LYON RENAISSANCE. Arts et Humanisme (extrait)

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Les dessins d’oiseaux de Pierre Eskrich et Cie et la question des échanges entre Genève et Lyon R O B E R TA J . M . O L S O N

Fig. 37

Pierre Vase/Eskrich, Combattant varié, vers 1548-1555.

Aquarelle, gouache et encre noire, sur papier. Dans Ornithologie de Jacques Dalechamps, manuscrit, 365 fos. H. 44 ; l. 29 cm, fo 167. Paris, Bibliothèque nationale de France, Mss., Latin 11858

Je remercie Vanessa Selbach pour sa complicité et la traduction de cet essai et Alexandra Mazzitelli qui a compilé les statistiques concernant les aquarelles. Au sujet de Pierre Eskrich, nous renvoyons ici même à l’essai de Vanessa Selbach, p. 82-87. 1. Voir Olson et Mazzitelli 2007 (qui traite en outre d’un quatrième projet du XVIIIe siècle avec quatre aquarelles d’Eleazar Albin) ; Van den Abeele 2002. 2. Olson et Mazzitelli 2007, fig. 12, 19, 25, 27, 29, 31 (N-YHS, inv. 1889.10.2.55, 1889.10.3.2, 1889.10.3.5, 1889.10.3.6, 1889.10.3.12, 1889.10.3.47). 3. Bâle, Universitätsbibliothek Basel, Ms. K I 1. Voir Sackmann 1991 ; Springer et Kinzelbach 2009 ; Egmond 2013. 4. Lownes 1940 ; Godine et Gingerich 1970, no 18, n. p. ; Welch 1972.

La présentation dans cette exposition de treize extraordinaires « portraits » d’oiseaux ainsi que d’un recueil d’aquarelles ornithologiques offre une occasion unique de documenter l’une des entreprises de recherche scientifique les plus complexes et les plus avancées menées au XVIe siècle au sein des cercles humanistes de Lyon et de Genève. Les premiers sont issus de quatre albums conservés à la New-York Historical Society (cat. 88-100) ; quant au recueil d’aquarelles ornithologiques exécutées par un certain nombre d’artistes parmi lesquels Pierre Vase, alias Cruche, également connu sous le nom d’Eskrich, il est conservé à la Bibliothèque nationale de France (voir cat. 87). Ces aquarelles d’oiseaux appartiennent en effet à un ensemble vaste quoique fragmentaire qui permet de reconstituer un chapitre manquant de l’histoire de l’illustration scientifique et ornithologique. L’histoire de ces rarae aves et l’examen de leurs filigranes montrent que les deux cités n’ont cessé d’entretenir des relations à la faveur d’un projet mettant en jeu un réseau particulièrement dense d’artistes et de naturalistes désireux de cataloguer les phénomènes de la nature, autant d’efforts encouragés par l’esprit de liberté qui habitait alors les milieux réformés. Elle jette aussi des lumières sur la situation politique et religieuse tumultueuse qui était celle de l’Europe à la Renaissance. Le premier groupe d’aquarelles, au nombre de huit cents environ, met en relation quatre recueils de provenance anglaise, conservés à la New-York Historical Society (N-YHS, cat. 88-100) – et constitués majoritairement de deux cent quatorze feuilles d’oiseaux, dont cinq présentés par paires, et d’une feuille de chauve-souris – et deux recueils de la Bibliothèque nationale de France (BnF, cat. 87) – cinq cent quatre-vingt-sept aquarelles dont une de chauve-souris – dont l’origine remonte à un personnage central de cette entreprise, le médecin et naturaliste Jacques Dalechamps (cat. 86). Ces feuilles correspondent à deux projets de recherche datant du XVIe siècle et à une partie d’un troisième1. Toutes les aquarelles du

projet initial ou apparenté, sauf une (fig. 37), sont issues des recueils de la N-YHS. Certaines de ces œuvres très en avance sur leur temps sont antérieures aux premiers traités ornithologiques illustrés, publiés en 1555 : L’ histoire de la nature des oyseaux de Pierre Belon et le Quid est de avium natura de Conrad Gesner, qui fait partie de son Historia animalium. Le second projet, représenté par des aquarelles de la N-YHS et par d’autres de la BnF, a débuté après la publication de ces traités, s’est poursuivi tard dans le XVIe siècle et a impliqué Dalechamps. Il comporte un certain nombre de versions et de copies (de deux à quatre) du même oiseau (fig. 39-41), toutes destinées à être envoyées à des confrères occupés à étudier et répertorier les espèces d’oiseaux. Des inscriptions figurant sur quatorze des feuilles de la BnF situent leur exécution entre 1559 et 1581 pour la plus tardive d’entre elles. Le troisième projet du groupe de la N-YHS se rapporte au traité de Gesner : six œuvres lui sont associées, dont cinq modèles pour ses bois gravés2 (cat. 97 et 98). Jusque là, seuls dix-huit modèles destinés à Gesner et provenant de la collection du médecin Félix Platter avaient été identifiés dans la bibliothèque de l’université de Bâle 3 . Pour la première fois, un lien a pu être établi entre les huit cents feuilles de la N-YHS et de la BnF et deux ensembles inédits d’aquarelles autrefois réunis, ce qui porte le total à environ un millier. Le premier de ces deux ensembles, conservé à la Middleton Collection de l’université de Nottingham (Angleterre), consiste en un minimum de quatre-vingt-cinq feuilles qui sont des copies ou des dérivations des oiseaux de la N-YHS et de la BnF. Le second, qui se trouve dans la collection Albert E. Lownes de la bibliothèque Hay de l’université Brown à Providence (Rhode Island), comprend quelque cent cinq feuilles en relation avec le second projet. Tous deux appartenaient aux spécialistes d’histoire naturelle Francis Willughby et John Ray4 . L’existence de ces versions et de ces copies supplémentaires (fig. 39-41), non seulement confirme le caractère complexe de ce

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