Rim 25 2: UHINAK 2018. Ficoba, Irun.

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Uhinak 2018

Les stratégies d’aménagement à l’épreuve de la dynamique littorale Beillouin, Thomas1 Mot-clés : érosion, submersion, trait de côte, adaptation, risques, aménagement

De la mobilité du trait de côte à l’épaisseur spatio-temporelle du littoral Introduction Le littoral est le lieu privilégié d’une hybridation entre milieu naturel et activités humaines. À l’échelle du globe, on estime que 60 % de la population vit dans les zones côtières (Béoutis, Colas, Jean, 2008) ; une présence en constante augmentation, qui génère une importante richesse économique (Guingand, Quintrie-Lamoth, 2012) mais accroît simultanément la vulnérabilité des installations humaines face aux aléas côtiers – érosion et submersion marine. Les vagues d’urbanisation des 19e et 20e siècles ont permis un essor du tourisme balnéaire, principalement basé sur la maîtrise du milieu naturel par l’infrastructure (Rouillard, 1995 ; Picon, Prelorenzo, 2000) tout en donnant naissance à un « territoire à risques » soumis à la fois à une pression anthropique et à la dynamique littorale (Lageat, 2016). L’espace côtier est ainsi remodelé de manière incessante, tant par l’urbanisation que par la mobilité du trait de côte. L’analyse de cet héritage et la manière de penser son évolution face aux risques constituent le sujet de cette recherche en architecture. Celle-ci se focalise sur le contexte français tout en faisant ponctuellement appel à des références étrangères. Cet article s’interroge en particulier sur le rôle de la catastrophe dans l’initiation des stratégies d’adaptation, dont il présente les principales limites. Il montre en quoi la perception du risque et la constitution d’une « mémoire collective » constituent des enjeux décisifs pour leur mise en œuvre. Enfin, il expose la nécessité d’une réglementation dynamique, étroitement corrélée aux aléas. L’épaisseur littorale, dynamique dans l’espace et dans le temps, y est proposée comme cadre conceptuel pour appréhender aussi bien les facteurs de risque que les ressources territoriales favorables aux stratégies d’adaptation.

Données et méthodes Trois principaux axes méthodologiques guident cette recherche. Le premier s’intéresse à l’apparition du concept de trait de côte, à sa mise en forme architecturale, et à l’intérêt plus récent porté à Observatoire de la condition suburbaine (OCS) – École d’architecture, de la ville et des territoires à Marne-la- Vallée 12, avenue Blaise Pascal 77447 Marne-la-Vallée Cedex 2 France E-mail: thomas.beillouin@marnelavallee.archi.fr

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l’idée d’épaisseur littorale à travers la Stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte. Il donne lieu à une lecture historique du site littoral, considéré comme sujet d’architecture. Le second consiste à caractériser l’épaisseur littorale et à comprendre son rôle dans les stratégies d’adaptation aux risques. La géographie et l’urbanisme sont rapprochés pour choisir et analyser sept cas d’étude, réprésentatifs d’une certaine diversité des littoraux : Vias, Lacanau, Petit-Bourg, La Camargue, Nantes/Saint-Nazaire/ Saint-Brévin-les-Pins, la Vallée de l’Agly et la Rochelle. Ces sites donneront lieu à la production d’un atlas cartographique explorant six paramètres : la géomorphologie, les morphologies urbaines, les liens existant entre côte et arrière-pays, le sens de la croissance urbaine, les facteurs physiques limitant l’épaisseur littorale et les stratégies d’aménagement déployées face aux aléas côtiers. Le troisième interroge l’évolution des techniques constructives sur le littoral; il s’agit d’identifier les enjeux architecturaux des stratégies d’adaptation, susceptibles de transformer le paysage côtier. Cet article s’inscrit dans le second axe méthodologique et s’appuie sur les cas d’études ainsi que sur des références complémentaires.

Résultats et discussion Le désarroi des populations face aux catastrophes naturelles récentes – Irma et Xynthia notamment – a mis en lumière le manque d’outillage des acteurs de projet pour réduire la vulnérabilité des territoires littoraux. Cela supposerait un changement de paradigme : passer d’une logique de la solidité à la recherche d’une forme de souplesse, aussi bien à l’échelle urbaine qu’à celle des techniques constructives. La catastrophe naturelle semble décisive dans l’initiation des stratégies d’adaptation. En marquant un « avant » et un « après », elle est susceptible de provoquer une rupture dans les processus d’aménagement conventionnels, basés sur la reproduction d’un modèle de conquête du littoral remontant au 19e siècle (Rouillard, 1995). L’exemple de Long Island, sur la côte est des Etats-Unis, presque entièrement ravagée par la tempête Ash Wednesday de mars 1962, montre pourtant que cette rupture n’est pas systématique. En dépit des interactions avérées entre installations humaines et milieu naturel, le réaménagement a donné lieu à une reconstruction de l’île à l’identique, traduisant la reproduction d’une culture constructive conventionnelle. La situation de vulnérabilité antérieure à la tempête a ainsi été reconduite (McHarg, 1969). Néanmoins, en France, l’évolution des textes réglementaires depuis la seconde moitié du 20e siècle indique l’existence d’une étroite corrélation entre les grandes catastrophes et la proposition de lois ou de plans d’adaptation. Tableau 1 Cette forme de « jurisprudence du risque » enrichit de manière incrémentale la panoplie des outils d’aménagement urbain disponibles pour faire face aux risques. Par ses effets – dégâts humains et matériels –

Revista de Investigación Marina, 2018, 25(2)| 53


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