La mosaïque
la production artistique en grèce du nord aux époques classique et hellénistique
A.-M. Guimier-Sorbets
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Revêtement de sol aux finalités à la fois pratiques et décoratives, les mosaïques sont apparues en Grèce au v e siècle av. J .- C . La ville d’Olynthe (Chalcidique), construite et habitée de 432 à 348, fournit une bonne série de ces pavements de galets, ornant principalement les salles de banquets. Pour réaliser ces pavements, les mosaïstes se sont inspirés de la composition, en bandes concentriques, des tapis textiles et de la céramique à figures rouges pour le décor figuré ; bandes et motifs sont formés par l’insertion, dans du mortier frais, de petits galets clairs sur un fond de galets sombres. Les ateliers de mosaïstes travaillant à la cour de Macédoine se sont inscrits dans cette tradition naissante, mais, pour réaliser des œuvres de grande qualité, ils ont fait preuve d’inventivité, et leurs réalisations marqueront ensuite tout le développement de la mosaïque à l’époque hellénistique. Si l’on retient la datation haute, dans le deuxième tiers du i v e siècle, du palais de Vergina 1 , les mosaïques qui ornent quelquesunes des nombreuses salles de banquets sont les plus anciennes de Macédoine. Les fouilles de l’autre capitale du royaume, Pella, ont mis au jour une douzaine de pavements de qualité exceptionnelle,
fig. 83 Pella, La Chasse au cerf
en majorité datés du dernier quart du i v e siècle. Ces pavements décoraient le sol des très grandes maisons des membres de la cour, ou des salles proches du sanctuaire du dieu guérisseur Darron 2 . Les principales innovations des mosaïstes en Macédoine tiennent d’abord à leur volonté de copier la grande peinture, art
Elles témoignent de la qualité des peintures reproduites et de la virtuosité des maîtres mosaïstes qui les ont exécutées. L’imitation de la peinture contemporaine poussait les mosaïstes
majeur de l’époque. Parmi les panneaux figurés les plus impression-
à rendre la troisième dimension non seulement par le traitement
nants, il faut citer, dans la maison I ,5 de Pella, L’Enlèvement d’Hélène
graphique des différents plans, comme pour les jambes des chevaux
par Thésée et La Chasse au cerf, panneau exceptionnellement signé,
du quadrige de Thésée, mais aussi par des dégradés subtils figurant
de Gnosis (fig. 83). Les deux « morceaux de bravoure » de la maison
les volumes par des ombres. À côté des représentations humaines
voisine I ,1 sont La Chasse au lion (cat. 1) et Le Triomphe de Dionysos
et animales, l’ornement végétal a lui aussi été traité avec réalisme.
(fig. 84). Sur ce panneau d’une rare élégance, le dieu est figuré nu,
Toute la surface de la salle de banquets du palais de Vergina est
chevauchant un fauve en amazone. Le visage de profil, Dionysos
couverte d’une composition végétale complexe : d’un fleuron central
semble voler sur sa monture, dont la vitesse est exprimée par la
s’échappent seize branches de rinceaux fleuris. Le volume de chaque
bandelette de son thyrse qui flotte au vent. Toutes ces figures se
élément, comme la profondeur de l’ensemble de la composition, est
détachent sur fond sombre, avec une grande économie de couleurs.
rendu par les différents types de volutes, l’entrecroisement des tiges,
1 Voir le texte de A. Kottaridi, supra, p. 290-293. 2 Pour l’importante bibliographie des mosaïques de Vergina
et de Pella, voir Salzmann 1982, n os 94-105, 130-131 ; Makaronas, Giouri 1989 ; Guimier-Sorbets 1993 ; Dunbabin 1999, p. 10-15 ; Akamatis, Lilimpaki-Akamati 2003, avec les références des publications de fouilles.