Arcotedazur N°12

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GIACOMETTI

à la fondation maeght

SUPPLÉMENT CULTUREL DES PETITES AFFICHES DES ALPES MARITIMES

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licence d’entrepreneur de spectacles 1-1015185 / 2-1015183 / 3-1015184 - conceptionvisuelle Philippe Hurst / photos Getty Images - Fotolia

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BeeeeeP, sortez l’Huile. An 2010, l’était pas un peu meurtrier ?

Art Côte d’Azur Supplément culturel des Petites Affiches des Alpes Maritimes Numéro 3508 du Du 11 au 17 Juin 2010 Bimestriel ISSN 1962- 3569 Place du Palais 17 rue Alexandre Mari 06300 NICE Ont collaboré à ce supplément culturel : Rédacteurs Alain Amiel Rodolphe Cosimi Olivier Marro Faustine Sappa

On nous faisait croire aux bienfaits énergétiques en totale sécurité de cette huile désormais destructrice, la terre saigne de la ganacherie humaine.

sur Mer, Maubert, Taburchi, Lorenzoni, Tiboise pour une découverte de la nouvelle vague d’artistes locaux.

Exposez-vous, côte épile.

Retournez-vous, côte et face.

Sur nos rivages bien heureusement nous nous abreuverons de lumières solaire et artistique, foisonnement de créations et d’expositions qui participeront à l’élévation énergétique de nos émotions. Tout d’abord à la Fondation Maeght à St Paul de Vence, magnifique exposition Giacometti, seulement quelques kilomètres vous sépareront dès lors du Musée Rétif à Vence, fêtant dignement les 50 ans de l’École de Nice sous la direction magistrale d’Alexandre de la Salle, avec la complicité active et dynamique de France Delville.

Un été qui se veut donc haut en couleurs, en créativité, et en hommages, mais n’oublions pas les nombreux festivals de musique qui dès le 21 juin nous ferons vibrer et danser sur des rythmes endiablés.

Nous évoquerons également, Bruno Mendonça à Contes, Paola Cantalupo à Cannes, Michel Butor et Henri Maccheroni à Nice, ville qui célèbre les 150 ans de son rattachement avec notamment une œuvre de Bernar Venet ; Botero et de nombreux sculpteurs de renom à St Tropez/Gassin, Guy Champailler à Cagnes

Maintenant, jetez-vous à l’eau. Tout cela exprimant oh combien notre région reste encore aujourd’hui « LA » principale destination artistique mondiale. Alors soyons audacieux, soutenons nos artistes et tous ceux qui font vivre l’Art et la Culture, maintenons sans tarir le plus bel écrin de leur expression. Désormais vous pouvez rentrer l’huile, ou sur le papier vous ne serez plus durable. François-Xavier Ciais

Direction Artistique François- Xavier Ciais Création Graphique Maïa Beyrouti Caroline Germain Henri Bouteiller Photographe Hugues Lagarde Photo de Couverture “L’Homme qui marche” Alberto Giacometti Collection de la Fondation Maeght - © H.Lagarde Contacter la Rédaction : Valérie Noriega Tél : 04 93 80 72 72 Fax : 04 93 80 73 00 valerie@artcotedazur.fr www.artcotedazur.fr Publicité : Anne Agulles Tél : 04 93 80 72 72 anne@petitesaffiches.fr Abonnement : Téléchargez le bulletin d'abonnement sur : www.artcotedazur.fr ou contactez-nous par tél : 04 93 80 72 72 Art Côte d’Azur est imprimé par les Ets Ciais Imprimeurs/ Créateurs « ImprimeurVert », sur un papier répondant aux normes FSC, PEFC et 100% recyclé. La rédaction décline toute responsabilité quant aux opinions formulées dans les articles, cellesci n’engagent que leur auteur. Tous droits de reproduction et de traductions réservés pour tous supports et tous pays.

Un Été de goudron Beyond Petroleum Des hommes meurent Une plateforme Explose l’horizon Répand la peur Et son poison In the deep water Son of a bitch La cie british

Triche Les nouveaux barbares Comptent leurs milliards De dollars Malgré la tache là-bas Dans le delta Les lâches Assassinent Sans relâche À coup de benzine

Les plages de Venice Les rives du Mississipi Pour le culte du Benefice À tout prix Un été Bien mal Parti Pour tous les gens Qui ne sont pas des bandits En col blanc. Arnaud Duterque


En Ville 6

Saint Paul De Vence

Fondation Maeght Expo événement Giacometti & Maeght

8 Vence 10 Mougins 12 Roquebrune 14 Cagnes Sur Mer 16 Contes

Musée Rétif

Galerie Sintitulo

Maison Eileen Grey

Installation De Guy Champaillet

Bruno Mendonça Exposition à la Médiathèque

18 Cannes

© Archives Fondation Maeght

© Aurore Valade

©H Lagarde

Paola Cantalupo École Rosella hightower

20 Nice

Henri Maccheroni et Michel Butor

© Courtesy P. Cantaloupo


La Vie des Arts 24 événement 26 Figure De L’art 30 Dessin 32 Artiste 34 Artiste 36 Hors Les Murs – Var 40 Artiste 42 Litterature 45 Bilan 2010 150 Ans Du Rattachement de Nice

© H Lagarde

Bernar Venet

Jérémy Taburchi

Christophe Lorenzoni

© H Lagarde

Christophe Tiboise

Parc Des Sculptures

Maurice Maubert

© H Lagarde

Van Gogh revisité par Alain Amiel

Le Centre Universitaire Méditerranéen

© J. Taburchi


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Saint paul de vence

F on d at i on M a e g h t

« L’homme qui marche » sort de la cour ! Propos recueillis par Olivier Marro

Pour sa réouverture après 5 mois de travaux la Fondation Maeght invite dès le 27 juin, Alberto Giacometti. Une exposition estivale très attendue, dans ce lieu qui dès son inauguration il y a près d’un demi siècle accueillait déjà le sculpteur et son premier « homme qui marche »… A. Giacometti : Portrait de Jean Genet, 1955 Collection Centre Pompidou © Archives Fondation Maeght

A

près celle dédiée à Miro l’an dernier cette exposition estivale semble poursuivre un cycle visant à montrer au grand public, un peu comme on feuillette un album de famille quelques uns des illustres artistes de la collection Maeght qui tissèrent dès l’origine des liens étroits avec Aimé Maeght et sa famille. Ainsi sa petit fille Isabelle Maeght (qui veille aujourd’hui avec sa sœur Yoyo sur la Fondation et les entités Maeght) a tenu à dévoiler les talents multiples de Giacometti (1901-1966) au travers de 170 pièces dont une soixantaine de bronzes qui retracent le parcours entre l’artiste et son grand-père Aimé, mais aussi Adrien Maeght qui rencontra Giacometti dès 1947 alors qu’il n’avait que 17 ans. Point d’orgue de cette complicité : Alberto Giacometti se verra confier son propre espace à la Fondation Maeght, inaugurée le 28 juillet 1964 : une cour qui prit le nom de Cour Giacometti. Les années suivantes, l’artiste poursuivra ses recherches sur la gravure dans les ateliers d’Adrien avant de disparaître en 1966. Isabelle Maeght, Commissaire de l’exposition nous parle de ses choix pour faire revivre dans son berceau cette longue amitié qui ouvrit une grande page de l’histoire de l’art moderne. Comment Aimé Maeght rencontra-t-il Alberto Giacometti ? Isabelle Maeght : Par l’intermédiaire de André Breton en 1946 car Giacometti fit

A. Giacometti au vernissage de son exposition à la Galerie Maeght en 1959 © Archives Fondation Maeght

Annette, A. Giacometti et Aimé Maeght Galerie Maeght © Archives Fondation Maeght

parti un temps des surréalistes. Aimé qui venait alors d’ouvrir sa galerie à Paris lui proposa de participer à l’Exposition Internationale du Surréalisme qu’il organisa en 1947. Et même si le mouvement surréaliste était déjà loin de ses préoccupations artistiques, Giacometti accepta. Puis Aimé devint son marchand et complice et l’invita à plusieurs expositions personnelles à Paris dont la première en 1951. D’autres suivirent en 1954, 1957 et 1961. Des liens qui ont conduit l’artiste à participer plus tard à la création de la Fondation à Vence

Giacometti s’est investi totalement dans le projet architectural de la Fondation. Nous avons des photos de lui sur le chantier. Les œuvres présentes dans la cour centrale furent choisies avec lui. Giacometti a même fait refaire quelquesunes de ses œuvres comme le cube qui datait des années 30 pour qu’elles s’y intègrent parfaitement. À l’époque Giacometti était également « suivi » par Pierre Matisse C’est vrai mais il n’y eut jamais de concurrence entre Pierre Matisse et Aimé Maeght. Ils s’étaient répartis les taches. Pierre qui avait une galerie à New York


Cette exposition est-elle la première consacrée à Giacometti à Vence? Non, nous en avions déjà organisé une en 1978, mais elle n’abordait pas les relations entre Aimé Maeght et l’artiste. L’objectif cette fois est de montrer au travers d’œuvres emblématiques et d’autres plus rares mais aussi de documents, lettres, photos, films, la belle aventure qui unit ces deux hommes qui partageaient la même vision de l’art. L’occasion de découvrir quelques perles rares ? Bon nombre de collectionneurs ayant accepté de nous confier des pièces dont ils ne se séparent pas habituellement, il y aura en effet beaucoup d’œuvres rarement exposées comme sa première sculpture, la tête de son frère Diego, la table surréaliste ou des plâtres qui appartiennent à la famille Maeght dont un, « la Femme debout avec Bouquet de fleurs » qui fut offert par Giacometti à mon père pour son anniversaire. C’est aussi la première fois que nous pouvons réunir les portraits de notre grand-père et de notre grand-mère. Quelle est la part de l’emprunt extérieur ? Environ la moitié provient de notre propre fond, l’autre partie étant prêtée par de

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grands musées nationaux et internationaux ou par des collections privées. En tant que commissaire d’exposition quels ont été vos choix ? J’ai voulu montrer toute l’étendue du travail de Giacometti, ses peintures, dessins et gravures et privilégier la période de l’après-guerre. Nous avons tenu à réunir « les places » ces groupes de sculptures comme « les neuf femmes de Venise ». Et si nous avons choisi de présenter l’œuvre sculptée à l’intérieur c’est pour offrir au public une autre lecture de ce travail. C’est aussi une façon de créer un dialogue entre sculptures et travaux moins connus. C’est ce regard plus intimiste et interactif entre les œuvres et la famille Maeght qui fait toute l’originalité de cette rétrospective. Cet hommage arrive au moment où la cote de l’artiste atteint des sommets. Près de 75 millions d’euros, c’est le prix auquel fut vendu en début d’année chez Sotheby’s un « Homme qui marche ». Nous n’avons pas attendu cette vente publique record pour décider d’exposer Giacometti, Le projet remonte à plus de trois ans. « L’Homme qui marche » sera d’ailleurs à l‘honneur, pouvez-vous nous en dire

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L’Homme qui marche, 1960 © Archives Fondation Maeght - C. Germain

s’occupait de Giacometti aux USA et Aimé de l’artiste sur le front Européen.

Isabelle Maeght © H. Lagarde

A. Giacometti : Portrait de Marguerite Maeght, 1961 Galerie Maeght © Archives Fondation Maeght

sa i n t p a u l d e v e n c e

plus sur sa naissance ? Giacometti avait réalisé durant le printemps 1960 trois maquettes pour une commande de la Chase Manhattan Bank à New York. Un homme qui marche, une femme debout et une tête sur un socle. Le projet n’ayant pas été retenu, mon père a eu l’idée de les faire fondre et elles sont devenues cette œuvre de 1,80 mètre qu’Aimé décida d’installer en bonne place dans la cour dédié à Giacometti à la Fondation. Combien d’exemplaires existe t-il de cette sculpture ? « L’Homme qui marche » existe en deux versions tirées chacune en 6 exemplaires numérotés. Mais La Fondation Maeght est la seule à posséder les deux versions de « L'Homme qui marche » peinte par l’artiste sur le bronze. OM Giacometti & Maeght 1946 – 1966 Fondation Maeght Saint Paul de Vence 27 juin > 31 octobre 2010


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Le Volcan - Claude Gilli © Courtesy - Musée Rétif

Musée Rétif

Pas de vacances pour l’École de Nice !

Une vue de l’accrochage de l’exposition © H. Lagarde

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la sortie de Vence un bâtiment ultramoderne aux lignes claires se profile sur la route de Grasse. Le musée Rétif a pris ses aises autour de ses pelouses et d’un vaste parking. Bienvenue dans le plus jeune des musées azuréens ! Mireille et Philippe Rétif propriétaires du lieu nous ouvrent les portes. « Ce terrain sur lequel le Musée a été bâti fut acheté dans les années 80 par mes parents André et Arlette ». Un couple de sarthois qui fut un temps vençois et qui créa dans les années 60 l’enseigne Rétif (une cinquantaine de grandes surfaces en France). Alors que ces bâtisseurs en retraite tombent sous le charme de l’œuvre de Robert Barriot, le fils de l‘artiste leur confie son désir de créer un lieu où exposer les émaux polychromes de son père. Arlette et André proposent aussitôt de mettre à disposition leur terrain et d’y bâtir un musée à leur frais. Mais alors que le chantier est entamé, les héritiers Barriot se désistent faute d’avoir pu obtenir les subventions qu’ils escomptaient.

Du Musée à la Galerie Depuis l’inauguration du Musée en Juillet 2009, Philippe et Mireille Rétif ont donc décidé de faire vivre sous le signe de l’art contemporain ce magnifique espace comprenant une salle d’exposition de 900 m2 aux murs bleu nuit ainsi que deux auditoriums. Une salle modulable, qui complètement ouverte ressemble à un grand cinéma où toiles, photos, et sculptures sont désormais mises en valeur grâce à un éclairage approprié. « On s’est don-

©H Lagarde

Ce n’est pas tous les jours qu’un musée ouvre ses portes sur la Côte d’Azur. Et voilà qu’un beau jour d’été 2009 le miracle a lieu à Vence. Un an après, c’est « l’École de Nice » qui s’invite au Musée Rétif sous le commissariat d’Alexandre de la Salle.

né deux à trois ans pour relever le défi » explique Philippe lui aussi chef d’entreprise à la tête d’un important négoce de vins. « La première exposition a été faite dans l’urgence mais grâce à des amis et créateurs qui croient en notre projet, nous avons pu offrir au public l’œuvre de Barriot, de Carzou ainsi que de très belles pièces de Sosno, Nall, Marcestel et du maître verrier Novaro. Nous avons depuis engagé une médiatrice pour accueillir tous les publics y compris les scolaires, mais avant d’engager un directeur artistique nous avons préféré confier cet espace à des commissaires d’expositions ». C’est ainsi que sous l’égide de Claude Guibert (journaliste, cinéaste et créateur de l’association DOCUMENTART) le Musée Rétif ouvrait un second volet du 2 Mars au 30 Mai avec « La Mémoire du geste ». Une scénographie instaurant un dialogue entre trois peintres de la Figuration Narrative et Étienne Jules Marey, pionnier de la photographie et du cinématographe. Jamais deux sans trois ! Cet été le Musée souffle sa première bougie en même temps que les cinquante ans de l’École de Nice. Un anniversaire au sommet…

Vence, le retour ! Depuis le 8 Juin, le Musée Rétif déploie en effet son espace pour fêter le cinquantenaire de l’École de Nice autour d’une exposition d’envergure. 1960 c’est la date où tout commence : le 16 octobre, le critique Pierre Restany publie le Manifeste du Nouveau Réalisme, où se distinguent Arman, Klein et Raysse. Cette année là, Alexandre de la Salle ouvre


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Différentes vues de l’exposition © H. Lagarde

sa galerie Place Godeau à Vence. Il y accueillera sept ans plus tard fort de son amitié avec Robert Malaval ce groupe protéiforme, autour d’une grande première qui fera date, l’exposition étant baptisée « École de Nice ? ». C’est donc à un retour aux sources que nous convie en 2010 le Musée Rétif en confiant cette rétrospective à Alexandre de la Salle qui voit dans ce commissariat l’opportunité d’une revisitation en forme de conclusion : « L’occasion m’est donnée par Mireille et Philippe Rétif, de revenir, en amitié et en exigence, sur ce qui s’est passé ici, entre Col de Vence et Baie des Anges, pour offrir l’après-coup de cette aventure en pâture aussi bien aux néophytes qu’aux initiés. Que chacun puisse s’en délecter pour dire, avec ces précurseurs « la vie est plus belle que tout ! ».

Un chapitre qui se referme, un autre qui s’ouvre ? Voici donc revenir à Vence pour un remake attendu trente artistes * (dont 24 sont vivants) qui forment la richesse de cette école de « l’indiscipline ». Un déploiement foisonnant de talents dont Frédéric Altmann sera l’autre figure médiante, car il fut non seulement le photographe témoin du mouvement, son acteur mais aussi son zélé promoteur via de nombreuses expositions, colloques et publications. C’est d’ailleurs lui qui mettra en contact Alexandre de la Salle et Philippe Rétif. « Nous avons eu de la chance de travailler avec Alexandre et son épouse France, chargée de réaliser le catalogue de l’exposition. Sur les 130 œuvres montrées et issues de collections privées près de la moitié viennent de leur fond personnel ». À l’extérieur deux

sculptures accueilleront les visiteurs : une silhouette de Sosno et un homme de pierre de 4 mètres prêté par Max cartier. À l’entrée de la salle sera installé « Le Volcan », réalisé pour l’occasion par Claude Gilli, acheté par le Musée et dont 200 reproductions sur vélin d’arche numérotées et signées seront commercialisées. « De nombreux documents et films comme celui signé par Pierre Marchou (Maire de Vence entre 2001 et 2008) sur l’École de Nice seront diffusés. Quand à Pierre Pinoncelli il clôturera par une de ses performances sulfureuses » commente Philippe qui, fort de ce baroud d’honneur niçois qui durera 6 mois compte mettre sur la bonne voie un jeune Musée en quête d’identité : « Nous espérons profiter de la venue des 150 000 visiteurs annoncés pour la réouverture de la Fondation Maeght avec l’hommage à Alberto Giacometti, ainsi que de l’exposition vençoise dédiée à la collection Yvon Lambert au Château de Villeneuve. Ces événements devraient nous permettre de passer à 15 000 / 20 000 entrées en 2011 ». Tous les espoirs sont donc permis pour Philippe et Mireille Rétif d’autant que l’École de Nice n’en finit pas de faire parler d’elle depuis la vente aux enchères organisée à Nice et à Paris et la rétrospective sur Ben qui se poursuit jusqu’au 11 juillet à Lyon. OM * Marcel Alocco, Arman, Ben, César, Albert Chubac, Noël Dolla, Robert Erébo, Jean-Claude Farhi, Claude Gilli, Yves Klein, Robert Malaval, Martial Raysse, Bernar Venet, André Verdet, Louis Chacallis, Max Charvolen, Serge Maccaferri, Martin Miguel, Vivien Isnard, Pierre Pinoncelli, Serge III, Sosno, Max Cartier, Jean Mas, Bruno Mendonça, Nivèse, Guy Rottier, Edmond Vernassa, Bernard Taride, Frédéric Altmann.

Bienvenue dans le plus jeune des musées azuréens ! Mireille et Philippe Rétif propriétaires du lieu nous ouvrent les portes.


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Thomas Tronel Gauthier, Les Os à moelle roudoudoux, 2007, Os poli, bonbon gélatineux aromatisé à la fraise, verre blanc, 28 x 28 cm ©H Lagarde

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La Galerie Sintitulo fait partie de ces lieux qui investissent en faveur de la jeune création et de l’art contemporain. Une mission qui doit prendre en compte tous les publics selon Christina, Claire et Ophélie.

Sintitulo L’art en partage

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n ne s’attend pas forcément à trouver ce type de galerie d’art à Mougins. Il faut dire que plus l’on approche des lieux à fort potentiel touristique, plus on y trouve des propositions à but éminemment lucratif. Ce n’est pas l’option choisie par Christina et son époux José Louis Albertini lorsqu’ils ©H Lagarde 3 ouvrent leur « white cube » au cœur du vieux village à deux pas du Musée de la photographie André Villers. Car Sintitulo c’est d’abord la volonté d’un homme à l’écoute des créateurs depuis 40 ans explique Christina « c’est le troisième projet initié par José, architecte et collectionneur qui a toujours souhaité faire partager ses découvertes et soutenir ceux dont il apprécie le talent. Après une expérience à New York (GBG Gallery, 1980-1988) il ouvrit à Nice la Galerie Sintitulo de 1992 à 1998. Là où se trouve actuellement la Galerie Depardieu. Pour ma part je suis arrivée en 2003 au moment où l’enseigne déménageait sur Mougins. Mon travail consista d’abord à visiter les ateliers d’artistes susceptibles de nous intéresser. Depuis cette année je m’occupe à plein temps de la galerie avec Claire et Ophélie ».

Trois femmes à la barre… …Cela n’est pas de trop pour gérer cette galerie qui ne se veut pas qu’une vitrine mais travaille sur plusieurs axes afin de sensibiliser le plus grand nombre, car pour Christina chargée de la

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coordination « La culture est aussi un formidable outil de développement social ». Depuis 2010 elle est épaulée par Claire Migraine qui, fort d’un cursus en Histoire de l’art, Métiers des arts, de la culture et Métiers de l’exposition et de ses expériences en France et à l’étranger, est responsable des expositions et de la presse. « Claire s’attache notamment à développer une programmation attentive à la jeune création méditerranéenne ». Quant à Ophélie Greco (Master de médiation et Ingénierie culturelle) elle s’occupe depuis 2009 des nombreuses offres de médiation que la galerie propose : « On développe cette activité depuis trois ans, ce qui nous a permis d’accueillir ici des publics très variés et des ateliers pour les scolaires qui reviennent avec leurs parents ». Et si la galerie fonctionne à haut régime, l’été c’est sans se départir de cette exigence : « Nous avons une forte proportion d’étrangers de passage très sensibles également à cette démarche qui nous permet de faire passer de l’émotion là où d’autres se réfugient

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1. Gilles Miquelis - 2008, Sans titre - 195x40 cm 2. Mathieu Harel Vivier - 2009, Errance - Tirage numérique - 70x90 cm 3. Christina Albertini 4. Ophélie Greco 5. Charlotte Pringuey - Dessin 2 6. Gilles Miquelis - 2008, Sans titre - 200x150 cm 7. Julien Bouillon pour l’exposition Jaune - 2010 8. Œuvre de Vasseux 9. Shigeru Kuriyama - 26 03 2009, Crayon papier - 55x75 cm 10. Aurore Valade, Agave Alain Americana Communis © Courtesy Galerie Sintitulo

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derrière l’aspect purement technique des créations » et Ophélie de rajouter : « Nous œuvrons pour que ceux qui poussent notre porte puissent en repartir plus riches même si ce n’est pas toujours avec une œuvre ».

Apprendre à vivre l’art contemporain Et quand certains hésitent pourquoi ne pas leur offrir la possibilité « « d’essayer l’œuvre » ? Christina et José n’ont pas hésité à développer cette alternative. « Certaines personnes ne voient pas toujours les œuvres sous le bon angle en galerie. Ainsi il n’est pas rare que ceux qui repartent avec une œuvre présentée finissent par l’acquérir. Ce n’est qu’après avoir vécu avec une toile que l’on apprend à la regarder, à l’apprécier ». Fort de sa double casquette d’architecte et collectionneur José intervient parfois en proposant ses conseils et des prêts aux nouveaux résidents désireux d’acquérir une œuvre d’art. « Dans tout ce que nous faisons nous essayons de créer une approche différente avec l’œuvre, cela fait aussi partie du travail de galeriste ».

Un été chaud avec les nus de Miquelis Quant aux créateurs présentés (une trentaine), le panel d’expression est large. Seul critère : Privilégier les jeunes artistes régionaux y compris ceux d’origines étrangères comme le japonais Shigeru Kuriyama qui vient d’exposer ses monochromes au crayon. « Nous croyons beaucoup également à Yoann Pisterman d’origine argentine qui vit et travaille entre Nice et Berlin ». Et pour ceux qui n’ont pas d’attaches en région, un appartement au-dessus de la galerie sert de résidence d’artiste. Ainsi du 18 au 27 juin la galerie accueille le jeune photographe rennais Mathieu Harel-Vivier. Des

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cultures différentes s’invitent ainsi à Sintitulo dont le catalogue riche d’artistes aux disciplines diverses reste à dominante locale. « Nous défendons depuis peu Charlotte Pringuey issue de la Villa Arson. Nous montrerons ses dessins en fin d’année. Nous allons également la présenter au « Lavoir » car la ville de Mougins a souhaité collaborer avec nous ». Ce n’est d’ailleurs pas la seule implication de la galerie avec la ville. Chaque année pour le Festival « Les étoiles de Mougins » Sintitulo accueille un plasticien revisitant la notion de comestible. Thomas Tronel-Gauthier y dévoilera en septembre de surprenantes sculptures alimentaires telles « Les Os à moelle roudoudoux » (Os poli, bonbon gélatineux aromatisé à la fraise et verre blanc). Mais avant cela, l’été 2010 s’annonce très chaud sur ces hauteurs cannoises. Et ce ne sont pas les nus de l’artiste niçois Gilles Miquelis qui feront baisser le thermomètre en Juillet : « Nous avons découvert Gilles chez Nobert Pastor. Quand la galerie a fermé nous avons souhaité lui offrir notre espace pour qu’il puisse poursuivre ce travail pictural aussi insolite que fascinant ». Un exercice de style proche de la figuration narrative qui met en jeu les codes de l’impudeur, du voyeurisme entre réalité et pastiche, classicisme et trash, tendresse et ironie vacharde. Aurore Valade (Marseille) photographe lauréate du prix HSBC connue elle pour son talent à mêler le baroque au quotidien prendra le relais en août avec une série inédite sur les cactus. Si elle se veut « sans titre » (Sintitulo en latin) la galerie mouginoise n’est pas sans ambitions. Elle a d’ailleurs rejoint le réseau Botox et relaye comme la Galerie Catherine Issert (Saint Paul) dans le moyen pays l’effort d’ouverture porté par ce collectif de galeristes niçois. OM

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Roq u e b r u n e - Ca p - Ma r t i n

Vill a Eileen Gray

E 1027 « Mon paquebot immobile » Première œuvre architecturale de la designer irlandaise Eileen Gray, la villa E 1027 est la propriété de la Mairie de Roquebrune-Cap-Martin et du Conservatoire du Littoral. Classée au titre des Monuments historiques en mars 2000, elle fait l’objet d’une restauration à l’identique et devrait ouvrir ses portes au public dans le courant de l’année 2011. Le Cabanon et les unités de camping En 1952, Le Corbusier accole un cabanon à la guinguette L’Etoile de mer appartenant à son ami Thomas Rebutato, située à quelques pas de la villa E 1027. D’une superficie de 16 m2, il est construit en rondins de bois et matériaux industriels. Il comporte un lit, une table, quelques rangements, un lavabo et un WC. Malgré ses dimensions modestes, il présente un plan très élaboré et témoigne des recherches de l’architecte sur la production standardisée. Autres fruits d’une recherche d’économie dans la construction : les unités de camping. Au nombre de cinq, elles ne se distinguent que par la couleur de leur porte. Prévu pour deux, l’espace intérieur, de 8,27 m2, est divisé par une colonne sanitaire. L’aménagement est sommaire.

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résentée comme un « programme d’habitation destiné à l’homme moderne », selon Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des Monuments historiques et maître d’œuvre du projet de restauration, la villa E 1027 est une maison de villégiature typique des années 1920-1930. Conçue par la décoratrice et architecte irlandaise Eileen Gray (1878-1976) pour son ami Jean Badovici (1893-1956) qui cherchait un site où s’installer entre Menton et Saint-Tropez pour les vacances, elle est bâtie sur un terrain en forte pente, face à la mer, dans l’anse que dessinent la plage du Buze et le Cap. Un site inaccessible en voiture, avec un cheminement particulier entre des escaliers pour y parvenir… Bref, une maison qui se mérite. Première œuvre architecturale de cette artiste, la villa va demander quatre ans de construction, entre 1926 et 1929. Son appellation mystérieuse est en fait un nom à clé surréaliste : E pour Eileen, 10 pour le J (dixième lettre de l’alphabet) de Jean, 2 pour Badovici et 7 pour Gray. Fidèle aux théories de Le Corbusier, elle respecte les cinq points de l’Architecture Moderne : pilotis, toit-terrasse, fenêtre en longueur, plan libre et façade libre. Elle compose à merveille avec le site en terrasse. D’une surface de 160 m2, elle comporte un étage de soubassement et un rez-de-chaussée surélevé. Mais elle fait également la part belle au confort intérieur et au bien-être des habitants. L’aménagement inté-

rieur et le mobilier sont réalisés dans des matériaux modernes (celluloïd, câble acier et tendeurs, fibrociment, aluminium et tôle ondulée ripolinée), selon les dessins d’Eileen Gray. L’architecte invente et réinvente sans cesse, réinterprète tout, géométrise, en tendant vers une abstraction formelle. Toutefois, elle n’oublie pas l’aspect fonctionnel des objets. Chaque détail de la maison exprime le désir intense de concilier les principes esthétiques et les besoins vitaux de l’homme. Malheureusement, ce mobilier a été en grande partie dispersé. La restauration comportera donc des copies à l’identique. Comme d’autres architectes de son époque, Eileen Gray effectuait des recherches sur l’habitat minimal. Et si E 1027 comporte de faibles dimensions, elle n’en offre pas moins une multitudes d’espaces et une grande indépendance entre chaque pièce, permettant de pratiquer plusieurs activités en même temps.

Les fresques de la discorde L’inspiration navale est présente partout, que ce soit avec la fantasque pergola de la terrasse, bâchée comme un ponton, avec les échelles d’accès dessinées comme des passerelles, avec la grande carte marine accrochée au mur ou plus encore avec les tapis aux motifs géométriques maritimes. Le tout donnant à l’édifice une impression de mouvement. Le Corbusier, ami de Jean Bodovici, vient souvent séjourner à la villa, ainsi que d’autres artistes de l’époque. Eileen Gray s’éloigne peu à peu de cette agitation et part construire, en 1932, un autre chef d’œuvre architectural, non loin de là, à Castellar, qu’elle appellera « Tempe e Pailla ». En 1938, Le Corbusier décide de peindre huit fresques sur les murs intérieurs et extérieurs de la villa E 1027. Eileen Gray, qui n’a pas été mise au courant, en veut au célèbre architecte pour ce qu’elle considère comme une intrusion dans sa maison. C’est suite à cette


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© Toutes photos H Lagarde

brouille que Le Corbusier ira construire son Cabanon, à côté de la guinguette L’Étoile de mer, et les cinq unités de camping. Seules cinq fresques sont encore visibles aujourd’hui, malgré les restaurations qui ont déjà été effectuées. En août 1949, Le Corbusier se trouve à Roquebrune-Cap-Martin pour travailler au « plan Bogota ». À cette occasion, il entreprend la première restauration de ses peintures. Une deuxième restauration semble avoir été effectuée par Le Corbusier pour Madame Schelbert, l’une de ses mécènes qui devient propriétaire de la villa en 1960, après le décès de Jean Badovici. Cependant, la date de 1962 est reportée par l’architecte uniquement sur la peinture du coin salle à manger. Les problèmes d’infiltration, existant depuis l’origine, pourraient expliquer que cette peinture ait fait l’objet de deux restaurations.

Répétition de thèmes Madame Schelbert fait réaliser la dernière campagne de restauration, entre 1977 et 1978. Toutefois, on reprochera à cette opération des reprises trop importantes sur l’œuvre originale, certaines allant jusqu’à masquer les originaux derrière les contremurs, comme les peintures au trait de la terrasse sous les pilotis, sur lesquelles a été rapportée une copie. Ces peintures n’ont pas été conçues pour cette villa. Conformément à sa démarche picturale, Le Corbusier a adapté des sujets et compositions sur lesquels il travaillait de manière perma-

nente. Ainsi, sur la peinture de l’entrée, on trouve, en partie basse, une femme et un volet et, en partie haute, un accordéon. Les deux parties de la peinture sont séparées par une baguette en bois clouée au mur et peinte avec l’inscription d’Eileen Gray « entrez lentement », à droite pour les invités (à gauche, l’entrée de la domestique porte l’inscription « sens interdit »). Dans les peintures restituées sous les pilotis, on observe des galets et des personnages entrelacés. De nombreux dessins représentant deux ou trois figures entrelacées sont présents parmi les croquis des archives de la Fondation Le Corbusier. La peinture du coin salle à manger représente une femme (danseuse) avec spirale (musicale). Plusieurs croquis antérieurs avec la même composition ou des détails de la forme dite danseuse, de la porte et des instruments de musiques existent et sont également conservés à la Fondation Le Corbusier. Il est d’ailleurs amusant de noter que si Le Corbusier a peint des portes, Eileen Gray ne voulait pas les voir, car, pour elle, elles ne font pas partie de l’architecture… Elle les cachait donc derrière des désaxés, des murs ou des meubles. Madame Schelbert maintiendra la maison et son mobilier en relativement bon état jusqu’à sa mort au début des années 80. Son médecin personnel occupera ensuite les lieux jusqu’en 1996. Mais n’ayant pas les moyens d’entretenir la maison, il vend aux enchères l’ensemble du mobilier et laisse la maison se dégrader. À l’abandon, squattée, tagguée, la maison a été classée en urgence aux Monuments historiques en 2000, moment où il a été décidé qu’il était temps de faire revivre ce site prestigieux. FS

Association de sauvegarde du site Eileen Gray et Le Corbusier à Roquebrune-CapMartin Cette association loi 1901 a pour but la sauvegarde et la mise en valeur de la villa E 1027 maison en bord de mer (promenade Le Corbusier) et de son environnement direct, le site Le Corbusier qui comprend le Cabanon, L’Etoile de mer et les unités de camping. Cela passe notamment par : ◆ la restauration dans son intégrité de la villa et des jardins, ◆ l’entretien du patrimoine architectural et paysager qui composent le site, ◆ la préservation et la mise en valeur de la flore méditerranéenne constituante du site, ◆ la mise en place d’un centre culturel utilisant les éléments du patrimoine du site, ◆ l’ouverture au public du site restauré dans le cadre de visites, expositions et manifestations culturelles qui s’y tiendront.


CAGNES SUR MER

Des villes construites / déconstruites

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Guy Champailler est un constructeur, un bâtisseur qui voit grand. Depuis plus de vingt ans, il déploie un travail incessant, multiforme et pratique un art de rue, un art déjà hors des musées, ouvert à un public où chacun peut trouver ses références. Ses grandes sculptures planes en acier des années 1990 se sont verticalisées en même temps qu’allégées. L’aluminium a remplacé l’acier. Sa légèreté, sa facilité d’assemblage, la peinture plus facile et un rendu net en font le matériau de base idéal de ses « villes » aux volumes simples issus du carré et du cercle. Ces structures qu’il présente se différencient nettement des installations qui sont plutôt des rencontres d'objets de provenances très diverses et jouent davantage sur les contrastes, sans lien évident des constructions entre elles.

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bien n al e d ' art con te m por ain

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Château du Haut de Cagnes été 2010 Contribution des artistes : Alberghina, Pharisien. Commissaire d'exposition : Simone Dibo-Cohen

Des installations tiennent davantage d’une confrontation d'objets dans la tradition surréaliste qui donne un sens à l'installation avec compulsion répétitive et herméneutique sans fin. Elles présentent une homogénéité d'ensemble où tous les éléments autonomes s’harmonisent pour parvenir à une lumière égale, comme une vue panoramique de ville la nuit. Si chaque quartier est différent, la vision se donne comme une totalité. Des structures destinées à être non finissables, toujours ouvertes, accueillantes pour de nouveaux ajouts. Créer des formes ne suffit plus, il est nécessaire de créer des liens, des ponts, faire avec la pensée des autres, passer d’une impossibilité à l’autre. En mettant en place des normes, des symétries afin de célébrer l’idée du beau, Champailler nous propose une esthétique de la complexité maîtrisée, de la beauté, du calme et de la sagesse. Ses créations suscitent l’intérêt des ingénieurs des architectes, des techniciens qui peuvent juger de l’adresse et de la complexité de son travail, de sa beauté aussi qui réside dans ce vocabulaire de formes géométriques basiques qu’il utilise à l’infini. Un monde clair organisé, aux couleurs agencées, agréables à l’œil : brillance, luminance, rutilance. Champailler développe une œuvre dense, très pensée, technique, peu réductible à un concept. Son hyperville du futur est pensée comme une cité où chaque chose est réfléchie, voulue pour le plaisir des yeux, une ville œuvre de la raison, masquant sa nature par la culture.

 Installation  Numérique 1  Portrait Super Crâneur

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Champailler Guy Champailler en (3) questions AA : Déconstruire, n'est ce pas construire autrement ? GC : J'ai l'habitude de dire : je mène une action. Une action pour quoi faire ? Pour comprendre ce qui arrive et dans ce qui arrive : ce qui me concerne. Or je suis concerné par la construction et la déconstruction, mais aussi par la destruction. Nous savons que la déconstruction peut avoir un sens positif puisque sa méthode a pour but la constitution d'un savoir. En déconstruisant un texte ou un objet, nous apprenons autant qu'en le construisant. La philosophie déconstructiviste est passée par là. Toute ma vie, j'ai cherché à savoir quelque chose sur les objets et les images. AA : Ta première exposition s'est faite dans le cadre des concerts de musique contemporaine à l’Artistique organisés par Redolfi. Y vois-tu un signe ? Il semble que ton travail entretient depuis cette date des rapports constants et particuliers avec la musique. CG : La musique contemporaine m'intéresse parce qu'elle a fait voler en éclats la tradition dans des directions très diverses souvent savantes mais pas toujours avec Fluxus. Ce dernier est d'ailleurs plus un « inspirateur », il n'a pas laissé beaucoup d'œuvres sensibles, plutôt des protestations et pas mal d'humour, les compositeurs ont pris là des libertés nouvelles. Cette musique demande une conceptualisation forte qui ne repose pas toujours sur une instrumentation préétablie et fait

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appel à l'invention des sources sonores autant qu'à leur composition, la notation musicale est parfois spectaculaire, les pages des compositeurs sont des dessins ou schémas et, chose nouvelle, ils ont su très tôt intégrer l'informatique. J'avoue que c'est un monde que j'envie, qui sait intégrer les mathématiques, l'informatique, pour arriver à un objet sensible qui, lorsqu'il est mené à bien, peut rejoindre les plus beaux moments de la grandeur classique. Il a ce mélange du savant, du bricoleur, du poète et de l'aventurier. Très beau programme où l'art contemporain peine à épouser son siècle.

AA : Quel rapport entretiens-tu encore avec la peinture ? GC : Ce que l'on nommait autrefois la peinture, ce sont aujourd'hui des images, il semblerait qu'elles soient maîtresses du jeu dans les arts par leur prolifération mais aussi par les qualités d'invention des techniques qu'elles ne cessent de développer. Pour ce qui concerne le conflit qu'il y aurait d'une supériorité des images parce qu'elles embrassent plus de sensations sur la sculpture ou les autres arts, je n'y crois pas. Pourtant je reconnais qu'un objet seul ne remplit pas l'attente des sensations que je peux y espérer. AA

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M Bruno Mendonça : L’infini commence ici ! Bruno Mendonça, est multirécidiviste et pluridisciplinaire, pointilleux et global, analyste et artisan, performeur et observateur… bref une porte ouverte sur toutes les fenêtres ou plutôt sur toutes les bibliothèques imaginaires.

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artiste demeure un casse-tête pour l’étiqueteur, autant qu’un aliment pour le poète. Si ce champion d’échec est si complexe à enfermer dans une case, c’est que son art combinatoire se nourrit simultanément de toutes les disciplines (et pas seulement plastiques), c’est que ses interventions rendent au centuple à l’aléatoire ce qu’il y puise. Car pour l’artiste l’enjeu n’est pas la cible mais le geste de l’archer, l’intention. Son chantier c’est l’univers où il défriche des pistes nouvelles, qui s’ouvrent elles-même sur d’autres, le téléportant là où on ne l’attend pas, là où il ne s’attend pas ! Mendonça derrière son apparence effacée est-il doué d’ubiquité créative ?

Premières performances « Je suis né à Saint Omer. Ma mère est niçoise je suis arrivé à Nice à 7 ans. 7 ans plus tard en mai 68 j’assistais aux manifs à la fac de lettres. À 15 ans je faisais du théâtre en Irlande, dévorais Jung et Freud. J’ai appris à doubler mon potentiel très tôt ! ». La première pierre de cet édifice qui donne le vertige après 37 ans d’activités il avoue l’avoir posée à Menton : « Je jouais de la basse et écrivais des textes dans un groupe de rock » « Nuthach system » (casse noisette). Après un accident à moto, j’ai vendu tout mon matériel pour acheter de la peinture. Un an après je faisais ma première expo ». Et la performance, celui qui en a réalisé 40 sur la Côte - « À égalité avec Ben » il s’y initiera dès 1974 en immergeant des toiles au fond du lac de Saint Auban. Des toiles exposées ensuite à l’Art marginal. En 1977 encore à Saint-Jeannet Bruno travaille en aveugle pendant 76 heures au fond d’une grotte où il produira 15 toiles et 12 dessins. En Chine il sautera de plaques en plaques tectoniques avec dix mètres de vide en dessous : « Pas pour le danger, mais toujours pour pousser l’art contemporain dans des espaces vierges ! ».

À livres ouvert ! Car l’artiste est avide de nouveaux territoires et ne tient pas en place « Voyager me permet de confronter les différentes pratiques. C’est aussi lié à ma formation à Science po. J’ai eu envie de faire de l’art comme Claude Levi Strauss fit de l’ethnologie ». En travaillant en terrains inconnus l’imprévu dévoile les limites mais ouvre aussi des perspectives dont se nourrit ce bâtisseur d’aléatoire. « En fait j’ai voyagé dès l’âge de 1 an en avion puis en Enfant non accompagné pour les compétitions de judo et d’échec. Je draguais les hôtesses qui me donnaient des jouets et livres ». Est-ce cet émois ou celui qu’il éprouve en découvrant la bibliothèque de son grand-père riche d’ouvrages étrangers qui le poussera adulte à créer sa maison d’édition en 1981 puis des bibliothèques éphémères dont certaines présentées au CIAC de Carros en 2002 virent le jour tel l’igloo de Dictionnaires : « 5000 dictionnaires récupérés pour monter une coupole qui symbolise ces parties du monde que l’on méconnaît parce que nous n’avons pas accès à leurs cultures ». L’artiste amoureux des livres réalisera par ailleurs des livres avec des objets du quotidien. Un ready made célébrant par la métamorphose, le livre, une matière, sensible, vivante qu’il traite comme un élément organique. Il explorera également Langages et signes inventant 60 alphabets, usant des palindromes et autres jeux de mots à toutes fins utiles : « Je me sens très proche de l’Oulipo et du travail de George Perec. Je me défini comme écriteur, un fabricant de textes, de mots ». L’exposition « les métamorphoses de l’écriture » jusqu’au 24 juillet à Contes présente sur ce thème d’étonnants livres d’artistes réalisés de 1984 à 1987, un jeu de tarot sur la mémoire de Spada, un « Cortext » avec Yves Hayat etc. Elle donnera lieu aussi à une performance musicale car Bruno travailla aussi comme luthier à la fabrication d’instruments. Un outil pour un autre langage universel.

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M Mendonça : « La colle de Nice ? » Mendonça créa aussi un alphabet sur des yourtes car le nomadisme pour cet intégriste de Bachelard fut un acte fondateur : « J’ai vécu dans des conditions extrêmes, sous la neige, à l’état sauvage dans mon atelier à Lucéram. J’aurais pu me payer l’hôtel mais je voulais vivre le collectif. L’artiste qui ne fait pas ça, ne partage que son ego, un fruit vert ». À l’époque si Bruno soulève des pierres c’est pour voir s’il y a un lièvre dessous. Quant aux échecs c’est autre histoire, aussi cruciale : « Je fais de la compétition depuis l’âge de 8 ans. Les échecs m’ont appris à construire rapidement, à globaliser, à aborder de front plusieurs activités ». Un jeu qu’il intégra à ses performances. Ainsi en 2000 en Pologne il affronte 40 joueurs simultanément - après être arrivé sur les lieux enfouis dans le sable d’une pelleteuse. Son propre déplacement sur l’échiquier créatif comme sur celui universel ne procède t-il pas de la diagonale du fou ? Mais que veut mettre échec et mat ce champion de la performance qui a battu le lettriste Isidore Isou, à son propre jeu « l’hyper échec avec deux pièces supplémentaires ». De quelle tribu fait donc parti Bruno Mendonça ? « Je pourrais être relié à plusieurs mouvements mais n’appartient à aucun, même si Alexandre de la Salle m’intégra à l’École de Nice, des artistes que je pratique depuis 30 ans. Mais le label s’use, il faut aller puiser l’énergie ailleurs. C’est aussi pour cela que je me déplace et pratique autant de disciplines de front ».

De gauche à droite et haut en bas :       

Bruno Mendonça joueur d'échec Igloo de dictionnaires - 4 x 2 m - 2004 Floraison de livres - 37 x 55 cm - 2007 Bruno Mendonça peintre Bruno Mendonça Quatre boomerangs - diamètre : 105 cm - 1997 Transe control - 12 x 12 cm - 1993

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Car des projets, Bruno en a toujours plusieurs sur le feu : un squash bibliothèque pour laquelle il doit trouver des financements. Un projet de synthèse des arts autour du jeu d’échec pour un Musée suisse. À Tanger, une bibliothèque observatoire pour le biotope au cœur d’un ancien volcan etc.

Je suis toujours en train d’entrouvrir de nouvelles pistes en veillant à tenir à distance la technologie qui est train de supplanter le sacré

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explique celui dont la seule religion semble être celle de l’énergie vitale ! OM

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Paola Cantalupo Sur les traces d’une étoile Danseuse étoile des Ballets de Monte-Carlo, médaillée d’or du Prix de Lausanne, Paola Cantalupo partage aujourd’hui sa passion avec les danseurs de la fameuse École Rosella Hightower qu’elle dirige à Cannes. Un parcours sans faute pour cette figure remarquable de la danse à travers le monde. La danse. Un mode de vie, une philosophie, une passion ? C’est tout d’abord une passion bien sûr. Puis l’on se rend compte au fil des années que c’est aussi un besoin. Besoin de s’exprimer différemment car l’artiste est quelqu’un d’un peu différent. Le danseur s’exprime à travers un mouvement. Ce besoin que l’on ressent de bouger est devenu pour moi un langage à part entière, une autre expression. À quand remonte cette passion pour la danse ? Très tôt, à vrai dire. Il paraît que je dansais devant le miroir et je me rappelle vaguement ce que l’on pourrait qualifier de premier spectacle. Il s’était déroulé devant la mer, toute seule. C’était une sensation très belle. J’habitais à Gênes puis ma famille a déménagé à Milan. J’ai commencé vers huit/neuf ans dans une école privée

Interview réalisée par Rodolphe Cosimi le 26 avril 2010 - Mougins

et j’ai eu la chance d’intégrer l’école de danse de la Scala de Milan où j’ai débuté dans le corps de ballet. Comment s’est déroulé votre parcours depuis cette prestigieuse «grande maison» de la danse qu’est la Scala ? J’ai passé du temps à la Scala. En parallèle, j’allais au lycée et c’était un emploi du temps assez lourd à l’époque, assez… intense (rires). J’ai terminé cette première formation et je me suis présentée au Prix de Lausanne en 1977, grande compétition internationale où j’ai gagné la Médaille d’or. J’avais été vraiment surprise car je ne m’attendais absolument pas à remporter ce prix. J’y étais allée avec mon père pour voir ce qu’il se passait en-dehors de ce château doré qu’était la Scala. Cette médaille a été une ouverture vers l’extérieur et m’a permis de prendre conscience de ma valeur, de m’ouvrir au monde. Cela a été rassurant pour le début de ma carrière. La Scala était très hiérarchisée et je désirais faire d’autres expériences comme celles que j’ai pu vivre ensuite auprès de Maurice Béjart ou John Neumeier. À ce prix de Lausanne, j’ai aussi rejoint une grande famille dans laquelle je côtoyais déjà Jean-Christophe Maillot et Rosella Hightower.

Le parcours d’un danseur est souvent considéré comme celui du combattant. Cela a-t-il été votre cas ? Je ne crois pas que ce soit une question de combat, dans le sens ou il faut être fort, quoi qu’il arrive. On ne peut qu’être exigeant avec soi-même lorsque c’est son chemin que l’on suit, sa passion que l’on assouvit. Je suis contre cette idée que les danseurs souffrent, que c’est extrêmement dur. Je crois que celui qui veut arriver à quelque chose doit vivre des moments difficiles. Que l’on se fatigue ou que l’on transpire un peu plus peu importe, il ne faut pas oublier que c’est un besoin. Les sacrifices, les pieds qui souffrent, ça fait partie de la danse. On fait ce que l’on a rêvé de faire tout jeune et on accomplit le travail qu’il faut pour réaliser son rêve, et cela même si la danse est plus fatigante que d’autres activités dans d’autres domaines. On sait que ça va être difficile. Quelles expériences, quelles rencontres ont été les plus marquantes ? En ce qui concerne les expériences, il y en a tellement, toutes forgent le caractère.... Par contre, il y a eu de belles rencontres. C’est vrai que celle avec Béjart au Ballet du XXème siècle, même si j’étais encore jeune fille, a été une rencontre impressionnante. Celle qui m’a énormément marquée a été la rencontre avec Noureïev. C’était quelqu’un de direct, un homme généreux, qui aimait entrer en contact avec les jeunes danseurs. Il avait cette démarche d'essayer de comprendre les autres. John Neumeier, au Ballet de Hambourg en 1980, m’a donné également une ouverture. La Princesse Caroline a été une rencontre privilégiée car elle était brillante. Bien que cachée derrière une certaine timidité, elle a eu le courage de commencer les Ballets de Monte-Carlo. Les personnes que j’ai rencontrées ont toujours été déterminantes pour moi, comme pour l’art de la danse. Je connais bien Jean-Christophe Maillot depuis plus de trente ans. Après avoir dansé ensemble, nous avons aujourd’hui développé une autre relation, au-delà de l’amitié, notamment pour le Printemps des Arts.


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© Toutes photos Courtesy P. Cantalupo

À travers un répertoire éclectique, vous avez dansé des rôles majeurs dans les Ballets russes, les œuvres de Balanchine, Forsythe, Kylian, Petit... Quels sont vos souvenirs les plus forts ? J’ai toujours été polyvalente. J’aime autant la tradition classique que le contemporain. C’est pour cette raison que je suis allée chez Béjart. Parmi mes rôles, ceux qui m’ont vraiment touchée ont été ceux du ballet de Kilian, et la Nuit transfigurée. Un dernier rôle que j’ai adoré a été celui de Cendrillon, par Jean-Christophe Maillot. J’apprécie beaucoup les ballets «abstraits» mais là, il y avait une histoire et c’est ce que j’aime surtout : entrer dans une histoire, une recherche chorégraphique. J’ai eu la chance d’être avec Béjart et de bénéficier de la stimulation d’un créateur. C’est un échange véritable qui nous enrichit. J’aurais pu rester dans la compagnie de la Scala, danser le "Lac des cygnes" – ce que j’ai fait et que j’ai adoré – mais j’avais envie d’évoluer vers des choses différentes. J’ai pu comme cela me remettre en question. Pour savoir si je pouvais aller plus loin, il me fallait juste essayer. Comment trouvez-vous la nouvelle génération de danseurs ? de chorégraphes aussi ? Je comprends qu’on ait pu rejeter le classique pendant longtemps. En même temps, ce serait absurde de vouloir oublier deux cents ans d’expérience, de travaux et de tradition. Ce sont nos fondations. Que les jeunes veuillent expérimenter, c’est tout à fait normal, mais il ne faut pas oublier ce que les maîtres nous ont apporté. La danse classique est très exigeante. Le contemporain peut être plus souple mais là encore, il faut savoir à quel niveau on fait de la danse. Pour être sur scène, il faut un niveau excellent, c'est ce qui fait la différence. C’est ce que doivent se rappeler les générations à venir.

Vous avez pris les rênes de l’École Rosella Hightower, comment avez-vous vécu cette prise de fonction au début 2009 ? J’ai toujours eu un lien privilégié avec cette école ; j’y étais souvent invitée et je connaissais très bien Monique Loudières. Cette proposition s’est présentée et je voulais voir ce que je pouvais offrir à cette école réputée. Pour l’anecdote, j’étais, à ce moment-là, toujours avec les Ballets de Monte-Carlo, billet pour le Japon en mains (rires) ; il m’a fallu décommander pour démarrer ce nouveau défi. Défi pour lequel j’ai été vraiment soutenue, bien heureusement. Cela a été un travail d’équipe et c’est ce à quoi je crois. L’école a toujours été une référence internationale. En Italie par exemple, les deux seules écoles dont on parlait dans le milieu artistique, étaient celle de l’Opéra de Paris et celle de Rosella à Cannes. Déjà dans les années 80, Rosella Hightower avait cette générosité, cet esprit d’ouverture, d’intelligence du travail, et je veux faire perdurer cette vision universelle de la danse. Après une carrière artistique telle que la vôtre, quelle approche avez-vous de la pédagogie ? Finir une carrière est toujours difficile mais j’ai eu la chance que, dans mon cas, tout s’est fait très naturellement. Depuis dix ans, je suis dans la voie pédagogique et je vis cela dans la sérénité. Je dois dire que je trouve la même satisfaction à travailler dans le studio avec mes filles que celle que j’ai pu ressentir en étant sur scène. La scène va me manquer, c’est sûr, mais c’est une continuité, tout simplement. Vous avez noué des liens forts avec les élèves de l’école. Qu’est-ce que vous souhaitez leur apporter ? Qu’espérez-vous qu’ils deviennent ? J’ai basé mon dernier spectacle sur cela

justement. Je veux qu’ils deviennent des artistes. Ils ont tous ça en eux et je ne veux pas qu’ils se trompent. Un danseur est un peu égocentrique, au bon sens du terme, et cela est presque normal quand on doit se montrer devant un millier de personnes. S'il ne l’était pas, le danseur ne pourrait accomplir sa vocation. Je veux aider mes élèves à trouver la lumière qu’ils ont en eux. Le studio, ce n’est pas de la gymnastique en musique (rires). Le message que j’essaie de faire passer, autant auprès des élèves que des professeurs, c’est que chacun dégage quelque chose de lui-même et que chacun peut se dire : «Ce pas là, je le fais artistiquement bien». Reconnaître un danseur prometteur, un grand danseur est-ce une chose difficile ? J’ai reçu dernièrement la vidéo d’une danseuse. J'ai visionné des petits pas à la barre d’abord, puis une petite variation à la fin. Je ne l’ai pas reconnue tout de suite dans cette variation. Il y avait comme une lumière sur scène. À cet instant, je me suis dit que ce n’était plus la même personne. La technique, c’est une chose, la lumière en est une autre et ça ne s’explique pas. Je cherche à faire sortir cela de mes danseurs, sachant que certains n’y arriveront pas forcément… Même un physique qui n’est pas «parfait» mais qui a une tête «claire» peut arriver à de grandes choses. Et le projet qui vous tient le plus à cœur ? Mon projet premier, c’est de permettre à mes danseurs de s’épanouir sur scène. Dernièrement, le Printemps des Arts les a beaucoup aidés dans cette voie. Ce fut magnifique de pouvoir intégrer un spectacle et de toucher du doigt la relation avec un public de cette importance. La danse est, véritablement et avant tout, ce partage généreux. RC


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Henri Maccheroni / Michel Butor Art et écriture : plus de 30 ans de création

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Henri Maccheroni © H Lagarde

Depuis le 21 mai, et jusqu’au 28 novembre, le Musée de Paléontologie humaine de Terra Amata, à Nice, accueille l’exposition « En continuité, Henri Maccheroni à Terra Amata », en collaboration avec Michel Butor. Les deux artistes, l’un plasticien, l’autre écrivain, travaillent ensemble depuis près de 35 ans. Portraits croisés.

ritique vif, iconoclaste et solitaire, Henri Maccheroni est un virtuose de techniques plastiques aussi variées que la peinture à l’huile, la photographie noir / blanc et couleurs, le photomontage, le collage ou la gravure (eauforte, pointe sèche, manière-noire). Il les déploie en séries pour penser des sujets aussi divers que les mythes de la peinture occidentale, la dévastation des œuvres architecturales par le temps, la ville ou la condition humaine (la peine de mort, la torture, l’exploitation des femmes, etc.). Toutefois, il n’y a pas de hiérarchies spatio-temporelles, de périodes strictement délimitées : la série reste ouverte et l’artiste peut librement l’interrompre pour y revenir dès qu’il le souhaite. La datation des œuvres n’est donc pas déterminante. Seule compte leur résonance avec ce qu’il souhaite exprimer : « La vocation d’une œuvre d’art n’est pas de produire du sens, mais de faire sens, car il s’agit de transformer la sensibilité d’une époque, c’està-dire notre rapport au réel. C’est le fond de l’œuvre d’art, qui est, par essence même, révolutionnaire *». Les changements de techniques déconcertants vont de pair avec l’absence de répétition d’un style formel clairement identifiable, adaptés à la prolifération des thèmes abordés. Entre photographie, collage et peinture, la représentation se fait reconstruction, le signe peut revenir pour justifier l’image, lui donner à nouveau sens en même temps que sens nouveau. « Je ne suis pas un peintre abstrait, pas plus que figuratif ou conceptuel. Je suis tout cela à la fois – absolument. Ces notions s’abolissent dans un « traitement » - dans le sens de retraitement – pensé du réel (ou de ce que nous croyons en percevoir* ». La seule série close dans l’œuvre de Maccheroni est son Archéologie du signe, réalisée en 1976 : 21 toiles découpées, cousues, oeilletées, lacées, comportant trois signes (x, +, o) et sept couleurs symboliques (écru, jean, rouge, noir, métallisé, blanc, tenue léopard). Cette œuvre va constituer la genèse et la base essentielle de son travail pictural. Entre 1972 et 1974, il réalise des œuvres conceptuelles et dénonciatrices, ses « Attitudes socio-critiques », comme l’Armoire aux bocaux et le Cadeau pour les partisans de la peine de mort, qui relèvent d’un engagement politique et social. Expérimentation Admirateur du mouvement surréaliste, Michel Butor fait la rencontre d’André Breton à la fin des années 40. Il commence son métier de professeur qui l’emmène, en 1950, en Egypte, séjour qui aura pour lui une influence majeure. En 1957, il obtient le Prix Renaudot avec La Modification qui attire l’attention du grand public sur son œuvre. Il est alors l’écrivain du Nouveau Roman qui a la plus large audience. Son roman


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Vue de l'exposition à Terra Amata © H Lagarde

Degrés est publié en 1960, ainsi que son premier recueil d’articles critiques, Répertoire. Il part une première fois aux États-Unis et, à son retour, inaugure une nouvelle période de son activité littéraire, marquée par des ouvrages d’une grande originalité formelle. Mobile, notamment, grand ouvrage fait de collages divers (encyclopédies américaines, descriptions d’automobiles, articles de journaux, etc.) essaie de rendre compte de la réalité étonnante des États-Unis contemporains. Réseau aérien, puis Description de San Marco et Illustrations. Cette volonté d’expérimentation pour représenter le monde se retrouve dans toute son œuvre, qu’il s’agisse de récits de voyages (série Génie du lieu), de récits de rêves (Matière de rêves) ou de ses très nombreuses collaborations avec des peintres et artistes contemporains, pour réaliser des livres-objets. Le voyage joue un rôle essentiel dans la vie et les livres de Michel Butor. Le livre lui-même devient un espace d’invention et d’aventure, où l’écriture se fait « nomade »... « Souvent, à propos de l’œuvre de Michel Butor, on parle d’une sorte de galaxie, indique Henri Maccheroni**. L’image est assez juste si elle se réfère entre autres aux voyages et rencontres de cet insatiable « fouisseur » d’horizons et, de cette galaxie, nous ne sommes pas prêts d’en explorer toutes les étendues et le voyage sera sans doute infini ». La rencontre « D’une rencontre, Michel Butor fait un voyage. Il ne peut se passer du voyage comme il ne peut se passer de voyager avec l’autre et de le faire voyager », selon Henri Maccheroni. En 1972, cela faisait quelques mois déjà que Jean Petithory, qui exposait le travail d’Henri Maccheroni dans sa librairie-galerie Les Mains Libres à Paris, incitait ce dernier à prendre contact avec Michel Butor, ayant appris de Pierre Bourgeade que l’auteur de La Modification s’était installé à Nice. Une lettre plus tard, Michel Butor rendait visite au plasticien, qui lui présenta ses séries post-surréalistes, Mondes inachevés et Nocturnes, quelques Bleus et Rouges de 1968, des peintures sur papier et des dessins et lavis abstraits de périodes antérieures. Tandis que l’écrivain marchait entre toiles et cartons, l’inquiétude de Maccheroni grandissait. Puis Michel Butor s’arrêta et parla : « Ah ! C’est égal, c’est égal, les choses n’en resteront pas là… Je vois arriver une grande explosion, de grandes transformations… ». Puis ce fut le silence. Michel Butor partit enseigner aux États-Unis et ne revint qu’en 1975. Maccheroni lui écrit à nouveau, Butor retourne le voir. Le plasticien lui demande de préfacer le catalogue de son exposition des Archéologies et Archéologies blanches prévue pour l’été suivant au Musée d’art moderne de Céret. Quelques jours après, il reçoit de Michel Butor la première version du Rêve des Archéologies blanches pour Henri Maccheroni. Leur rencontre venait de prendre corps. « Depuis 1975, que de voyages

n’avons-nous pas entrepris ensemble ! Je les commence, il les poursuit, parfois nous allons dans la direction que j’indique, d’autres fois, tout à fait ailleurs**». Car Michel Butor et Henri Henri Maccheroni et Michel Butor © Terra Amata Maccheroni ont peu à peu mis en place un processus de travail. Ce dernier commence le livre, le prépare, avec ses aquarelles ou ses gravures originales, et l’écrivain les poursuit, en apposant ses poèmes ou ses textes en écriture manuscrite. « J’ai parfois essayé de le piéger, en lui laissant moins de place pour écrire, s’amuse Henri Maccheroni. Mais il ne s’est jamais laissé faire ! ». « Henri Maccheroni est malin, ajoute Michel Butor. Il me connaît bien, il me propose toujours des choses dont il sait qu’elles m’inspireront ». La confiance a tout de suite été réciproque. « Je tiens de Roger Borderie, de la revue Obliques, qu’une rencontre sans amitié est un voyage sans souvenir, commente le plasticien. Avec Butor, l’amitié s’est établie au fur et à mesure du travail, pour en devenir indissociable, jusqu’au point de dire : « demande-moi tout ce que tu veux, je le ferai ». « Cela n’est jamais arrivé qu’il fasse quelque chose que je n’aime pas ». « C’est à cause du travail qu’il y a l’amitié, puis parce qu’il y a l’amitié que le travail est possible, renchérit Michel Butor. À chaque nouvelle œuvre, c’est un aspect nouveau de l’artiste et de l’écrivain qui se dévoile. Je n’aime pas travailler avec des gens qui font toujours la même chose. Henri Maccheroni, lui, invente ». Archéologues du temps présent Un processus de création différent des autres collaborations d’Henri Maccheroni avec des écrivains. « Jean-Claude Renard me passait les textes, alors que Pierre Bourgeade me demandait plutôt des illustrations. Mais je suis davantage pour tenter de trouver des équivalences aux textes qui me sont donnés ». Une œuvre croisée, terme inventé par Henri Maccheroni et que Butor a tout de suite adopté, ce n’est ni un livre illustré, ni un moment où l’artiste vient se soumettre à l’écrivain. Peut-être quand l’œuvre d’art devient la pré-histoire du texte… « Une œuvre croisée, c’est quand il y a mouvement, précise ce dernier. Quand l’un commence, puis l’autre. C’est un lent dialogue qui s’instaure entre les deux auteurs ». En 1976, la première pièce réalisée en commun, Provision, est pro-

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duite en 15 exemplaires. Il s’agit d’un peu de sable et d’un poème de Michel Butor sur une aquarelle pliée d'Henri Maccheroni, enfermés dans un bocal à conserve. « Je voulais lier le sable archéologique avec mes signes dits archéologiques, explique Henri Maccheroni. Butor parle de moi en disant l’« archéologue du temps présent ». Je crois d’ailleurs que je l’ai amené sur la voie archéologique. Le bocal a une histoire : quand j’étais petit, nous n’avions plus de nouvelles de mon père, qui avait été fait prisonnier à Dunkerque. Ma mère faisait alors une neuvaine. J’ai rêvé d’un mur de clinique avec une étagère comportant un bocal plein du sang de mon père. Au réveil, ma mère m’a dit : « ton père est vivant ». Vinrent ensuite les Archéologies blanches II, en 1978, où l’idée prédominait que ce qu’il resterait de nos villes serait de vastes cimetières, à une époque où la peur d’une guerre atomique planait. La même année, Michel Butor appose un texte Henri Maccheroni : Plusieurs œuvres Raku créées spécialement pour l'exposition au Musée Terra Amata sur une série de cinq aquarelles de Maccheroni, les seules bleues, les autres étant rouge pompéien, en hommage à son ami Georges Perros, à qui l’écrivain envoyait tous ses manuscrits à relire avant de les faire publier : compter 2 000 au total. Très marqués par les événements du 11 c’est In memoriam Georges Perros. Les termes « figure » et « danseptembre 2001, les deux artistes poursuivent leur travail sur ger » sont inscrits au pochoir, termes que l’on retrouve dans toute New York et sur un de leurs thèmes de prédilection communs, la série. « Maccheroni a le sens des titres », estime Michel Butor. Thanatos, avec Tocsin, en 2002. Un compliment que le plasticien lui renvoie volontiers. En 1979, Michel Butor et Henri Maccheroni ont aussi œuvré pour les autres un site comportant une dépression géologique, à Saint-Barnabé, et pour le rayonnement de la ville de Nice. En 1982, leur engageinspire à Michel Butor le titre Le parlement des idoles, « un miniment les amène à fonder le Centre National d’Art Contemporain canyon du Colorado, gris au lieu d’être rouge ». Avec des photos de la Villa Arson. Maccheroni le dirige tandis que Butor est le Préde Robert Geslin et une aquarelle de tête d’Henri Maccheroni naîsident du conseil d’orientation. Leur première exposition, Écritutra un livre manuscrit édité en onze exemplaires. Avec Tarot, en res dans la peinture, rassemble pas moins de 5 000 personnes 1980, Michel Butor travaille sur les 21 sérigraphies de l’Archéolors du vernissage. Suivront Italia Oggi ou encore Georges Ribelogie du signe de Maccheroni, comme Jean-François Lyotard le mont-Dessaigne. Mais trois ans plus tard, les deux amis quittent fait avec La partie de peinture. Pour La vallée des dépossédés, en ensemble l’institution… 1979, et Métro, en 1981, où des textes de Butor entrent en résoOutre l’amitié, c’est une fascination réciproque qui lie les deux nance avec des photos et des collages de Maccheroni, c’est New hommes. « Ce qui m’a tout de suite plu chez Maccheroni, c’est York et Manhattan qui fascinent les deux artistes. Dans Trêves cette sorte d’acharnement qu’il a à faire les choses, indique Miet rêves-Jérusalem (1996), préfacé par Shimon Peres, c’est la ville chel Butor. J’ai trouvé l’homme intéressant, tout comme son sainte qui les inspire. œuvre, pleine d’audace et d’une grande variété, tout en sachant rester cohérente ». Maccheroni, lui, a toujours été fasciné par la Fascination réciproque culture et la mémoire phénoménales du poète. « Ce qui me trouInvités par l’ambassadeur d’Israël en France, Yehuda Lancry, c’est ble également, c’est son immense possibilité d’écriture dans tous de leurs contacts avec la partie juive francophone que naît l’idée les domaines et sa capacité à ramener la substance des choses. d’un livre conçu en trois parties, avec trois couleurs : juive (saC’est un écrivain qui aura marqué le XXème siècle, un génie ! Ma ble archéologique), chrétienne (rouge pompéien) et musulmane fréquentation de cet homme m’a ouvert un horizon de mobilité (vert). Mais dans son texte, Butor ajoute une huitième porte à la dans mon œuvre. Si je ne l’avais pas rencontré, je ne serais pas ville qui en compte sept. Heureux hasard, on découvre peu de ce que je suis ». temps après une huitième porte, qui deviendra, dans le livre, la Après l’exposition au Musée de Terra Amata, leur prochain travail porte de l’espoir. « Les poètes ont toujours un temps d’avance », commun sera un ouvrage à paraître en novembre aux Éditions dira Henri Maccheroni. En 2000, Michel Butor estime qu’il faut Mémoires Millénaires, regroupant les textes de Butor et les œutourner la page sur un siècle qu’il juge épouvantable. Exception vres de Maccheroni sur les sites de Saint-Barnabé (Le parlement à la règle, Récapitulation 2000 est conçu à partir des textes de des idoles), Terra Amata (Jusqu’au site) et la Vallée des Merveilles l’écrivain, 20 poèmes au découpage syllabique subtil, pour en (Le val des merveilles). FS *Cité dans Tessa Tristan, Proximités Saint-John Perse, 2003. **Dans Rémanences n° 6, avril 1996.

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Œuvres croisées Principaux ouvrages réalisés en commun :

Henri Maccheroni, La Casa Usher, Florence.

Michel Butor et Henri Maccheroni (1980) Tarot, éd. Maryse Candela, Cannes (livre d’artiste).

Michel Butor et Henri Maccheroni (1995) In ictu oculi : in memoriam Gustave Flaubert et Juan Valdes Leal, Liliane Mantoux-Gignac, Paris.

Michel Butor et Henri Maccheroni (1981) Métro (livre d’artiste).

Michel Butor, Yehuda Lancry [poèmes], Henri Maccheroni [eaux-fortes] et Shimon Peres [préface] (1996) Trêves et rêves : Jérusalem, Liliane Mantoux-Gignac, Paris (livre d’artiste).

Michel Butor et Henri Maccheroni (1981) La vallée des dépossédés (livre d’artiste). Michel Butor et Henri Maccheroni (1986) Œuvres croisées, 1975-1985 / Michel Butor,

Michel Butor et Henri Maccheroni (2000) Tombes titubantes, Editions Ides et calendes, collection Photogalerie 7, Neuchâtel.

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Michel Butor et Henri Maccheroni (2000) Récapitulation 2000, éditions La Sétérée, Crest (livre d’artiste).

Tocsin (2002), texte de Michel Butor et collages d'Henri Maccheroni, 6 exemplaires. photo : Henri Maccheroni.

Michel Butor et Henri Maccheroni (2002) Nymphéas, Hendaye, Paris (livre d’artiste). Principaux textes de Michel Butor sur l’œuvre d’Henri Maccheroni : Michel Butor et Michel Sicard (1983) Problèmes de l'art contemporain à partir des travaux d'Henri Maccheroni, Christian Bourgois, Paris. Michel Butor (1991) Le génie du lieu. 6, Henri Maccheroni, A. Vivas, Paris.

Michel Butor et Henri Maccheroni (2001) Paris ville-ténèbres, L. Scheer / Maison européenne de la photographie, Paris.

Michel Butor (1991) "Avant le dialogue des vifs", pour Henri Maccheroni, In : À la frontière : poèmes, Éd. de la Différence, Paris.

Michel Butor et Henri Maccheroni (2002) Tocsin, Livre manuscrit sur le thème de l'Apocalypse, réalisé à partir de 7 collages originaux de la série des Crânes-vanitésd'Henri Macche-

Michel Butor, Jean-François Lyotard, Raphaël Monticelli et al. (2008) Essais sur "L'archéologie du signe" d'Henri Maccheroni, éditions de l’Harmattan, Paris.

Jusqu’à Terra Amata

Le fonds Butor à Nice

Dans l’exposition « En continuité, Henri Maccheroni à Terra Amata », en collaboration avec Michel Butor, l’artiste se propose de présenter son regard sur la Préhistoire, sur le temps, la mort et la trace au travers d’œuvres préexistantes (photographies) ou créées spécialement pour l’occasion (photographies, collages, lavis et rakus) et accompagnées de textes de son complice et ami, Michel Butor. « Toute mon œuvre indique combien je me suis attaché au « temps », inséparable de toute manifestation humaine, préciset-il. Or le temps, dans son lent écoulement – lent mais irrémédiable – a maintenu une continuité d’évolution dont il nous faut peu à peu retrouver, aligner, classer les divers fragments épars. M’attacher, m’investir dans la Préhistoire, intervenir de manière contemporaine sur des éléments mis au jour de ce qui a pu se passer 400 000 ans avant notre propre espace-temps est un acte « poétique » sans visée scientifique ». Pour Michel Butor, cette exposition représente beaucoup : il s’intéresse depuis longtemps à la Préhistoire et, surtout, il a vécu près de 15 ans dans la Villa Mira Monti, surnommée « Aux antipodes », qui jouxte le musée. D’où un fort attachement pour cet établissement…

Le 11 mars 2004 a eu lieu la signature de l’acte de donation Butor à la Bibliothèque Louis Nucéra. Cette généreuse donation est composée de 91 ouvrages de bibliophilie, ouvrages précieux réalisés en collaboration avec des artistes ; 82 volumes manuscrits qui témoignent du processus créatif de l’écrivain romancier ; 292 éditions courantes et traductions ; 92 ouvrages critiques, thèses, correspondances ; 336 brochures, tirés-à-part, préfaces et 5 545 ouvrages d’auteurs contemporains reçus en hommage. Ces dons, complétés par des acquisitions réalisées par la Ville de Nice, permettent à la Bibliothèque de Nice d’abriter aujourd’hui le fonds Butor le plus important du monde.

À visiter au Musée de Paléontologie humaine de Terra Amata jusqu’au 28 novembre 25 boulevard Carnot – Nice. Tél. : 04 93 55 59 93.

roni sur les attentats du 11 septembre 2001 (CBN). Tiré à 6 exemplaires (livre d’artiste).

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Ballade du pugiliste niçois de Michel Butor pour Henri Maccheroni Je t’ai rencontré pour la première fois lors d’une exposition du groupe Phases À ma rentrée en France après avoir failli me fixer au Nouveau-Mexique Nous avons jeté notre ancre d’abord sur la Corniche fleurie puis à Saint-Laurent-du-Var Avant de découvrir cette maison que nous espérions celle de toujours chemin de Terra Amata Vendeur d’automobiles chez Peugeot tu te battais depuis des années comme un forcené avec la peinture T’efforçant de regarder le sexe en face mais inguérissablement éberlué devant l’amour Cherchant toujours le point sensible pour frayer un peu ton chemin de traverse parmi les coups Tu m’as fait pénétrer dans ton repaire pour me promener depuis tes mondes inachevés jusqu’à tes archéologies C’est alors que nous avons commencé un chant à deux voix en perpétuelle modulation Que nous avons réussi à poursuivre depuis plus de vingt ans en dépit de tous et de tout


la vie des arts

événement

150 èm e anni vers ai r e r at tac h e m en t

150ans

t n e m e n n o y a r e d culturel

En cette année 2010, Nice célèbre le 150e anniversaire de son rattachement à la France. Le territoire de Nice a en effet quitté officiellement le royaume du Piémont-Sardaigne pour rejoindre la France de Napoléon III le 14 juin 1860. Toute l’année, la Ville propose des actions dont l’objectif est de faire connaître la richesse de la culture du Comté de Nice.

« Si le terme technique pour désigner ce rattachement est « annexion », je lui préfère le terme d’union, moins péjoratif, explique Jean-Marc Giaume, historien et conseiller mu© H. Lagarde nicipal délégué au Patrimoine historique, Langue et Culture niçoises. Il s’agit en effet de l’union de deux parties et, pour la ville, c’est important de profiter de l’anniversaire de cet événement pour faire connaître et transmettre la culture du Comté de Nice ». Un territoire, très original, au développement particulier. « Il s’agit avant tout d’une opportunité culturelle pour découvrir ou redécouvrir une identité forte et dynamique, avec la langue comme pivot de cette culture régionale ». Et pour preuve : l’existence d’une cinquantaine d’associations, des cours de langue niçoise dispensés dans les écoles et les lycées… Etalés sur toute l’année, les événements commémorant cet anniversaire sont de divers ordres. Outre une série de conférences organisées au Centre universitaire méditerranéen, le Théâtre de la Photographie et de l’Image a accueilli un premier cycle de conférences qui, devant le succès rencontré, a été prolongé. De grands spécialistes de l’histoire du Comté de Nice se sont ainsi donné rendez-vous, sous la présidence d’Olivier Vernier, Professeur à l’Université de Nice-Sophia-Antipolis, Directeur du Laboratoire des Etats de Savoie et membre du Conseil National des Universités. Ainsi, le 10 avril, le public a pu assister à la conférence d’ Adolphe Viani, vice-président de la Fédération des Associations du Comté de Nice, sur le thème « Les variations des limites du Comté de Nice, de 1388 à nos jours » ; le 17 avril à celle de Jean-Paul Potron, bibliothécaire, responsable du Pôle numérique et Conservation Musique à la bibliothèque municipale à vocation régionale de Nice sur le

thème « Voyage pittoresque dans le Comté de Nice à la veille de l’annexion, par le peintre paysagiste Jacques Guiaud » ; ou encore, entre autres, le 19 juin, à celle de Jean-Marc Giaume sur le thème « Le Comté de Nice, de la réalité culturelle au défi de la mise en valeur de son patrimoine historique ». Un sujet d’autant plus important pour l’historien que la création d’une délégation au Patrimoine historique est quelque chose d’unique dans une grande ville de France.

Le Château livre ses secrets Un patrimoine historique à la richesse multiséculaire qu’il est important de mettre en valeur, pour les futures générations, mais aussi afin de donner une nouvelle image à ce territoire. C’est pourquoi la Ville de Nice invite les habitants et les touristes à un voyage au cœur de ce patrimoine, autour notamment des différents chantiers de fouilles en cours. Nice est en effet un exemple unique en France, avec deux chantiers de fouilles ouverts, sur deux périodes historiques où subsistaient encore beaucoup d’éléments méconnus : le Haut Moyen Age et l’Antiquité. La colline du Château est le site de l’ancienne fortification des ducs de Savoie. Mais avant d’être totalement militarisée, elle était surtout le siège de la ville médiévale avant son extension sur les pentes du Vieux-Nice. Parmi les édifices majeurs qui prenaient place sur la partie supérieure se trouvait la Cathédrale. Avant son transfert à Sainte-Réparate (dans le courant du XVIe s.), la Cathédrale se trouvait face au château, sur la zone la plus élevée du plateau. Fouillée à plusieurs reprises au XIXe mais surtout au XXe s. (entre 1950 et 1964), elle était pourtant loin d’avoir livré tous ses secrets. La recherche, conduite sous l’égide du Service Archéologie de la Ville de Nice, avait déjà porté sur des centaines de documents anciens conservés dans les archives de la Ville et du Département. Les chercheurs sont allés jusqu’à Turin pour trouver des documents inédits (en particulier des plans de la fortification). Mais seules les fouilles archéologiques sont à même

Photochrome anonyme - Nice, ca 1890 Collection Théâtre de la Photographie et de l'Image

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événement

Photochrome anonyme - Restaurant de la Réserve, ca 1890 Collection Théâtre de la Photographie et de l'Image

de faire revivre le passé lointain de Nice et de le porter à la connaissance de tous. C’est pourquoi cette année a eu lieu une première campagne de fouilles. Et là, première surprise : un édifice plus ancien que la cathédrale médiévale est apparu. Il s’agit de la première cathédrale de Nice, que des céramiques, retrouvées dans la préparation de son sol, permettent de dater du Ve s. de notre ère. Aux abords de la cathédrale, les fouilles retrouvent les vestiges du cimetière qui bordait l’édifice (peut-être dès la fin de l’Antiquité ?). Un des enjeux de la fouille porte également sur le bâtiment adjacent, qui pourrait correspondre au Palais Épiscopal. Enfin, plus au sud, ce sont les quartiers d’habitation qui reverront le jour.

Un édifice caractéristique de Nice Autre site à livrer ses secrets : l’amphithéâtre de Cimiez. Le service Archéologie de la Ville de Nice a découvert le niveau primitif de l’amphithéâtre du Ier siècle, plus bas que celui qui existait avant les travaux de restauration du bâtiment. Aujourd’hui, grâce à cette découverte, presque un mètre d’élévation a été gagné pour cet édifice si caractéristique de la ville. Les fouilles ne s’arrêtent pas là. Le travail des archéologues a aussi permis la découverte de la route du XIXe siècle, qui passait au centre des Arènes, ainsi qu’un dallage antique permettant de sortir de l’amphithéâtre. Avec le quartier thermal des IIe-IIIe siècles de notre ère, situé à proximité, l’amphithéâtre de Cimiez témoigne de l’activité publique et urbaine de la cité antique de Cemenelum, créée à la fin du Ier siècle avant notre ère, par l’empereur Auguste (Chef-lieu de la province romaine des Alpes Maritimae, au Ier siècle de notre ère). Si les sources anciennes mettent en évidence l’intérêt de l’amphithéâtre par les érudits dès le XIVe siècle, c’est à partir de l’union du Comté de Nice à la France, que l’édifice va être classé aux Monuments Historiques, en 1865. Enfin, c’est dans la crypte archéologique de Garibaldi que les vestiges retrouvés sont sans doute les plus remarquables par leur intérêt historique et par leur degré de conservation : la Tour Parolière, large de plus de 8 m de diamètre, bordée par un fossé (avec pont-levis) ; le « Ravelin », mur de fortification placé au-delà du fossé pour protéger l’accès à la porte ; le mur du Bastion Pairolière de plus de 4 m de largeur ; le bastion de Saint-Sébastien et le fossé, avec le pont permettant son franchissement. L’objectif pour la Ville de Nice est maintenant que les visiteurs puissent admirer rapidement cette crypte sous forme de visites guidées et de cheminements avec des panneaux explicatifs. Les lieux seront mis en lumière, avec des ambiances sonores différentes en fonction des espaces et un espace d’exposition

© H. Lagarde

La vie des arts

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Dans le cadre de l’événement 150e anniversaire, la création,

“le rattachement ”

sur les fouilles et leurs interprétations historiques (colline du Château et Vieux-Nice).

sera jouée du 12 au 20 juin.

150 projets de proximité

22h Pièce de théâtre “LE RATTACHEMENT”

Si les deux précédentes commémorations de l’Union du Comté de Nice à la France ont eu un Place Pierre Gauthier - Cours Saleya caractère exclusivement festif et officiel, pour ce En plein air, devant le Palais des 150e anniversaire, Christian Estrosi a souhaité faire rois Sardes, Alexandra Lamy, preuve de plus d’originalité en offrant aux Niçois Mélanie Doutey et Samuel des réalisations durables qui concernent leur vie Labarthe parcourent l'histoire du quotidienne : 150 projets de proximité pour les Comté de Nice dans une pièce 150 ans. Le but est de rapprocher les habitants de originale et inédite imaginée par leur ville en créant, dans chaque quartier, les conditions d’une véritable proximité. Ce programme se Raoul Mille, écrite par Didier Van décline autour de quatre thèmes : Cauwelaert et mise en scène par > Une ville préservée et embellie Daniel Benoin. L’embellissement de l’avenue Jean Médecin, le ravaReprésentations en soirée les lement de la façade de la basilique Notre-Dame, res12, 15, 16, 17, 18, 19 et 20 juin. tauration de l’amphithéâtre des arènes de Cimiez, engagement de la restauration et ouverture au public Réservation des places du fort du Mont-Alban, rénovation et mise en lumière au 36 09 et sur nice.fr d’églises, chapelles et bâtiments communaux, amélioration de l’éclairage public avenue Malausséna, place Garibaldi… > Une ville verte L’extension du jardin Thiole, la création du parc des Liserons, création d’un jardin d’enfants dans le quartier Pasteur, aménagement d’espaces verts au 149 route de Turin, réaménagement des jardins Durandy, Plateau fleuri et la Pastorelle, création d’une jardinerie à Saint-Roman-de-Bellet… > Une ville plus proche et plus humaine Création de crèches à l’Ariane, boulevard Victor Hugo, création d’un Centre Jean Gilletta - Place Masséna et Casino municipal, ca 1898 d’Animation et de Loisirs à Saint-PanCollection Théâtre de la Photographie et de l'Image crace, réaménagement du club hippique, création d’un parcours sportif au parc de la Clua, aménagement d’aires Joseph Lucarelli - Cathédrale, place Rossetti, ca 1930 de jeux, ouverture d’un poste de police Collection Théâtre de la Photographie et de l'Image municipale avenue Cernuschi, nombreux aménagements pour personnes à mobilité réduite… > Une ville où l’on circule bien Elargissement de voies : avenue Sainte-Colette, route de Saint-Antoine-deGinestières, réaménagement de carrefours, réouverture de chemins : Riba Moula à Cimiez, Croix de la Sérénat à Gairaut, création d’emplacements pour les deux roues en centre ville, réalisation d’un revêtement antibruit boulevard de Cimiez… FS


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la vie des arts

figure de l'art

Bernar Venet compte parmi les artistes qui, par leur vivacité de chercheurs, ont amené quelque chose de nouveau à l’art. Sa faculté d’abstraction intellectuelle et son goût pour le raisonnement mathématique et l’expérimentation l’ont conduit à inventer l’art conceptuel.

Bernar Venet Lignes de conduite

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mètres de haut, 55 tonnes, un socle de 40 tonnes, telles sont les mensurations de l’impressionnante sculpture inaugurée début juin à Nice. Œuvre monumentale offerte par Bernar Venet, elle commémore le rattachement de Nice à la France, dont c’est le 150e anniversaire cette année, en symbolisant les neuf vallées qui forgent le comté de Nice. D’où son nom « Neuf lignes obliques ». Une œuvre qui a nécessité plus de deux mois de travail et plus d’un kilomètre de soudures, d’une valeur marchande de deux millions d’euros et réalisée par le cabinet Greisch, concepteur du viaduc de Millau… Ce qui en fait la plus grande d’Europe. Pourtant, Bernar Venet considère que c’est à lui que l’on fait un « magnifique cadeau », en lui permettant d’installer cette œuvre sur le toit du parking Sulzer, dans un environnement paysager de 1 500 m2 donnant sur

la mer. L’artiste ne compte d’ailleurs pas s’arrêter là. Outre l’arc du Jardin Albert Ier, il souhaite déplacer les Lignes indéterminées situées non loin de la Galerie des Ponchettes dans le parc du MAMAC et les remplacer par une pièce plus imposante encore, avant de terminer le parcours par une autre pièce monumentale, celle-ci consacrée à l’angle. Droits, courbes, angles… Tout ou presque, dans l’œuvre de Bernar Venet, est histoire de lignes et de mesures. Ou d’absence de, dans le cas des lignes indéterminées. Pourquoi la ligne ? « Parce que c’est un élément minimal, essentiel, simplifié au maximum ».

Un parcours non linéaire Quand, en 1958, Bernar Venet arrive à Nice, à l’âge de dix-sept ans, il échoue au concours d’entrée de l’École des arts décoratifs, « une chance ! », et intègre la Villa Thiole où, en un an, il fera le programme prévu en quatre ans. Engagé comme décorateur à l’Opéra de Nice, il part ensuite à l’armée pour 22 mois. « On me confie alors un atelier de 1 000 m2 et je commence à faire des choses… ». À son retour à Nice, il développe ses peintures au goudron, « parce que le noir, c’est le rejet de la communication facile ». Il commence la série des reliefs en carton (peintures industrielles) et, surtout, réalise sa première sculpture, Tas de charbon, sans forme spécifique, posée à même le sol. « Il peut y avoir dix Tas de charbon en même temps, explique-til. L’œuvre d’origine n’existe pas. C’est le concept qui existe ». Une pièce historique, novatrice, une proposition radicale qui l’amène à


figure de l'art

La vie des arts

La dernière œuvre de Bernar Venet sur le parking Sulzer à Nice © Toutes photos H Lagarde

développer l’art conceptuel, où plus rien n’a à voir avec le formalisme, la couleur ou la composition. « On est dans le langage ». Mais cela viendra plus tard car, à cette époque-là, personne ne s’intéressait à son travail. « C’était une époque héroïque, où j’étais obligé de faire la fin des marchés ou d’aller à la soupe populaire pour pouvoir manger ». Jusqu’à sa rencontre avec Arman, en 1963, et d’autres représentants du Nouveau Réalisme, comme César, Hains ou Villeglé, qui lui proposent de partager des expositions avec eux. Et puis, en 1966, c’est le grand départ pour New York, sur un coup de tête. Depuis, l’artiste y habite, quand il n’est pas dans son moulin du Muy à agrandir son champ de sculptures ou à nourrir ses cygnes. C’est à New York qu’il commence à travailler sur des dessins industriels et des sculptures de tubes et à découvrir l’intérêt des plans. « C’est aussi en 1966 que j’ai commencé à utiliser les mathématiques dans

mon travail, ce qui a constitué la base de tout ce qui allait suivre, en peinture comme en sculpture ». Il réalise ainsi ses premières œuvres à caractère monosémique et est exposé chez Léo Castelli, Paula Cooper ou Virginia Dwan. « Jusqu’à Kandinsky, on était dans le figuratif, avec une interprétation polysémique. Depuis, l’abstrait offrait une lecture pansémique, avec toutes les interprétations possibles. Moi j’ai introduit la monosémie, qui apporte un seul niveau d’interprétation, sans aucune ambiguïté, une seule information à partir du moment où l’on sait la lire ». Les tableaux d’équations, voire les séries de Saturations, où plusieurs équations se superposent jusqu’à en brouiller totalement l’information, ne ressemblent pas à quelque chose d’abstrait. « Et pourtant, les mathématiques sont le plus haut degré d’abstraction qui existe au monde », déclare Bernar Venet. C’est aussi un champ de connaissances que l’artiste ne comprend

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la vie des arts

MONACO

© Toutes photos H Lagarde

pas. « Mais Cézanne n’était pas botaniste, Malévitch pas géomètre ni Courbet minéralogiste ! ». Sa démarche a simplement été de prendre un champ de connaissances pour élargir le champ de l’art. Une démarche que personne, au départ, ne pouvait accepter comme étant œuvre d’art… « Or il s’agit d’un champ visuel colossal jamais exploré auparavant ! ».

Entre ordre et désordre Entre 1969 et 1975, Bernar Venet arrête sa production artistique pour des raisons théoriques, avant de revenir en force à son travail sur la ligne, sous toutes ses variantes et ses manifestations physiques. Il réalise à cette période les premières toiles de la série Angle et Arcs et des reliefs en bois : angles, arcs, diagonales, avant de concevoir, en 1983, les premières maquettes de ses lignes indéterminées. En acier, elles sont installées dans de nombreux espaces urbains et collections publiques, notamment à Nice, Paris, Berlin, Tokyo, Strasbourg, Pékin, Austin, San Fran-

cisco… « On se sent petit à côté des sculptures, mais si mon travail s’adapte bien à la monumentalité, il n’est pas conçu pour cela au départ. Je prends plus de plaisir à réaliser une sculpture de 20 centimètres de haut si elle est vraiment nouvelle. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas de m’exprimer mais de faire quelque chose qui n’a jamais été pensé avant ». Les Accidents, ses performances sur des barres d’acier tombant les unes sur les autres, sont, pour lui, mille fois plus créatifs. « Qui a dit qu’on ne pouvait pas mélanger ordre et désordre ? Ils sont complémentaires ». En ce moment, Bernar Venet travaille beaucoup sur la peinture et notamment sur le doré, une couleur culturelle, en hommage à Giovanni Cimabue, peintre italien de la pré-Renaissance. Pourquoi ? « Parce que c’est à l’opposé de ce que l'on attend de moi ! ». Ses œuvres, Bernar Venet aime les concevoir, par ordinateur, et les voir une fois finies. Les faire, c’est un travail d’artisan dont il se passe bien. « De jeunes peintres qui ont besoin de travailler le font bien mieux que moi ». Aujourd’hui, 25 sculptures monumentales sont installées à travers le monde. Le 10 juin, une de 38 mètres a été inaugurée à Séoul. Et l’artiste travaille à une sculpture de 90 mètres pour la ville de Salzbourg, qui devrait être inaugurée à la fin de l’année. En 2011, il exposera à Versailles. Et après ? « J’étais déjà là pour le 100ème anniversaire du rattachement de Nice à la France, je suis là pour le 150ème, alors dans cinquante ans, je ne sais pas ce que je ferai ! ». FS


figure de l'art

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Jérémy Taburchi

liberté & spontanéité À 36 ans, Jérémy Taburchi est le créateur du personnage du chat rose, incisif et méchant, qu’il pose sur des toiles ou dans certains titres de presse. Né d’un essai graphique, le chat sera bientôt le héros du scénario d’une bande dessinée qui se déroulera à Nice. Portrait d’un artiste qui a su imposer sa griffe.

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Essai transformé Il tente alors de concilier ces deux aspects en utilisant des techniques surréalistes d’écriture et de dessins spontanés. « Des automatismes psychiques, comme disait André Breton. Si les toiles sont surréalistes dans leur conception, elles donnent une place plus importante au verbe qu’au symbole ». Jusque sur la tranche, où Jérémy laisse s’exprimer son humeur du moment. Écologie, crise financière, les grands thèmes qui font les titres des journaux d’aujourd’hui, il les exploite déjà. Jusqu’aux insultes. « Cela défoule ! Avec ce style, je ne triche pas, je n’ai pas d’impératif, je suis authentique dans ce que j’écris. Sans compromis. J’étais sans doute plus libre à l’époque de ces toiles, car je n’envisageais pas qu’une carrière artistique puisse être possible. Même si j’ai eu envie de réaliser une série, histoire de voir ce que donnait l‘ensemble, dans une certaine homogénéité graphique ».

À

douze ans, il tenait son premier ordinateur entre les mains. Un univers visuel qui l’a forcément marqué. Plus tard viennent les premiers essais de celui qui allait devenir son personnage star : le chat rose. « Je m’essayais alors à l’utilisation de la tablette et c’est plus compliqué que de tenir un crayon ! Même si le gros avantage, c’est de pouvoir faire contrôle Z quand tu n’es pas content de ce que tu as fait ». Déjà coutumier des encres de Chine et de la peinture à l’huile, Jérémy Taburchi s’amuse ensuite à peindre son chat méchant, en 2004. D’abord à l’acrylique sur des grandes toiles, le personnage est ensuite invité à paraître dans un magazine tous les quinze jours sous la forme de petites bandes dessinées de deux à trois cases, des strips. Le chat en train de faire une overdose, c’était un essai. Graphiquement amusant, et novateur. Et c’est de là que tout est parti. Mais pour sa « vraie » première toile, l’artiste était pourtant loin de cet univers. Passionné par l’esprit et la sobriété du pop-art, il peint son premier portrait en 2004, celui de Gandhi. « J’ai eu des premières commandes mais cet argent facile ne me satisfaisait pas car ce n’était pas très créatif ». Rapidement, le monde de l’infographie oriente ses créations, dans un style coloré et vivant, inspiré tant par l’actualité que par son monde intérieur.

Cat of Liberty (Sky Color) 2010 Résine et peinture acrylique et coffrage bois. Exposé à la galerie Ferrero

Des essais, toujours. Avec le chat, l’essai est transformé. Acide, corrosive, sadique, manipulatrice, égoïste, la sale bête n’en est pas moins touchante : elle dénonce sans relâche les injustices dans lesquelles la société la plonge. C’est le cas dans la bande dessinée sortie en 2009 aux Éditions Baie des anges, « Le chat qui dérape ». En attendant celle qui sera publiée en octobre prochain, avec Nice comme toile de fond du scénario, « une matière


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Planches et dessins à l'atelier de l'artiste

«

Je ne triche pas, je n'ai pas d'impératif, je suis authentique dans ce que j'écris. Sans compromis.

Abu Graïb acrylique sur toile 80x80cm. Critique politique du scandale des tortures par les soldats américains en Iraq.

«

comestible que l’on peut tordre à merci », indique l’artiste. Pour autant, le chat rose ne délivre pas de message général. « Le message ? Il existe toile par toile. Les petits formats naissent d’une bonne idée graphique, d’un concept ou d’une émotion ». En toute simplicité. Comme lorsqu’on voit le chat baver devant un petit oiseau dans une assiette. « Je devais avoir un peu la dalle à ce moment-là ! ». Les formats plus grands, quant à eux, sont plus méditatifs. « Il me faut plus de place quand j’ai plus de choses à dire. » Là encore, avec une petite phrase qui court sur la tranche, histoire de rehausser le graphisme. « Le chat rose, c’est moi. Nous évoluons de la même façon. Et ces derniers temps, il s’est un peu assagi… ».

Remuer le milieu Au total, le chat rose compte une soixantaine de productions. Même si certaines sont parfois détruites pour donner naissance à d’autres. Car Jérémy Taburchi est un adepte du recyclage. Et des moyens du bord. Il n’a plus de toile ? Il peint sur un tapis ! Pas de pinceau ? Il peint son autoportrait à l’aide d’une carte de visite… Silicone, plâtre, Jérémy Taburchi s’adonne aussi aux essais de matières. En témoignent les créations hétéroclites et les taches de peinture qui jalonnent les

murs et le sol de son petit atelier situé non loin de Monaco… Créatif et novateur, Jérémy l’est tout autant dans son approche du milieu de l’art, qu’il veut rationnelle et commerciale. « Je voudrais remuer ce milieu et le débarrasser de ses tendances conceptuelles qui ne m’intéressent pas. Je ne comprends pas les artistes maudits, dépressifs, qui s’enterrent au fond de leur atelier et qui se plaignent. Pour moi, la création doit être solaire, elle est synonyme de joie et de bonheur ». Tout comme sa conception de la communication, pour laquelle il exploite les réseaux sociaux, comme les réseaux tout court. « Il faut être créatif dans sa relation aux médias, assure-t-il. Et la bande dessinée est un bon outil pour ça ». Ce jeune artiste qui a découvert l’art au MAMAC, « pour moi c’est ça l’art contemporain, ce goût de la liberté, cette évasion vis-à-vis de la technique », est depuis quelques mois exposé à la Galerie Ferrero, à Nice. Pour le gamin qui ouvrait grand les yeux en passant devant cette institution, c’est une véritable preuve de confiance et de reconnaissance. « Du bonheur, tout simplement ». FS

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Christophe Lorenzoni À la découverte des contenants perdus.

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Il a donné ses lettres de noblesse à une matière qui après avoir rendu bien des services à l’homme finit au bord de la route, Lorenzoni sculpte le carton pour en faire des meubles d’art. Depuis deux ans des barriques ont droit au même traitement. Qui est cet artiste qui donne une seconde chance aux matériaux abandonnés ?

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l a l’humilité de ces artisans qui œuvrent dans l’ombre des arrière-cours. Son atelier est justement dans l’une d’elles sur le boulevard de Cessole non loin de la maison de l’environnement. Un comble, car c’est au milieu des années 90 que Christophe deviendra l’un des pionniers de ce que l’on appellera plus tard le récup’art. Une tendance verte qui fait rage aujourd’hui mais qui à l’époque fit de notre homme un bricoleur inspiré à la sauce Lépine. Il est vrai que depuis que ce produit dérivé du papier fut inventé au XVIIIème siècle pour des usages variés dans l’édition, le carton s’est contenté de jouer dans la cour des manufactures. Seuls dans les années 70 quelques designers comme Frank O. Gehry s’y intéresseront un temps.

Itinéraire d’un « cartoniste » « Quand j’ai eu cette idée j’avais vu des petits meubles en carton plié mais c’est l’accumulation d’emballages dans la rue qui m’a décidé. Je déteste jeter ». On le croit volontiers car le deuxième

niveau de son atelier est un grenier mansardé où la présence humaine semble à peine tolérée par une foule d’objets et matériaux qui attendent patiemment leur heure. Christophe, d’origine corse, est né en région parisienne en 1966. À 16 ans il gagne le sud. La Corse d’abord où ses parents tiennent un hôtel puis Nice où il intègre l’école hôtelière en 1988. Il rentre au service de la restauration du Palais Maeterlinck où il restera jusqu’en 1994. Époque où il commence à façonner avec du carton ses premiers sièges. Christophe est autodidacte mais a des prédispositions. De son père, il a hérité d’une main sûre de bricoleur : « Tout petit je m’amusais déjà à trafiquer mes voitures majorettes, j’aimais bâtir des cabanes dans les arbres. Ensuite j’ai appris la gravure sur bois, la soudure mais aussi la couture sur la machine à coudre de ma mère dont je me sers encore aujourd’hui ». Un coup d’essai, un coup de grâce ! Dans son atelier du vieux Nice Christophe accouche d’une gamme unique exposée en galerie dès 1996 : « Je sentais que les frontières devenaient de plus en plus poreuses entre


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l’art plastique en perte de repères et le design. Mon travail évolue d’ailleurs aux confins du design, de l’artisanat, du recyclage et de la sculpture contemporaine ». Mais cette tendance « fusionnante » est encore balbutiante. Alors ses « sculptures-meubles » étonnent, mais peu de ventes à la clé. À partir de cartons ondulés récupérés sur le pavé et encollés en plusieurs couches puis taillés selon le gabarit, il ponce puis vitrifie pour obtenir un objet fini résistant, Christophe accouche ainsi d’une gamme de fauteuils et petit meubles dont les lignes n’ont rien à envier à celles des stars du design danois (il sera même approché par des architectes pour réaliser des meubles). Ses sources d’inspirations sont multiples : « J’ai essayé de donner au carton une deuxième vie plus grande que la première. En fait j’ai commencé par reproduire du Louis XV et des modèles d’après magazines puis est venue une phase plus personnelle, où j’ai exploré la matière par plaisir en m’inspirant de tout, comme ce fauteuil aux formes calquées sur un minutier cubique de cuisine ou cet autre dont la courbe évoque la démarche de Bugs Bunny ».

Comme Bacchus sur son tonneau Mais cet engagement créatif lourd (une vingtaine d’heures pour un seul modèle) n’est guère lucratif et le carton maudit fait toujours hésiter les acheteurs potentiels. De plus ses œuvres sont impossibles à reproduire. Et progressivement la denrée abandonne le pavé sous la poussée du tri sélectif. Alors Christophe reprend du service dans la restauration. De 1999 à 2008 il travaille dans le restaurant le « 20 sur Vin » qui ouvre à Nice, avec « La part des Anges », la brèche des bistrots « œno-gourmand ». C’est au contact de cet univers où Bacchus passe les plats qu’il décide de

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détourner un autre contenant : la barrique : « Je continuais parallèlement à mon job à travailler le carton à temps perdu ». Mais dans son nouvel atelier de Cessole acquis en 1998 Christophe grâce aux contacts noués avec les vignerons commence à inviter la barrique bordelaise. Des fûts d’une capacité de 225 litres que des viticulteurs rhodaniens et bourguignons lui cèdent, le bois perdant au bout de 15 ans ses facultés d’échange avec le vin. Ainsi grâce à deux modèles de chaises qui se vendent rapidement (certaines décorent aujourd’hui le « 20 sur Vin » et « La part des anges ») Christophe quitte le zinc pour revenir à l’établi. C’est à partir des lamelles bombées (les douelles) qu’il imagine « la mémé » du nom d’une cuvée vinifiée dans les premières barriques récupérées. Depuis deux ans, cette collection signée « 225 litres » s’est élargie trouvant son public : « Les douelles pour les assises c’est facile pour les tables basses j’ai du me servir des fonds de tonneaux ». En tout, c’est une vingtaine de créations qu’il présente désormais dans les foires et salons de vins de Deauville à Saumur, du Beaujolais au Bordelais et qui séduisent tous les acteurs de la filière comme les amateurs de grands crus. Car juste brossées et vernies les douelles gardent la patine des cépages qu’elles ont accompagnés : Gamay, Pinot noir, Vosne Romanée etc. « Sur un meuble je travaille avec le même fût pour avoir avec une teinte unique ». Après avoir créé une bibliothèque en hommage à Tinguely, Christophe travaille aujourd’hui sur une installation à système d’engrenages qui ouvre une vieille malle en carton faisant office de meuble de rangement. « La ligne 225 litres me fait vivre, le carton c’est mon expression libre, je n’ai pas fini mon histoire avec lui » explique cet incorrigible aventurier des « contenants perdus ». OM

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Chris Tiboise Bidonville Passer de la caméra au bidon c’est le grand écart que Chris Tiboise s’est offert pour parler de ses contemporains au travers de ses obsessions, peurs et doutes. Aujourd’hui ses bidons hurlants côtoient les œuvres non moins affables de Ben à la Galerie Ferrero.

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nfant lorsqu’il façonnait des soldats de plomb, Christophe montait-il une armée sans le savoir pour affronter sa future vie d’adulte ? En tous cas sa seconde rencontre avec la matière l’a conduit à tout laisser tomber à 30 ans pour apprendre un nouveau métier. Et c’est en autodidacte qu’il est parti à l’assaut de l’art contemporain, bille en tête. Car il est comme ça, Chris, fonceur mais pas téméraire, crâneur mais pas tête brulée ! Et des ambitions s’il en a, il veut les réussir à sa manière. Doux rêveur, utopiste ? Plutôt non, lucide tendance dure. D’ailleurs ses bidons exposés chez Guillaume Aral cachent mal derrière leurs jolis motifs quelques blessures.

Travis is Back « Be / the more / Her » peut-on lire en assemblant comme un cadavre exquis les mots peints sur chacun des fûts. Ce triptyque de bidons sur lesquels on peut s’assoir est un de ses derniers exercices d’exorcisme. Le Petit Prince y dialogue avec d’autres figures imposées aux moins de 18 ans, plus actuelles comme ces « ugly hit » vendus aujourd’hui à la chaine. Et les fillettes en mini jupe de

décoller, de perdre la tête, de flotter comme le cerf volant qui a cassé son fil. Chris aime mêler dessins et mots « pour pointer les codes, morale, religion tout ce qui peut enfermer l’humain ». Le Pop art le fit mais les temps changent et son langage tient plus du SOS que de la revendication. Y a-t-il péril en la demeure ? De « Virgin suicide » au massacre de Columbus (« Elephant ») : « ce travail est sur le thème du suicide, de l’auto-destruction, où comment l’enfance peut s’abimer en percutant le monde adulte » explique Chris qui se sert de ses bidons comme d’un écran. Un de ses premiers sujets invité sur le métal froid fut d’ailleurs un certain Travis « J’ai fait mon mémoire sur Martin Scorcese. Le personnage de Travis joué par De Niro dans « Taxi driver » est l’exemple type de psychopathes que l’on peut fabriquer au quotidien. Travis c’est n’importe qui, tout un chacun ». Le cinéma, Chris s’en nourrit très librement. Très librement car après avoir fait ses armes derrière la caméra comme assistant il a pris ses distances : « Je voulais sortir du système de respiration par procuration. Porter un projet personnel. À 30 ans j’ai décidé d’arrêter et de me lancer dans la sculpture ».

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© Courtesy C. Tiboise

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© Courtesy C. Tiboise

de bras ! « Up and down » c’est une parabole Depuis Christophe fait des tonneaux mais en des dérives de la finance : « Une petite mesort toujours indemne, a t-on envie de dire tropolis soumise à l’indice Bull & Bear avec tant cette sortie de route semble aujourd’hui ses tours empilables comme un jeu de maslui réussir. « Les tonneaux c’est pratique, je sacre où l’on peut voir en ombre chinoise les récupère dans les garages. J’en ai pris un, aux fenêtres les bulls, les bears et parfois pour faire une table, puis le besoin de m’exun crocodile qui surfe sur la vague ». Avec primer fut plus fort. J’ai décidé d’en faire un « Dont believe the hipe » il tord le cou à une siège, je n’avais pas la technique mais j’ai tendance du marché qui conduit certains trouvé quelqu’un pour m’aider. C’est pas créateurs à confondre produits de consommal, on m’a dit ! J’ai appris à souder et me mations courantes et œuvres d’art. « Pour suis lancé. Un copain me prête un atelier. être belle » c’est la presse people, la presse J’en sors une vingtaine d’un coup. À la maipoubelle. Et l’électron libre de délivrer son son je passe comme un fantôme mais je sens message pas toujours où on l’attend. Après que je suis sur la bonne voie. Je me rends un passage à Opera Gallery, il investira l’ate© Courtesy C. Tiboise compte que j’en ai besoin, c’est thérapeulier-galerie-logis parisien de Laurent Godard, tique ». « Ma vie elle ne va pas assez vite/ le créateur de « Flatteurville » qui a investi la Alors je l’accélère/ Je la redresse » chantait piscine Molitor pour y créer des expositions. Daniel Darc, Christophe à sa façon négocia un nouveau virage. Après une première série de bidons en noir et blanc, Chris est Sous un faux air à la Tarantino, mâchoire carré, front volontaire, passé à la couleur depuis 2008 : « J’arrive à créer quelque chose de il cultive comme le réalisateur un penchant pour le trash : « Je ne coloré qui reste très sombre. J’aime faire quelque chose de conforsuis pas un rebelle, mais j’aime l’idée que je puisse déranger à table sur des sujets qui ne le sont pas. La contrainte devient alors travers mon travail un système en place. Et la récup c’est bien, tu un atout ». En surfant ainsi sur la mode du design, de l’objet culte, peux aller dans plein de directions différentes. J’assemble, pour de la customisation, Chris Tiboise semble avoir trouvé la bonne arriver à mes fins ». Ça tombe bien la société est elle aussi un work veine : plus « let it bleed » que « let it be » mais toujours avec une in progress. Un chantier qui laisse pas mal de gens sur le bas coté. bonne dose de sang froid ! OM Son « Home less home » contamine ainsi le « home sweet home » du rêve américain : « Un sans abri à la maison, c’est un coup Travis Bickle, le personnage principal de de gueule. Quand j’ai fait ce bureau sur le Taxi Driver de Martin Scorsese et palme d'or 1976 était de retour sur la Croisette thème des SDF, il y avait ces tentes sur le 34 ans après à travers l'œuvre "Travis is Canal Saint martin. J’ai trouvé intéressant de back" produite en 2008 par l'artiste Chris pouvoir faire rentrer un œuvre au noir dans Tiboise ! une maison claire. En fait j’aime l’idée du C'est avec la complicité de Jean Bernard loup dans la bergerie ». Ainsi transformeraa l'origine du salon Art Affair Cannes édition 2010 que cela a été possible. Suite t-il le parking de Mamadou Baya Yoko, une a leur rencontre sur le salon Art Monaco star de l’OGC Nice : « Je l’ai rencontré par 2010, Jean Bernard accepte que Chris Tihasard. Et il accepté que je transforme son boise rejoigne les exposants du salon qui garage à Fabron avec une installation ». Un aura lieu tous les ans pendant la période du festival international du film. Faire bureau sur des fûts « Home less home », revivre le personnage mythique joué par un PC, un caddie et l’installation éphémère Robert De Niro dans l'ambiance de ce voyait le jour. Et s’il se défend de toutes lieu d'exposition mêlant des artistes tels postures militantes, Chris avoue être en coque Warhol, Ben et beaucoup d'autres est lère « contre la désinformation, les discours apparu comme une évidence à ces deux passionnés d'art contemporain. éhontés, l’abus de certains pouvoirs ». Ainsi © Courtesy C. Tiboise armés de ses bidons l’artiste vidange à tour

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Attention : Sculptures en liberté ! L’été est la saison préférée des sculpteurs car avec le retour des beaux jours leurs œuvres fleurissent dans les jardins, les sentiers, en ville comme à la campagne. Nos voisins varois semblent s’en être fait une spécialité. Petit guide pour bronzer artistiquement du rivage aux collines. Botero à Saint-Tropez : C’est énorme !

Sphynx, 1995 - Bronze 3/3 234x273 cm © Galerie Malborough Monaco

Man on a horse, 2008 - Bronze 33 325x250x175 cm © Galerie Malborough Monaco

On aura tout vu en matière de pin up à Saint-Tropez mais des femmes comme ça jamais ! Alors que le Musée de l’annonciade célèbre les filiformes égéries de Modigliani, Fernando Botero dévoile ses dames bien en chair (et en bronze) dans toute la ville. C’est sur une proposition de la Galerie Marlborough - qui l’an dernier avait déjà envoyé les œuvres de Manolo Valdès se faire voir de la place des lices au port - que les sculptures du célèbre artiste colombien prennent des vacances dans le village provençal que le monde entier nous envie. Ainsi après Florence, New York, Paris, Venise, Tokyo, Madrid et Berlin, la Ville de SaintTropez accueille du 26 juin au 31 octobre les nouvelles œuvres monumentales de Botero. Cinq sculptures en bronze qui animent les lieux clés (place Grammont, place de la Garonne, quai Suffren et quai Jaurès.). Une étrange ambassade : deux créatures féminines, l’une debout, l’autre allongée qui s'impose dans leur nudité et leurs courbes voluptueuses ; un Cheval, sculpture robuste et majestueuse montrée pour la première fois ; l’Homme à cheval, clin d’œil à la tradition de la statue équestre et enfin un Sphinx au regard bienveillant, interprétation très libre de la mythologie. Fernando Botero qui vit et travaille entre Paris, New York, Monaco et Pietrasanta a dès 1958 trouvé ce style qui confère chaleur et intimité au monumental. Il s’en explique : « Un jour, après avoir énormément travaillé, j'ai pris un crayon au hasard et j'ai dessiné une mandoline aux formes très amples comme je le faisais toujours. Mais au moment de dessiner le trou au milieu de l'instrument, je l'ai fait beaucoup plus petit et, soudain la mandoline a pris des proportions d'une monumentalité extraordinaire ». C’est donc sur un air de guitare que tout est devenu opulent dans l’univers fantasmagorique de Botero. Ses personnages comme les objets qui les accompagnent s’y expriment à travers la dilatation des formes et la déformation des corps. Mais ne lui dites jamais que ses personnages sont gros : « Gros, mes personnages ? Non, ils ont du volume, c'est magique, c'est sensuel. Et c'est ça qui me passionne : retrouver le volume que la peinture contemporaine a complètement oublié ». Et pour cause, car l’œuvre de Botero repose sur une sensualité héritée de l’art précolombien et d’emprunts à l’histoire de l’art notamment à Ingres et à la mythologie grecque. La sculpture qu’il aborde à partir de 1973 affine cette quête plastique. L’artiste ne retient que des formes et lignes pures qui lui permettent de forcer le trait sans que les volumes ne perdent leur rythme vital. Un style qui lui a permis de son vivant d’être exposé de par le monde et d’intégrer les plus grandes collections et, à New York, deux place fortes : le Solomon R. Guggenheim Museum et The Metropolitan Museum of Art.


Standing woman, 2007 Bronze PA 1/2 360x150x150 cm © Galerie Malborough Monaco

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1. Jacky Coville - Tulipe 2./3. Céramique de Michel Muraour Gallery garden 4. Tassou - B-TREE 5./6. Œuvres d'Alain Boullet 7. Célia Gouveiac - Yes to life ! 8. Tassou - Installazione Corten Page suivante : 9. Etiye Dimma Poulsen 10. à 13./15. Œuvres d'E. Dimma Poulsen 14. Jean-Yves Lechevallier - Red Love 16. Marcel Pinas - Installation de cuillères © Courtesy Galerie Beddington Fine Art

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Gassin : Purs sangs et sculptures C’est sur les hauteurs de St-Tropez, à Gassin que l’on retrouve nos sculptures en cavale dans un superbe haras plus habitué aux purs sangs. « Les sentiers de la Sculpture » un concept initié par Corinne Schuler au Polo Club St-Tropez, c’est la bonne surprise de la saison ! Présidente de ce club très prisé, inscrit dans le circuit international de Polo mais aussi grande amatrice d'Art Contemporain, Corinne a souhaité ouvrir son espace privé aux visiteurs de la presqu'île en leur proposant un événement culturel autour de l'art contemporain. Confié au Directeur du Polo Club, Jean Dominique Gontrand et à Valérie Penven (Commissaire d'exposition), ce parcours tracé sur les 24 hectares du domaine offre du 18 juin au 30 septembre un véritable musée en pleine nature. L'idée directrice : créer un itinéraire de sculptures figuratives et abstraites évoluant du minimal vers le monumental en invitant une douzaine de créateurs confirmés dont la plupart ont un atelier en Riviera. Jacky Coville, Philippe Pastor, Bernard Reyboz, Marion Burkle, Tassou, Alain Boullet, Nicolas Lavarenne, Bruno Lucchi, Florence Jac-

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quesson, Jean-Yves Lechevallier, Manser, Ali Ben Messaoud et Célia Gouveiac sont au générique de cette grande première. Des artistes d’origines, de générations et de pratiques différentes qui forment une pluralité de propositions, de l’installation plastique aux sculptures plus classiques. Des regards croisés et des matériaux très divers mis en œuvre (Céramique, bois, marbre, bronze, résine etc.) qui nourrissent le propos et permettront à tous de flâner en laissant son esprit passer de la rêverie à la réflexion. Invité d'honneur des « Sentiers de la sculpture » la Fondation Dali présentera en clin d’œil au lieu qui l’accueille une œuvre muséale du génie espagnol, « Le cheval scellé avec le temps ».

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Haut var : Dans le jardin secret des collectionneurs Mais le Var est aussi la patrie des collectionneurs privés. Bon nombres d’entre eux (souvent d’origine anglo-saxonne) ont élu domicile dans sa belle campagne sauvage 9 pour y ouvrir leurs galeries et jardins d’art. C’est le cas de Guy et Michèle Beddington qui perpétuent ainsi une longue tradition familiale qui fait que depuis le XIXème siècle les Beddington sont peintres, galeristes, mécènes, experts, ou mar10 chands d’art. Dès 1985 le couple organise des expositions itinérantes, en Angleterre, en Europe, en Provence et sur la Riviera, toujours dans des sites de caractère. C’est ainsi qu’ils commencent par partager leur temps entre Londres et le Haut Var, où ils restaurent un vieux mas du XVIIIème siècle. En 1998 Guy et Michèle, « las de leur vie ci11 tadine et de salons d’art trop mercantiles » quittent définitivement le brouillard de la City, pour s’installer à Bargemon au cœur d’une oliveraie non loin du village. Et en l’an 2000 les deux étages de cette « maison de maître » deviennent Beddington Fine Art, une galerie où le couple continue à assouvir sa passion 12 à raison de 5 à 6 expositions par an. En 2008 toutes les restanques sont défrichées, les murs en pierres consolidés et sculptures, installations et céramiques commencent à investir le lieu. Cet été Beddington Fine Art 2010 fête son 10ème anniversaire à Bargemon en lançant officiellement l’ouverture de ses jardins sur rendez-vous. Depuis le 12 juin une série d'imposantes sculptures d'ombres de Stefan Szczesny ont pris possession des jardins mais la galerie vous offre tout cet été sur RV ou lors des deux journées de vernissage les Samedi 26 juin et 17 Juillet un florilège d’œuvres autour de ses sculpteurs résidents ou fidèles. Parmi cette trentaine d’artistes : Pierre Theunissen, invité l’an dernier à Cannes par Frédéric Ballester (Directeur du Centre d'Art la Malmaison et fidèle de la galerie varoise), les étranges colonnes et monolithes de céramique de Michel Muraour, ancien élève de Josep Llorens Artigas qui collabora aux céramiques murales de Miró et à la création de l'atelier de la Galerie Maeght à St Paul ; les installations du brésilien Marcel Pinas, les empreintes fossilisées de Frédéric Lange, entre végétal et minéral, bois et bronze et les dernières créations de Etiyé Dimma Poulsen. Une artiste d’origine éthiopienne (vivant à Anvers) qui réinvente les « archétypes » d’un « art primitif » où transparait la nostalgie de sa terre natale (couleurs vives, craquelures).

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Autre bastion vert de l’art contemporain qui rivalise dans la campagne de Carcès avec les galeries citadines : le Jas de la Rimade, créé par Béatrice et Marcel Heinz en 1986, sur les fondations d’un ancien domaine templier. Depuis plus de 20 ans ce vieux mas et sa bergerie restaurés présentent les artistes de la galerie et toutes les facettes de l'art contemporain international lors d’invitations temporaires. Entre vignobles et pinède, un important jardin de sculptures s’est ouvert entre autres au travail monumental et statuaire de Nicolas Lavarenne, aux formes douces et énigmatiques, de Bernard Reyboz, (tous deux invités aux « Sentiers de la sculpture ») mais aussi aux sculptures de Marie Vermuth ou, Jean Marie Fondacaro qui expose ici depuis plus de dix ans. Plus modeste en taille La Galerie « The Orange Tree » est nichée elle sur les collines de Seillans, ce village où vécut Max Ernst (et qui abrite une partie de sa collection). Les artistes permanents sont Tessa Peskett (peinture) qui avec son mari Nigel Cox ont créé le lieu, et l’anglaise Lisa Lindqvist (sculpture). Deux artistes à découvrir cet été lors d’une exposition de groupe qui accueillera également à ciel ouvert les œuvres des sculpteurs Jean-Louis Corby et Peter van borssum waalkes (hollandais). OM



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Maurice Maubert Une Odyssée niçoise

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aurice Maubert est né en 1960. Très tôt le crayon le démange et sur les bancs du lycée du Parc Impérial, qu’il avoue avoir fréquenté avec parcimonie, il commence à dessiner. Intégrer ensuite la Villa Arson ? « Pourquoi pas, en 1978 il fallait juste le niveau BAC et passer un entretien dans le réfectoire ». Alors qu’il n’a amené avec lui que quelques dessins, le voilà admis ! L’aventure tournera court, Maurice est surtout attiré par la BD un genre peu gouté alors dans le cénacle de l’art contemporain. Et puis par l’entremise d’un parent, il monte à Paris voir Raymond Moretti qui le guide vers le directeur du magazine « Pilote », qui l’envoie vers un grand dessinateur. Et de fil en aiguille, Maurice finit par se retrouver… à la case départ. À Nice, il fait ses gammes en dessinant pour la pub, l’édition * et des fanzines. C’est à cette époque qu’il commencera à croquer pour la revue niçoise « La Ratapignata ».

Des Indes à Saint Roch

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Toutes photos © H. Lagarde

Il fut de ceux qui fondèrent « Nux Vomica » et la première friche niçoise à Saint Roch. Le parcours du plasticien Maurice Maubert est atypique comme son œuvre, une invitation au voyage, une quête surréaliste à la sudiste ?

« Jusqu’à 25 ans je ne fit que dessiner, quand j’ai eu envie de peindre je suis allé voir Pierrot la valise, un vieux peintre niçois qui m’a appris les fondamentaux ». C’est au retour d’un périple de plus d’un an en Asie en 1987 où il sillonnera le Tibet, le Népal, l’Inde et la Chine que Maubert réalisera une première série de douze toiles « figuratives, réalistes avec une touche mystique ». Des peintures exposées deux ans plus tard à la vue de tous les niçois sur les fenêtres de la Bourse du travail (place Saint François). Maubert se nourrit d’ailleurs aussi de rencontres au pays : « Richard Cairaschi du temps où je travaillais au Bar des oiseaux ». Puis vint Louis Pastorelli, un complice qui reste un ami cher : « Il rentrait du Brésil où il


La vi e d e s a r t s

Que pasa © Courtesy Maubert

avait vécu deux ans. On est parti ensemble à Prague où l’Europe fêtait la fin du stalinisme. Quand on est revenu on s’est mis à chercher un lieu pour travailler, c’est comme ça qu’on a pris possession de cet ancien dépôt de bus à Saint Roch ». 3000 m2 qui entreront dans la légende niçoise en accueillant de 1990 à 1993 tout ce que compte en créateurs la région lors d’événements alternatifs, dont le fameux carnaval indépendant. Autour de « Nux Vomica » qu’il fonde avec Louis Pastorelli, Vincent Calassi « et le regretté JeanLuc Migliore », la création locale se cristallise « Louis voulait agir sur le social, il voulait faire du musical mais comme nous avions tous d’autres cordes à nos arcs, on a vite débordé du cadre. Serge Dotti est venu faire de la scène, Thierry Lagala chantait et réalisait des performances. Quand on a commencé à faire nos expos, Ben, Jean Mas nous ont rejoint, puis Eusebi, Moya etc. ». D’autres encore passeront par là, liés par la musique et la culture Occitane tels les phocéens de « Massilia sound system » ou les « Fabulous troubadors ». « Jean Luc Sauvaigo servait de liant dans ce melting pot bouillonnant tout en restant dans l’ombre » souligne Maurice qui après l’expérience « Nux Vomica » où il fit des projections sur scène, se mit à s’intéresser aux installations et à élargir sa voilure pour voguer vers d’autres rivages.

Santa Manza : et la nave va ! Il a commencé à peindre des barques puis la mer est venue. Le grand bleu - via La méditerranée et l’horizon - a peu à peu envahit son travail. Mais les barques de Maubert sont arrivées d’abord devenant progressivement organiques, une barcasse mutant en carcasse, comme un squelette humain. Parce que l’un n’avance pas sans l’autre, ne vit pas sans

Santa Manza © Courtesy Maubert

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l’autre. Parce que d’Ulysse à Colomb via le pécheur et son pointu, l’homme s’est toujours nourri de la mer, biologiquement et spirituellement. « La Barque, depuis Dante c’est une métaphore qui permet de traverser le destin » rajoute Maurice qui avoue être fasciné par cette invitation houleuse, cette respiration naturelle. « La voile est née avant la roue. Je ne suis pas passéiste mais j’aime le cargo, c’est un voyage lent pour sortir de la rapidité actuelle, c’est une lecture du temps différente de celle que l’on connaît aujourd’hui ». Alors en 2008, la Santa Manza accoste à la Galerie de la Marine. Une toile de 2,50 mètres, un embarquement pour d’autres sud : « La Santa Manza c’est la sainte Génisse, un nom de cargo inspiré du site corse éponyme et d’un bateau qui resta longtemps à quai à Nice, le Capo Rosso ». Sur ce géant rouillé, usé par les flots acides, il embarque tel Noé ou plutôt Fellini dans « Et la nave va » son genre humain, une cosmogonie à la dérive, un casting à l’encre sur papier. Des sujets dessinés d’après photos qui sont ensuite assemblés, comme un story-board mis en dialogue avec la toile. « J’ai des archives où je puise tous ces personnages en errance issus

du quotidien comme ce colosse slave, violoniste de rue, ou empruntés à la fiction tel Harry Dean Stanton dans Paris Texas ». Et puis dans ce voyage « imaginaire en cinémascope » il y a aussi « Lo passatgin enigmatico », l’autre figure récurrente. On l’a vu en dessins, sculptures, enfoui sous le sable à Cap d’ail, à l’arboretum du Roure dans les parcours de « No made » puis face à un taureau/minotaure au cœur d’installations. Mais d’ou vient-il et où va-t-il l’homo Maubertus ? « J’ai toujours été intéressé par la science-fiction. Cet homme n’appartient pas à la mémoire du passé mais déjà au futur ! » explique celui qui peignit un immense olivier éclairé par des balises d’aéroport. Des racines et des ailes ? Maubert qui exposa peu (par choix) mais souvent dans des lieux liturgiques (Monastère de Saorge, Madonne d’Utell, Chapelle des pénitents) serait-il derrière son allure débonnaire un peintre mystique ? « D’une vie mystique où l’humain prend le dessus, ce qui apporte un peu de légèreté, de liberté ! » précise l’artiste niçois qui depuis le 3 juin vous embarque dans sa nouvelle odyssée à l’Atelier Renato Soardi. OM

*Les Contes du Vieux-Nice de Serge Dotti, - Un serat fodrat de Jean-Luc Sauvaigo, (Z’éditions)

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la vie des arts

littérature

Alain Amiel :

Alain Amiel, écrivain, critique d’art et éditeur niçois vient de signer une biographie aussi complète que singulièrement fouillée sur Van Gogh. Un livre qui clôt près de 10 ans de recherche et trois autres ouvrages relatant la trajectoire du peintre.

Dans la peau de Van © H. Lagarde

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Vincent Van Gogh a débarqué dans ma vie sans prévenir aime à dire celui qui depuis dix ans vit dans la peau du génie hollandais.

Gogh !

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ne véritable immersion qui débute lorsqu’Alain tombe par hasard sur la correspondance de Vincent et Théo son frère : « Je recherchais Van Gogh, j'ai rencontré Vincent, devenu tout de suite plus proche, un frère, un ami... ». Pourtant au départ rien ne pouvait prédisposer à une telle confrontation. Alain Amiel est né sous un soleil de plomb, Vincent dans ce plat pays où la brume dévore l’horizon. « 120 ans nous séparent, je suis né au Maroc, lui en Hollande, rien ne nous lie, si ce n’est quelque chose de mystique et la passion de l’art et de la psychanalyse. Car Van Gogh qui peignait en mode automatique avait bien avant Freud une hyper conscience de l’inconscient ».

Alain, Vincent, Théo et les autres Il est d’autres points communs entre l’auteur et son sujet. Tous deux ont eu plusieurs vies, plusieurs visages. Vincent fut jeune galeriste heureux, apprenti avec Mauve, professeur suppléant, libraire et le peintre que l’on connaît. Tous deux sont nés après la mort d’un enfant : « probablement j’ai du ressentir l’inquiétude de ma mère à ma naissance et peut-être même avant… Comme Vincent, je suis, j’ai toujours été inquiet » avoue Alain qui fit des études de psychologie et lança avec la Faculté de Nice la revue de psychanalyse « Alliage » avant d’entamer sa carrière d’éditeur. Un métier qu’il exerça de 1980 à 2000. Dans tous les cas les artistes ont joué un rôle déterminant dans sa vie. C’est d’ailleurs au contact de l’avant-garde artistique niçoise (Jean Mas, Sosno, Ben) qu’il créera avec le sénateur Lafitte une association afin de promouvoir l’art via le net puis qu’il créera les Éditions Z : 300 livres en 20 ans dont de nombreux catalogues d’artistes. Et quand en 2001 il dépose le bilan il sera encore aux cotés du sculpteur Sosno en tant qu’assistant. Mais c’est en


littérature

concoctant un guide sur l’art qu’il aura le coup de foudre pour un autre créateur aux antipodes des bretteurs de l’École de Nice. « Je suis tombé sur Van Gogh. Neuf ans, après j’y suis encore ». Car ce « Vincent van Gogh revisité » qu’il vient de signer n’est rien moins que le quatrième ouvrage qu’il consacre au peintre. Le premier remonte à 2003 : « À la demande de la Fondation Van Gogh en Arles, j’ai rédigé le catalogue publié chez Actes Sud à l’occasion des 150 ans de la naissance du peintre ». En découvrant que Van Gogh avait également travaillé aux Saintes Maries de la mer il signe en 2005 un second opus relatant ce séjour. Puis un autre en 2009 sur sa période à Auvers-sur-Oise. La dernière pour Van Gogh mais pas pour Alain Amiel.

Affaire classée ? Car pour l’auteur sous l’emprise de celui qu’Artaud nomma le « suicidé de la société », il reste une ultime étape et pas la moindre ! Au printemps 2010 Alain publie la somme de ces neuf années d’investigation. Une biographie inédite : « J’avais

Nuit étoilée - Van Gogh

déjà lu les lettres publiées dans les années 50, mais récemment est sortie une nouvelle édition augmentée fruit de 15 années de recherche du Musée Van Gogh d’Amsterdam afin de réunir en 6 volumes l’intégralité de sa correspondance ». Ainsi « Vincent van Gogh revisité » est le premier portait du peintre hollandais rédigé à la lumière de cette incroyable mine d’informations qu’Alain croise avec celles qu’il accumule en suivant l’artiste à la trace « je me suis rendu plusieurs fois à Amsterdam. La ville où il fit ses études est devenue une destination quasi annuelle. Je suis allé à Zundert où il est né, puis à Helvoirt, Etten, Nuenen, à Cuesmes, dans le Borinage, en Angleterre à Ramsgate, le port du sud de Londres, en Belgique, puis à Paris, Arles, Saint Rémy et Auvers… ».

La vie des arts

Ci-contre : Les Tournesols - Van Gogh

Partout où le peintre est passé, partout où il posa son chevalet, Alain enquête, photographie, interroge, visite, observe tout en s’informant, compulsant les archives : « J’ai du lire une trentaine de bios qui lui sont consacrées, plusieurs histoire de l’art, des catalogues, des monographies, des articles, des ouvrages de psychanalyse, de philosophie. J’ai aussi analysé toutes ses œuvres en les regardant à la loupe ou de visu dans les expositions à Paris, Arles, Vienne, Bale, Amsterdam ». Fort de ce travail de titan et de fourmi, en associant les œuvres du peintre à ce qu’il en dit, en recoupant ensuite avec ce qu’il découvre sur le terrain l’auteur arrive à des déductions subtiles, des révélations inédites et cela malgré la somme considérable de publications déjà consacrées au maître. « Van Gogh m’a mis au travail ! » dit en souriant Alain Amiel. On le croit car à la lecture de ce dernier ouvrage on respire avec Van Gogh, comme on vit pas à pas avec l’auteur qui de son coté créa son propre journal : « J’ai eu idée de ce site www.vangoghaventure.com afin de compiler mes notes et de faire partager mon enquête jours après jours ». Un site qui affiche aujourd’hui plus d’un million de visites, car au-delà des informations dont l’amateur peut se repaitre on y vit la quête obsessionnelle d’un homme sur les traces d’un autre. Une trame reprise dans l’ouvrage de 230 pages rajoutant du plaisir et de l’intensité à sa lecture.

Car en dépit de son érudition « Van Gogh revisité » se dévore comme un roman policier « Depuis toujours les enquêtes me passionnent, celles que je trouvais dans mes lectures, d’enfants (Le club des cinq) puis d’adolescent ; Rouletabille, Agatha Christie et surtout Sherlock Holmes m’ont plus que marqué. » explique Alain. Mais au fait qui cherche qui dans cette chasse à l’homme longue de 10 années et soustitrée « biographie psychologique » ? Alain Amiel n’aurait-il pas trouvé en Van Gogh un alter ego spirituel ? Et comment ne pas imaginer que cette relation n’outrepasse le cadre littéraire ! Alain n’avoue t-il pas lui même dans sa préface « Les milliers d’heures passées en sa compagnie ont donné une nouvelle orientation à ma vie ». OM Vincent Van Gogh revisité. Vangoghaventure.com

Ci-contre : Rue aux Saintes - Van Gogh Ci-dessous : Sorrow - Van Gogh

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la vie des arts

conférences

Nice Saison 2009-2010

Un bon cru pour le CUM Le Centre Universitaire Méditerranéen accueille chaque année des cycles de conférences et diverses manifestations pour tous les publics. En 2009-2010, des événements exceptionnels s’y sont déroulés, démontrant que Nice est devenue un rendezvous incontournable de ceux qui font l’actualité littéraire et culturelle d’une façon générale. Des rencontres inédites ont également été programmées, afin de donner un sens nouveau à l’activité du CUM.

De gauche à droite et haut en bas :  Lors du colloque « Passion Kessel », le film « La passe du diable » de Pierre Schoendoerffer a été projeté.  Eric-Emmanuel Schmitt est venu présenter son ouvrage « Concerto à la mémoire d’un ange ».  Jean-Paul Kaufmann (France3, ancien otage au Liban) a été l’un des invités reçus par Denis Tillinac dans le cadre du cycle « Les Rencontres Polémiques du CUM Démocratie et liberté : le rôle des médias »  Jean-François Colosimo (Le Monde des religions, Président du Centre national du livre), a animé une conférence sur le thème « Où va l’Iran ? ».  Le CUM a souhaité rendre hommage à Joseph Kessel pour le 30e anniversaire de sa mort. Page de droite :  Pendant le Printemps des poètes, les deux troubadours de Lei Troubaire de Madelano sont venus présenter l’amour courtois du Moyen Age. (tous crédits photo : CUM)

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ermettre au public niçois de rencontrer et d’écouter de grands noms des médias, tout comme cela peut se faire si l’on habite à Paris, et amener un public d’actifs au CUM en programmant les conférences à 18 heures : tels étaient les objectifs du CUM avec son nouveau cycle « Les Rencontres Polémiques du CUM - Démocratie et liberté : le rôle des médias ». Objectif atteint puisque chaque rendez-vous a fait salle comble. À la fois réelle et fantasmée, la puissance du « quatrième pouvoir » dans nos sociétés de communication justifie une mise en demeure citoyenne. Tel était le sens de l'initiative du CUM pour 2009 et 2010. L'écrivain Denis Tillinac, ancien journaliste, ancien éditeur, chroniqueur et polémiste dans plusieurs médias, a ainsi reçu chaque mois un journaliste de renom représentatif d'un secteur d'activité - presse écrite, radio, télévision, Internet - pour un dialogue sans concession : Catherine Nay (Le Figaro), Nicolas Domenach (Marianne, Canal+), Jean-Jacques Guillebaud (Le Monde, Reporters sans Frontières), François d’Orcival (Valeurs Actuelles), Alain Duhamel (France2, Europe1…) et JeanPaul Kaufmann (France3, ancien otage au Liban). Comme une suite logique, le CUM s’est interrogé : dans le tourbillon des événements de l’actualité, comment prendre la distance nécessaire pour réfléchir sur les questions de fond que soulèvent les « accidents » du temps ? Au-delà des images télévisées, des journaux, des informations multimédia, le rendez-vous « Actu Philo » a été l’occasion de penser, de s’interroger sur les grandes questions de société : l’identité, la violence, l’éthique, l’éducation, l’évolution, les changements au sein de la société française, méditerranéenne et européenne. Daniel Lance, chercheur universitaire et auteur réalisateur, a reçu chaque mois au CUM un spécialiste, comme Francis Jacques ou Monique Castillo, avec qui il a abordé, à partir de questions d’actualité, les grandes problématiques philosophiques qui sous-tendent les questions de notre temps.


conférences

Tout en continuité

lentes. Kessel disait Outre ces nouveautés, le prod’eux que gramme du CUM s’est inscrit « d'étranges dans la continuité avec, pour la et brûlants deuxième année, au mois de jandémons les anivier, un cycle consacré à la Préhistoire, ment ». Leurs mélosous la direction du Professeur Henry de dies empruntent rythmes Lumley, sur le thème « Les grandes expéditions des préhistoriens dans le monde - et paroles aux terres qu'ils traversent en y ajoutant leur style, leur mémoire, et c'est À la recherche des premiers hommes ». Autre grand rendez-vous récurrent : le de cette magique alchimie que nait la mugrand colloque littéraire de fin d’année. Il sique tzigane. Les Diables Tziganes, ou était en 2009 intitulé « Passion Kessel » et Gypsy Devils, est un des groupes monorganisé en collaboration avec la Société tants d’Europe centrale. Cet ensemble, civile des auteurs multimédia (Scam), qui formé de musiciens d'origine hongroise, remet le Prix Joseph Kessel et le Prix Albert propose un véritable voyage musical Londres. L’œuvre de Kessel, éteint à plus dans l’empire austro-hongrois, de Bratisde 80 ans il y a presque 30 ans, a marqué lava à Budapest en passant par Vienne. des générations, tout comme la moder- Autre colloque qui a remporté un vif nité de son parcours. Témoin des conflits succès : « Tocqueville et l’individualisme du XXe siècle, il a su s’engager avec une contemporain : comparaisons intercultupuissance charnelle qui en fait sa marque relles » (colloque de la Société Tocqueville). de fabrique. À l’aube du XXIème siècle, le CUM a souhaité lui rendre hommage. La Nouvelles formes d’expression reconnaissance du talent de cet émigré À l’occasion de l’édition 2010 du Prinrusse et juif fut à son apogée avec son temps des poètes, le CUM a décidé de entrée, en 1964, à l’Académie française. jouer la carte de l’originalité en choisisAmoureux de la Méditerranée, il a souvent sant d’illustrer le thème national Couleur séjourné sur le Côte d’Azur, avec ses amis Femme lors de rendez-vous où les textes niçois Raymond Moretti et Louis Nucéra. poétiques côtoyaient différents univers Parmi les manifestations qui ont jalonné musicaux. Comme en 2009, le CUM a ce colloque, deux expositions : « Joseph profité également de l’événement pour se Kessel, l’éternel voyageur » (exposition tourner vers la Méditerranée (Kenzy Dib) du Cercle Bernard Lazare retraçant les et vers d’autres cultures (La Perse). Pour grandes étapes de sa vie avec notam- la Journée de la Femme, le CUM a organisé ment la présentation de documents iné- un après-midi poétique dédié aux femmes dits comme ses cahiers d’écolier du Parc (avec les élèves comédiens du ConserImpérial) et « Kessel, le Niçois » (exposi- vatoire Pierre Cochereau). Un spectacle tion de photographies de Raph Gatti). La (textes et musique) autour de « Cocteau, projection du film « La passe du diable » le confident des femmes » a également de Pierre Schoendoerffer, présent au col- été proposé : un voyage jazzy au travers loque, a été suivie d’une table ronde sur de l’univers de ce merveilleux aventurier le thème de « Kessel, le grand reporter » touche-à-tout : sa conception de la poésie, puis d’une autre, « Kessel, le Niçois », en le regard critique porté sur son œuvre et présence notamment d’Andrée Gatti et de celle d’autrui, son hommage aux grandes Suzanne Nucéra. La table ronde « Kessel, dames de la chanson et son amour pour la l’Homme » a démarré avec la projection Côte d’Azur. Autres voyages que celui de du film « Jeff Le Lion » de Jacques Rutman « Shéhérazade et les mille et une nuits », et fut suivie de deux autres thématiques avec une lecture de textes et un accom« Kessel, l’œuvre », et « Kessel, l’homme pagnement musical de tradition persane, engagé ». Pour clôturer ce colloque, le ou celui de Lei Troubaire de Madelano, public a pu apprécier un concert de musi- deux troubadours au cœur de l’amour que tzigane d’Europe centrale des Diables courtois du Moyen Age. Le CUM a fait le Tziganes. Russe, flamboyant, démesuré, grand écart en s’intéressant ensuite à une cavalier et cavaleur, buveur de vodka plus nouvelle forme d’expression en proposant un après-midi de découverte du joueur que Dostoïevski, Joseph Slam. Enfin, le prix Alain LeKessel aimait les Tziganes, feuvre a été remis au poète avec qui « il n’était pas Contact algérien Kenzy Dib pour possible de rester soCUM son recueil de poésies bre », leurs musiques 65, Promenade des Anglais « Au sud de nos nuits et leurs chansons à la Nice magnétiques ». fois poétiques et vio-

Tél. : 04 97 13 46 10 www.cum-nice.org

La vie des arts

Autres rendez-vous récurrents du CUM, les grandes conférences : cette institution suit en effet de près l’actualité littéraire, et de nombreux auteurs viennent y présenter leurs nouveaux ouvrages ou des thématiques faisant sens. Quelques exemples : « Zéro faute, l’orthographe une passion française » par François de Closets ; « Socrate, Jésus ou Bouddha ou l’humanisme spirituel » par Fréderic Lenoir ; « Concerto à la mémoire d’un ange » par Eric-Emmanuel Schmitt ; « De Wall Street aux Quartiers Nord de Marseille, le trader devenu moine des cités » par Henry Quinson ; « Les enfants du miracle » par Odon Vallet ou encore « Nietzsche à Nice », table ronde avec Patrick Mauriès, Renaud Denuit et Yves Séméria, animée par Eric Bénier-Bürckel.

Regards sur la Méditerranée La Méditerranée reste un des thèmes majeurs autour desquels s’articulent les rendez-vous du CUM et sur lequel ce dernier porte un regard particulier. Ainsi, de nombreux intervenants ont abordé le sujet : « Où va l’Iran ? » par Jean-François Colosimo (Le Monde des religions, Président du Centre national du livre) ; « Fouilles en Lybie : Apollonia de Cyrénaïque » par Jean-Marie Blas de Roblès (Prix Médicis) ; « Alexandrie, sous terre et sous mer » par Jean-Yves Empereur, le découvreur du phare d’Alexandrie, sans oublier les « Rencontres Méditerranéennes du CUM », dont la 2e édition a eu lieu en 2009. Permettent à Nice de s'inscrire comme un lieu privilégié de la connaissance et du dialogue entre tous les peuples du bassin méditerranéen, ces rencontres ont proposé un débat sur le thème des « Fondements culturels du monde méditerranéen », mené par le philosophe Jean-François Mattéi, le géopoliticien Mezri Haddad et le démographe Gérard-François Dumont. Enfin, événement incontournable de cette année 2010, le 150e anniversaire du rattachement de Nice à la France, que le CUM a choisi de traiter par des conférences. Pour le CUM, il ne s’agit pas seulement d’évoquer les événements qui ont conduit le Comté de Nice à quitter le royaume du Piémont-Sardaigne de Victor-Emmanuel II pour rejoindre la France de Napoléon III, mais surtout de rappeler l’ensemble des contributions de Nice au pays des Droits de l’Homme. Des conférences complétées par un colloque sur « 250 ans de présence britannique sur la Riviera (1760-1960) et un cycle sur les peintres : Berthe Moristo, Matisse et l’École de Nice. FS

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Galerie du Château

Un emplacement exceptionnel au cœur de Vallauris, sur la place de l’Homme au Mouton.

Artistes exposés Yves Brayer,Roland Oudot,Maurice Brianchon, Francis Gruber, Eugène Baboulène,François Eberl, Pinchus Kremegne,Eduard Wiiralt,Albert Decaris, Erik Desmazieres,Gerard Trignac, Philippe Mohlitz.

Tableaux et livres anciens et modernes Ecole de Paris.Le Réalisme poétique La gravure française du XVIIIème à nos jours Mobilier français du XVIIIème (Louis XV et Louis XVI) Evènements culturels Expositions

11 RUE CLÉMENT BEL, 06220 VALLAURIS, FRANCE - Tél. 04 93 95 14 63 - E-mail : galcha.com@wanadoo.fr - www.monsite.orange.fr/galcha


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Hommage à

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Musée d’Art moderne et d’Art contemporain Musée Masséna Palais Lascaris Musée des Beaux-Arts Théâtre de la Photographie et de l'Image Musée de Paléontologie Humaine de Terra Amata Musée et site archéologiques Nice-Cemenelum Musée Matisse Musée international d'Art Naïf Anatole Jakovsky Muséum d'Histoire Naturelle

À NICE

les musées s’exposent Vue de l’installation Reflection - A gift from Iwaki au Musée Guggenheim de Bilbao, 2009 photo de I-Hua Lee / Courtesy Cai Studio Cabanel, Madame Von Derwies Une résidence impériale à Nice, élévation générale côté Sud détail (Coll. ENSBA, Paris) Le Musée des Beaux-Arts fait peau neuve, photo Ville de Nice Nancy Wilson-Pajic, de la série Falling Angels, 1997 Crâne, 162 (XII-95), technique mixte, sur papier - Henri Maccheroni Préfiguration Memoriae Aeternae, offrande funéraire © Pierre-Yves Videlier, atelier scène de papier Lydia Delectorskaya vers 1946 Coll. musée départemental Matisse, Le Cateau-Cambrésis photo Rolando Ricci, DR Jean Joseph Sanfourche (détail) exposition Le Pluriel des Singuliers au Musée Jakovsky

Manifestation organisée dans le cadre de l’Année France-Russie 2010 www.france-russie2010.fr

Avec le parrainage d'Artematica


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