Hobb,Robin-[Les Aventuriers de la mer-4]Brumes et tempetes(1999).OCR.French.ebook.AlexandriZ

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années, sa sœur Keffria l’avait accusée de déshonorer à plaisir sa famille. Comment, habillée de la sorte, pouvait-elle les convaincre qu’elle avait mûri et qu’elle était digne de prendre le commandement de la vivenef ? Comment allaient-elles l’accueillir ? Avec colère, froideur, mépris ? Elle secoua violemment la tête pour chasser ces pensées et s’engagea dans la longue allée qui menait à la maison. Elle remarqua avec un certain agacement que les rhododendrons près du portail n’avaient pas été pincés. Les pousses allongées du printemps dernier arboraient maintenant des bourgeons gonflés de sève : la prochaine taille leur ferait perdre une année de floraison. Elle éprouva une pointe d’inquiétude. Col, le jardinier, était très pointilleux là-dessus. Lui était-il arrivé quelque chose ? Le long de l’allée, tout le jardin trahissait l’abandon. Les vivaces avaient poussé à la diable et débordaient des platesbandes. Les bourgeons vert vif des rosiers se défroissaient sur les rameaux de l’année précédente, noircis par l’hiver. La glycine, détachée de son treillis, ouvrait vaillamment ses feuilles là où elle s’était étalée. Les vents d’hiver avaient amassé des feuilles mortes à leur gré et des branches cassées par les tempêtes jonchaient le sol. Elle s’attendait presque à trouver la maison abandonnée, à l’instar du jardin. Mais les fenêtres étaient grandes ouvertes sur l’air printanier ; les sons joyeux d’une harpe et d’une flûte cascadaient à sa rencontre. Plusieurs cabriolets stationnés devant la porte lui indiquèrent qu’une réception avait lieu. Réception pleine de gaieté, à en juger par les éclats de rire qui se mêlaient à la musique. Althéa fit un détour par l’entrée de service, plus étonnée à chaque pas. Il n’y avait pas eu de réceptions à la maison depuis la maladie de son père. Cela signifiait-il que sa mère avait déjà quitté le deuil ? Voilà qui ne lui ressemblait guère. Althéa ne l’imaginait pas davantage gaspiller de l’argent en fêtes, alors que la propriété était à l’abandon. Elle n’y comprenait goutte. Elle fut saisie d’un mauvais pressentiment. Par la porte ouverte de la cuisine s’échappaient dans l’air printanier l’odeur appétissante de pain chaud et le fumet des -196-


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