15 Les Bergers d’Arcadie dit aussi …t in Arcadia …go Huile sur toile H. 85 ; L. 121 (agrandissements de 7 cm dans le haut, recouvert par le cadre, de 4,5 cm à droite et de 2 cm en bas) Paris, musée du Louvre (Inv. 7300)
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PROVENANCE L’on ignore, à ce jour, pour qui ce tableau illustre a été peint. Selon Louis Henri Loménie, comte de Brienne (1635-1698), le tableau aurait appartenu à « Mr Avisse » ((ms. 1693-1695) éd. 1994, p. 205), le chevalier Henry Avice (documenté entre 1642 et 1655 ; l’on attend la prochaine publication par Gabriel Battala-Lagleyre d’importants documents concernant Avice), graveur amateur (notamment de L’Adoration des Mages de Poussin conservée à la Gemäldegalerie de Dresde et des …nfants jouant aujourd’hui à la Fondation Calouste Gulbenkian à Lisbonne). Mickaël Szanto a publié en 2008 un très intéressant document, les trois éditions du catalogue d’une exposition qui s’était tenue en 1683 à Paris, à l’hôtel Sennecterre. Y figuraient sous la lettre H (puis sous le no 65) « Des Bergers qui trouvent le tombeau d’Igiezy fameux berger d’Arcadie, sur le bord du fleuve Ladon ». La mention n’est pas accompagnée du nom de Poussin mais les lettres F et G qui précèdent la lettre H cataloguent des tableaux du peintre, La Destruction du Temple de Jérusalem et Moïse exposé sur les eaux (vraisemblablement les compositions respectivement conservées au musée d’Israël à Jérusalem et à la Gemäldegalerie de Dresde). Cette mention est-elle à écarter, fait-elle allusion aux Bergers d’Arcadie conservés à Chatsworth (sur ce tableau, voir notre notice) (fig. 66) ou à la composition du Louvre ? L’on songe en premier à la toile de Chatsworth à cause de l’évocation du « fleuve Ladon », en fait l’Alphée, absent de l’illustre composition parisienne. Le tableau de Chatsworth, qui était encore à Rome en 1677, avait-il pu quitter l’Italie en 1683 ? En outre, le catalogue Sennecterre ignore le « pendant » des Bergers d’Arcadie anglais, Midas se lavant dans le Pactole (New York, The Metropolitan Museum of Art). L’on ajoutera que Les Bergers d’Arcadie du Louvre furent acquis par Louis XIV en 1685, deux années après l’exposition de l’hôtel Sennecterre. Le 12 mars 1685, le marquis de Louvois (1641-1691), surintendant des Bâtiments du roi, presse Henri de La Chapelle-Bessé (vers 1625 – 1694), son premier commis, « de trouver des tableaux pour mettre au-dessus des portes du Cabinet où doivent estre les Poussains » (Sarmant et Masson, 2007-, II, p. 96 no 881 et note 399). Quelques semaines plus tard, le 3 avril, Louis XIV achète au peintre marchand de tableaux Charles Antoine Hérault (16441718) pour six mille six cents livres deux Poussin, outre Les Bergers d’Arcadie, La Sainte Famille avec le petit saint Jean, sainte …lisabeth et saint Joseph adossé à un arbre du Louvre (cat. 30). L’ordonnance de paiement date du 3 avril 1685 : « 6 600 livres pour délivrer au Sr HÉRAULT, pour son paiement de deux tableaux du POUSSIN, l’un représentant les Pasteurs d’Arcadie et l’autre la Sainte Famille, qu’il a livrez pour le service de S. M. [...] », l’ordre est enregistré le 15 avril suivant (Bâtiments du Roi (Comptes), (ms. 1638-1715) éd. 1881-1901, II, col. 584-585 et 663). Le tableau est mentionné dans la partie rédigée après 1683 de l’inventaire dit de Le Brun, sans plus de précision sur sa localisation : « 441 Un autre du mesme [Poussin] représentant trois pasteurs d’arcadie et une femme s’apuyant sur l’épaule d’un des trois et un autre, qui est sur un tombeau au milieu d’une campagne haut de 2 pieds 8 pouces sur 3 pieds 7 pouces [H. 86,4 ; L. 116,1 cm] dans
sa bordure de bois sculptée et dorée » (1683, Le Brun) ; inventorié par Paillet en 1690, dans les mêmes termes que ceux utilisés par Le Brun, « à Versailles » (1690, Paillet), puis en 1695 (1695, Paillet) ; la même année, un mémoire du 1er novembre précise que le tableau se trouve dans le vestibule, l’une des pièces du Petit appartement du roi (1695, Versailles, mémoire 1, et Castelluccio, 2002b, p. 99 et 250 ; Milovanovic, 2009, p. 274, et Lett, 2014, p. 105-106, 117 et 123, qui propose une reconstitution de l’accrochage de la pièce). Piganiol de La Force en 1701 (p. 128) puis Félibien des Avaux en 1703 (p. 67) indiquent qu’il est placé en dessus-de-porte avec les deux petits Moïse (cat. 20 et 21), La Manne (cat. 16), La Peste (cat. 9) et La Sainte Famille avec le petit saint Jean, sainte É lisabeth et saint Joseph adossé à un arbre (cat. 30). Mentionné par Bailly dans le brouillon de son inventaire ([1701-1706], Bailly), puis en 1706 : « Versailles petit apartem.t du Roy [...] Un tableau représentant les Pasteurs d’Arcadie ou paroist une femme debout regardant un tombeau ruiné, figures de vingt à vingt deux pouces, ayant de hauteur deux pieds huit pouces, sur cinq pieds un pouce de large [H. 86,6 ; L. 165,2 cm], et dans une bordure dorée, il a été élargi de dix huit pouces » (1706, Bailly) et dans des termes identiques en 17091710 (1709-1710, Bailly). L’« élargissement » du tableau, élargissement dont on aimerait connaître l’auteur, de près de cinquante centimètres (« dix huit pouces »), mentionné par Bailly, est sans nul doute à mettre en relation avec son accrochage en dessus-de-porte. Louis XIV meurt en 1715. Louis XV s’établit alors à Paris où sont transférées plusieurs toiles du cabinet des Tableaux (Castelluccio, 2002b, p. 177 et 243 note 2 ; voir également Bâtiments du Roi (Comptes), (ms. 1638-1715) éd. 1881-1901, V, col. 857, 861-862 et 879). Aucune œuvre n’est citée de façon précise dans les Comptes des Bâtiments du roi et Saugrain, qui signale la présence d’environ cent cinquante tableaux dans le Cabinet du roi au Louvre, ne cite pas Les Bergers d’Arcadie parmi les cinq Poussin qu’il mentionne ([Saugrain], (1716) éd. 1719, II, p. 82). En 1721, Richardson Junior visite le Louvre et note la présence dans la Galerie de sept Poussin parmi lesquels une « Clorinda coming to the Sheperds, from Tasso; his Fade Colouring », en fait, à notre avis, Les Bergers d’Arcadie (Richardson (J., Sr., et J., Jr.), 1722, p. 8). L’année suivante, Louis XV retourne à Versailles. Dans son Grand dictionnaire géographique, Bruzen de La Martinière indique que le tableau est dans « la Pièce qui suit » le cabinet du Billard, le vestibule (Bruzen de La Martinière, 1726-1739, IX, p. 159). Sa notice consacrée à Versailles publiée en 1739 avait sans doute été rédigée plus tôt, peu de temps avant que Louis XV n’entreprenne les travaux qui modifièrent, à partir de 1737-1738, l’ordonnance du Petit appartement du roi. La cloison qui séparait le vestibule du cabinet des Tableaux est alors déplacée vers l’est pour former le Cabinet ovale (Castelluccio, 2002b, p. 178). Blondel, dans le septième livre de son Architecture françoise paru en 1756, décrit ainsi le Cabinet ovale : « La piece [...] est appellée cabinet des pendules. [...] On a vu long-tems dans cette piece plusieurs beaux tableaux du Poussin particulièrement celui qui présentoit la manne