Troisième partie - 2016, vers une nouvelle approche législative ? Analyse du nouveau projet de loi relatif aux stupéfiants Le nouveau projet de loi, composé de 84 articles, proposé par le ministère de la justice et validé en Conseil des Ministres le 30 décembre 2015 apporte certaines avancées notables à la législation tunisienne en matière de lutte contre les stupéfiants. Toutefois, des lacunes et des incohérences subsistent et des risques sont à relever. Les objectifs du projet de loi semblent plus larges que ceux de la loi actuelle qui ne visait qu’à réprimer consommateurs et trafiquants et ne contenait qu’une partie concernant le soin des toxicomanes. Le projet actuel vise à prévenir l’usage des drogues, traiter les consommateurs de drogues, lutter contre le négoce illicite des stupéfiants, réprimer le trafic illicite des stupéfiants et soutenir la coopération internationale en matière de trafic illicite de stupéfiants dans le cadre des conventions internationales, régionales et bilatérales qui ont été ratifiées. La Tunisie adopte timidement une nouvelle approche consistant à ne plus traiter le consommateur comme un criminel, ce qui correspond à l’orientation internationalement reconnue et adoptée, notamment par les conventions onusiennes26. 1. Approche générale au regard de la consommation : analyse du projet de loi La lutte contre les stupéfiants requiert la distinction entre le criminel et la victime. En effet, le consommateur devrait être reconnue comme une victime de l’échec de l’État à juguler la propagation des stupéfiants. De même, il est victime du trafic organisé en matière de commerce illicite de stupéfiants. En tant que victime, il devrait jouir d’un droit de protection et de soins médicaux. La politique pénale pour lutter contre les stupéfiants devrait, tout d’abord, reposer sur la prévention et la sensibilisation. Ainsi, le projet de loi contient une disposition énonçant l’obligation de créer une commission nationale de prise en charge et d’encadrement des consommateurs de stupéfiants, ainsi que des commissions régionales. De plus, ce projet de loi prévoit d’établir un observatoire national des statistiques, de l’information, de la documentation, d’études et de recherches dans le domaine des stupéfiants. Ces institutions seraient destinées à mieux comprendre ce phénomène afin de mettre en place les stratégies qui permetteront de le maîtriser et de réduire ses répercussions négatives. Par ailleurs, le projet de loi incite à la création d’établissements sanitaires spécialisés pour traiter les toxicomanes. Cette mesure vise à combler la lacune de l’État en matière de soins aux toxicomanes et à renforcer la prévention. Il est à noter que le projet de loi offre la possibilité de se faire soigner avant de déclencher l’action publique ou à tout moment de la procédure. 26-La distinction entre consommateur et trafiquant est clairement établie dans la Convention unique des Nations Unies sur les stupéfiants de 1961. Cette même orientation est adoptée par la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988.
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