ARS MORIENDI, de l'art de bien mourir aujourd'hui

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ARS MORIENDI j De l’art de bien mourir aujourd’hui



agnès denat †

diplôme supérieur d’arts appliqués créateur-concepteur option création industrielle 2010/2011 FORM, Lycée Rive Gauche, Toulouse



Avant-propos

ARS MORIENDI, De l’art de bien mourir

L’ARS MORIENDI apparaît vers le XV siècle, sous les traits de plusieurs ouvrages anonymes largement diffusés et appréciés dans une Europe pré-renaissance. Interrogation légitime sur la mort et l’homme, ces livres formulés à la manière de guides entre religion et philosophie, se proposaient de donner aux croyants les clefs de l’art de bien mourir. Les temps ont bien changé depuis et pourtant à l’ère des libertés, des tabous surmontés, et de la vérité scientifique, il semble bien que nous ayons omis d’une manière volontairement inconsciente, d’apprendre tout simplement à parler de la mort. Ce mémoire a pour volonté de s’inspirer librement du concept de l’Ars Moriendi, et de proposer ce que serait un guide du bien mourir à notre époque pour l’homme d’aujourd’hui. Le ton trouvé, le pas franchi, me voici prête à vous emmener dans une réflexion autour des problématiques actuelles liées à la mort. Vous y trouverez je l’espère tout ce que vous avez besoin de savoir, si d’aventure un jour vous prévoyiez de trépasser.


Première partie : l’homme et la mort La mort de soi La mort de l’autre La mort bavarde

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Deuxième partie : Historique du rapport à la mort en occident Mort civilisation et religion Us et Coutumes occidentales Rapport de l’homme occidental à la mort

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Troisième partie : L’art funéraire Un « art » funéraire 43 Art et pérennité 44 L’âge d’or de l’art funéraire 47 La pierre, matière de la pérennité 50 Symbolisme et codes 52 Quatrième partie : Le marché funéraire Le marché funéraire 59 Un secteur en mutation 60 Législation 63 Entretien avec Mr mamy 65


Table des matières Cinquième partie : Les limites du marché Le business de la mort Le catalogue Les tarifs Le manque d’information Partir en fumée Des intéressés qui ont changés Bilan

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Sixième partie : Conclusion et recommandations pour l’avenir Évolution bientôt possible? Un design funéraire timide mais existant Des initiatives novatrices

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Septième partie : Ebauche du Projet Pour toi pour moi pour eux Pour un design funéraire de produits et de services Quelques pistes de recherches La fin est proche Annexes Glossaire Bibliographie /Revue de presse/Documents audiovisuels / Webographie/ In loving memory

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Première partie : l’homme et la mort La mort de soi La conscience de l’inévitable Toutes les bonnes choses ont une fin,prendre conscience de la mort et de sa propre mort fait partie intégrante de notre rapport à l’existence. C’est souvent suite à un événement plus ou moins marquant qu’enfant nous en avons pris conscience, la première confrontation à la lucidité reste souvent gravée dans nos mémoires, et résulte dans le fait, première sensation de panique passée pour certains, que nous sommes face à un tourbillon de questions qui resteront sans réponses. Ce n’est pas la mort en soi qui trouble mais tout simplement le fait de ne pouvoir l’expliquer, la prévoir. Je meurs, oui, et après ? Y-a-il un après ? Et si il n’y avait pas d’après ?

« Quand on pense à quel point la mort est familière, et combien totale est notre ignorance, et qu’il n’y a jamais eu aucune fuite, on doit avouer que le secret est bien gardé ! » V. Jankélévitch1

Voici des interrogations bien ancrées dans notre époque, à l’ère où nous pensons pouvoir scientifiquement tout expliquer, nous nous flattons pour ce qui ne l’est pas encore, d’y parvenir à force d’avancées technologiques. Il faudra donc se résoudre à admettre, non sans difficultés que la mort demeurera toujours cette familière grande inconnue, et ceci constitue le premier pas vers la réconciliation et donc vers son acceptation. À la bonne heure Jadis les moires, ou parques pour les romains, étaient gardiennes de la destinée de chaque homme, à leurs naissances elles filaient le fil de leurs vies, et décidaient de l’heure de chacun en le coupant. Nous avons tous une heure d’arrivée et une de départ, inconnue dans la majorité des cas, à nous de nous en accommoder, et de s’y préparer. L’inévitable tient 1

Jankélévitch Vladimir, La mort, Flammarion 1977

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toujours ses engagements, nous n’y couperons pas, nous voici donc face à ses fameux petits caractères en bas du contrat. D’ailleurs ne pas pouvoir prévoir une date, ne signifie pas ne pas pouvoir se préparer. Autant commencer avec ce qui fâche, et profiter pleinement de sa vie ensuite. Penser sa mort Une fois le deuil de sa propre existence fait, il ne reste plus qu’à mettre un peu d’ordre avant le départ, penser à faire un peu de tri, nourrir son poisson rouge, et pourquoi pas préparer à l’avance votre dernière petite fête, celle à laquelle vous ne pourrez être présent, cela soulagera probablement énormément vos invités. Une fois les détails réglés avec des professionnels de l’organisation de ce genre de fêtes, rassurez vous, vous pourrez pleinement profiter de votre vie. Louis-Vincent Thomas, a d’ailleurs mis en avant le pouvoir métamorphosant de la mort sur des individus qui connaissaient l’arrivée à échéance de leurs vies, dans le cas de maladies par exemple. Souvent ces personnes sont saisies d’un incontrôlable sursaut de vitalité, voulant accomplir tout ce qu’elles n’ont pas encore eu le temps de faire. Mais avonsnous réellement besoin de connaître nos dates limites pour tout simplement vivre dès à présent ?

La mort de l’autre Fin du toi et d’une partie de moi Connus ou inconnus, lointains ou proches de nous, ce sont dans le monde et à chaque seconde deux personnes qui s’éteignent quand trois fois plus s’éveillent. Voici de quoi relativiser un peu sur sa propre existence au milieu de tout cela, en fin de compte, quoi de plus naturel que la mort ?

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La mort de l’autre est souvent vécue comme un déchirement, une injustice, il est en effet plus facile d’accepter sa propre mort que celle de ceux qui nous sont chers. Le problème récurrent est encore une fois l’acceptation, nous ne sommes plus habitués à la côtoyer au quotidien comme ce fut le cas des siècles auparavant. L’idée même que l’autre puisse mourir est bannie. Françoise Dolto2 pose ce constat, n’a-t-on jamais entendu cette phrase révélatrice, lorsqu’une personne âgée sentant ses jours comptés communique ses doutes à sa famille, généralement cette dernière lui répond quelque chose qui s’apparente à un : « tu n’y penses pas…mais non... tais-toi… » coupant court à tout dialogue. Le tabou lié à la mort, n’est véritablement pas une aide dans le travail de deuil. C’est ainsi qu’au cours des dernières décennies les médecins ont reconnu en certaines formes de dépressions liées à la perte d’un être cher, une forme de deuil pathologique, émanant de la difficulté à pouvoir s’exprimer librement sur la mort de l’autre et sa peine. Dans le cas présent où toute idée de la mort est considérée comme anormalement morbide, la recommandation faite est l’oubli, passer à autre chose le plus rapidement, se débarrasser de cet état de fait encombrant et dérangeant. La perte de l’autre entraine la perte d’une partie de soi, celle que l’autre détenait et qui ne sera plus, la mort d’un proche renvoie fatalement à sa propre mort, chaque être perdu nous amenant à nous demander qui sera le suivant. Entre deuil et conventions Situation de l’après-décès pour « ceux terme provient du latin dolere qui Jusqu’au XIX siècle, le deuil est représente une convention sociale,

qui restent », le signifie souffrir. très codifié, il limitée dans le

Dolto Françoise, Parler de la mort, Gallimard 1998, propos recueillis durant la conférence de Françoise Dolto à l’E.P.C.I le 16 octobre 1985. 2

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temps durant laquelle la famille, adopte des attitudes et comportements spécifiques permettant à la communauté de reconnaitre et d’identifier le décès. Le deuil, à mesure que le temps passe apaise et réconcilie les vivants. A partir du XIX siècle, l’idée de la mort commence à déranger, les mentalités ont évolué de même que la mort, celle qui a longtemps côtoyé le quotidien s’éloigne peu à peu, les décès sont moins coutumiers, les progrès de la médecine y sont pour quelque chose de même que les conditions de vie. La perte de l’autre devient alors plus difficile, elle est vécue comme un anéantissement, une douleur personnelle et non plus communautaire. La mort est une tragédie à laquelle les vivants ne peuvent se résoudre, entrainant ainsi un deuil qui devient personnel et non plus exposé, plus familial que social. Le deuil est une étape indispensable dans l’acceptation de la disparition de l’autre, il ne s’agit pas d’oublier bien au contraire, mais plutôt de consentir à la mort pour mieux continuer à vivre. Pourtant, porter le deuil actuellement, c’est accepter d’être rejeté par la communauté le temps qu’il durera, le deuil dérange, car renvoi l’image au delà de celle de la mort, de la douleur et de la disparition de soi. Le deuil est perçu selon Louis-Vincent Thomas3 comme contagieux, passées les premières condoléances de circonstances apportées par l’entourage plus ou moins proche, les familles se retrouvent démunies, seules face aux regards gênés d’une société qui a renié la mort.

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Thomas Louis-Vincent, La mort, Payot 1975


La mort Bavarde « L’accident…centrale… 24 morts, …aujourd’hui…en direct…séisme …plus de 50 000 morts…une soixantaine de blessés, 4 morts dont le …..Images prises… vidéo amateur…»

Symptomatique d’une société vivant à travers le prisme des médias, la mort dernier tabou d’une société dite libérée, est pourtant devenue bavarde. La mort spectacle Nous assistons malgré nous aux dérives de nos systèmes d’informations. Nous sommes tous des informateurs potentiels, mais pas des journalistes, ainsi, pas de contrôle, de vérifications, de respect de l’image et de l’intimité. Notre position quant à la mort est ambiguë, comme toujours entre attraction et répulsion. Et pourtant il faudra en montrer toujours plus, choquer et faire ainsi grimper l’audimat. Voici qu’en l’espace de deux décennies nous aurons vu en direct sur nos écrans de télévision et d’ordinateur, la lente agonie de cette fillette indienne piégée par les coulées de boues, un show de téléréalité anglais diffusant les derniers instants de Jade Goody atteinte d’un cancer, sans omettre la vidéo de l’exécution de Saddam Hussein largement diffusée sans réelle restriction sur internet, ou cette mère italienne qui en octobre 2010 apprenait en direct au cours d’une émission à forte audience, le viol et la mort de sa fille de 15 ans. Impensable il y a quelques années, la mort est banalisée, et la norme se trouve dans un voyeurisme macabre.

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Entre image(s) et mort(s) Montrer la mort n’est pourtant pas un inédit, n’oublions pas le temps des exécutions en place publique, en nuançant néanmoins sur un point au delà de la vision macabre que nous évoque un tel spectacle, il s’agissait ici de rendre la justice devant témoin à une époque de « mort apprivoisée » (Philippe Ariès4) . Et qu’en est-il pour ne citer que cet autre exemple des portraits post mortem très en vogue à la fin du XIXème siècle ? Plutôt une façon de conserver au sein de l’intimité familiale une ultime vision d’un être cher ayant trouvé un repos éternel. La mort fascine, interroge, et intimide, quoi de plus normal ? Mais pour revenir à la diffusion de la mort par l’image, constatée aujourd’hui, peut-elle nous apporter quelque connaissance sur celle-ci ? Selon Jankélévitch5 , la banalisation désamorce le tragique, et ne revient pas à anéantir le déni lié à celle-ci. Les morts que l’on nous présente sont des « défunts à la troisième personne » détachés et lointains car perçus à travers les filtres de l’objectif et de l’écran. Il est peu probable que nous puissions un jour en tirer quelque enseignement sur la mort, et encore moins sur notre propre mort.

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Ariès Philippe, L’homme devant la mort, tome 1, le temps des gisants, Seuil 1977 Jankélévitch Vladimir, La mort, Flammarion 1977

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Deuxième partie : Historique du rapport de l’homme à la mort en occident Mort, civilisations, et religions Du terrestre à l’au-delà, la société et l’individu face à la mort

Des premières sépultures aux prémices du christianisme, l’étude des différentes civilisations qui se sont succédées ou côtoyées, permet de dégager certaines tendances qui mettent en place peu à peu le rapport de l’homme occidental, que nous sommes, face à la mort. L’équilibre entre individu, société et mort est précaire mais l’exemple de ces sociétés prouve que ce dernier est possible dans le cas où la mort n’est pas occultée, et où la place de l’homme qu’il soit ou qu’il fut est parfaitement ordonnée et déterminée. Cet équilibre passe par la nécessité de transmettre sous la forme d’un culte des morts, une certaine reconnaissance et la certitude de ne jamais les oublier.

« La mort n’a rien de tragique. Dans cent ans, chacun de nous n’y pensera plus. » Boris Vian

A l’origine Les plus anciennes sépultures retrouvées datent d’environ cent mille ans, à l’époque du paléolithique moyen, c’est au Proche-Orient que l’on trouve les premières preuves d’une inhumation intentionnelle des morts, à Skhul et Qafzeh en Israël, et à Qena en Egypte. Dans ces premières tombes sont enterrés des représentants de l’espèce Homo sapiens. Ces traces permettent de marquer le point de départ d’une conscience et d’un attachement à la vie en communauté, en d’autre terme, une humanité. Les Homo Sapiens par leur volonté d’inhumer leurs défunts, démontrent un sentiment de regret, de respect envers les morts, ceux-ci n’étant pas abandonnés à la nature. Ceci est le début de la démarche funéraire humaine. La volonté d’honorer les défunts d’un groupe, implique que la mort n’est pas

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considérée comme la fin de l’existence sociale, mais que celle-ci se perpétue. Cela suppose l’existence pour ces individus de croyances spécifiques liées à la mort, et à son après. Sans évoquer encore le fait d’une religion, nous pouvons toutefois avancer la possibilité d’une croyance en des forces naturelles, et en une « après vie ». Les corps étaient protégés, allongés et installés dans des endroits clos, où l’on retrouve la trace d’offrandes telles que des fleurs, de la nourriture, ou des objets. Désormais, les objets liés aux pratiques funéraires compteront parmi les supports privilégiés de l’art.

Bélier en or provenant du cimetière royal d’Ur, XXVIème siècle avant Jésus-Christ.

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Mésopotamie Chez les Mésopotamiens, rites et pratiques funèbres figurent le changement d’état du défunt, afin d’en faciliter le passage. Les règles d’inhumation, sont complexes visant à préserver l’intégrité de la dépouille. Les Mésopotamiens font preuve de la même attention scrupuleuse à l’égard des tombes, enclos souterrains sacrés réservés aux morts. Il faut prendre garde à ce qu’elles demeurent inviolées, soient préservées du pillage et de la destruction de façon à ne jamais troubler la quiétude du défunt dans son éternel repos. La société mésopotamienne est extrêmement attachée au lieu d’inhumation, ceux-ci étant les garants de leurs ancêtres. En ancrant leur société avec leurs morts, les Mésopotamiens créent une stabilité sédentaire grâce à une stricte délimitation de leur territoire fondée


sur la place de leurs morts. En temps de guerre, il ne suffit pas de détruire les biens matériels ou de réduire en servitude une nation ennemie, avant cela, il faut symboliquement l’arracher à ses morts. L’absence de sépulture étant considérée comme synonyme des cultures primitives. Sans l’enracinement du à ses mort, la société mésopotamienne perdrait sa stabilité, sa consistance, et sa cohésion. Egypte ancienne Avec la civilisation égyptienne, l’importance de la mort et de sa ritualisation va atteindre son paroxysme. En effet, les croyances de ces derniers présentent la mort au centre même de la vie, celle-ci n’étant qu’une préparation à l’après vie et au concept inédit jusqu’à lors, celui de l’immortalité. Pour ce peuple, le soleil meurt chaque jour pour renaître chaque matin. Il en va alors de même pour toute autre forme de vie. C’est le pharaon qui représente son peuple dans le long voyage entre la vie et le royaume des morts, si le pharaon meurt, c’est à travers lui qu’il renaitra. Le voyage du pharaon défunt nécessite beaucoup de préparation. Au moment du décès, le corps spirituel est séparé en trois éléments qui dans la vie étaient reliées par le corps matériel. Pour accéder à l’éternité, le ba (l’âme), le ka (l’énergie spirituelle) et l’akh (l’étincelle de vie) doivent être à nouveau réunis. Pour cela, temples ou tombes érigés pour le défunt, et pour son corps momifié, sont le support nécessaire à la réunification des trois entités qui composent l’individu. Enfin une dernière formalité avant d’accéder à la seconde vie, L’âme du défunt est pesée devant un tribunal présidé par Osiris pharaon du royaume des morts. Une telle sophistication dans le rapport à la mort, se traduit également par l’extrême raffinement des chambres funéraires ainsi que des objets et mobiliers funéraires particulièrement ouvragés retrouvés dans les tombes. Dans la logique égyptienne, la vraie vie commençant après la mort, il restait alors à chacun

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de travailler durement durant sa vie afin d’amasser les richesses qui lui serviraient dans l’après vie.

Scène du jugement de l’âme extraite du livre des morts égyptien.

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Grèce antique L’importante mythologie et l’iconographie grecque nous enseigne énormément en matière de croyances et de rites liés à la mort. Par exemple, Hypnos, le Sommeil, et Thanatos, la mort, sont frères jumeaux et fils de Nyx, la nuit. Les enfers sont le territoire souterrain réservé aux morts, gouvernés par Hadès et sa femme Perséphone. C’est l’endroit où toutes les âmes vont pour être jugées. Mais les croyances différent selon les courants de pensées quand à la question du devenir des âmes. Sont-elles retenues dans les enfers, errant telles des ombres comme de maigres restes d’une présence qui ne sera plus ? Où sont-elles envoyées en différentes régions des enfers en fonction du jugement porté sur leurs vies ? Plusieurs lieux de séjour des morts sont ainsi distingués, les Champs Élysées, Le pré de l’Asphodèle, et le Tartare. Les funérailles dans la Grèce antique se déroulent en cinq actes. Tout d’abord, la toilette du défunt, où ceci-ci est également habillé et paré dans un linceul où seul le visage reste visible. Le mort est exposé ensuite pendant une journée sur un lit d’apparat à l’entrée de la maison de façon à rendre publique la mort de


l’individu. Le lendemain, avant les premières lueurs du jour, on transporte le corps vers son tombeau les membres du cortège sont vêtus de couleurs sombres, les sanglots des pleureuses suivent. L’inhumation doit être achevée au levé du soleil. La bière est un cercueil de bois simple d’aspect, parfois en cèdre pour montrer la richesse d’une famille. L’incinération est également pratiquée, les cendres et os seront alors recueillis dans une urne en métal ou en argile, elles- mêmes ensevelies dans des tombeaux souterrains. Une fois les obsèques terminées, un repas funèbre avait lieu dans la maison d’un proche. Dans la tombe tout mobilier funéraire susceptible de servir dans la vie de l’au-delà est apporté, parmi eux, on retrouve la coutume connue de glisser dans la bouche du défunt quelques pièces pour le paiement de Charon, le passeur. On dresse également devant la tombe une stèle ou un vase de marbre, porteurs d’inscriptions qui déclinent le nom du disparu accompagné d’une formule de salutation, voire même d’une épitaphe. Pour les anciens grecs, il estindispensable de posséder une sépulture au risque d’être considéré impie si elle fait défaut. Laisser les morts sans honneurs funèbres implique pour les vivants le danger d’être persécuté par des âmes errantes. Les honneurs et tombeaux offerts prendront un tel essor qu’au IVème siècle avant Jésus-Christ, les monuments funéraires ayant trop tendu vers le luxe et la grandeur, une loi relative à leur devoir de sobriété sera promulguée. Empire romain Au delà d’une mythologie et donc de croyances conditionnant notamment le rapport à la mort, empruntée aux grecs, dans la Rome antique, le monde des morts inspire une grande crainte. Mais les morts sont également des ancêtres que l’on se doit d’honorer lors de certaines fêtes. La mort est vécue comme une souillure qui s’étend à toute la famille du défunt, c’est pourquoi celle-ci sera purifiée par les rites funèbres.

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Ceux-ci assurent la double fonction de procurer un lieu de repos au mort et de protéger les vivants du danger de corruption de la mort. La maison mortuaire est signalée par des rameaux de cyprès ou de pin, teintés en rouge. Le corps est lavé, habillé et exposé pendant quelques jours, par ailleurs, les honneurs funéraires étaient rendus publiquement. A Rome et dans la majorité de l’empire romain, on pratique l’inhumation ainsi que la crémation. Au terme des veillées, le corps est conduit en grandes pompes hors de la ville où il sera conduit vers sa dernière demeure. Par la suite, les rituels de purification sur la famille et la maison doivent continuer pour faire disparaitre la marque laissée par une mort côtoyée de trop prés. La répulsion qu’inspire la mort au romain explique le fait que les morts ne sont pas tolérés dans l’enceinte de la cité, les tombeaux familiaux s’étalent en périphérie le long des routes ou dans les lieux dédiés aux morts : les nécropoles. Prémices du christianisme Jusqu’au second siècle, les pratiques et lieux d’inhumation des chrétiens de Rome ne différent pas de celle des autres peuples qui constituent l’empire romain, ils perpétuent la tradition des juifs et des autres religions orientales en ensevelissant individuellement leurs morts.

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Vers la fin du second siècle, les sépultures chrétiennes deviennent une forme d’annexe de l’église. La crémation pratiquées jadis par les grecs mais également par les romains inspire aux fidèles une certaine répugnance. La croyance grecque et romaine en l’immortalité de l’âme conduit à l’incinération, le corps n’étant pas d’une importance capitale. À son opposé, la croyance orientale, judéo-chrétienne, en la résurrection amène à l’exclusivité de l’enterrement. Mais sous le règne de Marc-Aurèle, le manque d’espace devient préoccupant. La crémation largement


répandue jusqu’alors offrait l’avantage de limiter l’espace concédé aux morts dans la cité et à ses portes, mais en inhumant seulement, il faut trouver une solution pour pallier le manque de place. De plus, être inhumé dans un tombeau à l’extérieur de la ville est un privilège réservé aux riches citoyens, les parcelles de terrain destinées à devenir une sépulture étant extrêmement chères. La solution fut trouvée en creusant une multitude de galeries où des espaces individuels horizontaux permettaient de recevoir les corps sur différents niveaux. Ainsi les premiers chrétiens mettent en place des labyrinthes de galeries où les morts reposent dans leurs parois. Ce mode de sépulture se poursuivit durant plus de trois siècles de manière à pouvoir affirmer aujourd’hui que la quasitotalité des catacombes de Rome sont des ouvrages chrétiens.

Catacombes de SaintCalixte à Rome

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Émergence de l’individu, L’individu dans la société face à la mort Le Moyen- âge La mort dans le moyen-âge occidental chrétien, est une mort consciente, familière car bien souvent côtoyée de près. Selon Philippe Ariès à travers ses essais sur l’histoire de la mort en occident, la mort est perçue par les vivants de façon évidente et calme, elle n’est que l’aboutissement des signes avant coureurs de sa venue, tels que l’agonie, la maladie ou la vieillesse, ainsi pour le mourant, il est naturel d’attendre et de se préparer patiemment à sa venue. L’homme du moyen-âge collecte et interprète les signes, de façon à explicitement sentir son heure venir. La mort idéale est donc une mort lente, consciente, de préférence au lit. Une mort subite est considérée comme honteuse et indigne, car le mourant n’a pu se préparer et sans préparation, l’âme ne peut réussir ce moment crucial qu’est la mort du corps. L’homme du moyen-âge, après avoir reçut l’avertissement de sa mort prochaine, peut prendre des dispositions pour faciliter son passage. Il existe avant tout une certaine théâtralisation de la mort, Les chevaliers et combattants par exemple déposent leurs armes et se couchent à terre, les gens du peuple se couchent au lit sur le dos face au ciel dans l’attitude du gisant. Ces positions sont les gestes ultimes qui conduisent une transition entre l’état de vie et celui de mort. Le moment de l’agonie se déroule en présence de ses proches, dans l’intimité familiale et sans dramatisation excessive,le mourant se plie alors à un certain cérémonial durant lequel il commencera par énoncer sa vie passée et les choses qu’il a aimé, il demandera pardon auprès de ceux qu’il aurait pu blesser, et recommandera ceux qui survivent à Dieu. Parfois il reçoit l’absolution après une prière de pénitence. Après cela il estprêt à rejoindre

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calmement l’au-delà. Le moyen-âge est une période de paix avec la mort, Philippe Ariès, la qualifie même de mort « apprivoisée »6 . Elle est la même pour tous les individus de la société, est acceptée paisiblement car c’est l’ordre des choses. La mort est un événement banal et quotidien. Autre particularité du Moyen-âge, ici l’idée de la mort n’a rien d’effrayant, ou de répugnant, la mort et la vie coexistent et se côtoient en permanence, à la différence de l’antiquité où elle était expulsée loin des vivants à la sortie des villes. La mort et les morts au Moyen-âge ont trouvé leur place dans l’équilibre des vivants. Les corps sont enterrés dans les églises et leurs enceintes. C’est ainsi qu’apparaissent les premiers cimetières, charniers et que se développent ponctuellement les premières sépultures pensées pour un individu, avec notamment dans l’art funéraire l’apparition des gisants. Le rapport aux restes est également très différent de celui que nous connaissons actuellement, en effet on constate à cette période l’apparition des galeries décoratives d’ossuaires, dans de nombreuses cryptes et lieux saints.

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Ariès Philippe, L’homme devant la mort, Seuil 1977

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L’individualisation de la mort La fin du Moyen-âge ne connaît pas de grand changement en ce qui concerne la vision et le ressenti face à la mort. Mais elle connait une évolution quant à l’opposition à la vision collective de la mort qui s’imposait jusqu’à lors. Les individus développent un souci d’individualité et de particularité. La volonté d’intimité avec la mort conduit progressivement à la mutation des représentations religieuses et funéraires. Par exemple, les scènes du jugement dernier s’individualisent, des symboles qui inexistants jusqu’alors apparaissent, reflétant le besoin d’individualisation de la société. S’y trouvent par exemple à présent des balances, symboles du bilan individuel de la vie de l’homme. C’est à cette époque qu’apparaissent les artes moriendi qui en plus d’éduquer les vivants donnent l’occasion de représenter de nouveaux thèmes macabres. Même si le rite collectif est toujours présent, la mort devient une interrogation personnelle.

Ars Moriendi, 1495. exemplaire de la bibliothèque de Nancy

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La personnalisation des sépultures fait sa réapparition et atteste de ces modifications progressives. Avec la fin de l’empire romain, s’était évanouie la tradition d’inscrire, graver, orner les tombes en fonction de l’homme qui y reposait, les sépultures étaient depuis le Vème siècle tombées dans le conformisme et l’anonymat. A partir du XIIème siècle, la tombe permet de témoigner de l’accomplissement de sa propre existence, de perpétuer le souvenir du défunt, et d’individualiser la mort. La Renaissance et la peur de la mort de l’autre La renaissance et le courant humaniste vont contribuer à l’évolution des mentalités, dés lors, il y aura une réelle complaisance dans l’idée de la mort. L’homme se recentre sur lui et dénonce le caractère vain de la vie, de plus les découvertes scientifiques et géographiques de la renaissance vont légitimement interroger les peuples occidentaux quant aux questions religieuses. Toujours selon Philippe Ariès7 , la mort se charge d’une certaine sensualité, et même d’un sens érotique, Eros (l’amour) et Thanatos (la mort) font de fait l’objet de représentations communes. Une complaisance pour le morbide est largement constatée, les supplices et les représentations de danses macabres qui se développent à l’époque. Les gisants deviennent parfois des transits, sculptures funéraires qui représentent le corps en décomposition. L’agonie estcomparée à la transe amoureuse, et nombreuses sont les représentations mortuaires associées à l’amour. William. Shakespeare8 ne met-il pas en scène 1597 les funestes adieux de Roméo et Juliette dans un tombeau ? Vers l’idéal de la mort romantique La violence du rapport de l’homme à la mort à la renaissance va peu à peu s’atténuer pour arriver à la vision romantique de la mort. La mort effraie et 7 8

Op. cit. Shakespeare William, Roméo et Juliette, pièce de théâtre en V actes, 1597

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émeut les vivants, qui entrevoient dans la séparation une insupportable souffrance. La mort est dramatisée. La perte d’un être de son entourage est intolérable. Les testaments de l’époque montrent combien les relations entre les membres d’une même famille ont évolué. À l’origine, les testaments contenaient de nombreuses clauses pieuses obligeant la famille à accomplir les dernières volontés du mourant mais ceux-ci se réduisent progressivement, au XVIIIème siècle, à l’acte laïc qui est aujourd’hui. Le testament consigne alors avec les dernières volontés, la rédaction des affections qu’il a pour ses proches. Le deuil subit également un bouleversement, en devenant la réelle manifestation de la peine et de la déchirure des vivants alors qu’il n’était avant qu’une convention sociale permettant de montrer aux yeux de la société où la mort était passée. La mort de l’autre est redoutée. Le phénomène va s’amplifier tout au long du XIXème siècle, Les tombeaux édifiés permettent de se rendre compte de l’affection et de la souffrance des vivants pour leurs disparus. Chaque être perdu devient alors irremplaçable. L’individu face à la mort instrumentalisé par la société

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Le XXème siècle a connu de nombreux bouleversements qui ont profondément accéléré le processus de mutation du rapport que nous avons à la mort. Les guerres dont deux mondiales ont fait de nombreuses victimes et causé beaucoup de traumatismes. Durant la guerre de 1914, ce sont 9 millions d’individus qui ont trouvé la mort et plus de 60 millions durant la seconde guerre mondiale. Celles-ci ont profondément meurtri les populations et de nombreuses séquelles perdurent encore aujourd’hui. Pour remettre les pays en marche à la sortie de la guerre, les victimes ont été occultées pendant un temps, mais ce deuil à retardement s’ajoutant aux disparus et dépouilles anonymes a causé d’irréparables blessures sur les hommes. Ce siècle


a cherché à les réparer en élevant ces victimes au rang de héros, les gouvernements ont fait élever des monuments afin de contribuer au devoir de mémoire. Mais pour autant, au-delà de donner l’image d’une mort victorieuse pour l’honneur d’un pays cela a-til réellement favorisé le travail de deuil des familles. Pour ces dernières et pour les pays tout entiers rien ne sera plus comme avant. N’oublions pas que ce sont là de jeunes générations entières qui furent sacrifiées.

Us et coutumes occidentales Fêter ses morts La grande majorité des cultures, dédient à leurs morts une ou plusieurs célébrations annuelles. Celles-ci ont toutes en commun le besoin de faire perdurer les souvenirs liés aux morts et de leur rendre hommage. Parfois même à titre plus général aux membres de la société disparus au cours de guerres ou de catastrophes, c’est notamment le cas de la commémoration d’armistices ou de certaines catastrophes et faits marquants de l’histoire d’une nation. Morceaux choisis Au japon, la fête d’O-bon est symboliquement un retour aux sources, trois jours d’été durant lesquels les japonais célèbrent leurs défunts par des chants, des danses, ainsi qu’une visite sur les tombes familiales pour les entretenir. A Madagascar tous les cinq à dix ans, les familles se réunissent autour des sépultures, ce sont des cérémonies festives, qui mêlent prières, chants et danse durant lesquelles, les corps sont exhumés et ré-enveloppés dans des linceuls de soie puis retournés.

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Selon les croyances mexicaines, les âmes reviennent visiter les vivants chaque année du 31 octobre au 2 novembre ce qui donne l’occasion de réunir au complet les familles, on vient donc durant ces deux jours animer les cimetières par des orchestres, et des danses, on dépose également des offrandes sur les tombes, têtes de mort en sucre, bonbons mais aussi téquila. Afin que les âmes des proches retrouvent leur chemin, des autels sont installés dans les maisons présentant photos des défunts et offrandes.

Traditionnelles têtes de mort en sucre offertes durant el dia de los muertos au Mexique.

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En Guadeloupe, également autour de la toussaint, les familles se retrouvent au cimetière pour une veillée funèbre et illuminent à cette occasion les pierres tombales de leurs défunts. Chaque tombe estrecouverte de dizaines de bougies rouges et blanches. Les cimetières sont illuminés par des milliers de cierges symbolisant le souvenir et la reconnaissance des vivants.


Les rites présentés plus hauts sont des exemples, et il en existe de très nombreux à travers le monde et les époques. Dans la culture occidentale chrétienne, les morts se fêtent encore le 2 novembre, lendemain de la toussaint. En France, la période de la toussaint estun prétexte au recueillement, à aller fleurir et nettoyer les tombes familiales, c’est une coutume aux origines religieuses qui comme bien d’autres fêtes fut réappropriée par une population croyante ou non et de différentes confessions.

Pour toi ces quelques fleurs Les cadeaux funéraires sont une coutume, très répandue en Europe, offerts lors du décès et au cours des années qui le suivront, ils n’en sont pas moins d’un point de vue ethnologique, une convention sociale qui ne diffère en aucun cas des présents de vivant à vivant. Ils matérialisent le devoir de témoigner d’un attachement ou d’une gratitude, le type de cadeau définissant un lien social, une appartenance, une proximité… Manifestement universelles, les archéologues ayant même retrouvé des traces de pollens dans les tombes les plus anciennes, les fleurs, qu’elles soient sous forme de gerbes, bouquets, couronnes, artificielles ou réelles, symbolisent une certaine continuité, elles témoignent aux yeux des autres de l’attachement des proches à leurs défunts mais également plus subtilement de

Images extraites du film de Pedro Almodóvar, Volver, 2006.

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la survivance de son statut social, même à travers la mort. Au registre des cadeaux traditionnels, nous trouverons également les plaques et autres objets « souvenirs » vendus en masse dans les boutiques de pompes funèbres, d’une grande variété dans l’uniformité de leur laideur, pour paraphraser Pierre-Yves Balut9 , qui plus durables que les fleurs permettent de surcharger des stèles de granit déjà agrémentées de fioritures dorées. Les chrysanthèmes Chaque année, en France quand vient la toussaint, ce sont 25 millions de chrysanthèmes qui trouvent une place dans nos cimetières. Leur destination finale doit son origine à un décret de Raymond Poincaré, celui-ci ordonna dès 1919, suite à la Première Guerre mondiale, le fleurissement de toutes les tombes. Le chrysanthème, étant une des rares plantes vivaces encore en fleur à l’approche de l’hiver, est depuis lors plébiscité pour honorer la mémoire des disparus. Mais bien avant de devenir « la marguerite des morts » comme le chantait Jacques Brel, les chrysanthèmes représentaient et représentent encore, au Japon, en Chine, ou aux Etats-Unis un symbole de bonheur souvent présent à l’occasion d’autres célébrations comme par exemple les mariages. Les couleurs du deuil A travers toutes les civilisations dont les traces sont parvenues jusqu’à nous, on retrouve l’idée de traduire les sentiments qu’inspire la perte de ses proches par des signes visibles aux yeux de tous, de distinguer l’état de deuil de l’état ordinaire. Les Égyptiens se coupaient les sourcils, les Grecs suivaient le cercueil, la tête rasée parfois, vêtus de noir, mais s’habillaient de blanc les neuvièmes et trentièmes jours après le décès.

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Balut Pierre-Yves, collaboration au dictionnaire de la mort, sous la direction de Philippe Di Folco, Larousse In Extenso 2010 9


Chez les Romains, les femmes étaient astreintes au vêtement noir et les mères, lors de la mort d’un de leurs enfants, au bleu azur. Dans l’Occident chrétien, on distingue deux périodes, au Moyen-âge, il était de rigueur de sortir ses plus beaux atours, et les couleurs les plus vives pour honorer le mort, mais à partir du XVI siècle, le deuil devient noir. Le blanc est le privilège des reines veuves ; le violet ou le pourpre celui des rois de France. On codifie alors le deuil et son cérémonial, à la cour, les antichambres doivent être tendues de noir, la chambre et le cabinet de gris, pendant un an, les glaces cachées pendant six mois. Jusqu’au début du XXème siècle, existaient encore dans Paris des magasins spécialisés dans les étoffes de deuil vendant des guides complet qui permettaient de suivre les codes du deuil jours après jours.

Costume de deuil au XIXème siècle

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En Chine, le deuil se porte traditionnellement en rouge, alors que c’est le blanc qui prime dans le reste de l’Asie. Il est le signe du nouveau type de présence que le défunt assume dans la société des survivants. Le noir occidental indique une séparation,une distance ; le blanc montre la transformation du mort, son nouvel état.

Rapport de l’homme occidental à la mort aujourd’hui Installation d’un tabou Le déni de la mort Depuis la deuxième moitié du XXème siècle, La mort s’est élevée au rang de sujet tabou tout comme l’était le sexe il y a encore quelques décennies de cela. La mort est vécue comme un incident, un accident et non plus comme la finalité de toute chose. La mort a pris la fâcheuse tendance de laisser les hommes désemparés lorsqu’elle surgit. Car il s’agit bien de cela, la mort « surgit » comme un événement anormal auquel la société actuelle ne prépare pas. L’homme du moyen âge mourait conscient, chez lui entouré de ses proche et sans drame. L’homme d’aujourd’hui meurt seul à l’hôpital dans 80% des cas et souvent sans réelle conscience de ce qui va advenir. La mort est souvent cachée aux mourants par les vivants. Dans la majorité des cultures et notamment dans l’occident de tradition chrétienne il a été longtemps admis que la mort était un passage, d’un état à un autre, où l’esprit se séparait simplement de son corps. Mais au fil des siècles, la foi religieuse s’est progressivement effacée, celle-ci bien trop souvent opposée à la science qui rationalise la vie. Ces croyances avaient pour but de lutter « contre le pouvoir dissolvant de la mort »10. Mais aujourd’hui nous vivons un désenchantement où nous demeurons seuls face à des points d’interrogation. Le déni quand à lui a toujours existé mais il était éphémère et intégré dans le processus de deuil. En effet chaque

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Thomas Louis-Vincent, Mort et pouvoir, Payot 1978


deuil passe systématiquement par une phase où la mort de l’autre, ou la sienne si elle est annoncée, est reniée. Cette période est nécessaire et provisoire, le temps amenant à l’acceptation de façon à retrouver une attitude raisonnable et lucide. La mort interdite A l’heure actuelle, la mort se doit d’être maîtrisée et à défaut d’en donner l’illusion. Les médecins la camouflent sous des termes techniques, …suite à une défaillance cardio-vasculaire…, entendez ici que le cœur s’est tout simplement arrêté. Considérons plutôt le calendrier des postes au jour du 2 novembre, il y a plus d’un siècle était inscrit « fête des morts », devenue « jour des morts » dans les années 50, pour devenir l’énigmatique « défunts » que nous pouvons lire aujourd’hui. La peur de l’inexpliqué La religion était garante des explications dues à la mort, mais aujourd’hui pour la science, souvent désignée par « nouvelle religion », la mort demeure un mystère devenant ainsi la limite de la connaissance. L’homme d’aujourd’hui s’interroge, et se rend compte de la dimension inédite et mystérieuse de la mort, la peur de l’inconnu est paralysante. Plus que jamais nos convictions et idéaux occidentaux sont incompatibles avec l’annihilation certaine de la mort sur les valeurs de notre société. Les individus occidentaux se consacrent à la recherche d’un bonheur passant par l’accomplissement de soi, qui sera anéanti par la mort et non pas à la recherche d’un équilibre permettant d’accéder à une après-vie récompensée. De ce fait, les rites funéraires, qui figuraient le passage sont en décalage avec la société d’aujourd’hui, et sont même devenus obsolètes pour une partie des individus. Le risque lié à l’oubli des rites étant de renforcer le déni de la mort. Pour cela, Louis-Vincent Thomas préconise : « Il n’y a plus, dés lors, qu’une solution : inventer des rites laïques originaux… ».

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Troisième partie : L’art funéraire Un « Art » funéraire Qu’est-ce-que c’est ? Si nous considérons « art » d’un côté et « funéraire » de l’autre, on se retrouve confronté à une question récurrente sur la définition même de l’art. Or, le terme ne doit pas être compris au sens du chef d’œuvre, historiquement, le terme d’art associé au funéraire fait référence à un savoir faire, celui de l’artisan. L’art funéraire use de plusieurs corps de métiers, tels que des architectes, tailleurs de pierre, marbriers, graveurs, céramistes... Le terme d’art dans l’expression est donc à interpréter dans le sens des métiers d’art, et pourrait même à plus juste titre actuellement, puisque produit à partir de modèles industrialisés, être qualifié de design funéraire. Si nous définissons le champ des arts funéraires, on peut ainsi y regrouper tous les objets, ornements, monuments et images dévolus aux morts et aux lieux d’inhumation. Au vu du nombre de pratiques et productions à travers les siècles et les cultures, toute tentative d’exhaustivité s’avérerait impossible. Ainsi le terme d’art funéraire désigne de façon globale, « l’ensemble des modalités techniques et esthétiques se rapportant aux défunts »11.

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Di Folco Philippe, Dictionnaire de la mort, Larousse In extenso 2010

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Art et pérennité De l’art pour les morts et les vivants L’art funéraire est d’une importance capitale dans la manière de traiter la mort au sein d’une société, au delà de ses fonctions primordiales qui répondent au souvenir et au recueillement, celui-ci estégalement un lien, témoin quasiment éternel de ce qui a été. Il n’y a pas seulement les tombeaux, pensons également aux cénotaphes et autres monuments aux morts, qui par ailleurs éduquent les vivants. Quelles sépultures ?

Cairn de Gavrinis

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Les premières sépultures Les premières sépultures retrouvées sont simplement des fosses creusées dans lesquelles étaient déposés les corps. Il est ainsi complexe pour des archéologues de démontrer si il y a bien acte de sépulture ou si la disposition du corps est un hasard. Avec le rite de sépulture, c’est-à-dire la volonté d’offrir aux défunts un lieu où reposer, apparaît la volonté d’orner, de marquer de rendre visible le lieu d’inhumation. Pour ce faire les peuples de la préhistoire avaient recours à la pierre, qui était taillée et dressée sur la tombe. Ainsi ces peuples laissèrent une trace pérenne de ce qu’ils furent à travers leurs sépultures. De nombreux exemples ont survécu au passage des siècles à l’image des tumulus et cairns dans le nord de l’Europe. Ces édifices structurés témoignent de la technique de ces peuples ainsi que de leur raffinement. L’un des plus incroyables se trouve sur l’ile de Gavrinis au large du Morbihan.Edifié 3500 ans avant Jésus-Christ,les parois intérieures du cairn constituées d’immenses blocs de pierres taillés sont tous gravés de motifs concentriques.


Symboles de puissance pour l’éternité Les pyramides de Gizeh, le mausolée d’Halicarnasse, ou encore le Taj Mahal, sont autant d’édifices funéraires qui ont survécu aux siècles que se soit physiquement ou par la mémoire des hommes. Ils sont les témoins et gardiens éternels de l’identité et de la puissance d’un être. Des nécropoles aux cimetières Depuis ses origines, l’homme redoute le contact avec ses morts. D’après Edgar Morin, si les hommes ont toujours honoré les sépultures ce fut par respect mais aussi par crainte de voir les défunts revenir hanter les vivants. L’antiquité par prudence inhume en dehors de ses cités. Les nécropoles ne sont pas seulement un espace accordé aux morts, mais un lieu dont ils ont la propriété puisqu’aucun vivant ne les côtoie. Au moyen- âge, le statut du corps va progressivement évoluer, les villes s’étendent, et la place offerte au morts en périphérie vient à manquer. La religion chrétienne n’oblige en rien les hommes à envoyer ses morts aux confins des terres habitées à l’instar des croyances antiques. Ainsi les morts trouvent leurs place parmi les vivants, au début dans et autour des édifices religieux puis peu à peu dans des lieux qui leurs seront dédiés : les cimetières. A cette époque, ceux-ci sont des lieux de vie qui en plus d’accueillir les défunts permettent à la communauté de disposer d’un lieu d’asile. Certains même y construisent des habitations et y organisent des foires et festivals. Dans le même temps apparaîtrons les premières sépultures individualisées qui feront ainsi disparaître les fosses communes jusqu’alors usuelles. C’est à la renaissance que les cimetières seront sanctuarisés et clôturés pour protéger les morts des activités des vivants.

Le mausolée d’Halicarnasse

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Figures de l’individu et du cadavre

Gisant de Louis de Sancerre en la basilique Saint-Denis, 1402.

Transi de Guillaume d’Harcigny, 1393

Au moyen-âge, apparaît le style gothique, celui-ci dominera la production artistique en Europe jusqu’au XVème siècle. La mort est un sujet récurrent de l’art au moyen-âge. L’art est majoritairement au service de l’Eglise, et a pour mission de représenter les scènes bibliques dans un but pédagogique. L’art gothique en parallèle, développe sa fascination pour la mort notamment à travers les représentations de la mort du christqui au fil du temps deviennent plus directes, plus crues dans la représentation du cadavre. Les mentalités au moyen-âge ont évolué et sont attentives au salut de l’individu. C’est à travers l’art funéraire et les tombeaux personnels que s’épanouit l’art gothique qui s’affranchit ici des dictats de la religion pour célébrer l’homme. La sculpture funéraire avant cette période présentait les gisants comme une sorte de figure commune, figée dans l’attente du paradis. Mais au XIVème siècle, les traits sculptés se rapprochent de la réelle apparence du défunt. De plus, la marque de la mort apparaît plus ou moins, que ce soit dans les expressions du visage de la représentation qui n’est plus si sereine, jusqu’à la représentation de la décomposition du corps allant jusqu’à son paroxysme, la figure du transi. Parfois, comme pour le tombeau du Cardinal de Sarra en suisse, la représentation est double, un gisant fidèle aux traits du mort et un transi grouillant, tel une charogne, de vers et autres serpents. Ce dédoublement de la figure du défunt a pour volonté de représenter le contraste entre deux natures que sont la vie et la mort, la figure du gisant endormi montre la survivance de l’âme, son repos et le transi, la précarité de la vie et de la dimension matérielle. Les monuments aux morts et autres cénotaphes

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Les monuments aux morts apparaissent au XXème siècle, jusqu’alors un culte était traditionnellement voué aux soldats tombés au champ d’honneur sans


pour autant le matérialiser. Suite à la première guerre mondiale, ces monuments fleurissent partout en Europe, ce sont près de trente-six mille monuments qui furent érigés en France ente 1918 et 1926. Ces sculptures de mémoire peuvent s’apparenter à des cénotaphes, monuments funéraires témoignant d’un ou de plusieurs défunts qui pourtant ne renferment pas de corps. L’art funéraire dans le cas des monuments aux morts, est également un art patriotique, qui ne rend pas seulement hommage à l’individu mort mais à la nation. Ceux-ci présentent un intérêt supplémentaire en France du fait de la séparation depuis 1905 de l’Eglise et de l’Etat, ils ont en effet la particularité d’être en grande majorité des exemples de monuments funéraires laïques qui proposent leur propre symbolique.

L’âge d’or de l’art funéraire Pour l’occident moderne, c’est entre 1880 et 1930 que se situe l’apogée de l’art funéraire individuel, période charnière entre révolution industrielle, esthétique romantique antérieure ancrée dans les esprits et réunion des arts et des techniques (arts and crafts, art nouveau et art décoratif ). C’est dans cette révolution créative et technique qu’apparaissent de beaux exemples d’architecture funéraire, réalisés pour de riches familles par des architectes de renom comme Garnier, Guimard, Violet, Visconti, l’école de Nancy… dans les « nouveaux cimetières » de l’époque tel que ceux du Père Lachaise, de Montmartre, du Montparnasse à Paris ou de celui de Terre-Cabade àToulouse,tous ouverts entre 1800 et 1850. Durant le XIXème siècle et la première moitié du XXème siècle, plusieurs styles de tombes se sont succédés, l’époque romantique a privilégié la relecture des modèles de l’Antiquité, avec la réapparition d’une grande iconographie de codes et symboles. A partir de la deuxième moitié du XIX siècle, la bourgeoisie

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affirme sa puissance et commande des tombeaux qui s’inscrivent aussi bien dans le courant néo-médiéval que dans les nouveaux styles d’architecture de l’époque. On peut ainsi distinguer deux types majeurs de tombeaux, tout d’abord, la maison familiale, petits édifices avec des toits à deux pentes comportant parfois même plusieurs étages, ceux-ci s’alignent généralement le long de véritables rues très rectilignes. Celles-ci illustrent au sens premier le terme de dernière demeure, ou comme le souligne Michel Vovelle, « la réduction symbolique dans la ville des morts, de l’habitation des vivants »12. Cimetière du père Lachaise, Paris

Autre forme de tombeau, celui de la chapelle funéraire, véritable petite église familiale, parfaite reproduct7ion réduite en proportion des monuments religieux, celles-ci s’illustrent dans des styles très variés. Certains exemples sont inspirés des styles néo-roman et néo-gothique et parfois même de l’antiquité gréco-romaine ou égyptienne. Ces édifices étaient autrefois richement décorés par des sculptures,peintures et tableaux à l’intérieur,ainsi que du mobilier autour de petits autels, on y trouvait également des vitraux, plus ou moins bien conservés par le temps.

Cimetière du père Lachaise, Paris

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Vovelle Michel, La mort en occident de 1300 à nos jours, Gallimard 1983


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La pierre matériau de la pérennité Le marbre Le marbre est une roche dérivée du calcaire, d’une grande diversité de coloris, allant du blanc le plus pur aux gris anthracites, en passant par des camaïeux de verts, roses ou jaunes. Parfois, la pierre présente des veines, celles-ci comme les différentes teintes sont dues à des inclusions d’oxydes métalliques. Le marbre fut découvert à Antiquité, son utilisation fut immédiatement liée à l’art dont les arts funéraires. Ce matériau demeure pérenne s’il est suffisamment poli pour résister à l’érosion. Le travail du marbre est réservé à des maitres artisans qui savent le travailler, sa mise en forme est complexe car un bloc peut renfermer des failles (veines) qui compromettraient la réalisation de pièces sculptées. C’est d’autre part une matière rare, et précieuse qui demande un grand savoir faire, ce qui explique son coût onéreux. Les propriétés du marbre peuvent cependant être retrouvées pour un plus faible coût et une mise en forme plus facile par moulage notamment, grâce à l’utilisation du marbre reconstitué. La poudre de marbre est agglomérée à un liant tel que des résines naturelles, ou artificielles. Ce matériau s’utilise dans l’architecture actuelle aussi bien à intérieur qu’à extérieur et pourrait être transféré pour la création de monuments et objets funéraires. La pierre calcaire La pierre naturelle calcaire est une roche plus ou moins dense qui peut s’avérer légèrement poreuse. De couleur claire, elle s’utilise traditionnellement dans la construction de monuments. Plus facile à tailler que le marbre, sa porosité peut être un atout car elle peut avec le temps se couvrir de mousses végétales.

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Dans l’autre cas elle nécessite un entretien régulier pour préserver son apparence et sa clarté. Elle peut être directement usinée à partir de blocs ou assemblée à partir de plusieurs pièces préalablement taillées. Le granit Le granit est apparut dans les années 50, jusqu’à lors, Le marbre et la pierre blanche étaient largement utilisés ainsi que le granito, réalisé à partir de marbre concassé. Ce dernier, beaucoup employé dans les années 20, ne répondait pas assez bien aux contraintes exercées par le temps, s’effritant facilement. Le granit, lui, est usiné facilement maintenant, une fois poli, et brillant, il devient inaltérable et ne nécessite pas d’entretien. De plus il s’est réellement démocratisé et les progrès techniques de son usinage permettent de proposer des formes jusqu’alors inimaginables. La majorité des monuments créés à l’heure actuelle sont réalisés en granit, l’entretien assidu lié à la pierre blanche et le coût du marbre pouvant décourager certains. Parmi ces ouvrages en granit, 60% sont produits en Chine ou en Inde actuellement.

Marbre blanc

Pierre calcaire taillée

Granito

Granit

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Symbolisme et codes Á la grande richesse que l’art funéraire a démontrée par le passé, s’associent de très nombreux signes, symboles et codes qui font partie intégrante de notre rapport à la mort même s’il furent parfois quelques peu oubliés. Les vanités

David Bailly, Vanité au serviteur, 1650

La renaissance et notamment les humanistes signent comme nous l’avons vu l’idée d’une certaine complaisance dans l’idée de la mort marquée et illustrée par l’apparition des vanités, allégories qui, appartenant pour la plus part au registre des natures mortes, suggèrent le vide de l’existence et la nature vaine de la vie. La mort est acceptée comme une fatalité. Les vanités sont très codifiées et se décryptent par la lecture du sens des objets qui y figurent. Ceux-ci se classent en trois catégories : Les biens terrestres et éphémères tels que les livres, instruments, sciences, bijoux, objets d’art… Les figures du caractère transitoire de la vie humaine comme les cranes, os, instruments de mesure du temps, élément organiques, bougies… Enfin viennent les signes de résurrections, lauriers, épis de blé, acanthe… Les codes oubliés L’art funéraire à la façon des vanités évoquées auparavant, est extrêmement codifié et se veut révélateur de la personnalité du défunt ou des conditions de sa mort. La «lecture» du symbole peut déterminer la tranche d’âge lors du décès, le sexe, l’état civil, le métier, les opinions philosophiques et politiques…La diversité de ces symboles démontre l’incroyable richesse des anciennes sépultures, ainsi qu’une infinie possibilité de combiner les codes pour révéler des informations grâce à un dialecte indépendant. La symbolique liée

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à l’art funéraire figure bien la volonté des hommes à laisser des indices subtils mais lisibles de ce qu’ils ont été. Les tombes racontent une histoire si l’on sait décrypter leurs messages. Exemples de symboles oubliés De nombreux exemples de tombeaux présentent des outils sculptés, ceux-ci sont révélateurs de l’appartenance à certains corps de métiers. Le compas et l’équerre symbolisent les tailleurs de pierre, marbriers, sculpteurs, entrepreneurs, ou architectes, notons également que les deux outils ajoutés à une étoile à 5 branches se retrouvent sur les tombes de francs-maçons, car symboliquement les instruments représentent la construction du «temple de l’humanité». Les plantes sont souvent représentées, Le chêne est une figure d’éternité, si une branche coupée est représentée elle suggère la mort, au contraire, les fruits du chêne évoquent la renaissance. Le chêne symbolise aussi bien la force morale que la force physique. La feuille d’acanthe est une figure très souvent liée à l’art funéraire, elle représente le triomphe de la vie sur la mort. Le saule pleureur évoque la douleur des vivants à la perte de l’un des leurs. Un cœur peut être sculpté dans le monument ou être déposé afin d’évoquer l’amour pour le défunt c’est plus souvent le cas pour de jeunes personnes décédées mais le cœur représente également la charité. L’angelot sera plus généralement représenté sur la tombe d’un nourrisson ou d’un enfant décédé en bas âge. La représentation peut se limiter à une tête doublement ailée. Souvent des symboles évoquent une mort prématurée, accident ou maladie, c’est le cas de la chaîne au maillon cassé ou de la corde rompue, ceux-ci se rapportant au mythe des parques. Si le défunt est une personne décédée jeune, on trouvera dans le cas d’une jeune fille une rose, en bouton parfois, dont la tige serra coupée, l’équivalent est un lys pour

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un enfant ou une colonne ou un obélisque tronqué pour un jeune homme. La flamme évoque la vie. Elle peut aussi suggérer le souvenir vivace et la transmission .Mais à l’opposé, si elle est contenue dans un flambeau retourné, elle va inexorablement s’éteindre par le manque d’oxygène et suggère dès lors la mort. Le flambeau représente l’enveloppe corporelle humaine, et la flamme, l’âme qui s’échappe lors du décès.

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D’autre part, Certains cimetières ou tombes comportent à l’entrée une lampe des morts, qui doit agir comme un phare pour guider les âmes. Le sablier évoque le passage inexorable du temps, chaque grain de sable représente un jour de notre vie. Le sablier comporte régulièrement des ailes de colombe, messagère de Dieu, elle achemine l’âme au ciel. Dans certaines représentations, il s’agit d’ailes de chauve-souris, le mammifère qui vole dans la Nuit, dans la Mort. Par son côté réversible, le sablier évoque la faculté d’une nouvelle vie ou de la vraie vie, selon les convictions de chacun, si on retourne cet instrument de la mesure du temps. Les mains unies sculptées également nommées « alliance » par les marbriers symbolisent le fait que la mort ne rompt pas les liens du mariage et la certitude que le couple se recomposera avec la mort du survivant. L’étoile (à cinq branches ou à six) est source de lumière, elle est l’astre qui luit dans la nuit. Assimilée aux cieux, l’étoile est le but à atteindre, elle éclaire le chemin que l’âme doit emprunter. Sur une sépulture juive, l’étoile à six branches représente le sceau de Salomon, elle est constituée de deux triangles inversés et entrecroisés. Si l’étoile à cinq branches comporte en son centre la lettre G, elle indique alors la tombe d’un compagnon du tour de France ou d’un franc-maçon. Enfin les lettres alpha et oméga apposée sur une tombe sont la naissance pour la première et la mort pour la seconde.


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Quatrième partie : Le marché funéraire Le marché funéraire Des monopoles à la libre concurrence Jusqu’en 1904, l’Eglise bénéficie d’un monopole sur le domaine. Elle perd ce rôle important au profit des communes qui deviennent alors responsables des obsèques et de l’inhumation des morts. En 1993, c’est au tour des communes de perdre leur monopole au profit d’un secteur concurrentiel avec la loi Sueur. Les acteurs du marché alors sont divisés en deux. D’une part des sociétés et réseaux de pompes funèbres tel que le groupe Pompes Funèbres Générales (PFG) qui domine dés lors le marché. D’autre part, il existe une multitude de marbreries qui étaient déjà là au moment du monopole communal, celles-ci vont tenter d’intégrer les services de pompes funèbres (organisation des obsèques, transport du corps, mise en bière...) à leur activité. Commence alors une période transitoire de 5 ans durant lesquelles par la loi du marché et de la concurrence, ces entreprises vont évoluer pour obtenir le marché actuel. Pour cela, les PFG seront rachetées par le groupe américain SCI et remportera une grande part du marché. La réunion des pompes funèbres et de la marbrerie verra éclore d’importantes structures anciennement marbreries telles que l’enseigne RocEclerc. Mais la concurrence débouche sur une très nette augmentation des prix s’expliquant par la privatisation du secteur.

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Le secteur en chiffres Le nombre de décès en France est stable depuis plus de trente ans, il avoisine plus ou moins les 500 000 décès par an. Mais la population française vieillit et la part des personnes âgées continue à progresser. Ainsi les acteurs du secteur prévoient une augmentation certaine du nombre de décès. Selon les études démographique, d’ici à 2020 il y en aura 600 000 par an et plus de 800 000 en 2040. Ce qui induit une très nette hausse de la demande pour prestataires de services funéraires. Il existe environ 3 000 prestataires de services funéraires en France .Le chiffre d’affaire du secteur s’élève à 10 milliards d’euros sur l’année 2010. Parmi ces nombreuses entreprises, 80% comptent moins de 10 salariés et interviennent au niveau local, elles ne réalisent que 30% du chiffre d’affaire du marché. Les 70% restants étant attribués aux grands groupes évoqués plus haut. De ce fait, les fragiles opérateurs indépendants sont amenés à rejoindre des structures de types franchises afin de demeurer dans ce secteur très concurrentiel.

Un secteur en mutation Une perte massive de la foi religieuse Plus de 40% des français se déclarent aujourd’hui athées ou agnostiques, selon l’étude menée par TNS en septembre 2010, un chiffre qui évolue très rapidement à en croire les études statistiques de 2005 qui faisaient alors état de 30 à 35%. Ce fait est d’une importance majeure car elle évoque la nécessité de répondre à un tout autre type de personnes qui ne se retrouvent pas dans les propositions du marché actuel.

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Crémation En France la crémation est autorisée depuis la loi 1887 sur la liberté des funérailles. Depuis les années 1990, la crémation est de plus en plus pratiquée. En 1980, cette technique n’était utilisée que pour moins d’1% des obsèques, en 1994 pour 10%, en 2004 pour 25% et en 2010 dans environ un tiers des cas. Pour répondre à une demande croissante, la France compte 141 crématoriums, et de nouvelles structures sont en création. Avant 2007, les cendres étaient remises à la famille qui pouvait choisir de les inhumer, les disperser, les répartir entre plusieurs membres de la famille ou de les conserver au domicile. Mais depuis 2008, la législation n’autorise plus la conservation d’une urne au domicile d’un particulier. Le statut des cendres ayant changé, celui-ci se rapporte à présent au corps et doit ainsi garder son intégrité et être inhumé. Les cendres peuvent par ailleurs être dispersées dans des lieux dédiés à leurs dispersions, les jardins du souvenir par exemple ou en pleine nature sous réserve d’obtention d’une autorisation en mairie. Contrats obsèques Les contrats en prévision d’obsèques sont en plein essor, plusieurs dizaines de milliers de nouveaux contrats étant souscrits chaque année. Les contrats en prévision d’obsèques permettent à tout individu d’organiser et de financer lui-même à l’avance ses obsèques. Leurs souscripteurs souhaitent généralement soulager les membres de leur famille de cette charge. Ces contrats ouvrent alors de nouvelles perspectives pour le secteur, s’adressant directement au principal intéressé. A ce jour ce sont environ 3 millions de français qui ont déjà prévu toutes les formalités liées à leur décès, les récentes études réalisées pour le secteur funéraire prévoient même que 50% des décès seront ainsi préparés d’ici 2030. Il existe deux façons d’y souscrire,

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la première qui n’est pourtant pas la plus répandue consiste simplement à aller faire les démarches auprès d’une société de pompes funèbres, quitte à comparer les tarifs et les services proposés entre plusieurs entreprises. La seconde, étant de rédiger son contrat auprès de son banquier, en effet, les banques ont des accords avec les grands groupes du secteur, elles leur transmettent les contrats qui restent ainsi en sommeil jusqu’au décès du souscripteur. Les avantages de ce types de contrats sont nombreux pour les clients comme pour les professionnels, les volontés seront respectées à la lettre, certains prévoient même à l’avance la musique qui sera jouée lors de la cérémonie. Les familles y trouvent également un grand soulagement car elles sont souvent désemparées face à toutes les choses qu’elles doivent accomplir lorsqu’un décès survient. Thanatopraxie

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La thanatopraxie désigne les techniques modernes permettant de préserver les corps de la décomposition naturelle, et de les présenter avec l’apparence de la vie pour les funérailles. La technique ne cesse de se répandre, car dans une société qui a massivement perdu ses croyances religieuses, elle répond comme un nouveau rituel, en adéquation avec nos idéaux actuels, hygiène et esthétisme. De plus il a été démontré que ces pratiques aident considérablement les familles dans leur travail de deuil permettant de garder une dernière image sereine des disparus. Le défunt peut alors présider, les funérailles dont il est à la fois victime et héros. La profession de thanatopracteur évolue rapidement, en effet, des quelques précurseurs des années 60 qui avaient été accueillis avec railleries et scepticisme, ils étaient déjà plus de 500 en 1995, 700 en 2000 et plus de 1000 aujourd’hui. La demande explose, alors que seulement 400 thanatopraxies avaient été pratiquées en 1963, elle est utilisée dans 40% des cas aujourd’hui et


est même obligatoire dans le cas de certaines maladies contractées par le défunt de son vivant, ainsi que dans le cas d’un transport du corps à l’international.

Législation en vigueur La législation relative aux cimetières et opérations funéraires est régie par les articles L2223 et R361 du code général des collectivités territoriales. Les cimetières Chaque commune doit consacrer un ou plusieurs lieux aménagés afin d’inhumer ou recevoir les cendres des défunts. Les conseils municipaux ont la charge de décider des aménagements et agrandissement ou création des dit lieux. Le terrain dédié doit avoir une capacité d’accueil cinq fois supérieure au nombre présumé de morts pouvant y être inhumé chaque année. Un site cinéraire doit être créé afin d’accueillir les cendres des personnes dont le corps a donné lieu à une crémation, ce qui comprend également un espace aménagé pour leur dispersion et doté d’un équipement mentionnant l’identité des défunts, ainsi qu’un columbarium ou des espaces concédés pour l’inhumation des urnes. L’article L 2223-3 du code général des collectivités territoriales énonce que la sépulture dans un cimetière communal est due : • aux personnes décédées sur son territoire, quel que soit leur domicile ; • aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu’elles seraient décédées dans une autre commune ; • aux personnes non domiciliées dans la commune mais qui y disposent d’une sépulture de famille ; • aux Français établis hors de France n’ayant pas une sépulture de famille dans la commune et qui sont

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inscrits sur la liste électorale de celle-ci. Les concessions Une sépulture est payante dans la mesure où il faut payer à la commune de l’inhumation une concession, c’est-àdire une parcelle de terrain à l’intérieur d’un cimetière communal. Les communes peuvent accorder dans leurs cimetières, sans toutefois être tenues d’instituer l’ensemble des catégories, des concessions temporaires pour quinze ans au plus, des concessions trentenaires et cinquantenaires et enfin des concessions perpétuelles, dont les prix sont fixés par le conseil municipal. D’autre part, les mairies ont obligation de réserver une partie du cimetière pour des emplacements fournis gratuitement, et pour une durée minimum de 5 ans, aux personnes décédés sans ressources. C’est ce qu’on appelait autrefois la fosse commune, remplacée aujourd’hui par des fosses individuelles. Pour en bénéficier, les familles doivent fournir un certificat d’indigence. Cahier des charges et monuments En ce qui concerne les monuments funéraires, la loi prévoit ce qui suit dans l’article L. 2223-12. ‘Sous réserve de ne pas contrevenir aux règles d’hygiène, de sécurité et de décence, les particuliers jouissent d’une grande liberté. Ils peuvent, sans autorisation, faire placer sur la fosse d’un parent ou d’un ami une pierre sépulcrale ou tout autre signe indicatif de sépulture’ Toute forme, taille, style sont autorisés sous réserve de rester dans les limites du terrain concédé, le maire peut cependant fixer des dimensions maximales aux monuments érigés sur les fosses.

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Notons par ailleurs que l’inhumation sur une parcelle privée est possible comme indiquée dans l’article L2223-9, pourvu que cette propriété soit hors de l’enceinte des villes et des bourgs et à la distance prescrite de 35 mètres de toute autre habitation.


Entretien avec monsieur Mamy La marbrerie Mamy fut fondée à Toulouse en 1855, et constitue depuis lors une référence historique dans cette région. Tailleurs de pierres de pères en fils, l’entreprise est dirigée par monsieur Renaud MAMY depuis juin 2000. C’est en 2005 que la marbrerie familiale décide d’intégrer à l’historique activité de marbrerie un service de pompes funèbres. En janvier 2007, l’entreprise rejoint le groupement d’un réseau national : ‘’Le Choix Funéraire’’. Le 6 octobre dernier,Mr.Mamy acceptait de me recevoir afin de répondre à mes nombreuses que77777777ions sur les activités d’une société de pompes funèbre, voici le compte rendu de cet entretien. Quels sont les services proposés par votre entreprise ? L’activité de l’entreprise se divise en deux d’une part La marbrerie en général, taille et pose de monuments, gravures, mais aussi la restauration de ceux-ci, Et d’autre part les services liées aux pompes funèbres, à savoir, l’organisation et la prévoyance d’obsèques, le transport de corps en France et parfois à l’étranger, la vente d’articles funéraires. L’entreprise a ouvert également en 2008 sa propre chambre funéraire permettant de prendre en charge l’accueil des familles, la présentation des défunts ainsi que les soins de thanatopraxie. Quel est le prix moyen pour des obsèques ? En moyenne il faut compter entre 3000 et 3500 euros, mais cela dépend du type de services choisi ainsi que du monument à poser, si la famille possède déjà un caveau, les frais d’ouvertures sont incomparables avec la construction d’un nouveau monument par exemple. A noter également que les prix pratiqués varient en fonction des régions et des traditions.

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Quelle est la durée d’une concession ? La concession à perpétuité estelle toujours possible ? Encore une fois, en France tout dépend de la région et de la commune à laquelle le cimetière appartient, les concessions vont de 30 ans à perpétuité, avec la possibilité de reconduire la concession au terme du contrat. A Toulouse, les types de concession proposées sont de 50ans, 100 ans et à perpétuité. Mais cette dernière n’est pas la solution la plus appropriée car tôt ou tard les caveaux sont abandonnés faute d’héritiers, ces tombes n’étant plus entretenues, elles constituent un danger pour les usagers des cimetières, (risque d’effondrement, de chute de pierre….) Pensez vous que le rôle des Pompes funèbres a évolué au cours des dernières décennies du fait d’une certaine perte de la foi religieuse ? Les mœurs ont beaucoup évolués, en effet, la perte partielle de la foi en est une des causes mais ce n’est pas la seule, c’est également une question de génération, nos grands parents allaient visiter leurs morts régulièrement dans les cimetières, ce qui est bien moins le cas de la notre. Le rôle des pompes funèbres s’est développé, les services sont plus nombreux, cela simplifie les démarches pour les familles elles n’ont ainsi qu’un seul interlocuteur qui se charge de tout. Cette tendance va se confirmer dans les années à venir, les services se diversifient pour plus de personnalisation et de prévoyance. L’image des pompes funèbres doit-elle évoluer ? Nous exerçons un métier de l’ombre où malheureusement la méconnaissance des gens laisse souvent échapper d’énormes clichés, on nous voit parfois comme des rapaces, sans oublier l’image préconçue du croque mort. Egalement ; le terme même de « pompes funèbre » n’est pas valorisant on y entrevoit les grands corbillards et les tentures de velours sombres du XIX siècle, actuellement, la dénomination de conseiller funéraire semble plus appropriée. Les grandes enseignes comme le réseau Choix funéraire, tentent d’ailleurs depuis quelques années de mieux communiquer, de sortir de l’ombre sans effrayer les gens, l’enseigne avait d’ailleurs retenu l’attention avec une campagne de publicité qui avait pas

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mal heurté les gens dans un premier temps peu habitués à voir les cercueils s’afficher dans la rue mais qui fut pourtant bien reçue par la population. Les magasins vont par ailleurs évoluer, les études de marché réalisées pour le secteur le prouvent, les gens désirent que les pompes funèbres s’adaptent et se fondent parmi les surfaces de ventes habituelles, en utilisant à bon escient les stratégies de marché courantes, avec des showroom clairs et spacieux, afin de nous rendre plus attractifs et accessibles.

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« On n’a pas le choix quand on regarde les trucs de pompes funèbres, c’est affreux, c’est ringard, même les fleurs, pourtant les fleurs normalement c’est joli, mais non les fleurs des pompes funèbres c’est affreux »

C’est bourré de conventions, les pierres tombales sont moches, ne parlons même pas des plaques à mettre dessus…du coup on a toujours pris le strict minimum. »

« Je trouve que c’est mal fait, on n’a pas le choix, si on veut quelque chose de plus personnalisé, ça coûte extrêmement cher »

«Il y a les cercueils avec les tarifs, c’est comme quand on ouvre le catalogue de la Redoute ou des 3suisses, exactement pareil…C’est tout juste si il n’y a pas des étiquettes : moins 20% sur les cercueils.»

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Cinquième partie : Les limites du marché Le business de la mort Avant d’évoquer les limites liées à la situation et aux stratégies mises en place par le marché du funéraire, essayons d’abord de réfléchir au terme même de marché. Dans notre société, prétendre allier ces deux grands tabous que sont l’argent et la mort relèverait presque du scandale. Et pourtant, tous services même ceux liés à la mort se monnaient. La mort n’est pas reconnue comme un fait touchant la société, mais comme un événement touchant à l’individu et au domaine de sa vie privée. Pour cela, mourir ne relève pas d’un quelconque service public et est traité selon les schémas de concurrence qui régissent tous les types de marchés. Pourtant il est extrêmement difficile pour une famille récemment endeuillée, de demeurer réceptive aux prestations et services proposés par les entreprises du secteur. De nombreuses personnes interrogées sur ce point n’apprécient pas la perception générale des codes habituels de la grande distribution qui sont reproduits dans le secteur funéraire comme dans n’importe quel autre. Les entreprises funéraires posent souvent les familles en tant que consommateur mais en situation de deuil elles ne peuvent adopter une conduite d’acheteur raisonnée et habituelle. Ces dernières leur reprochant souvent une forme de pression à l’achat. A cela, les conseillers funéraires se défendent en évoquant l’éthique et la réserve liée à leur métier. Des abus sont signalés et sont parfois avérés, pour cela des associations de consommateurs se sont spécialisées dans les litiges liés au secteur funéraire comme par exemple l’association française d’information

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funéraire, leur but étant d’aider et de défendre des familles dont la fragilité au moment du deuil aurait été abusée. Mais dans la majorité des cas, le problème est bien plus simple à expliquer, il relève d’un trop fort décalage entre les professionnels côtoyant la mort tous les jours, et considérant les services qui lui sont liés comme des produits consommables et les familles endeuillées qui perçoivent d’un très mauvais œil le fait que leur proche disparu puisse être traité comme n’importe quel autre. Le manque de dialogue et de compréhension entre vendeur et acheteur demeure l’une des limites de ce marché. Le catalogue

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L’art funéraire en occident subit depuis plusieurs décennies, une standardisation certaine, s’expliquant par la volonté louable au départ de proposer monuments et services à tous. Depuis plus de vingt ans, les entreprises du secteur usent d’un catalogue large, (environ 150 monuments disponibles, pour le réseau le choix funéraire par exemple) mais pourtant restreint autant en termes formels que dans les matériaux proposés. Une telle standardisation permettait de proposer à coût réduit des produits et services jusqu’alors accessibles uniquement aux classes les plus favorisées. Nous constatons alors une uniformisation de la mort, où la norme de la stèle de granit poli ornementée de gravures florales dorées et complétées par une croix préfigure quelque soit l’individu, son vécu, ou ses croyances. Il en va de même pour les urnes cinéraires, ainsi que des cercueils qui en France sont proposés en chêne massif, vernis, ou en pin dans le plus modeste cas, argumentés de poignées de bronze et capitonnés de soie. Notons par ailleurs qu’une telle démarche semblerait tout à fait insensée pour nos voisins anglosaxons, qui usent depuis bien longtemps de matières moins nobles, comme le contre plaqué, mais qui une fois usinées sont du plus bel effet pour un coût


environnemental et économique nettement inférieur. Sur une base de démocratisation des services et produits funéraires, nous entrevoyons à présent certaines dérives, où les formes employées présentent au delà d’un certain défaut de bon goût, une désuétude certifiée. Les partis pris esthétiques concernant les ornements funéraires sont souvent contestés, et la critique est d’autant plus accentuée si les personnes interrogées sont jeunes et citadines. Le marché doit évoluer en fonction des goûts et tendances actuelles afin de refléter au mieux l’individu qu’il figure. La dernière demeure doit être au service de celui qu’elle accueille, en aucun cas, l’individu ne doit se plier pour rentrer dans un schéma voué à l’anonymat et l’indifférence.

Les tarifs La volonté de démocratiser les services et les rendre accessibles a évolué en fonction des dynamiques de marchés. En palliant une demande grandissante et en s’adaptant à de nouveaux besoins comme par exemple la crémation, ou la mise en place destructures et services répondant aux 80% de décès constatés en milieu hospitalier, les services se sont certes diversifiés mais ont également connu une hausse des tarifs non négligeable. Que ce soit pour une crémation ou une inhumation, les obsèques restent très chères entre 3000 et 10000 euros en moyenne pour des services standards comme le transport du corps, les soins, la cérémonie, l’urne, ou le cercueil. A cela viennent s’ajouter l’ouverture du monument si celui-ci est existant ou la création et la

Cimetière de TerreCabade, Toulouse

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pose d’un nouveau, ainsi que d’autres frais de marbrerie annexes qui alourdissent rapidement une facture. Ce tableau résume à titre indicatif les fourchettes de tarifs pratiqués en moyenne en France en 2010, notons que les tarifs peuvent dépasser ces indications pour certains services et selon les régions, à Paris notamment. Prix minimum T.T.C Prix maximum T.T.C Inhumation Cercueil 400€ 6000€ Mise en bière 50€ 200€ Concession (15ans) 70€ 1200€ Convoi 100€ 500€ Organisation des obsèques 300€ 500€ Taxe d’inhumation 50€ 200€ Total

1180€

8830€

400€ 50€ 450€ 30€ 100€ 300€

6000€ 200€ 600€ 300€ 500€ 500€

1650€

8080€

Crémation Cercueil Mise en bière Frais de crémation Urne funéraire Convoi Organisation des obsèques Total

Les services complémentaires Ouverture et fermeture du caveau 80€ Marbrerie et monument 1000€ Soins de conservation (thanatopraxie) 50€ Séjour en chambre funéraire gratuit Les porteurs 300€ Cérémonie religieuse 100€ Maître de cérémonie 100€ Fleurs 100€ Avis de décès dans la presse 100€ Faire-part de décès 90€

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750€ 10 000€ et + 450€ 400€ 600€ 250€ 500€ 1200€ 350€ 100€


Le manque d’informations Parmi les reproches constatés, on dénonce souvent le manque d’informations disponibles. Problème souvent constaté quand il est question de démarches administratives suite à un décès, une succession, ainsi que sur la législation, mais aussi et plus simplement sur l’organisation des funérailles. En occultant une question aussi essentielle que celle de la mort, nous nous retrouverons démunis lorsqu’il s’agira d’y faire face. Pourtant en sensibilisant peu à peu les mentalités, l’accès à l’information est possible, rien ne nous empêche de nous renseigner seul sur les démarches et législations en vigueur, comme nous le faisons pour n’importe quel événement important de la vie tel qu’une naissance ou un mariage.

Columbarium au cimetière de Montjuic, Barcelone

Partir en fumée Le développement de la pratique de la crémation, impose la création de nouveaux crématoriums pour faire face à la demande, mais les espaces dédiés doivent être remis en question. Les crématoriums posent de nombreux problèmes, notamment à la vue des cheminées et des fumées, dernière vision pour le moins choquante de votre chère tante. Les lieux d’accueil et de cérémonies en leur sein sont trop souvent aseptisés et dépouillés à la manière du milieu hospitalier. C’est pourtant dans cette atmosphère froide et peu adaptée que de nombreuses familles font leur dernier adieu à l’un des leurs. Quand aux columbariums, lieux où sont déposées les urnes, ils sont souvent et à raison qualifiés d’HLM de la mort. Souvent en marge et relégués au fond des cimetières, s’étalent sur plusieurs mètres de haut et de long une enfilade de cases fermées par des plaques de granit gravés au nom de leurs locataires. Des nouveautés émergent cependant mais elles ne font qu’aggraver le constat alarmant de la pauvreté formelle du secteur à en juger par les exemples proposés ici.

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Des intéressés qui ont changés Les services et productions proposés s’ancrent encore majoritairement dans la lignée d’une culture catholique. Les registres formels en sont directement hérités et formulent dans leurs formes et usages des rites chrétiens. Mais les modes de vie et de croyance ont évolué, permettant aujourd’hui de constater qu’en Europe, le nombre d’individus se déclarant athées, agnostiques, ou tout simplement sceptiques, évolue très rapidement au fil des années. Bilan Au regard des obstacles soulevés ici, la place de l’individu semble incertaine ,de plus la perte de la foi religieuse mais également du sens de la communauté ne fait qu’accroitre ces problématiques, laissant les personnes confrontées à un deuil, démunies face aux nombreuses démarches à effectuer , ayant pour seul appui les sociétés de pompes funèbres.

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Sixième partie : Conclusion et recommandations pour l’avenir. Une prise de conscience des acteurs du marché : évolution bientôt possible? Propos de Philippe Martineau, président du réseau «Le Choix Funéraire» , recueillis par le magazine Résonance, l’écho des professionnels du funéraire, en 2007 suite à la participation de l’enseigne au Salon des Maires et des Collectivités Locales.

« Résonance: A cette occasion, «Le Choix Funéraire» s’est fait le représentant de ses partenaires et fournisseurs marbriers en exposant des maquettes de leurs diverses réalisations. Le design en termes de monuments funéraires et cinéraires semblait être une autre de vos grosses préoccupations, pouvez-vous nous en dire quelques mots ? Philippe Martineau : En effet, je viens d’évoquer les notions de personnalisation, de travail de mémoire et de souvenirs... Toutes ces notions vont de pair avec le design même du monument ! Il nous semble, aujourd’hui, plus que nécessaire de sortir des formes standardisées et du monument «prêt-à-poser». Du fait de la mondialisation, nous avons pu travailler sur de nouvelles formes et de nouveaux concepts, beaucoup plus modernes, et surtout, beaucoup plus sophistiqués. Cette mondialisation nous a permis de faire appel à une certaine main-d’œuvre, non pas en termes de coût, mais bien en termes de savoir-faire et de technicité. Je veux dire par là, qu’en Inde et surtout en Chine, cette main-d’œuvre a conservé un savoir-faire de fabrication que nous avons malheureusement de moins en moins en France et pour des raisons économiques. […] Au vu de tous ces éléments, développer au sein du «Choix Funéraire» un bureau design représentait un réel défi. Nous l’avons mis sur pied il y a bientôt trois ans en faisant appel à trois jeunes designers issus d’une école de design. Tous trois nous ont apporté les techniques de travail en 3D ainsi qu’une vision beaucoup plus moderne du monument funéraire en associant les aspects créatifs

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et symboliques. Mon souhait dans cette démarche était d’apporter aux familles une proposition alternative au monument de plus en plus standardisé, et c’est chose faite... Je suis très fier du travail et des projets qu’ils ont réalisés jusqu’à présent car les contraintes relatives au travail de la pierre et du granit ne sont pas simples à intégrer…nous avons joué la carte des jeunes débordants d’idées mais tout juste sortis de l’école, nous avons dû les former et les accoutumer au secteur funéraire [...] » Un design funéraire actuel timide mais existant Les projets récents illustrant la recherche de solutions dans le cadre du marché funéraire occidental sont rares mais existent néanmoins, prouvant de ce fait l’amorce d’une réflexion en terme de rapport entre vie et mort, entre deuil et souvenir et dans la recherche de nouveaux rituels. De nouveaux rituels à inventer Certains projets comme l’exemple de Roisin Lafferty, « A room to die in », visent à replacer l’individu au centre de la démarche funéraire, en touchant à la douloureuse question de l’euthanasie, la jeune designer anglaise, développe dans une démarche sensible et subjective le rapport intime entre l’homme et sa mort. Elle propose ainsi un espace personnel pour contrer l’aseptisation des chambres d’hôpital et laisser le choix à l’individu de décider de sa mort. Ici, le projet trouve un large écho dans le contexte actuel, où l’on meurt à l’hôpital, ainsi il est pertinent d’entamer une réflexion sur le lieu où l’on meurt. Le projet fut présenté à la London design week de septembre 2010. « Afterlife », est un concept pour le moins polémique qui dépasse les limites jusqu’alors fixées dans le rapport des hommes à la mort. James Auger et Johnny Richards ont conçu un cercueil permettant de récupérer par un procédé chimique l’énergie dégagée durant la décomposition d’un corps afin de la stocker

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dans des piles. Un projet qui ne relève pas que de la science fiction si l’on en croit ses créateurs, le processus fonctionnerait réellement. Ainsi quinze familles auraient accepté de le tester à la mort de l’un des leurs, et d’utiliser ainsi l’énergie de leurs défunts pour alimenter des appareils de leur quotidien. Une idée pour le moins dérangeante qui déroge à l’éthique et au respect du aux morts, sauf si pour certains, l’homme est un produit comme les autres. Créer de nouveaux rituels n’est pas une tâche aisée, dans une société où une partie des individus ont perdu repères et foi, tout reste à faire, dans le respectde l’équilibre entre la famille et ses convictons, le défunt et ses volontés et les rituels proposés qui doivent s’adapter et ne pas brusquer. Le monument et l’urne repensés Le projet « See you », exposé à la biennale du design de saint Etienne en 2008 et créé par le studio hongrois Ivanka, est une pierre tombale qui déroge enfin à la règle du granit imposé, celle-ci réalisée en béton ciré, propose ici une réelle alternative. Le béton vit avec le passage du temps permettant de proposer ici une stèle qui change d’allure au fil des saisons et ne nécessite que peu d’entretien. La croix suggérée dans le bloc retient les éléments qui pourraient s’y déposer. Les créateurs l’envisagent aussi comme un miroir lorsque celle-ci est remplie d’eau, qui reflète le passage entre vie et mort.

Ivanka, See you.

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Gerard Moliné et Martin Azùa, Urna Bios.

Christelle Boulé, Origen.

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La crémation prenant de plus en plus d’essor, de nombreux artistes et designer se sont intéressés à la forme des urnes cinéraires. Au-delà de la forme, certains exemples ont démontré la volonté de lier les objets du funéraire à une démarche plus respectueuse de la nature, et à la création de nouveaux rituels. Le projet « Origen » de la canadienne Christelle Boulé en est un exemple, ses urnes réalisées en carton recyclé sont biodégradables, leurs couvercles sont remplis de semences. Une fois l’urne plantée elle donnera vie à un arbre. Ce concept poétique n’est pas sans rappeler les tombes végétales que nous connaissons. Sur le même principe, mais dans un tout autre registre formel, le projet «Urna Bios» des catalans Gerard Moliné et Martin Azùa, propose des urnes biodégradables à planter, mais son allure de gobelet est probablement un peu trop audacieuse pour que la famille d’un défunt accepte de recueillir les cendres d’un proche de cette manière. Le projet « Origen » revisite lui les codes et formes traditionnelles ce qui semble plus accessible à des familles endeuillées.

Des initiatives novatrices Une seconde vie pour les concessions Les concessions à perpétuité posent souvent un problème aux municipalités. Les communes qui possèdent des cimetières ont pour obligation de les entretenir et de garantir la sécurité des personnes souhaitant s’y recueillir. Or, comme nous l’avions vu dans l’entretien avec Mr. Mamy, les anciennes concessions à perpétuités qui ne sont plus entretenues


par leurs ayants droits peuvent s’avérer dangereuses pour les visiteurs et le personnel d’entretien des cimetières. Pour cela, lorsqu’un abandon est constaté, par défaut d’entretien d’une tombe, il est du devoir des communes de sécuriser le périmètre de la sépulture. Les mairies ne peuvent reprendre ces concessions aisément et les remettre sur le marché. Elles doivent entamer des procédures longues et fastidieuses pour rechercher les héritiers. Les municipalités doivent également procéder à la pose, à même le monument, d’un panneau stipulant que la tombe est à l’état d’abandon, demandant ainsi aux personnes concernées de se manifester. Quand toutes les dispositions légales ont été respectées, les municipalités reprennent alors possession de la concession pour la remettre à disposition du public. Quant au monument funéraire en lui-même, il est, dans l’immense majorité des cas, dans un état de délabrement tel qu’il est condamné à la démolition… Au vu des prix du neuf, qui dépendent de nombreux paramètres, le marché de l’occasion devrait être amené à se développer. De plus en plus, les mairies réfléchissent à des moyens de mettre mieux en valeur les concessions pour que l’occasion se démocratise et trouve un public. Vers une colocation funéraire Dans d’autres pays européens, cette initiative va plus loin, afin de revaloriser et de sauvegarder le patrimoine des anciens cimetières, certaines concessions abandonnées dont les monuments peuvent être remis en état sont revendus à bas prix à des particuliers qui peuvent à leurs tour s’y faire inhumer. En échange ils devront assurer les travaux de sauvegarde et l’entretien de ces sépultures. Le premier salon de la mort Tenu au carrousel du Louvre les 8, 9, et 10 avril 2010, il est le premier salon sur le thème à s’adresser aux particuliers. Dans le secteur du funéraire, de nombreux salons réservés aux professionnel se tiennent chaque année sous forme de biennale, comme c’est le cas de

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Thanexpo à Bologne, ou du salon international de l’art funéraire qui expose au Bourget. Mais pour la première fois cette année, un salon sur le secteur ouvre au public. Celui-ci rassemble une grande partie des intervenants du marché afin de permettre rencontres et échanges. Jean-Pierre Jouët et Jessie Westenholz les organisateurs, créent ainsi un espace de dialogue entre exposants et public, pour eux : «il est temps de commencer à faire tomber les tabous ». Ce salon offre ainsi la possibilité au public de venir s’informer librement et donne une certaine visibilité à de plus petits acteurs du marché qui n’ont pas les moyens de communiquer aussi efficacement que les grands groupes. Défendre le patrimoine funéraire et le renouveler Le collectif « Art dernier Nancy » est né officiellement le 1er novembre dernier avec pour mission de revaloriser le patrimoine funéraire et de promulguer l’art funéraire contemporain. Le collectif fondé par Pierre Aubert et Thomas Hoareau compte désormais une vingtaine de membres. Qu’ils soient artistes, sculpteurs, plasticiens, musiciens, architectes ou designers leur but est de proposer des alternatives aux banales stèles de granit grises. Pour reprendre l’expression de ses fondateurs, « S’il existe une totale diversité dans la conception de nos demeures, force est de constater que nos dernières demeures, elles, se ressemblent toutes». Ils lancent actuellement un appel à projets funéraires et artistiques européen, dont les idées retenues seront exposées et proposées au public durant le salon de la mort évoqué plus haut.

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Septième partie : Ebauche du Projet Les constats effectués auparavant démontrent la nécessité de repenser les services, et objets du funéraire pour s’ancrer dans un contexte actuel, et d’amener des propositions en adéquation avec les idéaux d’aujourd’hui. Ceci inclut, la possibilité d’un choix de services et d’objets plus adaptés, une réflexion autour de nouveaux rituels, d’une symbolique à réactualiser, et de repenser l’accueil des proches du défunt. Ce faisant en étant davantage à l’écoute des demandes personnelles formulées, ainsi qu’en osant proposer de nouvelles solutions quitte à bousculer les codes en vigueur. Pour toi, pour moi, pour eux

« Les vivants ne peuvent rien apprendre aux morts ; les morts, au contraire, instruisent les vivants. » François René de Châteaubriand, in Mémoires d’outre-

Au vu de la recherche préalable, ce projet s’adresse tout d’abord à des individus de culture occidentale, se déclarant majoritairement agnostique et qui ne se retrouvent pas dans les propositions que le marché actuel lui propose. Une nuance tout de même, la définition de la cible principale comme « majoritairement agnostique » n’exclut en rien la possibilité pour des personnes de diverses confessions religieuses de disposer également d’un choix de services et de prestations plus actuelles si elles en évoquent le besoin. Par ailleurs, s’adresser aux souscripteurs de contrats obsèques semble être une réponse permettant une meilleure approche en termes de communication. Ainsi l’approche personnelle en fonction de l’individu devient réalisable, imaginons un service idéalement adapté aux demandes de chacun, pour que la mort retrouve sa dimension individuelle et intime.

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Pour un design funéraire de produits et de services Un service mieux adapté est possible, notamment en questionnant l’importance des lieux dédiés aux cérémonies, au recueillement et à la mémoire. Ici, les chambres funéraires et crématorium dont les limites ont été mises en évidence dans les chapitres antérieurs mais également les lieux de dispersions des cendres (jardins du souvenir), les columbariums, et les espaces commun des cimetières. Il faut pour cela penser les objets funéraires dans leur globalité à la manière d’une gamme déclinable et adaptée, allant des ornements aux monuments collectifs ou individuels, ainsi que les urnes et les cavurnes. De nombreuses possibilités s’ouvrent à présent en intégrant cette fois l’individu et ses proches dans la démarche créative. La possibilité d’avoir des objets qui nous ressemblent, qui intègrent l’identité propre à chacun et sa famille. Quelques pistes de recherches

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L’utilisation de matériaux pérennes semble inévitable, dans la création de monuments mais doit-on nécessairement user le traditionnel granit poli ? D’autres matériaux peuvent répondre à ce cahier des charges, comme la pierre blanche, le béton ou les pierres reconstituées, pour cela des transferts depuis le champ architectural classique sont à réaliser. L’utilisation d’autres matériaux permettrait notamment d’autres techniques de mises en forme industrielles, plus simples et moins onéreuses que la taille de pierre habituelle. D’autre part, comme nous l’avons vu auparavant, 70% des français souhaiteraient que le marché funéraire prenne en compte les recommandations écologiques. Ceci permet donc d’engager une réflexion sur l’intégration d’une dimension plus responsable au sein des rites et objets funéraires. Au cours du siècle dernier, les produits proposés ont


peu à peu perdu la richesse symbolique qui caractérisait l’art funéraire. Il est possible d’extraire ces codes oubliés, de les réinterpréter et de les réactualiser afin de retrouver sens et sensibilité autant dans les formes et ornements que dans les services et environnements proposés. Pour illustrer cette ébauche, pensons à l’épitaphe, autrefois largement répandue, elle a presque totalement disparue. Elle est pourtant un médium permettant de distinguer le caractère de celui qui fut. Celle-ci peut prendre de nombreux visages, citation, recommandation, sobre ou exubérante parfois drôle, mystérieuse ou espiègle, elle ne laisse pas indifférent, et demeure une habile façon de se distinguer. La fin est proche Il est temps pour nous d’entrevoir la lumière au bout du tunnel. Afin de conclure sur une note plus légère et amorcer directement le projet considérons ceci : Nous mourrons tous c’est évident, mais il reste à chacun la liberté de choisir un final qui lui ressemble. Une cérémonie au son des Beatles, une oraison funèbre en cadavre exquis, faire remplir le livre d’or de sa vie à de parfaits inconnus, reposer paisiblement sous des arbres ou par delà les océans, construire un monument à votre gloire, en faire une réplique plus petite à côté pour votre poisson rouge …. Tout cela est possible, de nouveaux rituels à l’image de votre vie sont à inventer, et pour le reste, vous disposerez d’environ 2m² de jardin que vous serez libre d’aménager comme il vous plaira, prenez le temps d’y réfléchir vous avez toute la vie pour ça et pour que le moment venu vous ne deveniez pas une stèle de granit anonyme.

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Glossaire

Cavurne : voir Columbarium Cénotaphe : Du grec kenos « vide » et taphos « tombe », monument élevé à la mémoire d’une personne ou d’un groupe de personnes dont la forme rappelle celle d’un tombeau, et qui ne contient pas de corps. Columbarium : lieu où sont déposées les urnes cinéraires. Du latin columba, « niche de pigeon », en effet, ces monuments se présentent le plus souvent sous la forme de petites cases juxtaposées les unes aux autres qui renferment les cendres d’une personne. Synonyme : Cavurne. Crématorium : lieu où sont incinérés les défunts. Ceux-ci mettent dans la majorité des cas à disposition des familles une salle de cérémonie pour rendre un dernier hommage aux défunts. Epitaphe : du grec epi « sur » et taphos, « tombe », Inscription gravée sur un tombeau. L’épitaphe, a traversé les siècles en s’imposant comme un exercice littéraire à part entière. Pointe d’esprit rédigée par un proche en hommage ou parfois par le défunt luimême. Jardin cinéraire ou Jardin du souvenir : Espace vert réservé permettant la dispersion des cendres du défunt. Jardin de mémoire : Espace vert planté d’arbres de différentes espèces. Au pied de chaque arbre, l’urne du défunt est enterrée. Linceul : Drap dans lequel les morts sont enveloppés, le suaire, lui désigne la pièce de tissu servant à recouvrir le visage du défunt.

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La mort

Bibliographie

Philippe Ariès Essais sur l’histoire de la mort en Occident : du Moyen Âge à nos jours, Seuil, 1975 L’homme devant la mort, (Le temps des gisants et La mort ensauvagée), Seuil 1977 Roland Barthes, Journal de deuil, Texte établi et annoté par Nathalie Léger, Seuil 2009 Jean Baudrillard, L’échange symbolique et la mort, Gallimard, 1976. Françoise Dolto, Parler de la mort, 1998 Dictionnaire de la mort, sous la direction de Philippe Di Folco, Larousse in extenso 2010 Martin Heidegger, L’être et le temps, Gallimard 1938 Philippe Héraclès, Le Petit Livre des épitaphes les plus drôles : Des fins pour défunts, Le cherche midi 2005 Vladimir Jankélévitch La mort, 1966 Penser la mort ? Entretiens, recueil établi par F. Schwab, Liana Levi 1994 Céline Lafontaine, La société post-mortelle, Seuil 2008 François Michaud-Mérard, La révolution de la mort, Vuibert, 2007 Louis-Vincent Thomas La mort, Payot 1975 Civilisations et divagations. Mort, fantasmes, science-

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fiction, Payot 1979 Mort et pouvoir, Payot 1978 Michel Vovelle, La mort et l’Occident de 1300 à nos jours, Gallimard 2000 Edgard Morin, L’homme et la mort, Seuil 1976 Emile Zola, La mort d’olivier Bécaille, 1884 Bernard Werber, les thanatonautes, Albin Michel 1994

Art / Architecture / Design funéraire Francis Blaise, Architectures pour une dernière demeure , NEJMP 2005 André Chabot, Dictionnaire illustré de symbolique funéraire, Mémogrames 2009 Claire Mazel, La mort et l’éclat : Monuments funéraires parisiens du Grand Siècle, Presses universitaires de Rennes 2009 Erwin Panofsky, La sculpture funéraire : De l’Egypte ancienne au Bernin, Flammarion 1995 Michel Ragon, L’Espace de la mort. Essai sur l’architecture, la décoration et l’urbanisme funéraires, Albin Michel 1981

Revue de presse Philomag, novembre 2010, La mort, osez y penser et supplément web Les révolutions de la mort. Le Figaro, 1 novembre 2010, article : Le besoin de nouveaux rites funéraires, Pascale Senk

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Science & vie, Hors série, septembre 2009, La mort. La comprendre. La vivre. La vaincre. Résonnance, l’écho des professionnel du funéraire.

Documents audiovisuels Reportages et documentaires Le business de la mort, diffusé sur France 5 le 2 novembre 2010, documentaire d’Hervé Brèque, Marie Martin, Stéphane Rodriguez, et Jean-Baptiste Gallot. Cadavres exquis, diffusé sur Canal+ le 9 septembre 2009, documentaire de Marie David.

Séries télévisées Six Feet Under, série télévisée américaine en 63 épisodes, crée par Alan Ball en 2001.

Films Departures, 2008, film japonais de Yojiro Takita, Oscar du meilleur film étranger. La chambre verte, 1978, film français de François Truffaut, d’après la nouvelle d’Henry James, « L’autel des morts ». La chambre du fils, 2001, film italien de Nanni Moretti, Palme d’or du festival de cannes 2001. Bouquet final, 2008, film français de Michel Delgado. Flatliners (L’Expérience interdite), 1990, film américain réalisé par Joël Schumacher.

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Webographie

Documentation en ligne Code général des collectivités territoriales, Articles L2223 et R361 //www.legifrance.gouv.fr Complément du numéro de Philomag d’octobre 2010, les révolutions de la mort //philomag.com/article, dossier, complement-webles-revolutions-de-la-mort

Etude TNS du 10 octobre 2010, La mort et les français //www.tns-sofres.com/_assets/files/2010.10.21-mort. pdf Encyclopédie sur la mort //agora.qc.ca Interview complète de Philippe Martineau pour Résonance //www.resonance-mag.com/dossiers/dossiers. php?val=97_philippe+martineau+president+reseau+% 22le+choix+funeraire%22

Designers Thanatorama, une aventure dont vous êtes le héros mort, Lauréat web flash festival 2007 catégorie art/ graphisme et grand prix spécial du jury //www.thanatorama.com Roisin lafferty, A room to die in //roisinlaffertyspatialdesign.blogspot.com Ivanka, See you //seeyouproject.wordpress.com

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Salons, expositions et manifestations « Fabuleux cercueils » exposition de cercueils originaux du Ghana et du Royaume-Uni, musée comtois, Besançon, du 20 mai au 3 novembre 2010 //www.culture-besancon.f r/evenement/2010/ fabuleux-cercueils-du-ghana-et-dangleterre Le salon de la mort ! 8, 9 et 10 avril 2011 //www.salondelamort.com Salon professionnel international de l’art funéraire, 17, 18 et 19 novembre 2011, parc des expositions du Bourget //www.salon-funeraire.com Tanexpo, Exposition internationale d’art funéraire de Bologne, 23,24 et 25 mars 2012 //www.tanexpo.com

Professionnels Etablissement Mamy, pompes funèbres garonnaises //www.garonnaises.com Collectif Art dernier Nancy //www.artdernier-nancy.eu Association française d’information funéraire //www.afif.asso.fr Réseau le choix funéraire // www.le-choix-funeraire.com Services funéraires de la ville de Paris //www.servicesfuneraires.fr

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In loving memory

Un grand merci aux professionnels qui ont acceptés de répondre à mes questions, qui se sont intéressés à ma démarche et se sont impliqués dans mon projet, Messieurs Renaud Mamy, Pierre Aubert, et Thomas Hoarau. Je remercie également mes professeurs, qui m’ont suivie et guidée durant ces deux années de DSAA, MariePierre Charnet, Boris Buissaguet, Jean Passebosc, Hélène Templon, Michel Chaize, et Sylvie Doupuy. Merci à l’ensemble de ma classe ainsi qu’à mes proches pour leurs conseils, leurs relectures, leur bonne humeur, et leurs plaisanteries car un tel sujet ne serait y échapper !

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agnès denat †

diplôme supérieur d’arts appliqués créateur-concepteur option création industrielle 2010/2011 FORM, Lycée Rive Gauche, Toulouse 106


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