YVES DI DOMENICO
LE CYCLE DE L’HISTOIRE DE TOBIE de Pierre Parrocel
Le musée des Beaux-Arts de Marseille conserve un ensemble exceptionnel de seize tableaux de Pierre Parrocel (Avignon, 1670Paris, 1739) consacrés à l’histoire de Tobie. Ce cycle fut initialement destiné à la décoration de la galerie de l’hôtel des Noailles à Saint-Germain-en-Laye. Célébré par la critique en 1739, quelques mois après sa création, il va ensuite être installé, dans la seconde partie du XVIIIe siècle, au château des Borély. « M. Parossel [sic] d’Avignon, est proprement ce qu’on appelle un Peintre d’Histoire […] 1. » Ainsi débute la description du cycle de l’Histoire de Tobie de Pierre Parrocel dans le Mercure de France de juillet 1739 2. Issu de la dynastie des Parrocel 3, Pierre était le fils de Louis Parrocel 4 (1634-1694), peintre d’histoire fort apprécié au XVIIe siècle à Avignon. Selon Antoine-Joseph Dezallier d’Argenville 5, Pierre partit avec son frère Jacques-Ignace Parrocel (1667-1722) compléter sa formation à Paris, vraisemblablement entre 1685 et 1688 6, dans l’atelier de son oncle Joseph Parrocel (1646-1704), célèbre peintre de batailles au service de la surintendance des Bâtiments du roi. Le passage dans l’atelier de Carlo Maratta (1625-1713) à Rome est traditionnellement admis et la chronologie actuelle 7 permet de le situer entre 1689 et 1692. Jean-Baptiste de Boyer d’Argens 8 nous informe sur le premier séjour romain de l’artiste et nous apprend qu’« il eut assez de peine à pouvoir subsister à Rome : il n’avait d’autre ressource ques les copies qu’il faisait d’après les plus beaux tableaux, qu’il vendait à des Anglais. Il partageait son temps entre le travail qu’il faisait pour subsister et celui où il s’occupait uniquement de son avancement ; alors il dessinait d’après l’antique avec assiduité. En Cat. 106 (détail, voir p. 226)
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partant de Rome, pour retourner dans sa patrie, il passa à Venise où il étudia avec soin les ouvrages du Titien et du Giorgione […] ». Ce premier contact avec les antiques et les artistes italiens marqua de manière définitive la production de Pierre Parrocel. Après ce séjour, l’artiste retourna dans sa ville natale en 1692, alors âgé de vingt-deux ans. Il y séjourna jusqu’à sa mort et y prit la direction de l’atelier familial qui jouissait d’une grande renommée 9 . Il fut agréé à l’Académie royale de peinture et de sculpture en tant que peintre d’histoire en octobre 1730, à l’âge de soixante ans 10, un mois après Charles-Joseph Natoire (1700-1777), agréé le 30 septembre de la même année. Contrairement à Natoire, Pierre Parrocel ne fut jamais reçu à l’Académie royale. Les nombreux tableaux de l’artiste que l’on peut encore admirer dans beaucoup d’églises de Provence témoignent de son activité prolixe. La carrière avignonnaise de Pierre Parrocel fut ponctuée par des voyages à Paris et à Rome 11. Il se rendit en effet à Rome au cours de l’année 1695, puis entre 1699 et 1700 et enfin, semble-t-il, en 1719, et non 1717 comme il est traditionnellement admis 12. Nous savons qu’il resta en lien constant avec son neveu Étienne Parrocel (1696-1775) qui était installé à Rome. Par ailleurs, les Parrocel n’étaient pas des inconnus à Paris. La notoriété de son oncle Joseph et de son cousin Charles (1688-1752), peintres de batailles respectivement au service de Louis XIV et de Louis XV, facilita certainement l’introduction de Pierre dans l’entourage royal. Au moment de son agrément à l’Académie, il passa très peu de temps à Paris, mais il fut de retour dans la capitale en 1732 pour le mariage son fils, Joseph-Ignace-François Parrocel (1704-1781), avec Françoise-Marguerite Lemarchand 13 . En ces années 1730, la 223
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