G a s t o n F é b u s o u l e « pa r a d y s t e rre s t re » é va n o u i . B rè v e e n q u ê t e su r l a l é g e n d e
Fig. 2
Gustave Doré, vignette pour le Voyage aux Pyrénées d’Hippolyte Taine. Gaston Fébus, qui tente d’assassiner son fils, est arrêté par ses chevaliers et ses écuyers, Pau, musée national du Château.
1. Gaston Fébus, Livre des oraisons, Tilander et Tucoo-Chala (éd.), 1974, p. 36-37 (2e oraison). Jean Froissart, Chroniques, Ainsworth et Varvaro (éd.), 2004, livre IV, § 8, p. 414. 2. Coville, 1911, p. 276 ; Mollat du Jourdain, 1977, p. 163-165. 3. Tucoo-Chala, 1991, p. 10. 4. Pailhès, 2007, p. 309. 5. « Gaston Fébus (1331-1391) Prince Soleil » (Paris, musée national du Moyen Âge, 30 novembre 2011 – 5 mars 2012) et « Gaston Fébus (1331-1391) Prince Soleil, Armas, amors e cassa » (Pau, musée national du Château, 17 mars-17 juin 2012), catalogue de ces expositions, Paris, 2011. 6. Livre IV, Kervyn de Lettenhove (éd.), 1967, t. XIV, p. 333. 7. Diller, 2006, p. 200-211 ; Chareyron, 2006, p. 63-79. 8. Buchon, 1835. Diller 2006, p. 207 ; réédition de cette nouvelle par Pierre Tucoo-Chala, Biarritz, 2000.
rappelle l’illustration des œuvres de Rabelais sous le même crayon. La même source croise le style « néoflorentin » du sculpteur Henri de Triqueti avec la statue commandée par Napoléon III, sur l’initiative d’Achille Fould, pour la décoration du parc du château de Pau Fig. 1 livrée en 1864 11. Sur place, la fierté locale intervient pour faire substituer au bronze un marbre des Pyrénées « mieux harmonisé avec la belle nature environnante », elle inspire le drame inédit de Jean-François Samazeuilh Gaston de Foix 12, et le pyrénéisme se reconnaît dans la très populaire chanson Aquelas montanhas (aquerres mountines), pieusement retranscrite par des érudits convaincus de « faire acte de patriotisme ».
de Touraine. L’imagination d’Alexandre Dumas 7 n’aurait pas mieux fait que le glissement des Chroniques de Froissart vers « le roman de l’histoire » (Michel Zink). Dans Monseigneur GastonPhœbus, chronique dans laquelle est racontée l’ histoire du démon familier du sire de Corase, paru en 1839 à la suite d’Acté, puis en 1863 à la suite d’une édition de Salvator, le Drame d’Orthez (le meurtre du fils par le père en 1380) est au cœur de l’intrigue tracée par Alexandre Dumas ; c’est la lecture de la récente édition par Buchon des Chroniques de Froissart qui guide la plume et règle « assez fidèlement […] ce qui concerne les faits et les dates » 8. En peinture, le tableau de Claude dit Claudius Jacquand (1803-1878) 9 repose sur les mêmes fondations. Le Voyage aux Pyrénées d’Hippolyte Taine, qui compare les récits de Froissart « à une tapisserie du temps, éclatante, variée, pleine de chasses, de tournois, de batailles et de processions », y puise un tableau truffé de citations 10, et les vignettes de Gustave Doré pour l’édition de 1860 Fig. 2 s’accordent docilement à ce ton gargantuesque qui
Le nom du prince Fébus : le surnom teinté de réminiscence ovidienne 13 invite l’historien à tirer les fils d’une stratégie de propagande mythographique. Au retour d’un Voyage en Prusse et jusqu’en Scandinavie mêlant esprit de croisade et mondanités, c’est donc au cri de Fébus avant ! que Gaston et ses compagnons, faisant massacre des vilains
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