ÄME MEUTE No 2

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GRATUIT



OURS & INFOS Direction générale et artistique : Timothé Léopold Théo Mendez _ Ont contribué à la réalisation de ce magazine : Rédacteurs : Hannah Renault, Jean-Baptiste Auduc, Fabio Lucci, le Vicomte Mendoza. Graphiste : Tim Owlt. Photographes : Jessy Penelon, Quentin Fombaron, Valentin Lecaille, Bernadelle Falkor. Relecture : Hannah Renault. Scribes : Maëlle Athanase, Manon Debizet, Guillaume Rozan, Guillaume Rolly, Agathe Roy. Vidéastes : Jessy Penelon, Quentin Fombaron, Théo Duparc, Milan Ardito, Bernadelle Falkor, Valentin Lecaille, Guillaume Rolly. Making of : Laura Feltrin, Hannah Renault, Nicolas Rolly, Gripaing Merguez. _ Ce magazine à été imprimé à la Manufacture d’Histoire Deux Ponts, 5 Rue des Condamines, 38320 Bresson. Et il est distribué gratuitement. De rien. _ ÄME MEUTE 1 rue du Jardin des Plantes, 69001 Lyon. Facebook Instagram Twitter Youtube Soundcloud contact@amemeute.fr

Äme Meute est une publication gratuite éditée par l’association loi 1901 Äme Meute. Les textes publiés dans cette chose n’engagent que leurs auteurs. De toute façon il n’y a rien de méchant. Toute reproduction, même partielle est interdite et vous expose à des poursuites. Blabla machin je crois qu’on est obligé d’écrire un truc du style en fait. Bref, en revanche, on t’encourage à poster des photos du magazine et de son contenu sur les réseaux sociaux. Genre une photo de toi en train de lire le magazine en vacs à Bayonne ou une photo de ton signe cosmique… Peu importe en fait, improvise, je suis pas ta mère. Et aussi, si jamais t’as une idée, on est ouvert aux partenariats. Merci. Biz. Slt. @+. Love. One love. Jtm.


“ TU PEUX ÊTRE LE PRINCE DE LA VILLE SI TU VEUX ”


amemeute.fr Photographe : Jessy Penelon | Modèle : Zorro | T-shirts : Devil Inside & äme | Hoodies : äme & äme camo. Tranquille avec la bière par contre. L’abus d’alcool est dangereux pour la santé.


SOM MA IRE

Day Zero

Grenoble ou rien

Sérigraphie

Pierre 87 Sisi la famille

Tattoo

Kespar Autoprod

Rap

Charles Collet Marquer l’époque

Skate

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Leyman Lahcine Un indien dans la ville

Arts

Bauhaus

Art, bite et musique

Lieu culturel

Jean-Philippe Duroux Level over 9 000

Design graphique

06 09 10 11 12 15 16 21 24 29 30 33 34 43

Édito No 2

Maramé oh. Quelle galère ce numéro 2 ! Certes, on a mis la barre plus haut, mais le nombre d’heures qu’on a passé dessus est astronomique les amis ! Enfin bon… On s’en branle car il est enfin imprimé ! En diré qu’il va falloir qu’on enchaîne direct avec le numéro 3 du coup ! Ahah… Profitez quand même de celui-ci, parce qu’encore une fois, on y a mis tout notre cœur, toute notre énergie et tout notre temps, vous l’aurez compris. Pas de Ulule cette fois mais un Tipeee… Alors, à nouveau, merci à tous ceux qui nous soutiennent. Vous êtes de plus en plus nombreux, on le voit et on le sent. Merci également à nos annonceurs pour la confiance que vous nous accordez, c’est aussi grâce à vous. On a vraiment commencé à bosser sur ce numéro début Février et on le sort là, en Juillet… C’est le problème quand un projet demande 100% de ton temps mais que tu bosses à côté… Et bien, on peut vous l’annoncer officiellement aujourd’hui, le noyau dur de l’équipe ne bossera plus à côté ! On quitte le statut associatif et on se lance dans le monde de l’entreprise ! YOLO. Si c’est pas la preuve qu’on y croit de ouf, qu’est-ce que c’est… Les prochains numéros ne nous font pas peur en tout cas. On vous a vous derrière, et on est prêt à prendre notre part du gateau. Attention hein, on ne devient pas des gros macronistes pour autant lol. Juste, on va rien lâcher. Dans ce magazine, quatorze interviews de grenoblois. Vous en reconnaitrez certains et vous en découvrirez d’autres. Quoi qu’il en soit vous verrez qu’ils ont tous un talent particulier et une énergie folle. C’était un plaisir de réaliser ce deuxième numéro sur Grenoble, de très belles rencontres à nouveau. Le prochain magazine portera sur Lyon et la suite sera itinérante. Ne vous en faîtes pas, vous trouverez toujours nos magazines à Grenoble, et ils seront toujours gratos. C’est promis. Bref, bonne lecture !


Crapules

Viens tâter la puff’ avé le crew

Collectif

Libre ?

Insaisisable

Graffiti vandale

La Belle Electrique Sale salle !

Lieu Culturel

Crédit Photo ci-dessus : @laf_leur

BONUS

Churros Batiment

“ Oh putain cool une bétonnière ” Rock

22 23 Diko dingo 44 45 À la recherche de la pizza sacrée 60 61 Horoscope et vérités cosmiques 86 87 Des jeux : en veux-tu en voilà

Par Gérard Rouspaingo, mot-croiseur ébéniste

Découvrez des jeux

À L’Ouest Barwave

Lieu culturel

Un dictionnaire nul

46 49 50 59 62 65 66 69 70 73

Découvrez des mots

CLFT Militia Niquer les codes

Techno

Une quête pas comme les autres…

Découvrez des pizzas

Par le Vicompte de Mendoza

Découvrez qui vous êtes

No 2 | Grenoble

Petite Poissone Ø préméditation pour Ø prise de tête

Street art

74 77 80 83

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Grenoble ou rien Créé il y a quelques années par deux grenoblois Thibault et Théo, Day Zero est un atelier de sérigraphie qui propose ses services sur tous types de supports, des affiches aux T-shirts en passant par les luminaires. Mais l’important chez Day Zero c’est surtout l’état d’esprit. Les mecs sont passionnés et ça se sent. Et dans votre cas ça va se lire. (Lol. Lire, magazine, tia compris.)

“ LA NOTION DE TRANSMISSION ME PLAIT ÉNORMÉMENT. LES GENS VIENNENT ET REPARTENT AVEC UN SAVOIR-FAIRE ANCESTRAL, INVENTÉ PAR LES CHINOIS EN 800 AVANT J.-C… JE TROUVE ÇA ASSEZ FOU.”

On est novices, tu peux nous expliquer rapidement le processus de la sérigraphie ? Thibault : C’est une technique très ancienne. À l’origine, on utilisait une espèce de tamis et on bouchait les endroits qu’on ne voulait pas voir imprimés avec de la terre. Aujourd’hui, on utilise des émulsions photosensibles. Globalement, c’est vraiment le même principe que la photographie. On vient mettre une émulsion sur un tamis, qui se fige à la lumière. Les couleurs du motif à imprimer sont donc séparées sur des films transparents, qu’on appelle typons. Les films vont permettre de bloquer la lumière là où on souhaite que l’encre puisse traverser les mailles du tissu. Du coup, on va pouvoir révéler un cadre qui contiendra un pochoir, avec des parties rigides où la peinture ne passera pas et des parties vides où elle passera. Et finalement, le principe c’est de venir racler de la peinture sur ce cadre pour imprimer ton dessin sur le support de ton choix. Du coup, tu peux superposer différents calques ou tu fais un calque à chaque fois ? Thibault : À chaque fois que tu utilises une couleur, tu dois faire un nouveau cadre. C’est un peu l’inconvénient de la sérigraphie. Si t’as envie de faire beaucoup de couleurs, t’as besoin de beaucoup de cadres et de pas mal d’outils. Mais c’est aussi ça qui va faire des choses très créatives. C’est d’ailleurs Andy Warhol qui a un peu révolutionné cette technique en l’utilisant à des fins artistiques, alors qu’elle était, avant ça, presque exclusivement utilisée dans le domaine publicitaire. Comment t’es venu l’idée d’ouvrir un atelier de sérigraphie ? Thibault : À l’origine, Théo et moi, on faisait du graffiti. Par le graff, on a rencontré quelques personnes qui faisaient de la sérigraphie, notamment Frigo, qui avait un shop à côté d’Intermarché, à Saint-Égrève. Ça nous a bien branché et on a vite compris qu’on pouvait facilement en faire sur des T-shirts. De fil en aiguille, on a trouvé des collaborateurs pour faire des petits projets. Les gars de Velvet ont été les premiers intéressés pour faire des T-shirts. Ça collait bien avec l’esprit tattoo. Bref, voilà... disons qu’on a saisi l’opportunité au bon moment ! Et le nom du shop, Day Zero, il vient d’où ? Thibault : Alors ça, c’est Théo… c’est son imaginaire. Je ne sais plus exactement ce que ça représente mais je crois que le côté “début de la fin” nous avait bien branché. Bref, c’est un peu abstrait comme notion mais ça s’écrivait bien et le côté typographie nous avait bien branché aussi. On a dessiné un logo à partir d’un D et d’un 0, une espèce de flèche... et voilà, on s’est lancé.

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DAY ZE RO

Vous avez immédiatement commencé dans cet atelier ? Thibault : Ah non ! On a commencé dans un petit garage, chez les parents. Et c’est vite devenu compliqué de faire des allers-retours. Ça demandait aussi pas mal d’installations : un point d’eau, de la lumière... Alors quand on a commencé à ramener un certain nombre de gens autour du projet, c’était plus simple d’avoir un vrai lieu qui soit facilement accessible. En plus, comme notre objectif était aussi de proposer des ateliers de création, on avait envie de créer un lieu sympa et, surtout, associatif. En adhérant à l’association, les gens pourraient disposer du lieu librement, un peu à l’image d’un fab lab. Ça ressemble à quoi un événement de Day Zero ? Thibault : Généralement ce sont des soirées pendant lesquelles on transforme un lieu pour y proposer un atelier bien précis. Ça peut être un atelier pour créer des cartes à gratter comme un atelier pour sérigraphier un T-shirt. Il nous arrive aussi d’aller sur des événements culturels de type festivals comme le Cabaret Frappé. Dans ce cas on apporte du matériel sur place et on fait faire des impressions aux gens, en live. La notion d’apprentissage et de transmission me plait énormément. Les gens viennent et repartent avec un savoirfaire ancestral, inventé par les chinois en 800 avant J.-C… Je trouve ça assez fou. Votre marque de sapes « De Gre ou de force » composée de vêtements estampillés « Narvalo » « Choukar » ou encore « C’est tchi » nous laisse penser que vous êtes fiers d’être grenoblois…

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Thibault : C’est sûr ! On est un bon groupe de copains et on a créé cette marque pour se marrer. On a fait ça avec Bass Jump, des promoteurs du coin qui sont maintenant bien connus. On est fiers de ce qu’on est et surtout d’avoir réussi à monter nos projets à Grenoble. Au final, cette ligne de vêtements a bien fonctionné, le public a répondu présent. Les motifs de la ligne “De Gre ou de Force” viennent, pour la plupart, de notre réseau de potes. Pierre 87 a bien bossé avec nous pour les visuels de la marque. L’idée pour cette marque, c’est que ce soit des grenoblois qui dessinent les visuels. Que le produit vienne vraiment du ter-ter quoi ! Après, en pratique, c’est pas toujours facile : le “Maramé” a par exemple été dessiné par un lyonnais. Dommage ! En ce qui concerne les designs des collections de la marque Day Zero, c’est plutôt Théo et moi qui nous en chargeons. On a aussi tenté d’exploiter l’esprit collaboratif et plusieurs personnes y ont participé, notamment des graffeurs.

Et Petit Shirt, c’est un concurrent pour vous ? Thibault : Alors Petit Shirt, c’est pas vraiment de la concurrence. Bien sûr, le versant “prestation de services” est un business qu’on avait déjà, on ne peut pas le nier. Mis à part ça, on ne peut pas faire les mêmes choses puisque la sérigraphie et l’impression textile sont quand même deux techniques différentes. Pour le moment, on bosse ensemble et Margo est quelqu’un qu’on apprécie beaucoup. Donc franchement, bon boulot, respect ! Tu es, depuis peu, jeune papa. C’est pas trop dur à gérer avec ton emploi du temps ? Thibault : Comme pour tout jeune papa, c’est chaud ! C’est sûr que, quand on lance son activité en auto-entrepreneur, ça met un petit coup de frein. Mais bon, c’est très cool d’être papa, on ne va pas s’en plaindre... Un peu de fatigue et c’est reparti ! Tu commences quand à lui apprendre la sérigraphie ?! Thibault : Est-ce qu’il voudra faire de la sérigraphie… j’espère que oui. Au-delà de ça, j’aimerais surtout lui transmettre la démarche artistique. C’est un trait d’esprit qui me ferait plaisir de partager avec lui. Après, il fera son propre chemin... S’il préfère être médecin, il en faut aussi… et puis ça gagne mieux qu’en sérigraphie !

Avec qui t’as bossé sur Grenoble ? Thibault : On a travaillé avec pas mal de gens qui ont tous de très beaux projets. Je pense notamment aux Frères Pirates, à l’équipe de Velvet, de Chez Simone, de la Famille Tattoo Club, ou de la Belle Électrique... On a aussi pas mal bossé avec la Bobine, le Cabaret Frappé, le Bassodrome Festival… Avec des studios de design comme La Mine, ou les Enfants Terribles… Et des artistes comme Holow, Petite Poissonne, Acide, Pierre 87, Yves Monnier et d’autres encore. Bref, beaucoup de projets qui nous séduisent et qu’il faut découvrir car ce sont de vrais acteurs de la vie grenobloise.

“ ON A COMMENCÉ DANS UN PETIT GARAGE, CHEZ LES PARENTS. ”


“ ON EST FIERS DE CE QU’ON EST ET SURTOUT D’AVOIR RÉUSSI À MONTER NOS PROJETS À GRENOBLE. ” 9

Interview tournée le 21/02/2017 Interview et textes : Lucien Houmous Photos : Jessy Penelon & Quentin Fo mbaron

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Sisi la famille

Avant de bosser Chez Simone, c’était dans son shop 87ème Avenue que vous auriez pu le rencontrer. Cet ex-graffeur, fait partie du petit cercle des meilleurs tatoueurs de la ville. On l’a rencontré pour parler de son parcours et du style dans lequel il excelle. Et accessoirement pour connaître l’origine de ce “87” ! Pour cette interview post-tattoo (#gonzojournalism), Pierre avait sorti son survet’ Adidas from New York et, sans mentir, on serait bien repartis avec !

Tu nous parles un peu de ton parcours avant ton arrivée Chez Simone ? Pierre : J’ai commencé à tatouer en 2011. J’avais cherché à intégrer un salon de Grenoble pour me former mais à l’époque, déjà beaucoup de gonz voulaient devenir tatoueurs et on ne me prenait pas au sérieux. Après m’être fait rejeter deux ou trois fois, j’ai décidé de monter mon shop, un peu tout seul, du jour au lendemain. Et ça s’est super bien passé. Cette aventure a duré 3 ans et demi. Je faisais beaucoup de lettering en m’inspirant de la rue, dans un délire un peu hip-hop et graffiti. J’ai toujours kiffé faire cette recherche de lettrages. Mais au bout d’un moment, j’ai senti que je n’arrivais plus à gérer le shop en termes de paperasse, d’accueil et de rendez-vous... Marraine K, qui s’occupait de Chez Simone, m’a alors proposé de rejoindre l’équipe. J’y ai rencontré beaucoup de tatoueurs très doués dans leur style auprès desquels j’ai beaucoup appris. Ça m’a aussi permis de me re-concentrer sur le tatouage à 100%.

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“ C’EST LA RUE QUI A FAIT CE QUE JE SUIS MAINTENANT. ÇA M’A FORGÉ UN CARACTÈRE. ”


D’où t’es venue cette volonté de faire du style chicanos ? Pierre : Je me suis intéressé au chicanos parce que c’est un style qui vient de la rue. On pense tout de suite aux gangs latinos, mais j’y vois encore plus l’importance de la famille. À la base, ce n’est même pas du tatouage. C’est tout un milieu qui demande de représenter son territoire avec des tags, des armes ou de l’argent, pour en avoir le contrôle. Je ne me compare pas à ces mecs. Je n’ai pas leur culture. Mais, représenter son secteur, c’est un truc qui me parle. Et esthétiquement, le mélange de lettering et de réalisme noir et blanc, ça me plaît beaucoup. Tu as un lien fort avec la rue ? Pierre : Je pense que c’est la rue qui a fait ce que je suis maintenant. Ça m’a forgé un caractère. Je pense que si t’as pas connu ce milieu-là, tu peux faire du chicanos correctement mais il n’y aura pas le même investissement. On repère tout de suite les gonz qui ont un peu touché au graffiti. La rue m’a beaucoup inspiré et j’essaie toujours d’avoir une recherche supplémentaire en termes d’agressivité du dessin. Ça donne du caractère au tattoo. Et d’où sort ce “87” qui te suit partout ?

Pierre : Un jour, un mec est venu au salon. Il voulait apprendre le tattoo. Sachant que je n’avais que 2 ans d’expérience, je ne me sentais pas trop de gérer ça... mais le côté graffiti du personnage m’a plu et j’ai donc commencé à le former. C’est un gars avec qui j’ai peut-être passé les meilleurs moments de mes premières années de tattoo. Il s’appelle Gaétan et il a maintenant son shop (Death Or Glory) sur Clermont-Ferrand. Ça a été un plaisir de lui apprendre le tatouage, et de le voir, par la suite, partir dans son propre style. C’est vraiment un truc dont je suis fier. Il me manque parfois, mais on arrive à se capter de temps de temps ! C’est vraiment une expérience forte de former quelqu’un mais je ne pense pas que je formerais quelqu’un d’autre. D’une part parce qu’aujourd’hui je connais des grands noms du tatouage et que je ne me sens donc pas assez « grand » pour pouvoir donner des conseils, d’autre part parce que j’aime l’idée d’avoir transmis ce que je sais à une seule personne. À part le tattoo, qu’est ce que t’aimerais faire demain ? Pierre : J’y pense beaucoup en ce moment. J’aimerais bien créer quelque chose de « made in Grenoble », un peu comme vous, pour faire connaître des artistes locaux. J’en connais tellement, dans tous les milieux… J’aimerais bien tous les réunir, pour créer et bosser ensemble plutôt que rester chacun dans son coin à trimer. Une cace-dédi à passer ? Pierre : Dédicace à tous mes potes de Jarrie, mes frères. À Big B, qui est là-haut. À ma chérie Eylem, à Marraine, à Gaétan, à Freako, Olivier, à ma soeur et à tous ceux qui me connaissent. Interview tournée le 25/03/2017 Interview et textes : Lucien Houmous Photos : Quentin Fombaron

Retrouvez Pierre 87 sur les internets

Tu as déjà eu un apprenti à former ?

Où ??? : Chez Simone, 52 Rue Saint-Laurent à Grenoble Suivre : Chez Simone sur Facebook & Instagram

Pierre : En fait on est une petite série de potes : on est six à être vraiment soudés. 87 c’est notre année de naissance et c’est un peu devenu notre nom de famille. J’ai mes potes tatoués un peu partout sur mon corps, c’est très important pour moi. J’ai perdu mon meilleur ami il y a deux ans. Depuis, ma vengeance, c’est de représenter les copains, les frères, ceux qui m’ont construit.

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Autoprod

Rappeur avant d’être graphiste, Kespar, grenoblois adopté, nous parle de sa passion pour l’écriture et de ses influences de rap US. Il rappe depuis plus de 10 ans et on a eu la chance de le rencontrer grâce au poto Kaba. Avec beaucoup d’humilité, Kespar nous raconte les ateliers d’écriture qu’il organise en prison et auprès des jeunes de MJC. Il semble croire au pouvoir des mots. Et on a envie d’y croire avec lui.


Il y a un artiste en particulier qui t’a motivé pour te lancer…? Kespar : Quand j’étais gosse, j’étais bien influencé par Fabe, la Scred Connexion, NTM, des choses un peu classiques. Vers mes 14-15 ans, j’ai commencé à écouter du rap américain et ça ne m’est jamais trop passé. Même si je n’écoute pas que du rap, je me suis pris pas mal d’albums de rap des années 90 dans la gueule alors que je n’étais qu’en primaire. Je kiffais déjà ça. Dans ton dernier titre clippé Nayousabi, on sent un petit changement de style par rapport à ce que tu faisais avant. On peut considérer ça comme un virage ou c’était juste un test ? Kespar : Un peu des deux, c’est surtout ce que j’avais envie de faire. J’ai quand même pas mal de sons dans le même genre qui sont finis mais pas sortis, pour lesquels je prépare un projet. Nayousabi était le plus abouti de tous et le meilleur pour faire la transition. Donc je l’ai clippé et je l’ai sorti direct, histoire d’avoir un peu d’actu et d’avoir les réactions des gens. Il n’y a pas un énorme virage dans les paroles, c’est plus au niveau de la forme. Il y a d’autres effets de production sur la voix, un peu d’auto-tune. Les instrus sont un peu différentes et ça chante un peu plus. On est dans du Cloud Rap, quelque chose de plus moderne, plus trap, plus planant… Ok et d’ailleurs, ça sort d’où ce mot, Nayousabi ? Kespar : C’est de l’argo nigérian, un mélange d’anglais et de dialecte. En gros, ça veut dire « C’est pas mon problème, démerde-toi ». Comment tu t’y prends pour écrire un morceau ? Kespar : Généralement, j’attaque la création du morceau par le choix des instrus. Ensuite, je recherche un bon refrain, avant de m’attaquer aux couplets. La plupart du temps, selon ce que le refrain donne, j’oriente mes couplets et j’essaie d’avoir quelque chose de liant. Sauf si je suis super inspiré et que j’écris un morceau en trois heures, avec tout ce qu’il me passe par la tête. C’est rare, mais ça arrive de temps en temps. Je travaille beaucoup sur la forme, j’aime bien que tout soit assez fluide. J’essaie d’avoir un truc qui soit vraiment agréable à l’oreille, avec des paroles percutantes. Kespar se cantonne rarement à des thèmes précis dans l’écriture de ses morceaux. Il aime jongler entre la volonté d’éveiller les esprits sur des faits d’actualité ou historiques, le rap divertissement et le rap moins conscient, avec davantage d’ego trip et de laisser-aller. Pour autant, toujours empreint d’un élan humaniste et unificateur, il s’attache à conserver dans ses textes une ambiance fédératrice lui permettant de réunir des gens que rien ne semble relier.

“ JE N’AIME PAS TROP LES MECS QUI DONNENT DES LEÇONS, MAIS DONNER SON AVIS ET ESSAYER D’ÉCLAIRER LES GENS SUR DES SUJETS, C’EST UNE DÉMARCHE INTÉRESSANTE.

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KESP AR Où est-ce que tu chopes tes instrus ? Kespar : J’ai produit deux albums avec un beatmaker qui s’appelle Linkrust, qui pour moi est un des meilleurs beatmakers du coin et sûrement même de France. Il a un style bien à lui qui est vraiment intéressant. Il ne fait quasiment que du sample et il s’intéresse à des disques qui sont vraiment très peu regardés, même par les beatmakers. Pour le reste c’est vraiment au coup de coeur de la musique. Depuis un an, je m’intéresse à des prods de beatmakers étrangers. J’ai déjà acheté des prods à des américains, à un mec d’Afrique du Sud et à un mec de Londres. On trouve de tout sur internet. Tu es graphiste de profession, tu peux nous dire un mot là-dessus ? Kespar : C’est un domaine qui m’a attiré parce que c’est créatif et qu’on peut quand même beaucoup plus manger avec le graphisme qu’avec le rap. Quand j’ai eu 20 ans, je me suis dit qu’il fallait que j’assure un peu mes arrières, même si déjà à l’époque, j’aurais bien tout lâché pour faire de la zic. Mais j’ai fait des études de graphisme et aujourd’hui je suis en freelance. Je gère mon emploi du temps et j’ai mes clients. C’est un boulot qui me plaît bien et il y a une similitude avec le rap dans le sens où, généralement, tu commences à faire des trucs hyper chargés en utilisant toutes tes techniques possibles pour faire le malin et puis, au fur et à mesure, tu affines et tu vas vers quelque chose de très épuré.

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Pas de place à l’hésitation lorsqu’on demande à Kespar s’il met sa carrière de graphiste et sa carrière de rappeur sur le même plan. Son intérêt pour le graphisme, tout comme son souci de rester à la page dans ce domaine, est bien réel. Mais rien ne résonne en lui autant que la musique. Tel un à-côté purement professionnel, presque alimentaire, le graphisme, contrairement au rap, ne le transcende pas. Son engagement personnel, frôlant parfois l’acharnement, et les heures qu’il consacre au rap en sont la preuve. T’envisages de pouvoir vivre un jour du rap ? Kespar : Ça reste toujours un peu l’objectif oui, rien que pour se bouger le cul. J’ai déjà eu un petit succès d’estime underground presque national. Il y a des poignées de gens dans pas mal de villes de France qui me connaissent. J’ai été relayé par la presse spécialisée, par des artistes que j’adorais quand j’étais merdeux. C’est déjà très cool. Aujourd’hui je mets une énergie professionnelle dans le rap, le but c’est d’en faire quelque chose, tout en gardant la tête sur les épaules. Sans oublier que les miracles n’existent pas. Et à part le graphisme et le rap ? Kespar : Je fais des ateliers écriture dans les MJC, les lycées ou les collèges via notre association, Contratak. J’interviens aussi à la prison de Varces, pendant les vacances scolaires, avec un bassiste compositeur : Robin, des groupes Monkey Theorem et Lamuzgueule. Les détenus écrivent les morceaux et on compose sur mesure, avec eux. Ensuite, on les fait enregistrer et on fait un CD avec tous leurs morceaux. Et c’est vraiment de la bombe ! Je trouve que les résultats sont hyper encourageants, en termes de stimulation humaine, d’implication… alors que pour la plupart ce sont des gens qui ont décroché de tout. On a souvent des très bonnes surprises, des mecs qui rappent trop bien et que personne ne connaît. Le fait de leur dire « mec, c’est vraiment bien ce que tu fais », c’est souvent nouveau pour eux. Soit ils ont rappé au quartier et se faisaient tailler par les potes, soit ils rappent en prison mais ce ne sont pas les matons qui vont les encourager à rapper. Encore que, ça arrive... Mais bref, nous on est là pour leur donner confiance et leur montrer qu’ils sont capables de faire un truc abouti.


C’est quelque chose qui te tient à coeur d’aider ? Kespar : J’ai commencé par curiosité et je me suis rendu compte que ça marchait vraiment, en fait. En prison, ça marche même mieux, en termes de résultat humain, que dans une MJC avec des gosses. La différence avec les mecs qui sont en prison c’est que le moment que tu leur accordes, il est ultra précieux pour eux. C’est ça qui change tout. Ils sortent pendant une heure de leur condition de détenus et ils ont envie de se donner à fond, généralement. En ce moment, on est en pleine campagne présidentielle. Est-ce que tu penses que le rap doit être engagé politiquement ? Kespar : C’est une vaste question... Je pense surtout que chacun doit faire ce qu’il est, en fait. Si t’es quelqu’un de vraiment engagé politiquement, ça vaut le coup de faire du rap politique, si c’est bien fait, si ce n’est pas trop moralisateur... Moi, je n’aime pas trop les mecs qui donnent des leçons. Mais donner son avis et essayer d’éclairer les gens sur des sujets, je trouve que c’est une démarche intéressante. Le rap divertissement, je n’ai rien contre, j’en fais aussi de temps en temps. En fait, je flirte un peu entre les deux. Je dirai même que mon arme fatale serait de faire un truc divertissant et politique à la fois. En tout cas, je reste persuadé qu’il ne suffit pas d’avoir des bonnes intentions ou de vouloir dénoncer pour faire de la bonne musique. Pour moi, la musique passe avant le fait de dénoncer. T’as un truc à dire sur Macron qui affirme que nous sommes bien nés sous la même étoile en voulant citer Né sous la même étoile de IAM et qui, ne l’ayant sûrement pas écouté, déforme complètement le sens du morceau ? Kespar : Ah Macron… Citer IAM c’est bien gentil, mais si tu te trompes, c’est juste un coup marketing de merde (rires) ! En tout cas moi, je ne citerai jamais Macron. Promis, jamais de la vie ! Qu’est-ce que t’écoutes en ce moment ? Kespar : En rap français, j’ai bien aimé le dernier Nekfeu et j’aime bien Josman, qui est en train de se faire un petit blaze en ce moment. J’ai découvert un mec qui s’appelle Jok’Air aussi, qui est assez cool. Et Joke est pas mal aussi quand même. Sinon, je suis à fond dans le ricain depuis longtemps. En ce moment, j’écoute beaucoup Russ. Le dernier album, de 6lack, m’a vraiment frappé aussi. Il y a aussi Kendrick Lamar, qui défonce toujours, Young Thug, Migos, Isaiah Rashad... Côté R&B, j’aime bien Bryson Tiller, même si c’est sucré et limite écœurant. Sinon, j’adore aussi Little Simz, une meuf de Londres qui déboite. Et mon dernier coup de cœur en meuf, c’est SZA, qui a été en featuring sur le dernier album de Rihanna. C’est une super bonne chanteuse, avec une vibe très cassée, genre la fille un peu dépressive, voix de fumeuse... Ça déboite. Comme on disait sur Skyrock en 2003, t’as une casse-dédi à faire passer ?

Interview tournée le 05/04/2017 Interview : Fabio Lucci Textes : Patricia Caledonia Photos : Quentin Fombaron & Bernadelle Falkor

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Kespar : J’en ai même trop ! Franchement, j’ai connu beaucoup de gens sur mon parcours, des gens qui m’aident encore aujourd’hui. Que ce soit dans la vidéo, dans les démarches, les bookings, les organisations de concerts… Je pense à mon beatmaker Linkrust, mon asso Contratak, et bien sûr, tous ceux qui me soutiennent. Je sais qu’il y a des gens qui ne font pas que consommer la musique et qui se rendent compte qu’on en chie. Voilà, je bigup toutes ces énergies qui m’ont aidé, parce que tout seul on ne fait rien.

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Marquer l’époque Charles Collet, grenoblois de 31 ans, skate depuis plus de 18 ans. Acharné et talentueux, il n’est pas resté longtemps dans l’ombre. À Grenoble, même s’il est beaucoup trop humble pour le reconnaître, ce mec est une légende. Il a inspiré beaucoup de jeunes skateurs et il en inspirera encore demain. Récemment devenu ébéniste, il alterne désormais son temps entre skate et marqueterie. Il nous parle de ses débuts, de sa première board et de ses meilleurs souvenirs en tant que skateur pro.


Parle-nous de tes débuts en skate : comment t’as commencé et depuis combien de temps t’es skateur pro ? Charles : J’ai commencé à skater avec une vieille board, sur un parking, sur un conseil de ma grande sœur. Je ne savais pas trop quoi faire de ma vie à l’époque. J’avais à peu près 12 ans. J’ai très vite accroché avec le skate et je me suis vite rendu compte que je pouvais en faire quand je voulais, où je voulais et avec qui je voulais. Ça m’a rendu un peu différent des autres gamins qui suivaient des cours de sport tel jour, de telle heure à telle heure… J’aimais le fait de pouvoir être libre. Assez rapidement, Cliché m’a passé un coup de fil parce que j’avais pour habitude de skater un peu à Lyon. Le team manager de l’époque, Ben Derenne, a commencé à m’envoyer quelques boards et à me filer quelques t-shirts. À cette période-là, Cliché a commencé à filmer la vidéo Bon appétit. Le deal pour tous les petits jeunes qui étaient en flow comme moi, c’était « si vous arrivez à filmer une part, vous entrez dans le team ». À mes 18 ans, la vidéo est sortie. J’ai donc commencé à rider pour Cliché en amateur. Je suis passé en pro à l’âge de 23 ou 24 ans.

Et ça fait quoi d’avoir une board à son nom ? Charles : Quand t’es gamin et que tu ne l’as pas, t’as l’impression que c’est le bout du monde. Et quand tu l’as, tu te rends compte que t’es au même endroit et que tout va bien. Mais t’es content, quand même… Après, ça devient presque anodin parce que t’es dans un milieu où une bonne partie de tes potes en ont une aussi. Résultat, ça perd un peu de sa magie. Mais c’est quand même cool.

Ta première board, elle ressemblait à quoi ? Charles : Ma toute première board c’était une board avec des roues en plastique, genre skateboard que tu trouves dans un magasin de jouets… Je ne sais pas si on peut vraiment la considérer comme une première vraie board. Après ça, j’ai eu une board Decathlon. Pareil, je ne sais pas si ça compte vraiment. Disons que ma première board correcte, c’était une board Powell que j’avais achetée dans un skateshop grenoblois qui s’appelle La Glisse, qui existe toujours d’ailleurs. Ton premier sponsor ? Charles : Mon tout premier sponsor, c’était justement La Glisse. Mais le premier sponsor avec qui il s’est vraiment passé des choses, c’était Cliché. C’est vraiment avec eux que tout a démarré. À l’époque, t’avais un autre plan de vie que le skate ? Charles : Non, pas du tout. J’ai vraiment tout misé sur le skate mais, en même temps, c’était la période à laquelle le skate commençait vraiment à se déclarer et à devenir un projet d’avenir pour moi. Plus le skate devenait un projet d’avenir, plus je m’éloignais de l’école. On a vu au bar Le 1900 une board aux couleurs de Chartreuse estampillée Charles Collet... Charles : Exact, ouais. C’est le deuxième pro model que j’ai eu. On m’a dit « Écoute Charles, on voudrait une board qui soit un peu aux couleurs de Grenoble, quelque chose qui te ressemble… ». Ils savaient pas trop quoi faire et un jour, je les ai appelé en leur disant : « Nous, dans le coin, on a la Chartreuse. Vous mettez Charlestreuse et je pense que ça peut faire une board pas mal… ». Ils ont adoré. Et Fab du 1900, qui a un goût démesuré pour la Chartreuse, en voulait absolument une quand il a appris la nouvelle. Je n’ai jamais réussi à lui avoir, j’étais un peu déçu. Fred Demard, du magazine Soma, le voyant tellement triste, a fini par lui prêter la sienne. Pas sûr qu’il la récupère un jour ! En tout cas, ça me fait bien plaisir qu’elle y soit toujours. C’est vraiment une chouette board. Elle a d’ailleurs été faite par un pote à moi, « Marley » Grégory Laufersweiler.

Fred (Soma), dans son interview (Äme Meute No 1), nous a parlé d’une photo de toi sur le rail de la gare, avec un certain photographe néo-zélandais… Charles : Ouais, ce photographe n’était pas super content parce qu’effectivement, Fred a autorisé un pote à lui, photographe amateur, à prendre une photo, de loin. Résultat, celle du photographe néo-zélandais, était un peu plus arty mais mettait beaucoup moins en valeur le rail que la photo prise par le pote de Fred. Et Volcom, à l’époque, était beaucoup plus intéressé par cette photo. Fred leur a envoyé la photo et son pote a donc vendu la sienne à Volcom. Mais en bon néo-zélandais, le photographe pro avait le sang un peu chaud et je crois qu’il voulait péter la gueule à Fred. Mais je le connais ce mec et c’est vraiment un bon gars. Il a un peu mal réagi sur le coup parce qu’il a dû se sentir doublé, mais je peux le comprendre. Au final, il quand même réussi à refourguer sa photo en double page dans un magazine américain ou australien, je sais plus. Qu’est-ce que ce serait le skate sans photo ni vidéo ? Charles : Putain... Pas ce que c’est aujourd’hui, ça c’est clair. Je ne sais même pas si ça aurait pu continuer à exister... C’est vrai qu’à l’époque, on n’avait pas vraiment la photo, ni même la vidéo, et c’était quand même bien cool. De temps en temps, un père ou une mère sortait un caméscope ou un appareil photo jetable. Mais c’est vrai que les gamins qui font du skate aujourd’hui ne doivent pas du tout avoir la même vision du skate que celle qu’on avait à l’époque. Ça a bien changé. En même temps, la dimension fascinante du skate, pour moi, c’était aussi d’être tranquille, qu’on ne me fasse pas chier. Cela dit, le fait que tout soit filmé en permanence a fait évoluer le skate européen. Depuis, on a bien viré sur quelque chose qui est de repousser ses limites pour la performance. C’est devenu quelque chose de plus technique. Le niveau en skate a d’ailleurs considérablement augmenté grâce à la vidéo.

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CHA RLE S CO LLET

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Comment t’en es arrivé à l’ébénisterie ? Charles : Je suis retourné en cours parce que bon, le skate c’était bien mais… je voulais quand même y retourner, notamment parce que j’ai arrêté super tôt à cause du skate. C’est aussi parce que j’avais bien évolué et que je m’étais déjà bien ouvert le crâne avec le skate. L’envie de retourner étudier était de plus en plus forte et j’ai donc fait de l’ébénisterie. J’avais un projet de part pour Globe, qui est un peu tombé à l’eau parce que je me suis fait mal à la cheville à cause d’une vieille blessure que je traîne depuis longtemps. Je les ai appelé en leur disant que j’allais pas pouvoir skater et en leur demandant ce qu’ils voulaient qu’on fasse. À la sortie de l’école, j’avais une idée de projet de marqueterie sur board, que je trouvais cool. Je leur ai proposé et ils étaient chauds. Il y a donc un petit projet vidéo, avec Globe, qui sort dans quelques semaines... Et ça t’est arrivé souvent d’être blessé ? Charles : Ça m’est arrivé très souvent de me blesser à la cheville avant de me faire opérer. Même après l’opération, j’avais des séquelles qui apparemment ne pouvaient pas vraiment s’atténuer. Ma cheville était déjà bien raide mais je pouvais quand même skater convenablement. Depuis, ça a recommencé trois ou quatre fois. Il faut donc que je fasse un break, voir si je me fais opérer à nouveau ou pas... Dur. Comment t’occupes tes journées quand tu ne skates pas ? Charles : Un peu de guitare et, en ce moment, beaucoup d’ébénisterie. Je bosse aussi à côté parce que je ne gagne plus suffisamment d’argent avec le skate. Je fais aussi pas mal de rééducation, pour ma cheville.

On débarque un peu mais on a appris hier soir que Cliché c’était fini… Charles : J’ai débarqué aussi, c’est assez incroyable. J’arrive pas trop à comprendre ce qu’il s’est passé et la gamberge qu’ils ont eu chez Dwindle (ndlr Distributeur de la marque) pour décider d’arrêter Cliché. Cette marque avait une image européenne alternative et assez cool qui la différenciait bien des grosses marques américaines. Dwindle l’a complètement transformée en une grosse marque, avant de se rendre compte que si Cliché était cool, c’est justement parce qu’elle n’était pas une grosse marque. Ils se sont tiré une balle dans le pied. Ils ont détruit l’image de Cliché et, se rendant compte que la nouvelle image ne correspondait plus à la marque, ils ont décidé d’arrêter. Je suis vraiment tombé de haut quand j’ai appris ça. Pourtant, les gars qui géraient Cliché, Al Boglio et Jérémie Daclin, avaient senti la chose venir - moi aussi d’ailleurs - et n’étaient pas en accord avec le tournant que Dwindle leur imposait. Ça dénotait complètement de l’image qu’ils avaient aux débuts de Cliché. Ils se sont bien rendu compte qu’ils étaient les pionniers de ce qu’est le skate aujourd’hui en Europe. Ils ont essayé de faire marche arrière afin de se recentrer sur le skate européen et non sur le skate tel qu’il est aux États-Unis. Mais malheureusement, ils n’en ont pas eu le temps. C’est vraiment dommage en tout cas.


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“ AUJOURD’HUI, AVEC LA FAÇON DONT JE VEUX SKATER ET LA FAÇON DONT LE SKATE A ÉVOLUÉ À GRENOBLE, JE PRÉFÈRE SKATER ICI. ”

CHAR LES COLL ET


Y’a des moments dans ta carrière qui t’ont rendu super fier ? Charles : Ouais la vidéo Bon appétit, sortie quand j’avais 18 ans. Des skateurs qui à l’époque avaient 14-15 ans, aujourd’hui devenus mes potes, m’ont avoué que ça les avait pas mal inspiré quand ils étaient gamins. Super souvenir aussi parce que le jour de mes 18 ans, deuxième jour du tour SlovénieCroatie, on est arrivé sur un spot de 11 marches. Ce jour-là, j’ai fait le Flip-back Five-O qui est le dernier tricks de ma part dans la vidéo Bon appétit. Je crois que mon meilleur souvenir, c’est ce jour-là. Bref, j’étais très content de ma part mais il faut surtout dire que la vidéo était vraiment vraiment bien. Il y a aussi le rail de la gare, bien sûr. J’étais content parce que ça faisait des années qu’on passait devant et qu’on en parlait avec les potes, notamment Damien Marzocca et Max Genin. On se disait « putaaain un jour il va quand même falloir qu’il y en ait un qui se jette dessus ! ». Max avait essayé d’ailleurs, mais pour lui c’était un peu plus compliqué parce qu’il est regular. Du coup, il devait arriver de face, prendre de l’élan sur la route, monter un trottoir et retaper sur le rail. Moi, comme je suis goofy, je pouvais prendre l’élan de la barrière sur le trottoir, tourner et arriver sur le rail. Bref, pour lui c’était trop relou, il a lâché l’affaire. Et plus récemment, une des choses qui m’a rendu très très content, c’est d’avoir la couverture du bouquin de Fred Mortagne, un photographe et cameraman que j’admire beaucoup. J’avais complètement oublié cette histoire et c’est lui qui me l’a rappelée l’autre jour. À la base, on devait être plusieurs à cette session photo. Le truc c’est que la veille, on est tous sorti et on s’est mis une sacrée claque dans un bar. Le lendemain, Fred a appelé tout le monde et personne n’a réussi à se lever, sauf moi. J’avais trop de scrupules à le lâcher. Du coup, on s’est retrouvé tous les deux pour faire les photos dans les pipes. C’était vraiment une session difficile, surtout quand tu t’es mis une caisse au Gin la veille, mais j’en garde un bon souvenir parce qu’on a vraiment fait des super photos. Une bonne journée hangover donc.

Quel est ton spot préféré sur Grenoble ? Charles : Ça peut paraître bizarre mais il y a un petit skatepark sur les quais que j’adore. Il est vraiment misérable mais facile d’accès, et j’ai des potes qui habitent pas loin. L’été à Grenoble, j’aime vraiment bien aller rouiller sur ce petit parc. Après sinon, à l’époque, y’avait la gare Europole qui était vraiment LE spot de Grenoble. C’était presque cool le samedi après-midi de voir qu’il pleuvait un peu, ou du moins que c’était mouillé dehors, parce que tu savais qu’il allait y avoir tous les skateurs de Grenoble et des alentours qui allaient y être. Il pouvait y avoir genre trente skateurs ! C’était vraiment de la balle. Et pour sortir ? Charles : Ça fait un petit moment que je ne suis pas sorti mais j’allais beaucoup au 1900. Sinon, la dernière fois, j’ai testé le Bauhaus, c’est pas mal. Et l’été, on va souvent à la Bobine. Faudrait vraiment que je retourne faire un petit coucou à Fab, voir comment il va et voir comment la board va ! Ça lui ferait plaisir ! Et rav mais, si on en croit Wikipedia, t’es né à Calcutta en 1888 et t’es mort en Turquie à 27 ans en 1915. Ca t’a marqué la Première Guerre mondiale ? Charles : Mort à 27 ans ? Comme beaucoup de légendes, c’est cool. La Première Guerre mondiale, de ce que j’en ai appris ouais, ça m’a marqué ! Moi-même physiquement, non.

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Pour skater, tu préfères Lyon ou Grenoble ? Charles : Plusieurs années en arrière, j’aurais dit Lyon. Mais aujourd’hui, avec la façon dont je veux skater et la façon dont le skate a évolué à Grenoble, je préfère skater ici. Je ne skate plus vraiment en street comme je le faisais à Lyon. Maintenant je préfère les bowls, faire de la courbe, et les skateparks de Grenoble s’y prêtent vraiment mieux. Après, si t’es un petit jeune, que t’as envie d’être dans les médias et de voir évoluer des skateurs pro, c’est clair qu’il vaut mieux être à Lyon.

Interview tournée le 21/02/2017 Interview et textes : Patricia Caledonia Portrait : Quentin Fombaron Photo du rail de la gare : David Tchag (page 1) Toutes les autres photos : Loic Benoit

SPECIAL THANKS : Pour illustrer cet article, nous avons utilisé 7 photos prises par des photographes complètement extérieurs à l’équipe. Ils nous ont gentiment permis d’utiliser leurs clichés et c’est super cool. Merci à David Tchag pour la photo du rail de la gare. Un immense merci à Loic Benoit pour toutes les autres de Charles en action ! Et merci à Fred Demard & Charles Collet pour avoir fait le lien entre eux et nous !


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Tous les coups sont permis. Même en diagonale. Même à l’envers. Même en diagonale à l’envers.


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Un indien dans la ville Chez Äme Meute, vous le savez, on se casse le cul. Et pour cette interview, on est allé jusqu’à Londres rencontrer un grenoblois. Un mec hors du commun, qui ne portera sûrement jamais du Quechua. Il a très vite fui sa ville natale et ses montagnes pour un monde alternatif et sans frontières. Leyman c’est le mec qui pose ses couilles sur la table et qui vit son rêve. Ou plutôt le tien.


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LEY MAN LA HC INE

Qu’est-ce que tu penses de Grenoble ? Leyman : J’ai toujours détesté Grenoble… depuis que je suis petit. Je n’ai vraiment pas d’excellents souvenirs de cette ville, notamment parce qu’à la maison ça ne se passait pas très bien. J’ai toujours trouvé que cette ville était fermée et je n’ai jamais aimé la montagne. J’avais l’impression que les montagnes m’empêchaient de voir l’horizon. Je me sentais toujours un peu regardé, sans perspective. Encore aujourd’hui, je me sens mal quand j’y retourne. Après voilà, j’aime mes amis et j’y ai quelques bons souvenirs quand même… mais globalement, je n’ai jamais aimé cette ville. Pourtant, c’est un peu ton point de départ… Qu’est-ce qui t’a véritablement motivé à en partir ? Leyman : Je m’y sentais oppressé. J’ai arrêté l’école très tôt et je n’avais aucun diplôme. J’aimais le dessin et j’essayais de trouver des ouvertures par rapport à ça. Je suis d’abord allé à Paris, mais j’ai trouvé le milieu artistique parisien trop élitiste pour quelqu’un qui vient d’un milieu comme le mien. Je suis issu de l’immigration, né dans une famille de classe moyenne… C’est difficile d’accéder à des écoles d’art sans aucun diplôme ou même d’intégrer le milieu artistique si tu n’as pas déjà eu à la maison des gens qui te parlaient d’art. Bref, j’avais une cousine à New York, j’ai décidé d’aller la voir. Je n’ai pas vraiment aimé New York, mais j’ai aimé ne plus être en France. C’était en 2008, un peu avant les élections d’Obama. Comment s’est passée ton arrivée là-bas ?

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Leyman : Quand je suis parti pour New York, je n’avais quasiment pas un rond. J’avais 150 euros. Avec le change, ça faisait à peu près 200 dollars. J’ai utilisé 50 dollars pour manger entre la France et New York, 50 dollars pour me payer un taxi jusqu’à chez ma cousine… il me restait 100 dollars. Je ne parlais pas du tout anglais mais j’ai eu de la chance : j’ai trouvé du boulot tout de suite, dans un bar. Je devais nettoyer les tables, laver le sol des chiottes à 4h du matin quand tout le monde avait pissé partout, bref, un truc de galérien. Mais j’ai pu apprendre l’anglais et surtout je m’en foutais : j’étais là pour l’aventure, je n’avais pas peur de galérer, je trouvais ça plutôt marrant. Quand t’es arrivé à New York, t’avais pour but de travailler ton art ? Leyman : Pas du tout. Quand j’ai emménagé à New York, j’avais tellement essuyé de déceptions que j’étais un peu dégoûté de ce milieu. Je n’avais pas du tout pour objectif de faire du dessin une carrière. Je suis vraiment parti pour quitter la France et vivre une nouvelle aventure. Après mon boulot au bar, j’ai été promoteur dans des boîtes de nuit. Au bout de deux ans, j’étais un peu lassé du milieu de la nuit. J’ai trouvé du boulot dans une agence de pub, je faisais des storyboards. C’était un premier retour vers le dessin. Après ça, la boîte a coulé, je suis retourné dans le monde de la nuit… J’y suis d’ailleurs plus ou moins resté, mais je recommençais à peindre. Par la peinture, je me suis ouvert au milieu artistique de New York et j’y ai rencontré des gens vraiment talentueux. C’est ce qui m’a redonné envie de faire des choses, et surtout de peindre. Les américains sont moins dans le jugement que les français. J’ai vite pu me créer une nouvelle identité. Je n’étais plus Leyman de Grenoble, j’étais Leyman le français à New York. J’ai eu davantage confiance en moi et j’ai pu faire mes premières expos à New York.

À cette époque, t’étais donc exclusivement dans la peinture ? Leyman : Oui. Je peignais ce qui me plaisait, des couleurs, des visages, de l’abstrait. J’étais pas mal influencé par le graffiti, influence que j’ai maintenant un peu perdue. Mais je ne gagnais pas suffisamment d’argent pour vivre correctement, j’étais obligé de continuer à travailler la nuit. Mais c’était cool. Dans ce milieu, j’ai commencé à m’intéresser au style et à faire attention à mon image, à comment je m’habillais… Tout le monde autour de moi était stylé. Je me suis intéressé à la mode et j’ai commencé à faire des vestes. J’avais quelques amis qui étaient déjà dans le milieu de la mode et qui m’ont connecté à des usines et à des gens qui pouvaient m’aider à produire. J’ai commencé à faire des teddy et à les vendre à droite à gauche. Ça ne marchait pas trop mal. Avec l’argent que j’ai gagné, j’ai créé une petite collection, qui a bien fonctionné aussi. Quand as-tu quitté New York pour Londres ? Leyman : Fin 2014, ou début 2015… J’ai quitté New York parce que je ne trouvais aucune profondeur au milieu artistique new-yorkais. Cette profondeur me manquait et je trouvais que mon travail ne disait rien. Même si j’arrivais à peu près à en vivre, je sentais que je n’étais pas là où je voulais être par rapport à mon travail. Ma peinture, c’était que des images. Il n’y avait aucun message. Tout était superficiel. Quand je suis arrivé à Londres, j’ai voulu retourner à l’école et me former dans ce milieu. Le fait que je sois un peu débrouillard et que j’aie un peu d’expérience professionnelle m’a permis d’intégrer l’Université de Kingston où j’ai obtenu un Master en « Fashion ».

“ J’APPRENDS TOUT LES JOURS ET


“ J’AI TOUJOURS DÉTESTÉ GRENOBLE… DEPUIS QUE JE SUIS PETIT. […] J’AVAIS L’IMPRESSION QUE LES MONTAGNES M’EMPÊCHAIENT DE VOIR L’HORIZON.”

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J’AI ENVIE D’APPRENDRE ENCORE ”


LEYMA N LAH CIN E

Aujourd’hui, on peut dire que tu es davantage dans la mode que dans la peinture ? Leyman : J’ai du mal à me considérer comme un designer de mode. À mon sens, j’en suis venu à la mode parce que c’était dans la continuité de ce que je faisais déjà. Je peins, j’ai fait un peu de vidéo, de photo… Je considère ça comme une suite logique. Quelles sont tes inspirations ? Leyman : Ce qui se passe dans le monde m’inspire. Pour donner un exemple, l’an dernier après les attentats de Paris, comme tout le monde, j’étais un peu troublé et je me suis posé plein de questions. Je me suis demandé comment des gens nés en France arrivaient à se faire endoctriner de la sorte et ce que je pouvais répondre à ça en tant qu’artiste. Alors je me suis dit que j’allais créer ma propre religion, et endoctriner des gens moi aussi. C’était ma manière de lutter contre eux. J’ai créé un mouvement qui s’appelle « The 11th Movement Theory » qui est basé sur le phénomène du 11h11. Le mouvement est basé sur le fait que 11h11 est la porte à travers d’autres dimensions et que la seule clef, c’est l’amour. C’est une religion entièrement basé sur l’amour, la paix, la liberté… bref un truc un peu bateau. Pour ce projet, j’ai fait un partenariat avec Givaudan, une compagnie suisse qui développe des arômes et des parfums. J’ai créé des cagoules et, avec Givaudan, on a travaillé sur la création d’un parfum qui te stimule sexuellement. Quand tu portes cette cagoule, c’est censé te donner envie de créer le désir. J’ai fait une vidéo de propagande et j’ai fait parler de moi un peu comme ça. Ça a fait rire pas mal de gens. C’était ma manière sarcastique en tant qu’artiste de répondre au monde.

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Dans mon travail, je fais aussi pas mal de choses à l’effigie de personnes qui m’inspirent. Par exemple, j’ai fait un pull à l’effigie de Malala Yousafzai, une militante pakistanaise, qui s’est pris une balle dans la tête à l’âge de 15 ans par des talibans parce qu’elle voulait aller à l’école. Elle a reçu le Prix Nobel de la paix un peu plus tard et elle m’a beaucoup inspiré dans mon travail, comme Martin Luther King et d’autres figures emblématiques de la Paix. Quel est ton processus de création ? Leyman : Quand je dessine des collections, il y a souvent quelque chose de précis qui m’inspire, mais je n’ai pas un unique procédé de développement pour chaque collection. Je dessine et écris beaucoup, je m’informe énormément, je mate énormément de films. C’est peut-être un peu ça mon processus… Tu penses que les écoles d’art ou de mode apportent vraiment quelque chose ? Leyman : Je ne peux pas vraiment répondre à cette question parce que j’ai arrêté l’école à 16 ans. Je pense que tout dépend vraiment de qui est ton professeur. Je suis persuadé qu’on n’apprend pas la créativité, mais on peut t’apprendre à observer et à réagir à ton observation. Et c’est ça qui va faire de ton travail quelque chose d’important. Tu es passé par la peinture, la photo, la vidéo, le dessin, la mode… qu’est-ce que tu feras demain ? Leyman : Je vais continuer ce que je fais et je vais continuer à évoluer. On n’arrête jamais d’apprendre. Demain ? La sculpture peut-être, je ne sais pas, on verra comment je me sens. J’apprends tout les jours et j’ai envie d’apprendre encore. Y’a-t-il quelque chose que tu aimerais te dire à toi ado ? Leyman : Quand j’étais ado je n’écoutais pas beaucoup… mais je pense que si je lui disais « Hey, c’est moi, Leyman du futur », il m’aurait certainement répondu : « Hey, y’a des meufs dans l’futur ?! ».

Interview tournée le 03/02/2017 Interview et textes : Patricia Caledonia Photos : Bernadelle Falkor


“ JE SUIS PERSUADÉ QU’ON N’APPREND PAS LA CRÉATIVITÉ, MAIS ON PEUT T’APPRENDRE À OBSERVER ET À RÉAGIR À TON OBSERVATION. ”

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Art, bite et musique Des lumières rouges, des pierres apparentes. Des chaises Tahiti qui s’accordent avec les tabourets d’acier du Bon Coin. On ajoute des œuvres au mur et de la musique rafraîchissante. En quelques mots, le Bauhaus. Rue Chenoise donc, et dans un quartier prioritaire de la ville, aussi. Un peu caché, il est pourtant en plein centre. Un petit cocon où les soirées commencent en partie d’échec et s’achèvent à la fermeture des portes. 3 0

21 h 59. Dans l’hyper-centre de Grenoble. Un samedi comme un autre en ce début de printemps. Les jeunes ont envahi le O’Callaghan, le London Pub et le Tonneau de Diogène. La rue Chenoise, elle, est cachée dans cet amas d’étudiants à l’éthylisme peu maîtrisé. Pourtant, devant le Bauhaus, la multitude de connaisseurs s’étale dans l’artère. Entre les potelets décorés par les Black & White Zulu, les amateurs du lieu discutent, bière à la main (mais pas après 22 h), cigarette aux lèvres. Les bagnoles slaloment doucement entre les grappes d’habitués. À l’intérieur, les fans de musique électronique se dandinent sur des rythmes tropicaux. Comme les voitures, certains se glissent à travers la foule pour atteindre le zinc.

Dans ce petit bar, il y a Greg. Installé depuis 4 ans. Il adore sa rue. « Il y a une vie de quartier. Les gens se connaissent et se côtoient ici. Du coup, ça m’a permis de rencontrer mes voisins et les commerçants d’à côté », témoigne le tenancier, barbe de trois jours et cheveux grisonnants. Aujourd’hui, la rue est en cours de pacification. Comprendre : les voitures vont dégager. Une dynamique au poil pour Greg qui rêve toutes les nuits de sa petite terrasse sur la rue. Il s’y imagine servir un Nikka (whisky japonais) ou une bouteille d’Irvoy (bière locale). On est bien dans un bar de culture dans une rue paupérisée. Mais nul besoin de connaître le mouvement d’architecture éponyme pour pouvoir fouler le carrelage ocre du Bauhaus. Loin de là, puisque la population (de la rue comme du bar) est donc multicolore, et de toutes nationalités.


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“ J’AIME BIEN QUE ÇA BRASSE, QUE LE BAR DRAINE PLUSIEURS AMBIANCES. JE M’Y RETROUVE BIEN. POUR MOI, CE SONT LES CLIENTS QUI DONNENT UN ÉTAT D’ESPRIT AU BAR. ”

Mais une seconde. Revenons-en au début. Tu faisais quoi, avant d’être barman ? Greg : Pendant 4 ans, j’ai travaillé à Grenoble comme infirmier, dans différents établissements : à la Clinique Mutualiste, à Belledonne et ailleurs, en intérim. Ensuite, je suis monté à Paris. J’avais pour projet d’étudier la sociologie mais j’ai surtout continué dans le médical, à l’Hôpital Américain, au service réanimation et soins intensifs. J’ai tenu 2 ans, mais je sentais que j’arrivais à bout psychologiquement et même physiquement… Et un jour, un ami m’a proposé d’ouvrir un bar à Grenoble. Bon… il m’a lâché au bout de 3 mois, mais j’ai continué tout seul. Ça s’est fait petit à petit et finalement, le Bauhaus s’est concrétisé en juin 2013. Et le voilà lancé dans la vie de commerçant. De ses expériences passées, Greg en garde la fibre sociale, voire socio. « C’est le meilleur terrain possible en terme d’étude. Cela permet rencontrer des gens très différents. Surtout, je conserve cet aspect social que j’avais en tant qu’infirmier dans le bar. » Parfois, il faut savoir gérer des clients seuls, qui ont repoussé leurs limites. Rarement, cela dérape. « C’est peut-être arrivé 3 fois en 3 ans et demi, que j’aie affaire à des personnes bourrées et violentes. »


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Hormis ces cas extraordinaires, comment se passe ta semaine ? Greg : Le week-end, le bar se met en mode soirée. En ce moment, il y a pas mal de Djs, naturellement. Cela attire plus de monde. La lumière feutrée des mercredi et jeudi, donne lieu à des discussions plus intimes. On se pose, les gens se mélangent facilement. J’aime bien que ça brasse, que le bar draine plusieurs ambiances. Je m’y retrouve bien. D’autant plus que, pour moi, ce sont les clients qui donnent un état d’esprit au bar. Et voilà Greg qui gère une caisse, organise une programmation, se couche très tôt le matin. Il l’a construit petit à petit, son Bauhaus. Mais lorsqu’il arrive devant ce local, en 2013, il est charmé. Le bleu roi qui orne sa devanture lui plaît. Reste à trouver un logo, qu’un de ses amis va lui fournir, d’une typographie créée uniquement pour le bar. Alors, entre un restaurant marocain et un bar à chicha, Greg creuse son trou, et tisse un réseau très dense d’artistes de tous les horizons. Ainsi, durant ses premières années, il expérimente, invite des gens chelous ou des petites perles musicales. La rue Chenoise en est surprise. Elle se réveille de sa torpeur. En effet, le bar de jeunes trentenaires a changé les habitudes. Avant le Bauhaus, il n’y avait qu’un bar de quartier très calme. Comment se sont passées tes premières années ici ?

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Greg : Il y a eu quelques problèmes avec le voisinage. Le plus dur, c’est après 1 heure du mat’… à cette heure-ci les habitants sont moins tolérants. Je peux comprendre et je respecte. Je fais toujours en sorte qu’il y ait le moins de gens possible dans la rue et les clients sont assez compréhensifs. J’ai la chance de ne pas avoir un public qui gueule et qui vomit… Je pense qu’ils sont au courant des problématiques. Le bar est petit, et la rue très étroite. Mine de rien, ils ont envie de préserver ce lieu afin qu’on puisse continuer à organiser des soirées. Chacun fait attention, il y a rarement des excès ou des incivilités. J’ai l’impression qu’une espèce d’autorégulation s’est mise en place au fur et à mesure. Mais il ne réussit pas à esquiver les amendes et une fermeture administrative d’un mois en 2015. Le bar, un temps en danger, est sauvé par un crowdfunding. Voilà le Bauhaus de retour, assagi et désormais établi. Il rassemble sa communauté lors des nombreux vernissages et concerts. Tu sembles adorer l’art, tu pratiques ? Greg : Ça fait 10 ans que je fais de la photo, depuis que je suis parti à Paris en fait. J’avais pas mal de temps libre, alors j’ai écumé les galeries, les musées et les salles de concert. C’était vraiment une période durant laquelle je me suis beaucoup intéressé puis impliqué à l’art de manière générale. Le bar, je trouvais que c’était un bon compromis. Et sa sélection est étonnamment hétéroclite. Clôde Coulpier, prof d’art et artiste, y a exposé ses œuvres toutes issues de séries différentes. L’aspect foutraque de l’expo en a surpris plus d’un. Jusqu’à imaginer que la patafix collée au mur était faite pour être malaxée. Zoé Bouillet, de son côté, expérimente dans la retouche de photos. « De formes organiques aux nuances pastel en visages striés par le noir, elle livre une vérité autre où le psychédélique flirte avec le souvenir, dont la forme est presque palpable », écrivait le Petit Bulletin à son propos. Puis, ce sont les photos de Nanouck Braque qui prennent la place. De nuit, éclairées à la lampe torche, les images rendent une atmosphère nocturne inquiétante, fascinante parfois énigmatique.

Lorsqu’il n’est pas au bar, on peut trouver Greg à la piscine ou en terrasse des cafés. Sinon, il est en train de digger de la musique. On le croise en terrasse du Cymaise, en plein soleil, il assure qu’il « vient d’écouter de la musique pendant deux heures, pour enrichir les playlists du bar. » La musique a repris une place prépondérante dans sa vie. On le remarque aussi avec les artistes et labels invités au Bauhaus. La liste est longue : « Phraxbax et Youpidou présentent de super soirées, musicalement très pointues au bar ». Des résidents y ont posé leur platine : NarcoPolo, Macon ou encore Full Fridge et Hidden Plaza. Tous ces labels locaux ont trouvé leur Eden et Greg compte leur donner un peu plus de place en installant une belle étagère pour exposer les vinyles sur lesquels il a flashé. Comment as-tu rencontré ces artistes ? Greg : De manière assez naturelle à vrai dire, je démarche très rarement pour trouver les artistes. Soit je les rencontre par des contacts interposés, soit directement parce que ce sont des gens qui sont venus au bar et qui m’ont présenté leurs travaux. Ensuite, je choisis en fonction de mes affinités, et surtout si cela correspond à l’identité du bar. En tout cas, je ne suis pas tellement fermé. Je pense que naturellement, les artistes savent si leur univers colle à peu près à celui du bar. Pour ce qui est des DJs, ce sont surtout des artistes locaux qui viennent jouer. Mais après, stop. Le Bauhaus, ce n’est pas que l’unilatéralité de la techno, ou la moiteur de la house. C’est aussi un tas d’autres expériences, plus ou moins abouties, souvent surprenantes, tout le temps envoûtantes. L’estrade se transforme en scène. Archet Cassé est passé par là, avec ses synthétiseurs mêlés à une poésie mélancolique. Le duo Xavier Machault et Martin Debisschop a, lui, repris Brigitte Fontaine et Areski. Leur album Incendie est à écouter. Greg programme aussi de plus improbables prestations comme celle de JohnHarvey Marwanny, auteur de CommuNIQUONS avec notre prochain. Armé d’un micro et d’un PowerPoint, le pastiche de winner échange avec les spectateurs en chantant très fort, en faisant défiler des chatons à l’écran. Il convoque enfin les papes de la com’, comme un Jacques Ségéla au visage reptilien, ânonnant des bêtises plus grosses que sa Rolex. Tout cela, pour mettre en œuvre « le développement personnel de soi ». L’artiste correspond à l’air du temps : celui des idolâtres de la « start-up Nation ». Mais surtout, John-Harvey Marwanny, partage un truc avec Greg : un Facebook compromettant. Quand Marwanny prend en photo le bleu qu’il a sur le cul, Greg aime bien écrire des choses coquines sur son mur. Ainsi, un lendemain de cuite comme un autre, on voit apparaître sur son mur virtuel. « J’aime la bite ». Ah oui ? J’aime la bite ? Tu peux nous en dire plus ? Greg : Je me suis fait troller ! Mais, j’ai été con de le supprimer, il y avait des commentaires assez drôles sous ce statut. J’aurais dû le laisser puisqu’il continuait de s’alimenter en plus. Mais bon, je me suis dit que ça, sur une page de bar… c’était un peu limite quoi ! Comme quoi, chaque expérience vaut le coup.

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Facebook 20 Rue Chenoise à Grenoble


“ LES CLIENTS ONT ENVIE DE PRÉSERVER CE LIEU AFIN QU’ON PUISSE CONTINUER À ORGANISER DES SOIRÉES. CHACUN FAIT ATTENTION, J’AI L’IMPRESSION QU’UNE ESPÈCE D’AUTORÉGULATION S’EST MISE EN PLACE AU FUR ET À MESURE. ”

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Interview tournée le 08/03/2017 Interview et textes : Jean-Baptiste Auduc Photos : Jessy Penelon et Quentin Fombaron


Level over 9 000 3 4 Autant vous le dire tout de suite,

c’est un honneur pour nous d’avoir interviewé ce mec. Il nous influence depuis presque 10 ans graphiquement et il continue à nous impressionner aujourd’hui. Donc un peu de respect svp. On l’appelle JP et le mec ne chôme pas. Côté graphisme, il se cache derrière Play!Studio et le collectif Comparse Disque. Côté musique, il est membre du groupe de DJ Je Déteste La Musique (JDLM) aux côtés de Michel Hamburger, Redaster et Mitch Delachapelle. Côté internet, il s’est récemment associé avec Julien Mounier (BangingBees) et Benoit Furt, pour créer un shop de vente en ligne : MerciDistillery. Ça fait beaucoup. Plus jeune, lassé de skater dans les rues de St-Brieuc, il a débarqué à Grenoble. Et depuis son arrivée, ce créatif est bien occupé.


Tu nous parles un peu de ton parcours ? JP : Alors... Mon parcours n’est pas commun. J’ai fait pas mal de graffiti. J’ai commencé en 92 et c’est ce qui m’a donné pas mal de bases en composition, couleur, esthétique et logotypage. Ça m’a donné la passion de la typo. Je suis arrivé à Grenoble pour faire des études d’archi. Après le diplôme, j’ai bossé chez Hérault Arnod, une super bonne agence d’archi. Mais je me suis très vite rendu compte que l’architecture me gonflait. La part de création représentait à peu près 5% de mon temps de travail, les 95% restants consistaient à gérer des merdes sur des chantiers. J’ai donc arrêté l’archi et j’ai pris un an de grosse remise en question pour savoir ce que je voulais faire. Au même moment, de très bons potes montaient un studio de créa qui s’appelait All Over Works et avait déjà monté une marque de vêtements qui s’appelait Hixsept l’Oiseau Gris. J’ai découvert et appris le graphisme à leurs côtés. Et finalement, je me suis lancé à mon compte en tant que graphiste. Ça fait maintenant dix ans que je suis freelance. Tu te souviens de ton premier contrat ? JP : Ma première créa officielle… c’était la déco du magasin A Part, qui n’existe plus aujourd’hui. Grâce à quoi l’un de mes autres premiers boulots a été de faire des t-shirts pour Sixpack France. En dix ans, t’as vu une évolution du métier ? JP : Quand j’ai commencé à travailler, il y avait beaucoup de graphistes, installés, qui fonctionnaient super fort et qui, du coup, pouvaient avoir quelques grosses commandes très bien rémunérées. À l’époque, quand tu faisais un site web, tu pouvais y passer beaucoup de temps et il y avait des gros budgets pour ça. Aujourd’hui, on consomme du graphisme comme on consomme de la musique. Je pense que c’est la société qui veut ça, et surtout internet. J’ai l’impression que c’est devenu du jetable. Étant donné que les rémunérations et les budgets ont chuté, si tu veux perdurer, t’es obligé de bosser énormément, de prendre beaucoup de missions, de ne pas avoir peur d’élargir ton domaine de compétences, de prendre de l’institutionnel pour bouffer tout en gardant en tête que t’as besoin d’une vitrine, et donc aussi de produire gratuitement, pour toi... C’est un espèce de balancier entre les deux. Et ça n’existait pas forcément il y a dix ans. Je ne peux pas être plus précis parce que je suis un peu un ours. Les réunions entre graphistes et toutes ces choses, je n’y suis jamais allé. J’ai toujours été un peu en marge, volontairement, pour garder un peu ce côté peinture, arty. Même si, aujourd’hui, il m’arrive de faire des trucs très institutionnels.

T’es plutôt du genre à sonder Étapes pour t’inspirer ou tu préfères aller digger de l’inspiration sur de l’internet underground ? JP : Étapes, je lis très peu. C’est vrai qu’il existe pas mal de bouquins mais, selon moi, c’est plus pour faire un état des lieux de ce qui se fait dans l’époque. Mon inspiration, pendant très longtemps, elle provenait du graffiti. Mon travail de recherche c’était de griffonner, de noircir des pages et des pages de croquis à la con, de schémas, d’associations de couleurs… Plus tard, quand on a développé un peu plus l’activité de DJ, je venais puiser l’inspiration dans la musique, dans les soirées... Très longtemps, j’ai travaillé à partir de photos de soirées, que je déformais et que j’assemblais les unes aux autres pour en faire des textures très abstraites qui ressemblaient pas mal à ce qu’on peut faire en peinture. Aujourd’hui, je reste bien influencé par la scène française d’il y a quelques années, qui était un peu décomplexée. Je pense que Sixpack a joué un bon rôle là-dedans. Cette marque a été un bon vivier créatif. Je reste aussi influencé, évidemment, par mes potes qui faisaient Hixsept, qui aujourd’hui ont une marque de vêtements qui s’appelle Études. Après, j’essaie aussi de sortir un peu des tendances graphiques pour tenter d’amener d’autres choses. C’est très con mais en ce moment, je suis vachement influencé par toute la nouvelle scène skate. C’est compliqué à imaginer retranscrit en graphisme mais, en fait, j’essaie de me saisir de l’état d’esprit, des prises de vues originales dans les vidéos, des nouvelles couleurs… Par exemple, t’as des riders qui mélangent des trucs hyper flashy dans des univers urbains hyper agressifs, gris, tristes… Je trouve qu’il y a des choses à prendre, des choses qui sortent. Comment tu fais pour te tenir au courant des tendances ? JP : Le web, beaucoup. Les bouquins, évidemment. Et puis, ce qui est cool, maintenant que je bosse avec Denis Carrier, 3 c’est qu’il est hyper connecté avec cette scène graphique. Il 5 est hyper complet, hyper ouvert, c’est un peu une bible. Du coup, quand on en discute, qu’on confronte un peu nos points de vue, on arrive un peu à définir la “tendance”. On n’est pas directeurs de tendance non plus, mais on arrive à tenir des productions qui, j’espère, sont dans l’air du temps. Avec qui t’as bossé sur Grenoble ? JP : J’ai bossé avec pas mal de gens que je connais très bien : A Part, Hixsept... En ce moment, je bosse avec la Métro et je m’associe aussi avec le Ministère de l’Écologie et du Développement Durable. C’est beaucoup plus institutionnel. J’allais oublier mais, évidemment, je bosse aussi, depuis quelques temps, avec la Belle Électrique. J’ai fait toute la créa d’identité, la charte graphique, la réalisation des programmes… C’est devenu évident pour moi parce que c’est régulier, mais c’est une belle vitrine. On bosse aussi avec pas mal de petites associations culturelles, comme Le tympan dans l’oeil ou Radio Campus, pour garder un côté créa un peu plus arty.

“ J’ESSAIE DE SORTIR DES TENDANCES GRAPHIQUES POUR TENTER D’AMENER D’AUTRES CHOSES. ”


JE ANPHI LIPP E DUR OUX

“ UN BON CONSEIL POUR LES GRAPHISTES QUI DÉMARRENT : SI LES GENS VIENNENT TE CHERCHER POUR UN BOULOT C’EST QU’IL Y A UN PROBLÈME QUELQUE PART, ET T’ES LA CLEF DE CETTE RÉSOLUTION DE PROBLÈME. ” De toute ta carrière, quel projet tu retiendrais ?

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JP : J’en ai plein, dans des domaines très différents. J’aime beaucoup bosser avec la Belle Électrique parce que c’est une équipe que je connais bien et que la chargée de com’ est super : elle est jeune et elle apprend le boulot au fur et à mesure... C’est le genre de projet à long terme sur lequel tu peux bosser vite et bien parce que des affinités se créent. Sinon, je pense que les projets qui me plaisent le plus sont les projets à venir. Notamment le projet qu’on est en train de développer avec MerciDistillery (qui est un peu notre bébé), parce qu’on essaie d’amener quelque chose de différent dans le milieu du snowboard, que c’est hyper intéressant et qu’on s’est fait entourer par une grande famille qui nous pousse à faire les choses bien. C’est un truc que j’avais déjà ressenti aux débuts de Hixsept. J’ai aussi d’excellents souvenirs avec Sixpack parce que je partageais le même délire et la même vision que Lionel Vivier, le fondateur de la marque. Et enfin, c’est très différent mais j’aime aussi bosser avec la Métro : quand on te confie des grosses campagnes de com’ et qu’on te fait confiance, c’est galvanisant. C’est un boulot institutionnel mais il y a un bon rapport humain derrière. Même question, mais pour le pire projet… JP : Les boulots chiants, je les fais et je ne les garde pas trop en tête... J’ai bien une mauvaise expérience en tête mais je préfère ne pas en parler, ça s’est un peu fini dans la douleur. Mais bon, on apprend beaucoup de ces expériences-là. Un bon conseil pour les graphistes qui démarrent, et même pour ceux qui bossent depuis un petit moment, faut jamais perdre de vue tes compétences. Si les gens viennent te chercher pour un boulot c’est qu’il y a un problème quelque part, et t’es la clef de cette résolution de problème. Faut pas se faire marcher sur les pieds et être bien conscient de la valeur ajoutée que tu vas amener au projet. Si tu perds ça de vue, tu deviens simple exécutant entre les mains d’un directeur artistique taré. Ça n’a aucun intérêt. Qu’est-ce que tu penses des grosses boîtes (coucou La Fête du Cinéma) qui organisent des concours de graphistes pour leurs affiches à la con ? JP : Les mecs n’en ont clairement rien à foutre. Le postulat de départ c’est de payer moins. Qu’ils continuent à fumer des cigares et à rouler en grosses voitures ces cons. Qu’ils ne s’étonnent pas de prendre un taquet un jour. Tout a été dit, tout a été fait et ils ne comprennent pas.


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JEA N-PH I LI PPE DURO UX

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JDLM c’est une grosse partie de ta vie, c’est toujours le cas ? JP : Une grosse partie de mes nuits ! Ça a duré plus de dix ans. Maintenant c’est un peu fini parce qu’on est trois sur quatre à avoir des enfants et que le quatrième est sur Lyon. Une année, on a quand même essayé de jouer tous les mois, on rentrait à 6 heures du matin. Tu profites pas vraiment de ta soirée parce que tu appréhendes le lendemain. T’es à peine couché que les merdeux se réveillent. Bref, au bout d’un moment, ça use, et ça annonce un peu la fin. Mais c’était vraiment des putains de belles années. Des rigolades, des gens hyper cools... On a passé des moments de ouf. L’un de mes plus beaux souvenirs, c’est avec Erol Alkan. Le mec était une putain de légende pour nous et on s’est retrouvé au resto à discuter avec lui de conneries, de studio, de travaux, de ses chiens… On discutait avec lui comme si on le connaissait depuis dix ans. Pourtant, il est réputé pour être hyper pro, pour pas trop faire le fou, arriver juste pour son set et rentrer à l’hôtel. Mais on a quand même passé une putain de soirée avec lui. Le lendemain, quand tu vois sur son Facebook que la soirée à Grenoble est une des meilleures de l’année pour lui, c’est vraiment super cool. Et ce qui est encore mieux, c’est qu’on avait exactement le même sentiment.

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JEAN -PHI LIP PE D UR OUX

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JE ANPHI LIPP E DUR OUX

C’est quand la prochaine iPod Battle avec Teki et Orgasmic ? JP : Jamais ! (Rires) L’iPod Battle correspondait à une époque. Je ne pense pas que ce serait bon de le refaire aujourd’hui. Ce serait du réchauffé. Et puis, si c’est pour voir les mêmes mecs faire les mêmes conneries avec dix ans de plus dans la gueule... t’as les émissions de Nostalgie pour ça (rires). Entre Hixsept, Sixpack et MerciDistillery, on voit que t’es quand même bien penché sur le textile. T’as toujours donné une grosse importance au style ? JP : Le truc c’est que mon père était, et est toujours d’ailleurs, agent commercial pour du vêtement. C’est lui qui m’a transmis ce goût pour la sape. Je me souviens qu’un jour il était parti aux États-Unis et qu’il m’avait ramené une paire de Reebok Pump alors qu’il n’y en avait pas encore en France. Tout le monde me regardait un peu bizarre genre « qu’est-ce que c’est tes pompes ?! ». Trois mois plus tard, j’étais le roi du bahut. Bref, c’est lui qui m’a amené cet intérêt pour les beaux vêtements.

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Et par rapport au snowboard, pour ou contre la neige artificielle ? JP : Je ne peux pas vraiment être contre parce qu’avec les années qui s’annoncent et notamment l’hiver qu’on vient d’avoir, ça nous a quand même bien rendu service. Après, il ne faut pas que ça devienne le leitmotiv des stations. La neige artificielle c’est quand même bien dégueulasse à rider. Je pense que, malheureusement, on se dirige vers un 50-50. Faisant maintenant un peu partie de l’industrie, je ne peux pas être contre. Il y a des gens qui doivent vendre des boards, des vestes, du matos. Il y a des riders qui doivent faire des 540° ou des butters et il faut un support pour ça. Si tu veux exclusivement rider sur neige naturelle et que t’as les moyens, tu vas en Alaska. Si t’es comme nous et que tu privilégies un snowboard de proximité, tu fais avec ce que tu as. On a fait le tour, t’as un truc à ajouter ? Quoi d’autre… Allez voir MerciDistillery.com, vous verrez un peu plus les projets qui arrivent ! Et merci pour cette interview. Je pense que peu de gens qui vous le disent mais c’est cool ce que vous faites. Ça amène un truc nouveau, ça fait plaisir. Wow merci !

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MerciDistillery sur Facebook et Instagram Je Deteste La Musique : idem https://www.mercidistillery.com

Interview tournée le 22/02/2017 Interview et textes : Brigitte de Saumur Portrait : Quentin Fombaron Visuels : JP Duroux


“ TRÈS LONGTEMPS, J’AI TRAVAILLÉ À PARTIR DE PHOTOS DE SOIRÉES, QUE JE DÉFORMAIS ET QUE J’ASSEMBLAIS LES UNES AUX AUTRES POUR EN FAIRE DES TEXTURES TRÈS ABSTRAITES. ”

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Ces définitions sont incroyables ! La 8 va vous étonner ! « Combien-maime », locution : moyen de savoir combien de personnes vous apprécient dans votre cercle d’amis. Discrètement placée dans une phrase, cette locution interrogative vous permettra d’obtenir une estimation précise et quantifiable de l’amour de vos proches. Au pire, vous serez fixé : personne ne peut vous saquer. Exemple : Oui Serge Dassault est un enculé mais, combienmaime, qui veut un coca ?

« Horosement », adverbe : synonyme de “ouf c’est cool !” ou encore “je l’ai échappé belle”. Ce mot permet de marquer le bon coté d’une action effectuée. Exemple : Il fait beau ce matin, horosement que je me suis rasé la chatte ! Imagine sinon ! FIXED GEAR SHOP | MOUNTAIN BIKE SHOP | CUSTOM BICYCLE SHOP OUVERT DU MARDI AU VENDREDI DE 10H30 À 12H30 ET DE 14H À 19H30 LE SAMEDI DE 13 À 19H TÉL. : +33 (0)9 83 98 44 39

« En tranquille », adverbe : désigne le fait de faire les choses sereinement. Exemple : On était là, zépo avec nos pockets, en tranquille.

6 RUE PAUL BERT, GRENOBLE. « T’as vu », verbe : avoir vu. Exemple : Plus personne ne dit ça. Lol.

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« Psartek », adverbe : anciennement utilisé pour désigner un fruit estival, « psartek » perd aujourd’hui tout son sens et peut être conjugué à toutes les sauces. Exemple 1 : Psartek la pince à linge elle est pétée ! Exemple 2 : Psartek tu meurs fils de chien. Jtm.

« Vouloir le cul de la crémière », locution : en vouloir toujours plus. Exemple : Y’avait plus que de la margarine du coup j’ai pris le cul de la crémière, RIP.

« Manger friture par tous les trous », locution : être très gourmand, voire un peu trop… Exemple : Téma Maud cette grosse vache elle mange friture par tous les trous.

« La chatte à ton père », locution : ce qui vous appartient à vous et à personne d’autre si ce n’est votre propre géniteur. Exemple : Oh Dany ralentis un peu avec le booster, tu vas niquer les carénages, c’est pas la chatte à ton père ce scoot !

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« Escaluire », verbe : discuter dans un escalier à propos de gastronomie exotique. Exemple : J’étais avec Caro jeudi dernier, qu’est-ce qu’elle escaluie mal, je la hais.


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Tout d’abord, est-ce qu’on peut encore employer le terme « crew » en 2017 ? Pablo : (Rires). Je sais pas... Je ne trouve pas ça dingue. Sauf si c’est un groupe de rap ! Je préfère le terme « collectif ». Le nom « Crapules », il sort d’où ?

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Pablo : À chaque fois, je me demande comment il faut répondre. Je pense que ce nom vient du mode de vie qu’on avait. On est des copains, on se connaît depuis super longtemps, on s’est fait une petite place dans le ski mais pas forcément en étant les meilleurs. Ça nous est arrivé de voler dans des magasins, de faire quelques crasses, beaucoup de blagues… On est très gentils mais on aime bien rigoler. Crapules ça fait aussi penser à une bande de merdeux. Je pense que c’est exactement ce qu’on est, ce qu’on a été et ce qu’on sera toujours. Sur votre site, on peut lire « Crapules est un groupe d’amis réunis autour de la passion du freeski et du snowboard », est-ce que vous voulez mettre fin à la guéguerre skieurs VS snowboarders ?

Viens tâter la puff’ avé le crew Grenoble capitale des Alpes… Les JO de 68… Même si on n’est pas monté sur des skis depuis 15 ans, on était obligés de faire un petit truc sur des gens qui s’y connaissent. Ceux qu’on vous présente aujourd’hui sont la définition incarnée de « mecs cools ». Ils sont une douzaine de passionnés mais on a eu la chance de rencontrer le plus beau d’entre eux. Il s’appelle Pablo Schweizer et pour cette interview, il parle au nom du collectif Crapules. Au menu : salade, tomate, oignons & nichons.

Pablo : Ouais, on n’a jamais voulu faire la guerre avec le snowboard. Primo parce qu’au sein de notre collectif, on a des mecs qui en font. Deuzio, parce qu’on ne gagne rien en faisant ça. Après, les snowboarders font plus la guerre aux skieurs que l’inverse. Pour eux, c’est la honte de faire du ski. Mais bon, nous on s’en fout, on préfère être copains avec eux. Et qu’est-ce que tu penses des mecs qui font du snowblade ? Pablo : On a déjà essayé. C’est assez drôle. En plus, on commence à être dans le délire maillot de foot et à se faire des foots donc, quand on voit des mecs en snowblade avec des maillots de foot, on apprécie le style quoi. À quel rythme faites-vous des sessions ? Pablo : Ah bah ça... tout le temps ! Pour ceux qui bossent, c’est le weekend. Pour ceux qui ne bossent pas, c’est tous les jours.


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“ CRAPULES ÇA FAIT PENSER À UNE BANDE DE MERDEUX. JE PENSE QUE C’EST EXACTEMENT CE QU’ON EST, CE QU’ON A ÉTÉ ET CE QU’ON SERA TOUJOURS. ”


CRA PUL ES

“ LES GENS S’IDENTIFIENT À NOUS, PAS PARCE QU’ON EST LES MEILLEURS DU MONDE, MAIS PARCE QU’ON SE MARRE. ”

Est-ce que t’as un titre parfait à écouter pendant une session ? Pablo : J’écoute pas mal de cumbia en ce moment, ça réchauffe le cœur. Si je dois donner un titre : La Lechera de Pibes Chorros. Sinon, j’écoute beaucoup de rap français, du PNL ou du Booba, un peu de tout en fait... On a même quelques mecs qui écoutent du reggae. Les snowboarders ! Pablo : Même pas, les snowboarders sont plus sur du PNL, voire du Alkpote. Il y a un petit déj’ parfait que tu recommandes avant d’aller tâter de la puff’ ? Pablo : L’important c’est de manger. Si c’est une part de pizza qu’il reste de la veille, ça le fait aussi. On en a un qui se réveille avec des clopes et un café, pourquoi pas, moi j’évite. Bref un peu n’importe quoi en fait, tant que c’est dans ton ventre c’est bien ! On a bien aimé votre vidéo Crapules et Yatoo Concept “Highlands” tournée en Ecosse. On vous voit faire plein de trucs : escalade, ski, skate, surf, rando, camping, pêche et même cerf-volant. Mais on ne voit rien sur la neige. Est-ce que vous ne vous foutez pas un peu de notre gueule ?

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Pablo : On se fout un peu de votre gueule ouais. En fait, on est meilleurs en pêche qu’en ski. Non, sans rire, il n’y a pas de neige parce que c’était en plein été. Donc on a essayé de faire d’autres choses quoi ! On n’était pas très forts mais on a rigolé. Yatoo Concept, c’est le concept d’un ingénieur qui a désigné des pièces pour aménager les voitures. Comme on faisait de plus en plus de montagne, de l’outdoor, des voyages... on s’est retrouvé en relation avec ce mec qui voulait développer son concept. Il nous a équipé des voitures et on est partis en trip aux Highlands, donc en Ecosse, en Irlande, et un peu en Angleterre. Le partenariat consistait à lui faire une vidéo pour mettre en avant son concept. Ça a donné une jolie vidéo parce qu’on est partis avec quelques mecs dont c’est le métier et que les paysages étaient superbes. On a vu que tu revenais tout juste d’un trip Crapules au Maroc. Qu’est-ce que vous êtes allé foutre là-bas ? Pablo : C’est une très bonne question. On a déjà fait plusieurs voyages en Europe de l’Est. On s’oriente souvent vers des destinations où ça ne skie pas vraiment, ça nous fait marrer. Ça nous permet de découvrir un pays et d’aller chercher la neige, même si ce ne sont pas forcément les meilleures conditions. Au Maroc, c’est clair que ce ne sont pas les meilleures neiges du monde, c’est pas le Japon. Par contre, il y a sûrement les meilleurs mecs que tu puisses rencontrer ! Tout est un peu fait à l’arrache. On aime bien. Ça nous ressemble ! En plus, on a pu faire du ski. Du ski au Maroc ? Pablo : Ouais, dans l’Atlas. Il y a une station qui s’appelle Oukaimeden mais qui était fermée quand on est arrivé. On savait pas trop pourquoi. Un mec nous a dit que c’était pas bien aux normes. Heureusement, on avait pris des skis de rando. C’était notre alternative. Comment ça se passe les voyages comme celui-là ? Qui est-ce qui y participe ? Pablo : Qui veut, en fait. Il suffit qu’on ait une idée de destination à deux ou trois et on en parle aux autres. Ceux qui


peuvent venir viennent et chacun prend son billet d’avion avec son argent. À partir du moment où on a réuni les personnes motivées, on commence à organiser. Et c’est là que c’est le plus dur parce qu’on est tous des branleurs ! Mais on s’en sort toujours un peu… Faut avoir un bon duvet quoi ! « Vivre libre », derniers mots sur votre site, ça représente un peu votre état d’esprit quand vous partez en trip ? Pablo : Ça va plus loin que le ski, que le sport ou les vidéos. C’est juste que, dans la mesure du possible, c’est quand même assez cool de vivre libre. On a la chance de l’être alors… il en faut en profiter. Vous avez une façon originale d’aborder le ski. Qu’est-ce qui vous inspire ? Qui sont les créatifs de la bande ? Pablo : Chacun dans son genre est assez créatif. On n’est vraiment pas les meilleurs, on fait simplement ce qu’on aime. Et on raconte tous beaucoup de conneries. Je crois que c’est d’ailleurs grâce à ça que ça a fonctionné. Les gens s’identifient à nous, pas parce qu’on est les meilleurs du monde, mais parce qu’on se marre. Les vidéos qu’on a pu faire le retranscrivent assez bien. Et si on arrive à donner envie aux gens de faire pareil, c’est tant mieux. Cet été, on a posté une photo de boobs avec des stickers sur les tétons. On nous a très vite dit « Ah ouais, comme Crapules… » Du coup on a eu le seum et, effectivement, on a vu après coup que vous l’aviez pas mal fait. Elles sont chaudes les rideuses ?

Un coucou à passer aux copains ? Pablo : On est très en lien avec un collectif de deux personnes (ça suffit pour être un collectif) qui s’appelle Ambroise et Victor. Ce sont des artistes illustrateurs qui font partie du collectif Crapules et qui ont développé leur concept à eux seuls. Ils font des expos un peu spéciales, ça s’appelle “Bestiaire(s)”. Ils représentent le monde animal selon leur vision et avec des sauts d’échelles très intéressants. Tout est fait à l’encre de chine. Ils font ça tous les deux, ils y passent un temps fou. Je vous invite vraiment à aller voir ce qu’ils font. En plus de ça, ils sont très gentils. Et je pense qu’ils ont besoin de soutien ! Est-ce qu’ils sont beaux ? Pablo : Ouais. C’est deux mecs plutôt beaux. Il y en a un plus grand que l’autre quand même, et plus musclé... Mais je les trouve très très beaux tous les deux. Ils font bien la fête, c’est même agréable de la faire avec eux. Et puis, ils s’en branlent pas mal de tout. Ils font ça dans leur coin, t’aimes ou t’aimes pas, on s’en fout. Il devrait dire un truc comme ça Booba, d’ailleurs. On peut intégrer Crapules si on fait de la trottineige ? Pablo : C’est quoi la trottineige ? C’est une sorte de trottinette avec des…? Ah ouais je vois. Ben ouais, tu peux. Tant que tu

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fais des backflips et que tu mets la tête en bas sans trop savoir comment tu vas retomber. Dans quelle station autour de Grenoble vous préférez aller ? Pablo : On va beaucoup aux 7 Laux parce qu’on s’est connu là-bas et qu’on y a appris à vraiment skier. On est beaucoup allé à Chamrousse aussi. On y va plus pour faire du park parce que c’est des copains qui tiennent ça et parce que c’est cool. Mais bon, on bouge quand même pas mal, on va un peu partout, tant qu’il y a de la neige. Tant qu’il y a de la neige mais… La neige artificielle, pour ou contre ? Pablo : Contre, à mort. On essaie de respecter un peu la planète. Quand il n’y a pas de neige, vaut mieux aller faire autre chose. Je suis aussi contre le traitement de la neige, comme ça peut se faire aux États-Unis. Le meilleur kebab de Grenoble ? Pablo : Le Batman Kebab ! Meilleur kebab de Grenoble, sans hésitation. On est d’accord.

Interview tournée le 08/03/2017 Interview et textes : Fabi Luccio Portrait : Jessy Penelon Photos : Crapules

Pablo : C’est jamais trop des rideuses hein… On s’est toujours retrouvé en soirée avec des stickers dans les poches. À la base, un mec qui fait partie du collectif et qui habite Marseille nous a envoyé une photo avec trois meufs les seins à l’air et des stickers sur les nichons. Bon, t’aimes ou t’aimes pas. Nous, on a bien aimé et on s’est dit “putain, c’est une bonne idée”. Pas forcément pour faire de la pub mais pour l’esthétique, tu vois. Du coup, en soirée, que ce soit à Grenoble, en station ou en voyage, on a toujours trouvé une fille qui était chaude de montrer ses nichons. Mais j’ai trouvé ça cool moi, que vous ayez mis des stickers sur des nichons, faut continuer. Ça fait partie de “vivre libre”, c’est un peu beauf certes…

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Insaisissable

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Libre?, c’est une signature. Un tag, pour être précis. Et derrière la peinture se cache un geste, répété tous les jours depuis des années. Il l’a intégré et le Posca devient un sixième doigt. Celui qui marque la pierre, et qui ouvre vers les autres. Libre? dépasse ce statut de tagueur, et se glisse dans la peau du graffeur. Il tente, expérimente, toujours caché derrière son masque d’anonymat.

Ils sont deux, dans la tête de Libre?. Lui, le graffeur qui s’autorise tous les espaces d’expression. Et l’homme qui, durant la journée, revêt son habit de travail et se niche dans la foule, trime discrètement. Anonyme. Finalement, c’est quoi le but de poser sa signature partout ? Libre? : Aux origines de ma passion pour le graff, il y a la volonté de sortir de la masse. Montrer qu’il y a encore des gens vivants dans ces villes aux grandes enseignes. Après bien sûr, il y a aussi la volonté d’être le plus présent, le plus vu. L’ego est très présent dans ce milieu et beaucoup prennent vraiment le tag comme un concours. C’est limite la seule motivation pour certains : ils veulent être le “number one”. Ça en devient assez hypocrite, puisque très “système”, pour des gens qui se revendiquent anti-système… Libre et vandal : la rime fonctionne. On le voit apparaître en haut d’un toit, ou sur un store multicolore. Mais un jour, surprise. On découvre la première œuvre de Libre? à la Nunc! Gallery, on s’est dit qu’il était passé de l’autre côté. Celui des pros, des « artistes officiels », de ceux qui vivent de leur art. On a vu une de tes œuvres dans une expo chez Nunc!. Tu peux nous en dire plus ? Libre? : Des connaissances m’ont proposé de participer à cette expo. Ça m’a fait plaisir, mais je ne cours pas du tout après. S’ils n’avaient pas autant insisté, je n’y aurais pas participé. Je le vois juste comme un moyen de communication comme un autre. Cela n’a jamais été dans l’optique d’en faire un business et je n’ai aucun autre projet d’exposition de prévu. Peut-être dans 10 ou 20 ans.


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LI BRE ?

Finalement, c’était un essai. L’expérience se renouvelle, puisque Libre? avait déjà participé à un événement, subventionné par la Ville : le Grenoble Street Art Fest. Lorsqu’on lui propose, l’idée lui plaît. Mais il n’a pas perdu pour autant sa liberté d’expression. Comment s’est passée ta participation au Street Art Fest ?

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Libre? : Les organisateurs avaient l’autorisation de repeindre tous les stores de la rue Genissieu. Il m’ont dit qu’un des stores que j’avais peint en vandal allait être recouvert et m’ont demandé si je voulais « faire quelque chose à la place ». Je comprends que cela puisse être vu comme sympa de l’extérieur : après tout on me propose de participer au festival, on m’offre la possibilité de prendre mon temps pour réaliser une jolie œuvre dans un cadre bien défini. Sauf qu’à la base ce store portait déjà un graff à moi ! J’étais venu peindre la nuit et j’avais pris les risques qu’on connaît… Alors quand on me dit : “ T’as vu c’est cool, on te propose de faire ce store ” j’ai plutôt envie de répondre : “ Non ! C’est moi qui te donne mon autorisation de faire un truc sur ce store ! ” Il faut savoir qu’avant le Street Art Fest, des assos grenobloises avaient déjà organisé des rencontres. Lorsqu’elles ont commencé à avoir des subventions, on leur a retiré. Et le Grenoble Street Art Fest a débuté. Au delà de ça, je trouve que ce festival ressemble presque à un exam’ de fin d’année. T’as une semaine pour être à fond et prouver ton niveau alors que toute l’année tu peins avec passion, sans attendre de retour. On peut voir ça comme une bonne chose car cela offre une tribune aux graffeurs, une occasion pour eux de faire quelque chose de beau mais le graffiti n’est pas là pour faire plaisir à Monsieur Tout-le-monde. Il n’est pas là pour être beau. Le graff part d’une démarche d’insoumission. Il permet de montrer qu’on est là, qu’on existe. On peut le voir comme un « fuck le monde, fuck la société » en quelque sorte. Bref, c’est une colère. Et même si tu ne comprends pas ce qu’un graffeur veut exprimer, au moins, tu sais qu’il y a une frustration. L’important ce n’est pas que ce soit beau, l’important c’est l’expression. Si c’est juste pour décorer les murs de notre cellule, ça n’a aucun sens. Bien sûr, je préfère voir des fresques que des murs blancs, mais ces jolis petits oiseaux peints sur le mur ne doivent pas nous faire oublier que le monde part en couilles. Il y a quelque chose de contradictoire avec ce Street Art Fest : le graff part d’une révolte, et une révolte n’est pas faite pour être jolie… Sans parler du paradoxe lié au financement de ce festival par des banques, alors que la dénonciation de la banque sur les murs est un des thèmes récurrents dans le street art…

Tu t’es décidé à réaliser une autre œuvre, non autorisée celle-là ? Libre? : Oui. En face du garage, il y avait la Marianne avec un rouleau de peinture, symbole de l’événement. J’ai ajouté une petite bulle de bande dessinée, pour donner l’impression qu’elle rêve de liberté. J’ai aussi détourné le logo de la Caisse d’Épargne (qui finance le festival) en faisant un écureuil avec une bombe dans la main. Puis j’ai écrit « Le rossignol est mort, merci à l’écureuil qui nous a peint une jolie cage dorée ». C’était involontaire, mais l’ancien sponsor de Spacejunk [asso organisatrice du festival NDLR] c’était Rossignol. Ça a fait un petit peu de bruit. Il y a même eu la photo de ce graff dans le Dauphiné, à côté de grands artistes. C’était cool, je pensais avoir lancé un sujet. Et finalement l’année suivante, on ne m’a juste rien proposé du tout. D’où sort cette histoire de Rossignol et de cage dorée ? Libre? : C’est de la littérature chinoise. C’est l’histoire d’un oiseau qui chantait magnifiquement bien. Tous les gens des alentours trouvaient qu’il avait une voix sublime. Et un jour, les riches du coin ont voulu en avoir un peu plus, comme d’hab. Ils ont alors fabriqué une cage splendide, en or et diamants, et y ont enfermé le rossignol. Mais l’oiseau n’avait plus envie de chanter. Déprimé, il finit par mourir. Et c’est une métaphore par rapport aux artistes. Mettre certaines œuvres dans un cadre finit par leur enlever toute leur beauté.


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“ LE GRAFFITI N’EST PAS LÀ POUR FAIRE PLAISIR À MONSIEUR TOUTLE-MONDE. L’IMPORTANT CE N’EST PAS QUE CE SOIT BEAU, L’IMPORTANT C’EST L’EXPRESSION. ”


LIB RE ?

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L IBR E?

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LI BRE ?

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Ce nom, Libre?, c’était une évidence ?

Et si c’est fait dans un cadre légal ?

Libre? : Pour premiers tags, j’écrivais comme un p’tit con des NTM ou des ’SNT, pour Section Nique Tout en référence à la Fonky Family de Marseille. Ensuite, j’ai utilisé le blaze Espoir. Libre m’est venu plus tard : quand j’étais en vadrouille, et que je me sentais libre. Ce n’était qu’une impression, mais c’est ce qui a orienté mon choix. Ensuite, j’ai ajouté le point d’interrogation car j’ai réalisé que la volonté d’être libre ne nous permet pas de l’être réellement.

Libre? : C’est différent mais ça me fait penser aux graffs sous le pont de la gare de Grenoble, vers St-Bruno. Il y a quelques années, il y avait une vingtaine de graffs différents qui avaient tous été faits en vandale. Et aujourd’hui il y a une fresque qui a été faite légalement, qui n’a rien de vandale et qui porte un message un peu naïf. C’est le genre de trucs qui peut énerver beaucoup de graffeurs vandales. Il faut nous comprendre, c’est pas cool de voir son travail négligé. Quand tu peins un mur en vandale, tu prends des risques, tu fais ça sur ton temps libre, tu dépenses ton argent en sprays et tu le fais gratuitement. Alors quand le spot pour lequel tu t’es donné tant de mal est donné à quelqu’un qui va être payé pour repasser par-dessus ton taff… c’est rageant. Aujourd’hui des gens font une séparation entre le mec qui fait un tag et le mec qui fait un super dessin. Ils dénigrent les vandales alors que le joli street art prend racine dans le graffiti vandale à la base.

Tu voyages beaucoup ? Libre? : C’est le graff ce qui me donne envie de partir. J’ai toujours eu du mal à rester en place et c’est vrai que ça s’associe bien avec le graffiti. J’aime l’idée de marquer son passage et je trouve ça assez marrant de retrouver les mêmes tags à l’autre bout de la France ou du monde. Beaucoup de gens peuvent s’identifier à un graff qu’ils voient et je considère que c’est aussi une trace biographique. Les dates sous les tags nous rappellent toujours des souvenirs et nous font voir le temps qui passe… C’est pour ça que repasser un graf’ est interdit ? Libre? : C’est une règle orale, forcément, mais on explique aux jeunes qui débutent qu’il faut respecter le travail des autres et ne pas toyer. Repasser un tag ça peut aller très loin. Ça arrive régulièrement que des groupes s’embrouillent pour ce genre d’histoire et en viennent aux mains.

“ DANS LE MILIEU ON EST CONNUS RESTANT CACHÉS, COMPROMIS. ”


Libre? : Dans ce milieu, une fois que tu t’es approprié un blaze, c’est ton blaze. Un jeune qui démarre, il ne peut pas poser la même chose que toi. Ceci dit, dans mon cas ça ne marche pas. Libre est un mot tellement fort de sens que je serais dingue de me l’approprier. Pour moi c’est donc tout le contraire, ce « libre » est à tout le monde. C’est plus un mouvement dont je suis l’initiateur et ça me sauve un peu, en quelque sorte. Pour les graffs Libre? qu’on m’a imputés, j’ai subi 1 an et demi de contrôle judiciaire, 25 000 euros d’amende et 100 heures de TIG. Tout cela, simplement pour les graffs constatés à Voiron. Ils ont essayé de me traîner de nouveau en procès pour des graffs dans toute la France, mais je leur ai expliqué que c’était un mouvement et rien ne leur a permis de prouver que j’en étais l’auteur.

Interview tournée le 10/03/2017 Interview : Fabio Lucci Textes : Jean-Baptiste Auduc Photos : Bernadelle Falkor & Quentin Fombaron

Qu’est ce qu’il se passerait si on décidait de graffer un nom déjà existant ?

C’est pratique l’anonymat alors… Libre? : Oui, dans ces cas là ça m’arrange de ne pas dévoiler mon identité. Dans le milieu graffiti, on est connus tout en restant cachés, c’est le bon compromis. Et tous ces risques ne t’impressionnent pas ? Libre? : Forcément ce n’est pas agréable d’être toujours en panique, mais c’est le jeu. Lorsqu’on est dans l’optique de graffer, on se met un peu en mode « Rambo ». On entre dans le rôle et on est prêt à partir en courant à tout moment parce que la répression est forte et souvent démesurée… Plus que le pénal, c’est dangereux physiquement parfois non ? Libre? : Oui bien sûr, c’est aussi hyper dangereux. Tous mes accidents sont dus au graffiti : j’ai failli perdre un œil, j’ai eu trente points de suture, je suis resté suspendu à un pic par une main, je suis tombé d’un toit... J’ai un ami mexicain, d’ailleurs, qui a chuté dans une réserve de trains. Aujourd’hui, ce n’est plus la même personne. Après, encore une fois… c’est le jeu. Ça fait partie du truc.

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GRAFFITI, TOUT EN C’EST LE BON

Dans la rue !

Libre? : Ma démarche, c’est la remise en cause, autant la mienne que celle du reste du monde.. À la base, je fais ce truc pour moi, mais c’est déjà arrivé que des gens, qui ne sont pas du tout de mon monde, genre costard-cravate, viennent me dire : « Tous les jours je trime mais le fait de voir des tags comme ça, ça me fait chaud au cœur ». Et ça, ça suffit à me donner envie de continuer. Chacun, selon son mode de vie, sa situation personnelle, va prendre mes graffs à sa façon, et je n’aurais jamais imaginé avoir autant de retours là-dessus. Je n’ai pas de manière de définir mon art, si ce n’est pour moimême. Ce qui est beau, c’est que chaque personne interprète mes tags différemment…

Retrouvez les graffiti de Libre?

Pourquoi continuer alors ?


Un conseil fort en qualité par Le Professeur La Goélette, ceinture pépéroni 3e dan, et Maute Saint-James, calzonologue.

Oyez oyez, point de quiche ni de tourte à la viande, ici bas nous escaluirons sur cette douceur venue du sud appelée plus communément PIZZA !

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On aime la pizza depuis tout petits. Cela vient probablement, d’une part, de notre astronomique consommation de dessins animés Tortue Ninja mais aussi et surtout, parce que depuis nos plus vieux souvenirs, la pizza a toujours été synonyme de fête. On a de surcroît eu la chance de grandir dans une ville qui jouit de 146 pizzerias. Jusqu’il y a peu, il y en avait même une qui s’appelait Festival des Pizzas… (FDP… Quel nom de merde !) Bref. Petit à petit, la pizza a pris une place de plus en plus importante dans nos vies et, un beau jour, suite à une altercation avec un pizzaiolo, nous avons dû changer de pizzeria favorite et partir à l’aventure. Néanmoins, il était impossible pour nous de manger une pizza moins bonne que celles auxquelles nous étions habitués. Ainsi a débuté notre quête. Très vite, nous nous sommes posés cette question : “Maaaah qu’est-ce que c’est une bonne pizza ?” et il fut difficile d’y répondre. Nous ne ferons pas l’unanimité parce que nombre d’entre vous sont des connards qui prendront un malin plaisir à nous contredire. Mais passons. Une pizza sera donc jugée sur les critères suivants : la pâte, la garniture, la cuisson, le rapport qualité/prix, la sensation de faim en fin de repas, l’ambiance du resto et l’amabilité du service. Nous ne sommes pas pizzaiolos et n’avions pas pour idée, au départ, d’en faire un article. On a juste mangé beaucoup de pizze, alors on s’est dit que ce serait peut-être utile à quelques un.e.s d’entre vous. Si ça ne l’est pas… on s’en bat les couilles. Ceci étant dit, attention les bolosses, carrez-vous bien dans le cul vos Domino’s et autres Pizza Hut et Basilic & Co, on parle de gastronomie là. Merci.

NUMERO UNO (numéro #1 en italien) LA TOSCANA À ce jour, nous n’avons pas trouvé mieux. La Toscana maîtrise la pizza. Petit plus : L’équipe et l’ambiance. Une fois installés, vous êtes à Naples. Bon app. Petit plus sémantique : En italien, Toscana signifie “Vlà les bonnes pizze” (traduction : Bernadelle Falkor) Reco ÄME MEUTE : Toutes les pizze. Pensez à réserver, on n’est pas les seuls à considérer ce lieu comme la meilleure pizzeria de la ville.

Let’s the classement begins !

NUMERO DUELINI (numéro #2 en italien) LA CUCINA La pizzeria préf de Margo (Petit Shirt) et on comprend pourquoi. Vous pouvez y aller les yeux fermés et la bouche ouverte. Petit plus : Les calzones sont barjots. Rien à voir avec les autres calzones que vous auriez pu manger dans votre vie. Il faut y goûter pour y croire. Reco ÄME MEUTE : Pizza Gorgo et Calzone Gorgo.


NUMERO TREFABIOLUCCI (numéro #3 en italien) ROTOLO On a goûté quatre pizze et les quatre étaient très cools. Petit moins : C’est une pizzeria-crêperie qui propose une pizza à l’ananas. Petit plus : Le pichet de rouge à 10€50 est, contre toute attente, très bon. Reco ÄME MEUTE : Pizza Del Capo.

NUMERO QUATTROJIO (numéro #4en italien) IL NAPOLI On a mangé là-bas au moins une fois par semaine durant toute la conception de notre premier numéro. Un peu moins depuis qu’un des pizzaiolos cherche à nous empoisonner… Tout ça parce qu’on a eu le malheur de lui dire que ses pizze étaient moins bonnes que celles de son collègue. Mais bon, on y va quand même, quand ce malandrin n’y est pas. Petit moins : Si vous dîtes du mal des pizze, vous vous ferez empoisonner à petit feu. Petit plus : Le prix ! 8,5€ la pizza sur place avec une boisson. Rapport qualité/prix imbattable. Reco ÄME MEUTE : La Grenobloise.

NUMERO CINQUINIOCCI (numéro #5 en italien) CHEZ ANGELO Ici, tout n’est que Juventus de Turin. La pizza y est familiale et Angelo, le patron, vous fera vous sentir comme à la maison. Certes on a connu des meilleures pizze, mais aucune n’a la particularité d’allier bonne pâte traditionnelle et ambiance de stade genre finale de la Ligue des champions. Petit plus : Chez Angelo a inspiré le blaze d’un fanzine de skate très très cool qu’on vous recommande. Reco ÄME MEUTE : Pensez à venir un mercredi midi si vous voulez manger une pizza. Lol. C’est vrai en plus. Angelo n’en fait pas les autres jours.

IL GRANDE DERCHI (LE GRAND PERDANT en italien) SERGE PIZZA Durant notre quête, certains nous ont conseillé Serge Pizza. Réputée depuis longtemps sur Grenoble – aussi longtemps qu’on s’en souvienne – nous n’avions pas goûté leurs produits depuis nos 8 ans. C’était sûrement un dimanche soir, en guise de récompense pour cette énième médaille de bronze remportée à la compet’ de judo. Bref, si cet épisode Serge Pizza était un film, nous l’appellerions : SERGE PIZZA : LA GRANDE DÉSILLUSION. Sérieusement, quel enfer. Tout est à jeter. L’intérieur sent la plonge d’un Casino Cafet’. Pizza grasse et dégoulinante aux ingrédients mi-cuits mi-congelés… À chaque bouchée : l’impression que cette nuit va se passer aux chiottes. On pourrait facilement la nommer pire pizzeria du monde mais on se contentera de la désigner PIRE PIZZERIA DE TOUT GRENOBLE. Attention, on n’est pas en train de vous dire que Serge Pizza a toujours fait des pizze de merde. Si on nous l’a conseillé, c’est bien parce que ce lieu a connu une grande époque. On vous dit juste que cette époque est révolue. Genre bien bien révolue. Terminée. Finito. Ce lieu est aujourd’hui une véritable insulte à la pizza. Reco ÄME MEUTE : N’y allez pas, n’y allez jamais. On vous aura prévenu.

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Sale salle !

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La Belle Électrique… On pend le premier qui ne sait pas ce que c’est. Perso, on a été complètement choqués la première fois qu’on y a mis les pieds, en 2015. « On est vraiment à Grenoble ?! C’est dingue putain !” C’est à peu près ce qu’on s’est dit. Effectivement, c’est dingue, principalement grâce à une équipe qui ne lâche rien depuis bien plus longtemps que l’ouverture : Mixlab. Nous avons rencontré Alban, administrateur et programmateur musiques électroniques, et William, qui s’occupe essentiellement des bars et du restaurant. Ils sont à l’initiative du projet, ils nous racontent comment ça s’est passé, comment ça se passe aujourd’hui et même ce qu’il y avait à foutre sur Grenoble dans les années 90 et 2000.

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“ ÊTRE À L’ÉCOUTE DE CE QUI PEUT SE FAIRE ICI OU LÀ, DES TENDANCES, DES ARTISTES ÉMERGENTS, DES CHOSES QUI VONT SANS DOUTE EXPLOSER DANS SIX MOIS, UN AN… ” 6 3

*William **Alban


LA BE LLE ELEC TRIQU E

Comment la Belle Électrique a-t-elle vu le jour ? Alban : L’asso Mixlab a été fondée en 2007 par sept membres, dont William et moi qui gérions à l’époque la programmation du Bar MC2. En 2006, il y avait quelques de réunions organisées par la Ville pour parler du mode de gestion de la future Belle Électrique. Autour de nous, il y avait des personnes comme Olivier Dähler, aujourd’hui programmateur de la Belle, que je connaissais de Radio Campus. Il nous a dit qu’il était chaud mais que d’autres gens l’avaient aussi approché à ce sujet. Il s’est avéré que Fred, aujourd’hui directeur de la Belle, s’était également approché d’Olivier pour les mêmes raisons. On a donc rencontré Fred et, de fil en aiguille, on a monté un collectif de sept grenoblois. On avait tous déjà un pied dans la culture et on avait envie de proposer quelque chose pour cette ville. On s’est regroupé autour d’une feuille blanche en se disant « bon, allons-y, faisons-nous plaisir : qu’est-ce qu’on a envie de voir dans cette salle ? ». On en est arrivé à un projet en se disant « bon voilà, on est outsiders, on verra bien ce qu’il en sera ». Parce qu’évidemment, c’était pas gagné. Il y avait d’autres projets proposés mais on a bien défendu le nôtre et il a été retenu. Peut-être parce qu’il était différent de ce à quoi on pouvait s’attendre pour ce genre de salle. En appuyant fortement sur la musique électronique et les arts numériques, c’était sûrement le plus innovant, à l’époque. Presque 10 ans de préparation ?

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Alban : Ouais, c’est ça. C’était intense. On a été bénévoles pendant une bonne période puis salariés, environ deux ans avant l’ouverture de 2015, pour commencer à préparer tout ça. C’était une vraie aventure humaine. Aujourd’hui, sur les sept membres fondateurs, il y en a quatre dans l’équipe salariée, deux dans le Conseil d’Administration de Mixlab et un qui est très pris et qu’on ne voit pas. Mais on reste super soudés. William : Ce projet était très intéressant aussi par rapport à la construction du bâtiment. Ça nous a permis d’avoir des échanges avec la Ville mais aussi avec les archis et les techniciens, tant sur le futur fonctionnement de la salle que sur les équipements. C’était hyper important pour nous de réellement connaître les aspects techniques. Parce qu’en général, quand une ville construit une salle, tu récupères les clefs au moment de l’ouverture… Bref, ça nous a permis de connaître par cœur le bâtiment et de nous sentir chez nous dès l’ouverture. C’était passionnant, et surtout très formateur. Alban, aujourd’hui, tu es le programmateur musiques électroniques. Comment tu t’y prends pour faire ta sélection d’artistes ? Alban : Je pense que le rôle d’un programmateur n’est pas de sélectionner uniquement des choses qu’il aime mais d’être à l’écoute de ce qui peut se faire ici ou là, des tendances, des artistes émergents, des choses qui vont sans doute exploser dans six mois, un an… Du coup, j’essaie d’être attentif à tout ce qu’il se passe un peu partout en Europe. Malheureusement, je n’ai pas forcément le temps de me déplacer pour aller voir des spectacles à droite à gauche. Ceci dit, les premières soirées que j’ai organisées c’était en 1998, ça fait bientôt vingt ans que je suis dans ce milieu. J’essaie donc d’entretenir mon réseau, parce que ça ne fonctionne que comme ça.

Et en ce qui concerne le bar, il est indépendant ou il fait partie intégrante du projet ? William : Il fait vraiment partie du projet car on savait depuis le début qu’il fallait un moyen de faire rentrer pas mal d’argent pour le fonctionnement de la structure. On a donc fait en sorte d’avoir des bars de tailles satisfaisantes avec des heures de fermeture tardives ainsi que des licences IV. Les recettes du bar du bas représentent une grosse partie du chiffre d’affaires de la salle. Côté programmation, disons que l’on essaie de faire vivre la scène locale et ses artistes, qu’ils soient émergents ou non. Ça permet d’avoir une ouverture sur toutes les assos grenobloises. On n’a pas vraiment de critères précis sur le style musical, on essaie de faire en sorte que ça s’adapte bien à une ambiance bar, et non à une ambiance de club. En gros, le mercredi, c’est surtout des afterworks dînatoires. Le jeudi, on fait uniquement des DJ sets avec des couleurs chaudes et le vendredi, c’est ouvert à toutes formes de soirées : dégustations de produits locaux, soirées dansantes… On entend ici et là que la Belle coûterait cher à la Ville… Alban : La salle coûte exactement 380 000 euros par an à la Ville. Aujourd’hui, 70 000 personnes y viennent chaque année pour la partie concerts, 20 000 viennent manger au restaurant et entre 20 et 70 personnes viennent chaque soir boire un verre. On a un équipement qui fédère énormément. On accompagne une dizaine de projets locaux sur la diffusion. On cherche à accompagner de plus en plus de groupes locaux pour qu’ils viennent se produire ici. On défend un bilan très positif avec seulement 23% de financement public, dont la Ville, le Département, la Région et l’État… Je trouve ça assez faible par rapport à d’autres lieux d’envergure similaire. À terme, on voudrait se limiter à 20% de subventions et avoir des ressources propres plus importantes. C’est pour ça que le versant musique électronique est conséquent dans notre projet : c’est une économie, différente de celle des concerts, qui nous permet d’avoir davantage de marge. D’après ce qu’on a lu, la gestion de la Belle est donnée à Mixlab pour un certain délai. Qu’est-ce qu’il va se passer ensuite ? William : C’est une DSP (Délégation de Service Public) qui dure cinq ans. Passé ce délai, il y a, une nouvelle fois, des appels à projets concernant la gestion de la salle. Tous les dossiers déposés repassent en commission auprès de la Mairie, et c’est la même chose tous les cinq ans. Alban : C’est assez rare que les DSP soient vraiment remises en cause. C’est évidemment un avantage pour nous de l’avoir déjà gérée. Cela dit, si un projet est meilleur que le nôtre lors de l’appel à projets, il y aura du changement. Mais on espère au moins avoir une deuxième DSP... parce qu’on a quand même bien essuyé les plâtres ! On les essuie encore largement, d’ailleurs. En vérité, sur les cinq années d’exploitation, on aura vraiment deux années à plein régime. Aujourd’hui, on est encore en expérimentation.


Avant de bosser à la Belle, vous organisiez des soirées au Bar MC2. C’était cool d’ailleurs. Est-ce qu’elles sont comparables à ce qui peut se passer ici ? William : Pas du tout. Là-bas, on n’était pas chez nous. On montait les soirées et on les démontait à la fin. C’était vraiment génial de faire des choses là-bas parce qu’il manquait vraiment quelque chose dans ce style sur Grenoble mais, en même temps, il y a beaucoup de choses qu’on ne pouvait pas faire, ni même modifier. C’est d’ailleurs ce qui nous a donné envie de monter ce projet. Alban : Mais on a vécu des moments extraordinaires là-bas. C’était vraiment de la programmation artisanale, on n’était absolument pas pros mais c’était hyper fun. C’était aussi très formateur parce qu’on a fait toutes les conneries à ne pas faire. Artistiquement parlant, on était aussi dans une période un peu spéciale, avec l’avènement d’Ed Banger et tous ces trucs-là. Il y avait un côté électro-punk-rock’n’roll, un côté « on fait n’importe quoi ». On assistait à des bagarres à chaque fois. C’était complètement différent. Mais bon, il fallait qu’on le fasse ! Plein de grenoblois m’en parlent encore et me disent que c’était vraiment fou. On a quand même fait venir Todd Terje pour 80 personnes ! Pareil, Ben Klock, on l’avait payé douze fois moins que ce qu’il prend aujourd’hui mais il se rappelle encore de sa nuit. On avait aussi fait venir des mecs comme Seth Troxler, Dixon ou Âme, qui ont maintenant un tout autre statut. Bref, j’ai que des bons souvenirs là-bas ! William : On était vraiment soutenus par le directeur de l’époque, Michel Orier. La techno avait encore une image de punks à chiens mais lui, il comprenait notre programmation et nous a donné la chance de pouvoir la défendre. C’était énorme. En France, c’était la première Maison de la Culture qui ouvrait ses portes à la musique électronique de manière officielle. C’était motivant pour nous parce qu’on provenait vraiment d’un milieu underground. Pour ma part, j’ai commencé à organiser des soirées en 90-92. On a vraiment vécu la période de répression policière jusqu’en 95 et on a décidé d’arrêter avant de finir en prison. Réussir à officialiser la musique électronique dans des lieux comme la MC2, c’était vraiment symbolique pour nous. Que ce soit avec vos soirées organisées dans les années 90 ou avec celles datant de l’époque du Bar MC2, vous avez commencé petit. Maintenant que Mixlab s’est bien développé, quelles sont vos relations avec les autres acteurs grenoblois (asso ou orgas) qui sont petits aujourd’hui ? Alban : Sur la partie diffusion, on a un dispositif d’accompagnement qui nous permet d’aider les associations locales à organiser leurs événements. C’est par exemple ce qu’on a fait avec Micropop Records, Icone ou Soul Gang et les soirées Dynamita’s Night. C’est un dispositif bien spécifique dans lequel on propose des ressources humaines. On met également la salle en état de marche bien en-deçà du véritable coût d’exploitation. Aujourd’hui, on fait une dizaine d’accompagnements à l’année. Il y a également d’autres dispositifs développés pour les groupes qui veulent avoir une résidence, rester quelques jours pour travailler, avoir des conseils en termes de son ou de lumière. Enfin, il y a le bar qui nous permet aussi d’aider la scène locale à se produire même si, on en a conscience, les conditions ne sont pas encore top pour mixer au bar. On essaie d’y remédier pour avoir quelque chose de plus qualitatif dans les mois à venir. En tout, sur la totalité de la programmation de la Belle, on est à un tiers de programmation locale.

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Pour finir, depuis l’ouverture en 2015, il y a une date qui vous a marqué plus qu’une autre ? Alban : La date de Carl Craig. C’était le lendemain des attentats au Bataclan. J’étais pour qu’on la conserve et les artistes aussi, parce qu’on trouvait que c’était fort en termes d’image. Émotionnellement parlant, c’était puissant.

“ CE PROJET ÉTAIT TRÈS INTÉRESSANT PAR RAPPORT À LA CONSTRUCTION DU BÂTIMENT. ÇA NOUS A PERMIS D’AVOIR DES ÉCHANGES AVEC LA VILLE MAIS AUSSI AVEC LES ARCHIS ET LES TECHNICIENS, TANT SUR LE FUTUR FONCTIONNEMENT DE LA SALLE QUE SUR LES ÉQUIPEMENTS. ”

Interview tournée le 08/03/2017 Interview et textes : Fribourg Danger Portrait : Quentin Fombaron SPECIAL THANKS : Merci à Hérault Arnod Architectes pour les plans du lieu.

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“OH PUTAIN COOL UNE BÉTONNIÈRE”

Difficile d’être plus sympas et ouverts que David et Pierre. Bien sûr, leur groupe est complètement underground – c’était d’ailleurs la première interview qu’ils donnaient à ce sujet – mais on vous l’assure, ils sont à 10 000 d’avoir la grosse tête si ça marche un jour. Ils aiment triper sur des conneries et ils jouent leur musique pour le plaisir et seulement pour ça. C’est barré et ça sonne hyper bien. Tu jugeras par toimême, on n’est pas ta mère.


Quel âge a Churros Batiment ? David : C’est à la fois très vieux et très récent. Avec Pierre, on se connait depuis plus de 15 ans. Le délire de Churros Batiment date quasiment de cette époque, mais ce n’était pas un vrai projet jusqu’à récemment. On faisait des morceaux et on les pitchait dans les aigus pour que ce soit rigolo. Pierre : On faisait pas mal de montages avec des trucs de films. On faisait quelques skeuds vite fait mais ça ne finissait que sur internet. Ça s’est toujours fait un peu à l’arrache, dans une ambiance qu’on aimait bien. On travaillait sans réelle contrainte horaire, genre un après-midi tous les 6 mois, puis on s’amusait à faire des visuels à la con sur un ordi. On a dû faire 7 ou 8 morceaux comme ça, au fil des années. Quand est-ce que c’est devenu plus sérieux ? Pierre : En fait, en parallèle de Churros Batiment, on a un projet de groupe plus sérieux qu’on tient depuis longtemps et qui s’appelle Et Après. C’est un quatuor noise grunge francophone. On a beaucoup bossé sur ce projet-là jusqu’au jour où le batteur est parti vivre à Marseille. Ça a un peu compliqué l’organisation des répéts. Bref, en 2010, nos potes rappeurs des Chevals Hongrois nous ont invités pour deux concerts à l’espace Victor Schoelcher de Seyssins. Du coup, on s’était un peu boosté à bosser le live. On n’avait jamais joué les morceaux de Churros Batiment en live auparavant. Bosser ce live, bien qu’un peu à l’arrache, nous a motivé à mettre tout le sérieux qu’on pouvait avoir avec le quatuor Et Après dans le duo Churros Batiment. David : Voilà, ça fait donc un peu plus de 2 ans maintenant qu’on s’y met vraiment sérieusement. On se donne des échéances avec des enregistrements, des concerts et on fait notre maximum pour diffuser notre musique. Vous avez donc sorti votre premier EP, Thorston Mourir, à ce moment-là ? David : Ouais, c’est ça. Pierre : Qu’on a fait en une semaine ! En une semaine, on l’a composé, on l’a enregistré, on l’a mixé et masterisé. On l’a vraiment fait super vite et on en était assez contents. On a eu des tout petits retours parce qu’on ne l’a pas beaucoup diffusé, mais on a eu la chance de pouvoir jouer avec des copains et d’avoir quelques passages radio. Ça nous a motivé à aller encore plus loin. Et à faire votre dernier album, Couteau ? David : Oui. Surtout qu’on l’a fait tout seuls. On a passé un peu plus de temps dessus et on s’est un peu pris la tête sur les mix, mais on est contents du résultat. Pierre : On a eu deux ou trois astuces et du prêt de matos par des potes. C’est une volonté de tout faire nous-mêmes, jusqu’au mixage. On tente, on voit comment ça sonne, si ça nous satisfait, tant mieux ; si on galère, on demande de l’aide à des potes. David : C’est vraiment DIY. J’ai un ordi sous Windows XP avec Fruity Loops et Live, c’est tout. On n’a rien d’autre, on essaie de faire au mieux comme ça.

Pochette de l’album Couteau

Le DIY c’est un peu le principe même de l’underground de toute façon, non ? David : Oui. Après, on n’a pas l’intention non plus de se limiter au DIY. Pierre : Si jamais on a accès à de meilleures conditions pour produire nos morceaux, on sautera sur l’occasion. Pour l’instant, c’est juste qu’on veut être autonomes de ce côté-là. C’est une petite fierté et ça nous permet surtout d’apprendre comment fonctionnent un mixage ou un mastering. Ça a beau faire 15 ans qu’on fait de la musique, on ne s’était encore jamais vraiment posé la question de comment ces choses-là sont faites. David : C’est un plaisir d’apprendre tout ça. Et même si ce n’est pas très académique comme façon de faire, c’est le résultat qui compte. Aujourd’hui vous jouez par passion ou il y a une envie sous-jacente de développer le truc à fond et de pouvoir en vivre ? David : L’un n’empêche pas l’autre. Tant que ça reste un plaisir. Pierre : L’important c’est qu’on continue à faire des morceaux qu’on aime et à se faire plaisir quand on joue. Du moment qu’on garde notre liberté artistique et d’expression dans nos instrus et nos textes, on ne serait effectivement pas contre l’idée de pouvoir en vivre. Après, on arrive à un âge, 32 et 33 ans, où le rêve d’être une rockstar que tu pouvais avoir à 20 ans s’est fait rattraper par la réalité. Et à ce moment, tu te dis qu’il vaut mieux que tu te concentres sur le plaisir que tu peux prendre à faire tout ça, quitte à avoir un boulot alimentaire à côté pour mettre des pâtes dans l’assiette, comme dirait David. On se fait plaisir, on continue à progresser et si jamais ça finit par payer, tant mieux ! David : On préfère la formule : taff alimentaire et liberté musicale à 100%.

“ ÇA S’EST TOUJOURS FAIT UN PEU À L’ARRACHE, DANS UNE AMBIANCE QU’ON AIMAIT BIEN. ”

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CHURR OS BATIM ENT

“ ON PRÉFÈRE LA FORMULE : TAFF ALIMENTAIRE ET LIBERTÉ MUSICALE À 100%.”

Couteau sonne un peu plus « jovial » que votre premier EP… David : Le synthé dans le premier morceau de Couteau, Satanique, y est pour beaucoup. Pierre : À la base, tous nos morceaux étaient enregistrés en version guitare, basse et boîte à rythmes, et on trouvait qu’il manquait quelque chose. Les synthés apportent un côté plus électro et plus dynamique à certains morceaux. Donc c’est plus joyeux. On expérimente beaucoup en studio mais en live, on joue sans synthé. Les morceaux sonnent plus rock. Après, au-delà des synthés, Thurston Mourir était quand même globalement plus dark et moins second degré que tout ce qu’on a pu faire avant. Pour rebondir sur le côté second degré, Satanique nous a bien fait marrer. Vous pouvez expliquer à nos lecteurs l’état d’esprit général du morceau ?

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Pierre : On est des grands fans de tout ce qui est humour absurde, loufoque ou second degré. Des trucs à la Buñuel, Dupieux ou des vieux films de Blier. Plus c’est absurde, plus c’est drôle. Je ne sais plus pourquoi on a tripé là-dessus mais on s’est dit que les choses les plus connes du quotidien, que tout le monde fait de façon répétitive, ça pourrait être des trucs sataniques. David : Tous ces trucs les plus bruts, les plus cons, les plus anodins, quand tu les assignes au mot satanique, ça remet en question leur sens. Et c’était marrant d’ajouter des synthés à ce morceau : la boucle de l’absurde était bouclée en rendant l’instru hyper accessible. Pierre : Après, on n’a pas volonté de faire se questionner ceux qui nous écoutent à chaque morceau, on aime bien rester dans un truc léger qui nous fait marrer. David : Même si ça peut paraître hyper dark quand tu lis juste les paroles. Notre morceau Cadavre, par exemple, a des paroles qui pourraient plomber l’ambiance, mais l’instru est rythmée, limite disco et joyeuse. Pierre : C’est un peu le délire que tu peux retrouver dans les morceaux Close to me ou In Between days de The Cure : une instru ultra pop en majeur avec un texte ultra dark sur le suicide. C’est un truc qu’on aime bien faire. Même si on est loin d’être dépressifs dans la vie hein ! Bien au contraire ! Vu que vous parliez des Cure, on peut faire un petit passage sur vos inspirations ? David : Ça tombe bien, juste avant cette interview, on a fini notre playlist d’influences pour l’émission de radio parisienne Sun Burn Out. C’était un exercice cool. On a voulu citer des trucs qu’on adore et qui correspondent à Churros Batiment, et on s’est retrouvé avec Blink 182, Bloodhound Gang, Will Haven (un truc de métal hardcore) Jacques Dutronc, Napalm Death, Noir Boy Georges, Télédétente 666... On retrouve toujours du second degré en guise de fil rouge. Pierre : Télédétente 666, c’est un duo strasbourgeois. C’est vraiment le truc qui se rapproche le plus de ce qu’on peut faire avec Churros Batiment. Ils sont deux, c’est un peu plus élaboré et un peu moins punk que nous, mais c’est le truc qui nous a le plus inspiré. David : Ils ont une forme d’écriture qui nous touche énormément. C’est hyper brut mais ils réussissent à trouver de la poésie dans la crasse, je trouve ça mortel.


Vous nous donnez des groupes cools et grenoblois qu’on ne connaît pas ? David : Sur Grenoble, depuis deux ans, j’ai l’impression qu’il y a une certaine émulsion de cultures alternatives. Lynhood, par exemple. C’est le projet solo d’une amie qui chante avec une grosse reverb, c’est super bien. Balladur, très cool aussi. Il y a aussi Lovataraxx. Ils font une musique mortelle. J’aimais déjà beaucoup mais quand je les ai vus en concert, j’ai pris une énorme claque. Et pourtant, ils jouaient dans un squat de Saint-Martin-d’Hères. Le son était pourri mais eux, ils étaient au-dessus. Pierre: Ils ne sont que deux. C’est mi-électro mi-coldwave, et ça avoine à fond, c’est vraiment cool. David : Il y a aussi un truc à dire sur les gens qui se bougent le cul pour organiser des événements. La Casse, La BAF, le 102… Depuis 2 ans, je trouve que ces lieux sortent un peu de leur autarcie, ils commencent à bosser ensemble pour promouvoir des trucs auxquels ils croient. Après, le 102, ce n’est pas nouveau hein. C’est limite une institution des basfonds. Les questions hyper importantes de cette fin d’interview (en référence à votre titre Satanique) : Est-ce que vous faites des balades en famille ? Pierre : Oui ! J’ai deux enfants et David a une fille alors forcément, on finit par faire des balades en famille ! Et est-ce que vous êtes gras du bide ?

Interview tournée le 24/05/2017 Interview et textes : Lucien Houmous Photos : Jessy Penelon

David : Ahah ouais, ça commence… Je pense qu’on boit beaucoup de bières, trop de bières. Perso pour l’instant, j’assume assez bien ma prise de poids, mais il ne va pas falloir que ça dépasse un certain stade !

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Barwave

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Douze ans déjà que Karine, Alex et Damien tiennent ce petit bar caché derrière les halles Sainte-Claire. Petit bar ? C’est pas la taille qui compte. Ces trois potes travaillent dur pour faire vivre leur établissement : organisations d’expos, sélections musicales pointues, projections vidéos... Sur la grande terrasse ensoleillée, on boit des bières locales, été comme hiver, entouré de gens cools. On a rencontré Karine et Alex pour qu’ils nous parlent de tout ce qui fait qu’À l’Ouest est un bar à part.


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À L’ OUE ST

“ NOUS N’AVIONS SURTOUT PAS ENVIE DE NOUS CANTONNER À UN STYLE DE BAR PARTICULIER ET CE NOM REPRÉSENTAIT BIEN L’IDÉE QU’À L’OUEST, IL PEUT SE PASSER N’IMPORTE QUOI. ” Vous nous faites un bref historique du lieu ? Pourquoi ce nom ? Alex : Le bar s’appelait déjà “À l’Ouest” quand on l’a racheté, il y a 12 ans. Ça nous plaisait bien. Ça nous faisait rire que nos clients répondent qu’ils sont “à l’ouest” quand on leur demande où ils sont… C’était aussi pour marquer notre diversité. Nous n’avions surtout pas envie de nous cantonner à un style de bar particulier et ce nom représentait bien l’idée qu’À l’Ouest, il peut se passer n’importe quoi.

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Et qu’est-ce qu’il peut se passer ici ? Karine : On a très vite proposé des expositions. Travaillant, à l’époque, au Centre d’Art Contemporain de Grenoble “Le Magasin”, c’était naturel pour moi de proposer des expos. À l’inverse du Centre d’Art, on est bien sûr très vite limités par la taille du lieu. Mais les artistes doivent faire avec et s’adapter. L’idée, c’était surtout de permettre à des personnes de faire leur première expo. Pour certains, c’est ce qu’il s’est passé et ils en ont parfois fait plein d’autres par la suite. Certains sont même devenus assez connus. Ça fait plaisir. Il arrive souvent que des gens reviennent et nous disent, par exemple, “Tu sais que ma première expo c’était À l’Ouest et que maintenant je fais des pochettes d’album ?!”. C’est un super retour pour nous. Alex : En plus, les expos nous permettent de varier un peu l’ambiance et la déco du bar. Karine : C’est vrai que d’une expo à l’autre, le lieu peut complètement changer. Il y en a une en particulier qui a vraiment métamorphosé le lieu ?

Interview tournée le 13/03/2017 Interview et textes : Fabi Luccio Portrait : Valentin Lecaille Photos : Bernadelle Falkor

Karine : L’expo du collectif Utopia. Ils avaient décidé de recouvrir entièrement les murs, exactement comme ils s’y seraient pris pour faire un collage sauvage dans la rue. C’était quelque chose de très différent de ce qu’on avait l’habitude de voir ici. Ça nous plait vraiment que les artistes puissent transformer le lieu comme ils l’entendent, on leur laisse carte blanche.


À part les expos, il y a d’autres événements ?

Comment parvenez-vous à tirer profit de la taille du lieu ?

Alex : Côté musique, on essaie de faire quelques événements de temps en temps, mais l’espace est trop petit pour pouvoir faire de vrais concerts. C’est un peu frustrant de ne pas pouvoir organiser tout ce qu’on voudrait. On profite généralement de la Fête de la musique pour inviter quelques groupes grenoblois plutôt marqués rock ou rock noise... De temps en temps, on a aussi des personnes qui viennent mixer. Malgré les limites en terme d’espace, on propose quand même une musique qui change des bars plus classiques. On échange beaucoup avec nos clients en ce qui concerne la musique. Ce n’est pas rare qu’ils nous fasse découvrir un groupe, et inversement.

Karine : Il y a de moins en moins de lieux où les gens peuvent se rencontrer, à part les bars et les pharmacies ! À l’Ouest, les gens savent qu’ils peuvent venir tout seuls se poser et qu’assez vite, quelqu’un va venir leur parler. On a vu plusieurs fois se constituer des groupes d’amis. C’est peut-être la même chose dans les autres bars mais j’en doute. J’ai tendance à engager la conversation quand je vois deux personnes seules au bar, pour leur permettre de passer le cap et de discuter ensemble. J’aime beaucoup quand je vois qu’il y a un truc qui prend entre deux personnes. Ça me satisfait bien plus que de vendre des bières et de faire des notes.

On allait y venir, qui s’occupe de la sélection musicale ? Alex : En fait, celui qui travaille met ce qu’il aime. On a chacun nos styles et nos playlists. On retrouve souvent les mêmes ambiances mais on ne se cantonne jamais à un seul style. On passe du rock, du reggae, de l’électro, du rap... chacun amène ses influences et ses goûts du moment. En parlant de rock, la dernière fois qu’on est venus, on a entendu l’album de Rendez-Vous. Vous avez d’autres trucs cool à nous suggérer dans le même style ? Alex : Dans ce style-là, il y a aussi Noir Boy George. Karine : Dans la même lignée, il y a Monsieur Crâne. Un chant un peu dépressif sur une musique un peu sombre... c’est assez cool. J’adore Taulard aussi. Alex : Pour rester dans la mouvance “wave”, on passe aussi beaucoup Frustration. Et bien sûr, les vieux classiques comme Joy Division, The Cure, Interpol…

Ça va que vous vendez des super bières. Vous avez une petite sélection de bières locales à nous recommander ? Alex : C’est vrai qu’on s’attache à proposer des bières artisanales et, si possible, locales. La première à laquelle je pense c’est la brasserie Pleine Lune. Ça fait maintenant quatre ou cinq ans qu’on travaille avec cette brasserie. Elle est à Chabeuil, dans la Drôme, donc presque locale ! On est assez fan, on a toujours une bière de cette brasserie à proposer en pression. Côté bières en bouteille, on travaille beaucoup avec la brasserie du Léman et la brasserie Agrivoise. Après, ce n’est pas parce que c’est local qu’on va forcément la proposer, il faut que ça nous plaise avant tout. On arrive à la dernière question. On a des potes : Julie et Ludo – pour ne pas les nommer – qui ont failli se prendre un aspirateur sur la tête alors qu’ils buvaient une bière sur votre terrasse. Apparemment, une voisine le faisait sécher sur le rebord de sa fenêtre et il est tombé…. Ça vous arrive souvent ce genre d’action ? Karine : Un aspirateur ?! Mais non... ! (Rires) Alex : C’est vrai qu’en été, quand la terrasse est bien remplie, ça peut arriver… Cette voisine balance plutôt des verres d’eau d’habitude. Sûrement pour protéger son périmètre de sécurité... Bref oui, c’est déjà arrivé qu’on se prenne quelques “projectiles” mais on n’avait jamais entendu parler de cette histoire d’aspirateur... Mais je me dis que ce n’est pas impossible. Ceci dit, rassurez-vous, généralement vous n’êtes pas obligés de venir avec un casque, vous êtes plutôt en sécurité ici. Ça fait partie du charme du lieu, c’est tout ! (Rires).

Merci pour les suggestions. On avait aussi remarqué que des vidéos tournaient au fond du bar… Alex : Ce sont souvent des vidéos d’auteurs ou des vidéos expérimentales qu’on trouve sur internet. Parfois, ce sont des artistes grenoblois qui nous en fournissent. On essaie de faciliter l’expression artistique autant qu’on peut, à travers la musique mais aussi les expos… Diffuser des vidéos donne l’impression d’une espèce de tableau mouvant. Ça remplace un mur rigide et fixe. En plus, les images semblent souvent correspondre à la musique diffusée.

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“ ÇA NOUS PLAIT VRAIMENT QUE LES ARTISTES PUISSENT TRANSFORMER LE LIEU COMME ILS L’ENTENDENT, ON LEUR LAISSE CARTE BLANCHE. ”

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Niquer les codes Grenoblois d’origine, Simon Andreani habite aujourd’hui Bruxelles. Il est passé par Lyon et par Buenos Aires, où il a fondé le label techno CLFT. Un mec humble, qui aime prendre les chemins que personne n’emprunte et sur lesquels tout reste à faire. Sur Lyon le temps d’une soirée, on a réussi à le capter pour lui poser quelques questions sur sa vie, son parcours et, bien sûr, sur son collectif CLFT, créé il y a maintenant plus de 6 ans. Full support.


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CLF T MIL ITIA

Comment est né CLFT ? Simon : CLFT est né en 2010, en Argentine. J’ai vécu quelques mois à Buenos Aires et c’est là-bas que j’ai eu l’envie de monter un projet autour de la techno. L’idée, c’était d’importer en France ce que j’avais eu l’occasion de voir ailleurs. On a commencé par monter un webzine sur lequel on postait des articles et des podcasts. On avait pour objectif d’en faire aussi une radio. Le nom vient d’ailleurs d’une radio associative locale de Buenos Aires, que j’écoutais là-bas. Elle s’appelait Colifata, “doux dingue” en espagnol. Elle émettait depuis l’asile de la ville et était animée par des patients. J’aimais bien la référence aux fous car j’avais l’impression que vouloir importer et parler de techno en France, c’était quelque chose d’incompréhensible et qu’on allait me prendre pour un fou. À l’époque, la techno était quasiment absente du paysage culturel français. Elle ne faisait pas partie de la programmation ou des chemins de fer des magazines. Finalement, on a pris des chemins un peu différents et on n’a jamais monté de radio, mais tout ça reste lié. Et Militia alors, ça sort d’où ?

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Simon : CLFT Militia c’est le nom du crew de DJs. “Militia” c’est un gimmick qui a été pas mal utilisé dans différents collectifs. Je pense à la Détroit Techno Militia notamment. Il faut savoir que j’ai monté le projet seul mais que j’ai toujours voulu que ça devienne un collectif. Plein de gens y ont d’ailleurs pris part et ont fait d‘autres choses par la suite. Militia, c’était aussi pour le côté militant : au début, avoir accès à des lieux et faire avancer le projet relevait vraiment de l’ordre du combat. Le problème venait de la mauvaise image qu’a malheureusement la techno, encore aujourd’hui, et du lien qu’on peut faire entre cette musique et la drogue. Tous les propriétaires de clubs et de salles de concert avaient peur de la clientèle que ça allait ramener. Bref voilà, je pense qu’on a longtemps été des activistes. Ce que je dis peut sembler en décalage aujourd’hui mais c’est parce que les choses ont bien changé en six ans. Aujourd’hui, on doit t’appeler Jean Paul Sarce, JNPLSRC, Martine ou Sergio 69 ? Simon : Peu importe. Ça a toujours été un peu flou et ça l’est même de plus en plus. Aujourd’hui, je serais presque capable de prendre un nom juste pour une soirée. J’ai toujours joué par passion et jamais par égocentrisme ou par culte de la personnalité, ce qui, malheureusement, est souvent le cas dans les milieux artistiques. Un des trucs que je déteste, justement, c’est qu’on m’appelle par mon nom de scène. J’ai toujours fait en sorte d’en changer quand un nom commençait à trop rayonner. Et je change de plus en plus maintenant. Le nom de scène m’importe peu, en fait. En 2010, on t’a vu aux Nuits Sonores. Tu jouais juste après Busy P, star de l’époque. C’était la première fois que tu jouais pour un truc de cette envergure ? Simon : Ouais, c’était la première fois, mais j’en garde pas forcément un bon souvenir. Au début, je me suis souvent retrouvé dans des endroits qui n’étaient pas les miens, assez éloignés artistiquement de là où je voulais aller. Mais quand tu veux véhiculer un message, t’es obligé d’aller là où tu peux toucher des gens. À toi de faire en sorte qu’ils te suivent après... Voilà pourquoi j’ai pu jouer aux Nuits Sonores ou même au Sucre, bref dans des institutions avec lesquelles je n’ai jamais construit de relation durable. Je ne l’ai pas vraiment décidé, j’ai eu accès assez facilement à ces endroits, mais je n’y ai pas trouvé mon compte. J’ai toujours bougé par la suite, plus loin, ailleurs, pour chercher d’autres choses. Je continue encore aujourd’hui je crois.

Pourtant, vu de l’extérieur, on pourrait croire que c’est cool de jouer pour des trucs comme ça… Simon : Je sais pas. Je donne plus d’importance au plaisir que je prends à jouer qu’au nombre de personnes attending. Quelques années après cette date aux Nuits Sonores, on a rejoué là-bas pour le closing. On était sur la plus grosse scène, il y avait 2 ou 3 000 personnes en face de nous. Et pourtant, c’est une des dates durant laquelle j’ai pris le moins de plaisir. Tu joues pendant 45 minutes devant un public immense mais que tu ne sens pas parce que t’es à 30 mètres, parce que tu t’entends même pas jouer tellement le son est fort et parce que jouer sur vinyle dans un contexte comme celui-là, c’est presque impossible. Mes meilleurs souvenirs de dates ont eu lieu dans des endroits beaucoup plus intimistes. Je me rappelle d’un soir à Athènes, à l’Astron. Des kilos de son dans un bar en rez-dechaussée, 60 personnes et pas une chaise. On pouvait jouer tant qu’on en avait envie et tant qu’il restait des gens. On a joué toute la nuit. Ça s’est fini vers midi, je crois. Tu ne joues plus que sur vinyles ? Finito le contrôleur ? Simon : C’est une question d’âge. J’ai commencé à jouer avec contrôleur parce que j’avais 17 ans et pas les moyens de m’acheter des disques. La grande époque du téléchargement, qui permettait un accès facile, libre et illimité à la musique, m’a permis de me construire une culture musicale et m’a donné l’envie d’aller plus loin. J’aurais presque pu devenir militant pour cette façon de jouer alors que le milieu techno est très puriste, il faut jouer exclusivement sur vinyles. Ce genre de règles m’a toujours saoulé. Puis, j’ai réalisé que le support vinyle apportait une certaine maturité dans la façon de mixer. Et je me suis rendu compte aussi que l’univers vinyle était bien plus infini que l’univers digital, du moins pour la techno. Il m’est déjà arrivé de découvrir qu’un artiste avait produit une trentaine de disques en 30 ans alors qu’il n’y avait que ses 3 derniers sons sur internet. J’ai vraiment redécouvert la techno à partir du moment où j’ai commencé à m’intéresser aux disques et à en acheter. D’où te vient cette passion ? Simon : J’ai grandi entouré par la musique. Mes parents écoutaient beaucoup de rock et ça a certainement éveillé quelque chose en moi. Au collège, j’écoutais énormément de rap français, parce que j’étais en ZEP, parce que c’était l’adolescence et parce que c’était la bonne période du rap français aussi. C’est du rap que sont nées mes passions pour la musique et pour la culture DJ. Via le hip-hop, j’ai découvert le principe du sampling et l’importance des références. Ça m’a amené à découvrir la funk, puis la soul, le rock, les synthétiseurs et la new wave, l’italo-disco et, du coup, la techno. Le hip-hop a émergé au même moment et aux mêmes endroits que la techno. Quand tu écoutes les premiers Cybotron ou les premiers Drexciya et que tu les compares aux premiers disques hip-hop sortis fin 80, tu réalises que c’est exactement la même chose. Certains ont juste pris des chemins différents un peu plus tard, en arrêtant de parler sur les beats qu’ils composaient avec leur 808 (808 ? Google est ton ami NDLR).


Aujourd’hui tu en vis ? Simon : Ouais j’en vis un peu, mais j’ai un autre travail à côté. Si je le voulais, je pense que je pourrais en vivre pleinement... mais ça ne m’intéresse pas. J’ai très vite ressenti le danger que vivre de sa passion pouvait représenter. Si ta vie dépend uniquement de ça, le stress que ça implique risque de te pousser à faire des compromis vers le commercial. À partir du moment où ta passion devient ton travail, ça devient aussi contraignant et chiant qu’un job alimentaire. Aussi, je supportais mal le fait d’avoir des semaines vides et des weekends hyper intenses : parcourir 800 kms, jouer devant 800 ou 1000 personnes le samedi soir et te retrouver tout seul chez toi le mardi, sans avoir rien à faire et sans aucun cadre de vie... Je préfère avoir un rythme plus stable et je pense que les obligations d’un job alimentaire te rendent plus productif durant ton temps libre. Je conseille ce mode de vie car c’est souvent quand la reconnaissance et l’argent arrivent que l’engouement et la sincérité dans la musique disparaissent. Je l’ai bien vu avec des artistes qu’on a pu côtoyer il y a quelques années et qui sont des gros noms aujourd’hui. Ils ont perdu un peu de leur âme. Faire un disque n’est plus un plaisir mais un contrat. Pour moi, c’est contraire à l’essence-même du mouvement techno et ça transforme le truc en une machine à fric comme une autre. Quel genre d’artistes vous privilégiez pour vos sorties ? Simon : Quand on a créé le webzine, on voulait écrire à propos d’artistes dont on n’entend pas beaucoup parler pour leur donner le peu de visibilité que notre média pouvait leur apporter. On a rencontré beaucoup de gens et noué des liens avec beaucoup d’artistes jusqu’au jour où certains ont commencé à nous envoyer des démo et à nous considérer comme un label. La première sortie, Kaelan, est arrivée un peu comme ça, par hasard. J’avais juste demandé un podcast à ce mec et, dans la foulée, il m’a envoyé quelques morceaux que j’ai trouvé magnifiques. J’avais ça entre les mains et je me suis dit que quelqu’un devait les sortir. Alors je l’ai fait. Il y a toujours eu un côté aléatoire dans nos sorties. Ça s’est toujours fait très simplement, sans prétention, sans objectif de vente, sans business plan… On cherche à proposer quelque chose qui est encore absent du paysage, pas à être rentables. CLFT fait partie de la scène techno lyonnaise ou vous essayez de vous en détacher ? Simon : Avec ce projet, on a beaucoup contribué au développement de la nouvelle scène techno lyonnaise. On ne l’a pas créée mais on a fait partie de ceux qui ont fait bouger les choses. Ça nous a d’ailleurs donné une image très locale. Au bout de 5 ans, j’ai eu envie que le projet devienne plus large, plus global, qu’il ne soit pas lié à un endroit en particulier. 90% des gens qui ont contribué au projet ne sont pas français et je n’ai même jamais produit de lyonnais. C’est à l’opposé de ce qui se passe ici aujourd’hui. Tout les petits labels qui naissent à Lyon sont 100% lyonnais, du directeur au graphiste, en passant par tous les artistes qui signent dessus. Leur objectif est de montrer Lyon au reste du monde, ils sont dans une dynamique d’export, tandis que nous sommes dans une dynamique d’import.

Vous avez organisé quelques soirées au DV1, c’était votre QG ? Simon : On a organisé notre soirée de lancement là-bas mais on est très vite allé ailleurs par la suite. On y est retourné par nostalgie et par respect envers ceux qui s’occupaient de la prog et qui nous avaient permis de faire cette première soirée. Il faut savoir qu’à l’époque, à part trois jours par an pendant les Nuits Sonores, il ne se passait quasiment rien à Lyon. Sauf au DV1. Le lieu était pourri, le son était pourri, la direction et les vigiles étaient pourris (un lieu de merde quoi !) mais la programmation était excellente. Et c’est ce qui en a fait le point de rendez-vous de tous les acteurs du milieu. C’était notre QG par défaut mais la fermeture nous a attristé. On gardera toujours une pensée émue pour ce club. Pourquoi t’as quitté Grenoble ? Simon : Bonne question… je ne m’en souviens même plus. Je pense qu’il faut partir de Grenoble. Ça a été un plaisir de grandir à Grenoble, vraiment. J’y ai appris beaucoup de choses. Je serais toujours grenoblois, je pense, et j’y retournerais toujours avec plaisir, car c’est une chouette ville. Mais... y passer sa vie… Je ne sais pas si c’est bon. Je ne pense pas. Ça t’a fait quelque chose de revenir pour jouer à La Belle Électrique ? Simon : C’était beau ouais. Depuis que je suis parti, je n’ai presque plus eu de rapport avec Grenoble. Il y a toujours ma famille et un ou deux potes qui vivent là-bas mais en 10 ans, j’ai dû y retourner à peine 10 fois, pour seulement 1 jour ou 2. Donc bien sûr que ça m’a fait quelque chose de revenir, et ça m’a aussi permis de me rendre compte du chemin parcouru : je suis parti de Grenoble comme quelqu’un qui était dans le public et cette fois, j’y revenais sur scène, dans une salle impressionnante. La Belle Electrique a un son énorme – limite meilleur que tout ce que tu pourras trouver ailleurs en France – et la foule était jeune, ultra motivée, elle savait ce qu’elle venait voir. Ce soir-là, mon père était là aussi. C’était la première fois qu’il venait voir ce que je faisais. C’était émouvant. Bon, après c’est Ben Klock qui a joué, c’était vraiment de la merde. Y’a quelqu’un sur Grenoble à qui tu voudrais passer le salam ? Simon : Je ne connais plus personne à Grenoble, à part mon père et ma petite soeur, mes potes Théo et Victor… Ah si, William et Alban de la Belle aussi. J’avais repris contact avec eux un peu avant que soit prévue la date à la Belle, justement. C’est à ce moment-là qu’on s’était dit qu’on pourrait organiser un truc ensemble. Pour le coup, dédicace à eux. Je repense aux soirées de lancement du projet CLFT. J’en avais organisé une à Lyon au DV1 et une à Grenoble, à la MC2. Une des dernières soirées de la MC2 je pense, c’était un four complet. Sûrement parce que je ne connaissais déjà plus personne là-bas. Mais c’était cool quand même ! La MC2 restera la salle dans laquelle j’ai passé ma première soirée techno. C’était le X Live de The Hacker. J’avais 15 ans et c’était la première fois que j’entendais cette musique. C’est peut-être ce soir-là que l’envie m’est venue de faire tout ça.

“ APRÈS C’EST BEN KLOCK QUI A JOUÉ, C’ÉTAIT VRAIMENT DE LA MERDE. ”

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Interview tournée le 17/03/2017 Interview et textes : Nadine Maramé Portraits : Valentin Lecaille & Bernadelle Falkor Photos N&B : Simon Andreani

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Nouveau magazine = nouveau concours. Pour cette fois nous avions proposé le thème Grenoble.

7 8 Si tu veux à ton tour être publié(e) dans ce magazine : suis-nous sur les réseaux sociaux, ce genre de concours aura lieu pour chaque édition. On a juré.

1ère place du concours : @laf_leur Hall misère et glaces, 2017 Photographie argentique. https://www.instagram.com/laf_leur


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PE TITE POI SSON E

Ø préméditation pour Ø prises de tête Graphiste de formation, Petite Poissone travaille aujourd’hui dans l’animation. En parallèle, elle écrit, imprime et relie des livres de manière artisanale. Quand elle a du temps libre, elle colle des phrases sur les murs des villes, mélange de poésie et de n’imp. Street artiste, Petite Poissone ? Elle ne se pose pas la question, elle s’en tape. Et elle a bien raison. 8 0

Dans une interview pour Radio Campus, tu dis ne pas te considérer comme une street artiste. C’est par modestie ou parce que tu as une définition bien particulière du street artiste ? Petite Poissone : Ni l’un ni l’autre. Je ne me considère comme... rien du tout. En fait, je ne me pose simplement pas la question. J’ai grandi dans la bande-dessinée puis dans les romans graphiques. Si je devais me considérer comme quelque chose, ce serait plus comme quelqu’un qui fait des livres et qui écrit. Mais écrire, que ce soit sur du papier ou dans la rue, pour moi c’est pareil. J’ai commencé par coller trois textes dans la rue et ça s’est développé, malgré moi. Au début, très honnêtement, je me disais que les gens allaient trouver ça pourri ou qu’ils n’allaient pas vraiment comprendre mes textes. Finalement, ça plaît. Je continue parce que c’est sympa à faire et que c’est toujours agréable que les gens aiment ce que tu fais. Et surtout, ça crée des rencontres vraiment géniales, plus que dans l’édition qui reste un milieu plus confidentiel et plus élitiste, qu’on le veuille ou non. Dans la rue, je touche un public bien plus large : le gars qui voit mon texte peut être PDG, étudiant, ouvrier... Quand je dis que je ne me considère pas comme une street artiste, c’est aussi parce que c’est la mode et que j’aime bien contredire les gens. Et en même temps, je le pense aussi : je suis juste quelqu’un qui écrit.

Tu te souviens de ton tout premier collage ? Petite Poissone : Mon premier collage c’était un sticker. En fait, je faisais des bouquins de dessins, que j’imprimais aussi sur stickers, et je collais dans la rue l’exacte reproduction de ce que je faisais dans mon bouquin. Ça restait petit et j’aimais bien le côté confidentiel, dans le sens où tu étais presque obligé de chercher le collage pour le voir vraiment. Après ça, j’ai laissé tomber le dessin et j’ai voulu coller uniquement des textes. L’idée c’était de coller des trucs hyper propres pour être un peu en décalage avec les trucs qu’on voit dans la rue, qui dégoulinent ou qui bavent un peu. Je voyais vraiment ça comme les inscriptions dans les musées, hyper propres, hyper chiadées. Alors j’ai trouvé la technique et j’ai commencé à coller des textes comme ça. Mon premier texte, c’était “Nous n’irons plus jamais où tu m’as dit ta gueule”. Il est quasiment parti dans l’heure. Petit à petit, ils sont restés 3 jours, 10 jours… et maintenant ils restent 6 mois, 1 an, jusqu’à ce que le temps les enlève… c’est marrant.


On peut savoir d’où vient ton nom ou c’est secret ?

Tes collages tiennent bien ?

Petite Poissone : Il n’a pas vraiment de signification et je ne l’ai pas vraiment choisi non plus. Comme à peu près tout ce que je fais dans la vie, il n’y a rien de prémédité. Si j’avais trop réfléchi à un nom, je pense que j’aurais trouvé un truc pourri. “Petite poissone” ça me ressemble, parce que ça ne veut pas dire grand chose. En fait il y a 15 ans, quand j’ai fait mon tout premier site, j’ai voulu acheter un nom de domaine et j’ai tapé sans réfléchir, en attendant de trouver mieux, petitpoisson. com. Au final j’ai gardé ce site, et les clients m’appelaient « Poissone » ou « Petit poisson ». Du coup, j’ai gardé ce nom...

Petite Poissone : Oui, plutôt. Forcément, la pluie et le temps les abîment mais, par exemple, il y en a un en ville, sur une boîte aux lettres, qui est là depuis deux ou trois ans. C’est marrant parce qu’il a été tagué, que quelqu’un a effacé le tag mais que mon collage est resté. Il doit résister aux produits... Mais finalement, même quand ils sont enlevés très vite, je n’ai jamais de sentiment de frustration. Même s’il a vécu un jour... il a vécu !

Où puises-tu ton inspiration ? Petite Poissone : Le matin, j’aime bien me réveiller quatre fois plus tôt que ce que je devrais et aller dans des petits bars dessiner autour des ouvriers qui se lèvent tôt. Il y a souvent une ambiance à la fois poétique et populaire que j’adore. Je trouve que tu y vois la France telle qu’elle est, avec ses bons côtés et aussi ses moins bons. C’est ce qui m’inspire… le quotidien. J’aime aussi les transports en commun parce que tu es souvent entouré de gens et que tu peux les écouter. Ce sont des lieux où je me sens bien. Sinon, j’ai aussi des inspirations personnifiées comme Boris Vian ou Monty Python, pour le côté plus absurde.

Tu trouves ça plus fastoche que les sprays ? Petite Poissone : Je n’ai jamais fait de graff donc je n’ai jamais manié la bombe. Effectivement, je pense que c’est hyper difficile. J’ai bien envie de me mettre aux pochoirs, un jour, et je pense qu’il va me falloir des mois avant de faire un truc correct qui ne bave pas dans tous les sens. Pour l’instant, bien sûr que je ne fais rien de sensationnel avec mes collages. Je ne fais même pas du joli, ni du techniquement recherché... Mon contenu est dans le texte et dans l’idée, c’est tout. Qu’est ce qui influence tes choix de spot ? La visibilité ou le coup de coeur ? Petite Poissone : Je suis très conditionnée par le support car je ne peux pas coller partout. Par exemple, je ne peux pas coller sur des murs qui seraient un peu trop poussiéreux. C’est d’ailleurs super frustrant quand je fais une session collage, par exemple à Paris, où il y a des quartiers entiers avec des vieux immeubles sur lesquels je ne peux pas coller. Parfois, c’est aussi la beauté du lieu qui va faire que je ne vais pas forcément coller à cet endroit. Mais dans l’ensemble, je ne suis pas très regardante… je pense que les textes ont leur place partout.

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Si tu avais l’occasion, tu ferais un collage monumental ? Petite Poissone : Ouais, je commence à y penser. Au début, je trouvais que mes textes avaient plus de sens en étant petits parce qu’ils semblaient s’adresser à une personne en particulier. C’était un peu comme une rencontre entre un texte et une seule personne qui passe et que ça peut faire sourire. D’ailleurs, je ne les signais pas. Plus tard, j’ai commencé à les signer et à les faire un peu plus gros. À Paris, j’ai fait quelques grands formats, genre 4 mètres de longs, mais ça reste un peu exceptionnel. Mais effectivement, je pense qu’il y a certains textes qui pourraient vraiment convenir à des plus grandes tailles. Je colle pas mal à Paris parce que mon boulot m’y amène une à deux fois par mois. Je me prévois des sessions à chaque fois. Et Grenoble, c’est sympa, mais après un certain temps j’avais l’impression de tourner en rond. Sinon, dès que j’ai l’occasion de faire un weekend à Marseille ou ailleurs, j’essaie aussi de coller quelques trucs.

respecter un mec en costard cravate, même si tu ne sais pas comment il est arrivé à cette place et si c’était légitime. On peut aussi le voir comme une représentation de la misogynie et de tout ce qui peut m’énerver dans mon boulot ou même dans la politique.

Quand est-ce que tu vas les coller ? Le jour ? La nuit ? Le dimanche après-midi en famille ?

Pour la suite, tu miserais plus sur toi graphiste, sur ton travail dans l’édition ou sur ton taff dans la rue ?

Petite Poissone : Les trois. Au tout début, j’y allais la nuit, je me cachais un peu. Par la suite je me cachais un peu moins, et en fait, je n’ai jamais eu de problème. Je pense rester très polie dans tout ce que je fais. Je n’ai pas envie d’emmerder les gens, ce n’est pas mon but. Je n’ai même pas envie qu’une personne qui n’aime pas ce que je fais soit confrontée à un de mes textes tous les matins parce que je l’ai collé sur la porte de son immeuble. À priori, je ne colle jamais mes textes à des endroits où ils seraient susceptibles de vraiment emmerder les gens. Les flics ne sont jamais venus me voir, je n’ai jamais eu de soucis... Comme j’estime ne pas emmerder les gens, si un jour les flics viennent me voir, je leur expliquerai et... voilà. J’ai vraiment l’impression d’être dans mon droit, même si ce n’est pas tout à fait le cas légalement.

Petite Poissone : Quand on parle de l’avenir... j’ai toujours du mal. Je suis très au jour le jour. Je me demande plus ce que je vais pouvoir faire demain ou dans deux jours pour que ma semaine soit réussie... Je pense que le truc qui est vraiment ancré en moi, c’est l’édition, parce que c’est ce que je fais depuis toujours. Mais je ne vois pas les choses comme étant dissociées. Je pense que l’édition et le street art peuvent tout à fait cohabiter et même créer de nouvelles choses. C’est tout à fait possible de ne pas choisir entre les deux. Souvent, les gens me découvrent dans la rue grâce au street art et me rencontrent par la suite via l’édition. Tout est lié. J’aimerais aussi mettre des sculptures dans la rue. Je n’ai pas envie de faire de choix et j’aimerais que ce soit un tout, sans que l’on m’étiquette street artiste ou autre.

Tu es plutôt bien vue par la municipalité, non ? Est-ce que tu te considères comme une vandale ? Petite Poissone : C’est vrai qu’avec The Sheepest notamment, les gens nous considèrent parfois comme des artistes un peu “protégés” par la municipalité. Le truc, c’est qu’on n’a absolument rien demandé... On me laisse faire, tant mieux. Si on m’enlevait, ce serait tant pis. Moi je m’en fous un peu que Piolle aime mes textes… il a le droit, au même titre que n’importe qui. Après, vandale ou pas vandale, je ne sais pas. Si je me mets aux pochoirs, ça me ferait vraiment chier de devoir payer une amende. Je trouve que l’État nous rackette suffisamment. C’est purement financier parce que si je dois passer une nuit au poste... je m’en fous un peu. Je me souviens que Miss Tic a arrêté de faire des trucs sauvages dans la rue, il y a dix ou quinze ans, parce qu’elle avait dû payer 20.000 francs à l’époque. Ça décourage. Après, c’est clair que quand t’es une fille et que tu as un nom bien français comme nom de famille, ça passe toujours vachement mieux que quand tu te trimballes en capuche… Et puis, je n’ai plus l’âge de courir quand la police arrive... (rires). Tu travailles aussi sur des peintures et des sculptures, elles représentent souvent un type rachitique en costard cravate avec une tête de taureau. Tu peux nous expliquer rapidement ta démarche autour de ce personnage ? Petite Poissone : Je n’ai jamais trop prémédité la chose. En fait, tout me vient assez instinctivement et j’ai toujours un peu de mal à expliquer le pourquoi du comment. Rétrospectivement, je pense que le taureau en costard cravate représente la hiérarchie, le patriarcat, la figure dominante... parce que, qu’on le veuille ou non, la société est quand même dirigée par les hommes. Je voulais aussi représenter le côté parfois arbitraire de la hiérarchie dans le sens où tu te dois de

Question détente pour la fin de cette interview… À Grenoble il y a toi, Petite Poissone, mais il y a aussi un autre artiste venu de la mer, qui lui peint, entre autres, des dauphins… Une pièce Petite Poissone feat. DOF, ce serait envisageable ? Petite Poissone : Ouais, je pense. C’est une rencontre qui peut se faire et qui s’est déjà un peu faite. Le featuring ne se fait jamais pour le résultat mais pour le featuring en lui-même, pour le bon moment que tu passes avec la personne. Et comme je pense que ça pourrait être un bon moment, carrément !

Retrouvez Petite Poissone sur les internets Online : http://www.petitepoissone.com Suivre : Facebook & Instagram Et dans la rue !


Interview tournée le 15/02/2017 Interview et textes : Samuel Jackson Photos : Quentin Fombaron & Bernadelle Falkor

“ NOUS N’IRONS PLUS JAMAIS OÙ TU M’AS DIT TA GUEULE. ” 8 3

“ COMME À PEU PRÈS TOUT CE QUE JE FAIS DANS LA VIE, IL N’Y A RIEN DE PRÉMÉDITÉ. ”


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Un test qui fait mal tellement il est vérédique.* Par le Mage Mendoza (trader de profession et neveu de Guy Mocquet (L’acteur))

Afin de découvrir quel est votre signe cosmique, répondez aux questions ci-dessous :

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que le reste : vous êtes Bélier

Plus de

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que le reste : vous êtes Lorenzo, empereur du sale

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* Ce test a été vérifié et approuvé par les experts en occultisme du FBI français.


Pour une interprétation cosmique qui renoue avec les signes véritables des pyramides de l’univers. Par le Vicompte de Mendoza (Député Maire et chaman tibétain vers Voiron)

Bélier : Ce recueil des 100 plus belles citations d’Aimé Jacquet, offert par votre tante à Noël vous a fait le plus grand bien. Cependant, n’oubliez jamais ce que le sage disait : « C’est bien de jouer avec, mais faudrait pas s’y accrocher ». À méditer… Votre animal totem : Footix

Le Chauve : Arrêtez d’accuser les autres, tout le monde sait que c’est vous qui avez bouché les chiottes du 3ème. Vous ne trompez personne, encore moins avec vos faux cheveux. Votre prénom : Sylvi.

Taureau : Tous s’accordent à dire que votre haleine est insoutenable, n’écoutez pas les en diré, soyez vous. Non, je déconne. Sérieux faites quelque chose, vous sentez la morgue de la bouche. Conseil beauté : Arrêtez immédiatement de boire l’eau des chiottes.

Seb la frite : Je vous déteste. Votre maladie incurable : Squeezie.

Gémeaux : Une sombre histoire de sac à main dérobé vous fait vous questionner sur le choix de s’habiller en femme de chambre pour aller au cirque. Netteté : Mais si, vous êtes très net.

Yannick Noah : Autrefois personnalité préférée des Français, aujourd’hui Mimi Mathy vous dépasse largement. La vie est décidément pleine d’ironie. Chaussures : Non.

Lorenzo, empereur du sale : Votre ami Rico ne répond plus à vos appels… Se pourrait-il que le pilon soit plus gras ailleurs ? Famille : Votre petit frère, Pascal, met en doute vos capacités d’éducateur.

Elvis Roméo : Ce covoiturage pour Paris est vraiment très étrange… tous les occupants semblent venir de Bruxelles et dégagent une forte odeur de cannabis hollandais. Espérons seulement que la destination ne soit pas le Père Lachaise… Votre forme géométrique : Le cône.

Noopy, le lapin de Garenne : Vous ne savez pas si c’est la chaleur ou les carottes, mais votre slip n’a de cesse de faire des aller-retours direction Pékin. Hygiène : Il y a comme une odeur de rance. Vous êtes sale. Vous sentez le trou du cul pourri.

Vanity_Fit_93 , instagrameuse : Enfin votre rêve d’atteindre les trendings hashtags de Fitness est là. Cependant, vos parents ne comprennent pas vos choix de vie… nique sa mère ! En plus @boobaofficial a liké votre dernier post…n’est-ce pas une preuve de réussite totale ? Le surnom que vous donne vos amis : La grosse pute à clics de ses morts.

Le mec qui fait un pet silencieux et qui accuse un enfant : Votre âme est noire et vile. Jadis, vous aviez forme humaine, aujourd’hui vous n’inspirez plus que dégoût et mépris. Enculé. Votre citation : Ché !

Hemanouel Makron (aucun lien) : N’aviez-vous pas pour habitude de dire qu’il y avait comme un goût de démé-démago dans la couche de Sarko, comme un goût de mi-michto près des mercos ? Eh bien dansez maintenant. Votre ville : Babylone.

Belzébuth, Prince des Enfers : Mais si, pour des tétons, trois c’est bien ! Et puis ça ira bien avec vos 6 couilles et votre monosourcil. Vos numéros chance : Le 6, le 6 et le numéro complémentaire, le 6.

Bernadelle Falkor : Du latin Bernardilius (l’homme courtois) et du grec ancien Falkoris (la petite chaussure), votre patronyme vous destine déjà à de grandes choses mais là, vous n’êtes pas venu pour autre chose qu’un niquage de mères à la régulière. Votre programme de demain : Monter une comédie musicale.

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REM ER CIEM ENTS

À tous les intervenants de ce numéro : Thibault, Pierre, Marco, Charles, Leyman, Greg, JP, Pablo, Libre, Will, Alban, David et Piero, Alex, Karine, Damien, Simon, Emmanuelle. On a été très heureux de faire votre connaissance. Merci pour votre confiance et bonne continuation ! À tous les copains et les bénévoles qui nous aident et qui se reconnaîtrons : Margo, Alix, Julie, Ludo, Amaz, Théo Rapin, Léon, Éva, Jessy, Zorro, Thomas, Alban, Jean-Baptiste, Quentin, Valentin, Bernadelle, Maëlle, Manon, Guillaume Rozan, Guillaume Rolly, Agathe, Camille, Théo Duparc, Milan, Kévin, Laura, Sylvi, Gripaing, Alyzée, Clara, Jade, Myriam, Romain, Ben, Margaux, Fab, Marine, Timothée, Célia, Kieran, Noémie, Alex, Gagnan, Jordan et les familles Renault, Léopold et Mendez-Brown. Aux pros qui nous font confiance : Margo et Alix de Petit Shirt. Laurent et Lucie de la Manufacture d’Histoire Deux Ponts. Adrien et Guillaume des Frères Pirates. Gilles du Café Zimmerman. Antoine et Simon de la brasserie Furieuse. Nils et Adelin du Rang. Valy de l’Escape Game Bastille. Samir et Jordan de l’Éphémère. Arnaud de Dead Is Hype Bicycle Workshop. Caï, Laure et Mosh de La Famille Tattoo Club. Merlin Lent, coach de vie et chanteur.

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À nos tipeurs : Martine, Guihelm, Luke, Margo, Cynthia, Romain, Ellen, David, Gauthier, Pablo, Juliette C., Myriam, Bastien, Ghinwa, Thomas, Jean-Philippe, Laurine, Fab, Luca, Nathalie, Simon, Anne, Juliette G., Aymeric, Guillaume, Christine, Yann, Louisa, Ariane, Carl, Eugénie, Anna. À tous les autres : Spider-man Georges Lavaleuse Denis Photoshop Michel Graphiste Danakil Sincèrement, Tim, Hannah et Théo.

Crédit Photo : © Timothée Sonzogni

Et par avance, merci d’arrêter de jeter vos déchets par terre. La rue n’est pas une poubelle. Solution mots croisés page 22 Voici la liste de tous les mots présents dans ce jeu : INTERVIEWS, JESSY, TIPEEE, ZORRO, YOLO, LYON, LOUPS, NARVALO, RPZ, RIP, DOF, BAC, CORATO, LORENZO, OVER, LOL, COUILLES, FANZINE, FRATELLINI, PIZZA, AME, PUTE, JUL, RT, SHIRT

Ceci est un message du CGRLCRS (le Comité des Gens qui en ont Ras Le Cul des Rues Sales). PS : un mégot de clope est un déchet → poubelle.


L’impression de ce magazine a été en partie financée par des dons de personnes généreuses sur notre Tipeee. N’hésitez pas à faire de même si vous trouvez notre projet louable. www.tipeee.com/ame-meute En vous remerciant !


amemeute.fr


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