Agriculture du maghreb n° 61

Page 92

Elevage

L’élevage de l’autruche au Maroc : mise au point historique Pr Jamal Hossaini-Hilali, IAV Hassan II (Rabat) Nous avons eu l’occasion de lire, ces dernières années, des articles publiés dans la presse nationale relatifs à des expériences, plus au moins réussies, de l’élevage de l’autruche au Maroc (région de Temara, Taroudant et Dakhla). Les journalistes et commentateurs écrivaient dans les manchettes et chapeaux « premier élevage de l’autruche au Maroc » ou « Mr tel, pionnier de l’élevage de l’autrucs che au Maroc ». Si les mots « premier » et « pionnier » sont à la limite acceptable de la part des journs nalistes qui travaillent sous la pression quotidienne de l’urgence, ils doivent, en outre, interpeller l’historien et le technicien de l’élevage. L’objectif de la présente note est de rapporter quelques données historiques sur les débuts de l’élevage de l’autruche à l’échelle mondiale et au Maroc en particulier.

L

’autruche est avant tout un oiseau sauvage. Il commença à se raréfier à l’état sauvage des pays du Maghreb vers le milieu du 19ème siècle. On commença alors à entreprendre des essais pour le « domestiquer » et réussir son élevage à l’état de captivité. Vers 1850, le directeur des pépinières du gouvernement général de l’Alggérie, sous colonisation française, se mit à l’œuvre et réussit à avoir un troupeau d’autruches capables de se reproduire en état de captivvité. Comme s’était une première mondiale, on pouvait lire dans les articles de presse des commentairres célébrant cet événement « Dès 1862, la France, créatrice de prospérrité ainsi qu’à l’ordinaire, fournit la preuve que son nouvel empire nord africain est capable d’assurer de génnéreuses ressources en plumes éléggantes à Paris capitale de la mode ». Pour des raisons diverses, les essais entrepris en Algérie ont été abanddonnés et ce sont les colons holllandais et anglais en Afrique du sud qui allaient prendre la relève. Au 19ème siècle, on élevait l’autrucche pour récupérer ses plumes qui étaient très prisées par les créateurs de mode parisienne et incorporées dans divers articles de mode (chappeau, éventail, boa etc..). Les plummes et dérivés étaient vendus dans des plumasseries. La demande était très forte. Durant la période 19111913, la France importait près de 50 millions de Francs de plumes d’autruches ce qui représentait les 3/4 de la production mondiale. Dans son « Histoire du Maroc », Albert Bitbol nous informe « qu’en 1856, les exportations agricoles du Maroc vers la France et l’Angleterre

92

Agriculture du Maghreb N° 61 - Juillet/Août 2012

comportaient de la laine, des grains, des peaux, des huiles et des plumes d’autruche ». Dans une brochure de vulgarisattion sur l’élevage de l’autruche pubbliée par le Service de l’Elevage au Maroc en 1920, il est indiqué que le Maroc possédait à Meknès un trouppeau d’autruche qui a vécu à l’état semi sauvage durant deux siècles environ. En effet, un couple d’autrucches, donné en cadeau au Sultan Moulay Abdellah, a été mis dans les jardins de l’Aguedal à Meknès où il trouva des conditions favorables pour vivre et se reproduire. Les jarddins contenaient une herbe abonddante, du bon foin et une luzernière irriguée. L’Aguedal était entouré de murailles et constituait donc un bon parc pour des oiseaux courreurs. Sous le règne du Sultan Sidi Mohammed Ben Abdellah, la poppulation a augmenté (112 oiseaux). Sous le règne de Moulay Hassan I, seul 5 oiseaux survécurent et le restte du troupeau a été décimée par la maladie et/ou la consanguinité. Dans son palpitant carnet de voyagge « Au Maroc », Pierre Loti, écrivait qu’il fallait un permis spécial de la part du Sultan pour visiter les jardins de l’Aguedal à Meknès. Il a

décrit ainsi ces jardins « Nous resttons saisis devant la nudité immense d’une espèce de prairie sans fin à l’herbe rase semée de marguerites, où paissent à l’état sauvage des trouppeaux de chevaux et de bœufs, où courent dans le lointain des bandes d’autruches » Profitant de ce noyau d’autruches (31 têtes en 1915) et cet environnemment adéquat, les autorités du prottectorat ont commencé dès 1914 à entreprendre des essais méthodiqques d’élevage et une autrucherie fut créée dans l’Aguedal de Meknès sous la direction de Mr. Chapais. Au niveau du Service de l’Elevage centtral, on désigna le vétérinaire Aubry pour encadrer et suivre ces essais. Une des actions menées par ce dernnier est de rédiger une brochure de vulgarisation rassemblant les donnnées techniques pour bien réussir un élevage d’autruches. Le but finnal étant d’encourager les colons à entreprendre ce type d’élevage car « il fallait doter le protectorat d’un précieux revenu aux portes même du Marché [la France] ». Grâce à l’application des règles d’hygiène, d’un calendrier alimenttaire approprié et au suivi vétérinnaire, l’autrucherie de Meknès qui

comptait au départ 31 oiseaux en 1915, en comptait 78 en 1918. On en a pris une partie pour servir de base pour la création de l’autrucherrie de Marrakech où le climat plus sec a été plus favorable à la croisssance des autruchons. Quelques couples allaient être donnés à un colon : Mr Gabriel Veyre. Gabriel Veyre ou Dr Veyre, pharmaccien de formation, est connu dans l’histoire du Maroc, non pas pour l’élevage de l’autruche, mais plutôt pour son séjour au palais de Moullay Abdelaziz pour initier, en apparrence, le jeune sultan aux nouvelles technologies de l’époque (photoggraphie, cinéma, train, vélo etc..). Il a laissé une trace écrite de ce séjour « Dans l’intimité du sultan, 1901-1905 ». D’après un article qui lui est consacré dans le site Internet www.terrevie.net, Veyre s’installa à Casablanca où, il entreprit différenttes activités industrielles et commmerciales avec des participations dans la presse écrite. Il montera les usines du grand Socco, à partir desquelles l’électricité sera distribbuée pour la 1ère fois à Casablanca. Il fondera le garage Auto-Hall et deviendra en 1909 le concessionnnaire exclusif de la marque Ford. Au début du protectorat, il acquiert une ferme dans la région de Dar Bouazza où il entreprend divers esssais d’acclimatation des espèces et races animales. Veyre continua les expériences, entreprises à Meknès par le vétérinaire Aubry, sur le systtème de l’incubation artificielle des œufs d’autruche au moyen de couveuses. Ces expériences ont été encouragées par les autorités agriccoles de l’époque notamment Mr Malet (Directeur de l’Agriculture, du Commerce et de la Colonisation) et du Dr Monod (Directeur du Service de l’Elevage). Après les années vingt, la demands de parisienne en plumes s’effs fondra et l’intérêt économique d’élever un oiseau juste pour son beau plumage devient caduc. Il faut attendre la fin du 20ème siècle pour qu’il y ait un regain d’intérs rêt dans l’élevage de l’autruche mais cette fois, non pas pour son beau plumage, mais pour les bienfaits alimentaires de sa viande, moins riche en cholestérs rol, comparativement à d’autres viandes animales. Mais ça c’est une autre histoire !


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.
Agriculture du maghreb n° 61 by AGRICULTURE du MAGHREB - Issuu