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Accès au logement sous la loupe
« Aucun progrès considérable », af rme la véri catrice générale du Canada
La Société d’habitation et le ministère de la Santé et des Affaires sociales du Yukon ont été sévèrement critiqués par le Bureau du vérifi cateur général du Canada pour leur gestion de l’accès au logement au territoire. Le récent rapport insiste sur les méthodes de coordination ineffi caces entre les partenaires, le manque de données complètes et le peu de mesures mises en place par le gouvernement.
Laurie Trottier
L’audit porte sur la situation du logement au territoire du 1er avril 2015 au 30 novembre 2021. Le rapport Le logement au Yukon de la véri catrice générale du Canada a été déposé à l’Assemblée législative le 25 mai dernier. Celui-ci conclut que le ministère de la Santé et des Affaires sociales du Yukon et la Société d’habitation du Yukon (SHY) n’ont pas fourni de logements adéquats et abordables aux personnes en ayant le plus besoin.
Le rapport est sans équivoque : « Nous avons constaté qu’aucun progrès considérable n’avait été réalisé pour régler les problèmes de longue date en vue de transformer les programmes et les services de logement, malgré les divers plans et initiatives établis au cours des années précédentes. »
Peu de collaboration, peu d’action
En conférence de presse à Whitehorse, le sous-vérificateur général du Canada Andrew Hayes a af rmé qu’il était plutôt rare que si peu de changements soient effectués entre le dépôt de deux rapports. En 2010, le Bureau du véri cateur général avait réalisé une étude quant à la situation du logement au Yukon et était arrivé à des conclusions semblables.
« Nous avons remarqué que le ministère [de la Santé et des Affaires sociales] et la Société d’habitation ont créé et établi des comités qui devaient fournir des éléments, des recommandations et des conseils. Ces comités se sont transformés en lieu de partage de l’information plutôt qu’en comités axés sur l’action », a expliqué Andrew Hayes le 25 mai dernier. Celui-ci a ajouté que « les personnes qui avaient les plus grands besoins en matière de logement » ont subi les conséquences du manque de collaboration entre les deux instances.
Obstacles à l’accès au logement
Le rapport met en lumière plusieurs obstacles majeurs à l’accès au logement social. Tout d’abord, le modèle d’attribution n’a pas été actualisé depuis 2007. Le système de points pour accorder prioritairement un logement n’inclut pas certains groupes vulnérables, comme les personnes LGBTQ2S+ ou aînées. « Le système de priorisation est brisé », résume Andrew Hayes.
Ensuite, la SHY ne dispose d’aucune donnée pour s’assurer que des personnes vulnérables soient en mesure de garder leur logis, nous apprend l’audit. « De 2012 à 2017, 89 % de toutes les expulsions de locataires visaient des personnes en situation d’itinérance », est-il mentionné.
Le rapport insiste enfin sur l’explosion de la liste d’attente en matière de logement social, qui a bondi de 320 %, passant de 112 à 463 personnes ou familles de 2015 à 2021. « En 2014, il fallait attendre en moyenne un peu plus d’un an pour obtenir un logis. En 2021, le délai d’attente avait atteint presque 17 mois », a souligné Andrew Hayes.
Parmi les neuf recommandations nales du rapport, le bureau indépendant a suggéré à la SHY de revoir l’évaluation du loyer pour les locataires béné ciaires de l’assistance sociale.
Laurie Trottier
« Pour réussir à transformer les programmes et services visant à loger les membres vulnérables de la population yukonnaise, la Société et le Ministère doivent travailler ensemble et avec leurs partenaires », a déclaré le sous-véri cateur général, Andrew Hayes.
Des changements « transformateurs » attendus
Le rapport déposé à l’Assemblée législative conclut en mentionnant que des changements transformateurs devaient être mis en place pour soutenir la population. « Sans responsabilités et orientations claires, sans coordination et coopération ef caces avec les partenaires du secteur du logement et sans mesures correctives immédiates, les problèmes de longue date persisteront », alerte-t-il.
La SHY et le ministère de la Santé et des Affaires sociales du Yukon ont accepté toutes les recommandations du rapport.
Réactions
Le rapport du Bureau du vérifi cateur général du Canada a suscité de fortes réactions de la part des ministres concernés du territoire, des partis de l’opposition et de l’organisme à but non lucratif Safe at Home.

« Nous devons nous améliorer, tout simplement », a résumé Ranj Pillai, ministre responsable de la Société d'habitation du Yukon (HSY), en conférence de presse après le dépôt du rapport. Il ajoute du même souffle qu’« un grand changement » a commencé à s’opérer dans les dernières années.
« Je suis ravie d’af rmer que, si nous reconnaissons l’importance de la feuille de route qui figure dans l’audit du Bureau du véri cateur général, les changements transformateurs ont débuté […] Nous avons mis les Yukonnais au centre de toutes nos décisions », a pour sa part déclaré Tracy-Anne McPhee, la ministre de la Santé et des Affaires sociales.
Ce n’est toutefois pas le constat de Kate Mechan, directrice de l'initiative Safe at Home. « Je ne sens pas qu’il y a eu des changements majeurs, mentionne-t-elle. Nous sommes très bons à plani er, à parler de plani cation et à étudier, mais nous avons besoin d’actions […] Il y a des lacunes agrantes et une crise du logement qui prend de l’ampleur. Ce sont des personnes. On parle de la vie de personnes. »
Pour elle et pour son organisme visant l’élimination et la prévention du sans-abrisme, les résultats du rapport ne sont pas du tout surprenants. Des changements transformateurs devraient inclure une déconstruction des systèmes et la reconnaissance des problèmes systémiques.
Pour re éter l’urgence de la situation, il faudrait entre autres ajuster les prestations de soutien au revenu et modi er la Loi sur les rapports entre locateurs et locateurs en matière résidentielle pour empêcher les évictions sans motif, soutient la directrice.
Réponses de l’opposition
Les deux partis territoriaux ont réagi aux conclusions du rapport. « Nous sommes déçus d'apprendre du [Bureau du véri cateur général] que ce gouvernement libéral n'a pas donné suite aux éléments identi és dans les rapports précédents, y compris le Plan d'action sur le logement 2015 - 2025. Leur inaction aggrave la crise du logement », a déclaré le Parti du Yukon par voie de communiqué.
Le rapport « confirme ce que les Yukonnais vivent depuis plus d’une décennie » af rme le Nouveau Parti démocratique du Yukon. « Le gouvernement libéral s'est souvent caché derrière des groupes de travail et des comités tout en limitant leur capacité à formuler des recommandations ou à conduire des changements. Ce rapport con rme que leur approche n'a pas fonctionné et qu'une nouvelle direction est nécessaire », a déclaré le parti par communiqué.
La Société d’habitation et le ministère de la Santé et des Affaires sociales du Yukon ont accepté les neuf recommandations du Bureau du vérificateur général du Canada.

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Maryne Dumaine
Le monde dans lequel nous vivons nous demande de plus en plus d’être exible. Horaires exibles, salles de classe exibles, compétences exibles la liste est longue.
Pourtant, cette exibilité estelle toujours un signe de progrès?
La pandémie nous a encouragés à développer de nouveaux systèmes de communications, plus élastiques. S’ils ont eu l’avantage de nous garder connectés, ils ont aussi légitimé l’intégration de nos espaces professionnels au sein de nos foyers. Nous avons dû faire preuve d’indulgence et revoir nos standards.
Pourtant, si s’adapter était alors une obligation, maintenant que la crise se résorbe, notre société et son rythme continuent de placer les attentes à un niveau toujours plus élevé. Parce que le présentiel redevient possible, est-il essentiel de se déplacer pour chaque occasion? Si les restaurants ont pu rouvrir à pleine capacité, sont-ils en droit de fermer une n de semaine sans créer de frustration? Si les compagnies aériennes ont rouvert leurs vols, est-il pour autant nécessaire de se déplacer à l’autre bout du pays pour une réunion d’une demi-journée?
« Chassez le naturel, il revient au galop », dit-on.
Et si on se posait une question clé : La Terre, elle, est-elle exible?
Dans quelques jours (le 5 juin), ce sera la Journée mondiale de l’environnement. Selon le site worldenvironmentday.global/fr, nous utilisons actuellement l’équivalent de 1,6 Terre pour maintenir notre mode de vie actuel. Les écosystèmes ne peuvent pas répondre à nos demandes. La triple menace des changements climatiques, de la perte de la biodiversité et de la pollution inquiète de plus en plus.
Le site af rme notamment que la dégradation des écosystèmes affecte la santé de près de 3,2 milliards de personnes, soit 40 % de la population mondiale, et que la pollution atmosphérique entraîne près de sept millions de décès prématurés chaque année, soit un décès sur neuf.
Malgré cela, à peine la crise pandémique passée, on recommence à vouloir retourner au « comme avant ». On se congratule d’avoir été souples pendant deux ans, tout en se réjouissant de pouvoir visiter de nouveau trois pays en deux semaines. On retombe, collectivement, dans la logique du « toujours plus, toujours plus vite ».
Depuis des décennies, le monde s’est adapté aux envies et aux besoins grandissants des humains, de l’économie et de la société de consommation. Le plastique, matière ô combien exible, est venu à la rescousse de nos emplois du temps surbookés. Pas le temps de se faire à dîner? Allez hop! une salade prélavée et emballée. Croûtons sous plastique et dose de sauce individuelle inclus!
« En 2018, on a estimé que le coût économique total de la pollution plastique des océans sur le tourisme, la pêche et l’aquaculture à travers le monde s’est élevé à entre 6 et 19 milliards de dollars US », indique le site Web de la Journée mondiale de l’environnement. Comme quoi, certains progrès ne sont qu’apparents. La note à payer est bien plus élevée que cette salade à 8 $ suremballée!
Désormais, puisque nous sommes devenus de plus en plus élastiques, il semblerait normal de ne jamais arrêter, d’étirer encore, de ne jamais faillir, de ne jamais fermer boutique et de manger sur le pouce.
Qu’il est beau, le signe « Fermé, car nous sommes au Festival de la bière », en pleine n de semaine, sur une fenêtre de restaurant! Que j’aime le mode « indisponible » sur les applications de communication pour le télétravail!
Oui, nous sommes de plus en plus exibles, alors utilisons cette nouvelle force pour accepter de donner aux autres un peu de lousse. Peut-on désormais accepter que certaines personnes fassent le choix de la décroissance, d’économiser leurs déplacements ou, tout simplement, de se prioriser? Si nous avons demandé à tous nos commerces de s’adapter à des règles sanitaires, à notre personnel enseignant de faire classe régulière même si la moitié des élèves était malade, à notre personnel de dévoiler leurs piles de vaisselle sale, ne peut-on pas, désormais, s’adapter à un monde nouveau : celui où la planète et sa protection seraient l’affaire de toutes et tous?
Un monde où on se questionnerait sur « Est-ce un réel besoin? », au lieu de simplement penser à revenir à nos anciennes habitudes.