AgriMag 80

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stabilité des herbicides via la dégradation et surtout l’hydrolyse alcaline (à pH≥8) en particulier. L’hydrolyse des sulfonyurées dépend du pH et de la température. Elle est très rapide dans les solutions acides et lente dans les solutions neutres ou basiques. La vitesse d’hydrolyse est 10 à 40 fois plus rapide à pH 5 qu’à pH 7. Ainsi, la demi-vie (temps nécessaire pour que la moitié du produit soit dégradée) des sulfonylurées est de 4 jours à pH 4, 31 jours à pH 5 et supérieure à 362 jours à pH 6-9 (à la température de 20°C). Dans les milieux à pH neutre ou basiques, les sulfonylurées se trouvent principalement sous forme dissociée ce qui limite la vitesse d’hydrolyse. Pour avoir le maximum d’effet, un herbicide systémique de post-émergence doit être absorbé par la plante cible et véhiculé à l’intérieur de celle-ci pour atteindre le site d’action à une dose létale. Selon le pH de l’eau, une quantité d’herbicide va se dissocier en deux parties. Etant donné que la majorité des herbicides des céréales sont formulés sous forme d’acides faibles (dissociation partielle), ils sont beaucoup plus sensibles à la variation du pH de la solution. Aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur de la plante, l’état moléculaire d’un herbicide (neutre ou ionisé) influe beaucoup sur le devenir de l’herbicide. Cet état dépend beaucoup du pH. Ainsi, le pH affecte beaucoup l’absorption des herbicides par les feuilles des plantes traitées. En général, les eaux à pH acide (46) sont souhaitables pour les herbicides classés acides faibles, La dissociation de ces herbicides est plus importante dans les eaux à pH basique, La forme dissociée (chargée négativement) de ces herbicides est moins absorbée que la forme non dissociée (neutre), L’idéal c’est d’avoir un pH qui minimise la dissociation, d’où l’importance de la connaissance de la constante d’équilibre de dissociation ou

Photo Mohamed Mihi

Opération de désherbage du blé bien réussie dans la région de Séfrou.

constante d’acidité (Ka) de chaque produit et par la suite la détermination de son pka (= -logKa). Tout pH inférieur ou égal au pka (pH auquel les quantités de la forme neutre et chargée sont égales) du produit est favorable à son absorption: pka 3-5 pour les sulfonylurées, pka 2,8 pour 2,4 D. En outre, la partie du produit chargée négativement va réagir avec les cations de la solution pour former des complexes et par la suite réduire son absorption. Vu l’impact direct du pH de l’eau utilisée pour la préparation de la bouillie de pulvérisation, il est recommandé d’ajuster le pH à un niveau qui garantit la meilleure sélectivité et le maximum d’efficacité du produit choisi. Cet objectif pourrait être obtenu par l’ajout d’adjuvants de type acidifiants ou l’acide sulfurique, ou l’acide phosphorique ou le sulfate d’ammonium. La quantité à ajouter nécessite que le manipulateur soit doté d’un pH mètre. Cet ajustement est impératif dans le cas où l’agriculteur a préparé sa bouillie à base d’un herbicide sensible à l’hydrolyse alcaline et devant retarder de plus de 24 heures son application. A l’image des pluies acides, une eau trop acidifiée risque de brûler la végétation (culture et mauvaises herbes) avant l’action de l’herbicide. La correction de du pH de l’eau doit être effectuée avant d’incorporer l’herbicide.

Dureté de l’eau de bouillie

Le deuxième paramètre (par ordre

d’importance) de la qualité de l’eau est sa dureté. La dureté de l’eau ou titre hydrotimétrique indique généralement sa teneur en ions calcium (Ca2+ ) et magnésium (Mg2+). Parfois les ions fer (Fe2+) et sodium (Na+) sont aussi pris en considération. Elle est exprimée en mg/l, ppm ou en degré. En France, le titre hydro-timétrique en degré français (TH°F) est l’unité de mesure la plus utilisée avec 1 degré = 4 mg de calcium ou 2,4 mg de magnésium par litre. Sur la base de la teneur en ces ions, l’eau peut être douce (75 ppm), à dureté modérée (75- 150 ppm), eau dure (150- 300 ppm) et eau très dure (> 300 ppm). Ainsi, la dureté de l’eau ne devrait pas être confondue avec la notion de pH, qui dépend des de la concentration des ions hydrogènes (H+) et indique l’alcalinité ou l’acidité. En général, les eaux des régions calcaires ou magnésiennes sont dures, celles des régions granitiques ou siliceuses sont douces. Il existe plusieurs techniques pour connaître la dureté d’une eau, selon la précision recherchée. Au laboratoire, le dosage des ions Ca2+ et Mg2+se fait par complexométrie avec l’EDTA (Chélatant puissant) en milieu basique, avec spectrométrie d’absorption atomique ou avec chromatographie ionique. Le kit de bandelettes est une méthode rapide mais reste peu précise même en utilisant une échelle de dureté. Une astuce pratique et de terrain consiste à savonner les mains avec un détergent, si ça mousse pas c’est que votre eau est dure ou très dure.

La dureté de l’eau réduit l’efficacité de certains herbicides, notamment ceux dont une partie, suite à la dissociation de la molécule, est chargée négativement. L’effet d’une eau dure vient de l’interaction entre un ou des cations de l’eau (calcium et magnésium) et la substance active de l’herbicide chargée négativement. Cette interaction donne naissance à des complexes à solubilité réduite, à risque de précipitation élevé et enfin à vitesse de pénétration dans la plante très faible à nulle. Par conséquent, l’effet biologique recherché de l’herbicide est neutralisé. La réaction des herbicides à la dureté varie selon son type ou sa catégorie. Ainsi, 2,4D amine est affecté à partir d’une dureté = 500 ppm, Dimes et sulfonylurées à d = 400 ppm, Fops à d = 200 ppm et enfin le Glyphosate à d = 150 ppm. Une eau dure ou très dure doit donc être corrigée pour optimiser l’efficacité du traitement. La réduction de la bouillie (donc réduction de la quantité des ions de la solution) ou augmentation de la dose du produit sont des solutions envisageables mais limitées. Bien qu’il existe des adjuvants spécifiques qui permettent de corriger en partie la dureté de l’eau (jusqu’à 200 ppm), l’ajout du sulfate d’ammonium (engrais) (1 à 5 kg/100L) reste la méthode la plus efficace et économique. Effectivement, l’utilisation du sulfate d’ammonium pour corriger une eau très dure du Béni Amir au Tadla, avait permis d’améliorer l’efficacité du glyphosate sur la morelle jaune

Tableau 1 : Principales familles d’herbicides utilisables sur céréales au Maroc (Index Phytosanitaire Maroc, 2014). Famille d’herbicides

Nombre

Contribution (%)

Phytohormones

34

43,6

Sulfonylurées

20

25,6

Fops, Dimes et Dens

14

18,0

Pytohormones/sulfonylurées

2

2,6

Fops/Sulfonylurées

1

1, 3

Total

71

91,1

Agriculture du Maghreb N° 80 Déc. 2014 / Janv. 2015

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