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Édition: Juliette Thomas Conception Graphique: Atelier Daniel Leprince Relecteur: Sidonie Van den Dries Les Pommier, 202 Touts droits réservés 2.74650029.9


LA RADIOACTIVITÉ EST-ELLE RÉELLEMENT DANGEREUSE?


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Toute substance est un poison... La dose adéquate fait la différence entre un poison et un remède. —Paracelse 1493-1541


À QUOI BON SE POSER LA QUESTION? QU’EST CE QUE LA RADIOACTIVITÉ? LES EFFETS À BRÈVE ÉCHÉANCE LE RISQUE DE CANCER À LONG TERME FAUT-IL CRAINDRE LA RADIOACTIVITÉ NATURELLE? VIVRE PRÈS D’UNE CENTRAL NUCLÉAIR EST-IL RISQUÉ? QUEL A ÉTÉ L’IMPACT RÉEL DE TCHERNOBYL? EST-CE QUE JE PEUX MANGER DES CHAMPIGNONS RADIACTIFS? TRAVAILLER DANS E NUCLÉAIRE EST-IL DANGERUX? NOS DÉCHETS NUCLÉAIRES MENACENT-ILS LES GÉNÉRATIONS FUTURES? ALARA, BANANA OÙ UN AUTRE AVENIR?


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À QUOI BON SE POSER LA QUESTION?


Chacun n’a-t-il pas déjà sa réponse toute faite? Faut-il encore épiloguer sur cette chose abominable qui nous tue, brutalement ou insidieusement ? Faut-il au contraire revendi­quer derrière Marie Curie la « beauté » du phénomène radioactif, et rejeter toutes les craintes suscitées au magasin des obscuran­tismes ? Et si la réponse était plus riche, plus nuan­cée, plus chargée de sens, voire de bon sens ? Sans doute sera-t-elle aussi plus complexe, au goût un peu acide qui est celui des Petites Pommes du Savoir.. Les pharmaciens et les chimistes ont depuis fort longtemps décrit l’ambivalence et la subtilité des poisons. Et si la radiotoxicité n’était qu’une toxicité de plus, mâtinée de comportements physiques surprenants, qui serait parfois inoffensive et parfois fatale, tantôt fée et tantôt sorcière ? Bref, ne faut-il pas plutôt se demander quand la radio­activité est réellement dangereuse, et quand elle ne l’est pas ? Et ensuite, que faire et qùen faire ?Peut-on et doit-on la renvoyer aux oubliettes du savoir ou est-il encore temps d’apprendre à « en user sans en abuser » ? Ce sont ces questions que nous allons aborder, en les illustrant par des situations réelles qui nous exposent à la radioactivité. Notre navigation aura pour écueils toujours proches d’un côté l’utopie du risque nul garanti par la technique triomphante, et de l’autre le fantasme de la mort certaine à la seule apparition de la radioactivité. Les oreilles bouchées à la cire pour n’entendre ni les sirènes lénifiantes de la technocratie ni les prophéties funestes de cataclysmes immi­nents, nous chercherons la route aux flots apaisés que prétend nous offrir la méthode scientifique. respritqùelle insuffle dépend peu de celui qui découvre les faits ou de celui qui en parle, et une fois connus les faits et les relations entre eux, le voyageur pourra se faire une meilleure idée des risques encourus. S’il parvient ensuite à exercer de lui-même un jugement sur ce qu’on lui dira des dangers de la radioactivité, alors nous serons arrivés à bon port. Danger, risque, probabilité, gravité, les mots s’entassent et s’entrechoquent déjà, voire s’échangent rapidement à l’aide d’un banal dictionnaire de synonymes. Mettons-y le holà avant que nous ne sachions plus à quelles questions nous

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voulons répondre. Un examen soigneux d’un dictionnaire de langue nous permet de briser le cercle vicieux qui envoie de « danger » à « risque » et retour. Le danger1 est une situation qui comporte une • menace, alors que le risque2 consiste à s’expo• ser à celle-ci. La nuance vous semble peut-être subtile, mais la meilleure façon d’échapper à une menace n’est-elle pas de ne pas s’y expo- ser ? Je supporte d’autant mieux le danger d’une chute dans l’ascension de l’Aiguille des Drus queje me garde bien de faire la course... Et si je me décide à tenter cette ascension, ce sera une prise de risque calculée. La version mathématique de ce calcul est la probabilité3 qu’a la menace de se transformer en réalité. Quant à la gravité4 de l’événement, elle n’in­tervient qu’une fois que celui-ci a eu lieu, et c’est une mesure de ses conséquences. Un usage sans précaution de ces défini­tions nous ferait écrire : « La radioactivité est-elle dangereuse? Oui, mais ce n’est pas grave!» Mais comme d’éminents politiciens ont vu leur carrière sérieusement chahutée pour avoir dit que l’on pouvait être «respon­ sable, mais pas coupable», il nous faudra bien tout le reste de ce petit livre pour arriver à une conclusion proche mais plus exacte, qui est :

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« La radioactivité est-elle réellement dan­gereuse ? Elle l’est à forte concentration, mais ce n’est pas nécessairement grave, car l’on peut s’en protéger ! Mais gare aux fausses manœuvres . . . » Mais comment savoir, dans un cas précis, ce que nous risquons ? Et comment agir pour faire chuter le risque ?Pour que chacun puisse se forger sa propre opinion, nous verrons comment estimer le danger, c’est-à-dire l’activité, puis nous exa­ minerons les effets du rayonnement radioactif sur l’organisme vivantNous appliquerons ensuite ce savoir tout simple à des situations qui ont fait la une des médias. Nous tenterons de mettre un peu de contraste et de gradation entre des situations qui sont le plus souvent dépeintes en termes alarmistes ou fortement minimisées, lorsque le gouvernail est pris par la conviction aux dépens de la raison.

1 La Danger (nom masculin): Ce qui expose à un risque, à un mal

2 La Risque (adjective): Dangereux

La Probabilité (nom féminin): Possibilité, vraissemblance

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La Gravité (nom féminine): Caractère d’une personne sérieuse, solennelle 4


«ELLE L’EST À FORTE CONCENTRATION, MAIS CE N’EST PAS NÉCESSAIREMENT GRAVE, CAR L’ON PEUT S’EN PROTÉGER ! MAIS GARE AUX FAUSSES MANŒUVRES . . . »


L’ENERGIE NUCLIARE ME PREMETTRE DE PASSER L’ASPIRATURE


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QU’EST CE QUE LA RADIOACTIVITÉ?


La dimension naturelle du phénomène radio­ actif est celle de l’atome, et même plus préci­ sément du noyau d’atome, puisque c’est là que tout commence. Rafraîchissons un peu nos connaissances sur la structure de la matière : la pointe de mine de crayon que je viens de casser a un volume d’environ un mil­limètre cube. Dans cette pointe, il n’y a quasi­ment que des atomes de carbone, disposés en plans qui glissent les uns sur les autres. Dans ce petit volume, ils sont au nombre de cent milliards de milliards. La matière qui nous constitue et qui nous entoure est faite d’atomes.

CEUX-CI SONT DES ASSEMBLAGES DE PARTICULES ÉLÉMENTAIRES QUI SONT LES PROTONS, LES NEUTRONS ET LES ÉLECTRONS. L’atome de car­bone est ainsi arrangé dans l’espace : les six protons et les six neutrons sont rassemblés à touche-touche en une boule appelée « noyau », dont le diamètre est de quatre mil­lionièmes de millionièmes de millimètre. Les électrons sont toujours en nombre égal à celui des protons et circulent à très grande distance de là, à plus de dix mille fois le diamètre du noyau. Intéressons-nous à certains des io20 atomes de notre pointe de

crayon. Une très petite minorité d’entre eux, tout au plus une centaine de millions, ont des noyaux consti­tués de six protons, comme les autres, mais de huit neutrons au lieu de six. Ce sont des atomes de carbone-14, ainsi nommés parce que six et huit font quatorze. Les carbones 12 et 14 sont deux isotopes5 du noyau de carbone : on leur donne le même nom car le nombre de neutrons change la masse du noyau sans affecter le comportement chi­mique de !’atome. Mais, à la difterence des atomes de carbone-12, ceux de carbone-14 sont radioactifs... Qu’est ce qu’un noyau radioactif? C’est tout simplement un noyau dont l’arrange­ment ne respecte pas encore les lois physiques qui assurent la stabilité maximale, et qui est en cours de transformation pour atteindre celle-ci. Un noyau peut contenir de 1 à 112 protons, mais faire tenir ensemble des parti­ cules électriquement chargées de même signe est contraire aux lois élémentaires de l’élec­trostatique. C’est pourquoi les noyaux n’exis­ tent que s’ils contiennent juste la bonne proportion de neutrons; ceux-ci, au moyen d’une force particulière, l’interaction forte, assurent la liaison par « collage » entre tous les protons et neutrons. Tous les noyaux instables ont recours au même moyen pour atteindre la stabilité :cha­cun se transforme en un autre noyau en émettant des particules, et cela se poursuit jusqùà la

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constitution d’un noyau enfin res­pectueux du bon équilibre entre protons et neutrons : un noyau stable. Certains noyaux peuvent subir plus d’une dizaine de transformations successives avant d’atteindre une conformation stable. Ce sont les cascades de désintégration radioactive6. La désintégration •désigne la transformation spontanée d’un noyau en un autre. La radioactivité désigne 1’émission de particules. Les savants de la fin du XIXe siècle, qui ne connaissaient pas ces particules élémentaires, relevaient toutefois les traces de leur passage, les « rayons ». C’est l’activité spontanée des atomes émetteurs de rayons (du latin radius) que Marie Curie appela la « radioactivité ».

Lorsqu’un noyau se transforme, ou se désintègre, l’atome dont il est le centre voit son cortège d’électrons changer pour retrou­ ver l’égalité entre électrons et protons. Ce fai­sant, l’atome change complètement de propriétés chimiques et change de nom. C’est la transmutation7 au sens des alchimistes.• Nous savons maintenant pourquoi c’est en vain que ceux-ci ont cherché à transmuter par la chimie un atome en un autre :c’est le noyau luimême qùil faut transformer.

5 Isotopes (adjectif): Qualité d’un élément qui possède les caractéristiques d’un isotope

Désintégration radioactive (locution): Un Déchet radioactif est une matière dont le noyau est instable. Cet élément radioactif est généralement issu de l’industrie électronucléaire et fait l’objet d’un traitement spécifique, car il ne peut être dispersé dans l’environnement sans risque.

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Transmutation (nom féminine): changement des métaux en métaux précieux dans la théorie alchimique 7

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un ĂŠlectron

des protons

des neutrons

Structure d’un atome

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Les différents types de radioactivité cor­respondent aux divers moyens de rééquili­brage et de libération d’énergie des noyaux. Les noyaux les plus lourds ont la possibilité de régler rapidement leur excès de masse en expulsant les particules surnuméraires par groupes de quatre (deux protons et deux neu­trons). Ces particules sont baptisées pour des raisons historiques les rayons alpha. Lorsque le nombre total de particules est correct mais qùil y a trop de neutrons, un neutron se transforme en proton, le nombre total restant constant. Cette opération quasi­ment transsexuelle est possible car il existe une autre force de liaison dans la nature, l’in­teraction faible, pour laquelle le neutron et le proton ne sont que des variantes dans l’as­semblage de sous-structures que rien ne

révèle dans notre vie courante. Un neutron peut se transformer en proton, pourvu que soient émis simultanément un électron et un neutrino. Comme le neutrino traverse la matière sans interagir, nous !’oublierons dans la suite, et nous donnons à !’électron sortant le nom de rayon bêta8.

Rayon Bêta (nom masculin): reflet, lueur, rayonnement, radiation, faisceau, rai. particule bêta

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Déterminée, ambitieuse, passionnée… Marie Curie reste une grande figure féminine du XXe siècle. Après une enfance difficile, elle s’est plongée corps et âme dans la recherche scientifique, s’usant la santé dans des manipulations radioactives. Ayant découvert le polonium et le radium, elle a reçu maintes récompenses, dont le prix Nobel de Physique en 1903, et de Chimie en 1911. Elle est d’ailleurs la seule, hommes et femmes confondus, à avoir reçu deux fois cette prestigieuse récompense. Femme courage, la mort de Pierre Curie l’a poussée à poursuivre ses objectifs avec encore plus d’ardeur. Elle est la première à avoir enseigné à la Sorbonne. Sa carrière scientifique accomplie, elle a voulu mettre ses découvertes au service de l’humanité. C’est pourquoi durant la guerre, elle a mis en place le premier service de radiologie mobile. Ses travaux ouvriront aussi bien les portes de la physique nucléaire que de la radiothérapie.

07/11/1867 ­— 04/07/1934

MARIE CURIE

Marie Curie, de son vrai nom Maria Sklodowska, naît à Varsovie le 7 novembre 1867 au sein d’une famille d’enseignants. Les années passent tandis que l’occupation russe se fait de plus en plus oppressante pour les Polonais. Aussi, la famille Sklodowska doit faire face à des problèmes financiers de plus en plus graves, auxquels vont bientôt s’ajouter un terrible deuil : la soeur et la mère de Maria meurent du typhus et de la tuberculose. Cette douloureuse enfance fait naître en elle une détermination et une force considérable, qui la poussent à briller dans les études. Elle entretient alors une passion des sciences, rêvant secrètement à une grande carrière dans le domaine. Proche de sa famille, elle n’hésite toutefois pas à aider sa sœur, Bronia, qui désire plus que tout devenir médecin à Paris. Pour subvenir à ses besoins, Maria occupe un poste d’institutrice pendant plusieurs années. Lorsque Bronia acquiert son indépendance financière, elle invite aussitôt Maria à venir la rejoindre en France et se propose, à son tour, de l’aider à réaliser son rêve. Les premiers pas dans le monde scientifique Maria Sklodowska pose le pied à Paris en 1891. Assoiffée de connaissances, elle entre aussitôt à la Sorbonne et obtient sa licence de physique en 1893, puis une licence de mathématiques l’année suivante. Malgré sa timidité, elle se fait un réseau de connaissances dans le milieu scientifique. C’est ainsi qu’elle croise la route d’un certain Pierre Curie, enseignant à l’École de physique et de chimie industrielle de Paris. Tous deux se marient en 1895, un heureux événement qui ne détourne pas la jeune Maria, devenue Marie Curie, de ses objectifs. Soutenue par son mari qui partage sa passion, elle poursuit ses études, est reçue première à l’agrégation de physique. Henri Becquerel vient alors de découvrir le rayonnement naturel de l’uranium. C’est là un

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sujet parfait pour sa thèse. Un travail acharné couronné de succès. Marie Curie ne tarde donc pas à se pencher sur ce phénomène de rayonnement.

ELLE UTILISE POUR LA PREMIÈRE FOIS LE TERME “RADIOACTIF” POUR LE DÉSIGNER. Bientôt, les époux Curie consacrent une grande partie de leur temps à leurs travaux, dans un petit hangar à peine chauffé transformé en laboratoire. Le labeur finit par payer. En 1898, tous deux annoncent la découverte de deux éléments radioactifs alors inconnus : le polonium et le radium. Mais ne disposant d’aucune subvention et refusant de déposer un brevet, le couple poursuit ses recherches dans les mêmes conditions difficiles. En 1903, Marie Curie présente sa thèse sur les substances radioactives et reçoit, en même temps que son mari et Henri Becquerel, le prix Nobel de physique. Elle est la première femme à recevoir un tel prix. Le 19 avril 1906, Pierre Curie meurt renversé par une voiture à cheval. Marie Curie reste seule pour élever ses deux filles, Irène et Éve. Son courage et sa détermination prennent rapidement le pas sur son désespoir. Quelques mois après le drame, elle prend le poste d’enseignant de son défunt mari à la Sorbonne, devenant la première femme à y obtenir une chaire. Parallèlement, elle poursuit ses recherches sur le radium, pour lesquelles elle obtient le prix Nobel de Chimie en

1911. En 1914, son désir de consacrer un laboratoire d’études de la radioactivité est concrétisé par la fondation de l’Institut du Radium. Elle y dirige alors la section physique, chimie. Travaillant en collaboration avec Claudius Regaud, Marie Curie souhaite surtout mettre ses recherches au service de la santé. C’est donc naturellement qu’elle organise, durant la Première Guerre mondiale, un service de radiologie mobile pour soigner les blessés. Les rayons X permettent alors d’améliorer les conditions d’opérations chirurgicales. Une fois la guerre terminée, elle travaille et enseigne à l’Institut du radium et finit de transmettre sa passion à sa fille aînée, Irène (qui en 1935 se verra elle aussi décerner le prix Nobel de Chimie avec son mari Frédéric Joliot). Elle se rend à New York en 1921, où la journaliste Marie Meloney l’attend pour lui offrir, grâce à une souscription féminine, suffisamment d’argent pour acheter un gramme d’uranium. Sa renommée devient internationale. Déjà membre du Comité de physique Solvay, elle participe, dès 1922, à la Commission internationale de la coopération intellectuelle de la Société des Nations. Après avoir consacré sa vie entière à la science, Marie Curie s’éteint en 1934, des suites d’une Leucémie à laquelle les manipulations d’éléments radioactifs ne sont pas étrangères. Défiant tout sexisme, elle a permis une formidable avancée scientifique et reste l’une des plus grandes figures féminines de l’histoire des sciences.

http://www.linternaute.com/biographie/marie-curie/

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des protons

des neutrons

l’électron supplémentaire

• Quand il y a excès de protons, c’est le mécanisme opposé qui se produit : le proton se transforme en neutron, en émettant un électron de charge positive. C’est encore un rayon bêta.

• Nous voilà avec des noyaux recherchant désespérément un peu de paix et de repos et expulsant pour ce faire des alpha, des bêta, des gamma. Toutes ces particules sont invi­sibles, silencieuses, insaisissables, inodores et sans saveur, toutes appartiennent au monde infiniment petit de l’atome et du noyau.

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Tout au long des cascades de désintégra­tion, les noyaux ont la possibilité d’émettre de l’énergie sans changer de structure. Ils émet- tent dans ce cas des grains d’énergie électro­magnétique, les photons. Ces particules, qui accompagnent indifféremment les alpha et les bêta, sont appelées rayons gamma.

QU’AVONS-NOUS DONC À CRAINDRE DES PIQÛRES DE CES MOUCHERONS INFINITÉSIMAUX? Comment se mesure-t-elle ? Ce n’est pas la blessure d’un seul rayon qui peut nous gêner, mais les attaques massives d’immenses cohortes. Et nous avons vu que de gigantesques légions peuvent se cacher dans une simple pointe de crayon. Il est donc essentiel de dénombrer les troupes

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C’est le rôle de l’unité de mesure de radioactivité qu’est le becquerel9. Sa définition est on ne peut plus simple :lorsque, dans une popu­lation de noyaux, l’un d’eux se transforme ou se désintègre par seconde en moyenne, !’acti­ vité est de un becquerel. C’est parce que cette unité se situe au niveau de !’atome que les valeurs d’activité s’expriment en milliers, mil­liards ou milliards de milliards de becquerels. Lorsque nous mesurons la radioactivité, de très grands nombres sont donc fréquents et nor­maux. Retenons aussi que les becquerels comp­tent les émissions de « rayons » de radioactivité, sans se préoccuper de la nature de ce qni est émis, ni de !’énergie émise, encore moins de la destination et du destin des rayons émis. Nous savons quelque chose d’autre sur ces atomes radioactifs : leurs munitions sont en nombre limité, puisque chacun s’arrêtera d’émettre au bout de sa cascade de désinté­grations, une fois atteinte la paix recherchée. Ce qui fait la violence de !’attaque, c’est bien sür le nombre d’atomes radioactifs, mais aussi leur hâte à parcourir la cascade de désintégrations, c’est-à-dire le temps mis à se transformer. Ce temps est propre à chaque isotope et il est absolument invariable. La dis­parition des noyaux radioactifs est progres­sive : à tout instant, une partie de la population disparait, et cette proportion est constante. On mesure la vitesse de disparition d’une population d’isotopes tous identiques par le temps au bout duquel les effectifs de cette population sont divisés par deux. C’est la période10 de cet isotope. Le nombre de becquerels dépend donc à la fois du nombre de noyaux radioactifs et de leur période. Lorsque celle-ci est courte, les noyaux disparaissent à grande vitesse, ce qui fait plus

Que deviennent les rayons? Les particules émises se propagent jusqu’à rencontrer de la matière, dans laquelle chaque type de particule laisse une trace caractéristique. Par collisions successives, les particules dissipent leur énergie jusqu’à être arrêtées ou capturées. Si les flux de particules sont très intenses, comme c’est le cas dans un réacteur nucléaire, la matière peut non seulement s’échauffer mais aussi coir sa structure modifiée. Les parades contre les rayons sont simples. D’abord ne pas s’approcher des sources inconnues ou

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Le Becquerel (nom masculin): unité de mesure de radiation, équivalant à la désintégration d’un atome par seconde 10 La Période (nom féminine): époque, phase d’une evolution 9

s’en éloigner. C’est pour cela qu’elles portent des marque distinctives bien visibles: les « trèfles ». Ensuite s’en archer derrière des écrous qui interceptent les rayons. Cela consiste simplement à interposer de la matière entre la source et soi-même, pour capturer les particules ou en atténuer le flux. Il suffit d’une feuille de papier pour arrêter les alpha ed d’une feuille de métal pour les bêta. Pour les gamma, les écrans font plusieurs centimètres de plomb ou plusieurs décimètres de béton. L’eau et le béton sont de bons aboyeurs de neutrons, mais l’épaisseur se masure plutôt en mètres. Il faut enfin éviter que les particules radioactives ne se disséminent et contournent les écrans, et en particulier éviter qu’elles entrent dans notre organisme par l’air inspiré, les aliments, les boissons ou les plaies. Les précautions sont simples à énoncer et plus délicates à mettre en oeuvre, mais le métier s’apprend assez vite. L’effet est plus important sur les organismes vivants, qui sont plus délicats et plus vite perturbés. Supposons que des rayons alpha, bêta, gamma ou même des neutrons parviennent à nous frapper. Nous sommes irradiés. Que se passe-t-il alors?

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COMMENT LE REACTURE NUCLÉAIRE FUNCTIONER?


Une centrale électrique est une usine qui produit de l’électricité. Il existe des centrales thermiques, des centrales hydrauliques… et des centrales nucléaires. Toutes sont basées sur le même principe : faire tourner une turbine couplée à un alternateur qui fabrique de l’électricité. La différence de fonctionnement se situe au niveau de l’entraînement de la turbine. Dans les centrales hydrauliques, l’eau des barrages actionne la turbine. Dans les centrales thermiques classiques, un combustible fossile (charbon, gaz naturel ou pétrole) est brûlé pour transformer de l’eau en vapeur capable d’entraîner la turbine. Dans les centrales nucléaires, les noyaux d’uranium remplacent le combustible fossile. En se cassant, ces gros noyaux libèrent de l’énergie nucléaire, qui sera utilisée pour produire de la vapeur d’eau laquelle, de la même manière que dans les centrales thermiques, peut activer la turbine. Le premier réacteur nucléaire est construit en 1942, aux ÉtatsUnis, par Enrico Fermi. Il est constitué d’un empilement de 6 tonnes d’uranium métallique, 34 tonnes d’oxyde d’uranium et 400 tonnes de graphite. La “pile de Fermi” (appelée ainsi à cause des empilements) génère une puissance de 0,5 watt seulement. En France, le premier réacteur d’essai Zoé, est construit par le CEA dans son centre d’études de Fontenay-aux-Roses. Cette pile fonctionne pour la première fois le 15 décembre 1948. En 1953, sa

puissance est portée à 150 kW et elle cesse de fonctionner en 1976. Depuis, le bâtiment Zoé a été transformé en “musée de l’Atome”. Aujourd’hui, les réacteurs des centrales nucléaires françaises délivrent de 900 à 1 450 mégawatts* d’électricité. La chaudière nucléaire – présente dans les réacteurs – constitue la partie de la centrale nucléaire fournissant la chaleur nécessaire à la production de vapeur d’eau. Les autres éléments (turbine, alternateur, etc.) sont communs à toutes les centrales.

DANS UN RÉACTEUR NUCLÉAIRE, LA RÉACTION EN CHAÎNE EST MAÎTRISÉE AFIN DE MAINTENIR UN RYTHME DE FISSIONS CONSTANT. LES ATOMES FISSILES11 Le noyau de certains gros atomes a la propriété de se casser en deux sous l’effet d’une collision avec un projectile bien choisi. En l’occurrence, le neutron est un projectile particulièrement bien adapté. En effet, sans charge électrique, cette particule a la faculté d’approcher suffisamment près le noyau, chargé positivement, sans être repoussée par des forces électriques. Le neutron peut alors pénétrer à l’intérieur de ce noyau et le briser en deux morceaux. Il

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ne s’agit pas d’une explosion du noyau sous l’effet du choc mécanique avec le neutron, mais d’une cassure interne déclenchée par l’arrivée de ce neutron supplémentaire. C’est le résultat du bouleversement induit lors de l’intégration du neutron arrivant dans le noyau, sous l’action de la force nucléaire (voir dossier pédagogique L’énergie nucléaire : fusion et fission). La fragmentation12 du noyau est appelée réaction de fission. Un atome ayant la faculté de se briser en deux lors d’une collision est dit fissile. Les plus connus d’entre eux sont l’uranium 235 et le plutonium 239. Les deux morceaux obtenus après la fission d’un gros noyau sont les produits de fission. Ils sont la plupart du temps radioactifs.

Fissiles (adjective): Qui tend à se fendre facilement. 12 Fragmentation (nom féminine): Action de fragmenter 11

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Vapeur

Evaporateur Turbine

Condensateur

Fluide

RĂŠacteur Pompe

Ceuve de Confinement


Air Humide Electricité

Génératrice

Tour de refroidissement

Fluide




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