Annette Messeguer les a aidées à introduire de l’ironie dans leur propre identité et dans les déclarations extérieures. Shirin Neshat a mené un exercice dans l’intimité, une découverte de soi et une réconciliation avec leur propre peau et l’espace d’existence. Lygia Clark les a encouragées à réaliser des objets sensoriels qui les ont mis en contact avec l’autre. Enfin, Kim Sooja les a aidées à réfléchir sur ce qu’elles avaient besoin de mettre dans leur valise symbolique.
Evaluations Le lieu de l’atelier et sa longue durée ont amené un espace symbolique où l’anxiété de la vie quotidienne était laissée de côté, derrière les murs de l’atelier. La peur de la page blanche, de ne pas savoir, a peu à peu perdu de son importance devant le regard accompagnateur des art-thérapeutes, un regard qui ne jugeait pas, mais aidait et encourageait à poursuivre, et qui donnait aussi la possibilité de ne pas faire. Cela, combiné avec une écoute active, a permis la manifestation des peurs, des sentiments latents et des désirs dans un climat de confiance et de sérénité, un espace inhabituel pour ceux qui, vivant dans un nouveau pays, font face aux nouveautés et difficultés continuelles. La variété de techniques utilisées a aidé les participantes à faire face à la création à partir de perspectives qui ne forçaient pas leurs capacités artistiques. Ecrire sur le corps, prendre des photographies, utiliser le corps dans l’espace, coudre, etc. a permis une approche de l’art à partir de points de vue sécurisants, à partir de leurs « propres » places. Pas à pas, les participantes sont devenues conscientes de leur potentiel. L’une des femmes a confié fièrement, après avoir regardé son travail, qu’elle « n’avait jamais pensé avant être capable de créer » ; elle se voyait elle-même comme une personnequi ne pouvait que répéter ou aider à la création des « autres ». Le travail avec les valises et la maison a ouvert la voie pour travailler sur la perte (la maison perdue, les objets abandonnés) et a permis de retrouver le concept de valeur, avec l’objet qui est encore à faire et qui relie le passé et le présent. Un lien avec le passé qu’elles ne peuvent pas ou qu’elles ne veulent pas retrouver parce qu’elles ont aussi changé, tout comme le chemin de vie lui-même. A travers l’atelier, les participantes ont pu se réapproprier la géographie qui avait été perdu lorsqu’elles sont venues habiter dans le nouvel endroit. Elles sont peu à peu revenues à des termes avec leur présent et leurs attentes futures. Elles ont appris à reconnaître les limites de leurs attentes concernant le pays d’accueil, admettant la déception de certains de leurs désirs, de leurs espoirs parfois disproportionnés qui venaient de leurs propres manques compensés par l’imagination de nouveaux horizons. Le réseau de soutien et de confiance en soi a été construit imperceptiblement, avec l’aide et l’amour d’une génoise amenée par l’une des participantes, d’un blog créée par une autre et d’une amitié qui a grandi entre elles et qui prédomine encore aujourd’hui. 103