ARTCOTEDAZUR N°10

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ARTS PLASTIQUES/// PAT R I M OI N E / / / / / / GALERIES/////// MUSÉES///////// PHOTOS//////// COLLECTIONS ////

Ernest Pignon-Ernest

SUPPLÉMENT CULTUREL DES PETITES AFFICHES DES ALPES MARITIMES



BAS LES MASQUES.

ISSN 1962- 3569 Place du Palais 17 rue Alexandre Mari 06300 NICE Ont collaboré à ce supplément culturel : Rédacteurs Alain Amiel Rodolphe Cosimi Olivier Marro Faustine Sappa Direction Artistique François-Xavier Ciais Création Graphique Maïa Beyrouti Photographes Jean-Charles Dusanter Hugues Lagarde Photo de Couverture Extrait série Extases d'Ernest Pignon-Ernest ©H. Lagarde Contacter la Rédaction : Valérie Noriega Tél : 04 92 47 21 81 Fax : 04 93 80 73 00 valerie@artcotedazur.fr www.artcotedazur.fr Publicité : Anne Agulles Tél : 04 93 80 72 72 anne@petitesaffiches.fr Abonnement : Téléchargez le bulletin d'abonnement sur : www.ArtCotedAzur.fr ou contactez-nous par tél : 04 93 80 72 72

Art Côte d’Azur Art Côte d’Azur est imprimé par les Ets Ciais Imprimeurs/Créateurs « ImprimeurVert », sur un papier répondant aux normes FSC, PEFC et 100% recyclé. La rédaction décline toute responsabilité quant aux opinions formulées dans les articles, cellesci n’engagent que leur auteur. Tous droits de reproduction et de traductions réservés pour tous supports et tous pays.

Voilà « l’homme qui marche » inexorablement vers son destin, pourvu qu’il garde sa valeur. Il est donc confirmé que l’Art est valorisable, en créativité, en énergie, en réussite, et en bénéfice pour nos cités grâce à un tourisme culturel très profitable. De nouveaux lieux d’Arts et de Culture naissent ici et là, prouvant la richesse et la diversité des acteurs de grands talents présents dans notre région. Nos artistes locaux, souvent exilés restent nos meilleurs ambassadeurs. Cependant nous n’avons pas de plan à terme, ou de définition précise du « qui est responsable de quoi » dans nos instances culturelles gouvernantes. Alors, à l’aube d’une « Fête de la culture » pointant son dévolu sur notre région en 2013, Il est crucial que l’on mette un coup d’arrêt aux « Arlequins » de la culture qui, sans stratégie culturelle commune pourraient nous faire croire à l’Arlésienne d’une réussite artistique trop longtemps attendue. Ne nous voilons pas davantage la face, il nous faudra trouver un vrai Roi (ou Reine) qui ne brûlera pas avant 2013 dans cette mascarade. F-XC

Le Dernier Bal Dans la ville en effervescence Qui pue les vapeurs d’essence Sa majesté Carnaval Roi de la planète bleue A mal Aux cheveux. On va en voir des chars barbares Avec des types déguisés en avatars On va en fracasser des têtes à coups de marteau On va en exploser des bombes dans les caniveaux. Certains mettront le feu à la plage Pour conjurer le mauvais sort On se jettera des fleurs au visage Pour oublier les sombres nuages On balancera des confettis d’or Dans un ciel de porcelaine. Déguisés en psychopathes Pour se tirer dans les pattes On revêtira des masques à oxygène En pleurant comme des baleines. Les ours blancs qui trébuchent Sur la banquise immaculée Ne sont pas en peluche Au fin fond de l’Alaska Juste à côté de chez nous Ils crèveront comme des rats La gueule dans la boue. Avant la dernière ronde Je voudrais bordel Qu’on me passe le sel Pour plus que la neige fonde. En attendant on va bien se marrer On va bien en profiter. En priant pour que Copenhague Ne soit pas juste une blague. Arnaud Duterque

photos ©J-Ch Dusanter

Art Côte d’Azur Supplément culturel des Petites Affiches des Alpes Maritimes Numéro 3490 Du 5 au 11 février 2010 Bimestriel

N’en déplaise à Céline, il faudrait avoir un masque sur les yeux pour ne pas voir combien New York offre d’énergie contagieuse. Environnement propice aux dernières parturitions artistiques de CharlElie Couture. Le char principal de cette cité, le Musée Guggenheim aborde Kandinsky en nous élevant à la spiritualité, évocation réussie des vertiges magistraux du lieu. De New York à Paris, James Ensor en sera le lien, les masques de ce dernier nous feront revenir vers notre belle région, rayonnant d’un carnaval niçois tout en couleur, alors que nous venions tout juste de déposer nos déguisements de « jet setter » bien utiles pour un Midem Cannois vibrant planétairement. À l’heure d’une vente ravageant littéralement toutes les côtes et valeurs d’achat, pendant que la terre gronde sur un lointain ailleurs, il est à espérer que l’essentiel résistera  ; l’Âme à nue, restera de toute évidence le vrai capital de l’humanité. Giacometti n’exprimait-il pas formidablement les souffrances humaines ?


En Ville 6

HORS LES MuRS

© Folon

New York, Musée Guggenheim et Interview de Charlelie Couture Paris, Musée d'Orsay, James Ensor

12 CAGNES SuR MER 14 GRASSE 16 CANNET ST PAuL DE VENCE La Maison des Artistes

La Politique culturelle de la ville © J-Ch Dusanter

CLANS

Les Chapelles d’Artistes

20 VALLAuRIS 22 NICE

Musée de la Céramique Magnelli © J-Ch Dusanter

Le Centre Universitaire Méditerranéen

24 GOLFE JuAN

Musée Clément Massier

© H. Lagarde


La Vie des Arts 26 INTERVIEW Villa Arson

© J-Ch Dusanter

D’ ERIC MANGION

30 ARTISTE PLASTICIEN 34 ESPACE D’EXPOSITION Ernest Pignon-Ernest

Simone Dibo-Cohen Robert Roux

© H. Lagarde

36 COLLECTIONNEuR Saga Métier Bernard Massini

38 DÉTOuRNEMENTS Florent MATTEI

PHOTOGRAPHIQuES

41 GALERIE

Courtesy Galerie Espace à Vendre (Nice), Le Cabinet (Paris)

Monaco Modern Art

© M. Lapouffe


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HORS LES MuRS

new yORk

Time Square Workers.

CharlElie Couture

CharlElie Couture Un artiste sans frontières CharlElie, artiste contemporain complet que l’on ne présente plus, a quitté en 2004 le continent européen pour s’installer à Manhattan. un exil nécessaire pour un artiste atypique dont la seule religion est l’art. Rencontre à son atelier new-yorkais. Interview réalisée par Rodolphe Cosimi 28 décembre 2009 – New York Tu es connu en France avant tout comme auteur, chanteur, compositeur et musicien. On soupçonne moins que tu es artiste plasticien. Pourtant ta formation initiale a été celle de l’ecole nationale Supérieure des Beaux-arts.

K R O Y NEW Comment raconterais-tu ton parcours de vie ? Quand j’étais en troisième année des Beauxarts à Nancy, un de mes profs est venu incognito me voir jouer sur scène. Le lendemain, il m’a dit : « Ton spectacle était super abouti, aux Beaux-arts t’en fais plus que quatre à toi tout seul… Mais comment fais-tu pour mener tout cela de pair ? un jour, il faudra que tu choisisses ! ». Les années ont passé. Ce jour n’est jamais arrivé et j’ai continué à mener en parallèle toutes mes activités avec autant d’engagement. Il serait trop long d’énumérer ton palmarès impressionnant et les activités que tu mènes depuis le début. Toutefois, qu’est-ce qui t’a marqué le plus à travers les expériences que tu as vécues dans l’Art ? un ami (le peintre Richard Texier) m’a dit un jour qu’on n’applaudit jamais un pein-

© CharlElie Couture


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tre. C’est vrai, les plasticiens vivent dans une sorte d’ascèse, dans laquelle il y a le feu intérieur qui ressemble à l’enfer des scrupules ou des forces de l’ego et la froideur du monde qui l’entoure, un monde d’analyses et de spéculations. Aujourd’hui, tu résides à l’étranger et tu navigues entre plusieurs média artistiques. Est-ce une façon d’explorer davantage tes possibilités d’artiste, d’humain ? Tout à fait. L’homme vaut plus que sa seule fonction sociale exclusive. Moi je continue tout ce que j’ai commencé, il y a plus de trente ans, avec entêtement et ténacité, ce que Mario Salis a appelé le «multisme» qui caractérise la recherche d’artistes plurimédia. Cela dit, on peut dire aussi que je suis devenu un spécialiste du multisme. Ton départ de la France il y a six ans pour New York n’est pas anodin. Pourquoi cet éloignement ? C’était nécessaire. J’avais l’âme en vrac. Un besoin vital de te retrouver toimême ? Oui, j’avais besoin de me reconstruire sans que les autres me disent comment me comporter. New York est la ville idéale pour cela. « New York, New born, né nu ». Ne serait-ce pas non plus une façon de séparer la musique et la peinture ?

Peut-être aussi. À New York, je n’ai pas de compte à rendre à mon passé. Ici, je ne suis pas connu, les collectionneurs prennent mon travail pour ce qu’il est, sans chercher de références dans d’autres domaines. Poésie, musique, art graphique. Chacune de ces passions a-t-elle, selon toi, des choses à raconter d’elle-même ou au contraire chacune peut et doit entrer en résonance avec une autre ? Le geste de créer est toujours le même. Créer signifie : faire naître du néant. Donc, les créateurs prennent du plaisir à faire apparaître l’invisible. Pour ce faire, ils agissent avant de penser. Qu’on soit écrivain, plasticien ou musicien, la démarche de création est la même. Elle n’a rien à voir avec le savoir-faire qui n’a pour effet que d’élargir le champ de prospection. Maintenant, au 19ème étage de ton atelier New-Yorkais, sur l’autre rive de l’Atlantique, vois-tu l’art différemment ? Je ne me pose plus la question de savoir si je dois faire ci ou faire ça. Je ne subis plus les contrecoups de jugements à l’emporte-pièce et ce fameux « regard d‘autrui »… Take it for what it is. L’approche de l’art est-elle la même qu’en Europe ? Ici, on dit qu’acheter une œuvre d’art, c’est acheter un « beau » billet de loterie qu’on

© CharlElie Couture

Funny Ghosts.

CharlElie Couture

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accroche au mur. Cette relation n’existe pas du tout en France où le commerce de l’art et tous ses excès sont régulièrement dénoncés. Je roule en vélo, mais je vis de ce que je fais ici. En France, je ne pourrais pas en vivre. Dans tes œuvres, les sculptures sont un point de départ d’une démarche liée étroitement à ta vie personnelle. Oui, on peut dire cela de tous les artistes. N’en déplaise aux spiritualistes, on est ce que l’on fait. Que représentent ces assemblages de bois si originaux disposés à la verticale ? Chacune de ces sculptures a une histoire. Assemblées, elles forment une ville. La ville de ma REconstruction. Quelle en est la source d’inspiration ? L’origine doit remonter à mon enfance ? Ou bien est-ce la ville elle-même qui s’immisce entre mes mains ? Ou bien est-ce que cela part de la mort de mon père ? Ou bien estce une envie d’érection en bois ? Ou bien est-ce l’idée que ces bois sombres ont encore le droit de vivre ? Ou bien, c’est tout cela à la fois. Nombre de tes compositions en peinture ont repris ensuite les motifs de tes sculptures. C’est ce que j’appelle le « deuxième degré d’interprétation ». L’expression par la peinture est-elle aussi importante que celle par la sculpture ? Que t’apporte-t-elle en plus ? Ni plus ni moins. C’est une RE-lecture. La peinture, c’est l’Ecrit. On peut la transporter plus facilement (rires)… Et puis, il y a les «Photo-grafs». Ces tirages grands formats sur bâche, c’est inédit dans le monde de la photographie. Oui. C’est sur cela que je travaille aujourd’hui. C’est à nouveau le RE, le deuxième degré d’interprétation. Mais cette fois sur le monde réel. Celui de l’image « vraie ». Tu es à l’origine de ce langage et de ce développement artistique de l’image, n’est-ce-pas ? Je n’avais jamais vu dans aucune foire d’art contemporain ou expo des travaux semblables avant de choisir de travailler comme je le fais sur ce support de bâche en vinyle. Que sont ces signes peints, sortes de hiéroglyphes contemporains, que tu

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viens apposer sur ces photographies ? Oui, on peut résumer la technique à cela. Une façon de revisiter le monde ? De le changer peut-être ? Revisiter… tout à fait. Le changer…non, je me vois plutôt comme un révélateur. Ces photographies donnent à voir des prises de vues de rues ou d’architectures de New York. Je crois que les êtres sont à l’image du décor qu’ils se fabriquent. Cette ville semble avoir réellement une emprise sur ton travail et exerce une fascination certaine (ton tout dernier

ouvrage « New York by CharlElie » l’atteste). L’influence-t-elle vraiment ? Parler de révélation, signifie que la chose est déjà en nous. Il y a une signature, une véritable « patte » CharlElie dans toutes les compositions peintes, sculptées ou photo«grafées» que l’on trouve tant dans ton atelier que dans tes expositions. Disons que je crée selon certains rituels, avec certains outils et des gestes codés. Qu’est-ce qui nourrit au quotidien ta création dans cette ville en ébullition et

Créations ci-dessous, de gauche à droite :  Installation  Target © CharlElie Couture


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comment vient-elle se traduire dans tes œuvres ? On ne sait jamais par principe ce qui va t’inspirer, puisque l’effet provient de la surprise. Tout d’un coup une certaine conjonction de circonstances fait qu’on se trouve en face d’une évidence. Et on veut la mettre en forme. Voilà. Comme il se passe plein de choses ici, à NY, alors les conjonctions sont nombreuses. Dans ta « galaxie », celle que tu évoques souvent, tu dis te sentir libre. L’art, sous ses formes les plus diverses, te permet-il de t’exprimer encore plus librement, de te découvrir encore davantage ? L’art me permet d’expurger mes démons, de libérer le génie de la lampe magique,

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de faire danser les fées qui tournent en moi, de laisser siffler la cocotte-minute, de provoquer le diable, d’écouter le vent ou de caresser la toile. L’art, c’est tout ça pour moi. A la fois sensuel et existentiel. Tu as un grand nombre d’expositions à ton actif, penses-tu exposer à nouveau en France très bientôt ? Sûrement. Peux-tu nous dévoiler quelques-uns de tes projets ? Je participerai à plusieurs expos de groupes (dont une à Angers sur le street art, une autre à Barbizon), je participerai à la Biennale de la photo de Lyon en septembre, une expo en Suisse, un autre à Kiev, il est question d’une expo à Nancy, une autre à Cagnes-sur-Mer l’année prochaine, etc. Watertank.

CharlElie Couture

Il faut dire que le célèbre architecte américain a réalisé ici un complexe qui est certainement le plus original de l’histoire architecturale des musées. Au-delà de cette construction qui rappelle étrangement une tour de Babel renversée, c’est avant tout un symbole de l’union des peuples qui s’inscrit à travers l’art et la culture. Ce musée, lui-même œuvre d’art, renferme en son sein une merveilleuse collection d’art abstrait, qui fut en 1937 offerte par Solomon Guggenheim et plusieurs familles new-yorkaises. C’est en gravissant, depuis la plateforme centrale du rez-de-chaussée, la rampe inclinée et spiralée évoluant autour d’un puits de lumière, que le visiteur accède aux œuvres et aux expositions temporaires proposées par le musée tout au long de l’année. Bien que les œuvres accrochées aux murs de formes concaves ne représentent que 3 % des 6 000 œuvres que compte la collection, il s’agit toutefois, à chaque visite, d’un moment de découverte qui n’a pas d’égal.

© Rodolphe Cosimi

Musée Guggenheim - New York Situé à l’est de Central Park et au nord du Metropolitan Museum of Art, à l’angle de la cinquième Avenue et de la 89ème Rue, le musée Solomon R. Guggenheim de New York ne cesse de fasciner. Et pour cause : ce musée, lieu incontournable de l’art moderne, compte une collection de près de 6 000 œuvres parmi lesquelles des œuvres majeures de grands maîtres comme Mondrian, Calder, Delaunay, Miró, Picasso, Kandinsky et bien d'autres artistes du XXème siècle… De passage à New-York, l’amateur d’art ne peut en aucun cas omettre de faire une escale dans ce musée mondialement connu, souvent surnommé « tire-bouchon » de par son architecture en spirale surprenante et atypique. Au milieu des gratte-ciel gigantesques de la ville, cet édifice, dessiné par Frank Lloyd Wright, attire l’attention en premier lieu par sa forme hélicoïdale et son aspect futuriste qui contraste avec l’environnement tout proche de Central Park et des buildings qui le bordent.

Lieu d’exposition important de l’art avant-gardiste, le musée assure luimême le spectacle et si, par définition, un musée est un cadre d’interprétation, le Guggenheim remplit ce rôle à merveille en dévoilant, dans ses espaces fluides et ses volumes généreux, des œuvres d’Edouard Manet, Paul Gauguin, Vincent Van Gogh, Fernand Léger, Franck Stella, Amedeo Modigliani, Georges Seurat, Yves Klein, Georges Braque, Marc Chagall. Une liste loin d’être exhaustive, bien sûr… La dernière exposition de l’année révolue a rendu hommage à Wassily Kandinsky, artiste moderniste dont l’œuvre résonne étonnamment par ses tourbillons de couleurs et ses sonorités intérieures. Des œuvres qui semblent montrer la voie vers un royaume du spirituel au même titre que le musée engendre un rapport de dialectique entre la forme et la fonction. L’inspiration est présente partout dans cet écrin qu’est le Guggenheim et appelle au vertige…

Solomon R. Guggenheim Museum 1071 Fifth Avenue (at 89th Street) New York, NY 10128-0173


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EN VILLE Saint Paul de Vence Un habitologue dans sa bulle Martine et les fumistes ! Alain Derey Rock au Conservatoire !

Candidature Nice J.O. 2018, Le grand tremplin culturel ?

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paris

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M usÉe d'Orsay

James Ensor (1861-1949) Il est difficile de situer Ensor dans son temps ou dans sa Belgique natale tant ce peintre a fait preuve d’originalité et d’iconoclastie.

F

ils d’un ingénieur anglais alcoolique et d’une mère qui tient une boutique de souvenirs, il s’inscrit à 17 ans à l’Accadémie royale de Bruxelles. Cinq années plus tard, en 1883, il rejoint les Vingtistes, un groupe de peintres belges d’avant garde (Van Gogh exposera plusieurs fois avec eux). Mais en 1889, une toile « L'Entrée du Christ à Bruxelles » est refusée au Salon organisé par ses amis des Vingtistes et il est question de l'exclure du Cercle dont il est pourtant l'un des membres fondateurs. Même pour ce cercle d’avant-garde, cette œuvre était jugée trop excessive. Blessé, déçu par les critiques de ses amis, il retourne chez lui à Ostende dans la demeure familiale et se réfugie dans ses masques et ses squelettes. Ses toiles aux tons rouges exagérés, ses bleus s’exaspèrent. Il recherche les effets violents, surtout dans les masques où les tons vifs dominent. « Ces masques me plaisaient aussi parce qu'ils froissaient le public » (1898). Comme Van Gogh et Edvard Munch, il est un des pères d’un expressionnisme violent, radical. Ces masques de carnaval« squelettisés », acides et virulents, grimaçants expriment le grotesque du monde, les jeux hypocrites de la société bourgeoise, et il trouve chez Jérôme Bosch ou Brueghel une source d’inspiration inépuisable. Ses autoportraits qui constituent une part importante de son œuvre (pas moins de 112) le représentent dans toutes les étapes de sa vie : du jeune homme fringuant au vieillard grotesque, il se met en scène dans ses tableaux, devient un des personnages de cette société qu’il dépeint avec violence. Les objets de la boutique familiale : nacres translucides, coquillages, bibelots, vases de Chine, qu’il a conservés sont présents dans tous ses tableaux. Un univers clos à la mesure d’un homme qui a peu voyagé, s’est très peu déplacé. Longtemps ignoré, il ne sera reconnu qu’en 1917 et recevra tous les honneurs : expositions internationales, visite royale, anoblissement, Légion d'honneur, jusqu’à sa mort en 1949. Face à cette reconnaissance trop tard venue à son goût, il abandonne la peinture et consacre les dernières années de sa vie exclusivement à la musique.

« Je suis né à Ostende, le 13 avril 1860, un vendredi, jour de Vénus. Eh bien ! chers amis, Vénus, dès l'aube de ma naissance, vint à moi souriante et nous nous regardâmes longuement dans les yeux. Ah! les beaux yeux pers et verts, les longs cheveux couleur de sable. Vénus était blonde et belle, toute barbouillée d'écume, elle fleurait bon la mer salée. Bien vite je la peignis, car elle mordait mes pinceaux, bouffait mes couleurs, convoitait mes coquilles peintes, elle courait sur mes nacres, s'oubliait dans mes conques, salivait sur mes brosses ».

 De haut en bas, gauche à droite La mort et les masques, 1897 Huile sur toile, 78,5 x 100 cm Liège, musée d'Art moderne et contemporain © ADAGP, Paris 2009

Squelettes se disputant un hareng saur, 1891 huile sur bois, 16 x 21,5 cm Bruxelles, Musées royaux des Beaux Arts de Belgique © MRBAB, Bruxelles © ADAGP, Paris 2009

L'entrée du Christ à Bruxelles, 1898 Eau-forte rehaussée à l'aquarelle sur papier vergé d'Arches, 24,8 x 35,5 cm Collection de thomas et Lore Firman Ostende, Kunstmuseum aan Zee © ADAGP, Paris 2009. Photo Daniël Kievith

Squelette peintre, 1895 ou 1896 Huile sur bois, 37,7 x 46 cm

James Ensor - Musée d’Orsay Exposition organisée par le Museum of Modern Art, New York, en collaboration avec le musée d'Orsay et la Réunion des Musées Nationaux, Paris.

Musée Royal des Beaux Arts, Anvers, Belgique © ADAGP, Paris 2009

Ensor aux masques,1899 Huile sur toile, 120 x 80cm Komaki, Japon, Menard Art Museum © Menard Art Museum, Aichi, Japon © ADAGP, Paris 2009


Photos © J-Ch. Dusanter

Coup de jeune à la Maison des Artistes ! Le Haut de Cagnes n’en finit pas de surprendre ! Après l’Espace Solidor dans notre précédent numéro, c’est au tour de La Maison des Artistes de faire parler d’elle avec une programmation 2010 peaufinée par sa nouvelle responsable : Anne Séchet.

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ouchée par la grâce la ville où séjourna Renoir ? Pas vraiment, on ne récolte que ce que l’on a semé. Et Cagnes-surMer, comme le rappelle Virginie Journiac, responsable des musées, fut très tôt un Eldorado pour les créateurs. « La Société des Artistes de Cagnes-sur-Mer a été créée en 1949 par la municipalité suite à l’inauguration d’un espace d‘art au Château Grimaldi qui devint sous l’impulsion de Matisse et Bonnard, à l’origine de l’uMAN, le premier Musée d’Art Moderne de la Côte. Quand celuici est passé sous la coupe des Musées de France, l’Association des artistes cagnois, longtemps présidée par Gaudet Père et fils, a été relogée dans une dépendance du château qui n’était autre que le domicile de son Conservateur Léonard André-Bonnet ». Et, depuis, la gentilhommière en a vu défiler des artistes ! Notamment de Michel Gaudet, artiste et collectionneur auquel le Château vient de rendre hommage et qui témoigne : « Nous nous sommes tous mis au travail pour faire vivre la Maison des Artistes. Ma tante était présidente après Claire Charles-Géniaux. J’ai longtemps été secrétaire général et j’organisais les expositions ».

De haut en bas et de gauche à droite :    

Anne Séchet, nouvelle locataire de la Maison des artistes La Forêt de papiers roulés de Mathilde Fages Anne dans les bras du King Kong de Jonathan Cejudo une des installations mixtes (peintures, lustre et céramiques) signée Eun Yeoung Lee

Photos © J-Ch. Dusanter

Un lieu et une association qui font peau neuve C’est un nouveau virage que semble prendre aujourd’hui cette demeure historique avec « pignon » sur la place du Château. L’exposition qui vient de s’y dérouler autour de quatre artistes de moins de trente ans sous le commissariat de Anne Séchet, élue cet été à la présidence de l’association, aurait-elle donné un coup de jeune à la Maison des Artistes ? « La mairie qui nous prête les murs est


CAGneS-SUR-MeR

EN VILLE

ravie d’accueillir quelqu’un qui aille vers quelque chose de plus contemporain. Elle nous a d’ailleurs aidés à rafraîchir l’espace ». Trois étages en pas de vis comme l’antre d’un meunier : pas facile à mettre en scène ! un cassetête qui a pourtant inspiré Anne, artiste plasticienne professant à la Villa Arson : « J’ai essayé de faire un accrochage différent, en synergie avec ce lieu atypique. Nous avons dû bricoler avec peu de moyens mais les artistes ont joué le jeu en tirant partie de cette singularité. Pour cette exposition, j’ai voulu montrer du dessin qui se déploie, envahit l’espace et les volumes, et peut se changer en installation comme la forêt de papier roulée de Mathilde Fages ou les walls painting de l’artiste mexicain Baroyl Jimenez qui exposera en mars dans une salle du Château ». Deux artistes auxquels se sont joints Jonathan Cejudo (installé à Berlin) et Eun Yeoung Lee. un quatuor métissé tant sur les inspirations et les disciplines abordées (peintures, gravures, sérigraphies, céramiques, installations) que sur leur parcours. Les deux filles, Mathilde Fages et Eun Yeoung Lee, sont encore élèves de la Villa Arson tandis que les deux garçons sont des artistes confirmés venus d’horizons différents. Cette mixité, Anne compte bien la reproduire lors de ses futures invitations. « Aujourd’hui, l’association s’appelle MDA Cagnes (Maisons des Artistes de Cagnes) pour plus de lisibilité. Elle regroupe les adhérents, une cinquantaine d’artistes du cru. Deux types d’événements y sont proposés. Deux salons-expositions annuels qui réunissent les travaux de ses membres autour d’un thème, et des expositions mensuelles, que je souhaite étendre à deux mois, où j’ai carte blanche pour présenter des plasticiens extramuros. » Ainsi en témoigne avec brio « Draw me your dreams and your nightmares » qui vient d’investir les lieux du 9 janvier au 8 février.

Ci-dessus :  Gravure de Jonathan Cejudo Photos © MDA Cagnes sur Mer

Ci-contre et ci-dessous :  Jonathan Cejudo, concert live lors du vernissage de "Draw me your dreams and your nightmares" Photos © MDA Cagnes sur Mer

Le retour de l’enfant prodigue Passionnée, Anne Séchet, toujours à l’écoute des créateurs émergents, veillera à préserver son nouveau lieu du ronron en provoquant la surprise, convoquant concerts ou performances pour ses vernissages, brisant les frontières en mixant artistes majeurs et autodidactes. « En juin, j’organise une confrontation entre les membres adhérents et des artistes venus d’ailleurs. Puis, tout de suite après, nous accueillerons la Biennale de l’uMAN ». un événement qui n’est pas pour déplaire à cette jeune femme qui n’est pas ici en terre inconnue. Anne participa même à ce nouvel essor que connaît la ville. « J’avais monté à la demande de la municipalité il y a trois ans un parcours d’art contemporain dans le Haut de Cagnes qui m’avait permis d’investir cette maison, la vitrine de l’espace Solidor, une salle du Château, et son parvis avec une œuvre de Noël Dola ». une intervention qui préfaça également le retour de l’artiste sur les lieux de son enfance. « Je suis née à la Rochelle mais à l’âge de trois ans, je suis venue avec mes parents à Cagnessur-Mer. Très tôt j’ai été imprégnée d’art grâce à l’école du Vieux Bourg qui proposait aux élèves des ateliers ». Cette ville joua un rôle prépondérant dans son parcours qui passe ensuite par la Villa Arson. Parallèlement, Anne suit des cours de théâtre, mais finalement opte pour l’art contemporain et se frotte à la peinture après avoir exploré les installations. Elle exposera dans la vitrine du MAMAC et à la Chapelle des Pénitents Blancs de Vence, se mettant en scène dans ses travaux qui fusionnent photo, sérigraphie et édition. « En fait, j’ai une vision très baroque. Pour moi, une chose n’existe pas sans son opposé. Mes œuvres sont construites sur ce contraste ». un thème que l’on retrouve dans sa première exposition libre à Cagnes qui n’est autre qu’une ode à la frontière poreuse qui sépare le rêve des cauchemars. Mais entre les rénovations que nécessite la bâtisse centenaire, les deux salons annuels, une exposition du centre culturel, l’accueil de l’uMAN, il ne restera à Anne Séchet en 2010 que peu de temps pour se consacrer à ses cartes blanches. Qu’importe, la Maison des Artistes est désormais entre les mains d’une nouvelle locataire qui fourmille d’idées et d’ambitions. une nouvelle filière cagnoise à suivre de près… OM

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EN VILLE

grasse

Jean-Pierre Leleux : La culture ne se résume pas à un Festival ! En quelques décennies la cité des fleurs où le Jean-Baptiste Grenouille de Süskind fit ses gammes s’est mise au parfum de la culture du second millénaire. Un état des lieux mis en perspective avec son Sénateur Maire Jean-Pierre Leleux, un sujet sensible pour celui qui siège au Sénat à la Commission de la Culture, de la Communication et de la Jeunesse, dirige la Commission Cinéma de la Côte d’Azur et adore prendre sa guitare pour chanter Brel ou Brassens.

Comment se porte la culture à grasse ? Je voudrais d’abord rappeler que Grasse, quatrième ville du département approche les 50 000 habitants et que malgré son riche patrimoine économique et humain, elle n’en demeure pas moins une ville moyenne. Autant dire que notre politique culturelle est dans le concert des villes de cette taille assez exceptionnelle. C’est une volonté car nous pensons intimement que la culture fait partie de notre vocation sur un plan géographique et historique. Quels sont les choix que vous avez privilégiés ? Je me retrouve parfaitement dans les termes de notre nouveau Ministre de la Culture lorsqu’il évoque la culture comme « une lutte contre l’intimidation sociale ». Ayant constaté que certaines offres sont parfois perçues par nos habitants « comme pas pour eux », j’ai choisi de combattre cette réticence qui pousse certains à s’exclure socialement de cette manne. D’accord pour la culture pour tous, mais plus encore

pour une culture accessible à chacun selon ses moyens, son histoire, son niveau social. Chacun doit pouvoir s’en nourrir à l’aune de sa soif. Voilà, le fil conducteur qui fait que toutes les actions entreprises avec mon adjointe, Dominique Bourret, font en sorte que des portes restent ouvertes afin de permettre aux grassois de faire leur propre « marché » dans ce domaine. grasse ne brille pas par un événement phare, est-ce une corollaire ? En effet, pour des raisons d’arbitrage budgétaire notre politique est plus inscrite dans la continuité que dans des coups. Il n’en demeure pas moins qu’il se passe chaque jour quelque chose à Grasse. Elle se distingue des autres par son objectif qui n’est pas tant de faire rayonner la ville que d’y instaurer une culture qui lui permette de s’épanouir durablement, par son tissu humain. Car la culture n’est pas un festival, elle fait partie du quotidien. Cela explique notre politique en milieu scolaire et la diversité de nos offres au cœur du pays grassois.

© J-Ch Dusanter

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…dont une programmation théâtrale incontournable ! En 15 ans nous avons changé un espace de congrès en un théâtre respecté en terme de création et diffusion de spectacles vivants dans et hors les murs. En partenariat avec l’Etat, le Conseil Général, le Conseil Régional, la Communauté d’Agglomération et la Ville, actionnaire principal, cette scène conventionnée pour la danse et le cirque est aujourd’hui un atout pour le département fort de 120 représentations au taux de remplissage de 93%, 32 000 spectateurs/an et 3200 abonnés. Je suis très fier d’avoir fait prendre aux azuréens le chemin de ce haut lieu de partage où chacun sait qu’il en repartira plus riche qu’il y est entré. Victime de son succès, le théâtre refuse du monde… Nous devons penser à un nouvel écrin avec une capacité d’accueil optimale pour les spectateurs et les troupes en résidence comme la Compagnie Castafiore qui depuis 1997 y a réalisé 14 créations. Le lieu


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Ci-dessus :  Grasse au fil des siècles Photos © Ville de Grasse

Ci-dessous de gauche à droite :  Le Musée International de la Parfumerie coté jardin,  Flacon figuratif de la prestigieuse collection du Musée,  Bidons et percussions au symposium de sculptures. Photos © Ville de Grasse

est défini, le programme établi, le financement à hauteur de 25 ME en partie bouclé. Mais cela suppose aussi une stratégie commune de coopération avec Nice, Cannes ou Antibes. L’école du cirque, la seule labélisée par l’État en PACA implantée sur la commune de la Roquette est également un des axes fort du spectacle vivant. Avec l’Espace Altitude 500 nous avons voulu sensibiliser la jeunesse autour d’une programmation de concerts, de salles de répétitions et studios d’enregistrement. Le Musée International de la Parfumerie a fêté en octobre son premier anniversaire, qu’en est-il de ce côté là ? Avant d’aborder ce sujet, rappelons que Grasse possède un fleuron patrimonial, le Musée d’Art et d’Histoire de Provence, qui joue son rôle avec la Villa Fragonard et le Musée International de la Parfumerie. Ce dernier entièrement rénové n’est qu’une partie de notre programme « culturo-éco-touristique » avec la Bastide du parfumeur à Mouans-Sartoux et le futur Musée Industriel à la ZAC Roure, un trépied baptisé « le Grand MIP ». Le Musée

a drainé en un an plus de 100 000 visites autour d’expositions et colloques. Le dernier consacré aux nouvelles tendances du secteur a vu douze designers invités à concevoir des flacons en deux exemplaires, l’un exposé dans nos murs, l’autre vendu en novembre à Drouot au profit de l’Association pour le rayonnement du MIP. L’art plastique n’est-il pas un peu en retrait dans cet effort ? C’est un sujet plus difficile et c’est vrai que si nous ne sommes pas à la pointe en art contemporain, notre symposium de sculptures offre aux grassois sur l’Esplanade du cours un combat entre l’artiste et la matière et notamment le marbre de Carrare, ville jumelle et partenaire. Un événement unique dont la prochaine édition verra se réunir un jury d’exception autour de personnalités comme Adrien Maeght ou Sacha Sosno. La transmission culturelle semble, elle, jouer à fond son rôle Côté musique nous disposons d’un conser-

vatoire d’excellence qui draine plus de 500 élèves dans toutes les disciplines. Quant au monde du livre, aujourd’hui au seuil d’une ère aussi cruciale que celle de Gutenberg, il rayonne dans nos murs grâce à nos bibliothèques et médiathèques, mais aussi à la maison de la poésie réunissant plusieurs dizaines de milliers d’opuscules depuis 1920. Ces outils de transmission pour le public et les écoles devraient prochainement s’enrichir d’une bibliothèque patrimoniale ainsi que d’une grande médiathèque au cœur de ville. Mais que sera le livre demain ? Nous y réfléchissons au Sénat car ce nouveau partage patrimonial génère avec le numérique des enjeux clés pour l’avenir du citoyen face à la culture. Pour conclure je dirais que nous travaillons à flux tendu dans le domaine culturel. C’est une politique différente où la médiation scolaire comme auprès des publics demeure très importante. Peut-être que cette stratégie par nature moins spectaculaire nuit à notre communication, mais elle nous permet d’œuvrer en profondeur, ce qui, à mon avis donne tout son sens au mot « culture » ! OM


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Quand les artistes décorent les chapelles ( part i ) Si l’art moderne et la religion n’ont pas toujours fait bon ménage, il existe quelques témoins d’une volonté mutuelle de s’entendre. Ces trésors, la Côte d’Azur peut se targuer d’en accueillir parmi les plus riches. C’est notamment le cas au Cannet, à Saint-Paul de Vence et à Clans, premières étapes d’une visite qui mérite d’être poursuivie.

Théo Tobiasse au Cannet La Chapelle Saint-Sauveur marque l'entrée du quartier des Ardissons, au Cannet. La date de construction de cet ancien clocher reste inconnue : au milieu du XVIIème siècle, cette chapelle ne figure pas sur les visites Pastorales. Depuis 1989, sauvée d'une ruine probable, elle a été restaurée. Il restait à lui trouver une destination digne de son passé historique et compatible avec sa vocation spirituelle. Rendre vie à cet édifice et lui écrire une histoire a été la préoccupation principale de Théo Tobiasse qui a ouvert ce lieu à l'œcuménisme et a choisi pour thème : « La vie est une fête » pour illustrer ce renouveau tout en respectant le passé. Dans l’authenticité de son geste créateur, Théo Tobiasse raconte avec vivacité et poésie une histoire universelle, pensée pour redonner à ce lieu une atmosphère propice au recueillement. L’artiste traduit ici la vie, la fête en fusion, la nostalgie profonde, la spiritualité de l’âme. La couleur entremêlée structure cette composition monumentale. Elle se réfère aux tons chauds de la terre et au bleu infini du ciel. Le trait triomphal et anxieux établit et sculpte des lignes de force où le plein et la brisure s’accouplent. La calligraphie évoque l’univers de l’artiste. Elle est utilisée comme une image poétique, elle complète les formes et suscite les pensées. L’édifice se trouve magnifié par une mosaïque qui en souligne l’entrée. L’attention se concentre sur le chœur qui rayonne à partir d’une colombe, symbole de la paix.

Photos ci-dessus, de gauche à droite et haut en bas :  L'édifice de la chapelle Saint-Sauveur est magnifié par une mosaïque qui en souligne l'entrée.  Théo Tobiasse a choisi pour thème « La vie est une fête » pour décorer la chapelle Saint-Sauveur, au Cannet.  La colombe en col porte le message de la paix et de la spiritualité en mouvement.  L'emploi des couleurs allant du rouge orangé au bleu en passant par le blanc, définit les dimensions matérielles et temporelles et la quête de la spiritualité. photos © Mairie du Cannet.


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Un monde protégé L’œuvre se lit de droite à gauche : le panneau de droite exprime la joie, le chœur est imprégné de spiritualité et le panneau de gauche traduit la nostalgie. L’emploi des couleurs allant du rouge orangé au bleu en passant par le blanc, définit les dimensions matérielles et temporelles et la quête de la spiritualité. Le centre du panneau de droite est marqué par deux mains monumentales qui symbolisent la méditation. Autour d’elles s’organise un monde protégé où la vie est racontée par la famille groupée, serrée et unie : une coupe, image de la destinée humaine, s’élevant en signe d’amitié et de partage ; la présence de femmes opulentes, aux corps généreux, avec une allégorie de la nature. Elle prend les traits d’une bergère qui veille sur une colombe blottie et sur un univers pastoral. Un village protégé et rassurant se trouve sur le chemin de la famille. Un couple danse. La femme dans son étreinte s’élève, leur communion exprime et appelle une sorte de fusion dans un même mouvement esthétique, émotif, érotique, religieux ou mystique. Comme un retour à l’Être Unique où l’harmonie du ciel et de la terre est trouvée. Un élément de transport, des instruments de musique, une végétation abondante, rappellent le monde imaginaire et fantastique de Tobiasse. Le chœur, foyer d’une intensité dynamique, est le lieu de l’énergie la plus concentrée où les bleus sont saturés. Il rayonne de l’intérieur vers l’extérieur. Il contient les références du bonheur de vivre chères à Tobiasse : la colombe porteuse du rameau d’olivier et de la lumière est entourée de deux anges. En vol, elle porte le message de la paix et de la spiritualité en mouvement. Elle est placée au point de la plus grande intensité, sur une ligne

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de partage, au centre du chœur. Un homme à gauche et une femme à droite volent l’un vers l’autre et sont tournés vers le centre du chœur. Sous l’oiseau, les vagues représentent le déluge qui purifie et régénère. Un instrument de musique évoque des modulations, supposant une harmonie de l’âme et du corps. Les rayons se projettent et vont éclairer deux pôles spirituels : Jérusalem - à droite - et Saint-Paul de Vence - à gauche.

Vers la transcendance Le centre du panneau de gauche, décalé, est un rayonnement de lumière. Il répond à la méditation du panneau opposé. La nostalgie est ici partout présente. Après le déploiement, c’est le repli, le départ et le retour sur soi. La colombe du chœur poursuit sa route et on la retrouve, petit « oiseau de lumière » dans les rayons projetés qui éclairent une famille en partance. Son parcours est poussiéreux comme le sable du désert. La roue d’un véhicule rappelle l’exil vécu par Tobiasse et se rapporte au monde en devenir, à la création continue et donc au périssable. Les personnages se dirigent vers une femme accueillante aux bras levés. Elle semble les guider vers une transcendance et les attire vers le haut. Dans une fenêtre au dessus de sa main, on reconnaît Bethsabée, épouse de David et mère de Salomon. On retrouve ensuite des personnages d’une fête qui se termine. L’étreinte d’un couple blotti qui finit sa danse. Une femme portant nonchalamment la lumière. Théo Tobiasse ne pouvait pas trouver meilleur support que la chapelle Saint-Sauveur pour donner libre cours à sa créativité et travailler sur ses deux thèmes de prédilection : les femmes et la Bible…

Jean-Michel Folon à S a i n t - Pa u l d e V e n c e « Attacher mon nom à une chapelle de Saint-Paul sera une déclaration d’amour à tous ceux que j’ai aimés dans ce village. Parce ce que c’est un lieu de vie. Or Picasso disait que l’art et la vie ne font qu’un », disait Folon, décédé en 2005. La décoration de la chapelle des Pénitents Blancs, datant du XVIIème siècle, est sa dernière œuvre. En juin 2008, le projet s’est achevé au terme de cinq années de collaboration entre l’artiste et maîtres artisans, maîtres verrier, mosaïstes et peintres ayant donné corps à son œuvre poétique. Avant tout aménagement artistique, la chapelle nécessitait d’importants travaux de restauration : la réfection de la toiture, des voûtes intérieures, du sol en galets blancs, l’installation de l’électricité et du chauffage. Les travaux de restauration s’achèvent en juin 2006. Le projet de décoration imaginé par Folon repose sur le thème du don, choix totalement lié à la vocation caritative de la confrérie des Pénitents Blancs qui, autrefois, occupait la chapelle. Cette thématique est largement reprise dans la symbolique employée par l’artiste : la main, particulièrement présente, et le cœur. Au décès de l’artiste, le projet de peintures ainsi

Le projet de décoration imaginé par Folon repose sur le thème du don, largement repris dans la symbolique employée par l’artiste : la main est particulièrement présente. © Office de Tourisme de Saint-Paul. Photo : Fernandez.


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Ci-contre de gauche à droite :  L’autel situé devant la mosaïque, dans la chapelle décorée par Folon. © Office de Tourisme de Saint-Paul Photo : Fernandez

 Une mosaïque de 106 m² orne le mur situé au fond de la chapelle ainsi qu’une partie de la voûte et des murs latéraux entourant le chœur. Sa réalisation a été confiée à un atelier milanais sous la direction de Matteo Berté, maître mosaïste. © Office de Tourisme de Saint-Paul

que les dessins prévus pour les vitraux et la mosaïque ont d’ores et déjà été réalisés. Le plan d’ensemble et l’idée de la présence des sculptures au sein de l’édifice font partie intégrante du projet. En 2007, les cartons de l’artiste sont confiés à des artisans et maîtres artisans coutumiers du travail et de la sensibilité de Folon afin de terminer le projet.

« Comprendre le sens profond d'un lieu, c'est un véritable bonheur » Une mosaïque de 106 m² orne le mur situé au fond de la chapelle ainsi qu’une partie de la voûte et des murs latéraux entourant le chœur. Sa réalisation est confiée à un atelier milanais sous la direction de Matteo Berté, maître mosaïste. La technique utilisée est celle dite « de Ravenne », les tesselles d’émaux, ors et argents sont coupées à la main (à la dimension de référence de 1cm X 1cm) et le travail est exécuté au positif sur un panneau de chaux dont le séchage très lent permet d’effectuer des variations et affinements en cours d’œuvre. La surface de la mosaïque est réalisée en relief puisque les tesselles sont placées en profondeur. Les différentes inclinaisons permettent de réfléchir la lumière et de rendre ainsi l’œuvre vive et vibrante. En moyenne, 10 000 tesselles ont été utilisées par mètre carré. La mosaïque a été réalisée en atelier par une équipe constituée d’une dizaine d’artisans, puis assemblée à Saint-Paul. Quatre vitraux destinés aux quatre ouvertures existantes dans la chapelle sont confiés à Jacques et Bruno Loire, maîtres verrier à Chartres. Huit peintures à l’huile de 4m X 2m sont confiées à Michel Lefebvre (atelier Le Soleil d’Or à Monaco), habitué des peintures « grand format » de Jean-Michel Folon. Elles occupent les murs est et ouest de la chapelle sur une surface d’environ 40 m². La sculpture « Qui ? » en bronze patiné fait office d’autel. La sculpture « La Source » en marbre rose du Portugal est réalisée par Franco Cervetti de Pietrasanta (Italie), elle fait office de bénitier au centre de la chapelle. « Créer quelque chose de spirituel, essayer de comprendre le sens profond d'un lieu, c'est un véritable bonheur », disait aussi l’artiste.

Quatre vitraux destinés aux quatre ouvertures existantes dans la chapelle ont été  confiés à Jacques et Bruno Loire, maîtres verrier à Chartres. © Office de Tourisme de Saint-Paul


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Pat r i c k M o y a à C l a n s Dominant la vallée de la Tinée, le village de Clans possède une collégiale du XIIème siècle et de nombreuses chapelles Renaissance. Une chapelle est plus récente, du XVIIIème : la chapelle Saint JeanBaptiste, dont seul le plafond est classé. En 2003, le maire du village James Dauphiné, décide de faire peindre les murs par un artiste, et il choisit Patrick Moya. Ce dernier va peindre des scènes complètes qui se succèdent depuis l’autel jusqu’à la porte, avec une progression symbolique du jour vers la nuit, du ciel bleu clair vers le noir, du Bien vers le Mal, de la vie vers la mort. Elles se répondent également d’un mur à l’autre jusqu’à l’Enfer, qui encadre la porte d’entrée, et représentent : l’enfance de Jean et de Jésus, l’apparition de l’ange au père devenu muet, Jean adolescent qui garde ses moutons, Jean qui prêche dans le désert, Jean qui baptise le Christ, Salomé dansant devant le roi Hérode, Jean derrière les barreaux de sa prison, les bourreaux se préparant à lui couper la tête… Entre Moya et les églises, c’est une longue histoire d’amour. Lors de l’une de ses premières expositions à Nice sur le thème « Créature et créateur », en 1984, il transformait déjà la galerie en « cathédrale du XIIIème siècle : au nord, l’ancien testament, à l’est, le nouveau et à l’occident, le jugement dernier ».

Photos, de gauche à droite et haut en bas :  Détail de la fresque représentant la danse de Salomé devant le roi Hérode, en échange de la tête coupée de Jean.  Moya est en train de peindre l’ange Gabriel annonçant à Zacharie la venue de son fils Jean.  Saint-Sébastien, patron des archers, selon Moya.  L’arche de Moya, chargée d’animaux symboliques, comprend aussi un dromadaire, animal du désert s’il en est.  L’autel, avec Saint Jean-Baptiste au centre, Saint-Luc à droite et Saint-Sébastien à gauche. Toutes photos © Florence Canarelli

Le créateur rendu créature Alors quand il raconte la vie de Saint Jean-Baptiste, Moya le fait en respectant à la lettre l’histoire rapportée dans la Bible. Il reprend également en partie l’iconographie traditionnelle, en y ajoutant une touche personnelle, propre à son époque. La fresque de Moya est figurative et de facture classique. Un art catholique, en somme, la religion incitant à la représentation de la figure humaine, puisque le dieu des chrétiens s’est lui-même incarné en homme.

Une figure humaine qui, en l’occurrence dans la chapelle de Clans, est un autoportrait de Moya, métamorphosé en Jean, à toutes les étapes de sa vie. Car Moya souhaite depuis toujours « mettre l’artiste dans l’œuvre ». Ici, transformer le créateur en créature, c’està-dire en modèle, n’est pas une démarche immodeste : l’artiste ne veut pas faire concurrence au Dieu créateur, puisqu’il reste au niveau de la créature… FS

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Le Musée Magnelli dans tous ses états

Le château de Vallauris, ancien prieuré de l’Abbaye de Lérins, abrite trois musées en un : le Musée National Picasso "La Guerre et la Paix", le Musée Magnelli et le Musée de la céramique. Un lieu à facettes qui recèle plus d’un attrait pour l’amateur d’art.

C C’est un travail préparatoire savant, des émaux à la cuisson, un combat entre elle et la matière

e château de 1568 est l’un des rares édifices de la renaissance en région, et l’un des rares aussi à cumuler « les mandats ». Il est flanqué de la Chapelle Picasso qui, sous la coupe des Musées Nationaux de France, accueille des installations d’artistes internationaux. Son corps central dépendant, lui, plus directement de la ville abrite depuis 1977 la plus importante donation Magnelli faite par la veuve du peintre ainsi que l’un des plus beaux fonds dédié à la céramique vallaurienne. « Une collection qui se partage en trois sections, explique Sandra Bénadretti, Conservatrice : l’œuvre de Picasso qui découvrit ici ce noble art, les précurseurs avec la dynastie Massier et, enfin, des travaux contemporains primés aux biennales initiées par la ville dès 1968 ».

Et Alev « creuse le vide » Guère étonnant qu’avec un tel héritage les salles du rez-de-chaussée accueillent du 5 décembre au 1er mars 2010 l’une des plus grandes céramistes actuelles : Alev Ebuzziya Siesbye. Une exposition conçue comme un clin d’œil aux artistes modernes, Picasso, Chagall, Matisse, tous venus un jour aux ateliers Madoura de Vallauris. « C’est le seul espace du Musée Magnelli ouvert aux invitations. Dans le cadre de la saison de la Turquie en France, nous y avons installé une soixantaine de pièces retraçant l’univers de cette grande dame de la céramique ». Originaire de Turquie, Alev est passée par l’Allemagne puis par la manufacture royale de porcelaine de Copenhague avant de s’installer à Paris en 1987. Sa singularité : une pratique des origines méditerranéennes et une éducation nordique. « Un métissage qui confère rigueur et sensualité à ses créations monochromes ou ses couleurs, tels des bleus cobalts renvoyant à la mer

du Bosphore et les lignes s’inspirant de la Grèce antique », commente Sandra Bénadretti. Alev refuse les motifs, à part quelques nuages mongols ou frises de textiles d’Anatolie. Le raffinement s’exprime chez elle par l’extrême finesse des lèvres de ses contenants et leurs bases travaillées afin d’offrir une légèreté quasi aérienne. « C’est un travail préparatoire savant, des émaux à la cuisson, un combat entre elle et la matière. L’installation fut très particulière. Tout avait été rangé par vitrines dans son atelier. Quand les cartons sont arrivés, la mise en scène était déjà faite. Alev est exigeante parce que la magie de ses pièces ne s’exprime totalement qu’avec une scénographie étudiée, notamment en termes de lumière comme d’architecture ». L’exposition présente également une gamme de bols blancs et noirs qui évoquent, eux, l’attirance de l’artiste pour la céramique chinoise époque Song, ainsi qu’un florilège de ses commandes pour le design et les arts de la table.


MONACO

La céramique des Massier à Picasso Les arts de la table, un thème présent à l’étage supérieur du Musée où la céramique vallaurienne a élu domicile. À côté des pièces rustiques de potiers de Vallauris, des ustensiles de cuisine ou « Terrailles », s’étend la collection Massier dès la fin du XIXème. « Une famille de Vallauris qui œuvra dans ses ateliers avec une centaine d’ouvriers », précise Sandra avant de poursuivre, « les Massier ont défriché la céramique artistique avec les bleus qui ont fait leur renom puis Clément, le chimiste de la famille développa une technique ancienne orientale ». Le lustre métallique donna ainsi naissance à des pièces très contemporaines, des faïences revêtues d’oxyde de platine qui rehaussèrent les vases de reflets irisés qui séduiront la riche clientèle cosmopolite fréquentant la Riviera au tournant du XXème siècle. Les créations des années cinquante figurent en bonne place (salle Madoura), avec des œuvres de Jean Derval, Roger Capron,

Robert Picault… Mais « l’âge d’or » de Vallauris resplendit dans une autre pièce où les étonnantes créations de Pablo Picasso sont accompagnées de photos d’André Villers. Avec ce fonds permanent et celui du Musée Picasso d’Antibes, la Côte d’Azur détient le plus gros butin céramiste du maître espagnol. Enfin, une autre section abrite les créations contemporaines réalisées à Vallauris par des designers en collaboration avec des artisans locaux. Au dernier niveau du Musée est retracé le parcours d’un peintre aussi majeur qu’atypique. Alberto Magnelli qui, pendant la deuxième guerre mondiale, se réfugia à Grasse où il résida de 1940 à 1970, et a choisi les œuvres qui furent exposées dès la création du musée, sa veuve ayant fait don d’un important fonds allant du début du siècle aux années 70. Une œuvre protéiforme qui va du figuratif vers l’abstraction dont il fut un pionnier. « Dès 1914, Magnelli était déjà d’avant-garde avec des lignes et des aplats qui renvoient au constructivisme, cubisme, futurisme. Mais l’artiste autodidacte a suivi son propre chemin, ses origines florentines le portant d’emblée vers les peintres de la Renaissance italienne. Une influence visible dans son traitement des perspectives ». Après les exercices semi-figuratifs, une salle présente son travail des années 30. « Suite à sa visite dans les carrières de Carrare, il livra une série de tableaux incluant des effets de matière comme la peinture sur toiles goudronnées ». Cette « période de pierre » préface la dernière de 1950 à 1970 où le peintre verse dans l’abstrait tel « le chemin lumineux » où l’économie de moyen n’a d’égale que le raffinement du style. Pour la présentation des gravures de l’artiste, Sandra Bénadretti avoue s’être inspirée de la muséographie des Musée Nationaux lors de l’exposition « Blaise Cendrars ». « J’ai trouvé aussi pertinent qu’original l’éclairage de Grégoire Gardette, une lumière posée en douceur sur l’œuvre qui offre au visiteur une lecture intimiste ». OM

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Photos Dessus de gauche à droite :  Sandra Bénadretti Pellard, rattrape au vol un bol d’Alev Ebuzziya Siesbye  2 vues du Musée Magnelli

Ci-contre, de gauche à droite :  Le bleu cobalt du Bosphore a inspiré les créations d’Alev Ebuzziya Siesbye  Vase en céramique de la période Vallaurienne de Picasso Photos © J-Ch. Dusanter

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NICe

Depuis plus de soixante-quinze ans, le Centre Universitaire Méditerranéen n’a eu de cesse d’accueillir de grands noms et d’organiser de grands événements réunissant les esprits les plus éclairés de chaque époque. Aujourd’hui, la municipalité affiche une volonté de renouveau, cherchant à renouer avec l’esprit méditerranéen d’origine.

«L

e Centre Universitaire Méditerranéen est un organe de pensée et de collaboration intellectuelle ». Voici comment l’écrivain, poète et philosophe Paul Valéry définissait le CUM à sa création en 1933. « Aujourd’hui, il n’y a rien à changer à cette définition qui énonce l’essentiel et, en toute modestie, je la reprends à mon compte ! », renchérit Raoul Mille, écrivain, Conseiller municipal de la Ville de Nice subdélégué à la Culture, la Littérature, la Lutte contre l’illettrisme et l’Histoire. Paul Valéry voulait pour Nice un lieu face à la Méditerranée qui soit celui de l’humanisme intellectuel, dans tous les domaines : historique, littéraire, sociopolitique et scientifique. « Mon vœu pour le CUM est de continuer dans cette voie, en nous tournant vers tous les côtés de la Méditerranée, souligne Raoul Mille. Depuis deux ans, le CUM est redevenu ce qu’il était avant la guerre et juste après. Bien sûr, il y a toujours eu de grandes conférences au CUM mais, depuis quelque temps, l’esprit d’origine renait car la culture au sens large est redevenue une priorité dans la politique de la Ville de Nice ». Le renouveau du CUM, c’est aussi de donner la parole à des personnes qui ne soient pas des conférenciers mais qui ont des choses à dire ! Et Raoul Mille de citer le recteur Max Sorre qui, en 1933, énonçait ses exigences quant au but du CUM : « Il s’agit non d’accueillir des conférences passe-partout mais d’obtenir de l’homme le plus qualifié qu’il traite le sujet qu’on désirera voir traiter ».

photos © H. Lagarde

au centre de la Mare Nostrum

EN VILLE

Le CUM

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Passions littéraires Pendant les deux années écoulées sous la nouvelle municipalité, trois temps forts, pour Raoul Mille, se sont particulièrement distingués. Le premier fut « Passion Giono », en 2008, avec la présence de sa fille Sylvie, de Michel Déon, de l’Académie française et de Paul Constant. « Un très beau moment », précise l’écrivain. Le deuxième fut « Passion Kessel », à l’automne dernier, avec notamment la présence de Pierre Schoendoerffer, cinéaste et écrivain, et la projection d’un documentaire réalisé avec Kessel montrant l’Afghanistan dans les années 50. À chacun de ces événements, l’amphithéâtre, qui a une capacité de 580 places assises, était comble ou presque. Devant un tel succès, organiser chaque année au mois de novembre un grand colloque littéraire qui puisse faire découvrir ou redécouvrir au grand public un auteur du patrimoine culturel français est devenu l’un des objectifs de la direction du CUM. En 2010, ce sera au tour de Françoise Sagan d’être célébrée. « Pour ces cycles, nous essayons toujours d’aller au-delà de simples conférences, en accueillant notamment des témoins contemporains de l’auteur, et ce afin de rendre la manifestation plus vivante et d’attirer un public plus large », indique Raoul Mille. Attirer un public plus large, c’est aussi l’objectif du cycle « Les rencontres polémiques du CUM - Les médias en accusation », proposé à un nouvel horaire, et animé par Denis Tillinac,


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La fresque « Allégorie de la Méditerranée », de Bouchon, trône dans l’amphithéâtre du CUM.

150ème anniversaire du rattachement de Nice à la France Durant le premier trimestre 2010, puis tout au long de l’année, le CUM propose des manifestations en lien avec le rattachement de Nice à la France. Après « Nice et la Savoie votent pour la France », une deuxième conférence a été animée le 4 février par l’historien Pierre Gouirand, sur le thème « Les hôtels de Nice de 1840 à 1940 ». D’autres vont suivre : 24 février à 16h : Eglises médiévales du Var, l’église dans les campagnes - organisation et architecture : conférence de Yann Codou, Professeur de l’Université de Nice 4 mars à 16h : Berthe Morisot, son œuvre, sa découverte de Nice : conférence d’Eve Lepaon, Professeur à L’Ecole du Louvre, Raoul Mille © H. Lagarde

24 mars à 16h : Belle époque, construction et architecture scolaire 1860-1914 : conférence de Véronique Thuin, Professeur d’histoire-géographie.

Contact : CUM - 65, Promenade des Anglais - Nice Tél. : 04 97 13 46 10 - www.cum-nice.org qui accueille un journaliste représentatif d'un secteur d'activité mis en situation d'accusé dans cette mise en demeure citoyenne visant à analyser la puissance du « 4è pouvoir ». Le CUM a depuis toujours ouvert ses portes aux médias et à leurs évolutions avec, notamment, dès 1939, la réunion de 125 rédacteurs en chef venus des quatre coins du monde, qui allait conduire à la création d’une Fédération internationale de la profession. « Les médias sont le reflet de la société. Et s’il est important que le CUM ne soit pas la remorque du temps et des modes, il ne doit pas pour autant s’abstraire des mouvements de pensée contemporains », estime Raoul Mille.

La Méditerranée, « cette machine à faire de la civilisation » Autre souvenir important pour ce dernier : la programmation de musique arabo-andalouse qui a clôturé la saison 2009. « Ces spectacles ont symbolisé mieux que ne l’aurait fait une grande série de conférences le lien que nous voulons continuer à tisser autour de la Méditerranée, se félicite-t-il. Une belle expression du métissage, sans les mots ». Un esprit illustré par la fresque « Allégorie de la Méditerranée », de Bouchon, trônant dans l’amphithéâtre et

voulu dès l’origine par Paul Valéry, en poursuivant son rêve de Méditerranée, « cette machine à faire de la civilisation ». Il écrivait : « Ce sont les Méditerranéens qui ont fait les premiers pas certains dans la voie de la précision des méthodes, dans la recherche de la nécessité des phénomènes, par l’usage délibéré des puissances de l’esprit, et qui ont changé le genre humain dans cette manière d’aventure extraordinaire que nous vivons ». Pour le Maire de Nice de l’époque, Jean Médecin, le CUM se devait d’être un organisme d’enseignement supérieur, un institut de recherche scientifique et le lieu de rencontre des esprits éminents venus du monde entier. En choisissant comme administrateur Paul Valéry, il s’agissait de « rehausser la renommée de Nice dans l’Europe entière ». Dans cet esprit, l’ambition du CUM est claire : apparaître comme le centre culturel international, le temple du savoir et des grands esprits du siècle. Au moment où est créée l’Union pour la Méditerranée, le CUM va pouvoir œuvrer pour que Nice réaffirme sa place de grande métropole du Sud, riche d’un important capital historique, humain, intellectuel et créatif, tourné à la fois vers l’Europe et le continent africain. Fs

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© H. Lagarde

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© photos H. Lagarde

Héritiers Massier

La relève de la céramique vallaurienne À 24 ans à peine, Cédric Massier et sa compagne Céline Rogano font la fierté de la ville de Vallauris en reprenant le flambeau de la dynastie Massier. En 2009, différents lieux de la ville, comme le Musée Magnelli ou la chapelle de la Miséricorde, ont rendu hommage à cette famille à l’origine de la céramique artistique en exposant des œuvres de toutes les générations. Portrait de la dernière, qui a contribué à ce que le nom réapparaisse.

L’

exposition « Les Massier, côté cour, côté jardin », après une première exposition qui leur était dédiée en 2000, fut « l’occasion de pénétrer plus avant dans la démarche innovante de ces céramistes qui ont enrichi l’histoire et le patrimoine de Vallauris et participé avec talent à la renommée internationale de la commune », comme l’explique Alain Gumiel, Maire de Vallauris Golfe-Juan. Parmi les œuvres présentées, des pièces uniques de Clément Massier (1844-1917), de son frère Delphin (1836-1907) et de leur cousin Jérôme Massier Fils (1820-1909). Et, dans la chapelle de la Miséricorde, une installation créée pour le lieu par Cédric Massier, arrière arrière-petit-fils de Delphin, et sa compagne Céline : des complets (vasques sur colonne) revisités de manière moderne. Au total, onze pièces allant de un à quatre mètres de hauteur, représentant quelques 2 500 strates de terre. « Ces pièces sont le reflet de notre volonté de travailler dans la continuité de l’œuvre de mes ancêtres, après cent ans d’interruption de la céramique dans la fa-

mille, tout en nous démarquant et trouvant notre propre voie », commente Cédric Massier. Après être passés par l’école municipale des Beaux Arts Céramique, Cédric et Céline ont repris l’atelier de Roger et Jacotte Capron, qui jouxte presque la maison de Delphin Massier. En juin 2007, l’atelier-galerie ouvrait ses portes au public. Dans une démarche contemporaine, ils réalisent principalement des pièces uniques, sculptées ou modelées à la main, en grès ou en porcelaine, mais aussi en faïence ou en argile.

technique traditionnelle et moyens modernes Ils élaborent des émaux à reflets métallisés, la « patte » des Massier, et travaillent la matière à travers le contraste des terres utilisées et des émaux afin de diversifier l’aspect de la céramique et créer la confusion avec d‘autres matériaux, comme le fer ou la roche, voire le bois. « Les contrastes d’aspects bruts et d’irisations de la matière sont obtenus par le biais de l’enfumage, précise Cédric. Nous avons repris la technique familiale d’émaillage polychrome, tout en l’adaptant aux moyens d’aujourd’hui ». La technique des lustres métalliques, développée par Clément Massier, lui valut une médaille d'or à l'Exposition Universelle de Paris en 1889. D’origine hispano-mauresque, cette technique date en fait du XVème siècle : il s’agissait de cuire trois fois les pièces en


VaLLaUrIs

EN VILLE

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généalogie de la céramique A Vallauris, les Massier débutèrent la poterie avec Pierre Massier (1707-1748) dans des fabrications de terres cuites. Cette production prendra une autre direction avec Jacques Massier (1806-1871) qui amena cette poterie usuelle vers une céramique plus artistique. Il ajouta à sa production de nombreuses pièces décoratives (pièces d'extérieurs, cache-pots, vases) qui influenceront incontestablement ses enfants, Delphin et Clément. C'est ainsi qu'à la fin du XIXème siècle, la famille Massier connaîtra une renommée internationale avec Delphin, Clément et Jérôme Massier Fils, leur cousin. Avant-gardiste, leur démarche commerciale, à travers des catalogues publicitaires, proposent de nombreux modèles d'inspirations très différentes, avec des palettes de couleurs et des techniques d'émaillage variées (monochrome, polychrome, jaspé). Les couleurs turquoise font l'unanimité au sein d'une clientèle azuréenne. Par la suite, la poterie du Golfe Juan de Clément Massier sera dirigée par ses filles puis sa petite-fille Elisabeth et son mari Henri Mauro reprendront la galerie jusqu'en 1984. Du côté de Delphin, la société Delphin Massier est exploitée par son premier fils Alfred Massier et ses associés jusqu'en 1911. Alors que son troisième fils Jean (associé à son deuxième frère Henri) crée sa propre entreprise et l'exploite jusqu'en 1912 (date de la fermeture définitive).

atmosphère réductrice en feu de moufle (réduction de l’oxygène dans le four). Cela permettait à la substance pâteuse à base d’oxydes métalliques recouvrant les pièces d’obtenir, après cuisson, des irisations aux nuances variées. Aujourd’hui, et après de longs mois de recherche et d’essais, les jeunes céramistes cuisent la terre une première fois dans un four électrique puis la sortent du four à 1 000 °C, puis ensuite la recuisent au bois. L’étape d’après : étouffer l’oxygène en plaçant les pièces dans des bidons pour ainsi créer des couleurs originales. « Nous avons en fait dérivé la technique originelle, en la mélangeant à celle du raku, pour à la fois garder une identité de travail et diversifier nos travaux », indique Céline.

Toujours en quête de nouvelles idées, et fascinés par le fameux « bleu Massier », Cédric et Céline travaillent également les nuances de turquoise. Leur vase Evasion, blanc et turquoise, a d’ailleurs remporté un prix au Salon International des Artistes Contemporains de Saint-Tropez en 2008. Preuve qu’en très peu de temps, leur travail a été reconnu. « Au début, le nom de Massier était un peu lourd à porter, confie Cédric. On nous attendait au tournant. Mais, très vite, nous avons montré que tout en faisant honneur à notre héritage familial, nous voulions aller vers quelque chose de plus moderne et de plus design ». Forts d’une clientèle haut de gamme qui leur est fidèle, Cédric et Céline souhaitent maintenant s’exporter ailleurs en France, et même en Europe, notamment en Allemagne et en Belgique, deux pays friands de céramique. Les « petits Massier », comme on les appelait à leurs débuts il y a trois ans, se sont désormais fait deux prénoms. Fs

Contact Céramique Massier Atelier-Galerie 46 et 49 bis, av. Georges Clémenceau 06220 Vallauris www.ceramique-massier.com

© photos H. Lagarde

Un nom lourd à porter


Eric Mangion

l’ex rugbyman joue toujours l'ouverture

Eric Mangion occupe à 45 ans le poste de directeur du Centre d’art de la Villa Arson. Cet ancien directeur du FRAC PACA a pris en main depuis 2006 la destinée de l’une des vitrines les plus importantes de l’art sur le territoire national, mais pas seulement. Car la Villa Arson est sur l’échiquier culturel niçois une pièce maîtresse. Une pièce qui se déplace selon la diagonale du fou ? Explications…. Comment s’est passée votre rencontre avec l’art ? En fait je me destinais à être journaliste. Étant joueur de rugby quand j’ai intégré une école de journalisme en 1987 à Marseille, on m’imposa le journalisme sportif. Cela ne me convenait pas et par provocation j’ai décidé de faire mon mémoire sur l’art contemporain. Un univers qui vous attirait déjà ? Pas du tout, je ne le connaissais absolument pas, mais j’avais envie de casser cette image de rugbyman. J’avais 23 ans quand j’ai commencé à m’intéresser à l’art contemporain. Je me souviens avoir rencontré à Nice Jacques Lepage, un critique d’art célèbre. Ensuite, de 1989 à 1993 j’ai travaillé à la Région comme chargé de mission aux arts visuels, puis j’ai présenté le concours pour être directeur du FRAC. Un poste que j’ai occupé jusqu’en 2005. Rugby et art contemporain. Pour certains, vous deviez être l’homme du grand écart ? De 1993 à 97 j’étais directeur du FRAC et en même temps j’évoluais en groupe B comme troisième ligne dans l’équipe de la Seynesur-Mer. Le lundi j’arrivais au FRAC avec des cocards et des pansements mais personne ne m’a jamais fait de réflexion, d’un côté comme de l’autre… Il y a tout de même une

anecdote savoureuse. Au retour d’une troisième mi-temps arrosée, un bon copain du rugby me demande dans la voiture « au fait qu’est-ce que tu fais comme boulot ? », je lui réponds « je travaille dans la culture » sans donner de détails et là, après un grand et profond silence, il rétorque : « t’as raison en ce moment, l’élevage ça marche bien ! » (Rires) Pourquoi avoir choisi la Villa Arson ? J’ai toujours eu envie d’y travailler, c’est un établissement qui a une âme mais c’est surtout un lieu unique. C’est une école d’art, un centre d’art, un lieu de résidence et une médiathèque. Il est très rare d’avoir sous le même toit autant de missions complémentaires qui permettent d’œuvrer sur tous les fronts. Justement, quelle est votre mission ? Mettre en place les expositions bien sûr, mais aussi m’occuper de tout ce qui gravite autour, la stratégie des médiations pédagogiques avec l’Education Nationale auprès des publics. Je gère aussi la politique éditoriale, les résidences d’artistes et tout ce qui touche à la création sur l’établissement, œuvres en extérieur, aménagement etc. Quelles furent vos priorités ? L’ouverture était et reste mon premier objectif. Il y a eu pas mal de travaux depuis 2006. Des grandes portes vitrées ont été

mises en place dans l’entrée afin de décloisonner, le centre d’art se devait d’être plus ouvert, plus visible pour tous, à commencer par les étudiants. Et cela a marché, il semble que depuis on assiste à un regain de visites ? Nous sommes passés de 7 700 à 12 900 visiteurs de 2005 à 2008, soit 70 % d’augmentation de fréquentation. Pour la qualité, ce n’est pas à moi d’en juger mais mon souci de faire rayonner le centre d’art, les efforts structurels et les travaux entrepris ont dû jouer dans ce sens. Comment s’articule votre programmation ? Il y a deux types d’expositions : les expos collectives et thématiques et les expos monographiques. Les premières ont un fil directeur qui consiste à prendre des sujets très balisés de l’histoire de l’art pour les traiter non pas au travers de leurs évidences mais par le prisme de leurs paradoxes. Ainsi, avec l’exposition « intouchable l’idéal transparence » a-t-on pu traiter de la transparence via la dystopie au lieu de l’utopie qui marqua le XXème siècle. « Ne pas jouer avec les choses mortes » permit de découvrir la performance sans geste d’artistes, seulement avec des objets produits. « Acclimatation » montra le paradoxe de vouloir figer la nature alors qu’elle est en


Arnaud Maguet La Société du Spectacle (Backstage) 2008 Bois, tubes fluos, papier aluminium, impression sur plexiglass, film autocollant et câble 160 cm x 95 cm

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LA VIE DES ARtS

Courtesy : La Blanchisserie galerie (Boulogne-Billancourt) Photo : Villa Arson / J. Brasille

Vue de l’installation de John Armleder (galerie carrée) / Exposition A moitié carré / A moitié fou (2007) Photo Jean Brasille

perpétuelle mutation. Celle visible jusqu’au 30 mai, « Double Bind/Arrêtez d’essayer de me comprendre », qui est une phrase de Lacan lancé à un étudiant qui le harcelait de questions, parle de communication mais via tous les accidents qu’il peut y avoir lors de la transmission d’informations (malentendus, hiatus, erreurs de traduction, etc.). toute erreur peut aussi produire du sens ou, à défaut, une œuvre d’art. Ces dysfonctionnements ont-ils un rapport avec ce que nous vivons actuellement ? Ma volonté première était de montrer aux étudiants et aux publics comment on pouvait sortir des sujets éculés de l’histoire de l’art en les abordant sous des angles nouveaux. Les expos monographiques procèdent du même esprit. Il s’agit d’inviter cette fois plusieurs artistes à travailler sur un sujet commun. Le collectif devient alors une somme d’individualités qui offrent des regards différents.

Ryan Gander I don’t blame you, or, When we made love you used to cry and I love you like the stars above and I’ll love you until I die, 2008 Courtesy of the artist, Burger Collection, Gallery Bob van Orsouw, Zürich, Annet Gelink Gallery, Amsterdam and Lisson Gallery London. Photo : Villa Arson / J. Brasille

Exposition tHE DIE IS CASt Ryan Gander (galeries du patio et des cyprès) 26 juin – 18 octobre 2009

grands récits, idéologiques, politiques, religieux. La jeune génération est née avec ça… tout reste à faire ? Ou bien à épuiser, je crois beaucoup à l’épuisement d’un cycle. La période baroque après la Renaissance en fut un autre. La surconsommation, l’hyper succès de la culture du spectacle font qu’il y a beaucoup de choses. Une profusion qui prête à confusion mais qui contraint le public à être curieux et les créateurs à agir comme des chercheurs. Dans un sens, c’est plutôt positif. Ce n’est pas toujours l’avis des critiques. Les plus grosses critiques sur l’art contemporain viennent des intellectuels, pas du grand public. La progression des fréquentations des expos le prouve. Il y a Jean Dupuy une curiosité parfois Table à imprimer, 1974 et anagramme, 1984 assez naïve du grand Périscope, miroir, collages. Photo : Villa Arson / J. Brasille public mais que j’apCourtesy : Galerie Sémiose (Paris) Photo Jean Brasille précie beaucoup. En fait ce sont les intellectuels, déboussolés par Une manière de montrer la diversité de l’art ? la perte de référents qui campent sur leurs Le but est effectivement de pointer la poly- positions. sémie de l’art avec la complicité de commis- L’art contemporain semble, lui, se nourrir saires différents. Je crois que l’art n’a pas un d’un nouveau public. sens unique. Aujourd’hui, même les formats Absolument ! Et ce phénomène est aussi le sont éclatés. Depuis la fin des années 70, il résultat d’un travail de fond fait par le sern’y a plus de courants majeurs, c’est dérou- vice public depuis 20 ans sur l’accueil, la tant mais excitant, il y a le pire et le meilleur. médiation culturelle, l’art dans les collèges, On est dans une période post-moderne, un etc. Un effort qui porte ses fruits depuis 5 mot barbare qui veut dire que c’est la fin des ou 6 ans.

Ryan Gander A sheet of paper on which I was about to draw, as it slipped from my table and fell to the floor, 2008. Courtesy of the artist, de Bruin-Heijn Collection, Amsterdam and Annet Gelink Gallery, Amsterdam.

Les membres du cercle fermé de l’art ne se sentent-t-il pas dépossédés d’un bien ? Je renvoie dos à dos ceux qui disent que l’art contemporain est incompréhensible et ceux qui disent qu’il n’a pas besoin d’être compris. Dans les deux cas il s’agit de personnes qui ne veulent pas prendre le temps de réfléchir, les premiers par fainéantise, les autres par prétention. L’art contemporain propose d’ailleurs un temps de gestation face au flux tendu d’informations. Il est très difficile d’avoir une compréhension immédiate de l’art et ce temps de recul, de réflexion, ce temps différé de l’art est salutaire. Pour moi, une exposition est un acte de résistance, parce que c’est un de ces derniers espaces qui est encore dans une radicalité, qui le préserve du tout-évident, de la sur-communication. Je me méfie du spectaculaire. Une exposition, c’est comme une lecture, ça se traverse à son rythme. On peut y rester cinq minutes ou deux heures. En 2011 vous participerez à un grand événement azuréen fédérant plusieurs lieux d’art emblématiques. Oui, la Villa traitera de la performance. Un sujet important que je fouille depuis plus de deux ans. Dès mon arrivée à Nice, je me suis demandé comment faire une expo identitaire

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LA VIE DES ARtS

iNtERViEW Claire Fontaine (nov 2007 - mars 2008) Untitled one is no one 2007 Photo Villa Arson

Trivial Abstract 20 février – 24 mai 2009 John M. Armleder, E hoi e, 2001 Néon, papier Lumifol, ø 150 cm Courtesy galerie Andrea Caratsch, Zürich

César, Compression métallique bleue, 1994 Compression de bidon métalliques bleus, 156 x 82 x 60 cm. Courtesy Fonds National d’Art Contemporain (dépôt à l’EAC, Mouans-Sartoux) Photo : Villa Arson / J. Brasille

sans tomber dans le régionalisme. Des années 50 à aujourd’hui nous sommes dans un territoire marqué par la performance, largement plus que Paris. Cela commence en 1951 avec le scandale des lettristes à Cannes suite à la projection d’un film sans images impliquant Cocteau, Rohmer et Guy Débord puis se poursuit avec Arman, Klein, Ben, jusqu’à nos jours avec des personnalités comme Arnaud Labelle Rojoux ou Jean-Luc Verna. L’exposition fera l’objet d’un gros catalogue dévoilant une somme d’informations jusqu’alors inédites. Et aujourd’hui, quels sont vos rapports avec l’art contemporain à Nice ? Il me semblait vital que la Villa collabore avec ses voisins. C’est pourquoi nous nous sommes engagés avec l’association BOtOX(s). Avec peu de moyens, on a fait

Exposition Acclimatation 31 octobre 2008 - 1er février 2009 Prolongée du 20 février au 3 mai 2009

Courtesy : Galerie Catherine Issert (Vence)

association issue de la mission cinéma de l’Espace magnan. C’est une structure autonome avec laquelle nous collaborons. Dans le cadre de notre prochaine exposition, « l’éclat » propose sa programmation de films. Jacques Rozier viendra y présenter « Maine Océan », une comédie des années 70 basée sur les difficultés de communication d’un groupe de touristes étrangers dans un train. Comment fonctionnent aujourd’hui les résidences d’artistes ? Il y en a 6 par an, 6 bourses de 5 000 euros qui permettent à des artistes de tous horizons de venir travailler dans nos murs entre 2 et 4 mois. Là aussi j’ai essayé de faire bouger les lignes. Soit je demande à des partenaires en région de présenter des dossiers incluant des projets en extérieur, soit je sélectionne

Ne pas jouer avec des choses mortes 29 février – 24 mai 2008 Paul McCarthy Skinny Bear, 1992, technique mixte Propo (Fred Fkinstone), 1992 Cibachrome, Collection privée Propo (Daddy’s Ketchup), 1992 Cibachrome, Collection privée Courtesy : Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois, Paris Photo : Villa Arson / J. Brasille

beaucoup de choses. C’est quand même plus agréable de travailler ensemble, cela suscite le plaisir, l’envie. La ville ne profite pas assez des richesses qu’elle a sous la main. De notre côté, avec Alain Derey, nous avons beaucoup œuvré pour cette ouverture. Quand on organise des voyages de presse, les journalistes sont systématiquement emmenés dans les autres lieux d’expositions niçois. Depuis quelques mois, nous hébergeons dans une salle de l’amphithéâtre qui a été rénovée, « l’éclat », une

BP Forêt noire, 2008 Bois, huile de vidange, bitume, 20 éléments, 210x150 cm

moi-même des artistes sous condition qu’ils créent un lien avec l’extérieur. Nos résidents actuels s’occupent ainsi de la médiation de l’exposition en cours. Les résidences doivent aussi participer au processus d’ouverture. Quels sont vos passions, hormis l’art contemporain ? Je suis très attiré par la littérature et plus particulièrement par la poésie qui propose pour s’exprimer en public des inventions qui tiennent du bricolage expérimental mais offre une réelle alternative à la lecture tradition-

nelle qui n’attire plus grand monde. Nous allons recevoir en résidence en fin d’année Olivier Cadio, poète contemporain, auteur d’un livre incontournable « Retour définitif et durable de l’être aimé ». Prochain invité d’honneur du Festival d’Avignon, il viendra après cette 64ème édition à la Villa pour préparer un album avec Rodolphe Burger, chanteur compositeur du groupe rock « Kat Onoma ». Sa poétique des mots qui se prête à la musique actuelle, il l’a prouvé aussi avec Alain Bashung, prend sa source dans ses balades d’enfant alsacien au cœur de la nature. Sorte de Robinson des temps modernes, Olivier pratique une langue inventive jubilatoire et sensuelle qui réinvente l’espace. Vous semblez être un homme heureux, des souhaits pour 2010 ? Certes, comme bien des structures culturelles, nous avons dû réduire un peu la voilure en termes d’expositions. Mais cela me permettra de me concentrer sur d’autres chantiers, de faire plus de collaborations notamment avec l’école. Nous travaillons dans des territoires encore trop éloignés, trop marqués sur un modèle des années 70. Je trouve qu’il y a quelque chose à inventer à la Villa Arson qui soit plus en phase avec la triple identité du lieu. Les passerelles existent mais elles sont encore trop modestes à mon goût. OM


Poésie et musique au CUM à 16 h du 8 mars au 15 mars Entrée gratuite

LUNDI 8 MARS

Journée de la Femme : lecture en musique par Sophie Duez (comédienne) - De la lettre à la note

MARDI 9 MARS

Cocteau, l’ami des femmes - Spectacle (textes et musique)

MERCREDI 10 MARS

Après-midi poétique autour des femmes

(classe d’art dramatique du Conservatoire Pierre Cochereau)

JEUDI 11 MARS

Shéhérazade et les mille et une nuits lecture de textes et accompagnement musical de tradition persane

VENDREDI 12 MARS

Musique médiévale au temps de l’amour courtois

SAMEDI 13 MARS

Après-midi de découverte du SLAM

LUNDI 15 MARS

Remise du prix “Alain Lefeuvre” à Kenzy Dib et lecture de poèmes

CENTRE UNIVERSITAIRE MÉDITERRANÉEN 65, PROMENADE DES ANGLAIS - NICE WWW.CUM-NICE.ORG

04 97 13 46 10


LA VIE DES ARtS

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Pignon sur rue

De Naples à Alger, de l’apartheid à l’avortement, de Rimbaud à Genet…Ernest Pignon-Ernest n’a eu de cesse, depuis quarante ans, de questionner l’art, les hommes et leurs drames au travers de ses parcours dans les villes, entre éphémère et éternité. Né à Nice en 1942, l’artiste entretient des liens très forts avec la culture méditerranéenne. Rencontre avec un homme qui conjugue exigence éthique et exigence artistique. Interview réalisée par Faustine Sappa © H. Lagarde

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sur quelles thématiques travaillez-vous en ce moment ? Je travaille actuellement, dans le cadre du centenaire des Ballets Russes, avec JeanChristophe Maillot à la scénographie de Daphnis et Chloé, ballet qui sera créé en deux étapes : en avril nous proposerons une espèce d'esquisse expérimentale dans laquelle nous envisageons un dialogue entre la chorégraphie et des dessins qui se développeraient en direct sur la musique ; la version finale avec tout le corps de ballet est prévue pour la fin de l'année. Parallèlement, j'étudie Abraham. J'ai réalisé il y a quelques mois un parcours « Mahmoud Darwich » en Palestine et je souhaiterais poursuivre en travaillant sur la ville d'Hébron, chargée d'histoire essentielle aux trois monothéismes, aujourd'hui terrain de tensions exacerbées. Par ailleurs, je prépare une exposition rétrospective pour l'été à La Rochelle. Ces jours-ci sort un DVD sur mes travaux, « Parcours », réalisé par Patrick Chaput, ancien élève de la Villa Arson, et bientôt un livre aux Editions Delpire dans la collection « Des images et des mots ».

On dit souvent de vous que vous êtes à l’origine du mouvement du street art. Quel a été au départ le moteur de votre démarche ? Etait-ce une manière de dénoncer l’art construit pour les musées ? Le street art est désormais entré dans les musées et les salles des venNaples en 1990. © EPE-ADAGP tes, avec notamment Bansky. Quel est votre point de vue sur cette fait pour les musées ». J'étais étranger évolution ? à tout ça. L'objet tableau me paraissait On dirait qu'il a fallu un nom anglais pour insatisfaisant pour traiter les thèmes qui que ça existe ! En effet les quelques ouvra- me préoccupaient. Le désir et la nécessité ges qui viennent de paraître sur le street d'utiliser les lieux mêmes comme matéart repèrent mes premières interventions riau se sont imposés. comme à l'origine de ce mouvement. C'est Pour ce qui est du passage au musée et au en 1966 que j'ai commencé à inscrire ces marché, dès 1979, le Musée d'Art Moderimages de personnages grandeur nature ne de la Ville de Paris, l'ARC, a présenté dans des lieux réels. Non, il n'y avait pas une exposition sur toutes les interventions du tout l'idée d'une dénonciation de l'« art urbaines que j'avais réalisées jusque-là.


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On y présentait les photos in situ et les dessins préparatoires, les études, tout le processus. Que les choses soient montrées dans un musée c'est, au fond, le rôle de ces institutions, ce qui pose question me semble-t-il, c'est plutôt cette dérive d'œuvres faites directement pour le musée, souvent à leur demande. Ce qui aboutit, on le voit aujourd'hui, à un art ofNaples, Alla Zacca, en 1990. © EPE-ADAGP

L'exposition Extases dans la Chapelle Saint-Charles à Avignon en 2008. © EPE-ADAGP

Ramallah 2009, parcours Mahmoud Darwich. © EPE-ADAGP

ficiel, un académisme « art contemporain » et au clergé institutionnel qui le norme. Quant aux ventes et au marché, ceci n'est pas spécifique au street art, nous vivons dans une société dont la logique même est de tout transformer en marchandises. Il est vrai que, concernant un art né de la rue, la contradiction semble plus aigüe.

La vraie question, éthique au fond, c'est que ces sollicitations du marché n'interviennent pas dans le contenu, l'esprit des œuvres, le choix des thèmes, qu'elles n'influent pas sur la démarche. Il s'agit de résister. Une certaine reconnaissance peut être facteur de liberté. Vous savez, si j'ai pu mener des projets à Soweto ou en Palestine, qui n'ont vraiment aucune logique économique, c'est parce que l'audience de certaines de mes interventions m'a donné les moyens de prendre ces risques. techniquement, comment procédezvous ? Pourquoi ne pas avoir choisi de peindre directement sur les murs ? Je choisis des lieux, des événements : morceaux de réel dans lesquels je vais

LA VIE DES ARtS

inscrire un élément de fiction. toutes mes interventions reposent sur cela : la façon dont je réussis à inscrire cette fiction dans le réel et l'interaction que cela va provoquer. C'est dire que les lieux sont mon matériau premier, j'en fais une approche physique, je marche beaucoup, je vise à en appréhender les qualités plastiques, en comprendre l'espace, la lumière, à repérer la matière des murs, leur couleur. C'est-à-dire saisir tout ce qui se voit, et, dans le même mouvement, j'entreprends d'en saisir tout ce qui ne se voit pas ou ne se voit plus : l'histoire, la mémoire enfouie, tout le potentiel symbolique et sémantique qui émane de ce lieu. C'est nourri de tout cela que j'élabore mes images, comme si elles étaient nées de ce lieu et uniquement conçues pour s'y inscrire. techniquement, cela entraine des contraintes très spécifiques. Il faut, par exemple, que l'image n'apparaisse pas à la surface comme une affiche : il faut que son incorporation travaille le lieu plastiquement, en fasse un espace plastique et simultanément le travaille au niveau de sa symbolique, en perturbe l'appréhension, en exacerbe la mémoire. Il n'y a qu'avec le dessin que je peux conjuguer ces deux nécessités : stigmatiser à la fois ce qui se voit et ce qui ne se voit pas. Je n'ai donc jamais envisagé de peindre directement les murs. Je tiens à ce que m'offrent le dessin et le papier : l'éphémère, la mort annoncée de mes images est un élément essentiel de ce que je propose, il me permet d'intégrer le facteur temps. Et puis le dessin par nature n'est jamais naturaliste, le noir et blanc, le rectangle de la feuille, affirment le concept, la fiction, la distance, ce qui joue un rôle essentiel dans cette contradiction que j'aiguise volontairement entre « effet de réel » et « effet de distance ». Peut-on dire que vos œuvres ne vous appartiennent pas, ou au moins aussi peu que les supports sur lesquels vous les réalisez ? En effet, elles existent dans un temps et un espace qui appartiennent à tous. Par exemple, dans une de mes sérigraphies

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la vie des ar t s

Artiste

Il ne s'agit pas comme on peut l'imaginer d' « un artiste engagé » de faire passer un message explicite et direct, mais de s'en saisir comme une sollicitation à une recherche plastique et poétique.

Exposition des Cabines à Lyon en 1996. ©EPE-ADAGP

napolitaines qui s'inscrivait dans un parcours sur les représentations de la mort, un homme portait un cadavre dont la main trainait sur le sol. Dessin d'une main fragile, imprimée sur un papier fragile. Je n'ai collé ces sérigraphies que dans les rues dont le sol est pavé d'énormes dalles de lave noire. Je savais en réalisant ces dessins que ces mètres carrés de pierre seraient physiquement liés au dessin, et qu'autant que ce que l'image représentait, la proposition plastique serait dans cette confrontation entre cette fragilité et la force plastique et symbolique de ces énormes dalles noires qui disent le Vésuve et sa menace. J'ai collé ces images durant les nuits du Jeudi et du Vendredi Saints. Rencontrer une image de la mort

dans le contexte de Pâques -Passion et Résurrection- intervient bien sûr dans la façon dont elle est reçue. Tout cela pour dire en effet que ni le temps ni le lieu ne peuvent s'approprier et qu'ils sont aussi essentiels à mon œuvre que le dessin. Pour vos œuvres de la série Extases (Sept portraits imaginés de grandes mystiques chrétiennes), récemment exposés au Forum Grimaldi de Monaco et, en 2008, à la Chapelle Saint-Charles d’Avignon, votre travail est très différent. Pouvez-vous toutefois nous expliquer en quoi ce rapport au corps exprimé de façon si vivante le rapproche de vos interventions urbaines ? Il y a en commun cet espèce de face-àface, de relation physique, sensuelle que j'essaie de créer entre les images et celui qui les découvre, cette façon de travailler le comment  de la rencontre. En commun aussi que la proposition plastique n'est pas seulement dans le dessin : sur les

murs des villes, la feuille est travaillée, je le disais, par la texture des supports, cela intervient beaucoup dans la lecture de l'image, lui inflige des tensions, la fragilise. Pour « Extases », j'ai travaillé les feuilles au point d'en faire un élément plastique, sculptural, aussi important plastiquement que le dessin même, en tension avec lui. Comment est né ce projet ? Votre envie était-elle de montrer ces mystiques comme de grandes amoureuses, aux corps à la sensualité exaltée ? Dans les années 80, j'ai souhaité entreprendre un projet qui serait comme une quête de ce qui fonde ma culture méditerranéenne. Des lectures, puis la musique, m'ont amené à choisir Naples. Naples comme une espèce de Nice exacerbée. Là-bas l'histoire ne s'efface pas, s'y superposent mythologies grecque, romaine, chrétienne. Pendant plusieurs années, j'ai développé à travers cette ville de nombreux parcours d'images qui


Artiste

L a vie des ar t s

Quelques repères… 1972

Les Accidents du Travail (Paris)

1972

Les Hommes bloqués (Paris)

1974

L’Homme et la Ville (Le Havre)

1975

Sur l’avortement (Tours, Nice, Paris,

Avignon)

1975

Les Immigrés (Avignon)

1978-79 Rimbaud (Paris et Charleville) 1979

Les Expulsés

1984

Les Arborigènes (Jardin des Plantes, Paris). Des statues vertes de chlorophylle d'hommes et femmes nus, juchés dans des arbres, composés de micro-algues, de mousse de polyuréthane, de végétation naturelle.

1988-95 Naples 1996

Derrière la vitre. Silhouettes peintes

2002

Soweto-Warwick-Durban (Afrique du

2003

Le Parcours Maurice Audin (Alger)

2009

Décoration monumentale de la

dans des cabines téléphoniques Sud)

Cathédrale de Montauban, (vandalisée par des intégristes catholiques)

Dessins préparatoires à la série Extases. © H. Lagarde

interrogeaient ces mythologies, ces cultes, l'histoire, l'œuvre de Caravage... Pour nourrir tout cela et pour pallier au manque de culture religieuse, j'ai lu beaucoup... d'abord les exercices spirituels de Loyola, Saint Jean de la Croix, Thérèse d'Avila. Et c'est dans ce contexte que de l'interprétation - fausse, je l'ai su plus tard - d'un vers de El Desdichado de Nerval est née l'idée de ce dialogue libre avec les textes des grandes mystiques chrétiennes. Pour moi qui n'ai jamais dessiné que des corps, ce thème s'est imposé comme une quête et un défi et la perspective du plaisir que j'ai à dessiner des femmes. J'ai eu la chance, grâce à mes liens d'amitié et de travail avec les Ballets de Monte Carlo, de pouvoir mener ce projet sur plusieurs années avec la danseuse étoile Bernice Coppieters qui a été bien plus qu'un modèle tant son implication, son talent, son potentiel d'expression ont été essentiels. Un peu schématiquement, je dirais que j'ai tenté d'exprimer par le

dessin leur désir enflammé et inassouvi d'épouse du Christ et par le travail sur les feuilles mêmes, de traduire leur aspiration à refuser ce corps, à le meurtrir, à se désincarner. Parmi les mystiques je n'ai choisi que celles qui ont laissé des témoignages de leurs extases dans leurs écrits ou ceux de leur confesseur : Marie-Madeleine, Hildegarde de Bingen, Angèle de Foligno, Catherine de Sienne, Thérèse d'Avila, Marie de l’Incarnation et Madame Guyon. Mes dessins sont nés de ce qu'elles ont dit d'elles-mêmes, bien que l'essentiel, l'ineffable, elles l'aient dit avec leur corps. Le choix des lieux pour exposer cette œuvre revêt-il la même importance que pour vos interventions urbaines ? Oui, d'autant que cet ensemble, étant donné la mise en forme des feuilles, ne peut se concevoir que dans l'espace. Il exige un travail sur la lumière, un dialogue avec l'architecture qui affirme la spiritualité L’univers religieux est très présent dans votre œuvre, de Naples à Extases, entre autres. Quelle relation faites-vous entre votre travail et la religion ? Je suis athée et matérialiste, mais je suis né sur cette rive de la méditerranée, dans cette période historique et je pense que c'est une chance quand on est peintre

d'être né dans un contexte chrétien. Il faut lire «  Vie et mort de l'image » de Régis Debray… Enfant de chœur à 9 ans à Sospel, je n'ai jamais oublié la Piéta de la Cathédrale Saint-Michel. Je ne traite que de la vie des humains, des drames qu'ils traversent, des violences et des injustices qu'ils subissent, de leur angoisse de la mort. C'est comme une évidence, une nécessité profonde, culturelle que je mène depuis des années en dialogue avec la peinture religieuse, du Gréco à Simone Martini, de Mantegna à Caravage... Sur ce terrain, Pasolini est une référence : marxiste, il réalise «  Médée » et «  L'évangile selon Saint Matthieu  » et ne cache pas que ses choix éthiques sont hérités des valeurs chrétiennes. Je partage cette dialectique, je sais que des Piéta chrétiennes ont eu pour modèle Aphrodite portant le corps d'Adonis. Certains thèmes politiques et sociaux vous tiennent à cœur, notamment dans vos « Parcours », même si vous ne vous revendiquez pas comme un artiste engagé. Où situez-vous la nuance ? Lorsque je choisis un thème à caractère social ou politique c'est bien sûr parce qu'il m'intéresse, que je souhaite l'appréhender, le comprendre mieux et que je pense qu'il est assez riche pour me permettre une recherche, une investigation du sens et du sensible, de l'imaginaire, des formes et de l'espace. Il ne s'agit pas comme on peut l'imaginer d' « un artiste engagé » de faire passer un message explicite et direct, mais de s'en saisir comme une sollicitation à une recherche plastique et poétique.

Pour en savoir plus Extases, texte d’André Velter Editions Gallimard Monographie Ernest Pignon-Ernest Editions bilingue français/anglais, Bartschi-Salomon Editions PARCOURS 1971-2009, film de Patrick Chaput et Laurence Drummond www.plaisirdimages.fr

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la vie des arts

portrait

Simone Dibo-Cohen : Fondu au noir enchaîné

D

© J-Ch Dusanter

ifficile de passer à côté de Simone DiboCohen sans la remarquer. Quel amateur d’art niçois n’a jamais croisé lors d’un vernissage cette femme aux cheveux corbeau coiffés en brosse et vêtue de noir, de pied en cap, une pythie, une sorcière de la Hammer film ? Non car d’aucun l’auront rencontrée à la Galerie ART 7, qu’elle dirigea de 1991 à 2004 avant d’intégrer « Vision Future ». Un autre espace plus modeste en taille mais tout aussi atypique. Car jusqu’en 2009, Simone présenta dans ce qui est une clinique ultramoderne où l’on soigne les yeux ces artistes qui offrent, eux, un nouveau regard sur le monde. « Dès que j’ai quitté la Galerie ART 7, j’ai vécu une série noire durant laquelle j’ai perdu des êtres chers. Le Docteur Chobard, un ami, m’a sauvé de la déprime en me confiant un espace d’art au rez-de-chaussée de son établissement ». Un espace qui ne fonctionnera pas comme une galerie lambda puisqu’il s’agira pour Simone d’y dévoiler la collection de ce chirurgien et grand collectionneur ainsi que ses propres découvertes. « Le soir des vernissages, les œuvres, comme le public, investissaient tous les étages. Une véritable affection nous liait mais d’un commun accord l’an dernier, lui, ayant besoin d’espace pour se développer, et moi ayant retrouvé mon énergie, nous décidâmes de ne collaborer que pour deux événements annuels ». C’est à l’occasion du dernier en date autour de l’œuvre de l’artiste Robert Roux que Simone décidera de reprendre son envol : « J’ai à nouveau beaucoup de projets, je ne veux pas rester chez moi à regarder la télévision, je veux mourir sur scène ». Une profession de foi qui colle à la peau de cette passionnée de sang corse qui fut d’abord attirée par les tréteaux avant de choisir l’aventure humaine de l’art contemporain.

Elle fait partie de ces personnalités qui n’ont pas ménagé leur talent afin de promouvoir l’art contemporain et ses artistes émergents sur la Côte. Signe particulier : elle s’habille de noir, aime briser les cercles, n’en fait qu’à sa tête et rien que pour vos yeux en 2010.

Sous la sciure, les cimaises Par l’entremise de l’artiste et ami Yves Hayat et de Robert Roux, Simone déniche fin 2009 un local sur le boulevard de la Madeleine. « Nous avons fondé une association et avec l’aide de Jean-Jacques Chobard intégré ce qui fut pendant un demi-siècle une menuiserie ». Un grand coup de balai et ça repart ! Une fois l’entrepôt débarrassé de son épais manteau de sciures, la Menuiserie nouvelle mouture est inaugurée le 19 décembre. « Ce baptême improvisé où une trentaine d’artistes à l’approche des fêtes fixèrent le prix de leurs œuvres à un plafond de 500 euros, fut un gros succès malgré la météo déplorable ». Un succès qui sonne le retour de cette férue d’art sans compromis. « Nous ne comptons pas vivre de subventions, mais faire de la menuiserie un lieu incontournable ouvert aux artistes, bouillonnant, iconoclaste dans l’esprit défricheur de ART 7 », explique Simone. Il est vrai que depuis sa fermeture, ART 7 n’avait pas trouvé à Nice d’équivalence en termes de stratégie d’accrochage et de volume. Car durant


Ci-dessus de gauche à droite :

L a vie des arts

© J-Ch Dusanter

portrait

 Exposition collective inaugurale à la Menuiserie : portraits/masques de Yves Hayat, barreOmètre de Peter Larsen

Ci-contre :  Totems d’objets recyclés de Robert Roux Photos © J-Ch. Dusanter

son âge d’or, l’ex-galerie des antiquaires sur la Promenade disposait de 25 cabinets sur 1 200 m2, fédérant près de 30 créateurs au mois. Des artistes qui ont répondu présent à l’appel. « J’ai retrouvé ce climat qui m’a fait vibrer dans ces 300 m2 avec verrière. Tout restera dans son jus, sauf les murs que nous devons blanchir, pour en faire un espace de monstration atypique mais aussi un lieu d’échanges avec son coin bar, des dîners privés, et pourquoi pas des concerts ! » La prochaine expo qui aura lieu en mars devrait surprendre. « Toutes les invitations ne seront pas collectives, je souhaite également faire des monographies, j’ai très envie d’exposer Ange Leccia, Riba, Reyboz, Hayat, Coville, Martin Miguel, Pedinielli etc. Le choix se fera en fonction des propositions en rapport avec l’identité du lieu ». Mais la Menuiserie qui ne devrait être grande ouverte que lors des vernissages (au rythme d’un tous les trois mois) et quelques jours par semaine n’occupera pas tout l’agenda 2010 de Simone. Loin s’en faut…

De la Mairie du 17ème au Château de Cagnes « On dirait que tout ce que j’ai fait pendant 20 ans pour l’art me revient aujourd’hui », commente Simone avant de dévoiler ses projets en cours. Une série d’expos qui débutera le 16 février à Paris où elle

présentera à la Mairie du 17ème le travail de Robert Roux. Le 26 mars, direction Lyon où elle inaugurera avec Gérard Taride en même temps que le lieu un nouveau cycle d’expositions à la clinique « Vision future ». « Un espace de plain-pied plus grand que celui de Nice ». En juin, retour au bercail pour un défi de taille. « Cet été je m’attèle en tant que Présidente à redonner son lustre à l’UMAN*, une manifestation initiée par Matisse et Bonnard ». Cette biennale 2010 ressuscitera à Cagnes, ville où l’événement prit racine. « Je voudrais parvenir à faire tourner la Biennale dans tous les pays du bassin méditerranéen, j’ai déjà eu des propositions du Maroc, de la Tunisie et de la Corse, mais j’attends pour boucler d’avoir un circuit complet ». La mairie de Cagnes-sur-Mer et Virginie Journiac, sa Conservatrice en chef, s’apprêtent d’ores et déjà à accueillir, du Château à la Maison des Artistes, une quarantaine de créateurs venus de Riviera, d’Espagne, d’Italie, de Corse, d’Israël et du Maghreb. « Le vernissage aura lieu le 26 juin… Je m’aperçois qu’il y a trois six dans toutes ces dates, 666, le chiffre du diable ! », s’étonne non sans ironie la dame en noir, rajoutant aussitôt : « J’ai voulu une exposition de qualité, comme une passerelle jetée entre les générations, les styles, les formes. Il y aura des œuvres que l’on va aimer ou détester mais on n’en sortira pas indemne ! » OM *L'UMAM (Union Méditerranéenne pour l'Art Moderne). En février 1946 Matisse deviendra avec Pierre Bonnard co-président de cette association dont le but était de promouvoir l'art contemporain. Ainsi naitront à Cagnes sur mer le premier musée d’art contemporain dans le château des Grimaldi et à Nice la Galerie des Ponchettes au cœur d'un ancien arsenal.

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la vie des arts

Collectionneur

J’enchaînais alors les cachets pour être autonome. Dans une galerie rue de France, j’ai vu deux toiles de ce peintre mentonnais. J’ai acheté la première en payant sur 10 mois et la seconde 30 ans plus tard.

L

e cœur de sa collection, une quinzaine d’artistes, 450 pièces dont une trentaine exposées à son cabinet du Regina. Les autres étant reparties entre son domicile et les musées, car le Docteur Bernard Massini prête beaucoup pour les expositions. Mais qui est vraiment cet homme que l’on pourrait qualifier d’éminence grise, tant il semble peser de l’ombre de son poids sur la culture de la ville ? Qui se cache derrière ce regard bleu pâle, aussi vif que bienveillant ? Bernard Massini n’est arrivé qu’à force de passion, de partage. Sa force, il n’a de cesse de le répéter, il la puise dans ses rencontres avec les artistes et dans son parcours. Un chemin sinueux qui, lorsqu’on l’écoute, semble droit comme une autoroute. Pudeur, peur du pathos ? Il l’avouera au détour de la conversation : « je suis un hypersensible qui a appris à contrôler ses émotions ». Et si c’était la foi, celle qui s’exprime dans cette vision de la Divine Comédie signée Garouste ou dans une crucifixion de Corpet installée dans son bureau, qui guida ce petit-fils d’immigrés italiens, de batteur d’orchestre à neurochirurgien, de ses rêves d’enfant à ses rêves d’adulte ? C’est au cœur de son cabinet de chirurgie à la fois cabinet de curiosités chargé d’immenses toiles comme d’autant de promesses que nous avons rencontré le Docteur Bernard Massini. © J-C h Du sant er

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Bernard Massini : Une Collection Émotion Chirurgien et collectionneur d’art, le Docteur Bernard Massini n’est pas homme à se mettre en lumière et pourtant il œuvre pour rendre à Nice « Tout le bonheur que cette ville lui a donné ». Son cheval de bataille : faire du cabinet de chirurgie qu’il a créé au Régina un grand Centre d’art ouvert au public.

De Bateco au Regina « Il faut resituer les choses. On me voit collectionneur, grand bourgeois mais en fait j’ai des origines modestes. Je suis petit-fils d’immigrés italiens du coté de mon père et russe du côté de ma mère ». Une mère employée d’usine, un père musicien d’orchestre qui anime dans les années 50 les palaces et casinos. « J’ai

comm e n c é moi-même, dès 15 ans, à vivre de la batterie. Mon premier cachet, ce fut pour un réveillon dans un pizzeria. » Quand ses parents intègrent la mairie, la famille qui vivait dans un 26 m2 rue Pertinax emménage à Nice Nord dans les HLM de Bateco. Mais la vraie embellie, Bernard la connaîtra à 20 ans via Matisse, Picasso et… Emile Marzet ? « J’enchaînais alors les cachets pour être autonome. Dans une galerie rue de France, j’ai vu deux toiles de ce peintre menton-


Collectionneur

L a vie des arts

Photos © J-Ch Dusanter

© J-Ch Dusanter

Ci-dessus :  Le deuxième étage de la galerie/cabinet du Régina dessiné par l'architecte Marc Barani Page de gauche :  Bernard Massini s’amuse à piéger notre photographe devant une toile de Ronan Barrot (Le décors/2001)

nais. J’ai acheté la première en payant sur 10 mois et la seconde 30 ans plus tard ». Ces deux tableaux qui sont aujourd’hui dans sa chambre sont les prémices d’une collection qu’il qualifie de « collection émotion ». Mais tout reste à faire lorsqu’il entame ses études de médecine à Nice. Des études qui l’amèneront à exercer à Clermont-Ferrand puis durant six ans à l’hôpital neurologique de Lyon. Quand on lui propose de prendre la direction du service, il refuse, préférant « passer sa vie à Nice». De retour au bercail en 1988, il poursuit de concert métier et passion. Lorsqu’un beau jour, il a l’opportunité d’acheter au Régina où il vit depuis plus de 12 ans, un local puis deux autres. L’architecte et ami Marc Barani refond l’ensemble pour en faire un espace d’exposition en même temps qu’un cabinet médical.

dans la durée, si la rencontre se fait. On ne peut rien brusquer ». Laissant faire le hasard, il se constituera ainsi une autre famille de cœur. « Ma collection c’est ma vie avec les artistes. Une vie pleine avec leurs enfants et les miens. Chaque tableau est un choix, je n’ai pas de fortune personnelle, pas de bateau, de maison à la campagne, rien de tout ça ! ». Bernard Massini, mécène ? Il préfère ce rôle, lui qui échoua à aider les artistes en ouvrant des galeries à Lyon, Paris puis Nice. « C’était d’une grande naïveté, je suis chirurgien, pas marchand ». Pour autant, ce passionné n’a jamais renoncé à faire partager aux Niçois le bonheur que lui apporte ces découvertes. C’est ainsi que le concept du Régina naquit, c’est ainsi qu’il est devenu Président des amis du MAMAC, nouant une réelle amitié avec Gilbert Perlein, son Conservateur en chef. Ce n’est donc pas un hasard si vous voyez les artistes de sa collection exposer à Nice comme Vincent Corpet actuellement. « C’est le fruit d’une complicité et d’une réflexion avec cet homme extraordinaire qui est une chance pour la ville ». Son engagement vient de Une seconde famille de cœur franchir un nouveau pas : « j’ai accepté à Car entre-temps, le Docteur Bernard la demande de Sophie Duez de participer Massini, tout en s’intéressant à l’envers à la Commission de réflexion sur la resdu décor, a accumulé les œuvres. Toutructuration des Abattoirs. Je crois qu’il jours des toiles car son unique passion, y a aujourd’hui des individualités fortes c’est la peinture figurative, « la seule cacomme Michel Sajn, Muriel Marland-Milipable de capter et de rendre la dimen- Bernard Massini par Cédric Tanguy, Bacon, tello, Marianne de « l’éclat » qui, si elles sion humaine comme la spiritualité ». Friedrich & Velazquez, 2004. (120 x 160 cm) œuvrent en synergie, peuvent faire bouSes achats, il ne les fera pas chéquier en ger la culture à Nice ». main dans des salles de vente. L’homme se rapprochera des artis- Une ville qui devrait hériter sous deux ans d’un nouveau Centre d’art tes, devenant intime avec certains dont les toiles habillent les murs où Bernard Massini souhaite ardemment faire dialoguer les artistes du Régina : Djamel Tatah, « qui me reçoit lorsqu’il va à Paris », Pat de sa collection avec des artistes historiques. « Quand je passais à Andréa, « que je connais depuis 30 ans », Denis Castellas, parti pour 20 ans devant le Régina, j’étais fasciné par le fait que Matisse y ait New York, « il me manque mais on s’appelle », Vincent Corpet, Sté- travaillé. J’aimerais que l’histoire se prolonge. Pouvoir abriter une phane Pencréac'h, Valérie Favre, Gérard Garouste, Alun Williams. collection ici fut important pour moi. Aujourd’hui, il est enfin temps « L’amitié, dit-il, c’est comme l’amour, un événement qui s’inscrit de rendre ce lieu aux Niçois ». OM

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la vie des arts

artiste

Florent Mattei Monsieur tout le monde

La cagoule blanche, 2006 Techniques : tricot laine, 40 X 50 cm

Série « The world is perfect » 2001 sans titre, 136 x 110 cm

Courtesy Galerie Espace à Vendre (Nice), Le Cabinet (Paris)

Courtesy Galerie Espace à Vendre (Nice), Le Cabinet (Paris)

Florent Mattei s’engage sur tous les fronts avec ce sens du burlesque qui n’est pas vraiment au menu du cénacle de l’art contemporain. Son travail basé sur la photo explore l’univers du citoyen lambda. Mais au fait, qui est cet illustre inconnu que tout le monde semble connaître ?

S

ur Florent Mattei on en sait un peu plus. D’origine corse, du côté paternel, l’artiste a grandi entre Nice et Paris. Fan de cinéma, il décide dès 14 ans de se faire les dents sur la photo puis partira pour la capitale où il décrochera une maîtrise en sciences techniques de la photographie. En revenant à Nice, il intègre, grâce à son équivalence la Villa Arson une 4ème année. Nouveau départ, diplôme en poche, cette fois pour Marseille où on lui propose une résidence à la Friche de la Belle de Mai. En rejoignant la galerie Frank Elbaz à Paris il réalisera sa première exposition et présentera son travail à « Paris Photo ». Il y restera huit ans tout en gardant le contact avec Nice. « J’ai commencé à travailler avec Bertrand Baraudou en 1997 à l’époque où il avait monté son site Web, la galerie Espace à vendre rue Smolett n’existant pas encore ». De retour à Nice, il y a deux ans, il rejoint les artistes résidents de la galerie montante, un gang de trublions ou sévit Thierry Lagalla, connu lui aussi pour évoluer comme un chien dans le jeu de quilles de l’art contemporain.

© J-Ch Dusanter

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Hold up à la banque d’images Toucher le plus grand nombre, c’est le crédo de l’artiste qui a choisi la photographie comme médium. Florent regrettera tout de

même de ne pas avoir suivi de cours d’histoire de l’art car la peinture l’intéresse aussi. Alors entre deux « investigations en chambre » il comble la lacune. Ainsi ses coloriages améliorés : « Cet exercice hors série est né du désir de faire un vrai travail d’atelier qui me permettait de m’immerger totalement dans une œuvre. Un peu comme une grandmère qui fait du tricot devant sa cheminée ». Ainsi s’attèlera-t-il à reproduire aux feutres de couleurs et en grands formats des peintures classiques et quelques œuvres plus licencieuses (« J’aime la peinture »). Un travail durant lequel il peut réfléchir à ses prochaines estocades. Car c’est avec son objectif que Florent injecte du sens là où il sent que la faille peut devenir abîme. Sa cible : les codes que nous adoptons trop hâtivement et qu’il piège en y introduisant ce petit grain de sable qui fait tout dérailler. Et pour ce hold up artistique, quoi de mieux qu’une banque d’images. Ce nid où prolifèrent les clichés dont la publicité se repaît. « C’est un regard que je connais bien pour avoir réalisé, à des fins alimentaires, des catalogues de pub pour la grande distribution ». Alors dans sa série « Les Incontrôlables », la blonde de rêve au sourire Hollywoodien finit avec un bout de salade collé entre les dents. Le jeune cadre dynamique en costard/attachécase/smart phone à qui tout sourit s’apprête


artiste

Les anges ne savent pas voler 2007, 120 x 160 cm

Série Libertas, 2010 - sans titre, 76 x 100 cm

Courtesy Galerie Espace à Vendre (Nice), Le Cabinet (Paris)

Courtesy Galerie Espace à Vendre (Nice), Le Cabinet (Paris)

L a vie des arts

Ci-contre, de gauche à droite : Série J'aime la peinture, 2005 Nue sur canapé (d'après le livre de François Bouchez, « L'Odalisque blonde » 1752) - technique : feutres sur papier, 144 x 164 cm, Courtesy Galerie Espace à Vendre (Nice), Le Cabinet (Paris)

Le malade Autoportraits (D'après des lithographies érotique) technique : feutres sur papier, 50 x 65 cm Courtesy Galerie Espace à Vendre (Nice), Le Cabinet (Paris)

lui à mettre le pied droit dans une déjection canine etc… « La photo faisant 1,60 m, on voit d’abord une image séduisante. Ce n’est qu’en deuxième lecture qu’on découvre le détail qui la condamne au ridicule ». Dans une autre série qui fera l’objet de son premier accrochage à Paris, « The Word is perfect », il ira plus loin. « Les images glamours publicitaires sont faites pour que l’on s’identifie aux sujets alors je me suis dit, je vais me mettre à leur place. » Et au lieu de faire un collage, il réalise un véritable shooting avec casting, styliste et maquilleuse. « Sauf que le bellâtre qui mesure d’habitude 1,85 m c’était moi avec mes 1,70 m de physique très commun et que le mannequin féminin me dépassait d’une tête. Au final on se demande si c’est moi qui suis ridicule ou le monde qui m’entoure ». Ce premier travail de détournement où il se met en scène lui ouvrira une porte. « Je l’ai fait au départ pour des raisons pratiques, aujourd’hui je continue, c’est une thérapie. Et puis j’ai le physique idéal, celui de monsieur tout le monde ».

« M’as-tu-vu en cagoule… » Ce diktat de la perfection, déployé par notre grammaire visuelle mais détourné de son but, désamorcé par le rire, a le pouvoir d’inciter le quidam à la réflexion. Florent Mattei ferait-il œuvre de résistance ? Et que veulent dire ces cagoules qui fleurissent ça et là dans ses travaux ? « J’aime ce côté de l’identité cachée, qui fait que n’importe qui peut ressembler tout à coup à tout le monde. Elle est apparue dans mon travail après le 11 septembre avec la parano qui nous touchait tous, surtout dès qu’on voyait un barbu avec un gros sac dans un aéroport ». Florent se servira de l’accessoire pour une photo présentée à l'Espace à Vendre où toute sa famille pose en passe-montagne, enfant compris, devant l’objectif. Puis il y eut la cagoule blanche sur un fond blanc où tout disparaît, même l’accessoire. Aujourd’hui l’artiste persiste et signe avec une série de portraits où il revêt tour à tour ces cagoules qui, de par le monde, sont autant de signes d’insoumission. Pas très politiquement correct ce défilé

de mode ? « La cagoule, c’est un signifiant éminemment populaire d’opposition. Dans « Nobody », une série de 40 autoportraits, je portais 40 chapeaux, de la chapka au bob Ricard. Des accessoires qui finissent par parasiter l’identité, la réduire. Cette fois je suis allé plus loin en masquant le visage. L’identité même cachée reste forte, les yeux restant toujours visibles ». Prémices d’une révolution en marche ou pas ? Florent Mattei a, quoiqu’il en soit, déjà commencé la sienne en visant non sans jubilation le talon d’Achille de nos sociétés de consommation. En désamorçant son pathos par le burlesque. En convoquant l’absurde à toutes fins utiles. Un travail qui fait de lui un ovni dans le monde de l’art contemporain, mais qui redonne du baume au cœur et du grain à moudre à… monsieur tout le monde ! OM Florent Mattei a investi avec « Libertas » depuis le 5 février le Show room de L’atelier Soardi pour l’exposition « Maîtres et Valets ».

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7ème Edition

du Salon d’ART accessible à TOUS 6 au 15 mars 2010 – de 10h à 19h Pendant la Foire de Nice 2ème étage Palais des Expositions

80 EXPOSANTS 10 GALERIES D’ART 9 NATIONALITES Tous les jours : 1 jour un auteur 11h00 - 14h00 dédicace et lecture de livres d’un écrivain niçois en partenariat avec les Editions Gilletta. Tous à la Photo : exposition de 10 photographes niçois reconnus, sélectionnés par ART COTE D’AZUR

renseignements : www.tous-a-lart.com

www.nicexpo.org 04 92 00 20 80


Galerie

LA VIE DES ARTS

Étrange, cette galerie ouverte de plain-pied sur l’avenue Princesse Grace, en face du Forum Grimaldi. Atypique parce qu’elle tient plus d’un grand appartement que d’un White cube taillé pour l’accrochage. Mais où sommes-nous vraiment, Marion ?

«E

n fait les murs appartiennent à l’artiste Philippe Pastor qui a intégré le lieu il y a huit ans. A cette époque, c’était son atelier. Il s’en sert aujourd’hui de QG, comprenant des bureaux, des pièces de stockage et deux salles où nous accrochons les œuvres d’artistes avec lesquels il partage une certaine idée de l’art », explique Marion Blandin, en charge depuis deux ans de Monaco Modern Art.

philippe pastor : naturellement ! Philippe Pastor qui a exposé ses œuvres dans de nombreux espaces publics et privés tels que la Modern Art Gallery de Miami (2003) et le siège des Nations Unies de New York (2008) a représenté la Principauté de Monaco à la Biennale de Venise 2009. Né à Monaco en 1961, il est également connu pour son implication dans la sauvegarde de la planète. En témoigne sa série sur les cœurs, qui sommeillent ici entre deux expositions, tout comme deux grandes toiles « Les qua-

Philippe Pastor. Photo Didier Gicquel

© J-Ch Dusanter

Monaco Modern Art Ceci n’est pas une galerie !

tre saisons ». Ces toiles peintes puis livrées aux intempéries, « au temps qu’il fait », afin d’instaurer un dialogue entre l’homme et la nature, furent présentées à la Biennale de Venise. Avec « le ciel regarde la terre », une autre série de peintures en techniques mixtes exprimant le délabrement quasi programmé de la nature, les travaux récents de Philippe Pastor pointent l’impact de l’homme sur l’environnement. « Ces séries qui offrent une sorte de pendant en termes d’art plastique à l’engagement de Y. Artus Bertrand est un « work in progress » qu’il débuta en 2003 par « Les arbres brulés », explique Marion. Ces sculptures totems furent créées à partir des troncs calcinés de la forêt de la Garde Freinet dans le Var, dévastée par un incendie puis vendues au profit de l’association « Art et environnement » initiée par P. Pastor. Car la vente de ces œuvres lui permet, en partenariat avec d’autres organisations reliant l’humain, le social et l’environnemental, de soutenir des programmes telle que la refo-

Arbres Brulés Route des Plages

restation du Kenya. Mais l’artiste dont le travail tend vers l’abstraction a abordé durant sa carrière bien d’autres thèmes, la femme, les taureaux, les généraux etc. Et au fil de ses rencontres, il aime aussi promouvoir les talents émergents ou complices. Certains sont invités à la galerie monégasque, d’autres partagent avec lui les expositions auxquelles il est convié de par le monde.

De Bill Wyman à Marcelline lapouffe L’espace galerie fonctionne ainsi selon l’humeur et les disponibilités de chacun. Pas de calendrier, ou de vernissages imposés, mais deux vitrines ouvertes aux découvertes de Philippe et aux travaux des artistes résidents. Ici ont déjà été exposés des créateurs aussi différents que Louis Canes, connu entre autre pour sa participation en 1970 au mouvement Support-Surface. Bill Wyman, l’ex-bassiste des Rolling Stones, y dévoila en 2008 des photos inédites de sa vie avec le groupe et quelques portraits de celui qui fut

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la vie des arts

Galerie

Stefano Bombardieri Esercizi di tecnica giapponese

Stefano Bombardieri, Barriera invisibile

son voisin et ami à Vence : Marc Chagall. Stefano Bombardieri, artiste italien (vivant à Brescia) installa ses sculptures mettant en scène un étrange bestiaire (rhinocéros, baleine), sorte d’acte 2 de l’Arte Povera. « De façon plus régulière, nous suivons le travail de Manuella Ferré qui n’est autre que la fille de Léo Ferré. Une jeune femme enjouée née en 1978 à Monaco comme son illustre père mais qui accouche d’œuvres très sombres telle sa série de sculptures consacrées à la lapidation ». Elle façonna ainsi en 2003 le buste Saphya représentant une femme avec des clous dans la bouche en réaction à la tragédie que vécut une nigérienne violée puis condamnée à être lapidée pour adultère et finalement graciée sous la pression internationale. C’est un tout autre travail qu’accueille actuellement l’une des vitrines de la galerie. En passant sur le front de mer, les monégasques peuvent assister à un

étrange spectacle où des squelettes décomplexés s’en donnent à cœur joie. Une sorte de « Crypt Show version Bling Bling » revu par une artiste qui s’est sobrement baptisée « Marcelline Lapouffe ». Marcelline, c’est Madam X ! On ne sait rien d’elle, si ce n’est qu’elle a 26 ans, qu’elle vit dans le sud (à Monaco ?), est autodidacte et aime les ossements et tout ce qui brille. Ainsi sa première pièce « Luxure » présentant un squelette customisé en perles de Swarosvki « collées à la main » en compagnie d’un cochon rose très glamour, côtoie un de ses (nos) congénères chevauchant lui un cyclo, le virus du Sida sur l’épaule. Cet univers qui flirte avec le « mauvais goût dandy » de Bruno Pelassy ou de Cédric Tanguy convoque le pop art, le trash et le néo-gothique, le tout passé à la moulinette et grillé au second degré. « Toutes les pièces réalisées en technique mixte sont d’abord chinées puis montées à la main.

A gauche : Marcelline Lapouffe, mom’s heart, 2009, Technique mixte Ci-dessus : Marcelline Lapouffe, Le silence qui tue. Il n’y a rien de pire que les gens qui n’ont rien à dire; ça vous tue comme un putain de silencieux

Stefano Bombardieri Il peso del Tempo Sospeso

Sur le même modèle, Marcelline s’est aussi attaquée à d’autres parties de l’anatomie : crânes, cœurs, cerveaux, etc… mais aussi à des revolvers, appareils photos, jouets, avec le désir de représenter le morbide, le kitsch, le « tabou » sous un autre jour comme un pied-de-nez, un clin d’œil à la vie ». « L’essentiel de notre travail consiste à accompagner nos artistes, à organiser des expositions ou événements hors cadre. Nous préférons aller vers le public plutôt que de l’attendre », explique Marion. Une stratégie qui fonctionne. Marcelline Lapouffe qui a exposé en 2009 à Saint-Tropez, San Marino puis à Paris, vient d’installer un showroom à Londres aux côtés de Philippe Pastor. Sa pièce « Luxure » part bientôt dans un musée en Grèce alors qu’avec Monaco Modern Art elle s’apprête à éditer son premier catalogue. Quant à Philippe Pastor il prépare activement ses showrooms de Miami, Moscou ainsi qu’un autre plus proche de son QG, puisqu’il est l’un des prestigieux invités du salon ART MONACO’10 qui se tiendra du 29 avril au 2 mai au Grimaldi Forum. OM




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