ALERTE !
Une Cécidomyie identifiée sur Myrtillier au Maroc
Plus de vigilance s’impose pour les ravageurs émergeants Par Professeur Abdelmalek BOUTALEB JOUTEI Ecole Nationale d’Agriculture-Meknès Email: Boutaleb@enameknes.ac.ma Boutaleb10@yahoo.fr
L
es Myrtilles sont des fruits bleu-noir à la saveur douce et légèrement sucrée, qui poussent sur le Myrtillier (Famille des Ericaceae et genre Vaccinium), arbuste touffu et vigoureux. Le terme myrtille recouvre tous les fruits du genre Vaccinium comme le bleuet américain (Vaccinium corymbosum). La myrtille est originaire d’Eurasie et d’Amérique du Nord. A travers le monde, on connaît les propriétés médicinales de la myrtille, ces baies ont divers vertus, notamment la protection contre le cancer vu leurs richesse en flavonoïdes, leur action antioxydante et leur richesse en vitamines (A, C et K). Au Maroc, le Myrtillier se développe très rapidement, cette culture a démarré en 2008 avec 150 ha et occupe actuellement une superficie aux environs de 1.400 ha, soit 30% des cultures de fruits rouges dans le périmètre du Loukkos (Le périmètre du Loukkos concentre les 4/5ème de la production). La production marocaine est estimée à 16800 tonnes et atteint un rendement moyen de 12 tonnes/ha. Malgré un coût d’investissement relativement élevé, la myrtille représente un fruit à forte valeur ajoutée avec un prix de vente moyen de 70 DH/kg. La quasi-totalité de la production est destinée à l’export vers l’Europe et l’Amérique du Nord. La myrtille marocaine est très connue à l’échelle internationale, donc il est très judicieux de la protéger surtout avec la compétition de l’Espagne sur le marché Européen. Entre 2013 et 2017, la superficie de myrtilles cultivées dans la province de Huelva a augmenté de près de 33% atteignant actuellement les 3059 Ha. Les Myrtilles occupent la deuxième position pour les cultures de fruits rouges en termes de superficie sur un total de 11 464 hectares de fruits rouges dans la province de Huelva pour la campagne 2018/2019. Comme toute culture, le Myrtillier est sujet à plusieurs maladies et ravageurs qui peuvent
affecter considérablement la production. Le «Compendium of Blueberry and Cranberry diseases» de la Société américaine de phytopathologie, mentionne 18 maladies de la myrtille d’Amérique causées par des champignons. Egalement, plusieurs groupes d’insectes, et depuis quelques années aussi la drosophile à ailes tachetées, peuvent également causer d’importants dégâts. La liste de ces ennemis est connue dans certains pays producteurs de ce fruit, surtout aux EtasUnis (Pays d’origine de cette culture) cependant au niveau national et après 11 ans de l’entrée de la culture de la myrtille, aucune étude détaillée n’a traité de cet aspect dont la connaissance et la maîtrise sont d’une importance capitale pour les producteurs. Egalement, avec le changement des itinéraires techniques (introduction de nouvelles variétés, fertilisation, application de pesticides, irrigation, etc.) et les changements climatiques qui sont devenus évidents, le suivi annuel de cette culture devient une nécessité pour bien maîtriser les problèmes phytosanitaires locaux et émergeants, avoir des rendements meilleurs et être compétitifs sur le marché international et national. En mars 2018 des échantillons de feuilles de Myrtillier présentant des feuilles apicales enroulées (extrémités sénescentes et brunes) ont été recueillis dans des serres dans la région d’Agadir. Egalement des adultes et des larves d’insectes de très petite taille ont été récupérés dans des tubes Eppendorf. Les échantillons adultes ont été observés sous loupe binoculaire à différents grossissements, puis certains individus ont été montés entre lame et lamelle et observés au Microscope à différents grossissements. Deux clés d’identification ainsi que d’autres documents traitant des aspects de morphologie et de taxinomie ont été utilisées pour la détermination du genre et de l’espèce.
Figure 1 : Adulte Dasineura oxycoccana avec détail de la nervation des ailes (a) et de l’ovipositeur étalé de la femelle (b)
a
b
1- Identité du ravageur
L’identification des différents spécimens d’adultes récoltés a montré que presque la totalité des adultes observés (11 adultes /12 récupérés) appartiennent au Genre Dasineura sp. et à l’espèce Dasineura oxycoccana (Johnson) (Figure 1.). L’identification de l’espèce a été confirmée au niveau international. En fait, la confirmation de l’espèce du ravageur constitue la pièce pyramidale la plus importante pour aboutir à une stratégie de lutte efficace. L’identification taxonomique a été faite en identifiant les différents critères menant vers: - Famille: Cecidomyiidae - Sous famille : Cecidomyiinae (Itonidinae selon PRITCHARD) - Super tribu : Cecidomyiidi - Tribu : Oligotrophini - Genre : Dasineura - Espèce : Dasineura oxycoccana (Johnson)
2- Taxonomie
D’après les dernières clés d’identification établies au niveau international, les Cecidomyiidae sont divisées en 6 sous-familles : Catotrichinae, Cecidomyiinae, Lestremiiminae, Micromyiinae, Porricondylinae et Winnertziinae. La sous famille des Cecidomyiinae constitue la sous-famille la plus récente, la plus importante et la plus diversifiée, avec presque 5000 espèces décrites. La sous famille des Cecidomyiinae constitue un groupe monophylétique qui est divisé en quatre super-tribus dont la tribu des Cecidomyiidi est la mieux connue, la plus diversifiée et regroupe entre autres les espèces phytophages. L’espèce identifiée Dasineura oxycoccana appartient à la famille des Cecidomyiidae qui comporte plus de 1200 espèces connues en Amérique du Nord et dont 75% sont présumées être phytophages. Dans le genre Dasineura, on peut citer la Cécidomyie du genre Brassica (D. brassicae Winn.); la Cécidomyie du cassis (D. tetensi (Rübsaamen)), la Cécidomyie du pommier (D. mali Keiffer) et la Cécidomyie du poirier (D. pyri (Bouché)). La Cécidomyie du Bleuet a été décrite pour la première fois sous le nom de Cecidomyia vaccinii par Smith en 1890, rebaptisé plus tard Cecidomyia oxycoccana puis placée dans le genre Dasyneura (= Dasineura) en 1948. www.agri-mag.com