée du Territoire des îles Wallis et Futuna en Polynésie française delegationpf@mail.pf LAWSON, Barbara, Dr. Curator of World Cultures/conservatrice, Cultures du monde, Redpath Museum/ McGill University/Redpath Museum, 859, rue Sherbrooke ouest, Montréal, Québec H3A 0C4, CANADA barbara.lawson@mcgill.ca LI, Dawei, Dr. Faculty of Earth Science, China University of Geosciences, Wuhan 430074, CHINA/Guangxi Museum of Nationalities, Nanning 530022, CHINA dwei.li@163.com lidawei@gxmn.org LUEB, Oliver, Dr. Event manager and curator, Rautenstrauch-Joest-Museum, Köln, GERMANY oliver.lueb@stadt-koeln.de olueb@web.de MASON, Jean Director Library Museum, Aitutaki, COOK Islands tatau@oyster.net.ck


MC DONALD, Lisa Ph.D. Candidate, Sainsbury Research Unit for the Arts of Africa, Oceania & the Americas, University of East Anglia, Norwich NR4, ENGLAND Lisa.Mcdonald@uea.ac.uk MEREDITH, Regina American Samoa Community College, Tutuila, AMERICAN SAMOA ra.meredith5@gmail.com MILLER, Tessa Namana Fiji Arts, Co-Creator, Sigatoka, FIDJI fijitess@gmail.com MOSKVIN, Illya National Museum of Natural History, Washington DC, USA imoskvin@umail.iu.edu ORLIAC, Catherine, Dr. CNRS-UMR 7041, Paris, FRANCE orliac.catherine@wanadoo.fr POULPIQUET, Anne-Claire Restauratrice du Patrimoine, MUCEM, Marseille, FRANCE acpoulpiquet@hotmail.com REYNOLDS, Pauline University of New England, Armidale, Australia/Researcher, Norfolk Island Museum, NORFOLK Island punahere@gmail.com RYAN, Tom, Dr. Senior Lecturer, School of Social Sciences, University of Waikato, NEW ZEALAND tryan@waikato.ac.nz SAND, Christophe, Dr. Directeur de l’Institut d’archéologie de la Nouvelle-Calédonie et du Pacifique, Nouméa, NOUVELLE-CALÉDONIE christophe.sand@iancp.nc SAU, Steven Assistant parlementaire PENTECOST, VANUATU ssau@vanuatu.gov.vu

TANG, Chung, Dr. Centre for Chinese Archaeology and Art, The Chinese University of Hong Kong/ Department of History, The Chinese University of Hong Kong, HONG KONG, CHINA tangchung@cuhk.edu.hk TANG, Mana Centre for Chinese Archaeology and Art, The Chinese University of Hong Kong, HONG KONG, CHINA mana.tang@gmail.com mana@wustl.edu TAULE’ALO, Vanya Artist, art educator and gallery owner/ director, Apia, WESTERN SAMOA vtaulealo@samoa.ws VAN TILBURG, Jo-Anne, Dr. Director Easter Island Statue Project jvantil@g.ucla.edu VEYS, Fanny Wonu, Dr. Curator for Oceania at the National Museum of World Cultures, THE NETHERLANDS wonu.veys@wereldculturen.nl wonu.veys@nmvw.nl WANG, Wei, Dr. Guangxi Museum of Nationalities, Nanning 530022, CHINA Wangwei@gxmn.org

COLLABORATEURS DU MONDE DES ARTS CENTRE DES MÉTIERS D’ART, TE PŪ TAIMANA, Viri, directeur du CMA ; DEVATINE, Tokainiua, directeur adjoint du CMA ; LEE, Alexander ; MARTIN, Jessie ; REY, Tevaite ; NANAI, Hihirau ; PASQUINI, Luce ; FAY, Hervé ; WOHLER, Rangitea ; PETERANO, Fabienne ; TETUIRA, Roger ; TEROU, Steeve ; MOEA, Lechat ASSOCIATION HAURURU BRIANT, Christine ; HOFFMANN, Astrid BERNIE sans BERNIER, Nicolas nicolas.bernier@mail.pf BONNET, Patricia patty.net0791@yahoo.fr

MENGHINI, Bénilde benilde.menghini@mail.pf RICHER, Alain richeralain@wanadoo.fr SHELSHER, Jane sans STARON-TUTUGORO, Isabelle isatutugoro@hotmail.com TAIMANA, Viri (directeur du Centre des Métiers d’Art, Papeete, TAHITI) directeur.cma@mail.pf TEVI, Christopher ct100668@gmail.com VASHEE (Cédric DOOM) cedric.doom@hotmail.fr VIVIAN, Alberto albertov@mail.pf

BRIANT, Christine (Assoc. Haururu/ Pirae/TAHITI) ch.briant@hotmail.com BUREAU sans CIMERMAN, Corinne cimermancorinne@mail.pf DE BARY, Antoine antoinedebary@gmail.com DETTLOFF, Andreas anapat@mail.pf DEVATINE, Tokai (directeur adjoint) tdevatine.cma@mail.pf DUQUENNE, Yasmine yasmineduquenne@hotmail.com DYCK, Dagmar dagmarvdyck@gmail.com FERRET, Éric ericferret@yahoo.fr

SEELENFREUND, Andrea, Dr. Archaeologist Escuela de Antropología, Universidad Academia de Humanismo Cristiano, SANTIAGO, CHILE aseelenfreund@gmail.com

GAYA artistegaya@hotmail.com

TAKAHASHI, Akatsuki Program Specialist for Culture, UNESCO Office for the Pacific States, Apia, WESTERN SAMOA a.takahashi@unesco.org

HOFFMANN, Astrid hoffmannastrid@mail.pf

TANAHY, Dalani Expert, Kapa Hawai`i LLC, Owner, Traditional Hawaiian Kapa and Design, Hawai`i kapahawaii@gmail.com

LOUZE, Olivier olouze@yahoo.fr

GOTZ contact@gotz.pf

KULIMOETOKE, Rebecca hoatau.rebecca@mail.wf

MARCHAND, Jean-Pierre jeanpierremarchand55@yahoo.fr

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