René Seyssaud 1867-1952 (extrait)

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Cet ouvrage est en grande partie issue de la thèse de doctorat de Claude-Jeanne Sury-Bonnici, René Seyssaud 1867-1952, peintre moderne, Paris IV-Sorbonne, Paris, 2001, non publiée.

Remerciements À M. le professeur Bruno Foucart, qui m’a fait l’honneur de diriger cette étude ; qu’il trouve ici le témoignage de ma plus vive gratitude. Ma reconnaissance va aussi à M. le professeur Jean-Roger Soubiran, dont les travaux sur le paysage provençal ont sans cesse guidé les miens ; qu’il soit remercié pour ses encouragements. Je tiens à remercier chaleureusement tous les galeristes et les collectionneurs qui m’ont donné accès à leurs collections. Sans eux, ce travail n’aurait pas été possible. Tout un aspect méconnu de la vie de l’artiste à Saint-Rémy-deProvence m’a été révélé par Alice Mauron, M. le professeur Claude Mauron et Rémi Venture, et, au CREDD’O de Graveson, par Michel Buisson ; qu’ils soient vivement remerciés.

Cet ouvrage a reçu le soutien de la société

Remerciements à l’adresse des chercheurs qui ont bien voulu partager leurs compétences et leurs découvertes : Hélène Deronne,

13012 MARSEILLE

Claudine Grammont, Jean-David Jumeau-Lafond, Dominique Lobstein, Raphaël Mérindol, Jacques Mondoloni, Pierre Murat, Giulia Pentcheff, François Pétry, Éric Walbecq. Remerciements à Elaine Rosenberg, Raymonde Cornelier, Jeannine Geyssant, Claude Holstein-Manguin, Élisabeth Juan-Mazel, France de La Roque, Jacqueline Leroy, Sylvie Maignan, Annick Masquin, qui m’ont ouvert leur archives, et à Jean-Pierre Manguin et Sylvestre Clap. À Mmes et MM. les conservateurs et leurs équipes, souvent mis à contribution, j’adresse toute ma reconnaissance : au musée de l’Orangerie (Paris), Marie-Paule Vial et Michèle Horn ; aux musées de Marseille, Olivier Cousinou, Luc Georget, Gérard Fabre, Chrystelle Vollekindt et Françoise Fournier ; à la Fondation Regards de Provence

© Somogy éditions d’art, Paris, 2016

(Marseille), Pierre Dumon et Adeline Granerau ; au musée Calvet (Avignon), Sylvain Boyer ; à la Fondation Louis Vouland (Avignon),Odile

© Adagp, 2016 pour les œuvres de René Seyssaud et Louis Valtat

Guichard, Éliane Aujard-Catot et Violaine Magny ; au Museon Arlaten

© Jean-Pierre Gras

(Arles), Dominique Serena-Allier et Malika Aliaou ; au musée Ziem

© Succession H. Matisse pour les œuvres d’Henri Matisse

(Martigues), Marie-Pierre Porta ; au musée des Beaux-Arts de Toulon, Brigitte Gaillard et Anne Jouve ; au musée de l’Annonciade (Saint-Tropez),

Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art

Jean-Paul Monery ; au musée des Beaux-Arts de Nîmes, Pascal Trarieux ;

Directeur éditorial : Nicolas Neumann

au musée Auguste-Chabaud (Graveson), Monique Laïdi-Chabaud ; au

Responsable éditoriale : Stéphanie Méséguer

musée Estrine (Saint-Rémy-de-Provence), Lisa Faran ; au musée des

Coordination et suivi éditorial : Marie-Astrid Pourchet

Baux-de-Provence, Cyril Dumas ; au musée Paul-Valéry (Sète), Maïté

Conception graphique : Marie Gastaut

Vallès-Bled ; au musée Bonnard (Le Cannet), Véronique Serrano ; à la

Contribution éditoriale : Sandra Pizzo

bibliothèque-musée Inguimbertine (Carpentras), Jean-Yves Baudouy ;

Fabrication : Michel Brousset, Béatrice Bourgerie, Mélanie Le Gros

au musée Joseph-Déchelette (Roanne), Christian Chavassieux.

Iconographie : Marie Levacher et Marine Mayon

Remerciements, au musée Paul-Lafran (Saint-Chamas), à Évelyne Valade, Marie-Anne Héraud et Philippe Massoni, ainsi qu’à tous les

978-2-7572-0818-2

membres de l’Association des amis du vieux Saint-Chamas, enfin

Dépôt légal : janvier 2016

à Gérard Mélanie et M. Revellotti, de l’office du tourisme de Saint-

Imprimé en Union européenne

Chamas et toute leur équipe.

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Claude Jeanne SURY-BONNICI

René

SEYSSAUD 1867-1952

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Avant-propos S

ans grande fortune, sans tradition familiale dans les beaux-arts, nourri d’une culture provençale spontanée, d’une sensibilité libertaire socialisante, René Seyssaud, le peintre solitaire, ne l’est que

dans l’exercice de son art. Il porte en lui un héritage, celui de personnalités bien affirmées, Daumier, Loubon, Guigou et Monticelli. La nature, il la tient d’une poigne solide. La lumière lui est donnée avec générosité. La couleur, il en a vu broyer toutes les gemmes. Seyssaud n’est pas un peintre régional « version mineure » des grands mouvements, c’est une per-

sonnalité singulière, bien définie, qui, dans l’isolement relatif du Midi, entreprend des recherches simultanées à celles de ses contemporains d’avant-garde, un artiste traversé par des préoccupations de modernité identiques à celles des grands courants. Né en 1867, il appartient à la génération de transition, celle de 1888, celle qui a le souci de se libérer de l’obsession impressionniste mais à qui cette bataille a donné la conviction de l’importance d’être soi-même. Génération qui, grâce aux Nabis et à Gauguin, pose le problème artistique sur des bases nouvelles envisageant la combinaison des lignes et des couleurs. Génération qui découvre la splendeur de la couleur ramenée à sa pureté, solidaire de la lumière, qui expérimente aussi la liberté nouvelle du dessin, celle qui, de courbes et d’arabesques, fait de la ligne une force vivante. Seyssaud, avec cette génération, avance dans la modernité à la mesure de son enracinement dans la tradition. Face à la nature, il n’en saisit pas que la fugitive intensité exprimée par la lumière, il reproduit la force sensorielle que lui procure son spectacle. Il s’empare avec jubilation de la couleur qui lui est donnée dans le paysage provençal. S’il se tourne vers l’homme, c’est dans le caractère concentré de la vie en action. Son art est tout entier porté par la sensation et l’élan instinctif. Dans l’ampleur et la force de l’éblouissante explosion artistique du

XXe

siècle, contemporain des

Fauves, aux côtés de peintres grandioses comme Cézanne et Matisse, Seyssaud reste lui-même. Comme eux, il refuse d’échapper à la référence imitative ; il questionne la nature en découvreur ; il compose à partir de plans colorés, connaît un moment d’instinct pur et retourne à l’équilibre. Mais en dehors d’eux, plus grec que latin, de tempérament avant tout sensible, parallèlement à Van Gogh, il projette dans sa peinture toute sa vie émotive et livre dans un geste expressionniste, dans une ivresse païenne, son angoisse comme sa jouissance, de sorte que son œuvre, même lorsqu’elle s’engage dans une recherche plastique pure, n’est jamais dépourvue d’humanité.

1 Marine à Agay (détail fig. 227) Vers 1900 Huile sur toile 54 × 81 cm Signé en bas à droite Seyssaud Saint-Chamas, musée municipal Paul-Lafran

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Sommaire Enfance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Les milieux artistiques parisiens : conquérir la capitale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Les Alpes : « Je ne suis pas inguérissable » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 Intimité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45 Peindre le paysan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 L’éternel paysan, la tradition française . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97 Peindre d’après nature . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113 Seyssaud, franc-tireur du fauvisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135 Rochers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145 Sensations de mer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151 L’amour d’un paysage : Saint-Chamas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187 Peindre les nuages. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 216 Peindre des mythologies d’après nature . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221 La nature morte, reflet de l’ordre social . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229 L’arbre, un motif de paysage. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 252 L’acte de peindre : la sensation l’emporte sur la réflexion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 261 Dans les ocres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 272 Art vivant. Art indépendant. Art moderne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281 De la puissance du trait à la délicatesse de la détrempe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 295 Saint-Rémy-de-Provence et les Alpilles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 315 L’heure de la consécration (1945-1952) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 329 L’autoportrait, le portrait du moi, le portrait de l’infigurable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 342 Épilogue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 349 Biographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 351 Liste des expositions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 364 Liste des tableaux dans les collections publiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 369 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 370 Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 373

2 Travail à la bêche (détail fig. 100) Vers 1897 Huile sur toile 81 × 116 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

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RENÉ SEYSSAUD • 1867-1952

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Enfance R

ené Seyssaud naît en 1867 à Marseille. Sa mère, Joséphine Sarlat, a vingt-cinq ans. Elle est mariée à Lucien Seyssaud, originaire de

Villes-sur-Auzon (Vaucluse), instituteur dans ce village puis commis, employé des Ponts et Chaussées à Marseille, dont elle a un fils né quatre ans plus tôt, Léopold. La famille accueille en pension, rue Bergère à Marseille, Siffrein Seyssaud, peut-être un très lointain cousin, natif lui aussi de Villes-sur-Auzon, qui débute dans le métier d’avocat. C’est lui, le père de René. Si Lucien reconnaît l’enfant, il se sépare de Joséphine et Léopold est mis en nourrice. Siffrein, après une scolarité au lycée de Carpentras, vient de terminer ses études de droit à Aix-en-Provence. Avocat stagiaire, il fait preuve d’une conscience politique très affirmée : défenseur des libertés et des droits humains, il prépare son enfant à être un républicain laïque. C’est ainsi qu’il a pris fait et cause pour la Pologne opprimée en signant en 1863 une pétition pour son affranchissement. Il écrit alors à sa sœur : « Que fait-on à Carpentras, ne s’occupe-t-on que du chemin de fer ! Adresse-t-on des pétitions au Sénat pour être remises à l’Empereur et dans lesquelles une foule d’hommes bien-pensants protestent contre la barbarie des Russes en demandant au nom de l’humanité, de la liberté et des droits violés l’affranchissement de la Pologne ! Nous en avons signé une qui vient d’être envoyée à Paris. Les étudiants qui ont refusé de signer sont montrés du doigt aujourd’hui encore, et ceux de ce nom qui ne sont pas inintelligents ont une large part de notre mépris1. » Il s’offusque aussi du système électoral, qui laisse tant de proscrits à l’écart des urnes : « La dignité du citoyen sous ce gouvernement-ci,

4 Autoportrait 1882 Huile sur carton 18 × 12 cm Non signé Collection particulière

elle est dans le vote ! Bien dit, Messieurs, votez ! Allez voter ! Mille et un proscrits vous contemplent ! » Siffrein est très soucieux de subvenir aux besoins matériels de sa famille et à l’éducation de René, d’autant plus prévoyant qu’il n’est lié par aucun devoir légal. En 1882, il rédigera un testament : « Je prie mon père et ma mère de réaliser pour Madame Joséphine Seyssaud un capital de 12 000 francs qui seront placés sur l’État, dont l’intérêt sera servi sa vie durant. Je prie aussi mon père et ma mère de se charger de l’éducation de René Seyssaud, que je m’étais promis de faire arriver par tous les moyens possibles à une haute situation2. » Joséphine, elle, est souvent malade. C’est une femme tourmentée, souffrant de « surexcitation mentale », inquiète pour l’avenir, soupçonneuse à l’égard de Siffrein, supportant mal sa situation d’union illégitime, voyant des ennemis partout et fuyant le voisinage et le qu’en-dira-t-on,

3 Foulaison dans le Ventoux (détail fig. 22) 1892 Huile sur toile 35 × 55 cm Signé et daté en bas à gauche Seyssaud Collection particulière

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Enfance

18 Paysage aux environs d’Aurel Vers 1885 Huile sur toile 80 × 100 cm Non signé Collection particulière

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Enfance

23 Travail à la bêche Vers 1895 Huile sur toile marouflée sur carton 46 × 38 cm Non signé Collection particulière

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RENÉ SEYSSAUD • 1867-1952

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Les milieux artistiques parisiens : conquérir la capitale L

orsque René Seyssaud fait son premier voyage à Paris, en 1892, il arrive riche de tous les instruments du succès préparés à Marseille

et à Avignon à travers les relations qu’il a tissées dans les milieux littéraires du groupe des Jeunes et qu’il retrouve à la capitale dans le journalisme. Auguste Lauzet (fig. 28), qui habite au 103, rue Le Peletier,

près de l’hôtel Drouot, vient de publier deux recueils de lithographies1 ; Paul Guigou (fig. 31) écrit dans Le Figaro depuis 1890 ; Jean Tribaldy, « le meilleur, le plus dévoué, le plus délicat des amis2 », exerce ses fonctions à la rédaction parisienne de La Dépêche de Toulouse jusqu’en 1906. Tous recommandent leur ami Seyssaud et le font connaître dans les milieux sensibles à l’art moderne. Déjà en 1885, ses premières toiles ont été montrées à Paris, avec celles de Lauzet, dans le groupe des Indépendants, une nouvelle manifestation porteuse d’espoir de renouvellement, fondée sur le principe de la suppression du jury d’admission. Seyssaud tourne le dos au Salon officiel, le traditionnel Salon des artistes français, celui de William Bouguereau et d’Alexandre Cabanel, pour en préférer un nouveau, celui de la Société nationale des beaux-arts, qui se tient au Champ-deMars, créé en 1890 par Meissonier et Puvis de Chavannes. L’exposition rassemble toutes les signatures des peintres de l’avant-garde internationale : c’est là que se jouent désormais les carrières et que l’on vient

28 Portrait d’Auguste Lauzet Vers 1895 Sanguine sur papier beige 12 × 8,4 cm Non signé Collection particulière

chercher la consécration. C’est Guigou qui obtient de son ami Puvis le parrainage pour Seyssaud, qui va dès lors pouvoir bénéficier de sa bienveillance et de sa protection. Pierre Puvis de Chavannes (1824-1898) est un grand inventeur de formes. Apprécié des Marseillais pour Marseille, porte de l’Orient et Marseille, colonie grecque (fig. 29), deux grandes toiles commandées en 1867 pour l’escalier du palais Longchamp, ami du marchand d’art Ambroise Vollard, il est admiré et soutenu par les poètes symbolistes et étudié par les Nabis, qui ont trouvé chez le maître du Bois sacré leurs idées fondamentales. Puvis ne cherche pas à créer des ressemblances

27 Les Oliviers (détail fig. 45) 1898 Huile sur toile 100 × 81 cm Signé et daté en bas à droite Seyssaud Paris, musée d’Orsay

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Les milieux artistiques parisiens : conquérir la capitale

39 Cap Canaille 1895 Huile sur toile 55 × 42 cm Signé et daté en bas à gauche Seyssaud Collection particulière

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RENÉ SEYSSAUD • 1867-1952

40 La Colline bleue Vers 1895 Huile sur carton 35 × 66 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

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Les Alpes : « Je ne suis pas inguérissable » A

u conseil de révision de 1888, René Seyssaud, qui souffre d’affection pulmonaire, est déclaré inapte au service militaire. Les méde-

cins lui conseillent un séjour en altitude. En 1897, il écrira à sa mère depuis Paris : « Ne t’inquiète pas trop1. Je me soigne en conséquence. J’ai vu un des meilleurs médecins. Il ne m’a pas ordonné de remèdes contenant des poisons mais je ferai en outre celui dont tu me parles. Une seule chose d’ailleurs peut enrayer mon mal sûrement, c’est de passer quelque temps aux Eaux-Bonnes2. Les remèdes que j’ai pris ces jours derniers m’ont déjà donné quelque vigueur. Je ne suis pas inguérissable. Dès lors, puisque je fais ce qu’il faut pour me guérir, ne t’inquiète pas. J’ai dépensé 10 à 11 francs de remèdes, j’aurais préféré t’envoyer cet argent mais de toute façon cela ne t’aurait pas suffi. Je n’ai plus que quelques jours à passer ici, je sais que Paris ne me vaut rien, pas plus qu’aucune ville, du reste le médecin m’a dit qu’à Villes[-sur-Auzon] je suis très bien, le malheur c’est que je n’y ai point d’aide et que j’y suis mal logé. Enfin j’ai reçu diverses lettres, je vois que mes amis3 sont disposés à me faire soigner. Mon succès est maintenant aussi complet que possible, tous les grands journaux ont parlé de mon exposition avec de grands éloges. Ne crie pas partout que je suis malade, ça me porte préjudice. Si les gens s’imaginent que je vais claquer, ils ne mettront plus de l’argent sur ma peinture4. »

49 Les Alpes, montagne au ciel vert Vers 1900 Détrempe sur carton 49 × 60 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

Finalement, Seyssaud n’ira pas aux Eaux-Bonnes, comme son ami Guigou, et préférera les Alpes : « J’ai vu plusieurs médecins qui tous me conseillaient d’aller aux Eaux-Bonnes et me bourraient de remèdes, ça ne réussissait qu’à me couper l’appétit et je n’allais d’ailleurs pas mieux d’aucune façon. Enfin j’ai vu un spécialiste qui soigne avec la méthode allemande5. Il m’ordonne de ne prendre aucun remède, des pointes de fer6 seulement, et de retourner immédiatement à Pezet7, où, dit-il, je suis dans de meilleures conditions pour me guérir. Il veut que je vive dehors le plus possible, que je m’accoutume à coucher fenêtres ouvertes et que je mange de la viande crue en quantité. Il ne faudra pas me retenir à Marseille puisque l’air de la ville m’est néfaste8. »

48 Sentier en montagne 1899 Huile sur toile 92 × 67 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

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Intimité

56 Portrait d’Yvonne Vers 1906 Huile sur toile 46 × 38 cm Signé en haut à droite Seyssaud Dédicace en haut à droite À ma fille Collection particulière

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57 Portrait de Madame Seyssaud Vers 1905 Détrempe rehaussée d’huile sur carton 45 × 58 cm Signé en bas à gauche Seyssaud Collection particulière

Portrait de Madame Seyssaud Pour ce portrait où Seyssaud représente sa jeune épouse, Louise, en

pour l’enfermer dans l’isolement qui conduit à la rêverie. Le décor, à

1905, l’artiste a d’abord étudié dans une série de dessins le geste

peine suggéré par un fond immatériel de taches colorées et dansantes,

expressif de la tête inclinée. Il abandonne ici, selon les principes

accompagne sans le troubler cet instant de paisible intimité. La tech-

esthétiques des Nabis, la perspective au profit de la ligne courbe.

nique utilisée, celle de la peinture en détrempe, laisse au traitement

L’arabesque souple du dessin, alliée à une palette délicate, crée une

du vêtement un caractère d’esquisse. La légère transparence de la

impression de subtile intériorité. La ligne ondoyante qui entoure la

touche joue sur les harmonies de blanc. Les rehauts d’huile accrochent

figure en exagérant l’étirement du cou et du bras, dans un enveloppe-

la lumière qu’ils disputent à des ombres vertes, dessinent une spirale

ment de lignes caressantes, rythme harmonieusement la surface pic-

enchantée qui caresse la joue, enveloppe l’épaule et illumine le livre

turale. La construction utilise la déformation et le raccourci pour ren-

ouvert, la clé des songes.

forcer l’impression d’abandon du personnage dans son repli intérieur,

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Peindre le paysan Le peintre-paysan La représentation du paysan est très présente dans l’œuvre

la nature en menant ses troupeaux. Les tentatives de Gouirand pour

de Seyssaud dès sa première grande exposition personnelle chez

la détruire ne suffisent pas. Alors que « M. Seyssaud », en manteau

Le Barc de Boutteville en 1897. Une dizaine de tableaux sur les soixante

et en chapeau, se fait conduire en automobile à Villes-sur-Auzon

exposés représentent des scènes de la vie rurale : trois Moissonneurs,

à la recherche du motif, on peut lire encore en 1930 dans L’Art et

trois Foulaison, deux Paysan au travail, un Labour, une Chevrière…

les artistes : « C’est un orgueilleux farouche, une sorte de primitif du

Ce choix est confirmé dans l’exposition suivante, en 1899, chez Vollard :

sol […]. Il fut berger dans son enfance. Il l’est resté, vrai berger de son

s’ajoutent à ces thèmes cinq Ramasseurs de lavande et trois Sarcleuses.

magnifique et éclatant pays. »

C’est ce choix même qui constitue en partie la singularité de Seyssaud.

Pour Seyssaud, la vie à la campagne est synonyme de vie saine. Il

André Gouirand souligne dans sa préface de 1897 : « Le charme ori-

l’écrit au poète et critique Joachim Gasquet en 1894 : « Mais tu sais

ginal de M. Seyssaud est dans sa qualité de paysan. C’est en peignant

que j’ai été très malade ces temps derniers […]. Depuis un mois que

son coin de terre en paysan qu’il a pu à la longue en extraire des sen-

j’habite ici, je vais beaucoup mieux, l’air de ce pays m’a toujours été

sations fortes1. »

bon6. » Et de Paris à sa mère, l’année de sa première exposition : « Je

Alors qu’aucun des grands artistes de l’école moderniste, Pissarro,

sais que Paris ne me vaut rien, pas plus qu’une autre ville, du reste, le

Gauguin, Sérusier, Van Gogh, qui peignent des scènes de la vie rurale

médecin m’a dit qu’à Villes je suis très bien, le malheur c’est que je

n’est issu d’un milieu paysan, Seyssaud, lui, habite à la campagne, dans

n’y ai point d’aide et que j’y suis mal logé7. » Pour lui qui manque de

une ferme isolée, depuis 1894. Il a épousé une paysanne et vit entouré

ressources depuis la mort de son père, la vie à la campagne est aussi

de sa famille. Il a donc une connaissance intime de cette classe sociale

financièrement plus facile : « J’ai des moments de grande tristesse, à

à laquelle il appartient par les liens du mariage, partageant avec ces

voir que je suis toujours entravé par le manque d’avances, il me fau-

paysans qui sont devenus sa famille la ferme, la nourriture, le calen-

drait trente à quarante francs de fournitures et je n’ai pas un sou8. » À

drier des travaux quotidiens dans sa réalité fruste. Sa vision du monde

ces considérations matérielles qui le tiennent comme obligé, « en plein

rural gagne en profondeur. Cette qualité de paysan authentique, il la

champ » l’emporte le bonheur d’un contact permanent avec une nature

revendique et, de crainte que les Parisiens mesurent mal cette dimen-

lumineuse, le désir de l’art au grand air, l’ivresse de la richesse des

sion de travailleur rural, il donne aux titres de ses tableaux une préci-

couleurs : « Mais sous le soleil la campagne est belle en ce moment.

sion significative : les paysans sont « aux champs », « au travail ». C’est

Elle est merveilleuse d’éclat avec des bariolages de sainfoins fleuris et

cette originalité que le critique Arsène Alexandre souligne en écrivant

de blés verts9. »

en 1901 : « Il envoie à Paris une gerbe de son champ2. » De même,

L’image qui est donnée de Seyssaud par ses préfaciers, celle d’« une

Gustave Geffroy, se souvenant très probablement de la remarque de

sorte de petit paysan provençal » qui plante son chevalet comme on

Vincent Van Gogh à son frère Théo – « Je laboure mes toiles comme

plante un arbre dans un « vrai » champ et qui représente un « vrai »

eux leurs champs » –, dit de Seyssaud : « Il peint comme il labourerait

paysan au travail, n’est pas sans évoquer celle que donne de Jean-

la terre, comme il casserait des rocs3. » Et d’autres critiques poursuivent

François Millet (1814-1875) son biographe Alfred Sensier en 1881 :

pour exprimer sa rudesse d’exécution et sa puissante originalité : « Il a peint comme d’autres labourent, et, avec les moissonneurs et les glaneurs, à la mi-journée, il s’est couché à l’ombre des meules pour le même repos car son labeur fut pareil et, du même tour de bras énergique, il noua sur la toile les mêmes gerbes4. » Car il est alors de bon ton d’être paysan. Dès l’exposition de 1897 est née la légende d’un Seyssaud paysan en sabots5, pâtre qui a connu

84 Le Faucheur de coquelicots (détail fig. 133) Vers 1929 Huile sur toile 55 × 46 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

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Peindre le paysan

96 Labourage, le recul 1895 Huile sur toile 81 × 116 cm Signé et daté en bas à droite Seyssaud Collection particulière

97 Les Quatre Moissonneurs 1897 Huile sur toile 81 × 116 cm Signé et daté en bas à droite Seyssaud Collection particulière

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RENÉ SEYSSAUD • 1867-1952

98 La Chevrière 1895 Huile sur toile 60 × 80 cm Signé et daté en bas à gauche Seyssaud Collection particulière

99 Les Sarcleuses 1897 Huile sur toile 41 × 61 cm Signé et daté en bas à droite Seyssaud Collection particulière

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L’éternel paysan, la tradition française S

i les paysans au travail le sont dans le plus grand anonymat, les portraits paysans ont retenu l’intérêt de Seyssaud. Les premiers

qu’il exécute sont des portraits des membres de la famille, ceux de son épouse Louise et de ses belles-sœurs Thérèse et Julia, ceux de proches bien identifiés par le nom suivi parfois de la fonction sociale, pour bien montrer l’appartenance au groupe, comme Titon Roumegas, le berger en 1898 (fig. 137). Ces familiers sont tous rassemblés dans un portrait de groupe, La Fête votive, seul exemple d’un instant festif. C’est l’époque où le critique d’art Joachim Gasquet, ami de Seyssaud, présente le groupe social « paysan » comme appartenant à une « race » privilégiée. En 1912, dans la revue Le Feu, il exprime sa conception de l’art comme moyen d’améliorer cette race : « Tradition et Révolution se

rencontrent enfin au tournant de la même route, socialisme et monarchie, expansion de l’individu dans la plus riche collectivité, syndicat des morales, aristocratie des intérêts. Nous aimons notre terre. Et, voyageurs du monde, nous bâtirons notre maison là où nous sommes nés1. » Peu à peu s’établit un glissement du portrait de famille vers le modèle. L’artiste recherche de beaux types paysans, comme l’Enfant vauclusien (fig. 138) ou le Vieillard à la barbe blanche – « ce bonhomme qui est un rare spécimen2 » et ressemble à Léon Tolstoï –, portraits peints en particulier pendant les années où la Première Guerre mondiale le retient dans le Vaucluse. L’identité propre du sujet est niée, le paysan est anonyme. De l’individu, on retient son caractère : Le Buveur (fig. 150), Nicolas le braconnier (fig. 140). Ce qui compte, c’est l’appartenance du modèle à la terre, la possibilité de le rattacher à un terroir que l’on se dispense de nommer. Nicolas le braconnier, au corps élégant, aux articulations souples et déliées, occupe en maître tout l’espace. Son regard aiguisé guette l’intrus. Son épouse, dans l’ombre au second plan, s’af-

138 Enfant vauclusien Vers 1908 Huile sur carton 47,5 × 32,5 cm Non signé Collection particulière

faire dans la souillarde. Par les angles, par les plis, par les creux, le penché de la tête, le peintre traduit les douleurs, les soucis, l’amertume, les remords qu’imprime dans les corps une vie de travail. Les portraits de vieux sont les plus nombreux. La sagesse, la sérénité sont leurs vertus. Ils représentent la pérennité d’un vieille civilisation que l’on ne veut pas voir disparaître. Ces portraits, réalisés entre 1910 et 1920, sont présentés dans les salons des années 1930. À cette époque, la clientèle de Seyssaud est une bourgeoisie locale d’origine rurale, qui a tiré ses richesses de la terre. Léon Geoffroy3 à L’Isle-sur-la-Sorgue, la famille Mathieu à Lagnes sont des paysans entrepreneurs de la Provence des plaines, des « gros » enrichis par une agriculture irriguée et commercialisée

137 Titon Roumegas, le berger 1898 Huile sur toile 61 × 50 cm Signé et daté en haut à gauche Seyssaud Collection particulière

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Peindre d’après nature Villes-sur-Auzon : « Ce pays me plaira toujours » L’expression individuelle, chez Seyssaud, s’exprime d’abord par le choix du point de vue. La sensation visuelle, il va la trouver sur le motif. « Je fais dans les champs des séances terriblement longues1 », écrit-il à sa fille. Cette participation physique du peintre au paysage l’oblige à s’installer à la campagne : il fera de longs séjours à Villes-sur-Auzon, à Châteauneuf-de-Gadagne (Vaucluse) en 1916, puis, après 1930, à Aurel (Vaucluse) et dans divers villages de Provence. Seyssaud privilégie le point de vue en hauteur, d’où le regard plonge soit vers le fond de la combe ou de la gorge, soit vers la mer ou l’étang. Toujours, il dégage de vastes espaces et conduit vers des lointains. Il se plaint des aléas météorologiques, des mouches ou des chiens : « Le temps continue à m’ennuyer beaucoup. Tous les motifs que j’ai en vue changent d’aspect avant que j’aie pu rien commencer2. » Cependant, un beau point de vue ne fait pas toujours le motif, et il est souvent nécessaire au peintre de tourner autour avant d’arrêter son choix : « Il y avait une chose toute verte que j’avais vue sous un grand soleil. Or il n’y a plus eu que des temps d’effet venteux ; il pleut en ce moment et depuis les blés ont grandi, ils ne sont plus verts mais pâles et bleutés, et ils cachent la base des arbres qui, vus ainsi, ne composent plus3. » Ce choix du motif suppose du peintre de rejeter tout ce qui ne compte pas pour lui – l’anecdotique, le pittoresque, le sublime – et d’accaparer l’essentiel. Et ce qui est essentiel pour Seyssaud, ce qui est suffisant pour aboutir à un équilibre, c’est la couleur qui « compose » sous le

164 Paysage à Villes-sur-Auzon Vers 1898 Huile sur toile 108,5 × 88 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

grand soleil.

L’expression individuelle Il porte un regard circulaire sur un vaste paysage dont il retient la sensation globale d’un espace éclairé. Il s’arrête sur les lignes dominantes ; la courbe des crêtes, les vastes tourbillons de nuages. La ligne courbe, ce qu’il nomme lui-même l’arabesque décorative, contient le mouvement, elle est dynamique ; bien mieux que la ligne droite, elle engendre les surfaces, elle a une puissance évocatrice et un rythme, écho d’un tempo intérieur vécu profondément. Ainsi, Seyssaud compose avec la sensation seule, quasi cosmique. Sensible à un rythme

163 Sainfoins après la pluie (détail fig. 171) Vers 1903 Huile sur carton 38 × 60 cm Signé en bas à gauche Seyssaud Collection particulière

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RENÉ SEYSSAUD • 1867-1952

165 Printemps fleuri Vers 1898 Huile sur toile 65 × 100 cm Signé et daté en bas à gauche Seyssaud Collection particulière

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Peindre d’après nature

166 Village au soir Vers 1900 Détrempe rehaussée d’huile sur carton 38 × 61 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

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RENÉ SEYSSAUD • 1867-1952

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Seyssaud, franc-tireur du fauvisme S

eyssaud n’est pas au rendez-vous des Fauves lors du fameux Salon d’automne de 1905 auquel ce mouvement devra son nom. Pourtant,

il y est bien présent avec quatre toiles1, comme chaque année depuis sa fondation. Mais ce n’est pas dans la « cage aux fauves » que les visiteurs le retrouvent. Dans La Ferme des peupliers (fig. 172), il a aminci sa manière ; sa force reste dans la simplification des formes, tandis que l’intensité chromatique des Coquelicots (fig. 193) se résume aux corolles des fleurs dans le jardin encore sauvage, avant la construction de la maison-atelier. La critique est élogieuse. Comme en écho aux éloges de 1904, lors de son exposition chez Bernheim-Jeune, elle salue le grand coloriste, la qualité de la lumière, le sens de l’espace, la spontanéité de la facture. Pour Louis Vauxcelles, ce sont « de vives et succulentes colorations », pour François Thiébault-Sisson, le triomphe « de l’éclat de la couleur et de la lumière », pour Charles, celui « d’une couleur éclatante et riche » ; pour le journal Action, Seyssaud est le « virtuose du coloris », pour Camille Mauclair, il exprime « une belle fougue », pour Gustave

Babin, de « vibrants et crânes paysages ». Si la critique ne crie pas au scandale devant ces toiles aux couleurs fortes, c’est que la terre ocre rouge du Verger dans les terres rouges (fig. 194) est une réalité objective du paysage provençal. Seyssaud, qui privilégie l’expression par la couleur, hausse simplement le ton, mais il ne choisit jamais des couleurs arbitraires. De plus, si l’artiste n’est pas associé à la réprobation des Fauves, c’est que ceux-ci sont de jeunes peintres qui réclament bruyamment leur place. Seyssaud, lui, n’est plus jeune. À trente-huit ans, père de famille, il fait partie de ces excellents peintres déjà connus par les salons, et l’État lui a déjà acheté deux tableaux : sa place est déjà faite. Aucun lien ne le rattache à ces artistes d’une autre génération, pas même à ceux qui sont nés à Marseille, comme Charles Camoin. En 1905, la peinture moderne a triomphé. Victorieux et sûr de ses choix, Seyssaud est de moins en moins inquiet. Il a accompli son rêve de villégiature, une maison au bord de la mer, comme beaucoup d’autres installés sur la Côte d’Azur. Il a depuis longtemps rejeté le naturalisme impressionniste comme une esthétique dépassée et n’a jamais été

187 Les Collines de Blauvac (détail fig. 192) Vers 1903 Huile sur toile 61 × 50 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection partticulière

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RENÉ SEYSSAUD • 1867-1952

190 Moissonneurs Vers 1898 Huile sur toile 65 × 100 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

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Seyssaud, franc-tireur du fauvisme

191 Les Moissonneurs Vers 1904 Huile sur toile 40 × 61 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

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196 Combe de l’Ermitage, Villes-sur-Auzon Vers 1900 Détrempe rehaussée d’huile sur carton 36 × 60 cm Signé en bas à gauche Seyssaud Collection particulière 197 Les Rochers du Fayol Vers 1901 Huile sur toile 54 × 65 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

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Rochers S

eyssaud a le goût des ravins rocheux, des montagnes sauvages de l’arrière-pays de Villes-sur-Auzon, dans les monts de Vaucluse,

des falaises, des gorges, des rochers en surplomb, une attirance qui le porte à transformer la modeste vallée de la Touloubre aux environs de Saint-Chamas en véritable canyon et à donner aux rochers de Calissanne une majesté impressionnante. Rochers en mer ou sommets majestueux du Ventoux ou de l’Oisans, dans les Alpes, le minéral est très présent dans l’œuvre du peintre. L’école provençale d’Émile Loubon a célébré cette Provence minérale, caillouteuse et sèche. La pierre et le soleil sont une thématique chère à Frédéric Mistral. Le sommet du Ventoux – montagne mythique pour les Provençaux –, poétisé par Pétraque puis par Théodore Aubanel, devient, au terme d’une lente ascension, la source de la sagesse dévoilée aux

198 Le Rocher des Aigles Vers 1903 Détrempe rehaussée d’huile sur carton 38 × 61 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

courageux initiés. Le rocher du Cire est un lieu légendaire où Mistral situe Calendal… À l’Estaque, Paul Cézanne a exploré en 1879-1882 les ravins arides. Auguste Renoir, venu le rejoindre, y a peint les Rochers à l’Estaque (1882). Le thème du rocher en mer est très souvent traité dans la peinture européenne autour de 1900. L’impressionnisme, le symbolisme et l’Art nouveau s’emparent de ce thème. La vision des peintres européens emprunte beaucoup autour de ce thème à l’art extrême-oriental, en particulier japonais, avec les estampes et la gravure sur bois. Pour les Chinois, le rocher est un symbole de longévité, pour les Japonais, d’immuabilité. Dans le célèbre traité de peinture chinois du XVIIe siècle Les Enseignements de la peinture du jardin grand comme un grain de moutarde, on définit ainsi le rocher : « Quand on commence à peindre, il faut faire ressortir très nettement les trois dimensions des pierres. Sans doute est-il possible de juger un homme d’après sa voix ou d’après son physique. Or les rochers forment la charpente du ciel et de la terre et possèdent une atmosphère bien à eux. Une pierre sans atmosphère n’est qu’une base inerte. […] Mais sous le pinceau du peintre, aucune pierre ne donne l’impression d’être morte. Les pierres ont de multiples formes qu’elles tiennent de leur rapport avec le sol, une source ou la mer. Il n’y a pas de méthode secrète, il n’y a qu’un mot magique, “vivant1”. » Fort de toutes ces influences, le rocher dans l’œuvre de Seyssaud est élevé au rang de portrait. Dans Le Rocher en surplomb (fig. 199), réalisé vers 1913, le format en hauteur imposé par une composition très japonisante montre dans une vue plongeante une profonde vallée rocheuse qui repousse un horizon placé très haut, réduisant le ciel à un ruban d’où part un serpent d’eau qui coule vers le spectateur. La représentation d’un espace plat, par un échelonnement en hauteur, transforme l’espace pictural en faisant disparaître l’illusion de la profondeur et conduit vers une représentation presque abstraite de la

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199 Le Rocher en surplomb Vers 1913 Huile sur toile 100 × 81 cm Signé en bas à droite Seyssaud Saint-Chamas, musée municipal Paul-Lafran

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Sensations de mer De Cassis à Agay, « dialogue du vent et de la mer1 » Au début de sa carrière de peintre, c’est toujours en hiver que Seyssaud effectue des séjours au bord de la mer2. De Cassis en 1893 à la plage de La Garonne, près de Toulon, en 1902 en passant par Le Lavandou, Antibes et Agay, ces rivages méditerranéens lui offrent en cette saison un climat plus clément que dans le Ventoux. La douceur des températures apaise les souffrances dues à sa maladie pulmonaire, qui ne sera définitivement guérie qu’en 1900. L’ensoleillement lui permet de peindre tous les jours dehors. En cette fin de siècle, les exigences de la peinture en plein air conduisent les artistes à chercher des cieux cléments. Et le pays est si beau… Monet est venu à Menton et à Bordighera en 1884, à Antibes en 1888, Signac à Cassis en 1889, Valtat à Agay en 1898-1899. Avec ses contemporains, Seyssaud participe à ce tropisme vers le Sud. Il partage la sensibilité de sa génération que Rémy de Gourmont, écrivain et critique, résume ainsi : « Si l’on demandait quelle est la plus originale création du

XIXe

siècle, il faudrait peut-être répondre : c’est la mer. Cette eau

verte et bleue, dont les vagues sont le sourire et la colère, ces blondes plaines de sable, ces rochers gris ou jaunes, tout cela existait il y a cent ans et personne ne le regardait. Devant un spectacle qui enchante jusqu’à l’enivrement, les sensibilités d’hier restaient froides, ennuyées ou même peureuses. Le paysage marin, loin d’être recherché par les hommes, était fui comme un danger ou comme une laideur3. » L’artiste confie à sa mère son enthousiasme pour la côte d’Antibes : « J’irai à Marseille car, en hiver, je ne pourrai guère travailler ici. Mais ma joie serait de pouvoir faire un tableau du côté d’Antibes. C’est le plus beau pays qui soit. J’aurais ainsi avec le tableau que je fais en ce moment deux choses pour le Salon très différentes. En outre je pourrais travailler tout l’hiver au lieu qu’ailleurs je suis obligé de me croiser les bras. Il n’y a que de ces côtés qu’on puisse peindre à la campagne en hiver. Seulement il faudrait que je puisse me louer une chambre. Je trouverais cela avec peut-être 30 francs par mois4. » Seyssaud voit d’abord la mer depuis la terre, en paysan ou en excursionniste. Il ne la peint pas d’abord exclusivement pour elle-même, mais pour le paysage qui l’encadre. Ses marines sont des paysages de mer où la terre est dominante. Dans une vue plongeante empruntée aux Japonais et réinvestie par les Nabis, sans aller aussi loin que Gauguin dans la simplification (Marine avec vache. Au bord du gouffre,

206 Coup de mistral à Cassis (détail fig. 238) 1904 Huile sur toile 81 × 100 cm Signé en bas à gauche Seyssaud Collection particulière

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216 Vagues Vers 1893 Huile sur bois 21 × 37 cm Signé et daté en bas à droite Seyssaud Collection particulière

217 Bourrasque Vers 1902 Huile sur carton 44 × 60 cm Albi, musée Toulouse-Lautrec

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Sensations de mer

218 Voiliers à Cassis Vers 1902 Huile sur toile 60 × 81 cm Signé en bas à gauche Seyssaud Saint-Chamas, musée municipal Paul-Lafran

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L’amour d’un paysage : Saint-Chamas À la recherche du motif Allez là-bas vivre ensemble : « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté1. » À Saint-Chamas (Bouches-du-Rhône), René Seyssaud vient réaliser son rêve : celui de s’établir dans un pays où la nature l’émerveille. Son installation, décidée en 1904, découle de la magie du lieu – un pays favorable à la réalisation d’aspirations artistiques bien affirmées. Ces aspirations coïncident avec les problématiques esthétiques des peintres de son époque qui ont choisi la modernité. Pour ceux-ci, l’amour de la nature et du paysage, le travail en plein air, la fascination pour le traitement de la lumière et de la couleur sont les composantes essentielles à l’épanouissement de leur art. Ici, sur les rives de l’étang de Berre, Seyssaud trouve réunies les conditions de travail idéales : la liberté d’établir son chevalet en plein air, à sa convenance, en toute saison, sans trop s’éloigner de son atelier, et des motifs aussi variés que le rivage de Merveille, la solitude des sentiers du Palous, les marais du Sagnas, les Ragues, la colline du Guéby, les garrigues du Verdon, les collines de la Sambre, les rochers de la Touloubre

258 Effet de neige, soleil couchant à Saint-Chamas Vers 1914 Détrempe rehaussée d’huile sur carton 12 × 18 cm Non signé Cachet d’atelier no 29 Collection particulière

ou de Calissanne, des sites contrastés inondés de soleil. Tandis que d’autres peintres sont aux Martigues, à l’Estaque ou à Saint-Tropez, Seyssaud effectue lui aussi sa migration vers le littoral, vers la lumière. L’émerveillement est aussi celle d’un couple. Seyssaud, poète, aime réciter le poème de Charles Baudelaire L’Invitation au voyage à sa jeune épouse qu’il invite à quitter les froides montagnes, à aller vivre dans un pays qui lui ressemble, dans une chaude lumière, dans une maison avec des rideaux aux fenêtres : Mon enfant, ma sœur, Songe à la douceur D’aller là-bas vivre ensemble ! En 1951, un an avant son dernier voyage – Seyssaud meurt le 24 septembre 1952 –, il peint une grande composition qu’il nomme « L’Invitation au voyage » (fig. 478) : un point de vue en hauteur d’un paysage calme et serein inondé de lumière dorée, un port enserré entre des « baus2 » où

257 Coup de mistral (détail fig. 241) Vers 1914 Huile sur toile 92 × 73 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

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263 Saint-Chamas, les vieux toits Vers 1905 Huile sur toile 48 × 61 cm Signé en bas à gauche Seyssaud Marseille, musée Cantini 264 Les Ragues Vers 1905 Huile sur toile 46 × 65 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

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L’amour d’un paysage : Saint-Chamas

269 Soleil couchant Vers 1906 Détrempe sur carton 38 × 50 cm Signé en bas à gauche Seyssaud Collection particulière

270 Ajoncs au bord de l’étang Vers 1906 Détrempe rehaussée d’huile sur carton 38 × 60 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

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304 Après la pluie Vers 1925 Huile sur toile 60 × 73 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

Peindre les nuages L

e peintre, promeneur solitaire, a choisi ce jour-là de peindre dans

montagne restée dans l’ombre et de renvoyer l’éclat de la clarté sur le

l’urgence Les Nuages blancs (fig. 307). C’est souvent en effet les

champ vert du premier plan.

nuages qui déterminent chez Seyssaud le choix du motif. Les titres que

Il n’y a pas dans cette peinture d’espace fermé. Les nuages ouvrent

l’artiste donne lui-même à ses tableaux sont explicites : le nuage est

l’espace vers l’infini, conduisent le regard vers un ailleurs. Il n’y a

bel et bien pour lui un sujet de peinture.

pas non plus d’instant arrêté, il y a l’expression d’un moment fugace,

Ce jour-là, il a choisi de peindre le hasard mystérieux, l’éphémère et

l’annonce d’un perpétuel mouvement et d’un élan d’énergie. Seyssaud

l’insaisissable. Il lève les yeux vers un horizon placé très haut. Il est

peint l’impalpable, l’air et le vent. Dans d’autres peintures, les nuages

émerveillé de ce que la montagne ait su créer cette accumulation de

s’envolent, se déchirent en rubans. Lorsqu’ils s’assombrissent,

blancheur, qu’elle ait pu la retenir quelques instants en lui offrant de

grondent et versent des larmes de colère, « quand le ciel bas et lourd

s’installer dans les creux de la ligne de crête, qu’elle ait choisi quelques

pèse comme un couvercle1 », s’ouvre dans cette métamorphose un

instants de disparaître dans la caresse d’un oreiller. L’artiste entame ici

dialogue avec la Pythie. Le paysan, dans cette consultation, sait déchif-

un dialogue avec le ciel, il interroge ces formes en mouvement, très

frer l’alphabet des présages. La grêle, la pluie signifient la destruc-

reconnaissant au vent assagi d’avoir bien voulu retenir pour lui ces

tion des cultures, la paille ou le foin qu’il faut vite rentrer. Le nuage est

nuées en suspension.

l’acteur des travaux et des jours, c’est l’oracle, le messager, la vie, il

Alors nous assistons aux épousailles du ciel et de la terre. Ces noces

nourrit la terre, de lui dépendent les belles récoltes.

sont pour l’artiste l’occasion de peindre avec des touches volup-

Seyssaud regarde la nature en poète ; c’est un grand rêveur de nuages.

tueuses, enroulements, courbes et volutes, et d’y accrocher la lumière.

Il est « l’étranger » de Baudelaire : « J’aime les nuages… les nuages

Elles lui permettent d’établir le contraste avec le versant sombre de la

qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages2 ! » Blanc pur

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305 Chemin et ciel d’orage à Villessur-Auzon 1922 Huile sur toile 46 × 55 cm Signé en bas à gauche Seyssaud Collection particulière 306 Nuages Vers 1938 Huile sur toile 27 × 41 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

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Peindre des mythologies d’après nature Font-Ségugne, la colline inspirée C’est pour peindre des mythologies d’après nature et trouver de nouveaux éléments d’inspiration pour son travail que Seyssaud loue pour trois mois, d’août à octobre 1915, une maison à Châteauneufde-Gadagne (Vaucluse), près d’Avignon1. La maison est située sur le plateau de Camp-Cabel, où l’œil embrasse un panorama magnifique. En face se dresse le Ventoux, « haute montagne que l’on découvre au loin de toutes parts2 », toujours présent, proche et lointain tout à la fois, presque inaccessible si l’on envisage son ascension. Entre le Ventoux et Camp-Cabel se déroule la luxuriante vallée des Sorgues, c’est-àdire des sources et des rivières qui transforment la plaine en jardin. Au loin, le vallon fermé de la Fontaine de Vaucluse. Au penchant du plateau, sous les grands arbres, se dresse Font-Ségugne, où les fontaines se suivent, où les bassins abondent, parmi les jardins qui vont en s’étageant sur une vaste étendue3. La maison meublée n’est pas très confortable, mais elle est bien située : comme l’explique le peintre à sa fille, elle « domine le pays et elle est tout contre le bois des Félibres, qui est très beau, un bois mythologique4 ». C’est en effet non loin de là, au-dessus du village de Châteauneuf, que se trouve le château de Font-Ségugne – plutôt une maison de plaisance, sorte de villa à l’italienne bâtie par un cardinal romain puis résidence des ducs de Gadagne, devenue à la Révolution propriété de la famille Giéra. C’est ici que, le 21 mai 1854, sept jeunes poètes provençaux constituent le Félibrige, nouvelle Pléiade qui réunit Frédéric Mistral, Joseph Roumanille, Théodore Aubanel, Jean Brunet, Paul Giéra, Anselme Mathieu et Alphonse Tavan. C’est grâce à leur amitié, à la générosité de l’accueil de la famille Giéra, à la beauté du lieu que s’échangent à Font-Ségugne littérature et arts. Le chant de mille et mille oiseaux résonne dans les bosquets où l’on devine des mésanges, des fauvettes, des coucous, des merles mais surtout des rossignols, qui sont les rois du lieu, dans un paradis de feuillage. Mistral écrit ces vers :

309 Nus sous les chênes à Font-Ségugne (détail fig. 316) Vers 1915 Huile sur toile 73 × 92 cm Signé en bas à droite Seyssaud Albi, musée Toulouse-Lautrec

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RENÉ SEYSSAUD • 1867-1952

314 Les Yeuses Vers 1915 Détrempe rehaussée d’huile sur carton 12,5 × 17,5 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière 315 Nus sous les chênes à Gadagne Vers 1915 Détrempe rehaussée d’huile sur carton 25 × 30 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

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Peindre des mythologies d’après nature

316 Nus sous les chênes à Font-Ségugne Vers 1915 Huile sur toile 73 × 92 cm Signé en bas à droite Seyssaud Albi, musée Toulouse-Lautrec

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RENÉ SEYSSAUD • 1867-1952

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La nature morte, reflet de l’ordre social L

es artistes modernes n’ont pas conféré de prime abord une grande importance à la nature morte. Ce sont les recherches de Cézanne

qui ont marqué un nouvel intérêt pour ce genre : son travail a été le point de départ de la nature morte moderne.

Reflet de l’ordre rural… En 1895, lors de la première rétrospective de Paul Cézanne (18391906), le critique Thadée Natanson écrit dans La Revue blanche un article faisant de lui le peintre de la pomme : « Pour l’amour que le peintre a mis à les peindre [les pommes] et qui lui a fait résumer en elles tous ses dons, il est et demeure le peintre des pommes, des pommes lisses, rondes, fraîches, pesantes, éclatantes et dont la couleur rouge, non pas de celles qu’on souhaiterait manger et dont le trompel’œil retient les gourmands, mais de formes qui ravissent1… » Les pommes de Cézanne lui appartiennent. Elles s’imposent à nous par leur présence, elles impriment notre imaginaire, elles nous mangent. L’artiste devient dès lors le maître de la nature morte. En 1908, René Seyssaud présente pour la première fois un ensemble de vingt-quatre natures mortes dans une exposition personnelle chez Bernheim-Jeune. Elles disputent par leur nombre la prédilection du peintre pour le paysage. La table de cuisine est le lieu le plus fréquem-

320 Chou rouge Vers 1908 Huile sur toile 54 × 65 cm Signé en bas à gauche Seyssaud Collection particulière

ment choisi par l’artiste pour y disposer les objets, de même qu’elle l’était dans la nature morte traditionnelle, comme dans Chou rouge (fig. 320). Objets vernaculaires, utilitaires, pots à graisse, tians, cruches et pichets sont posés sur la table de ferme avec les légumes et les fruits du jardin. Le bord de la table est d’abord parallèle au bord du cadre et au fond. Plus tard, la surface du meuble se réduit et se cantonne à la représentation d’un bord latéral, celle d’un coin où sont posés les objets dans un angle qui donne une impression de prise sur le vif et de spontanéité. Cette disposition permet de donner à voir, dans un cadrage plus serré et dans une plus grande frontalité, les ustensiles qui vont servir à la préparation du repas. Elle donne aussi au spectateur la sensation d’un espace plus large où s’inscrit le mouvement, celui d’une présence/absence qui s’active dans la cuisine. Les fonds sont neutres, unis, permettant à peine de distinguer les peintures réalisées

319 Nature morte au compotier bleu (détail fig. 335) Vers 1930 Huile sur toile 73 × 92 cm Signé en bas à gauche Seyssaud Collection particulière

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323 Coings et pot bleu Vers 1908 Huile sur toile 38 × 46 cm Signé en bas à droite Seyssaud Marseille, musée Cantini

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La nature morte, reflet de l’ordre social

324 Pastèque ronde Vers 1908 Huile sur toile 60 × 73 cm Signé en haut à droite Seyssaud Albi, musée Toulouse-Lautrec

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349 Les Trois Châtaigniers Vers 1900 Huile sur toile 81 × 116 cm Signé en bas à gauche Seyssaud Collection particulière

L’arbre, un motif de paysage L

’arbre n’est pas un sujet neutre dans la peinture de Seyssaud. Il sus-

au bout du chemin : elle se répète dans un jeune arbre bourgeonnant

cite chez l’artiste des émotions qui participent à l’harmonie de la

vers lequel conduit un champ de sang.

nature et où le panthéisme cosmique trouve sa plus pleine expression.

Jusqu’en 1898, les arbres des tableaux de Seyssaud sont simplement

Chênes ou châtaigniers peints surtout à Villes-sur-Auzon, peupliers

un élément du paysage, placé au premier plan d’un côté ou de l’autre

ou mûriers, pins et vergers à Saint-Chamas, champs d’oliviers à Saint-

de la toile pour servir de repoussoir. Puis la vision devient tout autre.

Rémy-de-Provence, les arbres sont très souvent présents. Bien plus, ils

Châtaigniers (fig. 350) présente une vision concentrée sur un arbre

font très tôt, à partir de l’exposition à la galerie Vollard en 1899, l’objet

solitaire. Choisi comme seul motif du tableau, il occupe une place pré-

d’un véritable sujet.

pondérante au centre de la toile en plan rapproché : il s’agit désormais

Tantôt isolé, déployant son branchage sur la totalité de la toile, tantôt

véritablement d’un « portrait d’arbre ». En cela, Seyssaud renouvelle

dominant un paysage de sa majesté, ou bien par groupe de trois à

la vision des peintres de Barbizon, celle de Théodore Rousseau ou de

la limite du champ, comme dans Les Trois Châtaigniers (fig. 349),

Narcisse Diaz de La Peña, que Monticelli admirait. Devant l’autorité et la

l’arbre appartient fortement à la vision du paysage propre à Seyssaud.

vigueur de ces Châtaigniers, devant le déploiement à la fois vertical et

Symbole de la vie en perpétuelle évolution, sa représentation accom-

horizontal des ramures qui emplit tout entier le rectangle de la toile, on

pagne les saisons : châtaigniers en fleurs, châtaignier à l’automne, arbre

songe au Chêne de Flagey (1864) de Courbet. Peut-être Seyssaud a-t-il

dépouillé en hiver, arbre mort, le caractère cyclique de l’évolution cos-

eu aussi le loisir d’admirer chez Joachim Gasquet Le Grand Pin (v. 1896)

mique, du repos à la renaissance, est nettement souligné. L’arbre mort

de Cézanne, dont il était propriétaire, aujourd’hui conservé au musée

qui se contorsionne en ombre chinoise au premier plan de Ferme à

d’Art de São Paulo. Comme les arbres de Courbet et de Cézanne, son

Villes-sur-Ozon (fig. 44) n’est pas une image morbide, elle a son double

châtaignier domine complètement l’espace réel et imaginaire du tableau.

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350 Châtaigniers Vers 1905 Huile sur toile 73 × 92 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

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Peindre des mythologies d’après nature

L’acte de peindre : la sensation l’emporte sur la réflexion S

eyssaud, qui n’éprouve pas le besoin de justification, répugne à se placer sur le terrain des idées, à s’expliquer sur le processus créa-

teur. Il reste méfiant à l’égard des théories. Dans une époque riche en courants et en bouillonnements intellectuels, un artiste qui, comme lui, revendique la modernité ne veut pas être influencé par les systèmes de pensée en cours, soupçonnés d’être officiels. Il ne veut pas davantage être taxé de suivisme. Sa priorité est la nouveauté : son audace n’est freinée par aucun dogme ni aucune tradition. Cette réserve à l’égard des théories s’explique aussi par l’acte créateur lui-même. Celui-ci, chez Seyssaud, relève beaucoup plus de la sensibilité, de l’intuition, que de la réflexion. C’est la sensation qui commande la création. Le peintre observe et ressent. Sur le motif, il recherche l’émotion. La touche, le trait, la couleur doivent l’exprimer. L’artiste doit « peindre avec autant de passion que de réflexion1 », révèle-t-il au critique François Thiébault-Sisson, qui, à l’instar de ses confrères, se plaît à souligner le caractère instinctif de son œuvre. « Dans mes jugements comme dans mon travail, l’instinct a plus de place que le raisonnement2 », ajoute-t-il ailleurs. Il pose ainsi la sensation comme

idée fondamentale de la connaissance : « Mes raisonnements toujours entachés de doute sont emportés par la sensation qui m’arrive avec la clarté de l’évidence, la force de la certitude, l’acuité d’une blessure et qui, en dépit de tout ce que j’ai pu par avance vouloir, commande ma création3. » La sensation, chez lui, est tout d’abord visuelle. Ce qui frappe Seyssaud, provoque le choc visuel le plus vif, c’est, comme le dit Cézanne, « les sensations colorantes4 » qui donnent la lumière. Face à ces sensations de nature, l’acte de peindre, le geste, répond au processus mécanique du réflexe, il est une réaction nerveuse à une impulsion sensorielle. Le métier de Seyssaud est instinctif, sa technique spontanée. Cette conception du processus créateur est celle d’Hippolyte Taine dans son premier chapitre de sa Philosophie de l’art. Pour lui, il faut

359 Ventoux neigeux (détail fig. 361) Vers 1896 Huile sur toile 60 × 92 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

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L’acte de peindre : la sensation l’emporte sur la réflexion

360 Le Ventoux 1896 Huile sur toile 73 × 92 cm Signé et daté en bas à droite Seyssaud Collection particulière

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364 Coteau à Aurel Vers 1935 Huile sur toile 46 × 61 cm Signé en bas à gauche Seyssaud Collection Jeannine Geyssant

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373 Les Ocres Vers 1914 Huile sur toile 72 × 90 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

Dans les ocres L

a campagne autour de Villes-sur-Auzon, au pied du mont Ventoux,

austères des habitations rurales dans Maisons rouges à Villes-sur-Auzon

la montagne mythique des Provençaux, enchante les promenades

(fig. 374), en harmonie avec le paysage.

de René Seyssaud. La nature lui offre le spectacle des terres rouges du

Seyssaud s’empare des ocres avec sensualité. La couleur, il l’étale

bassin ocreux de Mormoiron, qui s’étend de Bédoin à Flassan jusqu’à

avec une belle matière, en larges épaisseurs. Son instinct le « force

Villes, exploité en carrière jusqu’en 1918. Falaises, coteaux, grottes,

à appliquer toujours la couleur intégrale3 ». Par « couleur intégrale »,

demoiselles coiffées, canyons, autant de motifs riches d’émotions colo-

il veut dire qu’il utilise des couleurs franches, disposées sans priver

rées qui retiennent l’artiste.

les choses de leur revêtement d’ombre et de lumière. Cependant, s’il

Transformée par l’homme, la terre devient couleur. Crayons d’« ocres »

choisit des couleurs violentes, s’il exagère le coloris, s’il le pousse au

en prolongement de la main, outils qui ont nourri l’imaginaire des

maximum, il ne va jamais jusqu’à l’outrance : il reste toujours fidèle à

hommes du Paléolithique pour dessiner sur les parois des grottes, celui

la nature. Ainsi, lorsqu’il utilise une couleur d’une puissance extrême, il

des civilisations égyptienne, grecque et romaine dans le décor des

veille à la diminuer avec la puissance des couleurs voisines en ména-

édifices antiques, celui des bâtisseurs des cathédrales au Moyen Age .

geant entre elles des passages aux dessous délicats.

Tantôt jaunes, beige-orangé, rouge sang, rouille, marron ou violets, les

Seyssaud est aussi très attentif au traitement de l’espace, à l’organi-

1

différents tons de l’ocre que l’on trouve dans la nature sont à l’origine

sation des lignes et à la composition – plus qu’à la perspective, dont

de pigments utilisés par les peintres – ocre jaune, ocre rouge, terre

il n’utilise pas le mot. Si, le plus souvent, c’est le chemin qui creuse

de Sienne, sanguine – et de certaines techniques comme la détrempe,

l’espace, ce que le peintre exprime dans les paysages des ocres,

utilisée par Seyssaud. L’enduit qui enveloppe les maisons, résistant à

comme dans Les Ocres (fig. 373), Coteaux rouges à Villes-sur-Auzon

la chaleur et à l’altération de la lumière, habille de pourpre les murs

(fig. 380) ou Cerisiers dans les terres rouges4 (fig. 375), c’est la

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374 Maisons rouges à Villes-sur-Auzon Vers 1898 Huile sur carton 43 × 59 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

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Art vivant. Art indépendant. Art moderne Où va la peinture ? Dans ces deux décennies qui suivent la Première Guerre mondiale, la crise morale et le désenchantement soulèvent plusieurs questions tandis que l’on s’écarte des grands courants d’avant-garde. L’art français est-il en décadence ? Où va la peinture ? Retour à l’ordre ou continuité ? Tradition ou modernité raisonnée ? Art vivant ou art indépendant ? Art moderne, mais quel art moderne ? Sous quel « isme » pourra-t-on rassembler ces artistes qui, au début du siècle, se sont résolument opposés à l’académisme ? Et où placer Seyssaud dans cette nébuleuse de peintres toujours plus nombreux ? À cette date, Seyssaud est reconnu, Seyssaud vit de sa peinture, Seyssaud est libre. Curieusement, Seyssaud l’inquiet n’est pas pessimiste. En 1931, répondant à la question du critique Pierre Borel : « Où va l’art français1 ? », il livre une véritable profession de foi, réaffirmant sa défiance à l’égard de l’intellectualisme et soulignant l’importance de la sensation sur le raisonnement. « À cette heure, on voit bien des essais et des avortements. Les peintres parlent trop. Toute théorie est desséchante. L’œuvre plastique est base de sensation : l’idée est un aboutissement, non un départ… On ne peut se prononcer que sur les réalisations, non sur les tendances auxquelles ceux-là mêmes qui les appliquent dérogeront peut-être quand ils arriveront à leur pleine expression, car les tendances sont limitatrices, et l’art, comme la vie qu’il glorifie, est infini. Demain fournira bien les siens. Notre époque est belle2. » Dans cette réponse, Seyssaud nous apparaît vivant et bien vivant. Il est vibrant au monde et la création le met en joie.

Les artistes et la crise Depuis la mort de François Honnorat, son soutien financier, en 1921, Seyssaud gère lui-même sa carrière. Il n’a pas beaucoup de mal à trouver des lieux d’exposition à Marseille : la ville lui offre un climat favorable. Il est présent partout, dans les vitrines de la galerie Olive,

385 Les Voiles blanches devant le port de Cassis (détail) Vers 1930 Huile sur toile 100 × 73 cm Signé en bas à gauche Seyssaud Collection particulière

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RENÉ SEYSSAUD • 1867-1952

391 Les Voiles blanches devant le port de Cassis Vers 1930 Huile sur toile 100 × 73 cm Signé en bas à gauche Seyssaud Collection particulière

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Art vivant. Art indépendant. Art moderne.

392 Château de Grobois, salon de la princesse de Wagram : mobilier d’Eugène Printz, tableau de René Seyssaud, Les Voiles blanches (fig. 391) Collection particulière 393 Salle à manger de Madame Marlière : mobilier d’Eugène Printz, toile décorative de René Seyssaud, Voiliers dans un port, 132 × 304 cm Photographie Chevojon Collection particulière

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De la puissance du trait à la délicatesse de la détrempe L’œuvre dessiné Seyssaud a toujours beaucoup dessiné. Comme beaucoup d’autres artistes, il utilise des carnets assez petits pour tenir dans une poche pour exercer immédiatement sa main et son œil. Pris sur le vif, rapides, incisifs, proches de la caricature, les dessins de Seyssaud sont pleins de sincérité et de simplicité. La grande majorité sont de très petit format, issus de carnets que le peintre emporte toujours avec lui et dont il disperse les pages pour les offrir ou les vendre. L’Association des amis de René Seyssaud, créée après sa mort en 1953, a trouvé dans la vente à ses membres de ces dessins une source de financement couvrant ses frais de fonctionnement. Plus tard, les héritiers ont cru bon de regrouper dans des albums les feuillets par sujets, bouleversant ainsi leur chronologie. Aucun de ces carnets n’est demeuré intact et la reconstitution apparaît aujourd’hui impossible. Cet éparpillement nous prive aujourd’hui d’une sorte de journal de bord de la sensibilité de l’artiste, de la chronologie de ses rencontres, de ses réponses immédiates aux spectacles qui le touchaient. Le mot de « notation » ou de « croquis » serait, dans le cas de Seyssaud, plus exact que celui de « dessin », car il s’agit rarement d’un travail préparatoire ni d’une étude à caractère académique, préalable à l’exécution d’un tableau. L’atelier du peintre a conservé peu de traces de l’enseignement classique qu’il a reçu à l’École des beaux-arts de Marseille ou d’Avignon ; de la même façon, aucun de ses séjours à Paris n’a été occupé de séances d’étude ou de copie au Louvre. Ainsi, les dessins de Seyssaud ont leur vie propre, indépendante de la peinture. Les techniques utilisées sont multiples : la mine de plomb, la sanguine, les craies, le crayon gras, le fusain rehaussé de gouache ou de pastel, l’encre de Chine, le crayon de couleur. Il est cependant quelquefois possible de relier certains dessins à une peinture, projets de tableaux qui seront réalisés plus tard à l’atelier. Le dessin porte alors des indications de couleur à quelques emplacements

403 Paysage aux peupliers (détail fig. 351) 1903 Détrempe rehaussée d’huile sur carton 61 × 38 cm Signé en bas à gauche Seyssaud Collection particulière

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De la puissance du trait à la délicatesse de la détrempe

413 Châtaigner Vers 1920 Sanguine sur papier beige 12,2 × 15,6 cm Non signé Indications de couleurs données par l’artiste Collection particulière 414 La Fontaine Vers 1910 Sanguine sur papier blanc 12 × 17 cm Non signé Indications de couleurs données par l’artiste Collection particulière

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418 Le Chemin des mûriers Vers 1902 Détrempe rehaussée d’huile sur carton 37 × 54 cm Signé en bas à gauche Seyssaud Collection particulière

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Saint-Rémyde-Provence et les Alpilles S

ur les conseils des Mathieu, propriétaires viticulteurs à Lagnes, René Seyssaud loue en décembre 1937 une maison à Saint-Rémy-

de-Provence (Bouches-du-Rhône), route des Antiques. On lit dans les carnets du peintre Jean Baltus, son ami, la confidence suivante : « Appris hier par [le critique littéraire] Charles Mauron que Seyssaud a loué la maison attenante à la mienne. Je suis heureux à la pensée de l’avoir comme voisin et je ne regrette pas [le peintre] Hermann-Paul, pour lequel je n’éprouve pas de sympathie… Je crains que Seyssaud, qui se dit épris des Alpilles, n’y trouve pas les motifs violemment colorés qu’il traite d’habitude1. » Il séjournera à Saint-Rémy durant des périodes plus

ou moins longues jusqu’à la fin de la guerre. Très vite, Seyssaud explore le pays avec son voisin à la recherche de sites à peindre. Baltus raconte : « Après le déjeuner, j’entreprends une reconnaissance dans les Alpilles avec Seyssaud, par le mas de Berne, nous gagnons le mas de Saint-Jons, puis le mas de Gazan, franchissons la crête des Peïroulets, continuons vers l’ouest jusqu’au vallon de Bedot, de là la Croix du Sauveur et retour. Seyssaud est enthousiasmé par les paysages qu’il a vus. J’éprouvais le besoin de me donner du mouvement pour combattre le froid. Seyssaud, qui a soixante-dix ans, a marché sans fatigue2. » À Saint-Rémy, la nature a les mêmes violences que les événements politiques internationaux : hivers trop froids et sans charbon, étés trop chauds, orages violents, ciels sombres, oliviers tordus, torturés par le mistral, terres violemment retournées, horizons fermés de rochers gris chaotiques. Dans les paysages

443 Portrait de Charles Mauron Vers 1940 Sanguine rehaussée de fusain sur papier blanc 17 × 10,5 cm Non signé Collection particulière

de Seyssaud peints à Saint-Rémy dans ces années de guerre, on découvre l’usage de cernes de gouache noirs dans des compositions plus lâchées mais plus dramatiques. L’artiste connaît des phases de découragement, puis d’espérance : « Je sens qu’un regain de foi dans la vie peut me revenir, j’étais très abattu ces derniers mois et j’ai peu travaillé, mais auparavant j’avais mis les bouchées doubles et je pourrai participer au Salon d’automne. Je pourrai même, quand

442 Alpilles (détail fig. 457) Vers 1942 Huile sur toile 50 × 73 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

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450 Les Alpilles Vers 1940 Aquarelle sur papier blanc 20 × 32 cm Signé en bas à gauche Seyssaud Collection Jeannine Geyssant

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Saint-Rémy-de-Provence et les Alpilles

451 Verger en fleurs dans les Alpilles Vers 1940 Crayon de couleur sur papier 7,5 × 10,5 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

452 Les Alpilles Vers 1940 Crayon de couleur sur papier 10,5 × 10,5 cm Non signé Collection particulière

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L’heure de la consécration (1945-1952) À la Libération, l’Union des arts plastiques La Libération reconnaît les siens. L’épuration frappe les responsables de Vichy et touche les intellectuels (Camille Mauclair, Charles Maurras, Gabriel Boissy). Les communistes, qui se confondent avec la Résistance, sont au premier rang. Pablo Picasso devient un symbole. À Marseille en 1945, le peintre de Guernica (1937) est le clou d’une exposition rassemblant peintres parisiens et marseillais organisée par l’Union nationale des intellectuels1 à l’occasion du 1er Mai : Pierre Sebire, sympathisant communiste, prête sa galerie, au 81, rue Paradis. Seyssaud, le doyen des peintres – il a soixante-dix-huit ans –, est invité, comme Auguste Chabaud. Marseille célèbre la liberté, la liberté de confrontation, pour la première fois depuis 1936. Le poète Alexandre Toursky rédige la préface du catalogue : « En confrontant leurs acquis respectifs, Provençaux et Parisiens de ce très large ensemble nous convient à faire le point. Ils semblent se démentir et se compléter avec assez de violence pour que d’une telle rencontre se puisse dégager la démarche d’une esthétique en perpétuel devenir2. » Ailleurs, il complète : « Alors qu’un Ambrogiani, qu’un Ferrari, qu’un Seyssaud confient la représentation du monde extérieur qu’ils se proposent de nous donner à des pâtes souvent violentes, presque toujours épaisses et dont la malléabilité même obéit aux moindres frémissements de l’artiste, des Parisiens comme Fougeron, Gischia ou Burtin s’appliquent à dépouiller les arguments de leurs créations… Peignant “mince” et procédant volontiers par juxtaposition de grandes surfaces, ils dominent leur émotion, réduisant la fougue des sens au profit d’un rigoureux effort d’entendement3. » Les observateurs dans la presse de gauche insistent pour faire remarquer l’effort des peintres parisiens pour lutter contre le goût dépravé de la vision toute faite, et aussi cette préoccupation manifeste de l’abandon de la perspective qui laisse supposer que, dans une société nouvelle, l’art doit être collectif et que la peinture de chevalet n’est

460 Moissonneurs (détail fig. 136) Vers 1944 Détrempe rehaussée d’huile sur carton 81 × 100 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

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467 Labours Vers 1940 Huile sur carton 75 × 105 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection Jeannine Geyssant

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L’heure de la consécration (1945-1952)

472 Berger au clair de lune Vers 1945 Détrempe sur Isorel 100 × 73 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

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L’autoportrait, le portrait du moi, le portrait de l’infigurable

479 Portrait du peintre 1909 Huile sur toile 100 × 81 cm Non signé Collection particulière

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O

n a recensé quinze autoportraits peints dans l’œuvre de René Seyssaud, mais peut-être n’ont-ils pas tous été retrouvés. Le

peintre a souvent ressenti le besoin de s’observer. Pourtant, il est peu attentif à son apparence, à sa tenue vestimentaire, à l’image qu’il peut donner de lui-même. Les autoportraits deviennent plus nombreux à la fin de sa vie : sept se situent dans les dix dernières années. Est-ce un penchant pour le questionnement ou l’expression d’une inquiétude ? L’artiste, accompli, honoré, est-il devenu, l’âge aidant, plus sûr de lui ? Il

semble que dans sa démarche le caractère introspectif l’emporte sur le souci de représentation. Seyssaud est moins préoccupé de reproduire l’image d’un modèle que celle d’une personne et bien plus encore attaché à l’acte de peindre. C’est la peinture qui le conduit vers le sujet dans la plupart de ses autoportraits. Le Portrait du peintre (fig. 479) daté de 1909 fait exception : il est le seul où l’artiste affirme sa vocation, le seul où l’on puisse déceler une complaisance narcissique à se représenter, le seul qui invoque la gloire. Dans un caractère conventionnel et dans une mise en scène traditionnelle, Seyssaud représente le peintre debout, dans un profil qui évite le regard. Dans ce tableau de grand format, présenté au Salon d’automne de 1913, l’allure est puissante et fière, elle s’impose par sa solidité, mais avec une grande sobriété. L’artiste exprime la satisfaction du travail accompli, aussi celle d’être reconnu comme un bon peintre. À cette exception près, et sans compter quelques autoportraits dessinés, rares sont les œuvres qui présentent le peintre à son chevalet, palette et pinceaux à la main. Toutes ont un caractère méditatif, aucune ne se préoccupe de mise en scène, de relation à l’espace ou aux objets. Toutes, et de plus en plus à la fin de sa vie, sont d’un cadrage serré, des portraits de face, qui n’évitent pas le regard. L’observation du visage, miroir de l’âme, témoigne chez Seyssaud de la recherche d’une vérité. L’acte de peindre prend pour lui une valeur essentialiste.

480 Autoportrait 1903 Huile sur toile 46 × 38 cm Signé en haut à gauche Seyssaud Collection particulière

Les trois autoportraits d’avant 1900 (fig. 4 et 8) sont des petits formats au caractère intimiste, au cadrage très serré et d’une grande économie chromatique. L’Autoportrait ovale de 1895 s’applique à reproduire la ressemblance d’une photographie. Dans l’Autoportrait de 1903 (fig. 480), le regard évite celui du spectateur. Le positionnement légèrement oblique du torse, le visage de trois quarts, nimbé d’ombre, détournent un regard inquisiteur et troublé, encore timide. En se tournant de côté, le regard du portrait restitue le mouvement des yeux que le peintre doit faire pour passer du miroir à la toile – de sorte que le regard du portrait regarde celui qui regarde la toile, le peintre en train de peindre ou le spectateur qui regarde le tableau. Seyssaud nous apparaît vibrant au monde qui l’étonne. Il guette. L’Autoportrait au fond jaune de 1936 (fig. 483) nous montre un visage creusé par la maladie ; les rides du front et d’expression soutiennent un regard dubitatif et inquiet, marqué par la souffrance. Seyssaud vient de subir deux interventions chirurgicales, et la mort a emporté Louise, son épouse, cette année-là.

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Épilogue R

ené Seyssaud est un artiste peintre natif de Marseille, vauclusien d’origine, attaché à des racines terriennes, installé à Saint-Chamas, à deux pas de l’Estaque et de Martigues. C’est en Provence

qu’il trouve ses sources d’inspiration. Sans fortune, sans tradition familiale dans les beaux-arts, nourri d’une culture provençale spontanée, proche du Félibrige, d’une sensibilité libertaire socialisante, l’artiste, qui cultive sa solitude loin de Paris, n’est solitaire que dans l’exercice de son art. Il porte en lui un héritage, celui de personnalités bien affirmées, comme celles de Daumier, de Loubon, de Guigou, de Monticelli. Artiste né en 1867, il appartient à la génération de transition, qui, après avoir tourné le dos au naturalisme, a le souci de se libérer de l’obsession impressionniste et est animée par le désir de modernité. Grâce aux Nabis et à Gauguin, il pose la question artistique sur des bases nouvelles en combinant lignes et couleurs. Il découvre dans l’estampe japonaise la liberté nouvelle du dessin, qui, de courbes et d’arabesques, fait de la ligne une force vivante. Franc-tireur du fauvisme, il s’empare avec jubilation de la couleur ramenée à sa pureté, solidaire de la lumière. Peintre indépendant, d’une personnalité bien affirmée, d’un tempérament avant tout sensible, il exerce un art tout entier porté par la sensation et l’élan instinctif. À la suite de Monticelli et parallèlement à Van Gogh, il livre, dans un geste expres-

sionniste et dans l’alchimie des pâtes colorées, son angoisse comme sa jouissance, dans l’ivresse païenne d’un panthéisme solaire. Dans un souci d’équilibre, il entend la leçon de Cézanne. Dans les paysages du Midi et les scènes de la vie aux champs, son respect de la profondeur et de la surface, de la structure de l’objet et de la forme, de l’établissement des volumes tempère le lyrisme de son expression et fait de son art un art de synthèse.

489 Les Peupliers (détail fig. 352) Vers 1910 Huile sur toile 100 × 65 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

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Biographie 1867 16 juin. Naissance à Marseille d’Auguste René Seyssaud, 43, rue Bergère (actuelle rue Horace-Bertin), dans une famille vauclusienne. Son père, Siffrein Seyssaud, né à Villes-sur-Auzon en 1840, est avocat, 6, rue Pavillon à Marseille. Sa mère, Adèle Joséphine Sarlat, née en 1842, est originaire de Sault. Elle est mariée à Lucien Seyssaud, dont elle a un fils, Léopold, né le 10 août 1863.

1881 Inscription à l’École des beaux-arts de Marseille, sous le numéro 209. Il obtient le deuxième prix dans la troisième classe d’après gravure ; son dessin n’a pas été conservé. Première toile exposée chez Collé dans une vitrine du 50, rue Vacon, où Monticelli le remarque. Il habite au 52, rue de l’Olivier, à Marseille.

1882 Inscription à l’École des beaux-arts de Marseille, sous le numéro 193. Séjour à Aubagne, quartier des Aires, hôte de la famille Benoit.

1883 Inscription à l’École des beaux-arts de Marseille, sous le numéro 300. Séjour à Aubagne, où ses parents possèdent un cabanon.

1884 491 Portrait de Siffrein Seyssaud et Joséphine Seyssaud Vers 1884 Photographie Collection particulière

1878 Seyssaud a onze ans. Il est doué pour le dessin et la peinture, son père l’encourage. Première toile répertoriée.

1879-1880 Inscription à l’École des beaux-arts de Marseille, sous les numéros 241 puis 211. Il habite au 10, rue Fontange. Son père est avocat au 8, rue Pisançon.

Il fréquente à Marseille le groupe des Jeunes, dirigé par Jean Lombard. Il fait la connaissance du poète Paul Guigou et du peintre Auguste Lauzet. Il publie des poèmes dans la Revue provinciale. À la fin de l’année scolaire, il séjourne à Avignon chez ses grandsparents paternels, 8, rue du Collège-d’Annecy.

1885 Il s’installe chez ses grands-parents à Avignon. Son grand-père, Théodore Seyssaud, est assureur. Il s’inscrit à l’École des beaux-arts de cette ville. Pierre Grivolas est son professeur. Il expose à Paris avec le groupe des Indépendants. Guigou, qui dirige La Revue moderniste, remarque ses envois et publie ses poèmes.

1886 Janvier. Mort soudaine de son père de la variole noire, à quarante-six ans. À l’École des beaux-arts d’Avignon, Seyssaud fait la connaissance des félibres Théodore Aubanel, Frédéric Mistral, Félix Gras. Il continue à

490 La Rivière (détail fig. 383) Vers 1932 Huile sur toile 92 × 73 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

écrire des poèmes. Il se lie d’amitié avec le sculpteur Jean-Pierre Gras et le peintre Paul Saïn. Il expose à Marseille, au Concours régional. « J’ai tout à l’heure vingt ans et je n’ai qu’un bagage de pochades qui ne sauraient me faire connaître et me donner une réputation » (lettre de René Seyssaud à sa mère, Avignon).

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Liste des expositions 1886

1903

Concours régional, catalogue des ouvrages de peinture, sculpture et architecture des artistes vivants, Marseille, 1886.

Exposition de tableaux par René Seyssaud, Paris, galerie Bernheim-Jeune, 16-26 mars 1903.

1891 Exposition de l’Association des artistes marseillais, 3e exposition, Marseille, 1891. Exposition des Beaux-Arts, Avignon, 9 mai-9 juin 1891.

Exposition René Seyssaud, Paris, galerie BernheimJeune, 15-25 mars 1904. Salon d’automne, 2e exposition, Paris, Grand Palais des Champs-Élysées, 15 octobre-15 novembre 1904.

1893

1905

Exposition de l’Association des artistes marseillais, Marseille, 1893.

Exposition René Seyssaud, Paris, galerie BernheimJeune, 10-25 mars 1905. Salon d’automne, 3e exposition, Paris, Grand Palais des Champs-Élysées, préface d’Élie Faure, 18 octobre-25 novembre 1905. Exposition René Seyssaud, Marseille, hôtel des Architectes, 28 octobre-11 novembre 1905.

1895 Catalogue de la première exposition de la Société des amis des arts, Aix-en-Provence, 1895. Exposition de l’Association des artistes marseillais, 6e exposition, Marseille, avril 1895. Salon de la Société nationale des beaux-arts, 6e exposition, Paris, 25 avril 1895.

1904

1906

Exposition de l’Association des artistes marseillais, 7e exposition, Marseille, 1896.

L’Art provençal à l’Exposition coloniale, Marseille, 1906. Exposition René Seyssaud, galerie Bernheim-Jeune, Paris, 4 avril-26 mars 1906. Salon d’automne, 4e exposition, Paris, Grand Palais des Champs-Élysées, 6 octobre-15 novembre 1906.

1897

1907

Exposition René Seyssaud, Paris, galerie Le Barc de Boutteville, préface d’André Gouirand, 6 mai-5 juin 1897. Quatorzième Exposition des artistes impressionnistes et symbolistes, Paris, galerie Le Barc de Boutteville, préface de Louis Roy, 25 juin 1897. Quinzième Exposition des artistes impressionnistes et symbolistes, Paris, galerie Le Barc de Boutteville, préface de Frédéric Cordey, 1er décembre 1897.

Exposition René Seyssaud, Paris, galerie BernheimJeune, 25 mars-6 avril 1907. Exposition Seyssaud, Marseille, syndicat d’initiative de Provence, préface d’André Gouirand, 10-30 juin 1907.

1896

1898 Exposition de la Société des artistes indépendants, 14e exposition, Paris, Palais des Glaces des ChampsÉlysées, 19 avril-12 juin 1898. Salon de la Société nationale des beaux-arts, 9e exposition, Paris, 1er mai 1898. Tableaux de René Seyssaud, Paris, galerie Vollard, préface d’Arsène Alexandre, 25 mai-10 juin 1899.

1901 Exposition de trente tableaux par René Seyssaud, Paris, galerie Bernheim-Jeune, préface d’André Gouirand, présentation d’Arsène Alexandre, 1er-16 mars 1901. Exposition Seyssaud, études et impressions, Marseille, Cercle artistique, 20-30 juin 1901.

1902 Exposition René Seyssaud, Paris, galerie BernheimJeune, 5-15 mars 1902. Exposition de la Société des artistes du Havre, Le Havre, 2 août-5 octobre 1902.

515 La Rue ensoleillée (détail fig. 177) Vers 1914 Huile sur toile 92 × 73 cm Signé en bas à droite Seyssaud Collection particulière

1908 Exposition René Seyssaud, Paris, galerie BernheimJeune, 2-14 mars 1908. Salon de la Société nationale des beaux-arts, 18e exposition, Paris, 15 avril-30 juin 1908. Salon d’automne, 6e exposition, Paris, Grand Palais des Champs-Élysées, 6 octobre-15 novembre 1908.

1909 Salon d’automne, 7e exposition, Paris, Grand Palais des Champs-Élysées, 1er octobre-8 novembre 1909.

1910 Exposition René Seyssaud, Paris, galerie BernheimJeune, préface d’Arsène Alexandre, 2-14 mai 1910. Salon d’automne, 8e exposition, Paris, Grand Palais des Champs-Élysées, 1er octobre-8 novembre 1910.

1911 Exposition de la Société vauclusienne des amis des arts, 6e exposition, Avignon, palais des Papes, 16 avril-4 juin 1911. Salon de la Société nationale des beaux-arts, 21e exposition, Paris, 16 avril-30 juin 1911. Salon des artistes indépendants, 27e exposition, Paris, Quai d’Orsay, Pont de l’Alma, Société des artistes indépendants, L’Émancipatrice, 21 avril-13 juin 1911. Salon d’automne, 9e exposition, Paris, Grand Palais des Champs-Élysées, 1er octobre-8 novembre 1911. Exposition René Seyssaud, Paris, galerie BernheimJeune, 16-28 octobre 1911.

1912 Exposition internationale municipale des ouvrages des artistes vivants, Amsterdam, musée municipal, 1912. Exposition du Salon des artistes indépendants, 28e exposition, Paris, Quai d’Orsay, Pont de l’Alma,

Société des artistes indépendants, L’Émancipatrice, 20 mars-16 mai 1912. Salon de la Société nationale des beaux-arts, 22e exposition, Paris, 14 avril-30 juin 1912. Salon de mai, Marseille, Quai de Rive-Neuve, préface d’Élie Faure, mai 1912. Exposition de l’Association des artistes marseillais, 17e exposition, Marseille, préface d’Étienne Martin, mai-juin 1912. Salon d’automne, 10e exposition, Paris, Grand Palais des Champs-Élysées, novembre 1912.

1913 Exposition du Salon des artistes indépendants, 29e exposition, Paris, Quai d’Orsay, Pont de l’Alma, Société des artistes indépendants, 19 mars-18 mai 1913. Exposition de l’Association des artistes marseillais, 18e exposition, Marseille, préface d’Étienne Martin, 27 mars-30 avril 1913. Salon de la Société nationale des beaux-arts, 23e exposition, Paris, avril-juin 1913. Salon d’automne, 11e exposition, Paris, Grand Palais, 15 novembre 1913-5 janvier 1914.

1914 Salon des artistes indépendants, 30e exposition, Paris, Société des artistes indépendants, 1er mars-30 avril 1914. Exposition Seyssaud, Paris, galerie Paul Rosenberg, préface d’Arsène Alexandre, 16 mars-4 avril 1914. Exposition de l’Association des artistes marseillais, 19e exposition, Marseille, préface de Ferdinand Servian, 15 avril-15 mai 1914.

1917 Exposition d’art français, municipalité de Barcelone, Barcelone, 1917. Franzosische Kunst des XIX. u XX. Jahrhunderts, Zurich, Zurcher Kunsthaus, 5 octobre-14 novembre 1917.

1918 Salon d’automne, 11e exposition, Paris, Grand Palais des Champs-Élysées, novembre 1918-janvier 1919.

1919 Salon d’automne, 12e exposition, Paris, Grand Palais des Champs-Élysées, 1er novembre-10 décembre 1919.

1920 Société des artistes indépendants, 31e exposition, Paris, Grand Palais des Champs-Élysées, 28 janvier-29 février 1920. Exposition de peintres provençaux, Paris, galerie des Feuillets d’art, 15-27 mars 1920. Exposition des peintres français, Strasbourg, préface de Léon Dunand, avril 1920. Salon de la Société nationale des beaux-arts, 25e exposition, Paris, avril-juin 1920. René Seyssaud, Marseille, galerie Lambert, préface de François Thiébault-Sisson, 7-20 mai 1920. Exposition d’art indépendant, Lyon, galerie Maire, 15-31 mai 1920. Quelques indépendants, Marseille, galerie Lambert, préface d’André Clair, 21 mai-5 juin 1920. Salon d’automne, 13e exposition, Paris, Grand Palais des Champs-Élysées, préface de Pierre Jaudon, 15 octobre-12 décembre 1920.

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Peindre des mythologies d’après nature

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Crédits photographiques © Aleksander Rabczuk pour l’ensemble des reproductions sauf : © Ackland Art Museum, The University of North Carolina at Chapel Hill : p. 105 (fig. 153) © Association des Amis de Jean Baltus, photo Daniel Cyr Lemaire : p. 316 (fig. 445) © Bibliothèque nationale de France, Paris : p. 156 © Bridgeman Images : p. 62 (fig. 85), p. 84 (fig. 120) © Carpentras, bibliothèque-musée Inguimbertine / Photo de Christian Chaline : p. 30 droite (fig. 38) © CIRDOC, Occitanica mediateca encyclopèdica : p. 223 (fig. 312) © Cliché François Pons, musée Toulouse-Lautrec, Albi : p. 54, 89, 158 (fig. 217), 192 (fig. 267), 197, 201, 204, 220, 225, 233, 271, 307, 317 © Collection musée d’Art moderne Richard Anacréon © Eric Quesnel : p. 22 (fig. 24) © Collection Jeannine Geyssant : p. 219, 266, 267, 277 (fig. 378), 306 (fig. 427 et 428), 308 (fig. 431), 320, 334, 361 (fig. 509) © Collection musée d’Art de Toulon, droits réservés : p. 64 (fig. 90), 209 (fig. 292) © Collection Museon Arlaten, musée départemental d’ethnographie : p. 223 (fig. 313) © Collection particulière / droits réservés : p. 10 (fig. 6-8), 13 (fig. 13), 27 (fig. 31), 29, 42, 43, 50, 70 (fig. 99), 76, 78 (fig. 111), 100 (fig. 144), 101 (fig. 147), 102 (fig. 148), 104, 105 (fig. 152), 107 (fig. 155), 108, 109, 111, 113, 116, 123, 125, 127 (fig. 177), 131, 133, 139, 179, 138, 140, 142, 148, 152 (fig. 208), 154 (fig. 211), 161 (fig. 221), 170, 172, 176, 177 (fig. 243), 178 (fig. 245), 180, (fig. 249), 183, 191 (fig. 265), 205, 207 (fig. 289), 214, 215, 216, 227, 236, 239, 252, 256 (fig. 354), 265 (fig. 363), 268 (fig. 366), 274, 279 (fig. 384), 285, 287, 305 (fig. 423), 310, 311, 319 (fig. 448), 332, 337, 343, 344 (fig. 482), 345 (fig. 483, 486), 347, 351-353, 354 (fig. 495), 356, 357, 361 (fig. 510), 362, 363 (fig. 514) © Collection Raphaël Mérindol : p. 10 (fig. 5) © Collection Stedelijk Museum, Amsterdam : p. 66 (fig. 94) © De Agostini / Leemage : p. 26 (fig. 30) © Elisabeth Juan-Mazel : p. 99 (fig. 143) © Éric Gillet : p. 120, 145 (fig. 198), 303 (fig. 419), 304 (fig. 421) © Fondation Calvet, Avignon © A. Rudelin : p. 67, p. 91 (fig. 131), 147 (fig. 201), 222 (fig. 311), 256 (fig. 355) © Fondation Regards de Provence, Marseille : p. 86, 129, 153 (fig. 210), 190 (fig. 290), 238 (fig. 329), 245 (fig. 340), 248 (fig. 345), 270 (fig. 369), 322, 324 (fig. 456) © Fondation Vouland / Photo Jean Bernard : p. 231 (fig. 322) © Fonds d’œuvres de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : p. 56, p. 94 (fig. 121), 170 (fig. 234), 319 (fig. 449) © Galerie Pentcheff, photo Aleksander Rabczuk : p. 16 (fig. 16), 18 (fig. 20), 21, 34, 45, 46, 49, 71 (fig. 101), 73, 74 (fig. 106), 75, 77 (fig. 109), 78 (fig. 113), 90 (fig. 128), 97, 117, 132, 166 (fig. 229), 167, 182 (fig. 252), 195, 208 (fig. 291), 210 (fig. 294), 238 (fig. 330), 255, 270 (fig. 370, 371), 272, 298, 300, 340 (fig. 477) © Hermitage, St. Petersburg, Russia / Bridgeman Images : p. 301 (fig. 416)

© Jean Bernard / Leemage : p. 26 (fig. 29), 222 (fig. 310) © Jean Bernard : p. 355 (fig. 498) © L’Annonciade, musée de Saint-Tropez / Photo P. S. Azema : p. 256 (fig. 353) © L’Illustration / PixPlanète : p. 288 © Lyon MBA / Photo Alain Basset : p. 231 (fig. 321) © Marseille, musée Cantini, photo Gérard Bonnet : p. 128 (fig. 179) © MBA, Rennes, Dist. RMN-Grand Palais / Jean-Manuel Salingue : p. 155 (fig. 214) © Montmédy, musée Jules-Bastien-Lepage : p. 63 droite (fig. 88) © Musée Cantini / Photo David Giancatarina : p. 232 © Musée Cantini / Photo Gérard Bonnet : p. 241 © Musée Cantini, Marseille, photo Raphaël Chipault et Benjamin Soligny : p. 190 (fig. 263) © Musée d’Art moderne / Roger-Viollet : p. 130 (fig. 183), 226 © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais : p. 24, 36 © Musée de Grenoble : p. 211 © Musée des Baux-de-Provence / Cliché Fabrice Lepeltier : p. 339 © Musée des Beaux-Arts de Dijon. Photo François Jay : p. 100 (fig. 145), 234 © Musée des Beaux-Arts de Nîmes : p. 91 (fig. 130) © Musée Granet. Communauté du Pays d’Aix-en-Provence. © Bernard Terlay : p. 22 (fig. 25), 94, 128 (fig. 180), 166 (fig. 230), 196, 200, 250, 276, 304 (fig. 422), 306 (fig. 429), 309 (fig. 434), 324 (fig. 455) © Musée Grobet-Labadié, Marseille : p. 62 (fig. 86) © Musée Joseph Déchelette / Ville de Roanne : p. 120 (fig. 170) © Musée Paul-Valéry, Sète : p. 318 © Musée Toulouse-Lautrec, Albi : p. 48 © Musée Ziem, Martigues: p. 37 (fig. 46), 162 (fig. 222), 209 (fig. 293) © Museum Folkwang, Essen, Germany / Bridgeman Images : p. 136 (fig. 189) © Nogent-sur-Seine, musée Dubois-Boucher / Cliché Yves Bourel : p. 354 (fig. 496) © Norman Parkinson Ltd / courtesy Norman Parkinson Archive : p. 331 (fig. 463), 363 haut (fig. 513) © Oslo, Nasjonalmuseet for kunst, arkitektur og design / The National Museum of Art, Architecture and Design : p. 27 (fig. 32) © Photo Josse / Leemage : p. 63 (fig. 87) © Photo Philippe Besacier : p. 229 © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Michel Urtado : p. 147 (fig. 202) © RMN-Grand Palais / Gérard Blot : p. 136 (fig. 188) © Stéphane Olivier / ARTEPHOTO – collection particulière, Paris : p. 19, 37 (fig. 47), 69, 150, 155 (fig. 213), 172, 174, 175, 189 (fig. 260 et 262), 206 (fig. 287), 213 (fig. 299), 217 (fig. 307), 260, 264, première de couverture © SuperStock / Leemage : p. 152 (fig. 207) © Thomas Hennocque, Paris : p. 246 (fig. 341), 280, 286 © Tournai – Collection La Maison tournaisienne : p. 28 (fig. 34) © Van Gogh Museum, Amsterdam : p. 66 (fig. 93) © Ville de Nice musée des Beaux-Arts, photo Muriel Anssens : p. 169 © Ville de Nice, musée des Beaux-Arts : p. 30 (fig. 37)

La photogravure a été réalisée par Quat’Coul (Toulouse) Cet ouvrage a été achevé d’imprimer sur les presses de Livonia (Lettonie) en décembre 2015.

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