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Conception de la couverture et mise en page Michel Lavigne

Auteur de l’œuvre qui a servi à établir la page couverture Charles Cauchon (élève de Mme Louise Bourret en 3e secondaire)

Photographies M Isabelle Marquis, apparitrice au centre audiovisuel M. Jean-François Bouquet, professeur de français me

3200, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montréal (Québec), H3T 1C1 Téléphone : 514-342-9342 (poste 5304) – parents@brebeuf.qc.ca

ISBN : 978-2-923242-34-7 © Collège Jean-de-Brébeuf


29e CONCOURS LITTÉRAIRE – 2013-2014

TABLE DES MATIÈRES 29e Concours littéraire......................................................................................................................1 Les donateurs...................................................................................................................................2 Les jurés...........................................................................................................................................3 Les poètes et les prosateurs remarqués............................................................................................5

La prose 1re secondaire Prix d’excellence Québec Amérique, Margaux Blair..........................................................9 Deuxième prix, Charles Johnson.......................................................................................10 Troisième prix, Maya Mikutra-Cencora............................................................................11 2e secondaire Prix d’excellence Jacqueline Azar de l'APCJB, Jérémie Picard.......................................15 Deuxième prix, Thomas Li.................................................................................................16 Troisième prix, Chang Heng Mo.......................................................................................17 3e secondaire Prix d’excellence Soulières éditeur, Misha Krieger-Raynauld.........................................21 Deuxième prix, Augustin Décarie......................................................................................22 Troisième prix, Antoine Morency......................................................................................23 4e secondaire Prix d’excellence Chenelière Éducation, Anthony Debay..................................................27 Deuxième prix, William April............................................................................................29 Troisième prix, Xavier Tousignant....................................................................................31 5e secondaire Prix d’excellence Flammarion, François Rivard...............................................................35 Deuxième prix, André Ilinca..............................................................................................37 Troisième prix, Christopher Lu..........................................................................................39

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La poésie 1re secondaire Prix d’excellence Diane Tétreault de l'APCJB , Charlotte Gubany..................................43 Deuxième prix, Flavie Lemoine.........................................................................................44 Troisième prix, Margaux Blair..........................................................................................45 2e secondaire Prix d’excellence Alire, Alexandre Lebeau......................................................................49 Deuxième prix, Tristan Legault-Cadieux..........................................................................50 Troisième prix, George Gerardis.......................................................................................51 3e secondaire Prix d’excellence Albin Michel, Pierre Sene.....................................................................55 Deuxième prix, Xin Rui Li.................................................................................................56 Troisième prix, Wen Yu Duan............................................................................................57 4e secondaire Prix d’excellence Centre Canadien d'Architecture, Long Dang-Hoang............................61 Deuxième prix, Thomas Legault........................................................................................62 Troisième prix, Raymes Zhang..........................................................................................63 5e secondaire Prix d’excellence HMH, De Xuan Guo..............................................................................67 Deuxième prix, Clément Robert-Bigras.............................................................................68 Troisième prix, David-Dan Nguyen...................................................................................70 Le Prix Henri-Tranquille M. Yvon Lachance et Mme Rina Olivieri...........................................................................71 Le concours de couverture Prix du Musée des beaux-arts de Montréal, Charles Cauchon........................................73 Moments de la soirée...................................................................................................................77

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29e CONCOURS LITTÉRAIRE – 2013-2014

29e Concours littéraire

L’Association des parents du Collège Jean-de-Brébeuf est fière de célébrer cette année la 29e édition de son Concours littéraire. Il a été créé en 1985 à l’instigation de Mme Diane Tétreault, professeure et Mme Jacqueline Azar de l’Association des parents. Cette année encore, la qualité des textes écrits par nos auteurs en herbe, tant en prose qu’en poésie, a impressionné les jurés. Au cours de l'année, chacun des élèves du secondaire a dû produire un texte de prose et un poème. Leurs professeurs de français se sont chargés de sélectionner les plus remarquables. Quelque 122 textes ont ainsi été soumis à deux jurys, un pour la prose et un autre pour la poésie. Les jurés ont chacun des expertises différentes mais sont tous passionnés de littérature. Ils ont primé 30 textes et décerné 8 mentions. Par ailleurs, les 82 finalistes, dont les textes avaient été retenus en première lecture, ont reçu en classe un certificat attestant la qualité de leurs écrits. Nous avons le plaisir de vous présenter dans ce recueil les 30 textes dont les auteurs ont reçu un prix d’excellence, un deuxième ou un troisième prix. Finalement, nous sommes fiers d'annoncer que la 8e édition du Prix Henri-Tranquille a permis cette année de souligner la contribution de Mme Rina Olivieri et M. Yvon Lachance, cofondateurs de la librairie Olivieri.

Remerciements Nous tenons à remercier la présidente de l’Association des parents, Mme Nathalie Johnson et son adjointe, Mme Denise Desrosiers. L’Association, qui soutient ce Concours depuis ses tout débuts, continue de nous offrir une aide considérable pour organiser cet événement littéraire. Nous sommes très reconnaissants aux jurés qui ont donné généreusement de leur temps. Pour la prose, Mmes Natasha Beaulieu, Roselyne Hébert et Carole Tremblay ainsi que M. Yann Pineau. Pour la poésie, MM. Horia Bundaru, Jean-Pierre Myette et Nicolae Popescu. Nous témoignons toute notre appréciation aux professeurs de français du secondaire, et notamment ceux qui ont participé à l’organisation du Concours au sein du Comité littéraire de l’Association des parents : Mmes Jocelyne Strouvens et Marie McNamee. Nous tenons également à remercier M. Daniel Deschênes, professeur de français, pour son aimable participation au choix des musiciens. Nous saluons aussi l’engagement des parents du Comité : Mme Véronique Virally ainsi que MM. Stéphane Beaulac, Cédric DeRenoncourt et Bastien Vézina. Nous remercions Mme Louise Bourret et ses collègues d’arts qui nous ont soumis des œuvres de leurs élèves, parmi lesquelles nous avons retenu celle de Charles Cauchon, en 3e secondaire, pour la couverture du recueil.

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Nous témoignons notre reconnaissance à Mme Liliane Houle qui a relu ce recueil pour en chasser toutes les coquilles. Enfin, la soirée de remise des prix doit son succès à de nombreuses personnes dont nous saluons l’engagement. L’animation fut orchestrée par Mme Marie McNamee, professeure de français, et par M. Vlace Samar, élève de la 5e secondaire. Nous avons été comblés par plusieurs prestations musicales, dont une pièce au violon interprétée par Léa Glubochansky (1re sec.), un morceau de guitare d'Alexander Fitchev ( 1re sec.), et les pièces au piano de Jennifer Dang (1re sec.), Louis-Philippe Ignatieff (1re sec.), Thomas Li (2e sec.), Yong Mu Ouyang (5e sec.) et Xavier St-Cyr (1re sec.). Deux membres du Centre audiovisuel du Collège nous ont prêté mains fortes. M. Olivier René de Cotret oeuvrait à la technique du son tandis que Mme Isabelle Marquis a pris les photos « officielles ». Par ailleurs, M. Jean-François Bouquet a accepté de croquer sur le vif quelques moments de la soirée. Nous les remercions de tout cœur !

Carole Dagenais Coordonnatrice du Concours littéraire 2013-2014

Les donateurs Association des parents du Collège Jean-de-Brébeuf Centre Canadien d’Architecture Centre d’histoire de Montréal Chenelière Éducation Distribution HMH Éditions Alire Éditions Pierre Tisseyre Éditions Québec Amérique Isabelle Quentin éditeur Les éditions Albin Michel Les Éditions de la Bagnole Les éditions Flammarion Québec Librairie Monet Musée des beaux-arts de Montréal Renaud Bray Soulières éditeur 2


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Les jurés En prose Natasha Beaulieu Ce fut un grand plaisir de participer comme jurée à la 29e édition du Concours littéraire français du Collège Jean-de-Brébeuf, dans la catégorie prose. J’ai été émue, charmée et intriguée par la grande variété des textes soumis au concours. J’aurais pu facilement donner des commentaires positifs à chacun. Il est important de savoir bien s’exprimer dans une langue. Il est aussi passionnant et gratifiant de savoir composer des textes dans cette même langue. Écrire c’est parler de soi, de son expérience de vie et de son imaginaire. Écrire c’est partager ses richesses individuelles, c’est s’exprimer de manière personnelle et originale. Roselyne Hébert Je me réjouis de faire partie du jury du Concours littéraire encore une fois cette année. Les participants rivalisent d’imagination et d’originalité et nous invitent à traverser avec eux le miroir pour entrer dans des univers parfois terrifiants, parfois fantastiques ou nous entretenir de sujets qui les préoccupent. Les textes soumis sont travaillés, fignolés, le vocabulaire recherché et le style souvent élégant. Beau défi pour un jury : passer de la peur à la surprise, de la réflexion au sourire, de la réalité à la fiction. Merci et bravo à tous les participants! Vous avez fait preuve d’audace et vous avez laissé libre cours à votre créativité, pour notre plus grand plaisir, et le vôtre j’espère! Yann Pineau J’ignore quels sont les rêves et les motivations des élèves qui ont soumis leur candidature au Concours littéraire, mais je les remercie de m’avoir donné l’occasion de me souvenir de l’élève que j’étais vers 11 ans, à l’époque où j’ai moi-même participé à un concours du même type. Je ne savais pas trop à quoi pouvait servir ma participation au prix Julia-Richer du jeune reporter en 1981. Rétrospectivement, je suis convaincu que cela a été pour moi une étape significative dans la recherche d’un champ d’intérêt professionnel et dans la découverte, plus tard, de ma passion pour le journalisme. Je souhaite à tous les candidats, heureux et malheureux, de persister à entreprendre des projets, quels qu’ils soient. C’est en faisant de petits pas qu’on arrive quelque part!

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Carole Tremblay Ça a été un pur plaisir pour moi de plonger dans l’univers imaginaire de tous ces jeunes et talentueux écrivains. Leurs textes m’ont permis de voyager dans des lieux inusités, de croiser des personnages hauts en couleur et de vibrer à l’évocation de leur détresse ou de leurs mésaventures. Bref, ils ont fait tout ce qu’on attend de la littérature. Je souhaite de tout cœur à chacun et chacune de ces auteurs de connaître encore et souvent le plaisir d’écrire, afin que nous puissions avoir de nouveau le bonheur de les lire.

En poésie Horia Bundaru Je suis un passionné des lettres et j'ai dirigé pendant sept ans la troupe de théâtre de Secondaire III-IV du Collège. Au titre d'ancien étudiant, j'ai participé à de nombreuses reprises au Concours littéraire. C’est avec plaisir que j'ai renoué cette année avec le Collège à l’occasion du concours 2014.

Jean-Pierre Myette J’ai été étonné par la qualité des poèmes soumis. Ce ne fut pas facile de choisir les lauréats et il m’aura fallu plusieurs relectures mais quel bonheur de lire certains poèmes qu’on voudrait mémoriser. Dois-je ajouter que l’expérience a fait naître le regret de ne plus enseigner.

Nicolae Popescu Chaque printemps apporte sa nouvelle couvée de feuilles blanches poétisées. Sonne l’appel du dégel. Le rythme se secoue. C’est l’envolée des mots. L’oubli de l’hiver, parfois trop prosaïque... Ces lectures sont devenues un rituel saisonnier auquel j’accorde volontiers mon concours et dont l’exercice m’est à la fois un plaisir et une récompense. Quel bonheur de savoir qu’outre la maîtrise du français — qui constitue un devoir premier —, subsiste encore, demeure de surcroît, la pleine mesure du vers, l’écrin de la parole, le souffle, l’esprit, la joie de la poésie. Veuillez continuer ainsi.

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Les poètes et les prosateurs remarqués Les auteurs qui ont obtenu une mention 1re secondaire Lili Kimmel 2e secondaire Antoine Girouard 3e secondaire Ian Chung, Pierre Sene 4e secondaire Kian Bridger, Jack Castelli, Khalil Serraji 5e secondaire Tomas Langsetmo Les finalistes dont les textes ont été retenus en première lecture 1re secondaire Téo Abou Assaly, Pierre-Alexandre Aubé, Samy Bouzinab, Nicolas Couillard de Lespinay, Jennifer Bao-Tran Dang, Jérôme Doucet, Elliot Gagnon, Shan Luu Gantcheff, Guillaume Gauvreau, Charlotte Gubany, Claire Gubany, Keffrey He, Thomas JeanBrown, Léo Longtin Kahane, Emily Luu, Giang Mai-Vo, François Provencher, Olivier Renaud-Charest, Thomas Saito, Xavier St-Cyr, Yu Chen Shi, Owen Skoda, Sileye Sow, Evelyne Tanguay-Sela, Edgar Lingwen Wang, Qui Shi Wang 2e secondaire, Naji Bou-Aoun, Xin Yuan Chen, Edward Eberle-Sinatra, Thomas Hélie, Benoir Madore, Cyril Mani, Louis Papaceit, Vincent Patenaude, Philippe Raymond, William Wang 3e secondaire Ian Chung, Antoine Csuzdi-Vallée, Augustin Décarie, Alexis Doucet, Antoine Godbout, Guillaume Jones, Vasilios Kallianiotis, Victor Lim, Yu Qing Liu, Rafael Miro-Lucas, BaMinh Nguyen, Antoine Pereyra 4e secondaire Jack Castelli, Jean-Alexandre Coutu-Paquin, Martin-Olivier Dagenais, Gaspar Faure, Maximilian Fiorante, Andres Flores, Mikaël Gubany, Antoine Ipperciel, Joseph Joen, Charles Jolivet, Adrien Laudadio-Beaupré, Émile Leblanc, Édouard Lefrançois, Ryan Lo, Antoine Loranger-Pelletier, Ahmad Makki, Jean Mardenli, Achille Villeneuve, Gaspar Zalba, Wen Yi Zhang 5e secondaire Linchen Bai, Bhavish Beejan, Nadia Blostein, Nicolas Déom, Bo Yi Dou, Aymeric Gaba-Idiamey, Juliette Garcia, Alina Ivlev, Orville Li, Yong Mu Ouyang, Clément Robert-Bigras, Mark Sorin, Alisa Valitova, D'Arcy Van Hoove FÉLICITATIONS À TOUS LES CONCURRENTS! 5



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Prose 1re secondaire

Margaux Blair, Maya Mikutra-Cencora, Lili Kimmel, Mme Jocelyne Strouvens, professeure de français, Charles Johnson

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1re secondaire Prix d'excellence Québec Amérique

devenaient plus myopes et son dos était déformé par la scoliose. Il devenait assurément trop vieux pour continuer ainsi. Chacun de ses pas résonnait sur le plancher sale. Le concierge habituel avait pris sa retraite et le jeune qui le remplaçait était d’une lenteur exécrable. Il s’arrêta un instant, essoufflé. Autrefois, il était capable de courir un marathon sans même ralentir. À présent, ces souvenirs glorieux ne lui semblaient être que des ambitions qu’il aurait imaginées dans son sommeil.

Le gardien du musée Margaux Blair

Il parvint enfin à une salle reculée, cachée au fond du musée. C’était sa préférée : l’exposition de peinture Nihonga. Sur chacun des murs étaient affichées une dizaine d’aquarelles, toutes réalisées à la manière traditionnelle japonaise. Mais ce n’était pas la technique qui l’intéressait. Une peinture en particulier était l’objet de son adoration. Une geisha en kimono bleu. Il lui parlait, lui racontait ses journées. Certains demanderont pourquoi. Pour lui, la réponse était toute simple. Elle lui ressemblait. Quand il la regardait, il pouvait s’imaginer que rien de tout cela ne s’était déroulé. Mais cette nuit-là était différente. Il sentait qu’il était venu la rejoindre…

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l marchait. La lumière de sa lampe de poche balayait l’obscurité réconfortante du musée vide. Dehors, l’astre des nuits illuminait le ciel d’encre. Ses cheveux gris lui arrivaient aux épaules. Lorsqu’il souriait, on pouvait voir ses gencives édentées comme celles d’un bébé. Mais cela faisait un mois qu’il n’avait pas souri. Un mois qu’il l’avait perdue. Il continua sa ronde et arriva à l’aile de l’art occidental, celle qu’il détestait le plus. Ces Américains s’appropriaient tout! Une section du musée, puis le quartier et enfin le Japon au complet! Si cela arrivait, il en mourrait! Il fit rapidement le tour. Personne n’y était.

Le lendemain, son corps fut retrouvé. Certains pleurèrent son décès, sans bonne raison, car ils auraient dû savoir qu’il était enfin réuni avec celle qui lui avait tant manqué.

Aussi rapidement que son corps frêle put le lui permettre, il avança jusqu’à la prochaine salle. Il aimait ces moments. Observer les œuvres, se balader dans ce coffre aux trésors géants, rempli de merveilles que plus personne ne prenait la peine d’admirer. Lorsqu’il était jeune, il adorait visiter les musées. Il s’étonnait toujours en voyant les grosses sculptures de Bouddha et espérait avoir un jour sa sagesse. Il lui semblait qu’il avait échoué à cette tâche. Eût-il réussi, peut-être serait-elle encore à ses côtés…

Commentaires du jury : Récit bien mené. Notre intérêt est soutenu jusqu'à la fin, tragiquement belle. Bon équilibre entre la description du personnage et des lieux et les émotions qu'il ressent. On sent que l'auteur s'est pris d'affection pour son personnage et il la transmet au lecteur efficacement, mais avec retenue.

Il ferma un instant les yeux. Ses genoux craquèrent. Il aurait voulu avoir une fin de vie moins humiliante. Chaque jour, ses yeux 9


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1re secondaire Deuxième prix

sans la peur d’être tués par les talibans. Je partis, attristée par la découverte que jouer m’était maintenant interdit et que mendier serait ma vie.

Orpheline de la guerre

J’errai à travers des ruelles sombres et étroites avant de décider de retourner chez moi. Ma maison, intacte, semblait être celle d’un roi, au milieu de ces paysages chaotiques et bouleversés. Je m’y réfugiai et montai sur le toit. Je m’étendis et vis des avions portant les couleurs américaines me survoler. Un jeune pilote me regarda et me fit un signe encourageant comme pour dire que ces massacres finiraient bientôt. Et je souris! Il ne me restait que l’espoir.

Charles Johnson

L

a bombe tomba et explosa. Destinée au refuge des rebelles, elle avait dévié de sa trajectoire. Mes parents moururent comme de nombreux autres. Ils travaillaient dans mon école en tant que professeurs. J’avais douze ans et j’étais désormais orpheline. Mon frère aussi était décédé, autre fruit empoisonné de cette guerre. J’étais seule. Les Américains vinrent et, à leur vue, je m’éclipsai. Leur mission de vengeance avait causé la perte de ma famille. Je courais donc, encore et encore, dans des paysages appauvris, ruinés, dévastés. Je m’assis, à bout de souffle, dans l’humidité qui régnait lors de cette journée de printemps. Mes vêtements, jadis magnifiques, ressemblaient à de misérables loques. Un homme me pensa pauvre et m’offrit quelques afghanis. J’étais à Kaboul, en 2010, neuf ans après le début de la guerre contre le terrorisme. Dans cette ville dense qui était la mienne, j’étais perdue, et je croyais être seule au monde.

Commentaires du jury : Une histoire touchante à travers laquelle on sent toute la compassion de l'auteur. Écriture sobre et juste. L'auteur a bien saisi la situation que vit la petite fille. Beau texte simple, efficace et touchant. Clair et logique.

Le soleil était à son zénith. Avec les afghanis que l’homme m’avait offerts, je m’achetai du pain et de l’eau. Je m’assis sous un arbre imposant et regardai de jeunes enfants jouer au cerf-volant. Dans la capitale afghane, où frayeur et angoisse nous empêchaient de vivre normalement, seuls les garçons pouvaient aller à l’école 10


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1re secondaire Troisième prix

un étranger, elle aurait semblée délabrée, hostile, un endroit misérable, comme fanée. C’était vrai : la guerre nous avait beaucoup affectés, pourtant, parmi toute la confusion, tout le désarroi, toute la frustration, ma maison était mon refuge. La ville de Kaboul était comme une couverture qui s’étendait des montagnes jusqu’au désert, et cette couverture avait été déchirée. Mais lentement, elle se rapiéçait.

La liberté Maya Mikutra-Cencora

M

Dans mon refuge, ma petite partie de la couverture, je réalisai qu’il ne me restait qu’une solution : je devais partir, courir loin, très loin. Cependant, juste au moment où je prenais cette décision, mon père monta sur le toit pour me chercher : je devais me préparer pour mon mariage. Mais je l’ignorai, lui tournant le dos, je fixais la ville de Kaboul autour de moi. Je voyais les garçons qui jouaient dans la rue, les soldats qui se promenaient avec leurs fusils. Je voyais l’espace qui me séparait de la rue, en bas, et dans cet espace, je voyais ma liberté.

es parents m’avaient dit que je serais heureuse. J’étais chanceuse d’être jeune et belle. Un homme, qui pourrait soutenir ma famille, me voulait pour épouse. Peu importait qu’il fût plus vieux que mon grand-père, j’avais sept ans, je devais me marier, c’était comme ça la vie à Kaboul. Alors je les avais crus et j’avais attendu le jour de mon mariage avec impatience. Mais quand ce jour se présenta finalement, cette journée de célébration, la réalité me frappa : je n’étais pas heureuse. J’étais assise sur la rue devant ma maison, une rue poussiéreuse et aride, mais vivante et enjouée, où les garçons s’amusaient ensemble. Avant, j’aurais joué avec eux, mais je n’en avais plus le droit. J’étais une femme maintenant, je devais couvrir mes longs cheveux bruns avec un hijab et je ne pouvais plus me comporter comme une enfant. Mais c’étaient eux qui étaient chanceux, pas moi, c’étaient eux qui pouvaient encore être jeunes, pas moi, c’étaient eux qui étaient libres, pas moi. Quelle injustice, quelle inégalité!

En sautant, je regardai le ciel et je crus qu’un jour, tout serait différent.

Je n’étais plus un enfant, oui; par contre, je ne voulais pas me marier. Je pensais véritablement que mes parents m’écouteraient, mais quand j’allai leur parler, ils ne voulurent rien savoir : je devais me marier, je ne pouvais pas protester. Alors, je montai sur le toit et je commençai à pleurer. Cette maison était le seul endroit où je m’étais toujours sentie en sécurité. Pour

Commentaires du jury : On sent bien croître la détresse de l'héroïne tout au long du récit. Excellente phrase d'introduction, on plonge tout de suite dans le vif du sujet. Texte concis, sans longueur. Belle plumée imagée (Kaboul comme une couverture) Émotion sans apitoiement.

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Prose 2e secondaire

Jérémie Picard, Thomas Li, M. Bastien Vézina, administrateur à l'Association des parents, Chang Heng Mo

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2e secondaire Prix d'excellence Jacqueline Azar de l'APCJB

on le sent malheureux, mélancolique, mais déterminé. Finalement, il s'arrête et se tourne vers la Seine. Il sort ensuite de sa poche un vieux carnet de cuir. À l'intérieur, une photo, une seule, où on le voit en compagnie d'un homme ayant les mêmes traits que lui; cette attitude, cette force dans le regard... Cet homme, debout aux côtés du gamin, on le devine être son père. L'expression de leur visage reflète une joie sans pareil, un bonheur presque tangible. Puis, l'enfant referme le carnet et le fait valser par- dessus le garde-fou. Enfin, d'un bond, il va le rejoindre dans l'eau glacée.

Cet après-midi d’automne Jérémie Picard

O

n aurait dit que le chien sentait l'atmosphère tendue et prévoyait déjà le malheur à venir.

Alors le pauvre chien se couche à platventre et hurle à la mort.

Crispé dans la main de l'enfant, un bouquet de lys. Le petit s'agenouille et une larme coule sur sa joue. Enfin, il dépose délicatement son présent sur la plaque de marbre gelée, étendue devant lui. Il se lève; le vieux chien grogne: il sent un changement chez le gamin. En effet, les traits de ce dernier se resserrent en un masque impassible. Puis, l'air las, il fait demi-tour et, regardant droit devant lui, entame une marche résignée. Le ciel est gris et lourd. L'enfant passe lentement sous les saules étincelants de givre. Après quelques minutes, le sentier verdoyant se mue en une allée asphaltée. Là, sur le trottoir gelé, il s'arrête un instant avant de poursuivre sa procession. À sa gauche, une rue déserte. Sur ses talons, le pauvre animal obstiné à le suivre et, à sa droite, la Seine, sombre et triste par cet après-midi de novembre. Le chien trottant derrière le garçon semble mal à l'aise; il ne voudrait pas être là, il sent bien qu'il y a quelque chose qui cloche, mais il se fait un devoir de rester auprès du petit. Chez celui-ci, on voit tomber, peu à peu, le masque qui s'était dressé devant ses yeux:

Commentaires du jury : Un texte aux images évocatrices qui parviennent bien à transmettre la détresse du personnage et le désarroi de son animal de compagnie Texte sombre mais beau avec un soucis des détails et des descriptions bien faites. Belle écriture imagée et sensible.

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2e secondaire Deuxième prix

Alors tout s’éclaircit d’un coup; il avait été envoyé au paradis pour son exceptionnelle existence en tant qu’humain. Mais qu’avait-il fait de si bon pour qu’il méritât d’être directement envoyé au Ciel, sans avoir à écouler du temps au Purgatoire ? Pourquoi était-il un chien ? Pourquoi Dieu lui avait-il accordé sa grâce si aisément ? Il se pencha encore plus près de l’eau interrogeant le visage de Dieu. Celui-ci ne fit que sourire tendrement et, tout d’un coup, le chien bascula dans l’eau. Il tomba dans une chute interminable, sombra dans l'ignorance, chuta pendant ce qui lui sembla une éternité, et sa vision se stabilisa enfin.

L’Essence véritable de l’Homme

L’homme se réveilla sur un banc de prière. Il aperçut la croix, bien haute devant lui. Soudain, il comprit. L’homme, s’il veut gagner le respect de Dieu et accéder au paradis, doit chercher la lumière et son essence par lui- même, il doit s’accomplir et se démarquer de la société humaine.

Thomas Li

L

e chien sentait une délicate brise parfumée qui flottait dans les airs. Il s’avança et entrevit un paysage fascinant encadré de deux hautes montagnes; devant lui se dressait un océan d’arbres vert émeraude, séparé par une rivière dont les courants vous emportaient jusqu’au Ciel. Galvanisé, il s’y infiltra par un bas entremêlement de feuilles et de branches à sa lisière. La vision paradisiaque qu’il eut lui sauta aux yeux; le vent berçait le feuillage des arbres, l’eau habillait les pierres d’une étincelante couverture, les rossignols chantaient une mélodie à la fois triste et gaie, les saules se balançaient au rythme d’une nocturne. Une douce lumière verte était filtrée par les branchages, le reflet des majestueux bouleaux dansait dans les lacs, accompagné d’un soleil d’or qui se frayait un chemin parmi les minces ouvertures. De temps à autre, un cygne à la démarche élégante se promenait, sans bruit, et créait une ondulation parfaite au milieu de l’étendue d’eau.

Commentaires du jury : Des descriptions recherchées, un univers poétique original et une réflexion philosophique étonnante, le tout livré dans une langue soignée. Texte religieux et philosophique, différent et original. Belle description de la nature paradisiaque. Un texte singulier qui m'a intrigué par son mystère.

Le chien, assoiffé par ce spectacle si magnifique, se traina jusqu’au rivage sablonneux et doux et but une liqueur qui emplit son corps d’une sensation de bien-être. Il se pencha alors sur cette eau transparente, tel le Narcisse de la mythologie, et vit le visage chaleureux de Dieu. 16


29e CONCOURS LITTÉRAIRE – 2013-2014

2e secondaire Troisième prix

se faire pulvériser par plusieurs voitures dont les chauffeurs maudissaient à voix haute. Au terme d’un trajet long et difficile, il parvint finalement à destination.

Au cœur de l’inconnu

Il rendit donc la montre à sa propriétaire en lui racontant toute l’histoire. Elle semblait être très émue et le remercia mille fois. Elle l’invita même à boire un thé chez elle. Une fois qu’il fut à nouveau dans les rues, Mohammed se sentit très différent. Il se sentait utile et nécessaire dans cette société étrangère.

Chang Heng Mo

M

ohammed se trouvait en plein coeur du centre-ville. Il venait d’arriver de l’aéroport, encore ébranlé par tous ces gigantesques oiseaux métalliques qu’il avait aperçus. Emprisonné par d’immenses gratte-ciel qui frôlaient les nuages, Mohammed regardait curieusement autour de lui. Le froid, une sensation qu’il n’avait jamais connue auparavant, lui picotait la peau. Des flocons de neige, dansant avec le vent, venaient se poser doucement sur ses cheveux d’ébène. Mohammed observait les voitures rugissant comme des lions passer à une vitesse fulgurante. Soudain, un éclat de lumière attira l’attention de ses yeux comme des aimants . Il se pencha et ramassa la source de cet éclat. Après l’avoir examinée, il comprit qu’il tenait entre ses mains une montre en or. D’instinct, il sut que cet objet avait une grande valeur. Il pourrait le vendre et devenir riche! Au bout d’un moment de combat intérieur, il décida de rendre la montre à son propriétaire grâce à l’adresse inscrite dessus.

Commentaires du jury : L'auteur a opté pour un texte très court, mais on perçoit bien les émotions du personnage. Récit bien senti, qui témoigne d'une belle capacité d'empathie de la part de l'auteur. La finale touchante clos le texte tout en douceur.

D’abord, il demanda comment parvenir à l’adresse aux passants avec son français malhabile. Après avoir obtenu des directions claires, il se mit en route. Au début, il ne comprenait pas très bien le mécanisme des feux de circulation et faillit 17



29e CONCOURS LITTÉRAIRE – 2013-2014

Prose 3e secondaire

Misha Krieger-Raynauld, M.Robert Soulières de Soulières éditeur, Augustin Décarie, Pierre Sene

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29e CONCOURS LITTÉRAIRE – 2013-2014

3e secondaire Prix d'excellence Soulières éditeur

s’approcha du capitaine Wells et lui offrit de remplacer ses voiles. Wells ne put qu’accepter. Les matelots affalèrent la voile endommagée et le vieil homme, après avoir insisté pour le faire luimême, hissa les nouvelles voiles noires.

Le temps de naviguer

L’équipage remercia l’homme et poursuivit sa route. Les nouvelles voiles noires, malgré la tempête, restaient bien fixées et conservaient leur allure. S’emplissant d’un vent que l’équipage ne ressentait pas, elles propulsaient le bateau à une vitesse jamais vue.

Misha Krieger-Raynauld

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Quelques jours plus tard, les membres de l’équipage remarquèrent qu’ils dépérissaient à un rythme accéléré et soupçonnèrent les nouvelles voiles. Sous la supervision de Wells, les trois matelots essayèrent d’affaler les voiles noires. Dès qu’ils les touchèrent, un vent hurlant vint les frapper de plein fouet! Rapidement, leur peau se colla à leurs os et le capitaine, effrayé, vit qu’ils vieillissaient d’un coup! Les trois matelots hurlèrent une dernière fois et moururent…

n décembre 1996, à quelques centaines de kilomètres des côtes du Labrador, le capitaine Henri Wells et son équipage de trois hommes essayaient de maintenir le cap en cette violente tempête. Leur voilier, une goélette à deux mats, n’était guère facile à contrôler, et son tangage prononcé faisait du gouvernail une pièce décorative. La tempête se déchaînait et la pluie tombait à vive allure sur les voiles, ne tenant encore que par miracle. Mais ce miracle fut de courte durée. En un instant, la grand-voile se déchira en son centre. Ce fut ensuite au tour du foc, qui se détacha complètement du mât de misaine pour s’envoler et retomber dans une mer sans pitié.

Le capitaine Wells, seul survivant, comprit les pouvoirs temporels qu’avaient les voiles. Cellesci permettaient au voilier d’aller à des vitesses irréelles, mais volaient les esprits de ceux qui osaient les toucher. Serait-il condamné à faire de la voile jusqu’à la fin des temps? Il pensa au vieux capitaine qui semblait avoir vogué depuis toujours…

À travers l’épais brouillard, l’équipage entendit le faible tintement d’une clochette, mais il n’arrivait à déceler ni source de lumière ni navire au loin. Le brouillard était un mur coupant toute visibilité. Soudain, un matelot appela le reste de l’équipage à la proue de la goélette. Là, on aperçut un autre voilier d’un âge considérable. L’équipage ne fut pas rassuré par son apparence : ses voiles étaient toutes noires, son bois, rongé, et aucun équipage n’était visible. De plus, le bateau ne paraissait avoir aucune difficulté à naviguer dans la tempête.

Commentaires du jury : Un récit noir bien mené, traversé d'images fortes, élégamment rendues par une plume inventive. Très bien réussi : ambiance de mystère, suspense et style fantastique/horreur. Maîtrise du vocabulaire de la voile, sens du rythme, aucune longueur. La description vivante des événements amplifie le sentiment d'épouvante qu'éprouve le lecteur.

Une mince silhouette émergea de la cabine. C’était un vieil homme qui semblait avoir fait de la voile depuis toujours. Ses vêtements étaient en lambeaux, son visage comptait maintes cicatrices et sa barbe n’avait jamais dû être taillée. Il 21


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3e secondaire Deuxième prix

centre de sa poitrine se trouvait un trou de balle. Je poussai un cri de terreur et, soudain, la vérité me frappa : j’avais commis un meurtre. Je me ruai hors de la taverne et me hâtai vers chez moi. Je me rappelais maintenant clairement que j’avais assassiné quelqu’un, mais je ne savais pas qui j’avais tué ni pourquoi. Plus j’essayais de me souvenir de ce qui s’était passé, plus ma mémoire se voilait. Je n’avais pas vu le visage de ma victime, ce qui contribuait à mon désarroi. J’envisageai de retourner sur les lieux du crime, mais je n’en eus pas le courage.

Mort à Dublin Augustin Décarie

J

e me réveillai vers midi en cette froide journée de novembre 1978. Je me levai et allai me laver le visage. Dans le miroir de la salle de bain, je remarquai mon teint cireux et mon air fatigué, tous deux caractéristiques des soirs où j’avais trop bu. Je ne me souvenais plus de ce que j’avais fait la veille.

Arrivé chez moi, j’échappai une bonne demi-douzaine de fois mes clés avant de réussir enfin à déverrouiller ma porte. Je me laissai tomber sur une chaise et un titre du journal demeuré sur la table retint mon attention : « Un homme de quarante ans s’est enlevé la vie dans les toilettes de la taverne Chez Gregor ». Sous ce titre figurait une photo de son visage. Je la contemplai longuement avec un sentiment d’horreur croissant. Ce visage était le mien!

Je descendis chercher le journal que le camelot avait laissé à ma porte. Une forte pluie s’abattait sur Dublin. Un frisson parcourut mon échine et je m’empressai de refermer la porte. Je me forçai à déjeuner pendant que je lisais le journal en quête d’un emploi qui mettrait fin à ces longs mois de chômage. Toutefois, je ne parvenais pas à me concentrer : j’essayais de me rappeler ce que j’avais fait la journée précédente. Pourtant, plus j’y pensais, plus mon esprit s’embrouillait. Je me dirigeai donc vers la taverne où je passais l’essentiel de mes soirées pour découvrir ce qui était arrivé. J’évitai deux policiers postés devant le pub et j’y entrai. Je remarquai immédiatement que l’escalier menant aux toilettes, lesquelles étaient situées au sous-sol, était condamné par un ruban rouge. Puisque personne ne me regardait, j’enjambai celuici et descendis les marches. Arrivé à destination, j’avançai à petits pas sur le carrelage jauni, malgré la forte odeur d’urine et la pénombre. J’inspectai tous les cabinets avant de le découvrir. Il était affalé sur le siège le plus reculé, ses longs cheveux hirsutes cachant son visage, et au

Commentaires du jury : Cette courte nouvelle habilement construite nous plonge dans un univers sombre, cohérent et bien senti, témoignant d'une belle capacité d'évocation et d'une excellente maîtrise de la langue. Excellent sens du détail, de la description. Ton intimiste, un seul personnage et style fantastique classique. Bonne chute!

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29e CONCOURS LITTÉRAIRE – 2013-2014

3e secondaire Troisième prix

Courage, héritant du fardeau, entreprit de pénétrer dans cette dernière, où leur balle semblait être tombée. Le musculeux jeune athlète, sans grande difficulté, mit enfin pied à terre au terme d’une descente aisée, quelques minutes plus tard, en foulant le plancher en roc de la caverne. Il fit quelques pas, le temps que ses yeux se fussent habitués à la pénombre de cette cachette inconnue quand soudain, une aveuglante lumière apparut. Courage tomba à la renverse, déstabilisé par cette aura absolue et vit peu à peu apparaître deux silhouettes floues, à l’apparence humaine. La lumière si aveuglante diminua d’intensité, laissant place à une légère lueur jaune orangé et Courage put enfin contempler ces deux belles silhouettes aux contours maintenant bien dessinés.

Courage, Petit Ours et l’Esprit de la Neige Antoine Morency

A

u temps où la neige n’avait point encore neigé, une longue période de froid glacial dépourvue de bonheur, de joie et où le rythme des saisons ne s’était pas encore amorcé, un jeune et brave garçon, Courage, parcourait les bois. Il était accompagné de son tout aussi jeune et brave ami, Petit Ours. Les deux camarades avaient, au matin, décidé de quitter le village natal pour une petite escapade. Armés de leur crosse et équipés d’une petite balle en crottin de cheval, les deux jeunes autochtones s’échangeaient des passes, enchaînant feintes et roulades.

Une voix gutturale retentit et lui annonça: « Ô jeune humain, me voici, moi, Esprit du Vent, maître des courants ascendants. Je t’apparais aujourd’hui pour te faire part d’un défi. Moi et ma compagne, Esprit de la Pluie, tentons d’avoir un enfant, cependant, nous n’y parvenons pas, car la création d’une progéniture divine nécessite du temps, beaucoup de temps, et nos tâches respectives nous empêchent tous deux de le prendre, ce temps. Je t’en conjure, Ô petit être, ramène le bonheur et la joie dans notre union, et apporte au Rocher Percé ce dont nous avons besoin. En retour, nous ramènerons le bien-être dans ton monde et éliminerons le désordre qui s’y est glissé », puis l’apparition disparut.

Tout à coup, suite à un mouvement du poignet trop brusque de Petit Ours, la balle changea de trajectoire et alla rebondir sur un arbre, pour finalement atterrir dans un bosquet. Rapidement, les deux jeunes braves se précipitèrent pour la récupérer, mais, au dernier instant, ils se retinrent, car une crevasse s’ouvrait, béante, à leurs pieds.

Courage se releva, trouva sa balle au fin fond de la caverne et remonta à la surface. Il fit part de son expérience à Petit Ours et ce dernier réfléchit à un plan. Celui-ci consisterait à aller emprunter un sablier appartenant à Shaman, le chef religieux de leur village, un objet qu’ils soupçonnaient tous deux d’être ce

Petit Ours et Courage tirèrent à la courte paille pour savoir qui descendrait dans la caverne. 23


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sortirent à l’extérieur. Ce qu’ils virent les laissa abasourdis, car une multitude de flocons blancs dégringolaient du ciel, apportant bonheur et prospérité à l’hiver auparavant fade et gelé. Ils s’aperçurent aussi que le village entier était éveillé et émerveillé de voir la neige qui enfin tombait du ciel. Petit Ours et Courage s’échangèrent alors un regard profond, magique et plus que porteur de sens, puis portèrent tous deux leur attention vers les cieux.

dont les Esprits avaient besoin, car Shaman avait un jour dit que le sablier avait une vertu magique et que celle-ci conférait à son détenteur le pouvoir de maîtriser le temps. L’opération se déroula sans embûche et, leur maître spirituel acceptant volontiers de les aider dans leur quête, Courage et Petit Ours parvinrent au Rocher Percé, équipés du sablier, où ils patientèrent quelque temps. Soudain, Esprit du Vent accompagné d’Esprit de la Pluie apparurent. Courage et Petit Ours, après une inclinaison du buste en signe de respect et de vénération, brandirent le sablier aux Esprits, à bras portants. Ces derniers déclarèrent alors en union et d’une voix sépulcrale: « Ô mes très chers petits braves, nous vous remercions, en ce jour heureux, pour l’immense service que vous nous rendez ». La lumière fut alors d’une blancheur infinie et immaculée, enveloppant les deux jeunes Amérindiens, puis ils sombrèrent dans un sommeil profond.

C’est ainsi qu’ils réalisèrent, avec bonheur, qu’ils avaient réussi à apporter leur aide à l’Esprit du Vent et à l’Esprit de la Pluie et que ces derniers avaient obtenu, grâce à la magie du sablier, une merveilleuse et immaculée jeune fille, l’Esprit de la Neige.

Commentaires du jury : Beaucoup d'éléments, d'actions et de personnages en si peu de temps mais tout se tient bien. On sent le plaisir de raconter, belle imagination. Texte très visuel avec une jolie finale.

Ils ne se réveillèrent que deux lunes plus tard, bien emmitouflés dans leurs lits de peaux respectifs, au beau milieu du wigwam familial. Le bruit d’une lointaine rumeur les tira de leur somnolence et ils

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Prose 4e secondaire

M. Cédric DeRenoncourt, administrateur à l'Association des parents, Anthony Debay, William April, Xavier Toussignant, Jack Castelli

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4e secondaire Prix d'excellence Chenelière Éducation

représentaient : l’évènement le plus ancien se trouvait à l’extrémité gauche du mur, alors que celui s’étant produit le plus récemment était exposé à l’extrémité droite. L’exposition ne s’étalait que sur un mur, mais j’aurais pu y rester pendant des mois.

Un chef d’œuvre troublant

Un des tableaux attira particulièrement mon attention. Il représentait la gare centrale de New York en proie aux flammes. L’expression faciale des personnes se trouvant dans l’œuvre était si bien réalisée qu’on pouvait presque éprouver le sentiment de terreur émanant de ceux-ci, et on avait l’impression d’entendre leurs cris de détresse et d’affolement. De toutes les œuvres exposées, c’était elle qui prédominait, autant par ses dimensions imposantes que par sa splendeur. Le tableau se trouvait au milieu du mur. Curieux de connaître en quelle année ce chef d’œuvre avait été réalisé, je cherchai la carte contenant les informations principales de l’œuvre, normalement affichée sous le tableau. À mon grand étonnement, elle ne s’y trouvait pas. Par curiosité, je regardai les autres tableaux et je vis qu’ils avaient tous cette fameuse carte de renseignements. Cela m’intriguait, mais le musée fermait ses portes pour la nuit, et il me fallait donc quitter les lieux.

Anthony Debay

V

isiter des musées était ma passion. Les arts avaient toujours été pour moi une obsession et c’est pourquoi j’avais pris la décision de devenir critique d’art. Si banal et peu demandant que ce métier pût paraître, il était assez exigeant. Je devais sans cesse voyager dans tous les coins du monde pour examiner de nouvelles expositions. Je ne m’en plaignais pas, bien au contraire, j’adorais ma profession. Je raffolais des œuvres d’art, et parcourir quelques milliers de kilomètres pour étancher ma soif artistique ne m’importunait pas. Arrivé au musée, je trouvais une œuvre qui me plaisait, je m’assoyais devant celle-ci et j’en faisais l’analyse. Mon artiste préféré? Dante, sans l’ombre d’un doute. Ses œuvres recelaient un nombre monumental de messages cachés, et leur qualité d’exécution était un véritable délice visuel.

Le lendemain, je revins voir l’exposition. Je m’aperçus que non seulement la carte d’informations du chef-d’œuvre était toujours absente, mais que le tableau lui-même ne se trouvait plus à la même place que la veille! Il était à présent situé plus près de l’extrémité droite du mur, là où étaient agglutinées les peintures illustrant les évènements ayant eu lieu le plus récemment. Je présumai que l’œuvre avait été déplacée par le gardien pendant la nuit. Je me résolus donc à faire l’étude des autres œuvres et à ignorer celle-là pour le moment. Avant de quitter, j’interrogeai le gardien au sujet du changement d’emplacement de l’œuvre et il affirma avec conviction qu’il n’y avait pas

En ce 9 septembre 2001, je me trouvais à New York, dans un musée accueillant l’exposition d’un artiste russe. Ses œuvres étaient très réussies. Il avait peint plusieurs toiles représentant des évènements ayant eu un impact particulièrement important sur l’histoire des États-Unis. Ses toiles se distinguaient des autres par leur réalisme frappant. Elles étaient affichées sur le mur par ordre chronologique de l’épisode qu’elles 27


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déglutis avec difficulté, et mes yeux glissèrent vers le titre de l’œuvre : «Le déclenchement de la Troisième Guerre Mondiale». Au moment où je lisais ces mots, une forte déflagration ébranla tout le musée, et une assourdissante clameur me parvint de l’extérieur. Je me précipitai vers la fenêtre la plus proche et ce que je découvris changea à jamais le cours de l’humanité… La gare centrale de New York n’était plus qu’un monstrueux et colossal brasier.

touché. Intrigué et épuisé, je décidai de retourner à l’hôtel. Le soir, dans mon lit, je commençai à éprouver un sentiment d’angoisse. Je me demandais si l’œuvre avait pu bouger seule ou si le concierge l’avait retirée pour nettoyer le mur et s’il s’était trompé quant à l’emplacement initial du tableau en le remettant sur le mur. Je ne comprenais plus. Le 11 septembre, je retournai voir l’exposition de l’artiste russe. C’est alors que je m’aperçus que le tableau avait presque atteint l’extrémité droite du mur. En fait, il n’était précédé que par deux autres œuvres. Je me sentis envahi par un intense sentiment de panique. Mes jambes faiblissaient, et je dus m’asseoir sur un banc. À ce moment, je vis, je vis j’en suis certain, ce troublant chef-d’œuvre se libérer lui-même du mur et aller se positionner le plus près possible de l’extrémité droite du mur. Il occupait à présent l’emplacement de l’évènement survenu le plus récemment. Je me redressai lentement, et commençai à marcher vers cette œuvre d’un pas hésitant. C’est alors que, à mon grand désarroi, je remarquai qu’une petite carte de renseignements se trouvait à présent endessous du tableau. La date qui y figurait était la date du jour, le 11 septembre 2001. Je

Commentaires du jury : Une histoire originale qui nous entraîne, grâce à un beau sens du récit et une écriture soignée, vers une chute forte et bien amenée. Excellente idée, belle imagination. Fantastique classique en contexte contemporain tiré d'un fait réel.

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je suis parti. En chemin, le gel transperçait mes semelles grêles et l’haleine glaciale du vent figeait mon visage découvert. La neige, délicate mais épaisse, scintillait gracieusement sous le regard bienveillant de la lune, le phare qui me guidait à travers l’horizon monochrome de la nuit. J’ai atteint la forêt où je ne voyais que des silhouettes d’arbres dévêtus. Adieu cimes verdoyantes et ombres rafraîchissantes !

4e secondaire Deuxième prix

Vers les étoiles

Puis soudain, je les ai vues. Les étoiles m’attendaient, immobiles comme une troupe d’enfants sages, alignées géométriquement sur la toile nocturne. Elles transformaient les ténèbres en un paysage splendide qui touchait au sublime. Pour une des seules fois dans ma vie de calculateur, j’ai ressenti l’extase d’une expérience digne des rêves les plus extravagants. J’étais enlacé par la satisfaction d’avoir vaincu l’hiver et envahi par le délice que suscitait en moi le décor où venaient se rejoindre l’élégance hivernale et la charpente divine que constituaient les astres dans le ciel. La collision de ces émotions dans mon âme sensible m’a fait pleurer, et les larmes ont réfracté une lumière tout aussi sublime sur mes rétines. Pour couronner le tout, la reine des étoiles est apparue, comme si l’euphorie antérieure n’était que le prélude de son arrivée. Elle projetait sa lumière rayonnante, pulvérisant ses sujets stellaires sur son passage. À peine ai-je eu le temps de comprendre, que le soleil trônait déjà audessus de la forêt : mais j’avais compris ! Nous ne sommes pas rois, ici, sur Terre. Nous ne sommes que des spectateurs devant la scène de la vie. Gaya n’est pas Narcisse. Ce n’est qu’un autre astre se camouflant dans l’infini qu’est notre univers. Oui, j’avais compris !

William April

L

e physicien, le professeur, le barbu, l’Italien... Voici quelques-uns de mes surnoms, tous des éléments distincts de mon œuvre modeste. Je me suis toujours considéré comme un Florentin banal capable de calculer et de se creuser la tête. Ma seule caractéristique particulière se cache dans mon amour d’être observé. Oui, j’aime être regardé, épié, scruté. En trente-neuf ans, j’ai réussi à amadouer ce caprice en devenant enseignant et en fouillant les mille et un coins de la voûte céleste, d’où je suis dévisagé par des myriades de regards, les étoiles. J’ai suivi ces diamants jusqu’au monde mystique de l’astronomie où j’ai trouvé planètes et passion. Toutefois, je dois l’admettre, un élément peut teinter mes pensées obsessionnelles. L’hiver. Damnée saison. Le givre, la buée, la neige se sédimentent sur ma fenêtre et viennent encombrer la porte d’accès à mes rêveries, dernières étincelles capables de rallumer ma joie de vivre dans cet enfer glacial. C’est donc un matin d’hiver, il y a quelques semaines, que je suis sorti affronter les désagréments de la saison blanche, transporté par le confluent de mon obsession et d’une frustration grandissante.

Pourquoi me contenir quand la célébrité m’attend ? J’avais tout noté. Tout. J’ai tout publié. Tout. J’ai changé la face de notre univers bien aimé. Je deviendrai une

Après avoir soufflé les chandelles et m’être emmitouflé dans une dizaine de vêtements,

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célébrité, une idole, un héros, une légende. Une vie où règnent le plaisir et le luxe m’attend. Je vivrai désormais entre les mains de la jubilation même. Oui, dans très peu de temps, tout le monde connaîtra mon nom. Oui, tout le monde idolâtrera le grand Galilée.

Commentaires du jury : De toute évidence l'auteur a bien examiné le ciel et nous en fait partager la beauté à travers les yeux de Galilée à qui il prête sa plume. Sujet original, texte bien structuré, style élégant.

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29e CONCOURS LITTÉRAIRE – 2013-2014

4e secondaire Troisième prix

l’instant, je prépare la boutique puisque, à cinq minutes de la fermeture, nous faisons toujours une liquidation pour renouveler l’inventaire et attirer les foules.

En haut de l’escalier

*** En effet, au moment prévu, au moins une trentaine de clients pénètrent dans l’immeuble et presque chacun se retrouve avec un instrument à la main, causant par le fait même une cacophonie à faire éclater le ciel.

Xavier Tousignant

«J

Immédiatement, je décide de me réfugier aux toilettes et de verrouiller la porte jusqu’à ce qu’ils partent, mais, avec cette surcharge d’ondes sonores, je n’entends déjà plus. Je décide donc d’attendre jusqu’à ce que l’ouïe me revienne lentement pour me rediriger vers le magasin.

e t’en prends un? » me demande mon patron.

Il n’y a rien de mieux qu’une bonne douche froide pour se maintenir éveillé, rafraichir l’esprit et s’énergiser le corps le lundi. Je ne bois pas de café, c’est mauvais et contient de la caféine, dont le nom seul me donne l’impression que c’est une sorte de drogue cousine de la cocaïne. C’est assez cher aussi, si on en prend un chaque jour.

*** Il n’y a plus personne et les lumières fermées m’indiquent clairement qu’on a fermé l’immeuble. Je regarde l’heure : dix heures, j’ai donc passé une heure à la salle de bain avant de pouvoir percevoir un son. Je me dirige vers la porte centrale de l’immeuble, mais celle-ci est verrouillée, j’aurais dû m’en douter, c’est évident. Bon, je suis piégé. Je fais alors le tour du magasin pour trouver une issue, mais l’obscurité envahissant la pièce me permet à peine de distinguer le contour des objets qui m’entourent. Toutefois, j’aperçois une lumière rouge clignotant sur un lecteur audio et décide, sans

« -Non merci, lui dis-je tout naturellement, je vais passer pour cette fois. -D’accord, mais va t’occuper du client à la casquette noire qui vient d’entrer. » Mon travail, que je ne hais point, consiste simplement à vendre des instruments de musique dans une petite boutique située dans un coin peu achalandé du centre-ville. Et je me trouve plutôt chanceux d’avoir trouvé un emploi dans ce petit magasin : le premier étage de la demeure du patron, n’avait aucune affiche « Nous embauchons » visible de l’extérieur.

vraiment savoir pourquoi, d’appuyer sur le bouton « lecture » et l’appareil se met à jouer une multitude d’accords si troublants, si sinistres, mais si mélodieux en même temps que je l’éteins aussitôt. Au même moment, j’entends le grincement de l’ouverture d’une porte au deuxième étage et, terrifié, je cours me cacher derrière une contrebasse. Mais, je n’entends pas de

« Cela fait 300$ pour la guitare et 100$ pour l’amplificateur. -Et voilà, me répond le client. -Merci. Bonne journée! » Bien entendu il est interdit de passer à l’étage supérieur, mais j’aimerais tout de même pouvoir y monter un jour. Pour 31


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bruit à part celui causé par ma respiration accélérée. Préparant l’histoire que je raconterai au patron, je commence à monter les marches se rendant chez lui au deuxième étage. Toutefois, plus je monte, plus j’ai l’impression que celles-ci s’étendent… Mais je monte.

Tout à coup, j’entends de la musique. Elle est trop faible pour que je puisse reconnaitre le morceau, mais c’est sûr, je l’entends! Un obstacle me barre la route cependant. Une porte! Finalement, j’y suis! Je l’ouvre… mais…je…je ne comprends pas. Je me retrouve dans la boutique!

***

« Ah! Te voilà. Le client à la casquette noire veut acheter le lecteur audio avec la lumière rouge clignotante. Tu t’en occupes ? » me demande mon patron.

Voilà quinze minutes que je monte des marches, je ne vois toujours rien. Je ne comprends pas! Malgré cet escalier enténébré, je sais que je suis bel et bien en train de monter et non de descendre! L’immeuble avait pourtant l’air si petit. Mais instinctivement, je mets un pied après l’autre, car je suis trop avancé pour pouvoir reculer maintenant : je dois savoir ce qui se trouve en haut de l’escalier.

Commentaire du jury : Un texte renversant!

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Prose 5e secondaire

Mme Véronique Virally, membre du Comité littéraire, André Ilinca, François Rivard, Christopher Lu 33



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5e secondaire Prix d'excellence Flammarion

lamentable. Peu m’importe cependant, c’est le combat qui compte comme disait l’autre ! Et, pourtant, je m’attardais à observer mes compagnons de combat, estropiés et découragés, affichant tous un air de lassitude affligée. Ce combat perdu, où chacun d’entre nous s’est fait voler son panache, tire à sa fin, et les plus vaillants retournent chez eux, une tonne de honte nous alourdissant les épaules. C’est tout ce qui nous reste lorsqu’on regagne les rangs de la société : de la honte. Elle traînait sur tous les coins de rue, la honte, fallait bien que quelqu’un la ramasse ! On nous l’a imposée à coups de matraque, à coups de bouclier.

Tant de honte à partager Berri-UQAM direction HonoréBeaugrand…

Papineau… L’homme au foulard rouge, notre seul adepte déclaré réussit à s’extirper de la masse et emprunte l’immensité roulante vers la sortie. On ne la voit pas cette sortie à notre bout du tunnel, pourtant tout le monde sait qu’il y en a une.

François Rivard

J’aurais voulu le suivre, pour oublier, pour ne plus avoir à me soucier de ce qui arrivera ensuite, seulement un petit moment, pour balayer ces images de mon esprit. Pourtant, je continue mon épopée dans ces tunnels, car elle a besoin de moi. Elle, c’est elle que j’essaie de changer, cette société, pour laquelle je me lève le matin et pour laquelle je me bats. Mais c’est elle l’agresseur agressé, qui assène les coups fatidiques sur la tête de ceux et celles qu’elle a engendrés.

«G

ood job, les jeunes. Continuez comme ça, on compte ben gros su’ vous, nous autres », me lança tout bonnement ce banal usager du métro qui ne semblait pas dérangé par la vague d’étudiants pénétrant dans le wagon déjà bondé. Pas bien belle cette jeunesse pourtant ; nous étions les derniers, les courageux pour certains, les voyous pour d’autres. C’est nous qui, tout à l’heure, dans la rue, mangions les coups, qui étions enfumés, poivrés, matraqués, et plus particulièrement, injuriés.

Frontenac… La dame du fond avec les lourdes boucles d’oreille déserte l’antre souillé par les vapeurs de nos vêtements gazés et ne peut s’empêcher de lâcher un soulagement sonore dès qu’elle a franchi les portes. Un soupir après la libération de l’oppresseur. Ce ne sont pourtant pas les gaz qui me piquent les yeux, pas la vue inconfortable d’adolescents

Beaudry… On ne se regarde même pas. Dans le train règne un silence de mort. Des regards furtifs lancés vers moi me rappellent mon allure

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manipulation et d’un système basé sur les apparences.

meurtris qui me dérange, moi, mais plutôt ceux qui ont décapsulé ces bonbonnes, ceux qui pensent que leurs gestes sont nécessairement justifiés et excusés.

Joliette… Les portes s’ouvrent. Je sors…

Préfontaine…

Ce soir, des étudiants comme moi, manifestèrent dans les rues de Montréal, et revinrent chez eux meurtris, blessés et plus désabusés que jamais...

En nous voyant ainsi, qui pourrait affirmer sans broncher que nous sommes les instigateurs de tant de violence ? Cette dégringolade de la haine, est-ce la faute des porteurs de drapeaux qui, en chantant à tuetête, se tiennent mains dans les mains ou estce celle des escouades de prévention d’émeutes, matraques et poivre à la main ? Elles appliquent subtilement cette oppression silencieuse des masses, en étalant devant nous leur force et leur supériorité. Qui est cet agent de la paix qui, du haut de son mastodonte pur-sang, m’assène un coup entre les omoplates, au nom de la sécurité collective?

Commentaires du jury : L'auteur a choisi comme fil conducteur le trajet du métro qui, station après station, se déleste de ses passagers. Très beau récit, très personnel. Les questionnements pertinents de l'auteur incitent à la réflexion sur des événements qui ont mobilisé non seulement les jeunes de sa génération, mais une communauté toute entière.

Ces coups ne sont pas à prendre à la légère, ils marquent au sang, dans votre esprit, toute la violence, toute la haine avec laquelle on frappe quiconque ose sortir de l’habituel carcan qu’on lui a imposé. Cette haine arbitraire ostracise, humilie et dégrade les idéaux de la jeunesse, et condamne notre génération à l’acceptation de la

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5e secondaire Deuxième prix

Un jour, un marchand, qui avait l’habitude de voyager beaucoup, entendit parler d’une mystérieuse maladie qui avait pris naissance dans une vallée agricole située au-delà de la montagne. Bientôt, tous les citadins furent avertis du danger imminent qui menaçait Tomis. On en savait très peu sur l’énigmatique virus. Tout ce qu’on savait, c’était qu’un prophète avait prédit la destruction de la ville par la toux, il y a plus de deux siècles. La prophétie, qui avait sombré dans l’oubli, retrouva la lumière au même moment où la maladie vit le jour.

Pandémie André Ilinca

T

omis avait toujours représenté la puissance. Sa position géographique n’avait pas d’égale. Aucun conquérant, si tenace, si farouche qu’il fût, n’avait jamais réussi à prendre la ville. En fait, Tomis avait été bâtie à flanc de montagne, à environ deux kilomètres des rives agitées et ténébreuses de la mer Noire, et était pour ainsi dire imprenable. L’imposante forteresse qui circonscrivait les limites du bourg apparaissait à la vue à des bornes à la ronde. La ville, qui comptait quelque trente mille citadins, s’étendait sur des dizaines d’hectares. De l’intérieur, Tomis pouvait bien avoir l’air d’une ville comme les autres : des maisons, une caserne militaire, une place publique où se réunissaient, une fois tous les cinq jours, les marchands, artisans et agriculteurs des vallées avoisinantes pour vendre leurs produits. De l’extérieur, la cité pouvait être comparée à tout sauf à une ville comme les autres. Des murs de dix mètres de haut entouraient l’intégralité de la métropole, ce qui avait valu à Tomis, auprès des habitants de la région, la réputation d’une ville de pierre. Surtout que cette ville de pierre pouvait compter sur une armée de gardes parmi les plus expérimentés du monde connu et dirigés par un homme plus fort, plus brave et plus intelligent que tout ce qu’il passa d’hommes sur le continent. Le capitaine des gardes était un grand blond, bien bâti, âgé de vingt-neuf ans à l’époque. C’était une machine de combat. Un véritable artiste du sabre. Il s’appelait Costin.

Le roi Vladimir III, reconnu pour sa prudence inégalée en partie due à une légère tendance à la paranoïa, fit convoquer illico tous ses conseillers les plus importants de même que Costin, le capitaine des gardes. Une vingtaine d’hommes, certains agités, les autres plus sereins, se réunirent donc autour d’une vaste table rectangulaire en bois de Transylvanie afin d’accoucher d’une solution au problème grandissant. Suite à d’âpres délibérations, le roi décréta qu’il fallait, pour protéger la citadelle, expulser tous les étrangers, fermer les portes de la ville et aussi construire des fortifications plus élevées pour empêcher une propagation aérienne du virus. Les conseillers royaux estimèrent qu’il y avait dans les réserves du fort suffisamment de provisions pour nourrir minimalement la population pendant un mois, assez pour que l’épidémie passât sans affecter Tomis. Le plan fut adopté à l’unanimité. Comme Tomis disposait d’une très importante force de travail, car tous les hommes valides furent affectés à la construction du mur, l’ouvrage fut achevé en moins de trois jours. Toutefois, le nouveau mur ne parvint pas à étancher la paranoïa du roi, qui confia une mission secrète au seul homme capable de l’accomplir. Cet homme n’était nul autre que le capitaine des gardes. Le lendemain, à l’aurore, il partit après avoir accepté sa mission

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précautions des habitants. Tomis sombra dans le chaos, puis le néant. Des montagnes de corps inanimés s’accumulèrent dans les rues de la cité. Même les murs de la ville semblaient périr tant la désolation était profonde. Les murs s’effondrèrent. Les pierres qui les constituaient jadis roulèrent machinalement jusque dans la mer et offrirent à celle-ci son pigment noir. La puissante cité état fut rattrapée par le destin.

sans rechigner. Son long périple durerait, en fin de compte, une semaine. Costin traversa les impénétrables forêts du Sud, franchit les étendues marécageuses de la vallée du Danube et parcourut les plaines arides de Bulgarie pour parvenir à sa destination. Dans le coin le plus sombre du massif des Balkans se trouvait une petite hutte où vivait un sorcier méconnu dont le roi Vladimir était l’un des rares à avoir entendu parler. Le sorcier gitan prodigua à Costin ce qu’il était venu quérir et l’émissaire royal repartit vers Tomis avec la même fougue qu’il avait affichée à son départ.

Costin s’éteignit le dernier.

Quand le brave Costin revint, il fut accueilli par le roi et lui présenta le remède, car c’est bien cela qu’il était allé se procurer auprès du gitan : un remède artisanal contre toutes les formes de maladies connues et que seule une poignée de gitans bulgares savaient concocter. Le monarque se trouva rassuré. Tomis était désormais isolée du monde extérieur par une palissade de plus de vingt mètres de hauteur et, au cas où cette précaution ne serait pas suffisante, un antidote universel assurerait la survie du souverain, car Costin n’avait ramené qu’une portion de ce remède, et elle se destinait au roi. Mais une semaine plus tard, on fit part de la mort nébuleuse d’un enfant dans un quartier plus pauvre de la ville. L’épidémie avait percé les murailles du royaume. La maladie n’épargna personne, ni même le roi. D’ailleurs, le remède du sorcier gitan s’avéra inefficace face à cette souche du virus. La maladie, telle une faucheuse sans merci, amputa la vie de chaque habitant sans laisser de survivants. La cause de l’infiltration de la maladie à l’intérieur des murs de Tomis s’avéra fort simple : Costin, envoyé par le roi pour ramener un remède qui ne sauverait que la vie royale, contracta le virus dans les marécages du Danube et fit entrer la maladie à Tomis. L’égoïsme du roi avait entraîné la destruction de la ville par la toux. L’ancienne prophétie se réalisa, malgré les

Commentaires du jury : Digne d'un scénario de film ou de jeu vidéo, ce texte nous transporte dans l'imaginaire tout en nous faisant réfléchir. Un conte palpitant, mené tambour battant par une écriture forte et sensible à la fois. La morale est agréable : l'égoïsme ne paie pas.

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5e secondaire Troisième prix

toujours. À bout de patience, il l’assomma violemment et la jeta dans la mer. Corinthe, inconsciente, coula peu à peu vers le fond des eaux névrosées, un lieu où la noirceur se transforme en lumière, où le monde des mortels rejoint celui du divin marin. Quoique son cœur eût arrêté de battre, son enfant vivait, protégé dans son ventre. Une Néréide, déesse marine au cœur plein de bonté, sentit la présence de l’enfant dans l’eau. Elle le recueillit et l’amena dans son palais de coquillages. Comme le fœtus vivait dans l’eau de l’utérus, la transition vers l’eau de la mer semblait naturelle. La Néréide éleva le petit garçon qu’elle nomma Jason. Les années passèrent et il apprit l’art de la musique et du combat. Lorsqu’il devint jeune homme, sa mère adoptive lui révéla la mort tragique de sa mère. L’innocence et l’insouciance de Jason s’évaporèrent comme la rosée du matin au lever du Soleil. Sa joie de naguère laissa place à un noir sentiment de vengeance.

La vengeance de Jason Christopher Lu

A

lors qu’Agamemnon régnait sur Athènes, habitaient sur l’île d’Agapos, dans la mer Égée, un pêcheur et sa femme Corinthe. Nouvellement mariée, elle portait dans son ventre un enfant. Bien qu’elle fût mariée et enceinte, de nombreux nobles la désiraient encore à cause de sa beauté, une beauté dont l’éclat scintillait comme le reflet des rayons de Soleil sur l’eau. Toutefois, elle restait fidèle à son époux, car malgré les désirs mondains de luxe, l’amour la tenait sous une bien étrange emprise.

Il quitta le palais des eaux pour retrouver le perfide meurtrier. Jason savait qu’un roi avait tué sa mère, mais il ignorait son nom. Il voyagea d’île en île pour retrouver ce Perphidas, mais à chacune, faute d’avoir pu aider le guerrier vagabond, les gens le suppliaient de tuer un monstre marin qui ravageait la région. Ces créatures ignobles se dissimulaient sous la couverture marine et s’attaquaient aux innocents pêcheurs et commerçants en bateaux.

Ainsi, le roi de l’île d’Agapos, Perphidas, après avoir entendu parler de la belle Corinthe, se décida à la retrouver pour l’épouser. À la cabane modeste du pêcheur, il dissimula la raison de sa visite en prétextant qu’il voulait se rapprocher de son peuple. Le pêcheur l’accueillit aussi généreusement qu’il le put, mais Perphidas comprit que cet homme représentait un obstacle à sa conquête. Le roi malin lui proposa alors de se promener au bord de la mer. Le pêcheur accepta naïvement, ignorant que le roi le tuerait et le jetterait dans la mer. Une fois le pêcheur éliminé, Perphidas retourna voir Corinthe pour lui annoncer la triste nouvelle. Il l’invita ensuite à vivre avec lui dans son palais, mais elle refusa. Il essaya de la convaincre avec des pierres précieuses, mais elle refusait

Connaissant les secrets de l’élément aqueux mieux que tous les humains, il réussissait toujours à vaincre les forces du mal. Les combats où se jouait sa vie devinrent un exutoire pour Jason qui ne parvenait pas à satisfaire sa soif de vengeance. Ses voyages revêtirent peu à peu un nouveau but, celui d’aider le peuple hellénique. Ses exploits s’accumulaient et son nom se répandait. Le roi Perphidas, ignorant

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défunte mère. Tous louèrent sa persévérance et son courage. On l’incita même à monter sur le trône, désormais vide. Mais Jason, un enfant de la mer, ne voyait plus sa raison de rester sur la terre ferme. Il plongea donc dans l’eau et retourna à son palais de coquillages où l’attendait patiemment son autre mère, la Néréide.

l’identité réelle de Jason, l’invita à l’île d’Agapos pour qu’il les débarrassât d’un serpent de mer qui empêchait les bateaux de naviguer depuis quelques années. Jason arriva près du rivage de l’île mais, à ce moment, le serpent surgit des eaux et, avec sa queue puissante, fendit la chaloupe en deux. Alors qu’il s’enroulait autour de Jason pour l’étouffer, celui-ci enfonça son épée dans le cœur du serpent et le vainquit. Cette nouvelle arriva aux oreilles de Perphidas qui célébra cette victoire en organisant un festin auquel il invita Jason. Tous les convives mangeaient et buvaient sans retenue à part Jason qui réfléchissait maussadement à un moyen de venger le meurtre de sa mère. Depuis qu’il entreprenait des combats contre des créatures néfastes, il avait transféré la force et l’énergie que lui donnait le sentiment de vengeance à ses tâches. Toutefois, la gloire que lui offraient ses efforts ne se comparait en rien à la satisfaction qu’il éprouverait une fois que la justice serait rendue. À ce moment, Perphidas, visiblement soûl, ordonna à la salle de se taire. D’une voix heureuse et insouciante, il raconta les exploits de sa jeunesse. Il commença par ses victoires à la guerre, mais, progressivement, il s’attardait de plus en plus à ses exploits amoureux, au point de divulguer l’épisode du meurtre des parents de Jason. En entendant cela, Jason, d’un geste contrôlé, mais les yeux fous de fureur, s’avança pas à pas vers Perphidas qui parlait et riait à tue-tête. Devant lui, il dégaina son épée et la pénétra dans le ventre du vil monarque, en souvenir du ventre de la femme qu’il n’avait pas détruit. Sa quête achevée, le voile sombre qui autrefois cachait son bonheur se leva et disparut de ses yeux qui reprirent l’éclat pers de son enfance.

Commentaires du jury : Un texte où l'auteur mêle avec bonheur univers mythologique, imaginaire et poésie pour nous offrir une fable originale. Beaucoup d'action et d'émotions fortes. Sens du grandiose et spectaculaire. Homérique!

Les invités et les habitants d’Agapos comprirent que Jason avait rendu justice à sa 40


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Poésie 1re secondaire

Mme Natali Boulva, Première Vice-Présidente de l'Association des parents, Charlotte Gubany, Flavie Lemoine, Margaux Blair, Mme Line Germain, Directrice-adjointe 1re secondaire

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1re secondaire Prix d'excellence Diane Tétreault de l'APCJB

La Guerre Charlotte Gubany Vas-y! Allez! Parle!, me dit-on. Mais je n’ai aucunement envie de parler de canons. De soldats, de terreur, de cette superbe destruction. À quoi cela sert-il de parler de misère? De guerre, de violence, de la vie de ma grand-mère? Le rouge c’est comme la vie, et l’on s’y attache. Le rouge est merveilleux quand la passion prend la place! Mais quand les problèmes se dévoilent, on les compte par milliers : Le rouge devient travail, sang, mort, pauvreté. Mon aïeule survécut à ces temps malheureux. Comme infirmière, elle vit des enfants, Qui la nuit se réveillaient en pleurant, Car on entendait des sirènes les sifflements. Vite! Vite! Allons nous cacher! En ayant confiance que la guerre va passer. En gardant espoir, en restant courageux. Vous vouliez que je parle? Eh bien, j’ai parlé. Je vous ai avoué toute la vérité. Ma grand-maman est restée pour toujours blessée, Encore aujourd’hui par l’angoisse de l’attente et la violence des hommes, Aveuglés par leurs querelles et leur propre stupidité. Mais que voulez-vous? C’est ainsi que Dieu nous a créés. Les hommes, créatures égoïstes, ont un cerveau, mais ne savent pas l’utiliser.

Commentaires du jury : Poème d'une belle maturité, au style efficace, bien servi par sa simplicité. Tonalité dénonciatrice bien mesurée jusqu'au jugement implacable de la chute. Bel usage de la forme dialogique! 43


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1re secondaire Deuxième prix

Les quatre saisons Flavie Lemoine Voici la nouvelle saison L’hiver approche à grands pas Des feuilles fauves tombent déjà Manque de soleil, manque de joie Je me sens inanimée. Les jeunes enfants tout mouillés Se jettent dans les tas de feuilles Étrangement, j’ai le cœur gros.

Voici la nouvelle saison, Le printemps arrive déjà Les tulipes pointent à la surface L’eau range sa robe blanche Tout se prépare à briller Plus joyeux et content Nous ne sommes plus mécontents Chapeaux, robes ou escarpins Le soleil est revenu.

Voici la nouvelle saison Me voilà dans la neige Ski, patin ou glissade Les joues couleur cuisse-de-nymphe Les enfants qui farandolent Attendent le Père Généreux. On hiberne, on se colle L’oiseau arrête de chanter Dans toute cette neige folle Je me sens toute mélangée.

Voici la nouvelle saison, Jonquille, framboise ou lavande Un chef-d’œuvre pour les yeux Je me sens pleine de vie Comme née pour une deuxième fois Les fruits goûtent le plaisir Les fleurs sentent le ravissement Et voilà que recommence Ce beau cycle des saisons.

Commentaires du jury : Sensibilité fine et capacité de s'émerveiller dans ce poème qui évoque et suggère par touches délicates. Concision et sens du rythme. Belle exposition du mûrissement de l'élève, d'une éducation presque sentimentale!

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1re secondaire Troisième prix

Poème qui n’en est pas un Margaux Blair Ceci n’est pas un poème. Des poèmes, je n’en écrirai plus Pour force d’ignares, dix mille ingrats Ces grands aux poches pleines rejettent l’âme de cigale Rires jaunes, sourires forcés, ‘‘Pars!’’, j’en suis las Ces grands qui ignorent la poésie des mots Pour qui ‘‘il était une fois’’ est un pesant fardeau Qui ne connaîtront jamais La Fontaine ou Hugo Mais qui, pourtant, s’en vantent. Ceci n’est pas un poème. Ma plume, qui autrefois chantait l’épopée De héros, d’Apollon, vie d’une teinte rosée S’est trempée dans une encre trop froide et s’est tue. Les demandes immorales font se cacher la vertu. Ceci n’est pas un poème. Rien n’est blanc plutôt que noir, Rien n’est noir plutôt que blanc. Les tourbillons de gris se mêlent et s’entortillent Autour de mon cœur balafré, corbeau sans ailes. Rectangle blanc, trou béant Comme un horrible et pur volcan Les pattes de mouche que j’y trace De ma feuille aussitôt s’effacent. Ceci n’est pas un poème. Comme une flamme privée d’air, Je me bats, mais ultimement Je perds. C’est la fin de mon poème.

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Commentaires du jury : Mais au contraire! Et quel poème! D'une maturité étonnante, d'une finesse délicieuse!



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Poésie 2e secondaire

M. Gabriel Sauvé-Lesiège, adjoint à la direction commerciale aux éditions Alire, Alexandre Lebeau, Tristan Legault-Cadieux, George Gerardis, Antoine Girouard

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2e secondaire Prix d'excellence Alire

Couleur de l’automne Alexandre Lebeau L’équinoxe est arrivé :

Le jaune, la lumière de l’automne, Parcourt les festivités Et allume le feu des âmes Pour éclairer la solitude. Marié au rouge, le jaune s’obscurcit, Ainsi le bras vengeur de l’été Brûle le rouge de l’automne.

L’automne a fait mourir l’été, Et nous recouvre de son manteau flamboyant, Laisse les feuilles danser, libres comme l’air. Les lumières de l’été s’estompent. Les ténèbres blanches de l’hiver approchent, Et les feuilles tombent, virevoltent dans le vent, Mortes.

Le ciel sombre caresse de sa main L’échine des arbres, Les arbres qui combattront l’hiver. Car celui pour qui c’était hier l’été Vient de découvrir l’automne.

Le duvet de flamme nous consume, Brûle le paysage estival, Ne laisse que des feuilles, Des feuilles imbibées du sang de l’été. Le rouge, si pâle à l’automne, Signe de colère et de sang, L’écarlate est la cendre, L’étincelle du feu de l’automne. Fondu avec le jaune, Le rouge s’adoucit, efface ses crimes ; La chaleur des feuilles Nous berce parmi ces couleurs.

Commentaires du jury : Écriture somptueuse. Atmosphère idoine. Belle délicatesse. Vers bien découpés où les connotations se répondent de manière cohérente. 49


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2e secondaire Deuxième prix

Rendez-vous du malheur avec la mélancolie Tristan Legault-Cadieux Ô clarté faible, noirceur, absence de couleurs, Combien facilement nous violente le malheur. Les temps chauds nous ont quittés, Les ténèbres de leur place se sont emparées. Nous voilà abandonnés, nostalgiques, Nous voilà à regretter, tristes comme des pierres, Nous voilà seuls, et le désespoir grimpe en nous comme le lierre, Soupirant à l’été, pensées mélancoliques. Les souvenirs si frais à ma mémoire N’apaisent en rien ma douleur. Le faible hurlement de la tristesse me heurte le cœur ; En automne, mes souvenirs et moi sommes plongés dans le noir. Je ne produis pas de bonheur, À destination n’arrivent même pas les pleurs. La dépression se fraie un chemin Tel au bar s’incruste un marin. Les nuits sans lune sont si constantes, Les nuit sans lune sont si fréquentes ; Une rumeur s’exclame qu’un avare a acheté le Soleil dans une foire. Ce pourrait être vrai en automne le soir. Commentaires du jury : Il se dégage de ce poème un « spleen » tout baudelairien. Beau poème d'un lyrisme sombre qui fait bon usage des rimes et des assonances. 50


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2e secondaire Troisième prix

Le Cadeau de Bonheur George Gerardis Dans notre monde qui a peur des nombreuses différences, Les personnes âgées vivent parfois de nombreuses souffrances Jusqu’à ce qu’une personne délicate comme une fleur Offre son amour et soulage toute la douleur. De jeunes âmes sensibles, voyant les autres en détresse, Peuvent aider les vieillards à trouver le bonheur, S'ils n’ont point oublié dans leur tendre cœur, Ceux qui sont négligés et engouffrés de tristesse. Les vétérans de la vie, parfois abandonnés, Doivent affronter des périodes moroses, Même s'ils sont nos ancêtres qui nous ont enseigné Leurs connaissances de la vie dont ils sont virtuoses. Ces savants que plusieurs trouvent hors d’ordinaire Et qu’on pense plongés dans une imposante folie, Sont en fait nos plus merveilleux professeurs Enseignant aux jeunes leurs leçons de la vie. Tous, jeunes ou vieux, sont intereliés, Qu’ils soient des humains, des plantes ou des animaux. On ne peut vivre sans ces personnes plus âgées Qui détiennent le Savoir de la vie et des mots. Plus tard, quand je serai moi-même nonagénaire, Englouti dans une profonde mélancolie, J’espère recevoir le cadeau de Bonheur, Apporté dans mon cœur par un enfant gentil.

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Commentaire du jury : Ce poème se démarque par la grande maturité de son propos, servi par un style empreint de simplicité et affichant une belle innocence.



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Poésie 3e secondaire

Pierre Sene, Xin Rui Li, Wen Yu Duan, Ian Chung, Mme Lyne Harvey, Directriceadjointe 2e et 3e secondaire

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3e secondaire Prix d'excellence Albin Michel

L’anticonformiste Pierre Sene Depuis que j’ai vu le jour, j’ai suivi tes pas, Des pas déjà tracés, sans poser de questions. Comme sous l’ordre du berger le troupeau va, Je te suivais, société caméléon. Vous la trouvez jolie, votre société ? Puisque tout le monde fait semblant d’être heureux ! Si quelqu’un est différent, vous l’écarterez Sous le prétexte qu’être comme vous c’est mieux. En marchant avec vous, je me suis aperçu, Pas-à-pas que tous vos pas n’aboutiraient pas Depuis, je m’éloigne, m’enfuis, où ? je ne sais. Vous me faites bien rire, vous, les traditionalistes. Vous vous dites bien-pensants, car vous êtes conformistes. Mais c’est assez, je prends mon propre chemin.

Commentaires du jury : Sous la forme classique du sonnet, le vers varie, la rime déraille : l'anticonformisme est. Le propos est empreint de réalisme et de force. Travail sur les rimes à souligner. 55


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3e secondaire Deuxième prix

Les chemins de la vie Xin Rui Li Sur un chemin Je me retrouve La route s’ouvre Et j’avance, incertain Dans le lointain, je vois Un chemin rocailleux Un chemin sinueux Une route large, que pour moi Au début, je marche Rien autour, le Temps est lent Aucune contrainte, sans embuches Tout semble éternel, aucun changement Lentement, lentement, apparaissent des croisements Je vois plus loin et puis le rythme augmente Je marche plus vite, pour rattraper les ombres Devant moi. Et soudainement, le monde n’est plus sombre Au fil du temps, je me sens ralentir Des gens me dépassent Je me sens vieillir Je ne peux plus courir Alors je m’assois Le Temps me voit

Commentaires du jury : Belle méditation philosophique sur le passage du temps. Une simplicité profonde et efficace. Découpage qui épouse le propos ; maîtrise de la métaphore filée. Chute tout à fait convaincante.

Je deviens sa proie

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3e secondaire Troisième prix

Tu es partie trop tôt Wen Yu Duan

Cela vient de faire un an que tu es partie, En haut, rejoindre tes nouveaux amis, Dans un monde où tu as arrêté de souffrir Et pour rien au monde, nous ne te ferions revenir.

Crois-moi, cette période sans toi a été rude, Il faut prendre de nouvelles habitudes, La vie continue, on doit continuer d'avancer, Mais ce n'est pas pour autant qu'on t'a oubliée. Je voudrais ne plus t'aimer, Je fais tout pour t'oublier, Pourtant tu restes dans mon cœur Quelle que soit ma douleur …

Nous étions si bien tous les deux, Nous étions tellement heureux. Nous nous aimions à la folie Et un jour tu es partie …

Quant à toi, j'espère que tu ne nous as pas oubliés, Et que tu passes tes journées à être à nos côtés,

Je me souviens encore de ce dernier regard, Toi, tu savais que tu allais bientôt nous quitter, Moi, je pensais qu'à mon retour j'allais te revoir Mais quand je suis revenu, ton cœur avait lâché.

Les années défilent mais je ne t'oublierai pas, Et chaque matin, je continuerai à penser à toi.

Tu t'es éloignée de moi sans te retourner Alors que moi, assis au bas de la porte, je pleurais... Tu ne m'as pas justifié ton départ, Depuis je ne broie que du noir...

Commentaire du jury : Poème très touchant, d'une sincérité telle que le lecteur est immédiatement envahi par une grande émotion. Bravo! 57



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Poésie 4e secondaire

M. Stéphane Beaulac, administrateur à l'Association des parents, Long Dang-Hoang, Thomas Legault, Raymes Zhang, Khalil Serraji

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4e secondaire Prix d'excellence Centre Canadien d'Architecture

Le nouveau roi Long Dang-Hoang

Quand j’étais jeune, je parlais beaucoup. En fait, je criais et je riais. Mais le rire n’est qu’un cri saccadé, Alors je criais haut et fort Mes jugements et mes tempêtes d’idées. Car quand j’étais jeune, j’étais gai. Je n’avais même pas de lunette Mais je pouvais voir clair et net Que tous les jours étaient une fête. Je m’amusais comme un fou, Je volais le cheval du cavalier, Je ne me creusais pas de trous Pour cacher le roi que j’étais. Roi de la cachette Et dieu du ballon, Je ne suivais pas de lois Parce que j’avais la foi Que c’était moi le roi J’avais besoin qu’on me voit J’avais bien encore le droit. Alors je ne prenais pas de détour Je détruisais leur tour Et j’usais de mes pions Pour construire dans mes alentours Le royaume des opinions.

Mais quand j’ai grandi, tout a déraillé. Maintenant, on me traite de gay. Je ne vois plus qu’à cinq mètres de moi Parce que c’est à cet âge-là Qu’on doit faire un choix. Alors on découvre les cancers et les tumeurs, Mais quand ça serre, tu meurs, Mais quand la pression presse, tu pleures Et ça te brise le cœur De voir ton royaume qui meurt Et quand ton Empire s’empire Tu perds la voix. T’étouffes, tu souffres Tu perds le souffle Tu tousses ta foi. Alors je pleure ma colère Et je sue ma misère, Parce que toutes ces émotions doivent rester en arrière Alors je crache mes opinions Et j’oublie mes leçons. Je m’aligne à l’horizon Et je reste sans voix. Je me prosterne, car devant moi Voilà le nouveau Roi.

Commentaires du jury : Traitement en deux temps et avec beaucoup d'originalité du passage, souvent difficile, de l'enfance à l'adolescence. Excellente rythmique. Images concrètes et justes. Beau rendu émotif. 61


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4e secondaire Deuxième prix

Le dédale du T.D.A Thomas Legault Je me perds, c’est comme un dédale, J’essaie de me concentrer, mais j’peux pas, point final, On m’donne des directions: «Droite, gauche, gauche, droite, prends la gauche sur Sainte-Cat.» Mais je m’y retrouve pas, j’y comprends rien, C’pas la peine de me donner 30 minutes de plus pour mes examens, Ça change rien, Je tourne en rond, je zigzague, je divague, Les tests d’orientation, G.P.S, Grop, Stop!! Ça me désoriente. Déjà que j’me retrouve plus, quessé qu’j’vais faire pour voter, J’veux dire, y’a extrême droite, extrême gauche, Avec tout ça faudrait pas que j’tombe dans la débauche, Mais si je suis si indécis, c’est pas parce que je me suis levé du mauvais bord du lit, Ç’pas parce que j’suis un crétin non plus, j’suis pas un incapable, J’suis pas malade. C’est juste que j’suis pas capable de rester stable deux secondes, Pas capable de suivre un cours sans gosser après què’que chose, Gosser à gauche, à droite, à gauche, à droite, à gauche, à droite, C’est pour ça que j’suis tout le temps énervé, C’est pour ça que je suis tant détesté, Ma seule façon de me retrouver c’est d’aller tout droit, C’est peut-être pour ça que je veux aller en droit, Parce que j’me trouve trop fucké pis j’ai besoin d’équilibre. J’ai toujours été droitier mais je veux être ambidextre, Je veux m’opposer mais j’n’ai pas d’autorité, Ça fait chier, Si je cherche tout le temps l’attention, C’est à cause de mon déficit d’attention, Commentaires du jury : Mais j’espère seulement qu’un jour je vais pouvoir me retrouver. Écriture à la fois humoristique et touchante, soucieuse de sa scansion et se jouant de l'oralité. Franc, drôle, rythmé, cassant, essoufflant, un tour de force; la revanche du cancre de Prévert!

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29e CONCOURS LITTÉRAIRE – 2013-2014

4e secondaire Troisième prix

Une soirée à l’orchestre Raymes Zhang La musique de ma vie, une pièce qui me noie dans sa rivière de mélodies. Une rivière qui ruisselle sans fin, incapable de remonter aux racines d’où elle vient. Le premier mouvement, un mouvement d’introduction, d’exploration et d’innocence. La soirée débuta avec un vif allegro moderato mené par les staccatos du piano. Le sautillement des doigts du pianiste donnait des airs ludiques à cette musique. Le deuxième mouvement entra, plein d’émotion et d’excitation. Les flûtes s’envolèrent et les violoncelles valsèrent à un rythme effréné. Les vibrations violentes des vibratos des violons firent s’embraser les flammes de mon cœur. Les sentiments de véracité, de vigilance et de fierté de ce mouvement éveillèrent ma volition, ma volonté de vouloir me battre pour mon pays. Le troisième mouvement coula, calme et tranquille. Les sifflements frêles des flûtes me frôlant firent frémir tout mon être adouci. Je me sentais comme si je savourais du miel sur les hauts nuages du ciel, écoutant les sérénades des sirènes. Le quatrième et dernier mouvement était rempli de tristesse et de regret. L’émouvant adagio fit sourdre, malgré moi, une larme solennelle. Il me fit penser à mes aïeux, étaient-ils heureux de ce que j’avais fait après eux? Il me fit penser à l’avenir des enfants à venir, avais-je fait de mon mieux pour eux? Il me fit gémir, pleurer, puis j’oubliai… La musique s’est dissipée, le chef salua… Il était temps de s’endormir, l’âme comblée de précieux souvenirs.

Commentaire du jury : Remarquable pour son travail sur les sonorités, ce poème présente une grande cohérence au plan des images et du découpage . Convaincant. 63



29e CONCOURS LITTÉRAIRE – 2013-2014

Poésie 5e secondaire

Clément Robert-Bigras, David-Dan Nguyen, Tomas Langsetmo, Mme Véronique Narbonne, responsable de la bibliothèque du secondaire

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29e CONCOURS LITTÉRAIRE – 2013-2014

5e secondaire Prix d'excellence HMH

La poésie et l’élève De Xuan Guo La poésie est un art obscur, pareil à une torture. Les poèmes sont des prisons, prison de mes intentions, Les vers sont des couteaux, ils coupent ma résolution, Les rimes sont fatales, mortelles pour ma création, Les pieds sont contraignants, me font trébucher avant la complétion. La poésie est un art obscur, pareil à une torture. Mes idées qui passent, qui dépassent, qui surpassent, Se voient enfermées dans un cachot, en une fosse aux lions. Ah! L’angoisse qui me prend, me pend, me laisse tremblant, Les aiguilles avancent, mais le papier reste blanc ! Ah! Que je suis trop ignorant, beaucoup trop impatient ! Conscient, mes espoirs s’envolent avec le temps ! C'est la sueur qui vient à la place de toute inspiration ! La poésie! Art obscur! La Torture!

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Commentaires du jury : Non dénué d'ironie, ce poème traduit efficacement l'angoisse de la page blanche. Bien mené, sachant jouer de la ponctuation et des répétitions. La fraîcheur et la candeur de ce poème en font un petit bijou.


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5e secondaire Deuxième prix

Passions Clément Robert-Bigras Solitude Seule attitude possible face au monde du dégoût La solitude cèle les pulsions réprimées Inexpression de l’objet d’une attirance demandant auditoire Obsession Circularité cyclique, permanence non désirée L’obsession d’une convoitise tourne, désaxée, sans arrêt En vue du soleil unique, chasser un troupeau de brume Amour La binarité équilibrée alliant fougue à la gravitation méthodique L’amour s’entre-vole une vie autre à un hôte S’approprier la douceur d’un astre ravisseur Indignation Gouttant par une fuite, la lumière se vide pour un autre que soi L’indignation innocente d’un geôlier répugné et trahi Contemplation incrédule d’un révoltant phénomène étranger Haine Immerger ses mains dans l’acide et asperger le visage La haine sans espérance complotant tristement pour vengeance Écroulement des murs inondés par l’éclat de l’imprévu rageur Dévotion Raisonnement d’une compréhension d’un inutile détour La dévotion enligne les spasmes du corps vers un point dans le ciel La crainte rassasiée, l’énergie du maintien illusoire se consume

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29e CONCOURS LITTÉRAIRE – 2013-2014

Discipline Les vents auparavant engouffrés dans l’échappatoire animale La discipline les passant dans le filtre d’une exaspération Ils en ressortent statiques par la puissance d’un calme principe Émerveillement Humer et non plus respirer la soie de l’air environnant L’émerveillement d’un être pour le plus haut, le plus grand, pour l’immense Exploser par tous les pores d’une peau inexistante Déposer ses pieds nus sur un courant d’air ascendant Qui épanche son averse en provoquant l’éveil De la vision d’une éternité personnelle dotée d’omnipotence

Commentaire du jury : Merveilleux fragments de géométrie lyrique à la manière d'un dictionnaire devenu fou et très sage.

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5e secondaire Troisième prix

Mer adolescente David-Dan Nguyen Seul sur mon voilier, mené par la brise, je vogue sans destination. Loin derrière, la grève de grains fins où jonchent mes jouets oubliés, Loin devant, l’horizon sans fin vers où je semble être poussé, Entre le passé et l’inconcevable, la mer et le ciel, où déferlent questions. Comme l’astre du jour qui se mire dans le reflet de l’azur à son apothéose, J’interroge cette mer adolescente, ses tréfonds, ses typhons, sa sérénité, Cherchant, dans cette obscure vacuité, des réponses, mon identité, sans me noyer. Sur cette mer des Caraïbes, j’essaie d'aller au fond des choses1 Étrange est la solitude marine Qui est lassitude et plénitude, Interrogations et réponses, quiétude, Cachant pourtant des tempêtes malignes. Les eaux sont soudainement troubles; mes sens soufflent plus fort que ma raison, Mais mon cœur me ment comme le chant des sirènes, je préfère m’en dissocier. Mon bateau glisse sur les flots, je veux m’envoler. À ce stade, le tourbillon imprévisible de mes sentiments m’entraîne vers un haut-fond. Depuis des heures, les soupirs d’Éole caressent mon être épuisé. Les jours et les nuits se succèdent, je suis soit de flamme soit de glace, Mois et années durant, je dérive, vogue, fais du sur place. Aujourd'hui, je suis toujours sur ce bateau, jeune mais plus âgé. Car ce n’est qu’avec soi-même qu’on peut naviguer, grandir. Seul, face à l’immensité de l’océan, de nos avenirs, Luttant contre les mers d’huile, les courants, et les malicieux vents du désir Pour finalement, à la fin de ce périple, se découvrir.

1

AQUIN, Hubert. Prochain Épisode. p.1 ligne 1 70

Commentaires du jury : Bonne maîtrise de la métaphore filée et travail remarquable sur le découpage, les sonorités et les rimes. Évocation convaincante de la traversée de l'adolescence.


29e CONCOURS LITTÉRAIRE – 2013-2014

Le Prix Henri-Tranquille Présentation de Mme Mélanie Gélinas La librairie Olivieri est un lieu avec une âme. Pas juste parce qu’il y a un bistrot dedans. Je me rappelle la première fois que j’y ai mis les pieds. C’était en 1996. J’avais 21 ans, j’étudiais à l’Université de Montréal, j’habitais sur la rue Decelles, je me faisais coiffer chez Aldo, sur la rue Jean-Brillant, et je travaillais à la Boucherie de Paris, sur Gatineau, juste à côté de l’enseigne jaune, noir et bleu, certainement la plus éclatante du quartier. Depuis longtemps, l’âme culturelle de Côtedes-Neiges, c’est Olivieri. Le petit commerce à vocation humaine est désormais installée sur la grande Côte, on le sait, pour réitérer son statut de librairie de référence en matière de littérature. Ma « première fois » chez Olivieri, ils étaient là tous les deux, Rina Olivieri et Yvon Lachance, les deux artisans de la perle rare de la ville. Et s’il y a une chose qui n’a pas changé en plus de quinze ans à Montréal, c’est la passion de ses deux piliers et pionniers de libraires. Rentrer chez Olivieri, c’est toujours retrouver Yvon qui replace, dans l’entrée, une pile de livres, puis tout de suite après ses lunettes quand il vous reconnaît : « Tiens, salut ! Ça fait longtemps… ». Avec sa voix douce, qui sait vous lire entre les lignes. Et quand elle s’y trouve, quand elle n’est pas « au bureau », le son d’Olivieri, entre les cliquetis des tasses de café et la rumeur des gens attablés au restaurant au fond, c’est Rina qui houspille : « Non, c’est pas comme ça que ça marche. » Le nom du père, c’est Rina. Le nom de la mère, c’est Yvon. La librairie a quelques fois défrayé la chronique, luttant pour conserver sa place dans le commerce de plus en plus rapace du livre. Et à l’occasion d’un article que je devais écrire pour le journal de l’Union des écrivains du Québec, Yvon m’avait alors parlé de la symbolique de la librairie ; Olivieri est née d’une conviction très intime de ses deux parents, celle de la nécessité de « créer un espace physique qui soit l'incarnation de notre lien avec le livre ». Olivieri représente pour ses fondateurs l’existence du lien invisible entre un auteur, son livre et ses lecteurs. Yvon m’avait dit aussi une autre belle idée, qui a bien sûr interpellé le professeur en moi, il avait dit : « Nous voudrions qu'Olivieri soit pour Montréal ce lieu dans lequel le livre encourage le doute, questionne, confronte, étourdit, éduque et transforme ». Moi, c’est pour ça que j’aime Olivieri, parce que c’est comme une famille attablée : une famille dont la conversation en trinquant porte sur la lecture et ce qui élève notre condition de vivant. Yvon et Rina ont partagé publiquement leur petit chemin de croix pendant la longue et difficile réfection de la rue Côte-des-Neiges il y a quelques mois, qui avait fait craindre une « défidélisation » de la clientèle. Et on a tous compris qu'Olivieri a toujours besoin que les gens fréquentent la librairie. Pour reprendre le propos des propriétaires, je dirais que c’est le lieu que les écrivains fréquentent eux-mêmes, où on peut les rencontrer, une librairie que les auteurs aiment pour leurs lancements, pour leurs activités, pour bouquiner, pour parler de leur livre et pour discuter avec les gens. Olivieri, c'est un lieu privilégié à Montréal où rencontrer les écrivains, parce qu'avec la bibliothèque, c’est le seul lieu où l'ont fait, jour après jour, la promotion de leur livre, où l'on prend la défense de leur travail, et où la parole leur est redonnée. Ce ne sont ni les bars, ni les salons du livre, ni les médias qui assurent ce travail dans la durée. En organisant régulièrement des causeries, des tables-rondes, en animant un site Web recensant l'actualité littéraire et en offrant l'expertise de libraires compétents et passionnés, présents de longue date, Olivieri est une perle rare qu'il faut souvent porter dans son cœur. Il y en a peu au Québec des commerces brillants comme ça.

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M. Yvon Lachance et Mme Rina Olivieri, récipiendaires du prix Henri Tranquille, accompagnés de Mme Mélanie Gélinas.

Je dirais pour terminer qu'Olivieri est à Montréal ce que le livre est à l’écrivain. Porter Olivieri dans son cœur, c’est soutenir un modèle d'affaires qui peine parfois à survivre aux mutations du commerce de détail, mais c’est surtout se battre, tous les jours, avec Rina et Yvon, pour favoriser l'essor et la reconnaissance (et pas seulement symbolique) des choses de l'esprit. Et c'est pour souligner leur investissement culturel dans la société québécoise et leur apport indéniable à la promotion des belles-lettres que l'Association des parents du Collège Jean-de-Brébeuf a choisi de décerner cette année le Prix Henri-Tranquille à Rina Olivieri et Yvon Lachance pour leur œuvre qui encourage, avec un beau front de bœuf, la lecture.

Allocution de M. Yvon Lachance C’est vraiment avec un immense plaisir que Rina et moi recevons ce prix ce soir. Parmi les différentes raisons qui motivent notre joie, il y a bien entendu ce clin d’oeil à l’histoire porté par le nom que vous avez donné à ce prix. Il y a aussi bien sûr cette reconnaissance pour le travail que nous accomplissons comme libraires. Rares sont les distinctions qui nous sont accordées pour un travail dans lequel, trop souvent, les gens ne voient que l’aspect commercial. Rina et moi avons toujours pensé la librairie comme un espace de culture et de transmission des savoirs. Un commerce, bien évidemment, mais un commerce culturel. C’est entre autres pour cette raison que nous avons organisé depuis nos débuts des dizaines d’événements par année, toujours avec cette exigence de placer le livre au cœur des débats et des imaginaires qui animent notre société. Mais surtout, ce prix nous touche profondément parce qu’il nous est attribué dans le contexte d’une activité qui nous lie à tous ces jeunes ici présents autour d’une passion commune, celle de la littérature.

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Le concours de couverture Charles Cauchon, récipiendaire du Prix du Musée des beaux-arts de Montréal, entouré de Mmes Sylvie Labrosse et Louise Bourret.

Les jurés M. Nicolae Popescu, Mme Roselyne Hébert, M. JeanPierre Myette et Mme Natasha Beaulieu. Étaient abstents, Mme Carole Tremblay et MM Horia Bundaru et Yann Pineau.

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Les professeurs

MM Claude Bois (sec. 3 et 5) et Frédéric Decelles (sec. 2 et 5), Mmes Amélie Dorais (sec. 3) et Hélène Lalonde (sec. 1), MM Jean-François Bouquet (sec.1 et 4) et Daniel Deschênes(sec.1 et 4), Mmes Mélanie Gélinas (sec. 2 et 5), Louise Bourret (Arts), Jocelyne Strouvens (sec.1) et Marie McNamee (sec. 3 et 4). Mme Carolle Iamonico était absente de la photo.

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29e CONCOURS LITTÉRAIRE – 2013-2014

Les musiciens de la soirée

Louis-Philippe Ignatieff

Xavier St-Cyr

Léa Glubochansky

Yong Mu Ouyang

Jennifer Dang

Thomas Li

Alexander Fitchev 75


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Des lecteurs des Prix d'excellence

Long Dang-Hoang Margaux Blair

François Rivard

Anthony Debay 76


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Quelques moments de la soirée

Mme Carole Dagenais, coordonnatrice du Concours littéraire Dernières mises aux points des animateurs, M.Vlace Samar et Mme Marie McNamee

Mme Natali Boulva, Première Vice-Présidente de l'Association des parents

Mme Mélanie Gélinas

Un auditoire fort attentif 77


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Les lauréats de la soirée

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