Recueil analytique traitement de la torture Burundi (2000-2008)

Page 14

-l’instruction présente des lacunes révélées par l’existence d’un procès verbal de confrontation non signé par le témoin principal. Un doute existe quant à la réalité de cette confrontation, le prévenu et ce témoin affirmant n’avoir pas été confrontés. 4. La Cour estime qu’il n’existe aucune preuve de la culpabilité du prévenu et l’acquitte en conséquence.

3. Analyse juridique Durant les premiers mois de l’année 1995, Bujumbura est en proie à une instabilité sociopolitique généralisée. Des groupes de rebelles et l’armée s’affrontent sans arrêt. Le 15 mars 1995, le corps mutilé du lieutenant colonel Lucien Sakubu, ancien maire de Bujumbura, est découvert dans le quartier populaire de Kinama, par où il passait chaque matin avant de se rendre à son bureau, à l’hôtel de ville. Il y avait été enlevé le 13 mars. Le 15 et le 16 mars, Jean Minani est arrêté, accusé du meurtre de ce haut officier de l’armée burundaise. Il est alors accusé d’avoir assassiné Lucien Sakubu .infraction prévue et punie par l’art. 144 CPLII. L’instruction du dossier est empreinte de plusieurs irrégularités. Au niveau de la police, il y restera détenu plus de 15 jours avant d’être transféré à la prison de Mpimba à Bujumbura où il restera incarcéré pendant trois ans avant d’être conduit devant le juge. Au cours de cette période, il sera soumis à la torture et autres sévices cruels et inhumains. Pour échapper à la machine tortionnaire, il sera forcé de passer aux aveux, des déclarations sur lesquelles se fonde le réquisitoire du Ministère public. Le jugement émis par la cour d’appel constitue un précédent positif en ce qui concerne l’exclusion des aveux obtenus sous la torture comme moyens de preuve. Ce jugement est conforme à l’article 27 du code burundais de procédure pénale qui exclut les moyens de preuve obtenus sous l’effet de la contrainte. Même si la cour ne cite pas explicitement l’article 15 de la convention contre la torture, l’arrêt en respecte à la fois l’esprit et la lettre. Cette obligation a un caractère absolu et aucune exception n’est tolérée. Cette position de principe a été plusieurs fois réaffirmée par les organes de l’ONU chargés de faire appliquer la Convention et le pacte au niveau international. Selon le comité contre la torture, l’article s’applique non seulement aux déclarations qu’une personne torture fait à propos d’ellemême, ainsi qu’aux déclarations faites à propos de parties tierces (comité contre la torture, P.E.C. France CAT 193/01) Dans l’affaire Minani, le Ministère public s’est fondé exclusivement sur le seul témoignage à charge qui a admis devant la Cour d’appel avoir déposé sous la contrainte et la peur d’être torturé davantage. La Cour d’appel étend donc le champ de l’exclusion des aveux extorqués non seulement au prévenu mais à toute personne tierce intervenant au cours de l’instruction. Cependant, la Cour aurait pu aller plus loin en ordonnant au Ministère public des enquêtes sur les allégations de torture de la police afin d’assurer un surveillance accrue sur la conduite des enquêtes au sein de ce corps en conformité avec l’article 12 de la convention qui oblige les Etats à mener des enquêtes appropriées quand il est établi que des actes de torture ont pu avoir lieu. Quoi qu’il en soit, l’arrêt fera jurisprudence dans le domaine de l’administration de la preuve pénale, l’interprétation et l’application effective de la convention contre la torture par les juridictions burundaises.

N° 4 : RPCC 330, Cour d’appel de Gitega, Chambre criminelle, 15/10/1986 1. Mots clés

14


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.