AFRIQUE COMPETENCES N°1

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1500 F CFA

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compétences

africaines des

NTIC

CHEIKH MODIBO DIARRA, MO IBRAHIM, HAMADOUN TOURÉ,

GADOU VINCENT KRAGBÉ, JACQUES AKOSSI AKOSSI, JACQUES BONJAWO

Administration publique

Le blues des fonctionnaires africains Guide

Comment faire des études aux Etats-Unis ?



N° 001 • Mai - Juillet 2008 Société Éditrice GLOBAL CHALLENGE Récépissé N°10/D du 18 avril 2008 Dépôt légal en cours Cocody, route du Lycée technique, Immeuble Florida Tél. : (00 225) 22 44 55 09 Fax : (00 225) 22 44 55 14 afriquecompetences@aviso.ci Directeur de publication Honorat Dé Yedagne Rédactrice en Chef Edwige H. Secrétaire de rédaction Jean Philippe Kassi Directeur artistique Martial M’Besso Rédaction Aurore Amani François Bambou ( Cameroun) Israel Bebo Cheick Denise Patrice Kamga ( France) Elvis Kodjo Philippe-Rogers Konan Alex de Loukou Nicole Mikolo ( Congo Brazza) Augustin Yao John K. Zodzi (Togo) Photographe Stéphane Goué Révision David Koffi Collaborateurs/Chroniqueurs Zita Odomé Angone ( Espagne) Paulin Djité, Ph D ( Australie) Dr Issa Karama Bruno Koffi ( Etats-Unis) Médard Koua ( Birmanie) Théophile Kouamouo Jonas K.Kouamé René-François Monckeh Dr Nathan Musengeshi ( Gabon) Phil Nomel ( Etats–Unis) Dr Marie-Thérèse Trazo Matthieu Yagui

Éditorial « Inattendûment debout »

F

Par Honorat Dé Yedagne Directeur de Publication aut-il brûler l’Afrique ? Si on regarde ce continent à travers le prisme du présent, ses seules marques de fabrique sont la guerre, la misère et les maladies. Son passé, n’a pu résister aux chocs extérieurs. Ses peuples et ses dirigeants perpétuent la domination étrangère et cultivent le vide de la pensée comme si, pour cette partie de la civilisation humaine, c’était la fin de l’Histoire.

L’Afrique est à la périphérie du monde : un continent déclassé, c’est-àdire qui ne pèse pas lourd sur la balance mondiale, malgré le poids de ses richesses et de sa démographie. Un constat, à la fois, amer, accablant et désespérant que tous les médias du monde, et leurs multiples relais locaux, ont vocation à entretenir au fil des générations, pour maintenir et reproduire le doute à l’égard de notre propre positivité et favoriser en nous le défaitisme. . Que faire ? Notre réponse : illustrer, défendre, promouvoir, valoriser les expertises, les talents, les savoir faire et les compétences africains, s’attacher au developpement du capital humain et au renforcement des capcités, avec pour ligne d’horizon: la sanctification du travail comme valeur refuge. Telles sont la légitimité et la raison d’être de ce magazine panafricain, dénommé AFRIQUE COMPETENCES, dont vous tenez en main le premier numéro. La force de notre conviction intime est telle que nous croyons que notre avenir est encore devant nous. Disons le autrement : ce que notre passé et notre présent nous refusent aujou rd’hui, notre futur nous l’offre demain à bras ouverts. Un futur à réinventer avec de nouveaux modes de régulation socio- politiques qui favorisent les meilleurs, c’est-à-dire ceux d’entrenous à même de tirer la société africaine par le haut, dans toutes les sphères de la vie nationale et continentale : économique, sociale, politique, culturelle.

nous devons être le moteur de notre propre accomplissement

A l’orée du cinquantenaire des indépendances africaines, nous pensons que le temps est venu pour les générations actuelles et à venir de prendre le parti de la grandeur et de l’excellence, en travaillant à faire éclore une nouvelle Afrique qui consacre, célèbre et plébiscite l’Imagination, l’Intelligence, la Raison et …l’Organisation. A notre façon et avec votre soutien, nous voulons y contribuer. Hardiment et ardemment.

AFRIQUE COMPÉTENCES s’adresse donc à cette Afrique « inattendûment debout », pour reprendre l’expression d’ Aimé Césaire, qui se refuse souverainement à se rendre au festin de l’Universel, accroupie sur son propre destin, dans l’attente naïve d’une invitation d’honneur des prétendus « maîtres du monde ». D’autant que les leçons d’un passé encore récent nous enseignent qu’à ce genre de festin royal, nous serons toujours reçus dans la basse cour de l’Histoire où nous attendent la portion congrue et un avenir en haillons. Nous ne devons jamais perdre l’initiative historique, mais toujours garder à l’esprit que nous devons être le moteur de notre propre accomplissement. AFRIQUE COMPETENCES veut être le réceptacle de ce souffle conquérant et libérateur qui habite les peuples qui croient en eux, et témoigner, avec engagement et passion, d’une Afrique sans complexe, définitivement réconciliée avec ses valeurs sûres. Une Afrique qui gagne et se présente au Monde avec une nouvelle destinée, telle que l’ont toujours rêvée ses authentiques fils et filles : forte, libre et prospère.

Publicité Maxime Bebo Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

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sommaire MAI - JUILLET 2008 N°001

FORMATION

LE MALHEUR DES UNIVERSITES PUBLIQUES EN AFRIQUE p. 36 3

Parcours et crises de compétences au menu

• Intellectuels africains face au défi de la mondialisation • Management des services publics en Afrique

SUR LES MARCHES 10

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• ABIDJAN Exercice d’exorcisme autour de la violence • OUAGADOUGOU Nous avons déjà le LMD • NIAMEY Sur la route de la normalisation • UEMOA En 2012, beaucoup de choses auront changé • EXCELLENCE UNIVERSITAIRE Nos états gagneraient à aider le Reesao • Les nouveaux habits du BNETD • Où va le CAMPC ?

ENJEUX AFRICAINS 54

• La bataille des inventeurs • Réduction de la fuite des cerveaux : un enjeu stratégique pour le développement

ADMINISTRATION PUBLIQUE

ENTRE PARENTÈSE 8

LE MALHEUR DES UNIVERSITES PUBLIQUES EN AFRIQUE

Editorial

LES INVITES DU TOIT D’ABIDJAN 6

Photo : ETIENNE NANGBO

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L’audacieuse Stéphane Eholié

Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

ambition

de

14 LE BLUES DES FONCTIONNAIRES AFRICAINS • Togo La débrouillardise comme alternative • Cameroun Entre misère et corruption • Côte d’Ivoire La guerre dans la guerre • Congo Brazza Des promesses vite oubliées • Contribution Mieux gérer les administrations publiques en Afrique


CHRONIQUES DES 5 CONTINENTS 58 • Afrique Pourquoi je reste • Amérique Sous l’œil de l’oncle Sam Un Noir chez les Jaunes • Australie Good Day Mate, bonjour mon pote • Europe Buenos Dia de Madrid

EMPLOI ET CARRIERE 66

10 L’audacieuse ambition de Stéphane Eholié

Le Ghana est le premier demandeur de cadres à haut potentiel

PROFIL 68

• Rose Banchi -Don Mello • Françoise Remarck - Le Guennou

MANAGEMENT 71

Le secret de Marcel Zadi Kessy

EN COUVERTURE 74

NTIC EN AFRIQUE • Plus de 192,5 millions d’abonnés au cellulaire en 2007 • Les principaux opérateurs de téléphonie mobile en Afrique • Les principaux opérateurs de téléphonie mobile en chiffre • Secteur des NTIC, nouveau pourvoyeur d’emploi en Côte d’Ivoire • Accès au Large Bande • 6 compétences africaines des NTIC • Quelques profils recherchés

QUESTION DE SANTE 88

Travailleurs, le Burn-out vous guette

DEVELOPPEMENT PERSONNEL 90

38 En 2012, beaucoup de choses auront changé

66 Le Ghana est le premier demandeur de cadres à haut potentiel

14 La guerre dans la guerre

Comment souder une équipe autour d’un projet

LE GUIDE 92

• Le guide pour faire des études aux Etats-Unis • Le guide pour rechercher un emploi

CARTE BLANCHE À… 104 Boubacar Boris Diop

Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

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Les invités du

Toit idjan d’Ab

Parcours et crises de compétence au menu

Par Edwige H.

L’information. La communication. Informer et communiquer, c’est très important. « 70 % des personnes interrogées lors d’un sondage dans le cadre de Archibat ignorent l’existence de la loi qui fait obligation à tout promoteur immobilier de se référer à un architecte.» C’est Ismaël Boga-N’Guessan qui parle ainsi. Directeur de Axe Marketing, une société 6

Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

de Marketing Stratégique. Il a organisé en novembre 2007Archibat, le salon de l’architecture et du bâtiment et Axe Marketing se spécialise dans les sondages de tous genre. Tenez, il y a quelques mois, un sondage réalisé par sa structure a relevé que la cherté de la vie est la plus grande préoccupation des ivoiriens. « Dommage qu’ici, nous n’ayons pas encore la culture

du sondage », ajoutera le Directeur du CEPICI, « raison de plus pour créer ce besoin, car c’est l’offre qui crée la demande », renchérit Aïssatou Seck. Le vrai problème avec la cherté du coût de la vie et les réactions des consommateurs, c’est que les consommateurs ne sont pas éduqués. « D’où l’importance de la


Reportage photo : Stéphane Goué

Aissatou Seck, Conseiller spécial à la Présidence de la République

Anne-Marie KonanPayne, Directeur du Centre d’information et de communication gouvernementale

communication publique, pour informer et éduquer. » La communication publique, c’est le « dada » de AnneMarie Konan-Payne. L’ancienne directrice de l’agence de publicité Pluricom dirige aujourd’hui le Centre d’information et de communication gouvernementale. Ce « pur produit » du secteur privé est arrivé au secteur public par hasard. Ou presque. Elle avait commencé par écrire des notes de synthèses et elle se retrouve un matin conseiller à la primature. De son expérience dans le secteur public, elle a noté qu’il y a beaucoup de compétences mais qui sont tuées par le système. D’où une reforme de l’administration publique en général. Et c’est ce qu’elle essaie de faire avec la mise en place d’un système de E-gouvernance, en passe d’être un modèle de gestion de l’information gouvernementale dans la sous région. Si AnneMarie Konan-Payne s’est

Ismael Boga-N’Guessan, Directeur Associé Axes Marketing

Daouda Silué, Directeur du CEPICI (Centre pour la Promotion des Investissement en Côte d’Ivoire)

retrouvée presque par hasard à son poste de directrice du CICG, ce n’est pas le cas de Ismaël Boga-Nguessan. Directeur commercial chez FILTISAC, il a fait le pari de « monter son propre cabinet, tout en ayant à l’esprit le taux de mortalité infantile très élevé des projets professionnels » Pari pris, pari gagné : Axe marketing s’est fait une place de choix sur le marché des cabinets conseils en marketing et stratégie, et se spécialise aujourd’hui dans le sondage d’opinion. L’architecte Yolande Doukouré elle n’a pas eu à tenir ce genre de pari. D’autres, ses anciens patrons, l’ont tenu à sa place et l’ont mise devant le fait accompli. Si les débuts ont été difficiles, 20 ans après, elle en parle avec enthousiasme et retient deux choses essentielles de son expérience de Directrice de cabinet (d’architecture !) : il n’y a pas de petits clients et le plus important est de respecter

Yolande Doukouré, Architecte

sa parole et d’être discret. A 57 ans, elle est fière de son âge qui ne parait pas, tout comme elle est fière d’avoir été choisie par une marque de savon comme « Femme modèle » qui suscite déjà des vocations. Quand on entend Aïssatou Seck raconter les chemins qui l’ont conduit et retenus en Côte d’Ivoire, on saisi le leitmotiv qui guide ses pas : sens de l’engagement et respect de la parole donnée. « Je suis entière et j’ai un sens de la loyauté incroyable » C’est suffisant pour retenir une sénégalaise de la Banque islamique de développement dans une Côte d’Ivoire en guerre et qui se bat malgré tout pour trouver financements et investisseurs. Une tâche qui n’est pas une sinécure mais à laquelle s’atèle depuis des années le Centre ivoirien de promotion et d’investissement en Côte d’Ivoire. Son directeur, Silué Daouda, n’était pas surpris qu’on lui pose la question du rôle du CEPICI. Il en a l’habitude. Pas parce que le CEPICI communique mal sur ses actions mais parce que des structures autres que le CEPICI mènent des actions de promotion de l’investissement en Côte d’Ivoire et communique autour de ces actions. Ce n’est pas un problème de communication. C’est une crise de compétence. Tout le problème est là. Et si chacun se contentait de faire et de bien faire ce qu’il avait à faire?

Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

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(Entre parenthèses) Collectif, sous la direction de Jacques Bonjawo

Intellectuels africains face à la mondialisation, pour un développement plus durable Cosmos publishing, USA, 2007, 228 pages. Par Jean Philippe Kassi

Didier Acouetey, Dr Yves Ekoué Amaïzo, Jacques Bonjawo, Me Lucie Bourthoumieux, Dr Paul Fokam, Pr. Peter Kinyanjui, Pr. Ahmadou Lamine Ndiaye, Pr. Fernand Sanou, Dr Chérif Salif Sy. 9 intellectuels africains. 9 réflexions sur le développement durable en Afrique. Un livre : Intellectuels africains face à la mondialisation pour un développement plus durable. A priori, on pourrait penser qu’il s’agit d’un de ces nombreux livres sur l’Afrique ; livres tellement vus qu’ils ne passent plus le cap de notre attention. 8

Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

Intellectuels africains face à la mondialisation, lui, retient notre regard : non seulement par sa forme ( essai collectif) mais aussi par ses auteurs qui sont pour la plupart, sinon d’illustres inconnus, tout au moins de nouveaux venus sur le terrain de la publication de réflexions sur l’Afrique. Réunis par Jacques Bonjawo, qui avait déjà publié Internet une chance pour l’Afrique (Karthala, 2002), Afrique du XXI ème siècle, Afrique de nos volontés (Karthala, 2007) et Mes années Microsoft, un africain chez Bill Gates (Cosmos publishing, 2007), les auteurs de cet ouvrage collectif sont conscients qu’ils ne représentent pas l’ensemble des intellectuels que comptent

des intellectuels que comptent l’Afrique. Ils n’en ont pas la prétention. Et Jacques Bonjawo de continuer, dans sa note de présentation « pas plus que nous n’avons la prétention de fournir ici des solutions spécifiques à des pays dont les situations sont, par nature, très différentes, et encore moins un ensemble de solutions clés en main. D’ailleurs, ce type de solutions, personne ne peut prétendre honnêtement les posséder ». Cette précision étant faite, le lecteur peut aborder avec plus de sérénité les solutions que proposent nos intellectuels réunis. A la question « Que faire pour un développement plus durable en Afrique ? », 4 auteurs sur 9 répondent : l’éducation. S’appuyant sur une longue bibliographie, le Professeur Sanou invite à une réforme, voire une révolution de tout le système éducatif dans les pays d’Afrique. Une invitation du reste partagée par Didier Acouetey, fondateur du Groupe AfricSearch, spécialisé dans les ressources humaines. Pour le professeur Ahmadou Lamine Ndiaye, la réforme de l’éducation oui, mais surtout la réforme de l’enseignement supérieur à travers la création de centre régionaux de formation de cadres supérieurs. Centres régionaux de formation de cadres supérieurs ? Plutôt une utilisation accrue de l’Apprentissage libre et à distance (ALD) propose le Professeur Peter Kinyanjui du Kenya pour qui l’ALD facilite et contribue à la promotion de l’accès à l’éducation,


Charles Koffi Diby « en éliminant les obstacles à l’apprentissage, notamment les coûts, l’emplacement et le niveau de commodité. » Un véritable plaidoyer pour l’application des NTIC à l’enseignement. En cela, il rejoint Jacques Bonjawo pour qui les nouvelles technologies, et plus précisément les biotechnologies agricoles et médicales sont une chance inestimables pour l’Afrique à condition qu’elles soient perçues non comme une solution d’urgence et ponctuelle aux problèmes de faim et de pauvreté mais comme partie intégrante d’une stratégie globale et durable de réduction de la pauvreté. Car la pauvreté est l’un des problèmes fondamentaux de l’Afrique. C’est pourquoi, le Docteur Paul Fokam du Cameroun énonce un précis de la pauvreté avant de recommander, chiffres à l’appui, la micro finance comme moyen de lutte contre cette pauvreté. Pour le Dr Chérif Salif Sy, « le développement de l’Afrique est plus un problème de prospective et de structure que de statistiques », aussi vante-t-il les avantages du NEPAD et de son Mécanisme africain d’évaluation par les pairs. Yves Ekoué Amaïzo, économiste à l’Organisation des nations unies pour le développement industriel (ONUDI), lui, revient sur la question des NTIC mais sous l’angle de la monnaie. Il souligne, dans sa contribution, la nécessité de la mise en place d’une banque centrale électronique qui débouchera à la longue vers une monnaie africaine commune. Comme on peut le constater, les approches diffèrent d’une contribution à une autre et cela participe de l’intérêt de l’ouvrage qui prend des allures d’un long et multiple questionnement sur la ou les solutions pour un développement durable en Afrique. L’’éducation ou les NTIC ? Le NEPAD ou la Micro finance ? Et si l’Etat était au cœur du défi économique et de la renaissance politique en Afrique ? La question est de Me Lucie Bourthoumieux. C’est une question rhétorique.

Management des services publics, retour d’expérience… des raisons d’espérer CEDA /NEI, Abidjan, 2007, 184 pages. Par Jean Philippe Kassi

Le livre de l’actuel ministre ivoirien de l’économie et des finances témoigne de son souci constant d’améliorer le service public en Afrique. Ceux qui l’ont approché savent que cet énarque qui a fait toute sa carrière au Trésor public, jusqu’à en prendre les rennes en mai 2001, voue un culte au travail bien fait et à la performance. Il souligne, en avant-propos de son ouvrage : « Nous sommes devenus fonctionnaires par idéalisme et par conviction ». Cette phrase traduit à la perfection l’esprit qui sous-tend les actions de Charles Diby. Et le Professeur Mamadou Koulibaly de corroborer « Charles Koffi Diby fait partie de cette catégorie de hauts fonctionnaires, ayant une très haute idée de l’Etat et du service public (…) il peut être considéré comme le porte-parole de cette équipe d’hommes et de femmes de grandes compétences qui, au

sein de notre administration, brûlent d’envie de faire évoluer, rapidement et en profondeur, la modernisation de l’Etat. » L’approche de Diby pour moderniser l’Etat est simple ; et il la développe en trois axes : l’état des lieux, la nécessité d’un changement et enfin les implications de ce changement sur la gestion de l’administration publique. C’est un véritable guide, facile à lire donc accessible à tous que nous propose Charles Diby tout en répondant à trois questions essentielles : « Que changer ? Comment changer ? Pourquoi changer ? » Une autre lecture se fait en filigrane de cet ouvrage, celle de l’amorce d’un changement dans la gestion de la chose publique en Afrique, le désir de partager cette expérience afin de communiquer à tous des raisons d’espérer.

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Sur les marches

L’audacie de Stépha Mêlant rigueur et ambition, SIMAT continue son formidable essor. La Société ivoirienne de manutention et de transport de Stéphane Eholié séduit et a même charmé les porteurs du marché libre d’Euronext, la bourse de Paris. Elle est la première entreprise africaine à s’être fait coter et de fort belle manière- sur la place boursière de Paris. C’était en décembre2007.

Malgré son plébiscite, le PDG de SIMAT (Société ivoirienne de manutention et de transport) préfère rester humble dans sa démarche

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Reportage photo : Stéphane Goué

Par Edwige H.


use ambition ne Eholié

D

De la Pme de 20 salariés occupant un local de 600m2 à l’entreprise de 150 travailleurs qui loge aujourd’hui sur 45000m2 dans la zone portuaire d’Abidjan, SIMAT a su conquérir des marchés, gagner le cœur de ses clients, puis côtoyer de grandes places boursières en gardant à l’esprit les valeurs qui présidaient à sa création en 2001 : travail, esprit d’équipe, qualité du service, respect du travailleur et respect des règles de l’entreprise.

Aux âmes bien nées… Six ans et déjà dans la cour des grands. Mieux, quelques mois en bourse et très rapidement, des records inédits. L’action de SIMAT avait, en effet, atteint plus de 200% de son cours deux semaines seulement après son entrée sur la place boursière de Paris. Une performance qualifiée d’inédite par les spécialistes de l’introduction en bourse. Stéphane Eholié, lui, relativise cette prouesse et préfère rester humble dans la démarche. Il n’ignore pas la part de curiosité et d’exotisme contenue dans ce chiffre. Mais, même s’il lui est impossible d’évaluer ce pourcentage de curiosité, le PDG de SIMAT n’a aucun doute sur sa part d’objectivité. Le coté objectif, d i t i l , « c’est que Simat a respecté les conditions d’entrée sur le marché d’Euronext. Par ailleurs, le cours est fonction de l’offre et de la demande, on ne peut donc pas faire de combine à ce niveau.» En effet, l’accès au marché bour-

sier d’Euronext ainsi que l’autorisation de la commission d’entrée imposent de nombreuses conditions que sont : les audits sur de longs termes, des bilans certifiés conformes, des outils adéquats de maîtrise des risques financiers, une politique saine de performance financière, un business plan drastique, bref, autant d’exigences auxquelles a satisfait SIMAT.

pense que la bourse est une vertu du capitalisme. » Eholié, de toute évidence, croit en la bourse comme certains croient au bon Dieu. Seulement, croit-il en la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), la bourse de l’Uemoa ? « Nous entrons bientôt à la bourse régionale. Les deux entrées, à la bourse de Paris et à celle d’Abidjan, devraient se faire simultanément, mais la Brvm n’é-

Qui ne risque rien… Le seul risque dans cette démarche, rappelle Eholié, c’était celui du coût d’entrée financier à payer. « C’est vrai qu’au niveau de l’entreprise nous nous sommes par moment inquiété. On se posait la question de savoir si à 20% on ne se ferait pas phagocyter. Mais, continue-t-il, j’ai toujours été un homme de conviction. Je pense modestement que j’ai toujours été un bon travailleur. J’ai toujours cru en la bourse. Le futur des entre-

Stéphane Eholié et ses collaborateurs

tait pas prête. Paris était une opportunité à saisir en un laps de temps et je l’ai saisie sans sourciller. J’y suis allé avec une convic-

«L’Afrique ne va s’en sortir que si elle réussit l’intégration économique.» preneurs c’est la bourse ; et c’est important pour lever des capitaux, pour se remettre en question. En plus, les partenaires financiers voient d’un meilleur œil une société qui est cotée en bourse. Je

tion certaine sinon je ne serais jamais parti. » A entendre le PDG de Simat parler avec autant d’assurance de son entrée sur ce grand marché, on a presque envie Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

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Sur les marches

de lui attribuer le « Veni, Vidi Vici » de Jules César. Mais ce serait se méprendre sur l’état d’esprit qui l’anime, car, s’il déborde de convictions, il ne fait pas rimer ses certitudes avec l’arrogance. Malgré le plébiscite unanime de la presse économique et financière européenne, Stéphane Eholié relativise…encore : « Je pense qu’il faut toujours relativiser. Quoique l’on dise, ce sont de petits capitaux de 2 à 3 millions d’euros que nous levons. C’est vrai que le retentissement est majeur… Si cela peut permettre d’avoir des idées et d’être vu, c’est le plus important. » Qu’importe aux journalistes la modestie de Eholié. Ils comparent déjà l’entrepreneur ivoirien à de célèbres entrepreneurs français et en parlent même en termes de « Petit Bolloré » ou de « Bolloré d’Afrique »

Petit à petit… « Me comparer à Bolloré est bien grand. J’ai beaucoup d’estime et d’admiration pour Vincent Bolloré qui a été mon premier employeur, j’ai vu sa vision des choses …» Pas d’équivoque. L’élève a bien appris la leçon du maître. Et comme Bolloré, Eholié serait prêt à étendre les activités de SIMAT. A condition d’avoir des partenaires, africains de préférence, aussi motivés que lui. « L’Afrique ne va s’en sortir que si elle réussit l’intégration économique. », soutient-il. Parlant d’intégration économique, certains pensent que l’entrée de SIMAT

Esprit d’équipe, qualité du travail, respect du travailleur et respect des règles de l’entreprise restent les valeurs de SIMAT

SIMAT en chiffres Créée en 2001, SIMAT est une Société Anonyme au capital initial de 400 millions FCFA repartis entre 4 actionnaires : Stéphane Eholié (74,5O%), Monique Améthier-Eholié (25%), Jean Baptiste Améthier (0,02%) et Hubertine Traoré (0,02%). De 1 milliard FCFA de chiffre d’affaire en 2001, la société familiale des Eholié a atteint 6 milliards de FCFA en 2006 et envisage réaliser 7, 25 milliards en 2008 et plus de 8 milliards en 2009. Pour entrer sur le marché d’Euronext, SIMAT a libéré 200.000 actions, soit 20% de son capital. La société embauche 150 agents dont 11 cadres (parmi lesquels 5 hommes et 5 femmes, parité oblige !) et 500 à 1000 manœuvres occasionnels par jour.

SIMAT en bref

Stéphane Eholié PDG de SIMAT

sur le marché d’Euronext est une brèche à risque pour l’économie du pays. Que va devenir le système bancaire du pays si tous les entrepreneurs vont à l’étranger pour lever des fonds ? « Mais c’est justement un signal que je lance au système bancaire d’ici qui accorde des crédits à des taux de l’ordre de 14% à rembourser sur une durée de 3 ou 4 ans. L’autre message fondamental, c’est de montrer que les entreprises locales peuvent concurrencer les entreprises internationales. Pour l’intégration économique, l’idée novatrice qu’il faut mettre en œuvre, c’est le partenariat Sud-Sud qui nécessite des croisements entre opérateurs économiques. Moi, en fonction des opportunités d’affaire à saisir, je suis prêt à étendre les activités de Simat. Pour autant, je ne suis pas prêt à ouvrir Simat à Cotonou ou à Dakar, parce que les mentalités, en

Les activités de SIMAT sont principalement des opérations de chargement et de déchargement de navires et celles liées aux activités physiques en magasin cale et sur terre-plein en zone sous douane : acconage, manutention, commission de transit, transport , entreposage et consignation. C’est elle qui fut chargée en 2006, de transporter d’Abidjan vers Paris, les déchets toxiques qui avaient été déversés à Abidjan.

Opération de déchargement dans les entrepôts de SIMAT

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Afrique, ne sont pas prêtes à cela. Mais je suis prêt à avoir des partenaires béninois ou sénégalais. C’est comme cela que le futur devrait se faire. J’espère que je suis dans le vrai et que dans 4 ou 5 ans, on se verra et on saura si j’ai eu tort ou pas. » En attendant ces opportunités d’affaires, SIMAT est en pleine croissance interne (extension des bâtiments) et cultive d’ambitieux projets malgré la modestie qu’affiche son patron : ouverture d’une agence de voyage, ouverture d’une usine de café cacao, constructions au du port de San Pedro et création d’un quai à engrais au port d’Abidjan. Les deux derniers projets sont les grandes satisfactions de SIMAT parce que « les responsables des ports d’Abidjan et de San Pedro ont compris qu’il faut aider

Muet comme… L’autre satisfaction de Stéphane Eholié reste les marques de sympathie, les manifestations d’intérêts, les félicitations et les appels à l’encouragement qu’il a reçus des opérateurs économiques d’ici et d’ailleurs. Quid des politiques ? Sur ce chapitre, Stéphane Eholié préfère rester sans voix. Il n’a rien à dire ; ou plutôt, il n’a qu’une seule chose à dire : « Pour le politique, le plus important doit être l’économie car c’est l’économie qui tient tout ». Rien de plus à ajouter. Insistez, il restera muet comme une carpe.

Il n’y a pas de mauvais vents…

les PME locales, encourager les entreprises nationales ». Une marque de confiance des ports ivoiriens qui date d’avant l’effet Euronext. Deux semaines avant son plébiscite international, le directeur de SIMAT était élevé au rang d’Officier de l’ordre national lors de la célébration du 30ème anniversaire du Port autonome de San Pedro.

Du Lycée garçon de Bingerville aux places boursières, en passant par la Direction générale de GILMAR, puis celle de GITMA, que de chemins parcourus, de voies empruntées et de routes évitées par le diplômé de l’université de Paris Dauphine. Et lorsqu’on évoque GITMA, il revient vaguement à l’esprit de ceux que la mémoire n’a pas trahi, le long, ennuyant et ennuyeux feuilleton juridico-médiatique qui avait opposé il y a 10 ans, deux actionnaires d’une société de manutention et de transit. L’un des deux s’appelait …Stéphane Eholié ; il navigue aujourd’hui en haute mer et est plutôt bien placé pour dire qu’ « il n’y a pas de mauvais vents, il n’y a que de piètres navigateurs.»

SIMAT est en pleine croissance externe

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Administration publique

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Afrique CompĂŠtences / Mai - Juillet 2008

Grandngle

a


Le

blues des

fonctionnaires africains

Employés par le plus grand des employeurs, l’Etat, les salaires et les conditions de travail des fonctionnaires laissent, pourtant, à désirer. Aussi, au Togo, au Cameroun ou en Côte d’Ivoire, sont-ils en guerre permanente avec l’Etat. Et l’administration publique en pâtit. Comment optimiser la gestion des administrations publiques en Afrique ? Jonas K. Kouamé partage son analyse. • Togo

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Photo / Stéphane Goué

La débrouillardise comme alternative / John K. Zodzi • Côte d’Ivoire Page 18 La guerre dans la guerre / Philippe-Rogers Konan • Cameroun Page 21 Entre misère et corruption / François Bambou • Congo-Brazza Page 23 Des promesses vite oubliées / Nicole Mikolo • Contribution Page 26 Mieux gérer les administrations publiques en Afrique / Jonas K. Kouamé

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blues d fonctionnaires n Gra gle africains

an

Le

des

TOGO

La débrouillardise comme alternative Au Togo, les différents syndicats de fonctionnaires et le gouvernement sont, depuis deux ans, à couteaux tirés. Le malentendu porte sur des revendications des syndicalistes, à propos de l’amélioration de leurs conditions de travail. Mais, la plus grosse pomme de discorde entre les deux camps reste le salaire que les agents de l’Etat trouvent trop bas.

«L

des travailleurs traînent le pas», estime Norbert Gbikpi-Benissan, Secrétaire général de l’Union nationale des syndicats indépendants du Togo (UNSIT).

Un classement indiciaire faible L’Intersyndicale des travailleurs du Togo (ISTT) – qui regroupe les cinq centrales – est unanime à soutenir que la révision de la grille salariale pourra fortement aider à relancer une administration togolaise marquée par de longues années de crise sociopolitique, et souvent délaissée par des

agents à la recherche d’un second souffle dans le privé ou l’informel. L’administration publique togolaise est subdivisée en cinq catégories dont la plus élevée est la catégorie A1. Un cadre supérieur (A1), à l’exemple d’un médecin, explique Akouété Béliki, entre dans la fonction publique avec l’indice 1 450. Cet indice multiplié par la valeur indiciaire 917,48 donne le salaire annuel du fonctionnaire du cadre A1. Tout calcul fait, on se rend compte que le médecin togolais à l’entame de sa carrière, n’est qu’à 110 000 francs Cfa par mois «Si le médecin, après sa formation, ne touche que cela, comment voulez-vous qu’il ait de la motivation et se donne vraiment à son travail?»,

AFP Photos Emile Kouton

«Le fonctionnaire togolais a le plus bas salaire de toute la sous région». Ces propos sont de Akouété Béliki, Secrétaire général de la Confédération syndicale des travailleurs du Togo (CSTT), l’une des cinq centrales syndicales du pays actuellement en discussion avec le gouvernement pour adapter le pouvoir d’achat des agents de l’Etat au coût de plus en plus élevé de la vie. Un dialogue social tripartite syndicats - patronat - gouvernement conclu le 11 mai 2006 à Lomé, en 125 points, devrait permettre d’aplanir les divergences ; si l’on ne s’en tient qu’à son contenu. Mais son application semble encore timide, et «les mesures déterminantes pour améliorer la situation

Par John K. Zodzi

Dans les rues de Lomé, il n’est pas rare de voir des fonctionnaires se muer en chauffeur de taxi moto

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s’interroge M. Béliki. Pis, pour le fonctionnaire togolais qui démarre à l’indice 1 450, le dernier indice est à 2 800. «Ce qui veut dire que s’il passe tous les deux ans d’une catégorie à une autre, d’un indice à un autre, il peut,en 15 ans seulement être au bout de son avancement. Pendant les 15 ans qui lui restent encore dans la fonction publique, il devra gagner le même salaire. Ce n’est pas normal, ce n’est pas motivant», se plaint Akouété Béliki.

Un barème vétuste Toutes ces mesures tirent leur sens d’un barème qui date de la vieille époque coloniale, indique-t-on. En la matière, le Togo serait le seul au sein de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) à n’avoir jamais procédé à une révision de la grille salariale et de la valeur indiciaire, malgré les demandes persistantes de ses syndicats de fonctionnaires. La situation n’est guère rose en ce qui concerne les indemnités de poste. La plus élevée est celle du Directeur de cabinet ou du Secrétaire général : 20 000 francs CFA mensuel. Le directeur général est à 10 000 francs CFA, le chef division à 5 000 francs CFA, et le chauffeur ou le gardien de nuit à 3 000 francs CFA, pour ne citer que ces exemples. Une récente proposition du gouvernement, le 20 décembre 2007, envisage de porter ce taux à 100 000 francs CFA pour le Directeur de cabinet, à 40 000 francs CFA pour le Directeur général et à 5 000 francs CFA pour le gardien de nuit. L’avis de l’Intersyndicale sera requis à ce sujet. Quant au personnel des hôpitaux publics, un arrêté ministériel datant de 1991 fixe la prime de garde à 1 000 francs CFA. Tous grades confondus. Exception faite des médecins affectés hors de la capitale – sans limite de garde – qui touchent 5 000 francs CFA pour la garde. «Au bout de 17 ans, on peut raisonnablement demander que cet arrêté soit réactualisé. Le coût de vie a changé, le temps d’apprentissage et les contraintes de travail ont été modifiés», avait admis le professeur Charles Kondi Agba, Ministre de la Santé, lorsque le personnel des hôpitaux a fini par battre le pavé le 29 janvier 2008. Il réclamait entre 2 500 et 40 000 francs CFA pour la garde, et

jusqu’à un minimum de salaire mensuel estimé à 700 000 francs CFA. La plupart des médecins ont compris qu’à côté du salaire de misère actuel, il serait salutaire pour eux de créer leurs propres cabinets. Ils ne répondent plus aux concours de recrutement du ministère de la Santé, et réduisent au strict minimum les consultations aux centres hospitaliers publics. Ils se consacrent à leurs cabinets privés, vers lesquels les patients des hôpitaux publics sont parfois dirigés, en attendant que le gouvernement trouve des solutions à leurs doléances.

On se débrouille Il est évident que face à l’augmentation constante du coût de la vie, les agents de l’Etat n’arrêtent pas de tirer le diable par la queue. Il est fréquent, ces dernières années, de croiser dans la rue, des fonctionnaires qui se muent en conducteurs de taxis motos au sortir du bureau. Ce travail de chauffeur de taxi moto, déjà connu au Bénin, est né au Togo de la grande grève générale de 9 mois en 1993, pour palier l’absence de taxis en ville et se faire, pour les chauffeurs, des revenus quotidiens. Aujourd’hui, la pratique permet à quelques fonctionnaires de l’administration d’avoir de quoi payer du carburant le lendemain. La réalité est que la pratique de taxis motos s’est imposée comme un second métier pour beaucoup de fonctionnaires qui relèvent ainsi leurs revenus mensuels.

Les contraintes Toutes ces situations réunies constituent un cocktail explosif dans les mains des nouvelles autorités togolaises, eu égard aux difficultés économiques et financières du pays. «Nous savons que notre pays sort d’une crise, mais nous sommes aussi conscients qu’il dispose de moyens internes pour subvenir à certains besoins immédiats afin que notre administration soit compétitive» rappelle un responsable de l’Intersyndicale. Une réalité qui s’impose aux nouvelles autorités togolaises qui essaient, depuis 2006, de trouver des solutions avec les moyens de bord. En 2006, elles ont décidé le déblocage des avancements dans la fonction

publique instauré depuis les dures années 90. En janvier 2007, les salaires dans la fonction publique ont été revus à la hausse de 5%. Douze mois plus tard, en janvier 2008, une seconde augmentation de 3% est intervenue. Au grand étonnement des syndicats. «Le principe de l’augmentation a été défini au niveau du dialogue social et il était convenu que l’augmentation des salaires serait relative à l’amélioration des recettes fiscales. Cela veut dire que si les recettes fiscales s’améliorent, 35% seraient utilisés d’une part à l’augmentation des salaires et d’autre part à la création d’emplois. On ne sait pas s’il y a eu effectivement amélioration des recettes fiscales et dans quelle proportion pour avoir la justification des 3%» explique Norbert GbikpiBenissan de l’UNSIT. «Le budget qui est en exécution répond aux entretiens avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale et aux normes de l’UEMOA ; et par rapport a tous ces éléments, le gouvernement n’a pu servir que ces légères augmentations», répond Octave Nicoué Broohm, le Ministre du travail. Rappelons que les augmentations successives se font contre l’avis du Fonds monétaire international (FMI) – qui assiste le pays depuis l’année dernière dans le renforcement de ses capacités économiques. Les institutions de Bretton Woods estiment qu’il est trop tôt pour le Togo de s’offrir ces augmentations. Surtout qu’elles se battent auprès des pays actionnaires afin d’effacer près de 130 millions de dollars US d’ardoise du pays. «La situation est en voie de redressement et les ressources vont s’améliorer au fur et à mesure que l’embellie se fera voir», promet le Ministre du travail, tout en rappelant que «l’ensemble des problèmes, malheureusement, ne peut être résolu tout de suite». «L’augmentation des salaires, les indemnités de fonction et de déplacement, l’âge de la retraite qui va être relevé…, tout cela a un coût», affirme M. Broohm. Le gouvernement affirme avoir expliqué à l’ensemble des partenaires sociaux ce qui peut être fait par rapport aux contraintes budgétaires actuelles.

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CÔTE D’IVOIRE

La guerre dans la guerre Pendant les cinq années qu’a duré la crise militaro-politique en Côte d’Ivoire, les autorités d’Abidjan n’ont pas eu qu’à négocier avec les ex-rebelles. Sans prendre en compte la « trêve social », demandée dès 2000 par l’ancien Premier ministre Pascal Affi N’guessan, ni même la retenue voulue ou imposée par le contexte de guerre, plusieurs catégories de travailleurs n’ont pas manqué de revendiquer un mieux être social.

L

Loin des zones assiégées, enseignants, greffiers, agents des eaux et forêt, médecins et bien d’autres travailleurs de la Fonction publique ont engagé leurs propres combats. Leur arme : la grève, pour convaincre ou contraindre l’Etat à revoir leurs statuts et les droits qui y sont rattachés.

La colère des enseignants

des droits et avantages sociaux. La guerre des militaires et politiques n’a nullement altéré ce vieil instinct revendicatif des enseignants. Qu’ils soient du primaire, du secondaire ou du supérieur, les enseignants ont réussi à faire plier l’Etat, sortant ainsi victorieux de leur guerre dans la guerre. Aux enseignants du primaire, le chef de l’Etat avait cru bien faire en leur garantissant fermement l’amélioration de leurs conditions de travail. Ces garanties, bien que données par le Président de la république n’ont pas calmé l’ardeur des grévistes ;

Photo / Stéphane Goué

Ils ont été très souvent à la pointe des remous sociaux. Du moins, au devant des mouvements les plus retentissants, pour la revalorisation

Par Philippe-Rogers Konan

Flavien Traoré, Président de la CNEC soutenait que leur seule motivation était la qualité de leur travail

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bien au contraire. « On a souhaité que ces garanties se traduisent en actes concrets. Or, nous ne constatons rien de concret. En plus de cela, dans le décret qui est pris, il y a des reculades graves que nous ne pouvons accepter. D’abord le montant de 30 000 Francs CFA, c’est à titre transitoire que nous l’avons accepté compte tenu des difficultés du moment », expliquait le coordinateur du Mouvement des instituteurs pour la défense de leurs droits (MIDD), Mesmin Comoé, à un journal ivoirien. « Nous ne pouvons pas accepter que ce montant acquis de façon transitoire, figure dans le décret. C’est dans un protocole d’accord qu’on a accepté les 30 000 FCFA à titre transitoire », poursuivait-il, faisant remarquer que ladite prime n’avait pas été effectivement payée, à la date du 31 mars 2007. Les enseignants du primaire ont poursuivi leur grève jusqu’à la satisfaction de leurs revendications. Pour ne pas perdre la face, la seule exigence de l’Etat fut la reprise des cours avant la signature du décret présidentiel. Au supérieur, sous la houlette de la Coordination nationale des enseignants et chercheurs (CNEC), ils ont régulièrement observé des arrêts de travail. « Nous luttons pour que les choses soient à l’endroit dans ce pays…On cultive la pauvreté comme prétexte de guerre pour se remplir les poches. Les deniers publics doivent être repartis entre tous les concitoyens, traiter les corporations de façon équitable », se plaignait Flavien Traoré, lors d’une de ses nombreuses sorties face à la presse.


Au Temple de Thémis,

on réclame justice Pour les greffiers, il n’y avait pas meilleur moment que l’ouverture des Audiences foraines pour entamer une grève. L’opération d’identification appelée audience foraine étant un élément clé du processus de sortie de crise, et les greffiers se sachant maillon essentiel de ces audiences foraines, ils ont attendu le lancement de cette opération pour débrayer, afin de faire entendre et satisfaire leurs revendications. Avant les greffiers, les agents non magistrats de la Cour suprême avaient paralysé le fonctionnement de cette haute juridiction pour une question de primes qui n’étaient pas distribuées.

Le cas des agents des eaux et forêts Eux, sont partis d’un constat auquel aucun Ivoirien ne saurait rester indifférent : « l’exploitation anarchique » des réserves et parcs nationaux de

Côte d’Ivoire. Dans leur grève, ils promettent le blocage de « toute activité forestière dans le pays, en érigeant des barrages sur les routes pour empêcher le transport des bois de grumes et le charbon de cuisine ». On ne tardera pas à comprendre que ce mouvement, comme les autres, s’inscrit aussi dans la mouvance de la quête du bien-être des travailleurs. L’une de leurs revendications consiste en effet à réclamer à l’Etat la militarisation de leur corps de métier. « Ce statut militaire nous permettra de contrôler l’activité forestière qui génère 200 milliards de FCFA par an, et favoriser une gestion rationnelle des ressources des parcs », soutient le lieutenant Apollinaire Oboumou, porte-parole du Collectif des agents techniques des eaux et forêts de Côte d’Ivoire (CATEF-CI) et du Syndicat des agents techniques des eaux et forêts (SYNATEF-CI). Pour les syndicats, la militarisation des agents des eaux et forêts est d’ailleurs une promesse de l’exécutif ivoirien. Bien entendu, la militarisation demandée s’accompagne d’une reva-

Photo / Stéphane Goué

Flavien Traoré est le porte-parole de la CNEC. Au plus fort du bras de fer, et face à des interrogations faisant allusion à des manipulations politiciennes, il soutenait que leur seule motivation était la qualité de leur travail: « nous voulons avoir de bons salaires pour rester à l’Université et servir les étudiants ». Les différentes tentatives d’intimidation, comme les violences perpétrées contre le siège de la Ligue ivoirienne des droits de l’homme (LIDHO), où la CNEC avait tenu une conférence de presse, n’ont pas altéré leur détermination. En janvier 2008, les enseignants et chercheurs du supérieur ont vu leurs salaires revalorisés. Mais, ce n’est qu’en janvier 2009, que s’appliqueront pleinement les effets de cette revalorisation des salaires. Ceux-ci, dans certains cas, passent du simple au double. Si dans l’ensemble, on est loin de la grille proposée par les enseignants et chercheurs eux-mêmes, les enseignants sont quand même satisfaits. La lutte a payé.

Le Palais de justice d’Abidjan a été paralysé par la grève des gerffiers Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

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La recherche d’un mieux être social soutenait la grève du Dr. Magloire Amichia et de ses camarades du SYNACASS-CI

lorisation salariale. Mais le gouvernement n’entend ou ne comprend pas cette crise de la même façon. Jugeant le mouvement de grève « illégal », un Conseil des ministres, tenu dans la dernière semaine de décembre 2007, annonce la suspension des salaires du mois de décembre des 1496 agents ayant participé à cette grève. Depuis, ils ont baissé la garde.

Jusqu’au bout pour les médecins « Criminel » : c’est ainsi que le Président de la République a qualifié la grève générale, sans service minimum des médecins. Visiblement il tentait de faire jouer la carte de l’humanitaire, face aux revendications des médecins. Les médecins, eux, entendaient maintenir la grève jusqu’à la satisfaction de leurs revendications. Comme les autres corps de métier, la recherche d’un mieux être social soutenait la grève. Lors d’une rencontre avec le Président de la République, après l’arrêt de la grève, le porte-parole des 13 syndicats du secteur de la santé est largement revenu sur les motivations d’une telle fermeté. L’allocation d’une indemnité de logement pour les personnels de santé

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autres que les cadres supérieurs ; le recrutement de 400 cadres supérieurs de la santé au chômage à la Fonction publique ; l’intégration des filles et garçons de salle dans l’emploi des agents des services hospitaliers à la Fonction Publique ; l’intégration à la Fonction Publique de 111 aides soignantes recrutées par le Ministère de la Santé et affectés au CHU de Yopougon depuis 1989. Il s’agit également de l’octroi d’un budget pour la formation des aides-soignants à l’INFAS ; l’octroi d’un budget spécial pour la mise en place de gants de révision utérine dans toutes les formations sanitaires du pays pour leur protection contre le VIH ; le reclassement dans les grades supérieurs des 300 cadres supérieurs de la santé ayant plus de 10 ans de service bloqués pour insuffisance budgétaire ; la suppression du concours de recrutement à la Fonction publique pour tous les personnels de santé après leur formation de base. Sans oublier la question de l’opération immobilière du Syndicat national des cadres supérieurs de la santé de Côte d’Ivoire (SYNACASS-CI). En réaction à ce chapelet de doléances, le Chef de l’Etat signe un décret qui prévoie des indemnités nouvelles et de nouveaux indices pour le salaire à tout le personnel de santé ainsi que le relèvement de l'indemnité

paramédicale, le recrutement exceptionnel de 1 300 cadres supérieurs de la santé, l'accord pour l'ouverture d'un 3ème cycle pour le personnel technique de la santé. Par ailleurs, le Chef de l’Etat a annoncé mi-février 2008 le recrutement de 400 médecins ; tout en promettant, d’étudier attentivement beaucoup d’autres revendications ou doléances. Mais, dans les zones Centre-NordOuest, appelée anciennement zones assiégées, d’autres agents de la santé demandent la rétribution de leur part de sacrifice consenti ces dernières années. La spécificité de ces agents, soutiennent-ils euxmêmes, réside dans le fait qu’ils ont travaillé de façon volontaire en bravant tous les risques au plus fort de la guerre sur un territoire déclaré « zone de guerre ». Le 6 mars 2008, ils officialisent leur organisation. Le Mouvement des agents de santé volontaire de Côte d’Ivoire (MASVO-CI) revendique 1350 membres, et réclame leur intégration à la Fonction publique, ainsi

qu’une une compensation financière allant de la période de 2002 à 2007. Et si la guerre en Côte d’Ivoire semble finie, la guerre des fonctionnaires, elle ne montre aucun signe de répit.


AFP Photos Fanny Pigeaud

Cameroun

Après une semaine de contestation contre la vie chère, Paul Biya a anno des mesures de protection du pouvoir d’achat des fonctionnaires

Entre misère et corruption

I

Clochardisés par les baisses du pouvoir d’achat et des conditions de travail archaïques, les fonctionnaires camerounais multiplient des parades pour faire face au manque à gagner. Revue des principales techniques

Il n’y a pas de petit profit. De fait, les fonctionnaires camerounais n’ont pas boudé la hausse de salaires de 15% consentie par le gouvernement à la mi février et qui ne prendra effet que sur les salaires payés fin avril. Après une semaine agitée de contestations sociales liées à la vie chère, Paul Biya a annoncé des mesures de protection du pouvoir d’achat des fonctionnaires. La principale étant la revalorisation des salaires de la Fonction publique à compter du mois d’avril 2008. Il s’agit d’une hausse de 15% sur le salaire de base, tandis que l’indemnité de logement est désormais fixée à 20% dudit salaire de base contre 12% actuellement. Cette mesure concerne les fonctionnaires, les contractuels d’administration, les agents de l’Etat, les décisionnaires et les forces de défense et de sécurité. Un décret présidentiel a été aussitôt signé pour formaliser cette hausse que revendiquaient les fonctionnaires. Comparé

Par François Bambou

aux 70% de baisse de salaire infligé au même personnel de l’Etat par le gouvernement en 1993, la progression est maigre. D’autant plus maigre que le coût de la vie a considérablement augmenté, comme l’explique Jean marc Bikoko, le président du Syndicat des agents public : « "un tiens vaut mieux que deux tu l`auras". C`est un pas. Car nous savons que depuis 25 ans, il n`y a pas eu de revalorisation des salaires au Cameroun. Au contraire, on a baissé les salaires de 70%. Cette augmentation est à mettre à notre actif. Mais, nous disons qu`elle ne représente rien par rapport aux 70% de baisse qu`avaient subie les fonctionnaires Camerounais et par rapport aux effets de la dévaluation en 1994 et à la hausse des prix des produits de première nécessité ». Il est vrai que la vie est difficile pour ces agents publics jadis privilégiés. "Ce que nous touchons nous permet juste de survivre. Une fois que nous

avons réalisé les dépenses de base pour la nourriture, le loyer, la scolarité des enfants, il ne nous reste plus rien. Chacun se débrouille comme il peut, en trichant au besoin. Ceux qui gèrent des lignes de crédit se servent au passage. Les autres s'arrangent pour soutirer de l'argent aux usagers contre le traitement de leur dossier", explique Jean-Marc Bikoko. Clochardisés, les quelques 160 000 fonctionnaires et 20 000 agents temporaires de l’administration camerounaise ne capitulent pas. Selon la maxime qui voudrait que la chèvre broute là où elle est attachée, il ne reste guère qu’une seule issue aux responsables de l’administration pour réaliser leurs ambitions : la corruption. Chacun transforme ainsi, son bureau en péage où tout service est monnayé. L’enseignant dispense des cours inaudibles et inintelligibles en classe, pour obliger les élèves à prendre part à ses cours de répétiAfrique Compétences / Mai - Juillet 2008

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DOSSIER

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fonctionnaires africains

tions chèrement payés. Le médecin, procède aux consultations sommaires d’un air distrait dans les hôpitaux, puis refile son numéro de téléphone privé au patient. S’il veut être bien soigné, ce dernier n’a qu’à se rendre au domicile du médecin, où les consultations sont payées cinq fois plus cher qu’à l’hôpital. Cette tendance n’épargne aucun secteur, car il y en a qui, lorsqu’il n’ont rien à marchander dans leurs bureaux, les désertent carrément pour aller mener leurs propres affaires. Et si l’administration en est paralysée, le fonctionnaire, lui, en tire une bien triste réputation. On se moque du fonctionnaire honnête, peu enclin à la corruption, qu’on indexe comme l’idiot du village, avec ses airs de clochard. Celui qui mène un grand train de vie est méprisé et taxé de voleur. Dans la grande misère où baignent les fonctionnaires camerounais, ils s’en trouvent qui ont su « brouter » abondamment là où ils étaient attachés. Des quartiers huppés aux noms évocateurs (Koweït City, Santa Barbara) sont sortis de terre, où l’on ne trouve que de richissimes fonctionnaires. Il arrive même que des hommes d’affaires envient certains fonctionnaires. Les campagnes de lutte contre la corruption menées par le gouvernement n’ont eu qu’une effica-

cité relative pour juguler le phénomène. Tout au plus, les contraintes imposées par cette nouvelle lutte ont-t-elles amené les fonctionnaires à affiner leurs techniques ; ce qui ne peut que nuire à l’efficacité de l’administration. Le gouvernement, lui, est allé jusqu’à mettre en cause la compétence de l’administration. Aujourd’hui, l’on s’accorde à reconnaître que ce n’est pas le profil académique de ces cadres de l’administration, que les conditions de travail archaïques ont blasé, qui est en cause. Pour la plupart, ils viennent d’ écoles spécialisées dont le prestige résiste au temps : Ecole normale supérieure, Ecole nationale d’administration et de magistrature, Institut national de la jeunesse et des sports, Ecole de eaux et forêts, Faculté de médecine et des sciences biomédicales, Ecole de sciences économiques et commerciales, etc. Il s’agit de cadres techniquement bons, mais socialement aculés par la précarité. Les agents de l’Etat égrènent leurs journées en voyant le pays passer à coté de grandes opportunités, tandis que les responsables hiérarchiques sont occupés à remplir leurs bas de laine. Pour faire face à la précarité, certains fonctionnaires ont trouvé une parade plus simple. S’adjuger plusieurs salaires à la fin du mois. La technique est

simple : grâce à des complicités dans les centres des gestion du fichier de la solde, un fonctionnaire peut s’offrir plusieurs matricules et par conséquent, autant de salaires. Lors de la dernière opération d’assainissement du fichier solde des agents de l’Etat camerounais, 3500 fonctionnaires fictifs, ont été supprimés des fichiers. Au total, 24 000 agents fictifs qui ont indûment perçu des salaires et pensions pendant des années ont pu être extirpé des fichiers de solde de l’Etat à l’issue des différentes opérations de traque menées contre les fonctionnaires à plusieurs matricules. Ces opérations ont permis à l’Etat de gagner environ 10 milliards par an, une somme que se partageaient pendant des années, des agents véreux de l’Etat. En attendant la hausse prévue pour la fin du mois d’avril, les fonctionnaires continuent de faire des queues dans leur banque, 10 jours à peine après leur paie, pour quémander quelques découverts bancaires au montant ridicule ; après avoir épuisé les possibilités de crédit chez l’épicier du quartier. Les temps où les fonctionnaires bénéficiaient automatiquement de crédits automobile, de crédit d’habitat, ou de crédit d’équipement est bel et bien révolu.

Le magazine des ressources humaines, des talents et des savoir-faire d’Afrique 22

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CONGO-BRAZZA

Photo DR

DES PROMESSES VITE

Le panier de la ménagère est toujours vide malgré les promesses du Chef de l’Etat

Au Congo-Brazza, on se souvient encore des manifestations de joies qui avaient envahi les rues de Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisé et Nkayi lorsque le Président de la République, S.E.M. Denis Sassou-Nguesso a annoncé, la hausse de 25% du salaire minimum des fonctionnaires ainsi que le relèvement à 60 ans de l’âge de départ à la retraite. C’était le 31 décembre 2006, lors de la présentation de ses vœux à la nation. Ce soir là, il n’avait pas précisé la date d’entrée en vigueur de ces mesures mais, il avait affirmé que « les dispositions réglementaires nécessaires avaient déjà été prises. » Il y avait donc de l’espoir. L’espoir que très rapidement, les fonctionnaires pourraient jouir de leurs salaires revus à la hausse. De mois en mois, puis d’années en années, l’espoir s’est amenuisé car les engagements pris ne sont pas appliqués, les avancements et la hausse de salaire acquise sur papier ne produisent aucun effet sur le plan financier. Par Nicole Mikolo

Des richesses mal distribuées Plus d’un an après l’annonce du Chef de l’Etat, force est de constater que sa volonté n'a pas été traduite dans les faits. Malgré le taux de croissance du P.i.b de 6,1% qui dépasse la moyenne africaine établie à 5,5% le rythme d’augmentation du secteur hors pétrole main-

tenu à 5,5% et de l’inflation maîtrisée à 4,7%, les agents de l’Etat, comme par exemple ceux du secteur de la santé et des affaires sociales, regroupés au sein de la FENASAS n’ont pas pu se voir attribuer une part des richesses en rapport de ces indicateurs de performance ci-dessus évoqués. La FENASAS, soucieuse de la défense des intérêts matériels, moraux et droits fondamentaux

des travailleurs et travailleuses relevant des secteurs de la santé et des affaires sociales avait exigé du gouvernement la signature et la publication, au plus tard le 15 novembre 2007, les projets des textes accordant les primes et indemnités aux agents de la santé et des affaires sociales, tel qu'il a été décidé à l’assemblée générale tenue le 23 octobre 2007. Les syndicalistes attendent toujours. Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

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Un transit rapide Le transit du salaire du fonctionnaire, de la banque aux mains des autres, est si rapide qu’on pourrait dire que le fonctionnaire ne fait que palper les billets. Pour Joséphine Ngoma, l’expression « toucher sa paie » convient parfaitement aux réalités que vivent les fonctionnaires du Congo. Sa collègue Pascaline M. partage entièrement ce pont de vue. Dès qu’elle « touche son salaire » cette secrétaire va de créancier en créancier payer ses dettes, puis, paye son loyer et il ne reste plus rien. Chaussures éculées et chemise usée, l’image du fonctionnaire qu’offre Raphaël M. n’est guère reluisante. Le seul luxe qu’il s’offre dès qu’il a son salaire est un bouillon de capitaine pimenté qu’accompagnent trois bières. Le reste de la solde ne lui appartient aux créanciers. J. Makéla, gendarme, ajoute que le séjour des billets dans les poches du salarié est encore plus bref lorsqu’il a un malade à charge ou qu’il reçoit une visite inopinée de parents qui viennent pour mille et un problèmes.

La corruption, en attendant la hausse effective des salaires La tendance chez les fonctionnaires congolais est de monnayer le moindre service qu’ils rendent au public : pas facile d’obtenir une signature au bas d’un document sans un petit pourboire ; difficile pour un patient d’être écouté et soigné dans un hôpital public s’il n’a pas d’argent ; une secrétaire ne peut délivrer une attestation de service sans contrepartie officieuse. Suivre un dossier dans l’administration relève du parcours du combattant lorsqu’on ne connaît pas un fonctionnaire du milieu ou si on ne verse pas les pots-de-vin appelés « brouette », qui permet de circuler d’un bureau à l’autre. Tant que cette condition n’est pas satisfaite, une seule réponse pour l’usager : « Repassez dans un mois, le chef n’a pas encore signé. »

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Les «ristournes», pour tenir la route Forme indirecte d’épargne et d’emprunt, les « ristournes » sont devenus une des activités principales des agents de l’Etat. Apollinaire Mbouyou., Chef de service au Ministère de l’Economie et des finances, fait partie de deux « ristournes » au Ministère. Il cotise une certaine somme tous les mois et au bout d’un certain temps bénéficie d’une somme équivalente à la totalité de ses cotisations. Ce système d’épargne informel lui a déjà permis de s’acheter une parcelle de terrain et de financer les études de ses enfants. Comme lui, plusieurs agents de l’Etat semblent avoir opté pour ce système. Pour Hervé Bouiti Mavoungou, militaire, les « ristournes » représentent le bon créneau. Il y a d’abord l’aspect obligatoire de la chose. Une sorte d’épargne forcée qu’il n’aurait pas la capacité de réaliser de sa seule volonté. En outre, « quand vous touchez, vous pouvez réaliser plus de projets qu’avec votre seul salaire », explique l’officier de l’armée de terre. A l’évidence, les ristournes permettent aux fonctionnaires d’épargner pour réaliser quelques projets. « C’est une forme de prêt sans intérêt, surtout lorsqu’on en bénéficie dès le premier mois » explique Madeleine Pambou.

Des «à-côtés» pour gérer le quotidien Carole Mantissa adore les tenues « classes et griffées » comme elle le dit. Chaque mois, il lui faut s’offrir au moins un tailleur ou une chaussure. « C’est comme une drogue, je n’y peux rien. J’aime sentir que j’attire les regards dans mes tenues », déclare la jeune femme. Le seul problème pour cette secrétaire dans une administration est que son salaire ne lui permet pas de céder à tous ses caprices. « Je dois m’occuper de mes deux enfants et de mes nombreux parents. Ce n’est donc pas évident de concilier cela avec mes envies de luxe », avoue-t-elle. La solution, elle l’a trouvée en ouvrant un salon de coiffure grâce à des économies.

Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

Isabelle E. se contente pour sa part d’entretenir un champ de manioc et de les revendre durant les week-ends pour étoffer la bourse du foyer. « Ce n’est pas très valorisant et parfois j’ai peur que des collègues ne l’apprennent. Mais quand on peut faire rentrer des sous supplémentaires, on ne fait pas la fine bouche. Ça nous permet d’avoir quelques marges à la fin du mois», estime-t-elle. Comme cette institutrice, ils sont nombreux dans l’administration à recourir à des activités parallèles. Ceci dans le but de s’assurer des entrées d’argent supplémentaires pour réaliser encore plus que ne leur permettent leurs salaires. Pour certains, il s’agit de satisfaire des caprices. Pour d’autres, il est juste de question de faire face au quotidien ou à des dépenses ponctuelles. « J’ai emprunté de l’argent à ma ristourne pour pouvoir acheter un terrain. C’était important pour moi malgré les difficultés de remboursement.

Dès qu’elle « touche son salaire » elle va de créancier en créancier payer ses dettes Heureusement, maintenant, je sais que ce sera plus allégé avec l’augmentation attendue. En plus, ça m’évitera les découverts à la banque qui plombent parfois les projets », déclare Virginie Loemba, Professeur de lycée. Découvert. Le mot magique pour certains agents de l’Etat qui y recourent en attendant que les salaires tombent. « Depuis que j’ai un compte à la banque, je n’hésite pas à puiser dans mon découvert pour parer aux situations urgentes. Notamment les problèmes que ne manquent jamais de poser la famille. Je ne sais pas comment j’aurais fait sans, sinon », estime Paul Ganga, chauffeur dans une société étatique. D’autres ne sont pas aussi chanceux mais une chose est sûre, les fonctionnaires, plus que d’autres, ne sont jamais à court d’imagination pour gérer le quotidien car ils ne comptent pas sur les promesses de l’Etat.


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blues des

fonctionnaires africains

Patricia Obambi : Conseillère en économie sociale et familiale.

«Noter quotidiennement toutes ses dépenses»

le poste des imprévus, j’ai donné 10F de solidarité, parce que nous sommes en Afrique, à un ami, ou à un parent… Il y a avantage à connaître tous ces postes et à décider de comment on va les ventiler d’un mois à l’autre, d’une semaine à l’autre, en fonction des revenus. Sinon, on va être obligé de voler. • Quelle est la proportion que des extras comme une bière ou des plaisirs dispendieux peuvent prendre dans le salaire ?

Comment devrait être géré un salaire de fonctionnaire dans un foyer ?

bout d’un mois, pour pouvoir classer ce qui peut être les postes de dépense pour soi ou sa famille. • Y a-t-il des priorités ?

Je pense qu’il faudrait dire un salaire tout court et non un salaire de fonctionnaire. Parce que les problèmes qui se posent à nous dans ce pays sont liés à la gestion du budget familial tout court, pour tout le monde. Les fonctionnaires ne font qu’un dixième de la population. Cela dit, la famille comme une entreprise quelconque est la plus petite organisation de la société. Son budget doit être géré en recettes et en dépenses comme dans tous ces endroits-là. Malheureusement, beaucoup de gens ne font pas très attention. Ce qui fait qu’on est incapable de dire s’il est équilibré en recettes et en dépenses à la fin du mois, sur quoi est-ce qu’on a basé ses dépenses, etc. Ça c’est un gros problème. Gérer le budget doit dépendre de tout un chacun ou de toute famille. Des besoins réels il y en a, en fonction de son standing, son statut social, on doit avoir un certain nombre de postes de dépense. Certains doivent avoir l’école, la santé, l’équipement, la nutrition, les loisirs. Partant de ces besoins, la stratégie, quand on veut affecter son salaire ou ses dépenses comme il se doit, c’est sur un certain temps, mieux un mois à peu près, de noter les dépenses quotidiennement, au franc près, du lever au coucher. Souvent les gens ont la paresse de le faire, mais c’est la stratégie la meilleure, au

Forcément. Personne ne peut vivre sans manger. On doit pouvoir avoir un toit. Si on a un loyer à payer, sinon, évaluer ce qui reste dans sa poche. La nourriture, l’habitat, l’école, la santé, les transports. Ce sont là des dépenses fondamentales. • Quels sont les avantages à budgétiser ? Comme pour l’Etat, pour toute organisation, privée ou publique, il y a toujours avantage à avoir un budget, à le contrôler, à l’équilibrer en recettes et en dépenses. Il n’y a pas lieu de dire : parce qu’on est en famille… Ce qui nous fait défaut en Afrique, c’est qu’on ne fait pas attention à ses postes de dépenses, et on est surpris que le 20 ou le 30 du mois, on ne peut plus manger normalement parce que les premiers jours, on a dépensé tous ses revenus. Il y a avantage à avoir des postes de dépenses connus, des recettes connues. Parce que parfois, il y a des recettes visibles et des revenus cachés. Ce qui fait qu’en général, les gens sont incapables de dire tel mois, j’ai eu tel revenu, et j’ai dépensé tant. Le budget, en même temps qu’il est un outil de prévision, est un outil de répartition en postes de dépenses. Il permet la visibilité des dépenses. Il permet de voir que dans

Des proportions inquiétantes. J’ai été travailleur social à la base. C’est souvent des femmes qui se plaignent. Le seul homme qui est venu a dit que sa femme dépense trop. Mais généralement, ce sont les femmes qui se plaignent, parce que le mari ne donne pas assez. Et pourtant, il prend ses bières, il sort très tôt le matin, etc. Vers la fin du mois, les enfants peuvent ne pas avoir d’argent, ou il les renvoie vers leur maman, alors que c’est lui le pourvoyeur de ressources dans la famille. L’impact sur la famille est toujours certain, que vous preniez une bière, deux, ou cinquante, le problème c’est de rendre visibles et lisibles les revenus de la famille. D’essayer dans la mesure possible de ne pas avoir des revenus cachés. Parce que quand tous les revenus des deux conjoints et même de ceux qui habitent à la maison sont mis ensemble, on les ventile ensemble. • Y a-t-il des règles à respecter ? Bien sûr. Il y en a. Savoir que si un ménage dépense déjà jusqu’à 20% de son revenu dans l’alimentation, le reste sera difficile à gérer, en fonction des postes de dépense. Il faut savoir aussi que si vous mettez plus d’un tiers de votre salaire dans un loyer, vous aurez des problèmes à gérer le reste. Il y a des chiffres qui permettent de décider en fonction de quel loyer aller chercher, comment approvisionner la maison. Il y a des calculs en fonction des personnes, de l’âge. Même pour la nourriture, on ne doit pas dépenser par hasard soi-disant qu’il y a toujours des étrangers qui doivent manger. On peut rester africain et solidaire des autres, mais en faisant très attention à son budget.

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Le blues des fonctionnaires africains 26

Analyse

Le

blues des

fonctionnaires africains

Mieux gérer les administrations publiques en Afrique

POUR UNE GESTION OPTIMALE DU CHANGEMENT DANS LES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES AFRICAINES Par Jonas K. Kouamé

L’examen de la question de la modernisation de l’administration publique, peut renvoyer à la présentation, ex cathedra, de ce que sont les identifiants ou les caractéristiques d’une structure publique chargée de défendre et de servir l’intérêt général. Mais elle peut aussi constituer une opportunité rare de mettre en œuvre une composante essentielle des stratégies de mobilisation des cadres en montrant, à travers des indications précises sur son objet et ses objectifs, comment implanter au sein des organisations de production de services publics les innovations déterminantes les plus actuelles, propres à assurer leur bonne marche. C’est le lieu de noter que la vocation naturelle d’une haute fonction publique citoyenne et responsable consiste essentiellement à veiller à ce que l’administration en tant que système, fonctionne dans un cadre organisationnel qui s’inscrit résolument dans le sens de l’efficacité, de la qualité et de la continuité du service public. Il convient de souligner à cet égard, que l’administration publique africaine, engagée dans des reformes multiples et multiformes, est à la croisée des chemins. En effet, sous contrainte de ressources et fonctionnant souvent avec des moyens réduits, nos unités de production de service public voient leur marche vers le progrès entravée par des difficultés de toute nature. Parmi les plus importantes, on peut relever la démotivation des agents et la dilution des pratiques professionnelles ; celles-ci s’écartant, dans bien des cas, des normes et des meilleures Afrique Compétences / Avril - Juin 2008

pratiques de gestion en usage de nos jours. Ainsi, à l’observation, il est aisé de constater que l’Etat, entendu comme la collectivité de citoyens pour le compte de laquelle l’administration est créée et mise en mouvement, ne saurait se satisfaire des performances présentes des services publics. Il en est de même des fonctionnaires dont les conditions de travail sont constamment décriées et donnent souvent lieu à des revendications, à des protestations voire à des grèves. Les usagers eux-mêmes ne sont pas en reste quant aux nombreuses plaintes formulées, ici et là, à l’encontre des administrations publiques africaines. Face à cette situation, la justesse de toute démarche tendant à évaluer et appréhender la nature de l’administration publique africaine pour plus d’efficacité, devra se mesurer à l’aune de la pertinence de la définition et de la mise en œuvre de mesures de moralisation de la fonction publique , de la définition et de l’application effective de règles conformes aux meilleures pratiques professionnelle touchant à l’organisation administrative et de la gestion de la qualité du service public. C’est à la haute fonction publique qu’incombent la mission et la responsabilité de proposer un cadre d’action pour la promotion d’une administration publique de qualité toute entière vouée au service des usagers. A cet égard, le rôle essentiel de la haute fonction publique est un rôle de normalisation, qui consiste fondamentalement à procéder à l’évaluation permanente des politiques publiques, à

l’identification et à la prise en charge des situations de blocages et de dysfonctionnements des administrations africaines, dans le but de contribuer à créer les cadres les plus appropriés, pour une définition optimale des missions publiques de l’administration, une structuration efficace des organisations administratives, et une élaboration pertinente des procédures et des normes administratives. Il est à rappeler que l’objectif principal de cette activité de base est de vérifier que les services rendus au public sont des services de qualité. Dans cette perspective, il importe de souligner tout particulièrement que la fonction première du haut fonctionnaire est d’appuyer les administrations publiques africaines par une réflexion soutenue sur leur organisation, ainsi que sur leur fonctionnement, en vue d’aider à créer les conditions d’une meilleure administration publique, pour un service de qualité rendu aux usagers. De fait, dans la mise aux normes des structures et administrations publiques africaines, c’est au haut fonctionnaire que revient la tâche de repenser les régimes d’organisation et de fonctionnement ainsi que les modes de gestion actuels des unités administratives africaines. Dans le cadre de cette fonction essentielle, il devra acquérir des compétences au plan stratégique et opérationnel (lire encadré) Il est question ici, de définir un guide opératoire pour une conduite optimale des innovations à engager au sein des administrations africaines, et, d’inviter chaque administration publique africaine à constituer en son sein des groupes de réflexions et d’initiatives composés de cadres par-


Photo / Stéphane

tageant une même approche professionnelle, une même volonté de changement et un même système de valeurs. Sous cet angle, deux objectifs majeurs d’apprentissage peuvent être poursuivis : développer les capacités de planification stratégiques et développer les aptitudes à la conduite du changement. A cet égard, l’étude des problèmes, la conception des solutions appropriées et les modalités de leur application avec toute l’efficacité souhaitable requièrent, pour les participants à ces groupes de réflexion et d’initiatives, un certain nombre de pré requis articulés autour de la parfaite connaissance des structures, des techniques et procédures effectivement en usage dans leurs administrations publiques nationales respectives. Participer au processus d’élaboration d’un guide opératoire de la conduite des changements souhaités, pour une administration publique africaine de qualité, exige donc au préalable des membres du groupe de réflexions et d’initiatives en charge de la politique de changement certaines aptitudes (lire encadré) Les modalités pratiques d’organisation qui seront évoquées ici, touchent au public cible, à la nature de la réponse formation, et au contenu de la formation.

Du public cible Il faut inciter les cadres ayant une certaine expérience professionnelle, à s’intéresser à fond à l’administration publique à travers un programme de perfectionnement en management et changement organisationnel Ils doivent par ailleurs avoir la volonté et l’application qui permettent de traduire dans les faits les enseignements reçus, de les concrétiser. Car c’est à travers leurs capacités à mettre en pratique ces enseignements, en dépit des difficultés rencontrées – nées ou à naître, que l’on appréciera la portée desdits enseignements. En outre, le personnel intéressé doit avoir une claire conscience de la nécessité ainsi que du bien-fondé de la délégation des pouvoirs, afin de disposer d’un temps de travail conséquent pour assurer le management stratégique de leurs différentes unités administratives. Sous cet angle, l’acquisition de compétences particulières en matière de management et de changement organisationnel est de nature à offrir une alternative valorisante de gestion des organisations administratives, pour les cadres et les hauts fonctionnaires. Il est donc essentiel d’investir dans la compréhension d’un cadre explicatif crédible et cohérent pour soutenir et/ou valoriser l’action de changement

entreprise ou à entreprendre, afin d’en assurer la conduite à bonne fin et l’acceptation par les bénéficiaires. Le public cible doit être sensibilisé à la nécessité d’affecter du temps de travail à la gestion au quotidien des unités organisationnelles et au processus de prise de décisions y afférents. C’est à cette condition qu’il sera possible aux cadres dirigeants africains d’ordonner de façon permanente et conséquente un système d’information et de réflexion centré sur les orientations futures. De la nature de la réponseformation La formation en management et en changement organisationnel doit correspondre à un réel besoin de qualification et par voie de conséquence à une vraie progression de carrière au sein de l’administration publique africaine. Elle doit constituer un puissant vecteur de promotion de cadres compétents de haut niveau au rang d’experts, dans le domaine spécifique du pilotage d’une infrastructure finan-

cière et/ou administrative complexe. Dans cette optique, les enseignements à faire partager aux participants à ce groupe de réflexion et d’initiatives, ne doivent souffrir d’aucune faiblesse quant à leur applicabilité sur le terrain.* Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

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QUINZE COMPETENCES REQUISES Pour conduire une politique de changement dans l’administration, le haut fonctionnaire africain doit avoir les qualités et les compétences suivantes : Au plan stratégique, il devra :

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• engager de façon systémique, un examen critique permanent des pratiques professionnelles et des métiers publics, en rapport avec leur nature, leur pertinence, leur efficacité et leurs perspectives d’évolution .Ceci est à la base d’une politique judicieuse de valorisation, de redéfinition ou de suppression des postes, vue comme un préalable indispensable et nécessaire à toute opération de restructuration ou de redéploiement de l’administration (cadres organiques et tableaux de bord) ; • piloter ou faire exécuter les projets ou les missions de conduite du changement mesurées en termes de réformes et/ou de restructurations menées au sein des administrations publiques (élaboration des termes de référence – détermination d’un chronogramme détaillé de réalisation fondé sur un calendrier de travail réaliste et réalisable – évaluation de l’ensemble du processus) :

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• identifier et contribuer à la mobilisation des ressources financières, matérielles et humaines nécessaires au bon fonctionnement des unités administratives, ;

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• apprécier et résoudre, en s’appuyant sur les études spécialisées faites en la matière et l’expérience propre des responsables, les problèmes spécifiques se posant à l’administration publique nationale dans tous ses aspects,

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• réagir vite face à un événement imprévu, sur la base de compétence techniques et juridiques incontestables. C’est en puisant dans cet ensemble de compétences déjà acquises que l’encadrement doit veiller à la gestion optimale des administrations publiques. D’où la formulation des objectifs pédagogiques spécifiques suivants :

• encadrer une équipe de professionnels de haut niveau, spécialisée dans les domaines de compétences entrant dans les champs d’attributions des différentes administrations publiques. Au plan opérationnel, il sera appelé à : • proposer constamment un inventaire des problèmes qui entravent l’amélioration des systèmes d’organisation, de fonctionnement et de gestion des structures publiques ; • bâtir un système de veille informationnelle permettant de recueillir toute information utiles à l’identification desdites entraves, • établir un plan d’action pour la prise en charge et l’examen des difficultés ainsi recensées ;

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• établir un plan de gestion cohérent ; • dialoguer avec des interlocuteurs variés et versés dans les questions économiques, administratives et juridiques, • établir des liens systémiques entre les intervenants de la chaîne d’actions dégagée à partir des procédures et techniques institutionnelles, administratives, juridiques, budgétaires, financières et comptables,

• avoir une vision globale de l’administration publique en tant qu’organisation ; • développer de façon constante et soutenue, une analyse systémique approfondie des pratiques professionnelles en relation avec les métiers existants au sein des administration publiques nationales, au regard de leur nature, leur pertinence, et leurs champs d’évolution ; • s’imprégner des techniques du management en matière de conduite du changement (conception, pilotage, évaluation) ainsi que des méthodes d’approche de l’expert.


Analyse

Le

Du contenu de la réponseformation Compte tenu de ce qui précède, les éléments de contenu devraient porter sur les thèmes suivants.

De l’environnement organisationnel : Evaluation du contexte (technique) : pénurie des moyens, démotivation et motivation des agents, délégitimation et légitimation de la hiérarchie, déroulement de carrière et performance au travail. Evaluation des champs de compétences (techniques) : des monopoles administratifs, des services produits par les administrations, de la gestion par la technicité maîtrisée. Evaluation du secteur d’intervention de l’organisation : développement du secteur (conditions), équilibre du secteur (conditions), promotion des intervenants du secteur (conditions), promotion – pour l’accomplissement des travaux, tâches et opérations – évaluation de coûts raisonnables en comparaison à une moyenne de secteur. Evaluation (et/ou management) des coûts de désorganisation : promotion des modalités de traitement des dossiers et de production des services publics, dans des conditions optimales de coûts et de productivité, promotion de possibilités alternatives d’action offrant des perspectives de coût de production plus appropriées (fiabilité des processus et sincérité des prix), promotion de l’exemplarité des comportements professionnels, comme modèle de base pour la défense de l’intérêt public. RESULTAT ATTENDU Disposer d’une grille de lecture de l’environnement conduisant, sur des bases saines, au renouvellement régulier des objectifs de travail axés sur la valorisation du personnel, la satisfaction des usagers, la lutte contre les coûts de désorganisation et l’équilibre du secteur d’intervention de l’organisation. RESULTATS SEQUENTIELS _ Savoir prendre du recul par rapport au quotidien ("A ne travailler que sur le quotidien, on ne voit plus les choses dans leur ensemble".) ; _ Apprendre à partager ses opinions avant de décider (identifier ce qui ne va

blues des

fonctionnaires africains pas et résoudre les problèmes en discutant avec les collaborateurs) ; _ Savoir établir un diagnostic stratégique pour une organisation en difficulté (et/ou fonctionnant normalement) et proposer des solutions pour sa restructuration ; _ Savoir persuader une équipe de changer son mode d’organisation pour gagner en efficacité ; _ Déterminer des modalités transparentes pour l’institution d’une hiérarchie professionnelle légitime (établir des liens directs entre les projets professionnels des agents et le développement de l’organisation) ; _ Créer des organisations professionnelles centrées sur le développement d’une expertise interne largement reconnue; _ Mettre en place un mécanisme de reconnaissance de grand leader d’opinion par grand corps de métier (définition d’un protocole de validation de l’expertise acquise) ; _ Team building.

De la veille informationnelle et du management du système d’information Identifier les critères de définition de la nature et de la qualité des résultats attendus des administrations, en vue d’établir des standards de performance fiables pour l’évaluation, sur une période donnée, tant des agents que de la qualité des services rendus au public. Analyse des processus opérationnels en vue d’établir un système d’alerte pour la mise en route de mécanismes. d’amélioration de l’appareil de production en gommant les irritants c’est à dire tout blocage ou toute source (motif) d’insatisfaction observée chez les agents et/ou chez les usagers. Définition d’un dispositif de réactivité (non de vitesse) Pour se corriger, se repositionner et se recaler par rapport à une vision stratégique. La vitesse, ce n’est pas travailler vite : c’est tirer rapidement les conséquences de ce qui s’est passé sur une période donnée. D’où, savoir, être informé pour mieux réagir. RÉSULTATS ATTENDUS

Améliorer le rapport à la citoyenneté des Services publics, en construisant un système d’information dirigé vers les agents et les usagers, pour clarifier les attentes et faire sans cesse progresser les comportements professionnels pour plus d’efficacité : l’unité administrative devient un centre de ramification et de partage de l’information. Produire des données expertes et faire des études à partir d’informations agrégées et fiabilisées (élaboration d’un bulletin d’Informations).

Du pilotage de processus de développement et de changement [techniques d’intégration des dimensions financières, stratégique (positionnement – rôle – mécanismes – décisionnels) et/ou de ressources humaines] Les techniques d’élaboration des termes de référence d’un projet et/ou d’une action de réforme. Les techniques de conduite d’une mission d’étude pour la réforme et/ou la restructuration d’une unité de production administrative (techniques d’évaluation). Les techniques de détermination de chronogramme détaillé de réalisation, fondé sur un calendrier de travail réaliste et réalisable. Les techniques d’implantation du changement dans les organisations. RÉSULTATS ATTENDUS Maîtriser les techniques de lutte contre l’immobilisme dans les administrations ainsi que les déficits de méthode par la permanence des réformes. Savoir investir dans la compréhension, base essentielle de la détermination d’un cadre explicatif crédible, pour soutenir et/ou valoriser l’action de changement entrepris ou à entreprendre (la réflexion préalable et l’accompagnement sur le terrain étant les outils indispensables de prévention des échecs en matière de conduite du changements). Savoir être un manager d’engagement à la tête d’une équipe dirigeante suffisamment dynamique et entraînante, ayant les capacités nécessaires (don pédagogique, charisme, etc…) pour prendre les gens là où ils sont pour les rendre meilleurs. Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

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De la consultance et démarche de l’expert : étude de cas : méthodologie de l’élaboration d’un programme économique Des méthodes d’analyse et de réflexion centrées sur la survie et l’expansion équilibrée d’une unité ou d’un système administratif (marchés de clientèles, domaines d’activité, gain de productivité, qualités des services offerts, bien-être du personnel, définition des produits, mode d’orga-

nisation des prestations) ; Des cadres d’analyse des situations problématiques, permettant de rechercher les réponses non pas seulement en termes réglementaires, mais également au regard de méthodes d’approche des problèmes et des schémas de réflexion propres à en dégager les solutions les plus adaptées (techniques d’identification d’objectifs critiques assortis d’échéances claires, pour la prise en charge de problèmes de fond érigés en équations prioritaires à résoudre ). RÉSULTAT ATTENDU

Déterminer un protocole de validation de l’expertise nationale acquise (définition de mécanismes de vérification de la parfaite maîtrise par les cadres de la démarche de l’expert, à travers l’examen de leur contribution au processus de rationalisation permanente des aspects institutionnels et organisationnels de la prise de décision économique stratégique ou de la fixation des objectifs de politique générale ).

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Ivoire-Blog, le premier portail de blogs de Côte d’Ivoire Journaliste de profession, Théophile Kouamouo est le promoteur du premier portail communautaire de blogs en Côte d’Ivoire, Ivoire-Blog (http://www.ivoireblog.com). Il explique ici le phénomène du blogging, évoque les premiers pas d’Ivoire-Blog et ébauche les perspectives d’avenir. C’est un mode d’expression dont on entend de plus en plus parler dans les médias, mais que beaucoup d’Ivoiriens ne maîtrisent pas encore. Et il y a une question que beaucoup se posent mais n’osent pas poser : qu’est-ce qu’un blog ? Un blog est une sorte de bloc-notes personnel publié sur Internet, grâce à des outils logiciels rendant aisées la création, l’administration et la diffusion sur le web. Un blog peut, de manière très schématique, être considéré comme une adresse électronique publique. L’internaute ne s’adresse pas à un autre internaute, mais à tous les internautes qui consultent sa page personnelle. Le bloggeur s’exprime non seulement par le biais du texte, mais aussi à travers l’image fixe, le son et la vidéo. Le bloggeur peut aussi utiliser des liens hypertexte pour renvoyer à d’autres blogs, sites, vidéos en ligne, éléments sonores, etc… Le blogging est aujourd’hui une tendance lourde dans les mondes de l’information, du web et de l’animation des communautés. 30

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De nombreux journalistes, écrivains, activistes, libres penseurs, managers tiennent désormais leur blog. Les bloggeurs deviennent des prescripteurs et des influenceurs dans les domaines de l’art, de la littérature, des loisirs, de la musique, des technologies. Quand avez-vous créé Ivoire-Blog et pourquoi ? Nous avons créé Ivoire-Blog en janvier 2008. Disons que l’appétit est venu en mangeant. Avec un certain nombre d’amis, nous avons commencé à blogger sur des plateformes mondiales ou africaines, et nous avons réussi à créer une sorte de communauté. Il nous a semblé intéressant de créer un espace communautaire ivoirien sur le net, pour mieux développer en Côte d’Ivoire et dans la diaspora la culture du blog, qui est aussi une culture de la convivialité et de la démocratie participative. Nous avons créé Ivoire-Blog avec l’appui d’un partenaire technique et stratégique à la crédibilité éprouvée : Blogspirit. Blogspirit est le leader européen des blogs en marque blanche. Son logiciel, BCMS (Blogspirit Content Management System), a été adopté par de grandes marques comme Telecom Italia, Telecom Argentina, Canal Plus, M6, Le Nouvel Observateur, la BNP et la Société générale. Le siège de Blogspirit est situé en France, dans la région parisienne.

Quel type de blogs trouve-t-on sur Ivoire-Blog ? Il y a déjà un peu de tout. Des billets consacrés aux questions de citoyenneté, mais aussi au sport, à la culture, à la communication, aux technologies et aux questions internationales. On trouve aussi sur Ivoire-Blog des conversations riches et fécondes entre bloggeurs et commentateurs. Quelles sont les perspectives d’IvoireBlog ? Après avoir testé sa solution, recruté de nombreux bloggeurs et bâti sa communauté globale, Ivoire-Blog veut désormais passer à une nouvelle phase. Il s’agit de renforcer les « communautés » spécialisées d’Ivoire-Blog avec l’appui de marques partenaires. La spécialisation des « communautés » est intéressante pour les internautes, parce qu’elle leur permet de lire et d’échanger sur leurs passions. Elle est aussi intéressante pour les marques et les annonceurs, parce qu’elle leur permet d’atteindre avec une forte efficacité les publics qu’ils ciblent. Demain, la publicité passera forcément par le net, et par des communautés interactives de passionnés. Tous sur Ivoire-Blog (http://www.ivoire-blog.com) Email : tkouamouo@rhemedia.com Téléphone : (225) 22432914 / 22437007 / 05001730 / 05677880


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Le malheur des Universités publiques en Afrique

des publiques en Afrique

C’est connu, les universités publiques africaines sont malades. Jadis, établissements de référence dans la formation de cadres d’excellents niveaux, ces institutions sont devenues, depuis deux décennies, des lieux de production de chômeurs. D’Abidjan à Dakar, en passant par Niamey, le constat est le même : personnel inapproprié, infrastructures vétustes, inadéquation entre les effectifs et les infrastructures, offre de formations en déphasage avec les besoins du marché de l’emploi, absence de volonté politique, explosion des universités et grandes écoles privées. Nos universités publiques vont mal. Elles payent, selon Augustin Niango, Directeur de l’enseignement supérieur à La commission de l’Uemoa, le prix du désintérêt pour l’enseignement supérieur au profit de l’éducation de base, longtemps affiché par les bailleurs de fonds et les institutions internationales. Aussi, La commission de l’Uemoa engage-t-elle d’importantes réformes académiques et structurelles dans les universités de son espace. Mais si à Ouagadougou, l’Université a une petite longueur d’avance sur ces réformes, à Abidjan et à Niamey par exemple, tout est à faire. Notre dossier

• Universités d’Abidjan Exercice d’exorcisme autour de la violence / Par Elvis Kodjo • Professeur Jean Kouldiaty « Nous avons déjà le système LMD» / Par Jean Philippe Kassi • Université Abou Moumouni de Niamey Sur la route de la normalisation / Par Edwige H. Augustin Niango Directeur de l’enseignement supérieur de l’UEMOA « En 2012, on notera des améliorations dans nos universités » / Par Edwige H. Etienne Ehilé « Tous les partenaires gagneraient à aider le REESAO » / Par Elvis Kodjo

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Photo : DR

ER DOSSIUniversités d’Abidjan

Le socle qui soutenait le masque est vide depuis 2000

Photo : Stéphane Goué

Photo : Stéphane Goué

Le masque Wombébé avant son déboulonnage

Etidiants de la FESCI, une fédération qui a souvent fait la pluie et le beau temps sur le campus

Exercice d’exorcisme autour de la violence Par Elvis Kodjo

Depuis 2000, Wombélé ne fait plus bonne garde à l’entrée de l’Université de Cocody, le principal temple du savoir d’Abidjan. Symbole de cette Université, ce masque issu de la tradition Sénoufo, une ethnie du Nord de la Côte d’Ivoire, a été souvent sujet à polémique lorsque la violence a fait irruption -voici une vingtaine d’années- dans l’espace universitaire et s’est imposée à tous au grand dam des maîtres du temple. Wombélé, nom du masque Sénoufo, selon certains, incarnerait la violence. Aussi, ont-ils souhaité et obtenu que la copie artisanale du masque Sénoufo, qui trônait à l’entrée de l’Université disparaisse de cet espace. Un déboulonnage qui n’a pas réussi à desserrer les vis de la violence et conjurer certains vices du milieu estudiantin. L’actuel Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, M. Cissé Ibrahim Bacongo, lui, s’est engagé dans un exercice d’exorcisme d’un autre style. C’est celui d’un 40

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exorcisme par le dialogue. Cet exercice jamais réussi par aucun de ses prédécesseurs laisse entrevoir, six mois après son entame en novembre 2007, de réels espoirs d’une vie plus civilisée dans les établissements d’enseignement supérieur du pays. Tout a commencé par un atelier de réhabilitation des résidences universitaires tenu dans la cité balnéaire de Grand-Bassam, à une trentaine de kilomètres d’Abidjan, officiellement à l’initiative de la FESCI, la puissante Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire, mais en réalité sous l’inspiration du Ministre Cissé Bacongo. Pour la première fois, depuis le retour du pluralisme politique en 1990, d’autres associations d’étudiants, curieusement contraintes à la clandestinité, se sont retrouvées aux côtés de la FESCI, une fédération qui a souvent fait la pluie et le beau temps sur le campus, s’arrogeant par la force, et parfois par le recours à la machette, -

qui fut son instrument de dialogue privilégié- l’unique droit de cité. Tirant judicieusement profit de la terreur qu’elle a su inspirer à tous, elle est devenue « propriétaire » de la quasitotalité des 9 766 chambres du patrimoine universitaire, les réservant à ses dirigeants, les cédant à qui elle veut et disposant du fruit de cette location. Inutile de le dire, la gestion des résidences universitaires échappe au Centre régional des oeuvres universitaires (CROU), juste bon pour inaugurer les chrysanthèmes. Comme conséquence, l’habitat de l’étudiant ivoirien a perdu son lustre d’antan, au grand dam des étudiants des années d’avant 1990 qui n’hésitent guère à évoquer leur « belle époque, faste, disciplinée, studieuse » où ils avaient tout à l’œil, dans des résidences bien propres, ordonnées et si attrayantes que le succès était (presque) toujours garanti dans les conquêtes féminines.


Université de Photo : Ahmed Ouaba pour AFRIQUE

Ouagadougou Professeur Jean Kouldiaty (Président de l’Université de Ouagadougou)

«Nous avons déjà le système LMD » *

Si on devrait classer les universités de l’espace UEMOA par ordre de mérite, l’université de Ouagadougou ferait incontestablement figure de favorite. En effet, elle a été classée deuxième meilleure université francophone d’Afrique au très sérieux classement de Shanghai** en 2007. Volonté politique affichée, esprit de concertation partagé, recherche de stabilité sociale etc., Professeur Jean Kouldiaty, le Président de l’Université nous parle ici de la gestion de l’Institution qu’il dirige. Par Jean Philippe Kassi

• Sous quel signe avez-vous placé votre mandat à la tête de l’Université de Ouagadougou ? J’ai placé mon mandat sous le signe de la promotion des étudiants, de leur réussite et de l’ouverture de l’Université vers le monde socio-économique. Il s’agit, non seulement, de favoriser la réussite des étudiants qui s’inscrivent dans les différentes filières, mais aussi affirmer la professionnalisation de la formation, bien entendu en relation avec le monde professionnel, les entreprises publiques comme privées du Burkina Faso et de la sous région. Il s’agit également de développer des outils performants de formation tout au long de la vie, c'est-à-dire, permettre aux gens des secteurs privés et publics

de pouvoir venir à l’Université quand ils le souhaitent, pour améliorer leurs compétences ou acquérir de nouveaux diplômes. Nous avons donc créé un cadre de concertation Université/monde de l’emploi qui permet d’assurer une connexion permanente entre l’Université et les différentes entreprises, entre l’Université et la Chambre de commerce. Nous essayons, en conséquence, d’introduire de nouveaux modules d’entreprenariat dans certaines filières professionnelles De 2000 à 2007 nous avons eu 70% d’augmentation de ce type de filières, et de nombreuses autres filières se sont créées, allant par exemple, de la production des semences dans l’agro alimentaire à la gestion, le traitement et la valorisation des

déchets, ainsi qu’à l’aménagement du territoire, la gestion des organisations et des collectivités, etc.

• Pourrait-on avoir une idée du pourcentage d’étudiants inscrits dans ces filières professionnelles ? Le pourcentage est très faible. Les conditions d’entrées sont exigeantes, du fait de la forte demande liée à ces filières. Les effectifs sont donc de l’ordre de 20 par promotion. On y entre par concours suivi d’un entretien qui permet de sélectionner ceux des étudiants qui ont un projet professionnel pouvant être réalisé par le programme dispensé. Ceci, pour Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

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DOSSIER *LMD

Avec le système LMD, la formation se décompose en semestres, eux même découpés en Unités d’Enseignement : regroupement des cours, TD… Une licence s’organise sur 6 semestres (environ 3 années académiques actuelle) et un Master 4 semestres après la licence. Chaque semestre, les étudiants doivent valider 30 crédits. Il faut donc 180 crédits pour obtenir une licence et 120 crédits supplémentaires pour le Master. L’intérêt des crédits est qu’ils sont capitalisables (acquis à vie) et surtout transférables d’une UFR à une autre ou d’un pays à un autre car c’est une unité de valeur commune à tous les pays de l’UEMOA. Si dans le système actuel la licence ne vise pas l’insertion sur le marché du travail mais plutôt vers des études plus longues, la licence LMD innove avec l’ouverture de Licences professionnelles, destinées à ceux qui veulent travailler directement. Le Master, lui équivaut en un Bac+5 et peut se faire en option Recherche (qui mène vers une thèse) et option professionnel qui mène vers le marché de l’emploi. Le Master professionnel comprend un stage de 3 à 6 mois et des cours plus orientés vers l’entreprise alors que le Master recherche nécessite un mémoire. Le Doctorat prolonge le Master recherche et s’étale sur 6 semestres. On envisage déjà des mesures pour donner des moyens aux titulaires de Doctorats en Sciences humaines de s’intégrer sur le marché de l’emploi ; une insertion réputée plus difficile que pour les titulaires de Doctorat en Sciences dites « dures ».

** Classement de Shanghai Classement établi tous les ans par des chercheurs de l’Institut de l’enseignement supérieur de l’Université Jiao Tong de Shanghai sous l’appellation de Academic ranking of world universities. Il classe des universités du monde par spécialités et par régions selon des critères aussi variés que le nombre de publications, les infrastructures, les programmes d’enseignement, les performances en recherche ou en éducation etc.

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Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

éviter que l’étudiant se trompe dans sa démarche. Alors chaque étudiant est tenu de proposer une lettre de motivation accompagnée d’un début de projet professionnel pour qu’on apprécie l’adéquation de ce projet avec le contenu du programme que nous voulons mettre en place. C’est pour cela qu’on ne trouve pas inscrits dans les filières professionnelles, plus de 10% des effectifs de l’université. Il y a beaucoup de demande et très peu de dossiers satisfaits. Mais la grande majorité des étudiants qui sortent a un emploi au cours de l’année qui suit. Nous mettons justement en place des instruments pour mesurer l’insertion professionnelle des étudiants à la sortie de l’université en général, en commençant, bien sûr, par ce qui est plus pratique, c'est-àdire, les étudiants à la sortie des filières professionnelles. • Y a-t-il une adéquation entre le flux d’étudiants et les infrastructures de l’Université ? Nous essayons de construire des infrastructures en adéquation avec le flux d’étudiants. Pour cette année, nous avons construit, sur financement de l’Etat, un complexe de deux amphithéâtres de 1500 places avec 4 salles de TD de 200 places en moyenne. L’année dernière, nous avons inauguré deux amphithéâtres de 1500 places construits sur financement libyen. Il y a beaucoup d’efforts qui sont faits mais nous souhaitons plus. Nous avons en projet un complexe d’un amphithéâtre multilingue avec visioconférence, pour les enseignements à distance et de deux autres amphithéâtres de 2500 places chacun, car nous avons des premières années de plus de 2000 inscrits dans des sections comme Sciences juridiques ou Sciences économiques • Et qu’en est-t-il du montant des frais de scolarité quand on sait que la tendance générale est à la hausse ? Les frais d’inscription sont de 15.000 francs Cfa pour les étudiants ýordinairesý et de 35.000 francs Cfa pour les étudiants salariés. Dans la majorité des Etats francophones on s’attend à ce que tout soit gratuit dès lors que c’est

public. On s’attend à ce que tout soit pris en compte par l’Etat, ce qui n’est pas possible. Puisque nous souhaitons avoir la paix sociale il y a un certain nombre d’aspects que nous sommes obligés de mettre en veilleuse mais il est impératif de penser à ce genre de question. Pour le moment ce n’est pas à l’ordre du jour. • Quel est l’état de la bibliothèque ? Toutes les bibliothèques des UFR sont informatisées et dotées de logiciels de gestion. Et grâce au système intranet, elles sont en réseau et toutes connectées à la grande bibliothèque centrale. D’ailleurs, nous venons de faire, à la bibliothèque centrale, une extension d’un bâtiment à deux niveaux qui sera réservé aux doctorants et aux enseignants-chercheurs qui pourront bénéficier d’un espace plus tranquille pour leurs recherches. • Les universités sont très souvent en proie à des grèves dues à des revendications syndicales. Qu’en est-il de l’université de Ouagadougou ? Nous avons programmé, en début d’année, 41 réunions avec les différents syndicats d’enseignants, les associations estudiantines à caractère syndical, les directeurs d’UFR, individuellement, puis collectivement ; le conseil scientifique, le conseil de formation de la vie universitaire, les Atos, (agents techniques, administratifs, techniciens, ouvriers et soutiens) etc. Leurs revendications sont d’ordre éthique et moral : ils demandent la considération du travailleur, la démocratie universitaire, leur prise en compte dans l’ensemble des structures qui traitent des intérêts des travailleurs, etc. Il faut dire que les syndicats que j’ai reçus ici m’ont offert leur collaboration. Ils m’ont dit que dès lors que je les consulterai avant d’agir, dès lors qu’on discutera, ne serait-ce que discuter et s’écouter, alors ils sauront nous accompagner dans notre mission. Puisqu’il semble que quand on décide sans vous on décide contre vous, alors, chaque fois qu’une décision sera prise sans eux, c'est-à-dire, contre eux, ils nous le ferons savoir de la


• Quelle est la méthode d’évaluation des étudiants dans votre Université? Généralement il y a le système d’unités de valeurs ou celui de moyennes pondérées. Ici, à Ouagadougou, nous avons fait la jonction des deux systèmes. Nous avons institué un système modulaire qui va prendre fin avec l’entrée en vigueur du LMD selon le vœu et la décision de l’UEMOA qui souhaite que toutes les universités de l’espace entrent dans le système LMD au plus tard le 31 décembre 2009. Dans le système que nous avons instauré, si l’étudiant a 10 ou plus de 10 de moyenne dans les filières ordinaires, alors il est autorisé à passer en classe supérieure ou à obtenir son diplôme. Mais s’il n’a pas 10 ou plus de 10 de moyenne, on valide l’ensemble de tous les modules où il a eu 10 ou plus de 10 de moyenne. C’est un système de LMD avant l’heure puisque dans le système LMD, tous les crédits d’enseignements sont acquis, sont capitalisables et transférables. Donc nous, nous savions que ce système existait dans les pays anglophones mais nous ne pouvions pas nous arrimer parce que le système LMD nécessite naturellement un espace

commun pour que ces crédits soient transférables et capitalisables. Or cet espace commun n’était pas mis en place au niveau de l’Afrique, nous avons donc instauré un système LMD plus ou moins hybride au niveau local. On capitalise les modules, même s’ils ne sont pas transférables et on fait en même temps ce système de moyennes pondérées • Et qu’en est-il du niveau des étudiants ? On entend toujours dire que les étudiants sont de plus en plus mauvais mais on a l’impression que ce sont les anciens qui trouvent toujours que les nouvelles générations sont moins bonnes que la leur. Un philosophe disait justement à ce propos que « lorsqu’on commence à dire que les générations actuelles sont moins bonnes que la nôtre, c’est qu’on est déjà devenu vieux. » Il faut dire que notre monde change et il faut qu’on accepte de changer avec le monde. Les méthodes d’enseignement doivent changer, les méthodes d’évaluation doivent changer et actuellement les jeunes sont plus ouverts au monde. Les gens qui ont plus de 50 ans aujourd’hui n’ont pas les mêmes connaissances sur la société, sur ce qui se passe dans le monde que les jeunes qui sont ouverts à cause de l’informatique et de l’Internet ; qui sont ouverts à cause de la télévision. Aujourd’hui nous avons la possibili-

té de faire le point sur tout ce que nous sert la presse dans la mesure où la presse est diversifiée et la même information est analysée différemment, ce que les autres n’avaient pas. Avant il y avait 20 élèves dans une classe du primaire parce qu’il fallait réussir à convaincre les parents d’envoyer leurs enfants à l’école. Aujourd’hui, on n’a plus besoin de convaincre des parents ; nous avons des classes de 100 élèves au collège et à l’Université, il y a des filières ou les amphis débordent parce qu’on a 1500 places pour 2000 étudiants inscrits et naturellement on a l’impression que le niveau académique a baissé. Mais je vous assure que des deux positions, moi je suis

plutôt dans une position médiane et je me dis que les savoirs, les connaissances et leurs transmissions ont changé, on ne peut plus demander à un étudiant d’avoir la connaissance livresque qui était celle du passé et il faut qu’on passe maintenant à l’acquisition des compétences. Qu’est ce que tu sais faire ? Quelle est ton utilité pour la société et je pense que c’est à ce niveau-là qu’on pourra juger les étudiants, au lieu de les juger sur le savoir livresque et sur le diplôme qu’ils détiennent. Il faut qu’on les juge sur les compétences qu’ils acquièrent le long de leurs parcours à l’université ou dans les écoles.

Photo : DR

manière la plus forte. Et moi j’ai placé mon mandat sous le signe de la concertation et de l’application effective de la démocratie universitaire

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Université Abou Moumouni de Niamey

Septembre 2002, des étudiants nigériens protestent devant leur ambassade à Abidjan

AFP Photo / Youssouf Sanogo

DOSSIER

Sur la route de la normalisation Par Edwige H.

Dix mois. C’est le temps que dure une année académique dans presque toutes les Universités. A l’Université Abou Moumouni de Niamey, il arrive qu’une année académique dure 22 mois, comme ce fut le cas en 2003. Un record qui a fini par placer l’Université de Niamey en fin de peloton dans le classement (informel) des universités publiques en Afrique. Une contre-performance que l’on continue encore d’utiliser pour illustrer les tares et handicaps des universités publiques en Afrique. A Niamey pourtant, depuis, l’année universitaire s’est normalisée. A coups d’années blanches et d’années absorbées, l’Etat a réussi par un tour de force hors du commun à rattraper et à maîtriser la notion de temps à l’Université. Effet palpable de cette maîtrise du temps : la cérémonie de rentrée solennelle par le recteur le 29 octobre 2007. Cette cérémonie qui, depuis des lustres, avait disparu des usages de l’Université, est apparue comme la concrétisation de la volonté plusieurs fois brandie par l’Etat de normaliser par tous les moyens l’année académique et d’assainir à tous prix l’université. Une démonstration de force qui n’est pas faite pour plaire à l’Union des étudiants nigériens de l’université de Niamey (UENUN). Le syndicat d’étudiants qui s’est engagé, comme à

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son habitude, dans un bras de fer avec l’Etat. A l’arrivée, une année normalisée mais une université toujours minée par des grèves intempestives, doublées de leur corollaire : l’instabilité sociale qui porte les germes de l’instabilité académique. Déterminé à résoudre le problème social qui, selon l’Etat, n’a pour seule et unique cause que l’existence de l’UENUN, le Conseil de l’Université a exclu six étudiants membres du bureau national de cette union. Une volonté dissimulée de dissoudre cette union sans prendre une mesure qui serait attentatoire à la liberté d’association. Parmi les étudiants arrêtés, deux ont passé neuf mois dans les geôles de la Maison d’arrêt de Niamey. Il leur est reproché d’avoir organisé en juin 2007 un meeting pour des revendications, allant par exemple, du limogeage du Directeur du Centre national des œuvres universitaires à l’ouverture de filières inexistantes (comme celles de Pharmacie, de communication ou d’un troisième cycle en psychologie) en passant par la réduction du coût du ticket de bus. Si en apparence, certaines revendications de l’UENUN sont fondées, la méthode des syndicalistes, elle, laisse à désirer. En effet, violence et terreur accompagnent très souvent leurs manifestations. Lors du meeting

de juin 2007, un enseignant a été torturé aux tessons de bouteille, tandis que le Directeur du Centre national des œuvres universitaires voyait sa maison partir en fumée. C’est sans doute ce qui fait dire au Président du Syndicat national des enseignants du supérieur que l’UENUN n’est rien d’autre « qu’une organisation fasciste, un Etat dans un Etat que la démission des pouvoirs publics a fait gagner en importance ». Ces pouvoirs publics, qui ont conscience de la trop grande force du syndicat des étudiants, ont nourri le projet de la nomination d’un officier de l’armée à la tête du Centre national des œuvres universitaires et la création d’un commissariat au sein même du campus universitaire. Ce projet illustre une fois encore la volonté farouche des pouvoirs publics nigériens d’assainir l’Université. Déjà, les principales revendications salariales des syndicats d’enseignants (révision du statut, prime de logement, prime académique, prime à la publication, voyage de recherche, un ordinateur portable avec connexion Internet par enseignant) ont été satisfaites. Et si l’Université de Niamey, toujours inquiète des problèmes sociaux, ne gagne pas encore en crédibilité sur le plan académique, on constate une nette évolution de la situation.


Reforme universitaire

Augustin Niango Directeur de l’enseignement supérieur de l’UEMOA

Photo : Ahmed Ouaba pour AFRIQUE COMPÉTENCES

«En 2012, on notera des améliorations dans nos universités»

La Banque Africaine de Développement et l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine engagent environ 18 milliards de francs CFA dans un vaste projet d’appui à la réforme des systèmes d’enseignement supérieur des huit Etats membres de l’Union. Un projet salutaire dont nous parle Monsieur Augustin Niango, Directeur de l’enseignement supérieur et de la formation professionnelle à la Commission de l’UEMOA, basée à Ouagadougou. Par Edwige H.

• La BAD (Banque africaine de développement) et l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest africaine) engagent environ 18 milliards de francs CFA dans un Projet destiné à appuyer les institutions d’enseignement supérieur et de recherche des huit Etats membres de l’Union (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo). Quelles sont leurs motivations ?

Avant toute chose, il me semble important de souligner que ce projet n’aurait pas pu voir le jour sans l’engagement actif de la BAD qui a compris, avant toutes les autres institutions de financement du développement, qu’aucun progrès ne sera possible en Afrique sans des systèmes d’enseignement supérieur et de recherche de qualité. En ce qui concerne l’UEMOA, il faut situer son intérêt pour le développement de l’enseignement supérieur dans le Traité de l’Union. Celui-ci,

dans son Protocole additionnel n° 2 fixe aux Etats membres, l’atteinte d’objectifs en matière de développement des ressources humaines à travers la mutualisation des moyens. Audelà du Traité cependant, il convient de se demander pourquoi l’UEMOA, institution d’intégration économique s’intéresse au développement des ressources humaines. Pour y répondre, il convient de noter la corrélation très forte qui existe entre développement des ressources humaines et croissance économique. Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

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Ce lien n’est pas que théorique. L’histoire récente du monde nous le démontre avec des exemples de bonds économiques prodigieux réalisés par des pays qui, disposant de très peu de ressources naturelles, ont misé sur le développement des ressources humaines par des investissements massifs dans l’éducation (y compris l’enseignement supérieur). La réussite des pays d’Asie du Sud, des économies émergentes d’Amérique latine ou même d’Afrique du Nord sont là pour l’attester. Les actions de l’UEMOA dans ce domaine visent donc à aider les Etats à faire en sorte que l’enseignement supérieur occupe la place qui est la sienne dans le système éducatif et le développement. • Quel constat avez-vous fait sur la situation dans l’enseignement supérieur qui justifie cette intervention communautaire ?

Le constat porte sur la crise qui secoue le secteur de l’enseignement supérieur depuis de nombreuses années. Cette crise fut accentuée par les restrictions budgétaires auxquelles ont été soumises nos Etats du fait des programmes d’ajustement engagés depuis les années 1980. Tout l’enseignement de base, ayant orienté les choix en matière d’éducation, a fini par avoir raison de nos institutions d’enseignement supérieur dont la crise peut se résumer en quelques mots : forte croissance des effectifs parallèlement à une réduction des crédits, insuffisance des ressources humaines, faiblesse de la gouvernance, pertinence limitée de l’organisation académique et du contenu des enseignements. Les institutions d’enseignement supérieur ont pleinement conscience de ces faiblesses. Au cours de l’année 2004-2005, la réflexion engagée avec les acteurs de ce niveau d’enseignement a fait apparaître une très forte volonté de réformes. La Commission et la BAD ont pu noter à quel point les principaux acteurs de l’université semblent préoccupés par la perte de crédibilité de leurs institutions. C’est cette nette appréciation des enjeux qui a donné naissance au Réseau pour l’excellence de l’enseignement supérieur en Afrique de l’Ouest (REESAO), animé par les universitaires eux-mêmes et que les financements BAD et UEMOA accompagneront.

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Par ailleurs, prenant acte de cette volonté de changement, le Conseil des Ministres de l’Union a adopté une directive qui oblige toutes les institutions d’enseignement supérieur de notre espace à basculer au système Licence, Master, Doctorat (LMD) au plus tard à la fin de l’année 2009. • L’UEMOA a un Projet d’appui aux

Photo : Ahmed Ouaba pour AFRIQUE COMPÉTENCES

DOSSIER

Centres d’excellence qui concerne également l’enseignement supérieur. Quelle différence y a-t-il entre ce projet et le PAES (Programme d’appui à l’enseignement supérieur) ? Le Projet d’appui et de développement de Centre d’excellence régionaux a été lancé en 2005. Il vise à identifier et à créer pour les pays de l’UEMOA un ensemble d’institutions de référence implantées sur le territoire de l’Union. Le projet fonctionne par appel à participation adressé à l’ensemble des institutions d’enseignement supérieur et de recherche des Etats membres de l’Union. La sélection s’effectue sur la base d’une série de critères qui mettent en avant l’excellence de l’institution, son caractère régional, la qualité de son équipe pédagogique, sa capacité à innover et à s’insérer dans des milieux professionnels. La Commission a ainsi identifié 12 institutions, centres d’excellence de

l’UEMOA soutenues à hauteur de 1,5 milliard de francs CFA. L’exécution du projet est à mi parcours et ses résultats sont largement satisfaisants. Une école comme l’Institut International d’Ingénierie de l’Eau et de l’Environnement (2IE), basé à Ouagadougou devient une institution mondiale dans son domaine de compétence et plusieurs autres établissements commencent à se positionner sur des appels d’offres internationaux grâce à l’appui de l'Union. En résumé, la différence entre ces deux projets réside dans leurs objectifs et leur étendue. Le Projet d’appui aux centres d’excellence a pour but de consolider un nombre réduit d’institutions à fort potentiel, tandis que le Projet d’appui à l’enseignement supérieur répond à des préoccupations qui concernent l’ensemble du système. Les deux projets se rejoignent cependant en ce sens qu’ils répondent à des besoins de développement de l’enseignement supérieur. L’UEMOA a également, depuis quelques années, un programme de soutien qui est en fait un programme de bourses d’études … Oui. Ce programme de bourses d’études (que nous appelons programme de soutien à l’excellence), aujourd’hui à sa sixième édition, est destiné à accompagner les étudiants qui souhaitent entamer des études de niveau troisième cycle dans les établissements de notre espace. Ce programme entend contribuer à la constitution d’un vivier de compétences dans des domaines essentiels au développement de la région. A ce jour, l’Union, à travers ce programme, a financé plus d’une centaine de boursiers dans plusieurs domaines de formation dont l’expertise comptable, les sciences de l’ingénieur, la santé publique, l’aménagement du territoire, l’éducation, etc. • Les écoles privées sont-elles concernées par le Projet d’appui à l’enseignement supérieur ? Toutes les institutions d’enseignement supérieur et de recherche sont concernées par le Projet. Nous ne faisons pas de différences entre une université publique et une université privée dans la mesure où elles exécutent toutes une mission de service public. Notre souci est qu’elles répondent toutes aux mêmes normes de qualité et que toutes les per-


sonnes, qu’elles fréquentent un établissement public ou privé d’enseignement supérieur, aient des chances à peu près égales de réussite. • Que deviendra le Brevet de technicien supérieur (BTS) dans le contexte de la réforme LMD ?

financer des travaux de recherche d’équipes de chercheurs et de laboratoires, sur la base d’appels à propositions. Un comité scientifique sera chargé d’examiner les propositions et de retenir les travaux qui nécessitent notre soutien. Il me semble important d’ajouter que le projet prévoit également d’ap-

• Comment comptez-vous réaliser techniquement et concrètement le Projet d’appui à l’enseignement supérieur ? Pour la mise en œuvre du Projet, nous avons demandé à tous les Ministères chargés de l’enseignement supérieur de désigner des points focaux. Les points focaux assureront l’interface entre la Commission de l’UEMOA et les bénéficiaires du projet que sont les institutions d’enseignement supérieur et de recherche, les étudiants et les enseignants. Ces points ont un rôle important à jouer dans la réussite du projet. Ils seront chargés de travailler de façon à faciliter le financement des actions dont la mise en exécution est prévue dans le cadre de la réforme. Par ailleurs, en ce qui concerne de façon spécifique l’appui à la recherche, le projet prévoit un fond compétitif d’appui à la recherche, destiné à

• Après la formation il y a le pro-

Photo : Stéphane Goué

Notre réflexion sur le LMD ne s’est pas penchée de façon spécifique sur la situation des BTS et plus généralement sur la formation professionnelle. Par ailleurs, la directive LMD ne règle pas tous les problèmes de la formation. Il règle encore moins les problèmes que rencontrent aujourd’hui les formations à vocation technique et professionnelle. Mais il va sans dire que cette question est une préoccupation et qu’elle sera abordée en temps opportun. Quoiqu’il en soit, l’idéal est qu’il y ait une cohérence d’ensemble du système de formation de façon à assurer des passerelles entres types et niveaux de formation. Il est souhaitable que l’entrée dans une formation de type professionnel n’empêche pas d’accéder à la formation générale et vice versa. Il doit pouvoir être possible de tracer des parcours de formation qui empruntent aussi bien à l’enseignement dit général qu’à la formation professionnelle et technique.

bien formés, des relations avec les entreprises qui se mettent en place, des bases pour un dialogue social plus visible, etc. Cela ne voudra cependant pas dire que tous les problèmes de l’enseignement supérieur seront résolus.

Sur le campus universitaire de Cocody

puyer la création de cellules de liaisons entreprises/universités destinées à être des interfaces entre la formation délivrée par les institutions d’enseignement supérieur et les entreprises pour faire en sorte que les contenus répondent à des besoins clairement identifiés par la mise en place de mécanismes de partenariat. • Dans son exécution, ce vaste projet devra durer 5 ans. Est-ce à dire qu’en 2012, les universités seront entièrement réformées ? Une réforme complète des universités ne peut pas s’effectuer en 5 ans parce que toute réforme, pour être profonde, prend du temps. Ce que nous espérons cependant, c’est qu’en 2012, le minimum nécessaire pour que les universités se portent mieux soit réuni : une meilleure gouvernance, un système d’information de gestion efficacement fonctionnel, des programmes mieux adaptés, des enseignants

blème de l’emploi. Votre projet prend-il en compte ce volet ? Les problèmes d’emploi sont des questions très complexes à traiter au niveau régional. Notre conviction cependant est qu’une formation qui s’adosse à des besoins clairement identifiés et qui associe, dans un cadre partenarial, les milieux professionnels, est une des conditions nécessaires pour assurer l’employabilité des sortants du système. Elle n’est cependant pas suffisante pour résoudre les problèmes d’emploi qui dépendent aussi d’autres facteurs, en particulier, de facteurs liés à l’environnement économique. Pour assurer le plein emploi, il y a des conditions plus générales à remplir, liées aux choix de politique économique, à l’environnement des affaires. Celles-ci vont au-delà des politiques de formation dont traite notre projet.

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DOSSIER

Excellence universitaire

Professeur Etienne Ehilé, Président du REESAO

« Tous les partenaires de l’Enseignement Supérieur gagneraient à aider le REESAO » Le Professeur Etienne Ehilé, est le président en exercice du Réseau pour l’excellence de l’enseignement supérieur en Afrique de l’Ouest (REESEAO). Un réseau créé en octobre 2005 et regroupant 18 universités des pays de l’UEMOA. Par Elvis Kodjo

• Qu’est ce qui a motivé la création du réseau que vous dirigez ? Après la réunion de Bologne en 1998, les pays européens dont la France décident de s’engager dans la réforme Licence - Master Doctorat (LMD). . Il s’agissait en fait de construire un espace européen de l’enseignement supérieur capable de répondre aux enjeux de la compétition internationale en relevant les défis scientifiques et économiques (lancés par les Etats-Unis, le Japon et quelques pays émergents comme la Chine l’Inde etc. L’enseignement supérieur de l’Afrique de l’Ouest Francophone, qui vivait jusque-là dans des liens très étroits avec le système fran48

Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

çais, se trouve alors brutalement confronté au défi de l’adoption de ce schéma d’enseignement supérieur, considéré aujourd’hui comme l’aspect pédagogique de la mondialisation, déjà en vigueur dans les pays anglo-saxons et anglophones, tout comme dans la plupart des pays émergents.

C’est ainsi que vous décidez de vous aligner sur le mouvement mondial, et que vous créez le REESAO ? Oui, en octobre 2005, les responsables de sept universités nationales d’Afrique de l’ouest francophone, s’étant rendu compte qu’il était absolument nécessaire de mutualiser leurs compétences et leurs moyens s’ils voulaient que leurs institutions entrent de façon opti-

male dans la révolution que représente la mise en place du LMD, mettaient leurs universités en réseau. C’est ainsi qu’est né le Réseau pour l’excellence de l’enseignement supérieur en Afrique de l’Ouest (REESAO), pour répondre pleinement aux nouvelles exigences de mutation et d’efficacité qu’imposent les défis de la mondialisation. Le Réseau pour l’excellence de l’enseignement supérieur en Afrique de l’Ouest (REESEAO) a ainsi été créé pour promouvoir une nouvelle politique de coopération universitaire axée prioritairement sur la modernisation de l’offre de formation en vue de faciliter la mobilité et l’insertion professionnelle. Sa mission est de définir,


cheurs et 200000 Etudiants.

Photo : Stéphane Goué

Est-ce à dire que le REESAO disparaîtra après la mise en œuvre effective du LMD ?

dans un esprit de solidarité et de synergie, les voies et moyens indispensables à la mise en place du système Licence-Master-Doctorat (LMD) en Afrique de l’Ouest (espace UEMOA), en partenariat avec les institutions nationales et internationales. En effet, suite à l’adoption du système LMD en avril 2006 à Libreville (Gabon) par le Conseil des Ministres du CAMES, deux alternatives s’offraient aux participants: soit que les Etats l’imposent directement aux structures d’Enseignement Supérieur, ce qui a été l’option dans l’espace CEMAC (Communauté Economique et Monétaire d’Afrique Centrale) ; soit que le processus commence à la base, pour s’achever par la décision de l’autorité compétente, c'est-à-dire l’onction de nos Etats. Cette deuxième possibilité a été l’option du REESAO pour la zone l’UEMOA. Le REESAO est Aujourd’hui, une réalité de 15 universités publiques (3autres universités s’ajouteront très bientôt à cette liste) de 7 pays sur 8 de l’UEMOA. C’est un potentiel de plus de 4000 Enseignants-cher-

La mission du REESAO est en fait plus vaste. Elle consiste, certes dans l’immédiat, en la mise en œuvre du système LMD, mais de plus elle se propose de mener de manière spécifique des réflexions sur les défis et les grandes orientations de notre système d’Enseignement Supérieur au niveau sous régional (espace UEMOA), en collaboration avec la Conférence des Recteurs des Universités Francophones d’Afrique et de l’Océan Indien (CRUFAOCI) et le Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur (CAMES).Ces deux dernières structures ayant plutôt des objectifs d’envergure continentale.

• 3 ans après la création du REESAO, quel bilan pouvez-faire ?

Nous avons réalisé depuis 2005 la mise en place de textes fondateurs ; la mise en place de structures de fonctionnement (Conférence des présidents, Recteurs et Directeurs Généraux, Comités Techniques LMD, TIC, Scolarité, Bibliothèque) ; l’harmonisation des standards LMD du REESAO ; la constitution graduelle d’un répertoire des enseignants-chercheurs des universités membres du réseau ; la réalisation d’une dizaine de séminaires interuniversitaires de formation de noyaux de formateurs. Chacune des 15 Institutions universitaires du réseau a le devoir de restituer ces formations à ses enseignants, personnels administratifs et techniques et étudiants. C’est la mission que les membres se sont assignée au cours de cette année universitaire 2007-2008. En ce moment, nous préparons activement le prochain séminaire qui aura lieu à Cotonou du 2 au 5 juin 2008 et qui sera consacré essentiellement à « la gestion de la scolarité dans le cadre

du système LMD » Le REESAO a aussi élaboré des projets d’accompagnement de la réforme et évalué le coût de mise en œuvre du système LMD et un plan d’actions avec les activités prioritaires. Le chronogramme de mise en place du LMD dans le réseau a été défini. La date butoir pour tous les établissements membres du réseau reste fixée à septembre 2011. Enfin, avec le financement du Groupe de Travail sur l’Enseignement Supérieur de l’Association pour le Développement de l’Education en Afrique (GTESADEA), dont je suis membre, le secrétariat du REESAO est entrain de finaliser un « Kit de formation » sur le LMD pour les universités d’Afrique Francophones. Il est important de souligner que l’UEMOA a pris une directive pour ses Etats membres aux fins de prendre des décrets de mise en œuvre du LMD, pour au plus tard décembre 2009. L’on doit comprendre enfin que cette réforme n’est pas une réforme de plus, mais plutôt un outil devenu une nécessité incontournable pour entrer avec succès dans la mondialisation. Pour ma part, je reste fortement optimiste en me disant que chacun à son niveau, cherchera à répondre à ces 3 questions fondamentales : Quelle éducation au 3ème millénaire pour ma propre progéniture ? Quelle formation dans quel système d’enseignement supérieur pour la jeunesse de mon pays au 3ème millénaire, afin qu’elle soit au rendez-vous de la mondialisation ? De quel type de collaborateurs mon entreprise a-t-elle besoin pour être performante et compétitive à l’heure de la mondialisation ? Les questions contenant en ellesmêmes leurs réponses, cela devrait nous amener, à quelque niveau où nous nous situons, à nous remettre sérieusement en cause pour prendre les décisions idoines courageuses qui permettront de rechercher et de trouver, effectivement, les moyens pour soutenir cette dernière mue qualitative de nos Institutions d’Enseignement Supérieur, afin qu’elles ne ratent pas le train qui avance. Je voudrais conclure sur ce premier point en disant que les progrès accomplis en si peu de temps sont importants et ont permis au REESAO Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

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DOSSIER

de se faire connaître et reconnaître par les institutions internationales comme un partenaire privilégié dans la mise en place de la réforme de l’enseignement supérieur dans l’espace francophone de l’Afrique de l’Ouest

• Par rapport aux objectifs qui ont été à la base de sa création, le REESAO justifie-t-il son existence ? Il était question que nous ne partions pas en rangs dispersés dans cette aventure. Il fallait nous mettre ensemble afin de minimiser un certain nombre de difficultés dont les coûts de formation, d’acquisition des équipements (Commandes groupées pour le matériel informatique et le logiciel de gestion) ; utilisation rationnelle des res-

sources humaines (voir répertoire des enseignants-chercheurs avec leur spécialités et grades). Comme indiqué plus haut, il s’agit d’un réseau est un réseau de plus de 4 000 enseignants chercheurs et 200 000 étudiants. C’est donc un marché important Vous comprenez que si nous avons des investissements à faire pour l’acquisition du matériel informatique qui doit sous-tendre le système LMD et que nous partons avec un marché de cette envergure, les coûts seront forcément minimisés ou à tout le moins plus intéressants. Ce système permettra aussi de minimiser les difficultés de ressources humaines par la mise en ligne des cours et par la Formation à Distance. Par exemple un cours qui se déroule à Cotonou, 50

Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

est reçu au même moment par des étudiants des universités de Cocody, ou d’Abobo-Adjamé à Abidjan, de Gaston Berger au Sénégal ou de Niamey au Niger. Ainsi, le cours d’un professeur est diffusé en temps réel dans tout le réseau...N’est ce pas un là un gain substantiel de temps, d’énergie et d’argent ? Je crois que ce sont des éléments importants à prendre en compte. Ce réseau devrait donc être encouragé pour pouvoir réellement atteindre les objectifs majeurs que nous nous sommes fixés à savoir moderniser les offres de formations pour être compétitifs au plan international, parce que le système LMD n’est rien d’autre que la déclinaison pédagogique de l’impitoyable

mondialisation. Les problèmes de l’Enseignement Supérieur étant pratiquement les mêmes dans tous nos pays, et touchant toutes les couches de la société où qu’on se trouve, nous avons intérêt à nous serrer les coudes, et à travailler avec un esprit de solidarité. C’est pourquoi, tout le monde a intérêt à encourager et à aider concrètement le REESAO pour le succès de cette initiative. Il est donc clair que l’existence du REESAO est fortement justifiée, et que si ce réseau n’existait pas, il aurait fallu le créer .Comme il a été indiqué ci-dessus, le REESAO s’est imposé aujourd’hui comme l’organisme privilégié et même incontournable pour la mise en œuvre du LMD dans

l’espace UEMOA

A qui faites-vous allusion quand vous dites que ce Réseau devrait être encouragé ? Aux Etats ? L’on doit comprendre que cette réforme n’est pas une réforme de plus, mais plutôt un outil devenu une nécessité incontournable pour entrer avec succès dans la mondialisation. Pour ce faire, chacun à son niveau, doit chercher à répondre à ces questions fondamentales : Quelle éducation au 3ème millénaire pour ma propre progéniture ? Quelle formation dans quel système d’enseignement supérieur pour la jeunesse de mon pays, afin qu’elle soit au rendez-vous de la mondialisation ? De quelle type de collaborateurs dois-je faire appel pour avoir une entreprise performante et compétitive ? Comme vous pouvez l’appréhender, tout le monde doit se sentir concerné : l’Etat, les entreprises, les citoyens, la société entière, bref, tous les acteurs du système éducatif. Les questions contenant en ellesmêmes leurs réponses, cela devrait nous amener, à quelque niveau où nous nous situons, à nous remettre sérieusement en cause pour prendre les décisions idoines courageuses qui permettront de rechercher et de trouver, effectivement, les moyens pour soutenir cette dernière mue qualitative de nos Institutions d’Enseignement Supérieur, afin qu’elles ne ratent pas le train qui avance. Tous ceux qui peuvent contribuer à faire avancer le système d’enseignement supérieur sont donc concernés et devraient pouvoir encourager le réseau. Malheureusement, en Afrique, nous n’avons pas la culture de l’aide aux universités. Un exemple récent : l’université d’Abobo-Adjamé que je dirige vient de perdre un de ses laboratoires dans un incendie. Ce malheur n’a point ému la Côte d’Ivoire. En effet, hormis notre ministre de tutelle et le président du Conseil Général d’Aboisso, aucune structure ne nous a adresse ne serait- ce qu’une carte postale pour exprimer une quelconque compassion. Est-ce à dire que l’enseignement supérieur est le cadet de nos soucis ? Tout le problème est là…..


Photo / Ifher/ Stéphane Goué

Formation

Les nouveaux habits du BNETD

Le BNETD entend contribuer au développement des compétences

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Le Bureau national d’études techniques et de développement (Bnetd) a mis en place depuis janvier 2007 un Institut de Formation à la Haute Expertise et de Recherche (Ifher), en accord avec le Ministère ivoirien de l’enseignement supérieur. Cet institut né sur les cendres du Centre de formation et de recherche du Bnetd, se veut un véritable laboratoire de compétences en matière de recherche et de technologie. L’Institut qui a démarré ses formations par deux filières, Ressources naturelles et environnement et Informatique option : réseaux et télécommunication, s’est étendu, cette année, aux formations en Economie de l’aménagement du territoire et du développement local et en Evaluation de projet. Ces formations sont sanctionnées par des Masters ou Dess en partenariat avec les universités

Par Alex de Loukou

d’Abobo Adjamé et de Cocody. Pour le Docteur Armand Zagbaï, Directeur de l’Institut, il est plus que nécessaire de former de hauts cadres, ayant une parfaite maîtrise des nouvelles technologies afin de permettre aux africains d’être en phase avec l’évolution du monde. Ces formations pratiques et de haut niveau permettront aux cadres ivoiriens et africains de se perfectionner. En créant cet Institut, le BNETD entend contribuer au développement des compétences en matière de maîtrise d’œuvre des ouvrages et de maîtrise d’œuvre des projets de développement. Déjà l’expertise du BNETD a dépassé les frontières de la Côte d’Ivoire pour s’installer dans d’autres pays comme la Guinée Equatoriale, le Bénin, le Libéria, le Gabon, la République Centrafricaine. Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

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Une des particularités de cet Institut du BNETD, c’est de faire accompagner la formation par un comité d’entreprises réellement partie prenante dans le processus de formation. « Les étudiants qui sortent d’ici, vont directement en entreprise » rassure le Directeur. L’Institut conduit, en effet, des études techniques, élabore des outils de gestion et contribue à la valorisation des produits de la recherche et de l’innovation technologique en liaison avec ses entreprises partenaires que sont l’Apex-CI, le Nepad Business Group, le cabinet Setym international du Canada , le Fonds de développement de la formation professionnel (FDFP) le Centre d’édition et de diffusion africaine (CEDA), le centre d’indicamétrie multipolaire et le Centre d’éducation à distance de Côte d’Ivoire (CED-CI). Au-delà de sa vocation d’école-entreprise, l’IFHER veut se positionner en Afrique comme un institut international de référence, une plate-forme de compétences et un pôle d’excellence en matière de formation qualifiante. Il développe des activités connexes qui sont, entre autres, la création des bases de données de gestion, des logiciels avancés (système expert) couplés à l’électronique et à l’automatisme, et des logiciels biométriques aux fins sécuritaires. Toute une technologie de pointe qu’on peut apprendre sur place, nous dit le Docteur Zagbaï qui invite les jeunes africains à se former pour relever les défis du développement.

Où va le CAMPC ?

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Par Aurore Amany

Ouvert depuis décembre 1975, le Centre africain de management et de perfectionnement des cadres (CAMPC), logé dans l’enceinte de l’Université de Cocody, a une vocation panafricaine. Les pays membres de l’ex-Organisation commune africaine et malgache (OCAM) qui ont signé son acte constitutif le 16 décembre 1975 à Kigali, au Rwanda, lui ont assigné pour mission principale d’assurer le développement des compétences et le renforcement des capacités des cadres africains. De l’avis de Oumarou Amadou Saley, son actuel directeur général, le bilan des trois décennies qui se sont écoulées depuis cette date, est satisfaisant au regard de la tache qui lui a été confiée sa création.

Missions de l’IFHER • le renforcement des capacités africaines par la formation professionnelle continue qualifiante et la formation diplômante spécialisée. • la production des logiciels répondant aux objectifs de développement • la valorisation des résultats de la recherche et de l'innovation technologique • le transfert de l’expertise du Bnetd dans le monde.

Domaines d’intervention • génie civil (infrastructure et bâtiment) • transport • agriculture • énergie • environnement • informatique et nouvelles technologies de l'information et de la communication • cartographie et télédétection • urbanisme, aménagement et développement local • finance, fiscalité et gestion des projets • formation, recherche et innovation technologique 52

Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008 Façade CAMPC / Le CAMPC en tant qu’institution inter-etats a encore sa raison d’être


Un centre autonome Le CAMPC ne regroupe maintenant que six pays qui, chaque année, lui apportent «un léger appui financier symbolique », selon son directeur général. Ce sont le Bénin, le BurkinaFaso, la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Niger et le Togo. Mais, il couvre et accueille des stagiaires d’une vingtai-

ne de pays francophones d’Afrique. Le centre qui jouit d’une autonomie juridique, administrative et financière, doit aujourd’hui faire face à de nombreux défis. Au nombre de ceux-ci, le développement des cabinets et des centres de formation en management en Afrique francophone, qui est sa zone de prédilection. En plus de cette concurrence des cabinets privés, l’institution doit faire face à la concurrence que lui impose des Etats-membres. En effet, il existe dans certains pays, des institutions nationales chargées d’assurer l’initiation et la formation aux techniques de gestion. Oumarou Amadou Saley, le directeur général du CAMPC, affirme qu’il n’y pas lieu de s’inquiéter de ce phénomène «d’invasion». Il explique que cette nouvelle donne vient à point nommé dans la mesure où elle les oblige à rechercher et à promouvoir la qualité de leurs prestations. C’est que, pour lui, «ces nouveaux acteurs ne sont pas forcément des concurrents. Ils peuvent être des partenaires au regard des nouveaux enjeux du marché international de la formation». En outre, la concurrence impose l’amélioration des supports, moyens et méthodes pédagogiques, la création de nouveaux programmes et l’acquisition des logiciels d’application informatiques adaptés aux attentes des organisations. Pourtant, au-delà de tous ces avantages, une inquiétude demeure. Et elle est d’autant plus importante qu’elle concerne l’éthique de la profession. Il s’agit des acteurs qui «dévalorisent la formation

Photo / Stéphane Goué

En 32 ans d’existence, le centre a formé plus de 12 000 cadres africains issus d’une vingtaine de pays de l’Afrique francophone. Il a reçu des stagiaires de plus de 1500 entreprises et organismes. Depuis trois ans, le CAMPC organise annuellement 50 séminaires spécialisés qui enregistrent en moyenne 400 à 500 participants. L’institution organise également 6 rencontres Top management au cours desquelles elle forme une cinquantaine de dirigeants et de décideurs. Chaque année, elle met sur le marché de l’emploi, au moins 20 diplômés dans les Programmes longs en alternance (PLA).

en faisant fi des valeurs et normes requises et qui pratiquent des prix au rabais». Le CAMPC se distingue de tous ces cabinets par la mobilité de ses séminaires qui se déroulent tout au long de l’année dans plusieurs capitales africaines (Abidjan, Lomé, Accra, Cotonou, Kigali, Douala, Niamey, Ouagadougou, Bamako). L’autre argument du centre, c’est la reconnaissance de trois de ces diplômes professionnels par le CAMES. Il s’agit du Diplôme de formation et de perfectionnement en gestion (DFPG), du Diplôme supérieur de perfectionnement en management des organisations (DSPM) et du Diplôme supérieur de perfectionnement en management sanitaire (DSPMS). Le centre forme également aux procédures du travail parlementaire, la bonne gouvernance, la communication, l’informatique et les NTIC.

Un instrument d’intégration Malgré la création dans certains Etats-membres d’institutions nationales de formation aux pratiques managériales, le CAMPC en tant qu’institution inter-Etats a sa raison d’être. Làdessus, de Oumarou Amadou Saley, qui l’affirme, s’est expliqué : «le CAMPC apparaît comme un excellent instrument d’intégration régionale. C’est le lieu idéal d’échanges d’expériences entre les cadres des entreprises et organisations africaines. Il est souhaitable de maintenir au plan africain ou régional, un centre susceptible de donner une solide formation de managers aux futurs dirigeants d’entreprises de nationalités diverses, en les confrontant aux expériences vécues ça et là ». Il faut rappeler qu’en 1968 déjà, les pays de l’ex-Organisation commune africaine et malgache s’étant penchés sur les problèmes d’encadrement dans les entreprises, avaient insisté sur la nécessité d’organiser «dans les meilleurs délais, dans un des Etats-membres, une formation pratique basée sur l’éducation moderne en matière de gestion des entreprises».

Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

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Enjeux africains

Contrition

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La bataille des inventeurs

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Le chemin qui mène de l’acquisition d’une idée inventive à sa réalisation effective constitue un véritable parcours de combattant. On assiste chaque année à l’abandon et au découragement de plusieurs inventeurs malgré la passion qu’ils ont pour la chose inventive. Les plus tenaces vont s’improviser industriels s’ils ne veulent pas voir mourir les fruits de tant d’années d’efforts, alors qu’ailleurs, lorsque le potentiel économique d’une invention est avéré, des mécanismes et un ensemble de dispositifs permettent son exploitation. Dans nos pays, quand l’inventeur n’est pas vu comme un bricoleur « illuminé » c’est à peine si on ne lui reproche pas d’avoir abouti à un tel résultat : « Mais il va devenir milliardaire ! Et s’opposer à notre régime ! De toutes les façons c’est une affaire privée et l’Etat n’a rien à y voir… » Pourtant des structures ont été créées en Afrique pour œuvrer à la promotion de l’invention sur le continent, à l’exemple de l’OAPI (Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle), une structure qui a vu le jour le 02 Mars 1977 à Bangui (République de Centrafrique). L’une des missions essentielles de cette organisation est de participer au développement technologique des Etats en apportant sa contribution dans la créativité et les transferts de technologies, en créant les conditions favorables à la valorisation des résultats de la recherche et à l’exploitation des innovations techniques par les entreprises nationales.

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Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

Par Matthieu Yagui*

Si l’OAPI, qui ne vit que par les inventeurs africains, peut se prévaloir d’être un modèle réussi de coopération, ces inventeurs, eux, saignent à payer leurs annuités. C’est le cas de beaucoup d’inventeurs ivoiriens qui malgré leurs appels aux autorités compétentes pour la prise de mesures exceptionnelles, ont vu leurs brevets purement et simplement déchus par l’organisation africaine. C’est donc le lieu d’attirer l’attention des décideurs sur la fiabilité de l’accord de Bangui en ses articles 40 et 41 relatifs aux déchéances et restaurations de brevets en cas de non paiement des taxes de protection. Pour soutenir les inventeurs, l’OAPI promet la Création d’un Fonds d’aide à l’invention et à l’innovation, un fonds doté à sa création d’une enveloppe de 500 millions de Francs CFA pour les 16 Etats que compte l’organisation. Une preuve, s’il en est, que les gouvernements des pays n’ont aucune vision pour le progrès technique et l’industrialisation du continent. Il faudra par ailleurs encourager le capital risque par la création de fond propre pour la valorisation des inventions, accorder des avantages fiscaux aux entreprises disposant d’un capital risque, apporter un minimum de soutien financier aux Associations d’inventeurs et soutenir directement parmi les inventions celles qui ont les meilleurs chances de réussite, donner un caractère patrimonial aux brevets nationaux et instituer comme droit humain en Afrique : « le droit à la valorisation des résultats de la recherche, de l’invention et de l’innovation techno-

logique. » Ces mesures sont certes insuffisantes puisqu’elles ne touchent pas les cas de contrefaçons, les concessions de licences et vente de brevets. Et justement le constat est clair, aucune usine n’a été créée pour commercialiser des produits d’une invention industrielle. L’ouverture sur l’extérieur implique certaines garanties que l’inventeur africain ne peut malheureusement satisfaire, au regard de son environnement économique où l’activité de création d’entreprise ne bénéficie d’aucun dispositif d’appui. Comment trouver des partenaires qui puissent investir dans une innovation africaine ? Celle-ci ne portant pas la marque d’un laboratoire connu ou n’intéressant pas grand monde parce qu’étant axée sur la valorisation industrielle de produits alimentaires typiquement africains. Certaines opportunités peuvent par contre s’offrir aux africains si les résultats des travaux intéressent les circuits classiques de financement (Banques, organismes de financement du développement..) ou s’ils peuvent servir partout dans le monde comme solutions techniques aux besoins humains. Ici nos Etats assisterons impuissants, non seulement à la fuite des cerveaux, mais aussi à l’expropriation de technologies révolutionnaires au profit d’autres économies qui deviendront plus conquérantes sur le marché international des technologies. * Economiste, inventeur Secrétaire général de l’Association Ivoirienne des Action Inventives


i r t n o C Enjeux africains tion

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REDUIRE LA FUITE DES CERVEAUX AFRICAINS :

UN ENJEU DEVELOPPEMENT STRATEGIQUE Par Nathan Musengeshi*

En ce début du 21ème siècle, le monde a fait un bond prodigieux dans le développement de la science et technologie. Ce bouleversement n’est pas prêt de s’arrêter. Cependant, l’Afrique continue d’afficher un important retard dans tous les domaines notamment dans les secteurs clés du développement tels que l’éducation, la santé, l’environnement, le transport, le logement… L’Afrique est en crise et ne dispose pas des hommes clés en quantité suffisante pour penser son développement et travailler aux chantiers prioritaires : construction de routes et de ponts, exploitation des richesses du sous sol, préservation des paysages, formation, sécurité, éducation, autosuffisance alimentaire… Convoquée par Tony Blair en 2005, en marge des travaux du G8, pour faire une évaluation de la situation de l’Afrique, la « Commission for Africa » a rendu un. Rapport impitoyable et sans appel sur l’état de l’Afrique.. En voici quelques extraits : « 4 millions d’enfants de moins de 5 ans meurent chaque année de maladies que l’on pourrait, pour les deux tiers, guérir à peu de frais, tandis que 40 millions d’enfants (50% de la population a moins de 17 ans) ne peuvent aller à l’école. Le revenu moyen sur le continent africain est au dessous de 1 dollar US, c’est-à-dire largement inférieur à ce qu’une vache européenne reçoit sous forme de subvention chaque jour. L’espérance de vie d’un habitant de l’Inde ou du Bangladesh (pourtant classé dans le même groupe que l’Afrique) demeure de 17 ans supérieure à celle d’un africain. Dans ce continent de 600 millions d’âmes où 20 millions de séropositifs n’ont pas

accès aux thérapeutiques rétrovirales et. 166 millions d’africains survivent dans des bidonvilles au milieu de détritus, sans eau, sans égout, sans électricité… » On pourrait se poser la question suivante : Comment un continent si riche en est-il arrivé là ? Il nous parait intéressant d’axer notre réflexion sur l’importance que peut avoir les ressources humaines dans le processus de développement et singulièrement en Afrique. En Afrique la famille compte sur chacun de ses enfants, l’Etat contribue à cette prise en charge qui est de plus en plus onéreuse pour des pays en crise depuis plus de 30 ans. En Afrique, ces investissements ont encore malheureusement un rendement trop faible en raison des contingences négatives comme la grande mortalité infantile, les guerres et toutes sortes d’instabilité sociopolitique, la famine et le Sida. Pour ceux des enfants africains qui arrivent à échapper à toutes ces difficultés et à parvenir à obtenir un diplôme, c’est une grande victoire et surtout une grande responsabilité. Car ceux qui peuvent se prendre en charge doivent également, prendre en charge tous les autres membres de leur famille et/ou de leur communauté. Et, c’est là que se trouve l’un des nœuds gordiens du problème de la fuite des cerveaux africains. Car, chacun de nous est un maillon essentiel de la chaîne des générations qui fait de ce continent ce qu’il est. Les institutions étatiques africaines, notamment les administrations publiques n’arrivent pas toujours à organiser la mise à disposition des

ressources humaines africaines pour servir au progrès et au développement. Les témoignages en ce sens sont légions. Entre cet immobilisme des institutions étatiques et le désir de chaque africain d’obtenir une amélioration conséquente et progressive (de sa situation personnelle, familiale et professionnelle), il y a un fossé qui ne cesse de se creuser. Cette situation crée un malaise, sinon un mal être ou un mal vivre, qui ouvre la voie au projet de départ vers des horizons estimés plus cléments. Il peut s’agir d’un mouvement à l’intérieur du même état ou au niveau de la sous région, parfois combiné à une reconversion professionnelle. Ainsi, il n’est pas rare de voir des enseignants reconvertis aux métiers du monde rural, dans des pays africains où les écoles nationales manquent cruellement d’enseignants. Mais, le plus souvent, et l’information récente en témoigne, on voit naître et se concrétiser des projets de partir de l’Afrique. Souvent, au péril de sa vie. Lorsqu’un tel projet se réalise, dans l’ombre se dessinent deux intervenants antagonistes. Le pays de départ et le pays d’arrivée. Tandis que l’attitude du premier n’a guère évolué depuis le début de ce phénomène, le second a profondément modifié son attitude. En effet, pendant très longtemps, entre les années 1950 et 1970, les pays d’accueil affichaient une attitude passive parce que le phénomène en question leur était totalement profitable. Avec la détérioration de l’environnement économique mondial, les pays hôtes ont changé leur attitude à partir des années 1980. Et ce, malgré l’aggravation de la crise socioéconoAfrique Compétences / Mai - Juillet 2008

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i r t n o C Enjeux africains tion mique en Afrique. De la passivité complice, ils sont passés à une attitude active, voire offensive. Ils ont alors procédé à des études pour mieux comprendre l’importance de ce flux migratoire afin de mieux en tirer parti. C’est ainsi qu’ils ont mis en place diverses procédures qu’il s’agisse de tombola ou de vraie politique gouvernementale de type immigration choisie dans le but de piéger les ressortissants des pays sous développés qui veulent franchir leurs frontières.

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En témoigne également les études économiques de cette acquisition des ressources humaines de l’Afrique au profit des pays développés. Dans les années 1971-72, le service de recherche du congrès américain estimait à 20 000$ US le gain économique réalisé par les USA pour chaque immigré qualifié originaire des pays en voie de développement qui s’y établissait. L’extrapolation faite de ce phénomène entre 1985 et 90 donne un chiffre de 1,2 milliards $ US d’investissement engrangés comme bénéfice net par les Etats-Unis sur les 60 000 spécialistes de notre continent établis dans ce grand pays au détriment du continent africain. Par ailleurs, la CNUCED a réalisé en 1979, une autre estimation qui tenait compte du marché et pour les personnes de 25 à 35 ans. Pour cette institution des Nations Unies, chaque professionnel africain émigré faisait perdre à son pays d’origine une somme estimée à 184 000$ US. Sur la base de ce chiffre, l’extrapolation précédente atteint la somme de 11,04 milliards$ US ! Ce montant est négligeable si l’on prend en compte les africains émigrés dans le monde entier. Ce phénomène explique en partie l’état de misère dans lequel l’Afrique se trouve aujourd’hui. Dans son rapport de 1992 sur le développement humain, le PNUD faisait ce constat éloquent : le Ghana avait perdu 60% de ses médecins formés dans la décennie 80, le Soudan 17% de ses médecins et chirurgiens dentistes, 20% de ses professeurs d’université, 30% de ses ingénieurs et 45% de ses géomètres experts. Au Malawi seuls 28% des postes d'infirmiers étaient pourvus 56

Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

en 2003, contre 47% en 1998. La Zambie avait perdu 1200 des 1600 médecins formés depuis l'indépendance en 1964. alors que pas moins de 21 000 médecins nigérians travaillent aux USA !... Pour compenser cette perte de personnel qualifié, l’Afrique est obligée de recruter chaque année plus de 100 000 expatriés non africains pour un coût de plus de 4 milliards de dollars. Ce montant est directement prélevé sur l’aide au développement accordé à l’Afrique et vient s’ajouter aux 50% de cette même aide déjà prévus pour le remboursement des créances antérieures, aggravant ainsi l’endettement de l’Afrique et ouvrant la porte à une nouvelle vague de départs.

Vittorio De Philippis et Christan Losson nous édifient sur l’aide publique au développement (voir Libération du 6 juillet 2005). L'Aide publique au développement (APD) des pays riches est passée, globalement, de 58 à 78 milliards de dollars entre 2002 et 2004. Pas même le tiers pour l'Afrique. Et ce montant inclut les annulations de dette (40 % pour l'APD française). L'Afrique, qui, au passage, a déjà remboursé l'équivalent de deux fois le montant de sa dette extérieure de 1980, se trouve au final trois fois plus endettée. Bush se targue d'avoir fait tripler l'aide à l'Afrique depuis 2000 ? Elle inclut les surplus alimentaires déversés sur le continent. L'Europe se veut un modèle ? Elle vient tout juste de prendre l'engagement de respecter en 2015 ce qu'elle avait déjà promis en 1970 : consacrer 0,7 % du PIB à l'APD. La France, un exemple ? Elle inclut dans son aide certains... TOM (territoires d’outremer). Ainsi, en 2003, Mayotte fait partie du top 10 des «aidés» (140 millions de dollars). Par ailleurs, l'aide est trop «liée» à des contrats avec les firmes des pays riches. C'est le cas, selon Oxfam, pour «70 % de l'aide italienne ou américaine». L'aide est dispersée, pas assez ciblée, dévorée par les «consultants» étrangers. Résultat : «Il n'y a jamais eu aussi peu de cash pour des projets de terrain», dit un diplomate. Devant ce phénomène qui prend

chaque jour des proportions inquiétantes et compromet l’avenir de tout un continent, chaque pays africain doit prendre la mesure du retard accumulé dans son développement, et mettre en place des structures socioéconomiques modernes pour la formation du personnel nécessaire au fonctionnement de l’Etat et des collectivités, pour la gestion et la planification des ressource et la définition des priorités dans tous les secteurs de la vie nationale. La première richesse du continent africain n’est ni l’or, ni le coton, ni le maïs, ni le diamant, ni le coltran, ni le pétrole… c’est l’homme africain! C’est pour lui, avec lui et par lui que viendra le développement. Tout autre schéma est illusoire. Seule satisfaction sur ce tableau, les africains d’Afrique et de la diaspora commencent à se concerter. A la fin février 2008 s’est tenue au Mali la huitième édition du Forum de Bamako sur le thème : « L’Afrique un nouveau pôle géostratégique : les enjeux ». Avec le processus de démocratisation en cours partout en Afrique, les Etats vont se heurter au désir croissant des peuples à une amélioration rapide de leurs conditions de vie et de travail. On peut alors espérer qu’ils prendront rapidement la mesure de leurs responsabilités au plan national, régional et international pour devenir des acteurs efficaces de cette lutte contre la fuite des cerveaux. Il est nécessaire également d’avoir l’appui des institutions régionales et sous régionales spécialisées dans les questions de développement telle que la Banque Africaine de Développement (BAD) ou la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) pour ne citer que ces deux là. L’Union Africaine doit aussi opter résolument pour des schémas dans lesquels les résolutions au sommet sont confiées à des organes de contrôle et de mise en application des décisions. *Médecin/Gabon africactions@hotmail.com


Sourire/Adopo/Aquarelle/www.adopo.webobo.com


Chroniques des 5 continents

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• En Afrique, malgré tout Pourquoi je reste / Par Théophile Kouamouo • Sous l’œil de l’Oncle Sam Nos «cousins» d’Amérique / Par Phil Nomel • Un Noir chez les Jaunes Même à Rangoon / Par Médard Koua • En Australie, à l’autre bout du monde “Good day Mate!” Bonjour / Par Paulin Djité, Ph.D • En Espagne Buenos dia de Madrid /

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Par Zita Odomé Angone

Afrique Compétences / Avril - Juin 2008

Chronique des cinq continents

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Chronique des cinq continents

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AFP Photo / Tales Alenia space

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Faut-il être fou pour choisir de vivre en Afrique, dans une Côte d’Ivoire en pleine crise, alors qu’on est Franco-africain, qu’on a étudié dans de bonnes écoles en France, et qu’il suffit juste de trouver l’argent d’un billet d’avion pour s’en aller dans l’Hexagone jouir des acquis de l’Etat-providence et trouver un travail stable ? Si la réponse à cette question est « oui », c’est que l’auteur de ces lignes est fou. Français d’origine Camerounaise, formé à l’Ecole supérieure de journalisme de Lille, j’ai eu l’opportunité de travailler pour la « grande presse » française, en France et en Afrique, et j’ai délibérément choisi de me transformer en journaliste de Côte d’Ivoire, un statut que l’on pourrait considérer comme dévalué par rapport à ma condition première. Pourquoi avoir fait un tel choix ? Pour des raisons liées à de très fortes convictions sur la crise ivoirienne, au départ. Je me suis souvent expliqué sur ce qu’on pourrait appeler le déclic de départ. Pourquoi persévérer ? Pourquoi continuer de vivre en Côte d’Ivoire, en Afrique, à un moment où toute l’effervescence que l’on a connue ces dernières années est retombée ? Pourquoi ne pas rentrer en France ? Il y a sans doute plusieurs éléments de réponse : la routine, l’attachement sentimental à mon pays d’adoption, l’appréhension à l’idée de rebâtir une vie à zéro. Il y a également une foi dans les potentialités économiques de l’Afrique de ce début de siècle. Je pense fondamentalement que l’Afrique est capable du meilleur comme du pire aujourd’hui. La situation mondiale lui est favorable : la croissance asiatique booste les prix des matières premières, les technologies de l’information et de la communication (TIC) ouvrent des perspectives immenses et encore peu explorées en matière de télétravail, de télé-ensei-

Premier satélite panafricain RASCOM-QAF1

« Les technologies de l’information et de la communication ouvrent des perspectives immenses et encore peu explorées » gnement, de circulation des valeurs. Peu à peu, les peuples expriment leurs exigences démocratiques et les armures des Etats totalitaires se fendillent. Notre forte démographie, nos disponibilités en eaux et en terres, nous mettent au centre de la géopolitique mondiale. Bien entendu, les obstacles sont là, et on ne peut pas feindre de ne pas les voir : les égoïsmes, qui puisent leur dynamique dans la haine de soi, ainsi que l’afropessimisme viscéral de plusieurs d’entre nous. On ne peut pas ne pas voir une culture du pouvoir oppressive, caricaturale, brutale parce que peu assurée, qui conduit aux dérives antipatriotiques que l’on constate tous les jours. Mais des brèches sont ouvertes, et le miracle est à notre portée. Je veux vivre en Afrique ces instants déterminants, participer à des aventures visant à tirer partie de cette donne nouvelle. Je veux être du côté de ceux qui agissent pour créer une société ouverte, remplie d’opportunités, libérée parce que libérale, tolérante et débarrassée de ses complexes d’infériorité. Après six siècles de silence et d’oppression, le temps de la renaissance arrive peut-être à grands pas. Ne le retardons pas par nos sarcasmes et

l’addition de nos cynismes. Il y a du travail en Afrique. Et je sens que demain certains secteurs seront porteurs : la valorisation des terres avec une agriculture vivrière modernisée, devenue potentiellement « rentable » grâce à la hausse des prix des denrées alimentaires, qui est un phénomène de long terme dû à la croissance asiatique ; la valorisation de la force de travail de notre jeunesse à travers la formation et la création d’entreprises axées sur les TIC ; la transformation de notre croissance « sur papier » en réalisations concrètes à travers le BTP et l’ingénierie… Et puis, de toute façon, il y a une réalité que ceux d’entre nous qui ont vécu en Europe connaissent. Ils la répètent mais personne ne veut les croire : personne n’attend les Africains en Occident, et l’immigration massive n’est ni possible, ni souhaitable. Nous n’avons pas le choix. Nous devons travailler à ce que nos rêves s’incarnent sur la terre africaine. Dans ce contexte, ceux qui peuvent décider de s’en aller mais restent par la foi sont des « évangélistes » de la renaissance de notre continent. Quel beau ministère !


Sous

le S c n O ’ l e l’œil d

am

Par Phil Nomel

I

Nos «cousins» d’Amérique

Ici, on appelle affectueusement « cousins » les africains-américains ; c'est-à-dire les noirs-américains. Nous avons transposé cette habitude très africaine de se trouver des liens de parentés avec tout le monde. Les relations que nous entretenons avec nos « cousins » sont marquées par les préjugés que nous avons les uns par rapport aux autres. L’un des préjugés que nous avons sur nos « cousins » noirs d’Amérique, c’est la paresse et la fainéantise qui semble être leur marque déposée. Pour relativiser, disons qu’il y a beaucoup d’entre eux qui refusent de travailler. Il suffit de faire un tour dans les rues de Chicago, d’Atlanta, de New York et ou de Washington DC pour constater que nos cousins et cousines passent le plus clair de leur temps à déambuler dans les rues sans rien faire d’utile. Et quand on débarque comme moi de son Afrique natale pour venir chercher du boulot, on se demande si on a bien fait de venir s’il y a autant de chômage qu’à Yaoundé ou à Dakar. Mais très vite, on se rend compte qu’il y a du travail, mais nos « cousins » préfèrent l’argent en vitesse que procurent les activités sombres, punies par la loi. Quand ils s’engagent à travailler, ils le font juste pour quelques temps, avant de disparaître sans crier gare. Il faut dire que pendant tout le temps qu’ils travaillent, ils sont très irréguliers, sauf le vendredi, Friday en anglais, mais que nos « cousins » appellent maintenant payday. C’est Davis, un « cousin »avec qui j’ai travaillé qui m’a filé le mot payday. Davis ne jurait que par le payday et il revenait au travail lundi sans un sou dans la poche ; ne comptant que sur le prêt que lui ferait « le Nigérian ». Le Nigérian ? C’est moi. Davis m’appelait toujours le Nigérian. J’ai beau lui expliquer que je n’étais pas Nigérian mais Ivoirien, Davis ne voulait rien com-

La ville de New-York

« Il y a du travail, mais nos « cousins » préfèrent l’argent en vitesse que procurent les activités sombres » prendre et disait n’avoir que faire des origines multiples des africains. Pour lui, puisque tout Nigérian est Africain, tout Africain est forcément Nigérian. Quelle démonstration d’ignorance! Davis n’est pas le seul « cousin » à penser que l’Afrique est un seul et même pays. Et ce qui est étonnant chez nos cousins, c’est qu’ils savent faire la différence entre un négro-africain et un caraïbéen (Antilles, Trinidad, Jamaïque etc.) mais ne remarquent pas la différence entre un Béninois et un Sud-africain. Davis m’a expliqué que l’accent des Nigérians, entendez bien sûr de tous les Africains, est beaucoup plus lourd que celui funny des carïbéens. Seulement voilà, ils ne savent pas faire la différence entre le francophone africain qui se force à s’exprimer en anglais et l’anglophone africain avec son anglais yorubaïsé ou ashantisé. Ils nous mettent tous dans le même sac. Au fait, le Nigeria est la plus grande colonie d’Africains aux Etats Unis.

On retrouve les Nigérians dans toutes les couches socio-économiques de ce pays. Ils sont les plus en vue et les plus riches. Ce sont les mieux intégrés. Seulement, depuis quelques années, les yankees craignent les Nigérians. La raison ? Les arnaques par Internet ! Professeurs d’universités ou simples ménagères, hauts cadres ou ouvriers, toutes les couches de la société ont été victimes des arnaqueurs nigérians. Au Texas, une banque a même été victime de cette mafia nigériane. Cette mafia est d’ailleurs fichée comme Al Quaida économique. Mais maintenant, les Nigérians n’ont plus le monopole de l’arnaque par internet. D’autres nationalités se sont mises à leur école. Et parmi eux, certains de nos « cousins » N’avais-je pas dit qu’ils préféraient l’argent en vitesse que procurent les activités réprimées par la loi ? Tout compte fait, ce n’est pas par hasard que nous les appelons « cousins ».

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Chronique des cinq continents

Un Noir

J

s e n u a J s chez le Par Médard Koua*

Même à Rangoon, on ne se néglige pas

AFP Photo

Je n’avais jamais imaginé commencer ma carrière professionnelle en Asie jusqu’à ce jour de mai 2005 où je reçu une offre professionnelle pour le Myanmar (Birmanie). A la vérité, je ne connaissais ce pays que par la passion que j’ai pour la culture générale : le nom, la capitale, la situation géographique et surtout Aung San Suu Kyi, la célèbre opposante birmane et prix Nobel de la paix en 1991 ; le strict minimum pour être cultivé. Postuler pour le visa vous édifie déjà sur d’autres réalités

Aung Sun Ki, opposante Birmane

« Pour moi Aung Sun Ki est à la Birmanie ce que est la Tour Eiffel à la France »

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de ce pays asiatique. Un post-scriptum, bien visible au bas du formulaire de demande de visa vous précise qu’il vous est interdit de vous « intéresser aux affaires intérieures du pays ». C’est en août 2005, sous une pluie battante que je débarque à l’aéroport de Rangoon : un aéroport sommaire qui me permet de me faire une petite idée sur le niveau de développement du pays. A l’aéroport de Rangoon, on est loin de l’aéroport ultra moderne de Bangkok où j’avais fait une petite escale. Le lendemain, j’étais au travail. Je suis Ingénieur en mine et géologie et mon travail consiste à creuser des forages pour la recherche d’Or. Je suis responsable d’opérations et je dirige une équipe de 13 personnes : 3 opérateurs et 10 tacherons. J’ai passé la phase d’apprentissage de Responsable d’opération, avec mes collègues ingénieurs birmans. Il faut dire qu’ils sont hautains et peu enclins à partager leurs savoirs. Etre instruits et diplômés dans ce pays pauvre fait naître un sentiment de supériorité et de condescendance que je n’ai jamais rencontré en France. La propension de mes collègues ingénieurs birmans, à parler leur langue nationale m’avait également indisposé. Le contact direct avec les opérateurs et autres tacherons m’a permis de me faire une autre idée des birmans et a été l’un des meilleurs moments de mon expérience birmane. Ils sont plus enclins à partager leurs expériences et leurs connaissances, avec tout le respect ; le respect humain qui est différent du respect hiérarchique. J’ai plus appris auprès des opérateurs qu’auprès des ingénieurs. Je suis amené sur le forage à diriger mon équipe et à gérer les relations avec les clients. Les chantiers, comme beaucoup de chantiers sont dangereux et exigent délicatesse, attention et de nombreuses mesures

sécuritaires. Une opération normale dure en moyenne 10 heures de temps mais il arrive, en cas de problèmes, qu’on dépasse largement ce délai. Evidemment, je ne passe pas tout le temps à travailler. J’ai aussi une vie sociale ! J’ai pu apprendre le birman élémentaire : bonjour, merci, je t’aime. Avec ces mots, vous pouvez faire le tour du monde. Et pour mieux connaître les birmans, je me suis rendu un jour dans un temple bouddhiste. Je ne trouverai jamais le mot exact pour décrire ce moment-là : tout le monde a cessé de prier et a braqué les yeux sur moi. Je crois qu’ils n’avaient jamais vu de Noirs dans ce temple. D’ailleurs, très souvent dans la rue, on s’arrête pour me regarder ou pour me montrer du doigt. C’était amusant au début, mais maintenant, c’est, à la limite, énervant. J’ai réussi à voir la résidence dans laquelle vivait Aung Sun Ki, l’opposante et prix Nobel de la paix, régulièrement emprisonnée depuis 1988. C’était la seule information que je savais de la Birmanie et j’ai tenu à voir au moins la maison de l’illustre prisonnière. Pour moi, Aung San Suu Kyi en Birmanie, c’était un peu comme la Tour Eiffel à Paris ou la Statue de la liberté à New York .Malheureusement, je n’ai pas pu faire de photos… Pour terminer ce petit tour d’horizon, il faut ajouter que les femmes sont belles et désirables…et je suis très souvent amené à parler de l’Afrique, de la Côte d’Ivoire, ou à préciser à des interlocuteurs administratifs que je ne suis pas un « US citizen » (citoyen américain). En général, ils ne connaissent pas et ne savent rien de la Côte d’Ivoire. Je suis toujours obligé d’ajouter « Drogba, Chelsea player country ». Alors, ils me demandent « Do you know him ? » et je réponds « Yes, of course » Qui va se négliger ici à Rangoon ? * Pseudonyme

«


e, i l a r t e s d u n o m En A u ut d o b e r t u à l’a

Par Paulin Djité, Ph.D

«Good day Mate!» Bonjour mon pôte!

Un soir d’hiver particulièrement rigoureux, nous regardions encore les festivités du bicentenaire de ce pays lointain à la télévision, quand le téléphone sonna : « Vous êtes notre tête de liste, et je vous contacte pour savoir si le poste vous intéresse toujours ». Mon épouse qui avait eu la prémonition de l’origine du coup de fil s’empressa de me donner des instructions : « Tu réponds oui. Y’en a marre de toute cette neige et de ce froid ! ». « Good day, Mate ! », nous salue le douanier australien à l’aéroport avec un sourire qui nous surprend. On nous avait tant dit de nous méfier de ces Australiens « racistes », et pourtant… Nous n’allions pas tarder à découvrir un peuple accueillant, placide, confiant, et surtout souriant. « Good day, Mate ! », ce n’est pas seulement le bonjour rituel, c’est l’expression sociolinguistique de l’égalitarisme que l’on retrouve partout dans cette société affable. Notre aventure australienne ne devait durer que trois ans au maxi-

AFP Photo /Mexsport / David Leah

«M

« Mais c’est le bout du monde, l’Australie ! Qu’est-ce qui leur fait penser que je quitterais mon poste dans la capitale du monde moderne pour me rendre à Sydney ? », M’exclamai-je quand je reçu l’invitation à soumettre un dossier de candidature à l’Université de Sydney, un soir de mars 1988. Calmement, le Professeur Battestini me répondit : « Tu sais, si j’avais ton âge, je saisirais cette occasion à deux mains… Le monde moderne ? Mais c’est justement dans des pays comme l’Australie que se trouve l’avenir du monde, et non dans de vieux continents comme l’Europe et l’Amérique »

Bruce Djité mum, et si nous ne « Mon fils Bruce Djité d’origine ivoirienne est nous plaisions pas avant-centre védette de l’équipe de football dans cette extrémité du d’Australie » monde, nous pouvions l’ambassadeur Guirandou Ndiaye. retourner à Washington, DC à tout « Je ne comprends pas comment la moment, tous frais payés. A deux Côte d’Ivoire, peut laisser fuir un mois de la fin de la première année cerveau comme le vôtre ; mais le du contrat, le professeur Barko me malheur des uns, fait le bonheur des manda à son bureau : « Je vous ai autres ». recommandé auprès du doyen pour Dix-neuf ans que dure cette aventure la titularisation. Vous recevrez une australienne. Nous n’avons pas eu, lettre à cet effet dans quelques jours un seul jour, le temps de regretter la ». Accepter la titularisation voulait petite place au soleil, quelque part, dire démissionner de mon poste à au bout du monde, que nous ont Howard University. En valait-il la offert des hommes bons. Ainsi va la peine ? Comment dire non à tous vie ! C’est avec fierté que je sers ces sourires, à tous ces « Good day, mon pays d’adoption, non seulement Mate ! » ? Les Australiens sont si à l’Université, mais dans les différenaccueillants ! tes missions qui m’ont été confiées depuis, de l’Unesco aux Jeux « Maintenant que vous êtes là, je Olympiques. Et cette fierté grandit peux vous l’avouer, j’étais curieux de chaque jour avec l’intégration totale rencontrer ce garçon qui naquit le de mes enfants qui eux aussi, chamême jour que j’ai débarqué dans cun à sa manière, ont commencé à ce pays, il y a trente ans ». Ivan représenter l’Australie au niveau Barko était un immigré juif de international (mon fils, Bruce Djité Hongrie. Chef de département, il est devenu l’avant-centre attitré des était bien plus pour moi et ma famille équipes nationales junior et senior ; il m’avait adopté comme son fils, et de l’Australie). Citoyens du monde, les garçons l’appelaient « grand-père voilà ce que nous sommes devenus ». Ivan n’était pas la seule âme peut-être, mais nous resterons tounoble à Sydney. Il y avait aussi cet jours Ivoiriens dans l’âme : dodo ancien premier ministre, Gough manan dodo ; la terre, c’est la terre. Whitlam, homme d’Etat de plus de

90 ans, qui avait connu deux ivoiriens : le ministre Paul Akoto Yao et Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

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e n g a p s E En

G

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Buenos dia de Madrid

Gabonaise de 28 ans, je vis en Espagne depuis 3 ans où je poursuis mes études en philologie espagnole. Il faut dire que mes débuts en Espagne n’ont pas été faciles ; surtout sur le plan des formalités administratives. Je suis venue pour des études et venant d’un système francophone, il me fallait faire une authentification de mes diplômes par voie diplomatique de la manière suivante : rectorat de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar ou j’ai fait ma Maîtrise en espagnol, Ministère des Affaires Etrangères du Sénégal–Ambassade d’Espagne au Sénégal, puis Ministère des Affaires Etrangères d’Espagne. Après cette phase, il me revenait de chercher un traducteur officiel pour que les diplômes soient accompagnés d’une traduction certifiée pour les amener à mon université : « l’Universidad Complutense » de Madrid où je devrais faire mes études. Ce qui, en peu de mots, est ici expliqué m’a pris un temps que beaucoup de personnes n’auraient pas pu supporter. J’ai réussi à le supporter avec le soutien de mon mari, (un espagnol que j’avais croisé à Dakar, lorsque étudiante en espagnol, je servais de guide à des touristes espagnols), de sa famille et de ses amis. « Que ça coûte cher de vouloir faire des choses dans la légalité ! » me disais–je par moment. Aujourd’hui tout est rentré dans l’ordre. Je poursuis normalement mes études, et pour arrondir mes fins de mois -car je ne veux pas dépendre de mon mari-, je donne des cours de français dans de grandes entreprises ainsi qu’à des particuliers, élèves des collèges et lycées. Il y a une erreur à ne jamais commettre quand on cherche du travail en Occident : c’est de penser que l’Africain doit se conditionner à chercher le travail dont personne n’en veut. Si l’Africain a les compétences pour travailler dans

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une société donnée pour occuper un poste « décent », il doit oser. C’est ce que j’ai fait en postulant dans les entreprises dans lesquelles je me suis proposée de donner des cours de français. Croire, et pire, accepter qu’on ne pourra jamais travailler dans telle ou telle entreprise pour des raisons de racisme et autre motif rétrograde, c’est donner raison aux racistes et aux ignorants qui pensent que l’Africain doit être conditionné aux travaux où seule la force physique a droit de citer. Je pense que nous avons la possibilité de dire, de démontrer, et chaque jour que l’on peut, que nous avons les mêmes compétences que les autres et que nous contribuons aussi bien qu’eux, à leur développement et au rayonnement de leur pays. Leurs économies fleurissent au prix de nos richesses, leurs laboratoires font des découvertes supra séculaires grâce à la fuite de nos cerveaux, leurs universités se dynamisent par le flux du multiculturalisme des étudiants qui y étudient, etc. La plus grande déception pour moi est de voir des africains titulaires de diplômes de toutes sortes mendier dans les rues de Madrid ou faire un travail largement en dessous de leurs compétences. Je ne comprends pas comment on peut être par exemple infirmier ou instituteur en Afrique et venir être balayeur ou éboueur en Europe. On devrait tendre à monter et non à reculer. C’est à ce prix-là qu’on donnera une autre image à notre continent. Il faudrait que chacun fasse le choix d’être intégré à sa juste valeur. Cela peut sembler un discours difficile mais nous devons, chaque fois que nous le pouvons, démontrer que ces pays doivent compter sur nous, non comme des personnes entièrement à part, mais plutôt comme des personnes à part entière, non comme des cas sociaux, mais comme n’im-

porte quel citoyen. Nous devons revisiter ce discours « de la victime », de « l’éternel assisté », du « hors-la-loi », « du conflictuel ». Nous devons être nous, citoyens du Monde, sans plus. De la même façon nous crions à la non-discrimination, nous devons aussi faire l’effort de nous intégrer dans une société multiculturelle où il ne s’agit pas seulement de recevoir, mais aussi et surtout de savoir démontrer qu’on peut et qu’on sait aussi apporter. Tous les jours, ici, à Madrid, je m’y atèle.

AFP Photo /Notimex / Juan Carlos Rojas

Chronique des cinq continents

Par Zita Odomé Angone

Universidad Complutense de Madrid

« Le Prince Felipe visitant l’université Complutense, l’une des plus grandes d’Espagne.»



Emploi et Carrière

Paul Mercier,

« Le Ghana est le premier demandeur de cadres à haut potentiel »

Paul Mercier dirige depuis sa création en 2005, Michael Page Africa, l’entité de Michael Page international spécialisée dans le recrutement de cadres et de dirigeants sur l’Afrique, exceptée l’Afrique du Sud. Profils et diplômes recherchés, secteurs et pays demandeurs, Paul Mercier présente dans cette interview, un tableau du marché du recrutement en Afrique.

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• A combien évaluez-vous le potentiel d’Africains basés en France en attente d’un recrutement pour aller travailler en Afrique ? Ce potentiel est très difficile à évaluer. Nous ne réfléchissons pas en fonction du potentiel des cadres à recruter, mais en termes de besoin du marché de l’emploi en Afrique. Même si ce marché reste peu structuré, nous supposons que chaque

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Par Patrice Kamga

marché national peut être rapporté à un département français qui dispose d’un niveau appréciable d’activités industrielles et d’activités de services. Un département français, c’est dans le meilleur des cas sept à huit mille recrutements de cadres par an, y compris les jeunes diplômés. Celui d’un pays africain est au mieux de cette taille-là, à l’exception bien sûr de l’Afrique du Sud et du Nigeria qui sont plus importants.

• Et ce marché absorbe-t-il une bonne partie de la diaspora ? Non, il absorbe d’abord une bonne partie des cadres formés sur place. Pour ce qui concerne la diaspora, on observe qu’un nombre croissant d’entreprises en Afrique mettent en place des politiques pour attirer les cadres formés à l’étranger

Photo : Vincent Fournier

Directeur exécutif de Michael Page Africa


vers leurs régions d’origine. Mais je dois souligner qu’il y a beaucoup plus de velléités que de réalisations concrètes, les entreprises privilégient les compétences confirmées, mais ne se donnent pas toujours les moyens de valoriser celles-ci comme il conviendrait. Conséquence : quand ces compétences confirmées existent, elles n’éprouvent pas forcément le besoin de rentrer en Afrique.

• Mais vous à Michael Page, avec quels types de profils travaillez-vous sur l’Afrique? La diaspora ou les cadres formés sur place, en Afrique ? Nous ne faisons pas cette distinction. Nous travaillons avec des cadres formés dans tous les pays du monde qui veulent travailler en Afrique. Il va de soi que les Africains, où qu’ils aient été formés, seront toujours plus nombreux à vouloir travailler en Afrique que des non africains. De même, les gouvernements exigent de plus en plus des entreprises, le recrutement des cadres nationaux. Mais s’il y a cette volonté de part et d’autre de recruter des cadres africains, force est de reconnaître qu’il reste des pans entiers de métiers où les cadres africains restent rares à niveau de compétences élevées, à l’exemple de certains métiers très complexes du secteur des hydrocarbures.

• Quels sont les diplômes les plus demandés ? Chacun voit au travers de l’activité qui est la sienne. Si je suis dans le secteur pétrolier, je n’ai pas la même vision que celui qui est dans la téléphonie mobile ou autre. Mais de manière générale, si on veut parler des formations occidentales, c’est souvent des étudiants d’un très bon niveau qui sont bénéficiaires des bourses d’études qui leur permettent d’étudier en Europe ou en Amérique du Nord. Il y a par conséquent de la part des entreprises un réflexe qui est comme partout ailleurs. Ils vous disent : « Si vous pouvez identifier un Polytechnicien, nous sommes preneurs ! » Après, si vous n’identifiez pas de polytechnicien, ils prendront ceux qui ont fait les écoles ou les universités supposées être parmi les meilleures. De ce côté-là, il n’y a pas de spécificité africaine, cette tendance étant toutefois plus marquée en Afrique du Nord qu’en

Afrique subsaharienne. La seule différence que je peux noter se situe entre les différentes aires linguistiques : chez les anglophones par exemple, un expert-comptable diplômé a plus de chances de gravir les plus hautes marches de l’entreprise, contrairement à ce qui se passe chez les francophones où il faut plutôt avoir fait une grande école d’ingénieurs ou de management pour gravir ces marches. C’est exactement comme en Europe où, en Grande Bretagne par exemple, une part très importante des grandes entreprises est dirigée par des experts-comptables, ce qui est aujourd’hui quasiment impensable en France.

• Et quels sont les secteurs qui recourent le plus à vos services pour recruter ? Sur l’Afrique subsaharienne, je citerai d’abord le secteur de la consommation. Il va des brasseries aux télécommunications en passant par l’agroalimentaire de marque ou les nouvelles technologies. Ces secteurs sont le plus souvent assez neufs, comme les télécommunications qui ont fait un boom ces douze dernières années. Je citerai ensuite le secteur bancaire, qui a connu un fort développement et une grande concentration ces dernières années, sous l’impulsion de la Banque Mondiale. Des fonctions comme celles de « risk manager », ou de « compliance manager » connaissent par voie de conséquence un développement, elles demandent des compétences nouvelles. De même, le développement de fonds d’investissement panafricain et la structuration du financement du secteur privé dans de nombreux pays ont accru le recrutement de cadres bien formés dans ce secteur. Le dévelop-

Michael Page en bref Michael Page International est un cabinet de recrutement créé en 1976 en Angleterre et reconnu comme le leader du conseil en recrutement spécialisé. Il compte 149 bureaux dans 25 pays repartis sur l’Europe continentale, l’AsiePacifique, l’Amérique du Nord et du Sud, l’Australie, le MoyenOrient.

pement des produits de banque islamique fait aussi appel à de nouvelles compétences. Je dois aussi citer le secteur minier, qui bénéficie de nouveaux investissements soutenus par le prix élevé des matières premières. Tous les grands projets miniers entraînent d’importants efforts dans le secteur des infrastructures routières, portuaires voire ferroviaires... les compétences dans tous ces secteurs sont recherchées. Je n’oublie pas, pour terminer, l’agroindustrie traditionnelle, qui voit émerger de nouveaux métiers, comme la gestion environnementale et le développement durable. Les états africains exigent aussi que les matières premières et les produits agricoles soient transformés sur place avant d’être exportés, ce qui oblige les entreprises à développer des usines et les contraint à recruter des ingénieurs.

• Quels sont les pays les plus demandeurs aujourd’hui de ces cadres à haut potentiel ? En Afrique subsaharienne, je parlerai en premier du Ghana, qui est le principal bénéficiaire de la crise ivoirienne. Le gouvernement a également mené les réformes structurelles qui s’imposaient pour permettre la relance de la machine économique. Le Sénégal, avec les grands travaux de ces dernières années a également beaucoup recruté dans l’immobilier et le génie civil. Le Nigeria reste un pays incontournable, pour la taille de son marché, de ses banques et de ses entreprises, et ses importantes ressources pétrolières. Le Gabon offre stabilité et sécurité. On note également de très bons signes de la Côte d’Ivoire, avec l’amorce du retour à la paix. Le Cameroun est un pays à fort potentiel, avec une diaspora très importante et l’un des meilleurs systèmes de formation. L’Angola a amorcé une politique d’ angolisation des cadres, qui profite aux diasporas lusophones, mais crée une véritable tension sur le marché des compétences. Un pays qui crée la surprise : Djibouti, tout petit, mais qui devient progressivement une plate-forme arrière des Emirats Arabes Unis. A l’échelle du pays, cela représente un nombre important d’emplois qualifiés.

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Profil

Françoise Remarck-Le Guennou Par Cheick Denise

Président Directeur Général de Canal + Horizons Côte d’Ivoire, Françoise Le Guennou-Remarck apporte à cette filiale de Canal Overseas Africa tout l’éclat de son savoir-faire. Ce n’est pas un hasard puisque sa carrière professionnelle commence, après son bac D et son diplôme de l’Ecole supérieure de commerce, chez Ernst& Young, en qualité de Directeur de mission. En 1992, elle choisit de retourner dans son pays, la Côte d’Ivoire. Retour payant, en effet, qui coïncide avec une belle opportunité : Canal Horizons. Une aventure commence, inscrite sous le sceau de la performance et de l’efficacité. De 1992 à 1994, cette femme va gravir tous les échelons au sein de cette société créée. D’abord membre de l’équipe projet qui négocie le contrat de concession société avec l’Etat ivoirien, la société d’étude et de développement de l’audiovisuel en Côte d’Ivoire (SEDACI) Elle sera de 1994 à 1996 Directeur financier, puis Directeur général adjoint de 1996 à juin 1999, ensuite Directeur général de juin 1999 à février 2003. Depuis février 2003 Président directeur général. Malgré ses différentes occupations Françoise Le Guennou-Remarck, a pu trouver le temps de parachever sa formation en 2004 en obtenant l’Exécutive MBA de la prestigieuse école HEC Paris. Femme de son temps, seule femme ivoirienne à prendre part au Forum des femmes leaders au niveau mondial, Chevalier de l’ordre national de Côte d’Ivoire, vice-présidente de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire, membre de l’Association des opérateurs privés de télévision d’Afrique, membre de HEC Executive club de Côte d’Ivoire, Prix d’excellence de l’édition 2007 des « Bâtisseurs de l’économie ivoirienne » cette passionnée d’art africain est fière de sa réussite et n’en oublie pas moins les autres. Humaniste, engagée elle prend une part active à l’accompagnement de différentes projets tournés vers la jeunesse, le social, l’insertion de jeunes filles déscolarisées, la promotion d’actions d’entreprenariat, culturelles et sportives, toutes tournées vers l’excellence. Epouse comblée et mère de 3 enfants, elle sait meubler son emploi du temps, en n’oubliant pas cette certitude qui l'habite et la suit un peu comme son double: les femmes ont leur mot à dire dans la société actuelle. Elle en est le symbole achevé.

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Rose Banchi-Don Mello A 22 ans, sortie major de promotion de l’Ecole Supérieure de Commerce d’Abidjan (ESCA), Rose Banchi DonMello, entame sa carrière professionnelle au Cabinet ECR, correspondant de PEAT MARWICK comme assistante Audit. Le temps de connaître les rudiments de la vie active. Moins de 2 ans plus tard, elle se retrouve dans la communication en tant que chef de publicité à Lintas, première agence de publicité d’Abidjan. Quatre ans après, elle quitte le milieu de la pub pour celui des assurances : elle est cadre technico-commerciale à la SIDAM. Elle y passera plus de 2 ans avant de partir monnayer son talent à la Direction Marketing Régionale de The Coca-Cola Company où elle occupera pendant plus de 3 ans le poste de Marketing Manager pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Cap ensuite sur une autre multinationale, Nestlé où elle exercera toujours dans le Marketing comme Chef de Groupe Boissons et Confiserie pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre ; pendant 4 ans. Mais, comme toujours, il lui faut des terrains neufs, pour tester ses capacités, ses atouts. Voir ailleurs…Comme si chaque fonction était un tremplin. En 2000, elle rejoint la Standard Chartered Bank qui n’est encore qu’à l’étape embryonnaire. Rose Banchi DonMello y est recrutée en tant que Directrice du Marketing. Puis, elle est rapidement promue au poste de Directrice de la Clientèle Privée grâce à ses performances et à sa rigueur. Pendant 4 années, elle dirige le réseau d’agences et le portefeuille de la clientèle des particuliers et des PME. Puis, soucieuse de se doter de compétences nouvelles, elle choisit d’occuper le poste de Directrice des Ressources Humaines. Au bout de 20 ans d’un parcours professionnel sans faute, à brandir comme un modèle à imiter, parce que jonché de lauriers honnêtement glanés, de titres justes obtenus, sans passe-droit, elle décide de prendre une année sabbatique. Mais très vite gagnée par le virus des nouveaux challenges, elle reprend une activité professionnelle et se reconvertit dans un tout autre domaine…La pêche. En qualité d’armatrice. Un secteur où très peu de femmes exercent. Cooptée par ses pairs, elle y préside également l’Union des Armateurs à la Pêche Fraîche. L’expérience acquise dans la défense des intérêts d’une corporation la conduira tout naturellement à accepter, en septembre 2007, le poste de Secrétaire Exécutif de l’Union des Grandes Entreprises Industrielles de Côte d’Ivoire (UGECI). Rose Banchi Don-Mello, tête bien faite et bien pleine, reste une femme admirable de refus. Refus de la passivité. Discrète mais déterminée, elle déclare avec malice : « On n’est pas obligé d’être à la tête pour exercer le pouvoir ». A 43 ans, riche de ses quatre maternités, elle se réalise pleinement à l’UGECI. Rose Banchi Don-Mello a toujours travaillé dans l’ombre ; Efficacement. Mais, avec toute cette énergie, il ne sera pas surprenant de la retrouver, un jour, aux avant-postes. Photo DR

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Par Cheick Denise

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Le Marcel Zadi Kessy Ailleurs, en France notamment, on les appelle les « pantouflards ». Ce sont ces fonctionnaires qui, par la force des choses, se retrouvent dans le secteur parapublic ou même purement privé. En côte d’Ivoire, Marcel Zadi Kessy, à la tête de la Société de Distribution d’Eau de Côte d’Ivoire (SODECI) puis de la Compagnie Ivoirienne d’Electricité (CIE), Jean-Baptiste Améthier à la Société Africaine des Plantations d’Hévéas (SAPH), René Amichia aux commandes de la défunte Crédit Côte d’Ivoire, Auguste Daubrey à la BIAO et bien d’autres anciens bureaucrates, font partie de cette catégorie de hauts fonctionnaires convertis aux affaires par l’entremise des sociétés d’Etat créées par l’Etat pour mener sa mission capitaliste. Le président Marcel Zadi Kessy, lui, se distingue de tous les autres dirigeants de sa génération par sa longévité au pouvoir due à ses bons résultats et aussi par la qualité de ses relations avec les hauts dignitaires de l’empire Bouygues dont il reste le fidèle serviteur en Afrique. Mais ce qui m’a le plus frappé, c’est son désir de transmettre aux générations présentes et futures son expérience et sa philosophie de management. Ses trois livres publiés dans un environnement ou la tradition orale est omniprésente en est la preuve.

Un serviteur de l’Etat Fondateur de l’Union Africaine des Distributeurs d’eau (UADE) et ancien patron des patrons ivoiriens au début des années 90, il a une grande vision de l’entreprise et du développement en

Afrique. Autant il est convaincu de la place centrale et du rôle primordial de la puissance publique dans les jeunes Etats africains, autant il est persuadé du rôle clé des entreprises dans la création des richesses et leur redistribution. Je dirais qu’il est au service du capitalisme international en lui inculquant les valeurs africaines de partage et de solidarité qui lui tiennent beaucoup à c?ur. Marcel Zadi Kessy croit qu’un Etat n’est pas fort par hasard. Comme en Occident depuis toujours et comme en Asie actuellement, l’Etat est fort simplement parce que les institutions productrices de valeurs sont puissantes et bien organisées. Il soutient, à juste titre, que la pauvreté ne se partage pas et qu’il est plus que urgent de créer des richesses. Et, une fois celles-ci sont créées, il est impérieux de ne pas laisser sur le quai de l’indigence les travailleurs, c'est-à-dire ceux-là mêmes qui ont contribué à créer ces richesses. C’est de là que prend sa source, toute la politique sociale qu’il impulse dans ses entreprises et qui font de lui, selon des sources syndicales, « le premier syndicaliste » des sociétés qu’il dirige. C'està-dire celui qui anticipe sur les revendications. A preuve, la Mutuelle d’épargne et de crédit des agents des secteurs de l’eau et de l’électricité fondée en 2006 pour améliorer leurs conditions de vie, symbole des avancées sociales au sein du groupe, c’est son initiative. C’est compte tenu de cette hauteur managériale que certains de ses proches collaborateurs en sont à se demander les raisons pour lesquelles le président Zadi Kessy est resté attaché à la cause d’un grand groupe international, alors qu’il a les capacités, les hommes et les relations nécessaires pour bâtir une grande entre-

Par Par René-François MONCKEH

prise à sa propre mesure. Avec le temps, j’ai compris le motif de son attachement aux secteurs vitaux de l’eau et de l’électricité et au groupe BOUYGUES: le patron de SODECI-CIE est, après tout, un serviteur de l’Etat et donc foncièrement attaché au service public. Je pense que ce sont les dysfonctionnements de nos institutions étatiques et ses exigences de rigueur et de professionnalisme qui l’ont amené à faire le choix du privé. D’ailleurs, face aux préjugés et autres jugements subjectifs de certains compatriotes de l’administration publique, il a toujours répondu avec un certain agacement qui témoigne que son c?ur bat pour l’Etat : « parce qu’ils sont dans l’administration, ils se croient plus nationalistes que les autres. Ce n’est pas parce qu’on est fonctionnaire qu’on est plus patriote et qu’on a le monopole de l’amour pour son pays ». Militant et dirigeant en vue de l’ancien parti unique mais très discret, il a plus le profil d’un technocrate que celui d’un leader politique. Dans sa région natale de Soubré et même au plan national, des offres de promotion politique ne lui ont pas manqué depuis le long règne du président Houphouët. Chaque fois, il les a déclinées pour continuer à se consacrer entièrement à la gestion des services publics d’eau et de l’électricité qu’il considère comme une mission d’intérêt public autant vital que la santé ou l’éducation. Si ces dernières années, il s’est lancé dans la lutte contre la pauvreté en sensibilisant ses compatriotes avec le soutien de l’Association OUYINE (entraide-solidarité) qu’il a créée, c’est bien parce que sa vocation est plus orientée vers les ?uvres d’intérêt plus général que vers les seuls intérêts privés réputés égoïstes. Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

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Passeport pour un quatrième cycle

“Laissez vos diplômes à la porte “ Dans mon ancien univers professionnel, la formation des collaborateurs était presque inconnue. En dix ans, j’ai eu une seule formation sur le fonctionnement des institutions de Bretton woods au sein même de l’entreprise publique. Quant aux objectifs à atteindre, je les ignorais. A vrai dire, la société d’Etat ne m’a presque rien apporté. Car là-bas, le Directeur Général et ses Directeurs centraux étaient au début et à la fin. Ils signaient tous les papiers. On faisait l’avancement et la promotion des gens sans consulter le responsable du personnel. Un exemple édifiant : alors que j’étais le chef du personnel, donc chargé de La paie, le Directeur administratif et financier, une dame, mon supérieur hiérarchique direct, me convoque un jour à son bureau et me pose une question inattendue : « Que faites-vous avec les bulletins de salaires des collaborateurs ? ». Pour cette patronne de société d’Etat comme pour bien d’autres dans les structures publiques, le chef du personnel doit être un figurant. Il ne doit rien savoir de la paie des travailleurs. Un point, c’est tout ! C’est après un échange qu’elle a fait semblant de comprendre que cela releve de ma responsabilité. Photo DR

j’ai rencontré le président Marcel Zadi Kessy au début des années 90 à l’occasion des recherches que j’ai effectuées sur la privatisation en Côte d’Ivoire, dans le cadre de mes travaux de recherche pour le doctorat de 3è cycle en économie, sous la direction du professeur Mamadou Koulibaly. La Compagnie Ivoirienne d’Electricité (CIE) fraichement créée par BOUYGUES après l’opération tumultueuse de privatisation dans le secteur électrique ivoirien faisait partie des 15 entreprises privatisées ou en train de l’être sur lesquelles j’ai décidé d’enquêter. J’ai donc échangé avec son patron qui est aussi celui de la

vrai dire, je suis parti d’une entreprise para publique (la Caisse Autonome d’Amortissement) où les règles de bonne gouvernance n’étaient pas une préoccupation, pour le privé, dans le but de me former davantage. Aujourd’hui, après douze ans de collaboration aux côtés du président Zadi, j’ai demandé à partir pour me mettre à mon propre compte. Je suis parti dans le cadre négocié pour mettre à profit ce que j’ai appris et pour ne pas aller à la retraite à 55 ans ! En quittant la Compagnie Ivoirienne d’Electricité et son président, j’ai le sentiment d’avoir effectué un 4è cycle. Celui-là m’a fait atterrir des nuages sur lesquels je planais avec mes certitudes et mes vérités d’universitaire.

René-François Monckeh

Société de Distribution d’Eau de Côte d’Ivoire où il a capitalisé une riche expérience de gestion et de management fondée sur la prise en compte de la culture africaine. Les bons résultats qu’il a obtenus dans ses entreprises, sa vision de l’entreprise et du développement en général, la place capitale qu’il accorde à la culture africaine dans le management, sont autant de raisons qui m’ont amené à l’intégrer à mon jury de soutenance à laquelle il n’a pu prendre part, malheureusement, pour des contraintes d’agenda. Mon recrutement à la CIE, plus tard, a été la rencontre avec un maître, d’un jeune cadre parti à l’école du savoir. A 72

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Avait-elle vraiment compris ? Tout compte fait, j’ai été choqué et cela a créé en partie les conditions psychologiques de ma démission, quelques temps après. Les choses y ont-elles changé de nos jours ? Quand je suis arrivé au cabinet du Président ZADI avec mes habits de demi-fonctionnaire, j’ai été accueilli avec un autre discours et une autre méthode : « En entrant ici, laissez à la porte tous vos diplômes et autres préjugés. Et prouvez ce que vous savez faire. Apprenez, écoutez et travaillez en équipe ». Cette feuille de route que m’a donnée le patron de CIE-SODECI est la même pour tous les collaborateurs. La charte de SODECI et de CIE en est la plus nette illustration. Ignorant tout de sa méthode, je m’étais hasardé à ma prise de service à le harceler avec des dossiers de tous ordres, pour lesquels je demandais son avis avant de faire quoi que ce soit. Un beau matin, quand il m’a vu à son bureau chargé de parapheurs, il m’a stoppé net : « Alors, Monsieur Monckeh, si je dois vous donner pour chaque dossier une décision, pourquoi alors je vous ai embauché ? Hein ? Soyez responsable et Apprenez à décider ! », m’a conseillé le président. Oui, les mots sont là : responsabilité et décision. Depuis ce « cours magistral » d’un jour où j’ai été cueilli à froid et renvoyé à mes vieilles copies, j’ai assimilé la leçon, comme tout bon élève. A tel point qu’un jour, j’ai franchi maladroitement, sans faire attention, la ligne rouge. C’était un fait pourtant très banal et sans grave incidence, mais qui m’a fait comprendre qu’avoir le pouvoir de décider, c’est « savoir jusqu’où ne pas aller. Le pouvoir, dit monsieur Zadi, est comme un grand couloir où toutes les portes s’ouvrent à vous. Il faut avoir l’humilité de ne pas entrer partout où elles sont ouvertes ».

Un grand souci de pérenniser son œuvre Comme tout chef à la tête d’une organisation ou d’un pays, Marcel Zadi Kessy est préoccupé, au plus haut point, par sa succession. Si la tradition africaine dans


laquelle il se trempe occulte la question, la modernité dans laquelle il baigne et qui l’inspire l’oblige à s’y préparer. Il n’en fait pas un sujet tabou. La question de succession me tient aussi à cœur bien que je sois désormais loin de lui. Car ayant cotoyé le président Zadi et partagé les valeurs qu’il défend, je souhaite vivement autant que de nombreux proches voir l’œuvre de construction managériale qu’il a entreprise en trois décennies se pérenniser et se développer, grâce à des disciples fidèles et ambitieux. Le grand maître n’est-il pas celui qui est heureux de voir son élève aller au-delà de ses propres limites ? A la CIE, la succession que tout le monde croyait bien assurée et célébrée avec faste sur fond de « mythologie », il y a seulement deux ans selmement, semble être remise en cause. Une affaire de trahison ! Tribalisme, lutte de clans,

mépris pour les travailleurs et mythe du chef et défiance au sommet de l’entreprise. Tout est fait pour pourrir le climat social et dresser les syndicats. La vie est faite de paradoxes. L’histoire nous montre aussi que ceux qui ont longtemps marqué leurs organisations ou leurs peuples par leur génie créateur ont rarement les dauphins et les successeurs qui leur ressemblent. J’ai appris à connaître un peu le patron de CIESODECI. Il n’a pas le complexe machiavélique du chef orgueilleux promettant le déluge après lui. Pour avoir fait de la formation de ses collaborateurs et du renforcement des capacités de ses entreprises un pilier central, Marcel Zadi Kessy a autour de lui un vivier d’hommes et de femmes de qualité pour faire l’économie de soucis de succession qui troublent très souvent le

Photo DR

Marcel Zadi Kessy, PDG de la

sommeil de nombreux dirigeants. Le management des entreprises est totalement ivoirisé depuis longtemps, après que ceux que le Président Zadi a coutume d’appeler «les expatriés» ont contribué à former les nationaux. Le reste est une question de choix. En la matière, le passage de témoin n’est ni un concours, ni un examen ou le primé est forcement le major. Le choix se fonde sur les critères dont le chef seul a le secret. Ce que le peuple de plombiers et d’électriciens attendent à la SODECI et à la CIE, c’est qu’ils se reconnaissent à travers aussi bien le choix des hommes appelés à la relève de leur patron charismatique que les valeurs qui ont fait la réputation et le progrès de leurs entreprises, au-delà des frontières ivoiriennes, dans toute l’Afrique. *Ancien Assistant du Président Marcel Zadi Kessy Directeur-Gérant de SECOM MEDIAS

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En couverture

Photo : Stéphane Goué

NTIC en Afrique

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Plus de 192,5 millions d’abonnés au cellulaire en 2007 / Augustin Yao Nouveau pourvoyeur d’emploi en Côte d’Ivoire / Augustin Yao Accès au Large Bande / Théodore Kouadio

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6 compétences africaines des NTIC / Jean Philippe Kassi

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Quelques profils recherchés / Théodore Kouadio

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NTIC en Afrique

Si le secteur des NTIC en générale connaît une croissance en Afrique, c’est bien grâce à la croissance de la téléphonie mobile qui connaît aujourd’hui, la plus grande expansion au monde. Les opérateurs de téléphonie rivalisent d’ingéniosité pour adapter leurs produits aux besoins et aux moyens de leurs clients. Courses aux technologies de pointe, recherche d’un meilleur rapport qualité/prix, recrutement de re sources humaines de qualité, tout contribue à l’expansion de ce secteur.

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Plus de 192,5 millions d’abonnés au cellulaire en 2007 Selon «Les Tic en Afrique: obtenir un avantage concurrentiel » un document de l’Union internationale des télécommunications (UIT), le marché africain du téléphone cellulaire bénéficie aujourd’hui de la plus forte expansion au monde.

Photo : Stéphane Goué

Par Augustin Yao

NTIC en Afrique

Le marché africain de la téléphonie bénéficie de la plus forte expansion

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Selon l’UIT, le marché africain a connu au cours des cinq dernières années une progression à une vitesse double de celle du marché mondial. Cette embellie a permis d’améliorer les possibilités d'accès pour la grande majorité de la population. En 2001 par exemple, le nombre de téléphones mobiles était supérieur à celui des téléphones fixes. Aujourd’hui, le rapport téléphone fixe/téléphone mobile est de 1 pour 7. En 2006, on dénombrait 192,5 millions d'abonnés au mobile cellulaire. Ce chiffre a connu une nette progression en 2007. Ce rapport est encore plus élevé en Afrique subsaharienne, où neuf habitants sur dix ayant accès à un téléphone utilisent le téléphone cellulaire mobile. Le taux de pénétration du mobile a triplé, passant de 6,3% habitants en 2003 à 21% en 2006. Le moteur de cette croissance phénoménale est l’ouverture du marché à la concurrence. Les abonnements à prépaiement au mobile cellulaire ont également joué un rôle déterminant dans l'essor du mobile, puisque 92% des abonnés africains ont eu Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

recours à une formule de prépaiement en 2005. Les opérateurs africains vont aujourd'hui de l'avant en déployant des technologies de nouvelle génération sur le continent, notamment la téléphonie de la troisième génération (systèmes 3G) l'Internet à large bande et le protocole de transmission de la voix par Internet (VoIP). Le portail ghanéen TradeNet est un service de vente qui est proposé sur les téléphones mobiles pour les produits agricoles dans une dizaine de pays d'Afrique occidentale. Le portail permet à des vendeurs et à des acheteurs d'indiquer ce qu'ils recherchent en fournissant leurs coordonnées. Ces informations sont envoyées par SMS en plusieurs langues à tous les abonnés intéressés. Ceux-ci peuvent alors entrer directement en contact les uns avec les autres pour passer une transaction. Des projets analogues sont en cours d'exécution, au Burkina Faso, au Mali et au Sénégal, en vue de fournir des informations quotidiennes sur les prix des exportations de fruits et légumes. Il est également possible de conce-

voir des services auxiliaires tels que le commerce électronique, les services bancaires, les services financiers et l'accès à l'Internet. En 2007, on dénombrait au total 2,68 milliards d'abonnés au téléphone mobile cellulaire dans le monde et ce nombre devrait dépasser les 3 milliards cette année, pour atteindre 4 milliards en 2010 ; 95% de la nouvelle croissance prévue devraient être imputables aux marchés émergents à faible revenu. Les dix premiers marchés africains représentent près des quatre cinquièmes de l'ensemble des abonnés au téléphone mobile cellulaire sur le continent. Un cinquième de tous les abonnés au mobile cellulaire se trouve en République sud-africaine, tandis que près du sixième se trouve sur le vaste marché du Nigeria et que les quatre pays du Maghreb (Algérie, Egypte, Maroc et Tunisie) représentent un tiers de tous les abonnés africains au mobile. Les autres pays africains représentent pour leur part à peine plus d'un tiers de tous les abonnés au mobile cellulaire. (Source : UIT)


ZAIN / CELTEL Burkina Faso ; Congo Brazzaville ; République dém. Du Congo; Gabon ; Kenya ; Madagascar ; Malawi; Niger; Nigeria ; Ouganda ; Sierra Leone ; Soudan ; Tanzanie ; Tchad ; Zambie MTN Afrique du Sud ; Bénin ; Botswana ; Cote d’Ivoire ; Nigeria ; Cameroun ; Ghana ; Guinée Bissau ; Congo Brazzaville ; Liberia ; Ouganda ; Rwanda ;Swaziland ; Zambie. ORANGE Cote d’Ivoire ; Mali ; Niger ; Sénégal ; Cameroun ; Egypte ; Guinée Equatoriale ; Guinée Bissau ; Guinée Conakry ; République centrafricaine ; Kenya ; Botswana ; Madagascar ; Ile Maurice. VODACOM Afrique du Sud ; RD Congo ; Lesotho ; Mozambique ; Tanzanie. ATLANTIQUE TELECOM / MOOVTELECEL Cote d’Ivoire; Burkina Faso; Gabon; Niger ; Togo; Benin. MILICOM RDC ; Ghana ; Maurice ; Sierra Leone ; Sénégal ; Tchad ; Tanzanie ORASCOM Algérie ; Tunisie ; Egypte. COMIUM Cote d’Ivoire, Liberia, Sierra Leone MAROC TELECOM Burkina Faso; Gabon; Maroc. WATANIYA TELECOM Algérie; Tunisie. TELECOM EGYPT Egypte SAFARICOM Kenya SUDANESE TELECOM Soudan TELKOM Afrique du Sud

Les principaux opérateurs de téléphonie mobile en chiffres MTN 45 millions d’abonnés (dont 15 millions au Nigéria) FRANCE TÉLÉCOM/ORANGE 22,5 millions d’abonnés (dont 9,8 millions en Egypte) VODAFONE/VODACOM 20,8 millions d’abonnés (dont 13,8 millions en Afrique du Sud) Photo : Stéphane Goué

Les principaux opérateurs de téléphonie en Afrique

ZAIN/CELTEL 16,9 millions d’abonnés (dont 8 millions au Nigeria) Sources : Construire l’Afrique n°203 et Informa Télécoms de Mars 2007 France Telecom / Orange est l’un des principaux opérateurs de téléphonie mobile en Afrique

Le Caire, capitale des NTIC en Afrique _ L’Afrique aujourd'hui — où en sommes-nous? _ Le dynamisme de l’Afrique : les moteurs de la demande et l'innovation _ Le dynamisme de l’Afrique : des partenariats pour l'avenir _ L' Afrique à l'avant-garde Ce sont les thèmes des 4 journées thématiques de l’exposition TELECOM AFRICA 2008. Cette exposition organisé par l’Union internationale de télécommunication se tiendra au Caire du 12 au 15 mai et présentera les dernières innovations en matière de TIC, tandis que les participants au Forum de haut niveau examineront des questions déterminantes pour le développement de l'industrie africaine des télécommunications. ITU TELECOM AFRICA sera le grand événement du secteur des TIC en Afrique en 2008. La manifestation rassemblera de hauts dirigeants africains ainsi que de hauts responsables des secteurs public et privé, qui analyseront les possibilités de croissance et d'investissement offertes sur le continent par le secteur des TIC. AFRICA 2008, dont le thème en dit assez long, devrait attirer d'éminents orateurs qui décriront la situation de l’Afrique, sous l'angle régional et mondial, les moteurs de la croissance de ses marchés et les nombreux facteurs essentiels à la mise en place durable d'un environnement favorable. Des sessions sont consacrées à différents thèmes: partenariats public-privé, exemples de réussite d'entrepreneurs, renforcement des capacités et cybersécurité. Source IUT Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

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Nouveau pourvoyeur d’emplois en Côte d’Ivoire

NTIC en Afrique 78

en Côte d’Ivoire, les offres d'emploi réservées sont de plus en plus nombreuses dans le secteur des NTIC et des télécommunications. MTN (Mobile Téléphone Networks), un des fournisseurs les plus importants dans le domaine des télécommunications en Afrique, compte parmi les plus grands pourvoyeurs d’emplois en Côte-d’Ivoire. Présent dans plusieurs pays africains, cet opérateur compte 45 millions d'abonnés en Afrique et a naturellement besoin de ressources humaines importantes et de qualité pour répondre aux besoins et exigence de ces abonnés. « Nous développons une politique de recrutement ambitieuse soutenue par d'importants efforts d'amélioration de la fiabilité du réseau, matérialisée par la dynamisation de notre politique commerciale, marketing et de distribution, basée sur la satisfaction des besoins de notre clientèle » explique le Chief executive operator de MTN Côte d'Ivoire, Aimable Mpore. Tous les ans, cette entreprise de télécoms organise des journées carrières afin de recruter des travailleurs de qualité. Les dernières journées carrière, en 2007, ont enregistré 45 000 demandes, 5 000 entretiens et 45 embauchés. A Moov, une compagnie de téléphonie présente depuis 2006 dans 6 pays d’Afrique de l’ouest, le Directeur général en Cote d’Ivoire Ahmed Mamadou Cissé, sur le plan des offres d’emploi, annonce 450 emplois directs et 2000 emplois indirects dans les deux années à venir, avec le déploiement du réseau sur l’ensemble du territoire. Du côté de Orange Côte d’Ivoire ce sont plus de 700 employés répartis dans 11 directions, indique le site web du groupe. La compagnie Comium, dernière née des opérateurs de téléphonie cellulaire, elle, a une équipe de plus de 200 personnes. D’autres entreprises telles que Côte d'Ivoire Telecom/Aviso, Afnet, Moov, Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

MTN, Arobase telecom, Cfao technologies qui vendent des accès à Internet etc. offrent également de l’emploi à de jeunes diplômés. Et, de l’avis général des intermédiaires de recrutement, la moitié des offres dans ce secteur leur est réservée.

Rémunération Le salaire dans le secteur des NTIC varie selon que l’on soit expatrié ou national. Les expatriés juniors ont sensiblement le même salaire que leurs collègues de même grade et en fonction en Europe. La différence apparaît au niveau des primes diverses. Les employés locaux débutants, ont une rémunération mensuelle comprise entre 250 000 FCFA et 500 000 FCFA. Les seniors eux, peuvent toucher des émoluments oscillant entre 1 000 000 FCFA et 2

Profil

Il suffit de jeter un coup d’œil sur les sites d’offre d’emplois ou les petites annonces des différents cabinets professionnels de recrutement pour constater que les entreprises du secteur des NTIC recherchent, en général, des diplômés des grandes écoles de commerce et de télécommunications. Le CESAG de Dakar au Sénégal, l’INP-HB de Yamoussoukro, l’EST Loko, le groupe Agitel formation, les cours Pigier à Abidjan etc., ont formé beaucoup de jeunes diplômés très compétitifs, ayant en général un Bac+ 4/5, ingénieurs et DESS de marketing appliqué à Internet. « Pour mieux se vendre il faut maîtriser l’anglais. Cela est un atout indispensable » révèle Mathieu Séry un ingénieur télécoms, qui en

Photo : Stéphane Goué

S

Sur le marché de l’emploi

Par Augustin Yao

500 000 FCFA. Selon Martin Ehounou, un cadre d’une compagnie de téléphonie mobile basée au Sénégal, les salaires sont très souvent fixés en fonction du niveau de vie dans le pays. « Un cadre ivoirien en fonction à Abidjan n’aura pas le même salaire que son collègue en fonction en Guinée » révèle-t-il.

Les société de téléphonie mobile emploient de nombreux jeunes

5 années d’expérience est à sa 3ème entreprise de téléphonie mobile. C’est que, performant, il est régulièrement débauché par les nouvelles sociétés de téléphonie mobile qui s’implantent en Cote d’Ivoire.


Accès au Large Bande Par Théodore Kouadio

L Les

Photo : Stéphane Goué

réseaux IP constituent le fondement de l'accès à Internet, celui de la navigation sur le web, ainsi que la base des communications vocales (notamment du trafic téléphonique mobile grande distance) et des communications vidéo. En optant pour le haut débit ou l'accès au Large bande parts de marchés et rendre le service plus abordable pour les abonnés. Ainsi, Celtel Nigeria a lancé une grille tarifaire innovante appelée Flat Unity Tariffs. Cette grille permet de supprimer les différences de prix d'un réseau à l'autre en fixant les mêmes tarifs sur tous les réseaux du pays, qu'ils soient fixes ou mobiles. En règle générale, les utilisateurs ayant de faibles revenus ont tendance à préférer la facturation à la minute avec prépaiement : ils peuvent ainsi mieux gérer leurs dépenses* et utilisent les SMS pour dépenser le moins possible. Toutefois, afin d'encourager l'utilisa-

Photo : Stéphane Goué

Le siège de l’organisation africaine de communication par satellite ( RASCOM)

Le marché de la télécommunication évolue sous l’influence du progrès technologique

tion de l'Internet, les opérateurs de

pays en développement devront proposer des barèmes tarifaires abordables et intéressants, pouvant, par exemple, inclure des services à prix forfaitaires ou des services groupés. Le groupage est considéré par la plupart des opérateurs historiques comme inévitable, du fait de la baisse des recettes de la téléphonie vocale et de la forte concurrence entre opérateurs à intégration verticale et nouveaux acteurs sur le marché. En République sud-africaine, le fournisseur de services cellulaires mobiles Nashua Mobile, nouvel arrivé sur le marché de l'Internet large bande, a commencé à proposer des offres groupées de services fixes et hertziens en mars 2007. Cette compagnie, ancien prestataire de services mobiles, est devenue un acteur de premier plan en matière de télécommunications. Pour ce faire, elle utilise une stratégie marketing ciblée afin d'attirer de nouveaux abonnés

grâce à des offres groupées très intéressantes. Les marchés des télécommunications et la nature même de la concurrence évoluent sous l'influence du progrès technologique. Le passage des réseaux à commutation de circuits aux réseaux utilisant le protocole Internet (IP) ouvre des débouchés aux nouveaux concurrents, capables, dès lors, d’offrir de nouveaux services et de rivaliser avec les opérateurs en place. L'investissement dans les infrastructures TIC en Afrique se situait à hauteur de 8 milliards USD en 2005. Les marchés des lignes fixes sur ce continent sont désormais ouverts à la concurrence, avec un secteur privé, présent dans leur capital, pour près de la moitié d'entre eux. Vingt cinq opérateurs historiques africains ont été, en totalité ou en partie, privatisés. (Source : UIT)

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En couverture

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compétences

africaines des NTIC

Cheikh Modibo Diarra, Jacques Akossi Akossi, Jacques Bonjawo, Hamadoun Touré, Gadou Vincent Kragbé et Mo Ibrahim sont quelques compétences sur lesquelles l’Afrique peut compter en matières de NTIC. Par Jean Philippe Kassi

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C’est en 1997 que le nom de Cheikh Modibo Diarra se révèle au monde. Cette année-là, il est navigateur en chef d’une sonde de la NASA qui a déposé un robot sur la planète Mars lors de la mission Mars Pathfinder. La Nasa le charge alors de populariser le projet auprès des élèves, des enseignants, des contribuables américains et sur Internet. Avant cela, il avait travaillé sur plusieurs missions de l’agence spatiale américaine où il a été recruté en 1988 par le Jet propulsion Laboratory (un laboratoire de la NASA) en tant que Navigateur interplanétaire. Depuis 1999, il consacre de son temps au développement de l’Afrique à travers un laboratoire de recherche sur l’énergie solaire et une fondation, Foundation pathfinder pour l’éducation et le développement qui oeuvre en faveur de la recherche et de l’enseignement scientifique en Afrique subsaharienne. Cette fondation qui a organisé avec l’UNESCO le premier sommet africain de la science et des nouvelles technologies. Cheikh Modibo Diarra est également co-fondateur de l’Université numérique francophone qui a comme mission de promouvoir les relations avec les gouvernements et les acteurs clés sur l’ensemble du continent en vue de comprendre le potentiel et le développement des nouvelles technologies de l’information. Avant l’Université numérique francophone, il a dirigé l’Université virtuelle africaine. Depuis 2006, il vit à Johannesburg, en Afrique du Sud où il est Directeur Afrique de Microsoft. Né en 1952, Cheick Modibo Diarra est diplômé en mathématiques, physique et mécanique analytique de l’Université Pierre et Marie Curie de Paris et en ingénierie aérospatiale de l’Howard University (Washington D.C.) Il est l’auteur de Navigateur interplanétaire, Albin Michel, 2000

AFP Photo / Maximilien Lamy

Cheikh Modibo Diarra

Il a dit « (…) pour faire ces choses difficiles mais pas i mpossibles, choses qui sont aussi enthousiasmantes, il faut développer des technologies. Et au fur et à mesure que l’on les développe, elles trouvent leur chemin dans la création de nouvelles entreprises qui vont contribuer à la solution des problèmes que nous rencontrons, tels que l’autosuffisance alimentaire. Si on avait des satellites aujourd’hui qui pouvaient prévoir la pluviométrie et prédire les phénomènes naturels, cela nous permettrait de planifier l’agriculture. Sans compter les industries. Toutes les technologies (micro-ordinateurs, téléphonie mobile…) dont nous bénéficions aujourd’hui, sont nées du programme spatial. » Cameroon Tribune du 3 octobre 2007

Jacques Akossi Akossi L’actuel secrétaire général de l’Union africaine de télécommunications est diplômé de l’Ecole supérieure de télécommunication de Paris. Il commence sa carrière à la Direction des Télécommunications en Côte d’Ivoire son pays et deviendra par la suite Consultant Senior du Business Network avant d’être désigné Directeur Général de l’Agence de Régulation des Télécommunications. Son expérience professionnelle riche de 23 années de recherches et de nombreuses participations à des rencontres autour des télécommunications et de leur régulation font de lui, un des experts africains en législation, management, régulation des technologies de l’information et de la communication.

Il a dit… « Nous avons de bonnes raisons d’être fiers de l’Afrique. Parce que pour une fois dans le concert des nations, notre continent est champion du monde, champion du monde des taux de croissance en matière de technologie de téléphonie mobile. En ce qui concerne la rentabilité des affaires, le secteur des télécommunications est actuellement l’un des plus porteurs. » Photo DR

Fraternité Matin du 4 décembre 2007

Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

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Jacques Bonjawo

Photo : Stéphane Goué

Ingénieur en informatique, Jacques Bonjawo commence sa carrière au Pays-Bas et la continue aux Etats-Unis. Il intègre d’abord PricewaterhouseCoopers puis Microsoft où il sera le premier africain à occuper un poste de Manager. En 2002, Jacques Bonjawo est élu Président du conseil d'administration de l’Université virtuelle africaine. En 2006, il démissionne de Microsoft tout en restant consultant sur des projets de Business intelligence puis, prend les rennes, en qualité de Président directeur général de Genesis FT. Il s’intéresse au développement de l’Afrique et est l’auteur de nombreuses publications allant dans ce sens : Internet une chance pour l’Afrique (Karthala, 2002), L’Afrique du XXI ème siècle (Karthala, 2005) et Mes années Microsoft et Intellectuels africains face à la mondialisation (Comos Publishing, 2008) ; et est également chroniqueur dans plusieurs magazine dont L’essentiel des Relations Internationales. Conférencier sollicité à la fois par des institutions comme la Banque mondiale, l’Université de Harvard, nombre d'universités africaines et forums internationaux, il saisi ces opportunités au fil des années pour réaffirmer sa croyance en la capacité de l’Afrique à se développer grâce à la technologie, comme le fait l’Inde.

Il a dit… « Je ne me suis jamais soucié de mon avenir personnel, je vous le dis tout net. Pour l’heure, je pense que c’est de l’avenir de l’Afrique que nous devons nous préoccuper. Comme vous le savez, j’ai publié un livre principalement à l’intention des jeunes africains afin qu’ils considèrent les NTIC et l’Internet comme une chance pour le développement de notre » continent, qu’ils comprennent que la mondialisation - qui est injuste et inéquitable - est irreversible et qu’il nous appartenait de définir notre place dans ce mouvement inéluctable, au lieu de se contenter de s’y opposer. Cela commence par une prise de conscience des enjeux et une bonne éducation »

Hamadoun Touré

Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

Titulaire d'un doctorat de l'Université d'électronique, de télécommunication et d'informatique de Moscou, Hamadoun Touré a débuté sa carrière à l’Office des postes et télécommunications du Mali avant d’intégrer des institutions intergouvernementales telles que Intelsat ou des organismes privés comme Ico Global Communications. A ce titre, il a participé très activement à l'étude de toutes les questions de politique générale relatives à la mise en oeuvre des GMPCS avec les autorités de réglementation de tous les pays d'Afrique. Il était Directeur du Bureau du développement des télécommunications lorsqu’il a été élu, en 2006, à la tête de l’Union internationale de télécommunication. Il est le premier africain à prendre la tête de cette institution forte de 191 pays.

AFP Photo / ITU / Jean Marc Ferre

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afrik.com, interview avec Falila Gbadamassi

Il a dit… « Ma mission tourne autour d'un but principal, celle de donner accès aux bénéfices des technologies de la communication et de l'information à tous les habitants de la planète. C'est pourquoi ma première priorité est de réduire la fracture numérique. Cette mission est maintenant associée aux résultats des deux phases du Sommet mondial sur la société de l'information (SMSI), tenues en 2003 et en 2005. » Lors d’une rencontre avec l’Union postale universelle, avril 2007


De 1977 à 2001, Gadou Vincent Kragbé a travaillé comme Ingénieur des systèmes d’information dans plusieurs multinationales (Arthur Andersen Consulting, PriceWaterhouseCoopers, KPMG, Oracle Corporation) Il a pu contribuer ainsi à l’amélioration des performances de plusieurs entreprises d’Afrique. Depuis 2001, il travaille sur le projet de création d’une Zone Franche de la Biotechnologie, des Technologies de l'Information et de la Communication en Côte d'Ivoire. Un projet ambitieux qui vise à faire de la Côte d’Ivoire, à travers sa zone franche, un pole d’excellence, donc de référence en matière de technologies de l’information et de biotechnologie. Aussi, voyage-t-il à travers le monde pour défendre et vendre son projet afin d’attirer les investissements dans cette zone franche. En juin 2007, le magazine britannique Financial Times lui a décerné le prix FDI PERSONALITY OF YEAR for Africa, un prix qui récompense 5 personnalités sur les 5 continents qui oeuvrent favoriser les investissements étrangers directs dans leurs pays ; d’où la dénomination du prix : Foreign Direct Investissement. A 62 ans, le « chef du village » ivoirien des technologies de l’information et de la biotechnologie (VITIB) reste un passionné de l’informatique et est Conseiller spécial du Président de la République chargé des NTIC.

Il a dit… « Nous avons jugé nécessaire de coupler le développement des NTIC à la Biotechnologie car ce sont deux domaines importants pour la nouvelle économie. Voilà comment cette zone franche est devenue une technopole dédiée à la fois à la Biotechnologie et aux Technologies de l’Information et de la Communication (ZBTIC). Nous voulons que cette zone soit perçue comme un véritable Hub africain de la biotechnologie et des technologies de l’information. »

Photo : Stéphane Goué

Vincent Gadou Kragbé

Fraternité Matin du 5 mai 2005

AFP Photo / George Gobet

Mo Ibrahim Après sa thèse, en 1974 déjà, sur les communications mobiles il rentre à Celnet, une filiale de British Télécom où il gravit les échelons et en devient le Directeur technique. De ce poste, il a l’occasion et le privilège de manipuler l’un des premiers appareils téléphoniques mobiles en 1985 et d’être au coeur de la création du premier réseau de téléphonie mobile et de la mise en place du GSM. En 1986, il quitte British Télécom et crée Mobile system international (MSI) une société de conseil en télécommunication. En 1998, MSI devient Celtel et se lance sur le marché des opérateurs de téléphonie mobile en Afrique. Avec une présence dans 16 pays d’Afrique, Celtel s’est imposé comme l’un des principaux opérateurs économiques du continent. En 2005 MTC achète 85 % de Celtel pour 3,4 milliards de dollars ; ce qui permet à Mo Ibrahim de lancer sa fondation, Fondation Mo Ibrahim pour la bonne gouvernance en Afrique ; doté d’un fonds de 100 milliards de dollars. La fortune personnelle de ce soudanais né en 1946 s’évalue en millions de dollars.

Il a dit… « Celtel, ce n'est pas la réussite d'un homme, mais un succès partagé par de nombreuses personnes ou institutions qui, à un moment ou un autre, ont contribué à nous faire avancer. Avec eux, avec les employés, nous avons édifié une véritable entreprise, au sens moderne du terme : une entité qui crée des emplois, verse des impôts et des dividendes, dans la plus grande transparence. C'est un véritable business, comme disent les Américains, mais un business qui s'est créé en Afrique subsaharienne, une région à laquelle personne ne s'était jamais intéressé. Et si nous n'avions pas réussi, ou si nous avions triché, personne n'investirait plus jamais en Afrique » Jeune Afrique du 29 octobre 2007

Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

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M. Ballo Vamara, Directeur adjoint de l’Institut supérieur d’informatique et des Ntic au groupe Ecole Agitel-Formation.

« 75 % de nos ingénieurs ont trouvé des emplois de cadres dans des sociétés de télécommunications » Par

Augustin Yao

Aujourd’hui les compétences sont orientées vers les métiers liés au monde de l’Internet. Il faut tout d’abord avoir un pré-réquis d’ingénieur. Ensuite il faut ajouter l’application Web. Se tourner vers la sécurisation du mode de paiement sur le Net. Actuellement, avec le développement du commerce électronique, le diplômé qui sort d’une école d’Ingénieur doit pouvoir mettre en place une sécurisation optimale des paiements en ligne. En clair, l’ingénieur Informaticien doit s’orienter vers les télécommunications, ainsi que vers les Nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Photo Stéphane Goué

•informaticien Quel est le profil de l’ingénieur de demain ?

taux, nous donnons des connaissances très approfondies en Anglais. Vous savez bien que les meilleurs documents du monde de l’Internet sont en Anglais.

•Ingénieurs Comment se fait la formation des du secteur des Ntic en • Comment les élèves ingénieurs Afrique ? sont-ils recrutés dans les écoles de forIl faut dire que nous donnons les mêmes types de formation d’ingénieur en Ntic que dans les universités et autres grandes écoles occidentales. En ce qui concerne notre groupe école en Côte d’Ivoire, nous allions les cours théoriques aux stages pratiques. Nous intégrons aussi dans le cursus des séminaires sur des formations types avec des thèmes précis animés par des experts en la matière. Il peut s’agir du GSM, du GPRS, de la sécurité sur le Net etc. Ainsi, chaque année scolaire nous organisons entre 20 et 30 heures de séminaires à l’intention des élèves ingénieurs. Pour que ces derniers soient sur le même pied que leurs collègues occiden84

Afrique Compétences / Mai - Juillet 2008

mations ?

Généralement il y a trois niveaux de recrutement. Il y a des élèves qui après le Bac font deux années de classe préparatoire. Ils suivent par la suite 3 années d’étude d’ingénieur. Il y a une deuxième option qui concerne les étudiants de l’enseignement général, mais ayant ont une ouverture sur les matières scientifiques. Ils passent le test d’entrée et s’inscrivent directement en 3 ème année. Enfin, il y a les détenteurs du BTS en Informatique et autres matières scientifiques. Ils passent le test d’entrée et s’inscrivent eux aussi en 3ème année.

•autresPenseztechniciens vous que les ingénieurs et supérieurs formés

dans les grandes écoles africaines arrivent à s’insérer facilement dans le milieu professionnel ?

Globalement, les ingénieurs formés en Côte d’Ivoire et en Afrique ont les mêmes compétences théoriques que leurs collègues d’ailleurs. La différence se situe au niveau de la capacité d’adaptation sur le terrain, l’esprit d’ouverture et de critique. Ainsi que la volonté quasi permanente d’apprendre et de se remettre à jour. Le monde des nouvelles technologies est un monde qui évolue très rapidement. En ce qui concerne la Côte d’Ivoire et mon groupe que je connais particulièrement bien, ces trois dernières années 75% de nos ingénieurs ont trouvé des emplois de cadre dans plusieurs sociétés de télécommunications et de NTIC en Côte d’Ivoire et à l’étranger.


Métiers des NTIC :

profils recherchés

quelques

En se référant aux critères élaborés par plusieurs cabinets spécialisés dans le recrutement des agents de maîtrise et cadres du secteur des télécommunications, Mais surtout, tels qu’exigés par les entreprises, voici un aperçu de postes en vue dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et de la communication.

TÉLÉCOMMUNICATIONS

• Technicien Bss Qualification : Titulaire d’un Bac +2/3 en Télécoms ou équivalent. Dans sa tâche, le technicien doit être rigoureux, disponible, méthodique avec une réelle capacité d’adaptation à l’évolution technologique. Ce métier se pratique en règle générale sous pression. L’age exigé pour l’exercer se situe entre 25 et 30 ans.

Photo : DR

Par Téodore Kouadio

• Responsable projet junior Qualifications : titulaire d’un Bac +2/3 ou +4 en Télécoms, Electronique ou Electrotechnique. Tâches : Il spécifie, organise le projet de sa conception à son lancement, en s’appuyant sur la maîtrise d’?uvre. Il gère tout le contenu fonctionnel du projet et dispose d’une réelle connaissance de la société, exprime clairement les demandes des utilisateurs, pour les traduire ensuite en exigences précises et exploitables. Le postulant doit justifier d’une expérience de 2 à 5 ans à un poste similaire dans une entreprise de Télécoms. Des connaissances en anglais professionnel sont très souvent exigées. Age : 25/35 ans

• Directeur global technologies services Qualifications : Diplôme universitaire ou grandes écoles, Bac + 5 et plus en système d’information ou en ingénierie télécoms. Tâches : Architectures LAN et WAN. Gestion des infrastructures IT et dans les concepts du management de la sécurité (COBIT et ITIL). De bonnes capacités de communication, en anglais et en français sont exigées pour cette fonction. Age compris entre 35 et 45 ans,

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• Ingénieur Qualifications : Bac+5 Ingénieur Télécoms au moins Tâches : Il crée, met en application et coordonne l’ensemble des systèmes, gère les moyens informatiques, assure la surveillance du réseau, identifie et résout les problèmes des utilisateurs. Le poste exige aussi une mobilité, des connaissances en anglais, ainsi qu’un sens de l’organisation, de réaction et de contact. Age moyen : 35 ans.

• Manager qualité et optimisation réseau télécoms

• Ingénieur support technique IN/VAS

Qualifications : Ingénieur Télécoms, avec 7 ans d'expérience en tant que manager de terrain sur des processus techniques. Tâches : le titulaire du poste doit régler les problèmes d'optimisation de fréquences et de qualité de service des réseaux GSM, GPRS. Il doit aussi être un manager avisé, organisé et réactif aux besoins des clients.

Qualifications : Bac +4 ou 5, Ingénieur informaticien, électronicien ou généraliste. Tâches : Gestion des systèmes complexes, en administration système UNIX, en DB Oracle, SQL Serveur et en RI. Contrôle des technologies VoIP et des plateformes SUN et HP

INFORMATIQUE

• Directeur de projet

• Infographiste Qualifications : Bac + 3 ou Bac + 4 en multimédia. L’âge exigé se situe entre 25 et 35 ans. Tâches : Il crée des éléments graphiques (Graphisme et Edition). Habille des pages Web, met en images les décors d’un jeu, met en page des CD-Rom, étudie les conditions de faisabilité d’un projet et propose des solutions alternatives en cas d’impasse technologique.

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Qualifications : Bac+4/5 (MBA, gestion, Ingénieur généraliste, Informatique) avec 5 ans d’expérience minimum dans la gestion des projets. Maîtrise des notions de comptabilité et d’anglais. Qualités de rigueur, d’organisation et de communication exigées. Tâches : il anime une équipe technique pluridisciplinaire au quotidien, suit l’avancement, s’assure de la statistique des clients selon les spécifications établies par ou pour le maître d’ouvrage, sur les plans de la qualité, des performances, des coûts et des délais. Il doit être âgé en moyenne de 40 ans,

• Technicien hot line Qualifications : BTS/DUT en Informatique. Age : 25 à 30 ans. Tâches : Maintenance informatique. Suivi et la relève des incidents signalés sur le système d'information. La pratique de l'anglais est un atout.

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• Ingénieur network management Qualifications : 25-30 ans, BAC+5, Ingénieur informaticien, électronicien ou généraliste. Taches : Gestion et contrôle des réseaux LAN/WAN, TCP/IP, X25, routage IP, SE Unix/Linux, Windows NT/2000/XP.

• Ingénieur développement Qualifications : 30-40 ans, Bac + 4 ou 5, Ingénieur informaticien. Tâches : réaliser des développements, définir l’architecture matérielle et logicielle. Vous devez être capable de choisir les normes de programmation, d’optimiser les performances en termes de qualité, de sécurité de coût, de délais de réalisation, de mettre en œuvre et de maintenir l’application.

• Analyste d’exploitation Qualifications : Bac + 4 ou 5. Age moyen : 35 ans. Tâches : Il installe et met en production un système d’exploitation, optimise et automatise l’exploitation des applications nouvelles et participe à la conception et à l’élaboration des procédures.



Question SANTÉ

Travailleurs, le

Burn-out

vous guette ! Maladie professionnelle répandue en Occident et peu connue en Afrique, Le Burn-out ou La maladie du Burnout sévit dans tous les milieux professionnels, guettant beaucoup de travailleurs, cadres ou simples employés Par Dr Karama Issa

«B

«Burn-out» est un terme anglosaxon, qui pourrait se traduire en français par «brûlure qui vient de l’extérieur ». Mais, c’est le mot japonais « Karoshi », équivalent en japonais de ce terme qui résumerait mieux cette maladie ; Karoshi signifie « mort par le surmenage ». En langage médical propre, on parlerait plutôt « d’épuisement professionnel » car le burn-out n’est pas un terme médical officiel ou un diagnostic dans le domaine de la santé mentale puisqu’il n’est pas encore reconnu comme tel. Le terme Burnout a été inventé pour décrire un état de fatigue ou une incapacité à fonctionner normalement dans le milieu de travail quand les demandes dépassent la capacité d’un individu à les recevoir. Un diagnostique médicalement correct identifiera « un trouble d’adaptation », phase ultime et catastrophique

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AFRIQUE COMPÉTENCES / Mai - Juillet 2008

du stress. Pour résumer, le terme Burn-out ramène à une incapacité à gérer la pression liée au travail.

Comment en arrive-t-on à l’épuisement professionnel ? Le syndrome (ensemble des signes décrivant une maladie) de l’épuisement professionnel s’installe graduellement. Il se développe en quatre étapes qui sont franchies plus ou moins rapidement selon la tolérance de la personne au stress.

• La première étape est celle de l’idéalisme : le travailleur a un très haut niveau d’énergie, il est rempli d’ambition, d’idéaux et d’objectifs très

élevés. Il se consacre entièrement à l’organisation ou l’entreprise qui l’emploie. Il y investira tout son temps et toute son énergie quand bien même sont travail est extrêmement exigeant et les conditions pas nécessairement favorables.

• La seconde étape est celle du plafonnement : c’est le moment où le travailleur réalise que malgré ses efforts constants, les résultats atteints ne sont pas à la hauteur de ses attentes. L’entreprise exige toujours plus de lui ; ses efforts ne sont pas reconnus. En réponse à ce constat, la personne redoublera d’ardeur, elle se mettra à travailler le soir et les fins de semaines pour répondre aux exigences de son travail. Elle rentrera par exemple 2 heures voire 3 heures plus tard que


miers signes révélateurs du stress. Ils se caractérisent par des palpitations, des mains moites, des suées, une digestion difficile, des troubles du sommeil, une consommation accrue de tabac et d’alcool ou encore une émotivité exacerbée. Dès l’apparition de ces signes, il ne faut pas les mettre sur le compte de la « fatigue généralisée » comme l’on entend d’habitude dire et s’adonner à la consommation excessive de vitamines qualifiées de « remontant ». Il faut directement consulter un médecin qui sera à même d’établir le diagnostic de Burn-out et prendre les mesures adéquates.

Photo : DR

Prévenir le Burn-out, c’est :

Dès l’apparution des premiers signes, évitez la consomation excessive de vitamines

d’habitude. Cela n’est pas évidemment sans conséquence, mettant en jeu l’équilibre du couple, autre source de stress que l’individu devra subir.

• La troisième étape est celle de la désillusion : le travailleur est fatigué, déçu. Les attentes de l’entreprise sont démesurées et la reconnaissance se fait encore attendre. Alors apparaissent les premiers signes d’un épuisement professionnel imminent : impatience, cynisme, irritabilité et humeur changeante seront inévitablement les causes de difficulté dans les relations interprofessionnelles et du manque de communication avec les coéquipiers et les amis. Les autres symptômes incluent l’évitement des activités sociales, l’état chronique de tension, les problèmes de santé fréquents, l’insomnie et l’épuisement total. C’est une période de frustration où certains vont commencer à consommer des stimulants

pour fonctionner et des somnifères pour dormir.

• Dans la quatrième et dernière étape survient la démoralisation. « Au bout du rouleau », la personne perd tout intérêt pour son travail et pour son entourage. C’est le sentiment d’inutilité et de la dévalorisation de soi. Elle ressent un fort sentiment de découragement, elle n’est plus capable de travailler ; le travail n’a plus de valeur. C’est le burn-out. Au regard des différentes étapes, combien d’entre nous, n’avons pas frôlé le Burn-out sans forcément en arriver au stade terminal ? Et combien y sont arrivés, abandonnant leur service et traités de malade mentaux ?

Eviter le Burn-out

• Etre vigilant : ne pas attendre l’écrasement pour en parler • Apprendre à déléguer les problèmes matériels et filtrer les réponses téléphoniques • Savoir s’évader et élargir ses centres d’intérêts • Rompre l’isolement : rencontre conviviale entre confrère

Qui peut être touché par le Burn-out ? Tout personnel du monde du travail est susceptible de faire la maladie. Mais il faut savoir que l’épuisement professionnel va particulièrement affecter les gens qui sont perfectionnistes, consciencieux, qui ne savent pas déléguer ou qui ont placé de trop fortes attentes dans leur travail. Certaines professions sont à haut risque, comme par exemple le personnel soignant, les enseignants, les policiers et surtout le corps des chefs d’entreprise. A l’analyse, l’on se rend compte que le Burn-out sévit en silence dans le milieu professionnel africain. Il faut en prendre conscience et orienter le travailleur dès les premiers signes d’alerte vers une structure spécialisée pour une prise en charge adéquate.

C’est savoir reconnaître les signes avant-coureurs, c’est-à-dire les preAFRIQUE COMPÉTENCES / Mai - JUillet 2008

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Développement personnel

Teamwork : comment mobiliser une équipe autour d’un projet ? porelles en mouvement) ; et qui est un équivalent écrit et solitaire du brainstorming, vous préparera pour cette phase initiale de gestation et de maturation de vos idées.

Vous avez un projet. Vous savez que vous ne pouvez pas le réaliser tout(e) seul(e). Que faire pour vous adjoindre une équipe mobilisée autour de votre projet ? Par Dr Marie Thérèse Trazo

Etape 1 : Personnifiez votre projet La première chose à faire c’est de bien mûrir votre projet dans sa phase préparatoire, voire, pré-prépararoire : il s’agit en réalité de laisser se développer en vous une idée, celle qui vous tient à c?ur, pour y avoir déjà pensé à plusieurs reprises… Faites de votre idée une pensée constante, pas une obsession mais presque…Vous y pensez simplement tout le temps et en particulier pendant des temps bien précis selon votre emploi du temps. Vous choisissez un lieu calme chez vous ou ailleurs où vous êtes sûr(e) de ne pas être dérangé(e). Choisissez un temps que vous réservez spécialement à l’exercice en question, deux ou trois fois par jour de préférence Il s’agit d’un rêve éveillé : c'est-à-dire un rêve que vous vous fabriquez vous-même, dont vous dessinez les contours et que vous vous racontez comme une histoire. C’est l’histoire

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AFRIQUE COMPÉTENCES / Mai - Juillet 2008

de votre projet ! Vous imaginez le projet déjà réalisé, vous en explorez tous les coins et recoins en le rendant le plus vivant possible, en utilisant vos cinq (5) sens pour le rendre très réel, très présent. Par exemple, vous « voyez » votre projet, vous l’ « entendez », vous le « touchez », vous le « sentez »en terme d’odorat, vous le « goûtez ».En fait, vous faites ce que les psychanalystes appellent « Association libre », c'est-à-dire que vous vous relaxez et laisser venir vos idées sans les trier et sans en sélectionner. Et vous faites également ce que les créatifs de toute agence de publicité savent faire : rêvasser et laisser des images et des idées défiler dans votre tête, des sensations vous envahir, des saveurs, des sons agréables et des parfums suaves vous imprégner; tous ces sons, parfums, saveurs et sensations étant en rapport direct ou indirect avec votre projet ; en somme, plongez-vous dans votre projet plusieurs fois par jour dans un lieu calme et protégé du bruit et de tout autre dérangement. Le brain mapping, où vous dessinez vos idées afin d’utiliser votre sens cœnesthésique (les sensations cor-

Selon le genre de projet, vous pouvez aussi « vous promener » dans les différentes pièces ou alors sentir le sable sous vos pieds à la plage, s’il s’agit par exemple d’un projet comportant des installations en bord de mer…Ceci est également l’utilisation du « Sens cenesthésique », le grand oublié de nos habitudes. Une fois que vous vous êtes bien imprégné de votre projet, vous vous rendrez compte qu’à tout moment ce rêve se représentera spontanément à vous et que de plus il peut devenir aussi un rêve tout court ; c'est-à-dire un rêve qui a lieu la nuit, spontanément, sans que vous ne le provoquiez !

Etape 2 : la mobilisation d’une équipe autour de votre projet Plus celui-ci vous tiendra à c?ur et plus vous vous en serez imprégné complètement, plus vous serez capable d’entraîner votre entourage, de le mobiliser autour de votre projet. Il ne s’agit pas de manipulation pour amener les gens à faire ce que vous voulez. Il ne s’agit pas d’utiliser des techniques de persuasion afin de convaincre des gens de vous aider à faire votre projet. à suivre


AFRIQUE COMPÉTENCES / Mai - JUillet 2008

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Le GUIDE pour

études Etats-Unis

Faire des aux

Par Bruno Koffi

Faire des

études aux Etats-Unis

La qualité : Les Universités américaines sont réputées dans le monde entier pour la qualité de leurs programmes, de leurs enseignants, de leurs équipements et de leurs ressources. Le choix : Le système d’enseignement américain offre un choix unique au monde, qu’il s’agisse des établissements, de l’environnement intellectuel et social, des conditions d’admission, des cursus universitaires et des possibilités de spécialisation.

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La valeur : Un diplôme américain constitue un excellent investissement et est reconnu dans plusieurs pays La grande diversité : Il y a des centaines d’établissements supérieurs. Sites Internet utiles http://educationusa.state.gov/ http://www.opendoorsweb.org

Les études de 2 ème et de 3 ème cycles (Graduate) La Maîtrise professionnelle

LES DIPLÔMES Les deux diplômes de 2 ème et de 3 ème cycles proposés aux Etats-Unis sont la maîtrise et le doctorat : tous deux impliquent un mélange de recherche et de cours. Les conditions d’obtention d’un diplôme s’expriment en unités de valeurs (credits), aussi parfois appelées units ou hours ;chaque cours équivaut généralement à trois ou quatre unités de valeur, ce qui correspond au nombre d’heures de cours et au volume des autres travaux effectués. Un étudiant accumule normalement 24 unités de valeur par année universitaire si l’établissement opère sur la base du système traditionnel de deux semestres.

La Maîtrise (Master’s degree) Il existe deux principaux types de cursus : universitaires et professionnels.

La Maîtrise universitaire : La Maîtrise de lettres et de sciences humaines (Master of arts, MA) et la Maîtrise de sciences (Master of science, MS) sont généralement décernées dans les disciplines des lettres, des sciences humaines et des sciences. La MS est également octroyée dans certains domaines techniques, comme l’ingénierie et l’agronomie. La recherche personnelle, la méthodologie et l’étude de terrain tiennent une place particulièrement importante. Ces cursus exigent normalement l’acquisition de 30 à 60 unités de valeur, soit raisonnablement une ou deux années d’études à plein temps. Ils peuvent conduire directement au Doctorat. AFRIQUE COMPÉTENCES / Mai - Juillet 2008

: ces cursus visent à mener l’étudiant titulaire d’un premier diplôme à l’exercice d’une profession. Les maîtrises professionnelles sont le plus souvent des programmes de fin d’études (Terminal master’s programs), ce qui signifie que ces diplômes ne conduisent pas à des études de doctorat. Elles sont souvent désignées par des titres précis, tels que Master of business administration (MBA), Maîtrise de travail social (Master of social work – MSW), Maîtrise de pédagogie (Master of education – M Ed) ou Maîtrise en Beaux arts (Master of fine arts – MFA).Les autres disciplines comptent le journalisme, les relations internationales, l’architecture et l’urbanisme. Ces diplômes sont plus axés sur les connaissances appliquées que sur la recherche originale. Les cursus professionnels exigent en général l’obtention de 36 à 48 unités de valeur (une ou deux années d’études à plein temps) et ne comportent pas d’ordinaire, en option, la présentation d’un mémoire. Il n’est pas toujours indispensable que l’étudiant ait obtenu un Bachelor’s degree dans une matière précise, mais il lui faudra peut-être justifier d’un certain niveau d’études ou de travaux personnels dans la discipline choisie.

LE CALENDRIER UNIVERSITAIRE L’année universitaire aux Etats-Unis dure en général neuf mois, de fin août ou début septembre à mi-mai ou fin mai, et elle peut être divisée en deux, trois ou quatre périodes selon l’établissement. Si l’année est divisée en deux périodes, celles-ci sont appelées « semesters » d’automne et de


CHARGE DE COURS ET SYSTÈMES DE NOTATION L’expression « charge de cours » (course load) désigne le nombre de cours suivis pendant chaque période. La charge normale de cours pour un étudiant de 2 ème ou de 3 ème cycle est de trois ou quatre cours, soit un total de 9 à 12 unités de valeurs Sites Internet utiles Panoramas du système d’enseignement aux Etats-Unis http://www.ed.gov/NLE/USNEI/ http://www.edupass.org

AFP / Photononstop

printemps. De courts congés ont lieu pendant les semestres d’automne et de printemps, entre les semestres, et au moment des fêtes légales. Un trimestre d’été facultatif est souvent proposé pour permettre aux étudiants qui souhaitent accélérer leurs études de poursuivre leurs cours. Il est préférable de démarrer un cursus à la rentrée d’automne (qui débute en août/septembre). Beaucoup de cours doivent être suivis dans un certain ordre, et vous risquez de ralentir vos études de 2e cycle si vous commencez au début d’une autre période. En outre, il vous sera plus facile en début d’année universitaire de vous acclimater et de faire la connaissance des autres étudiants. Enfin, vous aurez sans doute plus de chances d’obtenir une bourse en commençant à l’automne plutôt qu’en cours d’année.

Harvard est la plus anciennes des universités américaines

AFRIQUE COMPÉTENCES / Mai - JUillet 2008

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Le GUIDE pour Il est délicat de choisir une Université quand on se trouve à plusieurs milliers de kilomètres. Mais si vous vous organisez à l’avance et effectuez vos recherches avec soin, vous pourrez sélectionner un nombre raisonnable d’établissements correspondant à vos besoins. Trouver ce qui vous convient le mieux d’un point de vue universitaire et sur le plan personnel nécessite de votre part beaucoup d’organisation, d’enquêtes et de travail sur l’Internet. Il n’existe aucune formule spéciale ou réponse universelle. Il est souhaitable de commencer ce travail de réflexion et de recherche 12 à 18 mois avant la date à laquelle vous souhaitez entamer vos études aux EtatsUnis.

Faire des

études aux Etats-Unis

Définissez vos objectifs pédagogiques et professionnels

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Définir les buts pédagogiques et professionnels de vos études vous aidera à sélectionner les programmes graduate les plus appropriés et contribuera à vous motiver pendant le processus de candidature. Quelle carrière ai-je l’intention de faire ? Ce secteur d’activité offre-t-il des emplois dans mon pays ? Quel diplôme d’études avancées est nécessaire pour exercer cette profession ? Parlez-en à des personnes qui travaillent déjà dans cette branche et à des représentants des associations professionnelles. Les conseillers pédagogiques ou les conseillers d’orientation de votre pays peuvent également vous informer sur les aptitudes et diplômes exigés par diverses professions, ainsi que sur les débouchés dans différents secteurs de votre pays. _ Comment des études effectuées aux Etats-Unis amélioreront- elles mes perspectives de carrière ? Un diplôme de 2e ou 3e cycle me permettra-t-il d’obtenir une rémunération supérieure ? Consultez des éducateurs, des fonctionnaires et des professionnels de votre pays sur les possibilités d’obtenir ainsi une meilleure rémunération. Dans votre projet, tenez compte des conditions de validation ou de certification de vos diplômes américains pour trouver un emploi dans votre secteur d’activité à votre retour chez vous. Quel est le système de validation en vigueur dans mon pays en ce qui concerne les diplômes obtenus aux Etats-Unis ? Dans beaucoup de pays, un diplôme américain est très apprécié et la validation des certificats est automatique. Néanmoins, dans certains pays, les diplômes de 2 ème et de 3 ème cycles délivrés aux Etats-Unis peuvent ne pas être officiellement reconnus ou le sont à un niveau différent. Si tel est le cas, vous pouvez, malgré tout, envisager de faire des études aux Etats- Unis pour y acqué-

AFRIQUE COMPÉTENCES / Mai - Juillet 2008

rir savoir et expérience.Vérifiez la situation dans votre pays auprès du centre culturel américain sur : _ Les conditions exigées pour étudier dans votre secteur d’activité. _ La documentation à utiliser pour trouver les établissements qui vous conviennent. _ Les sources d’aide financière disponibles dans votre pays et aux Etats-Unis. _ Les tests et autres conditions exigées pour une demande d’admission. _ La préparation du dossier de candidature. _ La planification de vos études. _ L’adaptation à la vie universitaire et culturelle aux Etats-Unis. _ L’utilité de vos études après votre retour dans votre pays d’origine. http://educationusa.state.gov/ Lorsque vous contacterez le centre, il vous faudra être en mesure de lui fournir les renseignements suivants : _ Le ou les diplômes dont vous êtes déjà titulaire ; _ La discipline choisie ; _ La date à laquelle vous souhaitez entamer vos études aux Etats-Unis ; _ Votre niveau de connaissance de la langue anglaise ; _ Vos besoins éventuels d’une aide financière.

Le classement : Il n’existe pas de classement officiel des 10, 20, 50 ou même 100 meilleures universités américaines. Le gouvernement des Etats-Unis n’établit pas de hiérarchie entre les établissements. Les classements que vous trouverez seront généralement l’œuvre des journalistes et peuvent être subjectifs

Sites Internet utiles Annuaire des centres américains d’information et de conseil pédagogique http://educationusa.state.gov/

Liens avec les pages d’accueil des universités http://www.siu.no/heir , Sites de recherche des universités http://www.collegenet.com http://www.collegeview.com http://www.educationconnect.com http://www.embark.com http://www.gradschools.com http://www.petersons.com http://www.studyusa.com


Comment calculer vos dépenses Les deux principaux types de frais encourus pendant vos études aux Etats-Unis sont les frais de scolarité et les droits d’inscription, ainsi que vos dépenses courantes. Toutes les universités américaines publient des informations sur le coût de la vie dans l’établissement et dans la région.Tenez compte de tous les points énumérés ci-dessous dans le calcul de vos frais.

Frais de scolarité et droits d’inscription Les frais de scolarité (tuition) représentent le coût des études, alors que les droits d’inscription (fees) couvrent des services tels que la bibliothèque, le dispensaire ou les activités estudiantines. Les étudiants étrangers doivent s’acquitter des droits d’inscription et des frais de scolarité. Certaines universités peuvent aussi exiger que ces étudiants souscrivent à une assurance-maladie

L’évaluation de vos ressources personnelles Evaluez tous les fonds dont vous pouvez disposer et les montants que vous pourrez obtenir de chaque source. Par exemple: • Le revenu annuel familial : gains annuels de chaque membre de votre famille immédiate acceptant de consacrer de l’argent à vos études ; • Les avoirs familiaux :sommes actuellement détenues sur des comptes bancaires, investissements en actions et obligations, entreprises commerciales, créances de la famille et tout autre bien permettant d’obtenir de l’argent en le vendant ou en l’hypothéquant en cas d’urgence ; • Vos gains personnels jusqu’au départ : économies, dons, investissements ou biens propres ; • Autres sources : parents vivant aux Etats-Unis ou commanditaire (individu, pouvoirs publics ou organisation privée) dans votre pays s’étant engagé à régler tout ou une partie des dépenses occasionnées par vos études. Si vous n’êtes pas en mesure de faire face aux coûts de vos études avec les fonds personnels dont vous disposez, il vous faudra chercher une aide financière. La recherche d’aides financières Vous pouvez solliciter une aide financière auprès de diverses sources ; toutefois, il importe de ne demander que les fonds auxquels vous pourriez avoir droit. La concurrence est rude ; un dossier incomplet, déposé

Sources américaines privées et organisations internationales Certains organismes privés américains, fondations, entreprises et associations professionnelles allouent souvent des aides financières en vue de renforcer les échanges internationaux. Des organisations internationales, comme les Nations unies et l’Organisation des Etats américains (OAS), sont également d’autres sources possibles de financement.Dans le cas d’organismes aussi vastes et complexes, il est inutile d’écrire directement pour solliciter une aide financière en termes généraux. Utilisez la documentation des centres d’information et de conseil pour identifier les subventions ou bourses spécifiques auxquelles vous pourriez avoir droit, et adressez-vous au bureau indiqué. Nombre de subventions et de bourses sont destinées à des groupes particuliers, tels que les femmes, les ingénieurs ou les journalistes ; lisez soigneusement la documentation pour voir si vous entrez dans l’une des catégories visées. Ne sollicitez que les aides dont les critères d’attribution correspondent à votre cas.

UNIVERSITÉS AMÉRICAINES Environ un tiers des étudiants étrangers de 2ème et 3ème cycles financent leurs études grâce à l’aide des universités américaines. Mais, les possibilités varient en fonction de la discipline étudiée, du niveau des études et du type de l’établissement (les centres de recherche universitaire ont plus de chances de disposer de fonds). D’autre part, certaines universités attribuent une aide aux étudiants qui ont réussi leur premier semestre ou leur première année d’études. Pour connaître les universités qui accordent une aide financière, consultez les ouvrages de référence des établissements ou les logiciels de recherche dans les centres d’information et de conseil. Les principaux types d’aides financières allouées par les universités sont : • Les bourses (fellowship) : Les établissements attribuent des bourses en fonction du mérite d’un étudiant, normalement après la première année d’études. Les bourses de 2ème et 3ème cycles peuvent être

études aux Etats-Unis

Les études aux Etats-Unis peuvent sembler coûteuses, mais vous avez probablement déjà compris qu’elles représentent un excellent investissement.

Faire des

Le financement de vos études 2 ème et de 3 ème cycles

en retard, mal rédigé ou désordonné peut faire pencher la balance en faveur d’un autre candidat. Pensez donc à constituer votre dossier à l’avance, à bien le préparer, à le présenter avec soin et à suivre les instructions. Prévoyez beaucoup de temps pour établir une demande d’aide financière convaincante et la soumettre bien avant toutes les échéances fixées.

• L’assistanat (assistantship) : L’assistanat est la forme la plus courante d’aide financière au niveau des 2ème et 3ème cycles. La somme allouée correspond à

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95


Faire des

études aux Etats-Unis

AFP Photo / Hermis

Le GUIDE pour

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L’université de Californie Los Angeles

des prestations fournies dans le cadre de la discipline étudiée, généralement une vingtaine d’heures par semaine. Parfois, la fonction d’assistant entraîne une dispense (totale ou partielle) des frais de scolarité et des droits d’inscription. Le montant peut aller de 500 dollars au minimum à 30 000 dollars (voire davantage, en cas de dispense de frais de scolarité élevés) pour une année universitaire, aussi est-il important de savoir quelle sera la proportion de vos dépenses couvertes par votre rémunération d’assistant. Il existe plusieurs types d’assistanat :

• L’assistanat pédagogique (teaching assistantship) peut être accessible pendant la première année des études de 2 ème cycle dans les UFR dont les effectifs d’étudiants de 1er cycle sont importants dans les cours préparatoires. L’assistant pédagogique (Teaching assistant – TA) supervi-

Sites Internet utiles Information générale sur l’aide financière destinée aux étudiants étrangers http://www.edupass.org/finaid http://www.nafsa.org/ (voir « Subventions et bourses ») http://www.bibl.u-szeged.hu/oseas/aid.html Site de recherche d’une bourse d’études accessibles aux étudiants étrangers http://www.fastweb.com Organismes attribuant des bourses pour les études de 2ème et 3ème cycles : National Academy of Sciences, National Academy of Engineering, Institute of Medicine and the National Research Council http://www.nas.edu

AFRIQUE COMPÉTENCES / Mai - Juillet 2008

se des travaux de laboratoire de 1er cycle ou assure des travaux dirigés. De plus en plus, les universités exigent que les candidats aient obtenu une note élevée à l’examen d’anglais parlé (Test of spoken english – TSE) avant de leur attribuer un poste d’assistant.Souvent les universités demandent que ces assistants aient suivi en intégralité les programmes de formation qui les préparent à enseigner en milieu pédagogique américain. Si un poste d’assistant pédagogique vous intéresse, n’oubliez pas de mentionner dans votre demande toute expérience antérieure de l’enseignement. La concurrence est intense, quelle que soit la catégorie, car chaque établissement ne dispose que d’un nombre limité de postes. Les candidats étrangers doivent rivaliser avec les étudiants américains. En général, les étudiants en doctorat ont plus de chance de recevoir un soutien que les candidats à la maîtrise.

National Endowment for the Humanities http://www.neh.fed.us/ National Science Foundation http://www.nsf.gov Woodrow Wilson International Center for Scholars http://wwics.si.edu Information sur les organismes de subvention : The Foundation Center http://www.fdncenter.org/grantmaker/ Information sur les possibilités d’emprunts offertes aux étudiants étrangers http://www.edupass.org/finaid/loans.phtml Informations fiscales destinées aux étudiants étrangers http://www.edupass.org/finaid/taxes.phtml http://www.irs.ustreas.gov/


Par Augustin Yao

Maîtrise de l’anglais Sites Internet utiles Tests d’admission standardisés http://www.ets.org http://www.toefl.org http://www.gre.org http://www.gmat.org

Sites Internet utiles

TOEFL http://www.toefl.org ou le bulletin d’inscription) ou dans les centres culturels américains.

Niveau

Pop. totale USA

Anglais niveau élémentaire

0,6 %

Etudes secondaire ou moins

Pop. totale immigrants

Source: US Census 2000

Immigrants africains

Immigrants Asiatiques

Europe, Russie & Canada

Am. latine, Am. du sud et araïbes

30,5 %

7,6 %

23,4 %

11,5 %

44,0 %

17,1 %

39,1 %

12,1 %

21,2 %

23,5 %

57,4 %

Diplômes universitaires

23,1 %

23,3 %

43,8 %

42,5 %

28,9 %

9,1 %

Diplômes supérieurs

2,6 %

4,2 %

8,2 %

6,8 %

5,8 %

1,9 %

Villes et agglomérations avec les plus fortes populations africaines (2000 Census) Villes Washington, DC, Maryland (MD) Virginie (VA) - Virginie O. (WV)

Nbre d’africains

% total de la pop. noire

% total de la Pop. de la pop totale

80,281

6.1

1.6

New York, NY

73, 851

3.4

0.8

Atlanta, GA

34,302

2.9

0.8

Minneapolis - St. Paul, MN - WI

27,592

15.4

0.9

Région de Los Angeles

25,829

2.7

0.3

Boston, MA - New Hampshire NH

24,231

9.8

0.7

Houston, TX

22,683

3.1

0.5

Chicago, IL

19,438

1.2

0.2

Dallas, TX Philadelphie, Pennsylvanie PA- New Jersey NJ

19,134

3.6

0.5

16,344

1.6

0.3

AFRIQUE COMPÉTENCES / Mai - JUillet 2008

études aux Etats-Unis

De nombreux sites de recherche donnent aussi des conseils en vue de constituer un bon dossier de candidature. http://www.collegenet.com http://www.educationconnect.com La téléphonie http://www.embark.com http://www.petersons.com http://www.studyusa.com

Faire des

Pour mener à bien des études de 2 ème et de 3 ème cycles aux Etats- Unis, vous devez être capable de lire, écrire et communiquer oralement en anglais avec une grande aisance.Afin de déterminer votre niveau de compétence en anglais, prenez vos dispositions pour passer l’épreuve d’anglais langue étrangère (Test of english as a foreign language TOEFL) le plus tôt possible – au moins un an avant la date à laquelle vous envisagez de vous inscrire dans une université américaine. Comme pour bien des aspects de l’enseignement aux Etats-Unis, chaque établissement fixe ses propres critères d’admission. Certains établissements acceptent des examens d’anglais autres que le TOEFL; vérifiez les informations données par les établissements sur les examens qui y sont acceptés.

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Le GUIDE pour

Rechercher un

emploi

Aujourd’hui, trouver un emploi n’est plus aussi évident quelques soient les qualités ou les compétences acquises. Rechercher un emploi est un travail qui demande temps, organisation, méthode et détermination. Trouver un emploi conforme à ses désirs demande un investissement en temps et en énergie. C'est pourquoi, la recherche d'emploi est aussi un emploi à plein temps il n’y pas de place pour l’amateurisme, il faut attaquer le marché avec rigueur, efficacité et méthode. Bref, il faut s’organiser, pour ne pas perdre temps et énergie. Prévoir un budget chercher un emploi à un coût (déplacements, téléphone, Internet, poste…) Il y a des astuces pour se mobiliser, pour bâtir un plan d’action. Voici les principales étapes à suivre et des clés pour réussir. Par Israel Bebo

• 1) Bâtir votre projet professionnel Etape importante dans la recherche d’emploi, la rédaction d’un projet professionnel vous permet de prendre conscience de vos compétences en vue de vous orienter dans un métier qui vous conviendra.

La rédaction de ce projet a pour but de permettre au candidat à l’emploi de : • Faire une réflexion sur ses expériences et compétences professionnelles •Définir ses aptitudes •Évaluer ses forces et ses intérêts •Déterminer ses compétences clés •Connaître l’environnement socio-économique •Choisir un secteur d’activité

Votre projet professionnel doit comporter les parties suivantes : •Le titre (une phrase qui résume vos ambitions) •Le secteur d’activités •La fonction •Les entreprises cibles •Le type de contrat et la rémunération

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AFRIQUE COMPÉTENCES / Mai - Juillet 2008

Quelques conseils pour la conception de votre projet • Modifiez le et corriger le si besoin ; un projet professionnel doit être évolutif, car vous êtes appelés à évoluer en terme de formation et d’expérience. L’environnement aussi évolue. • Allez partout ou vous pouvez avoir des informations sur le marché de l’emploi et des entreprises que vous visez • Internet est un outil incontournable dans la recherche d’information vous pouvez en abuser. Aujourd’hui bon nombre d’entreprises possèdent un site Internet • Votre choix professionnel doit tenir compte de l’environnement socio-économique. • Et surtout fixez-vous un délai dans la réalisation de votre projet.

• 2) Rédiger votre CV Le Curriculum vitæ (CV) est un document qui présente le parcours professionnel et/ou didactique d'une personne .Outil d'information essentiel pour le recruteur, il constituera aussi le support principal du futur entretien. Clair, complet et synthétique, il doit être ciselé pour aller à l'essentiel et être adapté au poste sollicité.


Autres rubriques - Langues - Informatiques - Permis de conduire - Activités extraprofessionnelles - Centre d’intérêt Contrairement au projet professionnel qui représente une vue globale de vos compétences et de vos aspirations, le CV met en relief vos expériences professionnelles et vos compétences en rapport avec le poste donné Il doit correspondre à un poste à pourvoir. Si le projet professionnel est un document personnel, le CV est quant à lui un document que vous devez présenter. C’est le lien entre vous et le recruteur, il doit lui donner envie de vous rencontrer, d’où son importance et la nécessité de bien le concevoir aussi bien dans le fond que dans la forme.

• 3) La lettre de motivation La lettre de motivation à pour but de convaincre le recruteur que vous êtes le candidat idéal pour le poste. Loin d’être un CV détaillé, elle met en valeur les compétences et les expériences qui vous rendent compétent pour le poste visé. Elle fait ressortir votre manière de communiquer. De ce fait elle doit « accrocher » le recruteur et susciter sa curiosité pour qu’il veuille vous rencontrez. Voici la présentation conseillée :

A - L’entête Elle comprend : • les coordonnées et l’état civil du candidat En haut à gauche, Nom et prénoms ; Adresse ; Téléphone fixe et mobile ; Courriel (Email) • La date En haut à droite • Les coordonnées de l’entreprise En haut à droite légèrement en dessous de la date

Demande un rendez-vous et concluez par une formule de politesse.

D- La signature Signez en bas droite de la feuille.

• 4) L’entretien d’embauche Etape clé du recrutement, l’entretien d’embauche, est un moment précieux, difficile à obtenir, qu'il convient de positiver et de valoriser comme il se doit. Vous avez été sélectionné parmi de nombreux candidats. S’il est vrai que vous touchez au but vous, vous n’y êtes pas encore. Pour passer le cap, il est primordial de bien se connaître au préalable mais aussi de cerner parfaitement le secteur d'activité, la concurrence, le marché de l'entreprise que l'on souhaite intégrer pour poser les bonnes questions au bon moment. Il importe aussi de savoir quand et qui relancer. Quel que soit le niveau de carrière ou le choix professionnel adopté, l'entretien doit donc être préparé très sérieusement en amont.

La préparation • Rassemblez aux préalables toutes les informations dont vous aurez besoin. • Ayez avec vous votre CV, les photocopies de vos diplômes, de vos certificats de travail. • Préparez chaque entretien de façon à avoir en tête les éléments démontrant votre connaissance du secteur, de l'entreprise et des compétences demandées. • Mettez-vous à la place du recruteur afin d'anticiper les questions qui vous seront probablement posées. • Rafraîchissez votre anglais oral si besoin est. Vous avez maintenant les arguments nécessaires pour attaquer le marché de l’emploi. Soyez actifs, postulez aux offres d’emploi et envoyez des candidatures spontanées aux entreprises que vous convoitez. Vous essuierez parfois des revers mais cela ne doit pas vous décourager. Servez-vous de ces expériences parfois douloureuses pour vos prochaines candidatures. Au bout de l’effort se trouve la récompense !

études aux Etats-Unis

- Etat civil - Objectif ou Titre - Compétences - Expériences professionnelles - Formation

C- La conclusion

Faire des

Les éléments que l’on retrouve de façon classique dans un CV sont les suivants

B- Le corps de la lettre AFRIQUE COMPÉTENCES / Mai - JUillet 2008

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100

AFRIQUE COMPÉTENCES / Mai - Juillet 2008


Le Groupe de la Banque africaine de développement Le 4 août 1963, 23 gouvernements africains ont signé l’Accord de la création de la Banque africaine de développement (BAD) à Khartoum (Soudan). Huit autres pays l’ont ratifié en décembre de la même année. Le 10 septembre 1964, l’Accord est entré en vigueur lorsque 20 pays membres ont souscrit à 65 % du capital actions qui s’élevait alors à 250 millions de dollars US. L’assemblée inaugurale des Conseils des gouverneurs s’est tenue du 4 au 7 novembre 1964 à Lagos (Nigeria). Les opérations de la Banque ont démarré le 1er juillet 1966 à Abidjan (Côte d’Ivoire). Le Groupe de la Banque africaine de développement est constitué de la Banque africaine de développement (BAD) et deux guichets de prêts concessionnels à savoir : le Fonds africain de développement (FAD), créé en 1972 et le Fonds spécial du Nigeria (FSN), établi en 1976. La BAD est une institution régionale multilatérale de financement du développement, qui a été créée pour mobiliser des ressources en vue de financer des opérations en faveur du développement économique et du progrès social de ses pays membres régionaux (PMR). Son siège se trouve à Abidjan (Côte d’Ivoire), mais actuellement, elle mène ses opérations depuis son Agence temporaire de relocalisation (ATR) située à Tunis, en raison de la situation politique qui prévaut en Côte d’Ivoire. Les actions tangibles réalisées au fil du temps par le Groupe de la Banque ont conforté son image et suscité un regain de confiance dans l’institution, comme l’atteste la confirmation de la note AAA qui lui est attribuée par les principales agences internationales de notation. En décembre 2007, la onzième reconstitution du Fonds africain de développement, à hauteur de 8,9 milliards de dollars US, a substantiellement accru le volume des ressources disponibles en faveur des pays membres à faible revenu. Par ailleurs, le Groupe de la Banque ne ménage aucun effort pour réduire la dette de certains de ses pays membres régionaux dans le cadre renforcé de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). De 1967 jusqu’à fin 2007, le groupe de la BAD a engagé plus de 3200 prêts et dons pour plus de 60 milliards de dollars US.Au 31 décembre 2006, le capital autorisé du Groupe de la Banque s’élevait à l’équivalent de 33,25 milliards de dollars US ; quant au capital souscrit, il s’élevait à l’équivalent de 32,84 milliards de dollars US. Les ressources de la BAD proviennent des souscriptions des pays membres au capital, des emprunts effectués sur les marchés des capitaux internationaux ainsi que du revenu généré par les prêts. La Banque compte 53 États africains (pays membres régionaux) et 24 États non africains (pays membres non régionaux). L’adhésion de ces derniers à la BAD remonte à mai 1982, suite à la décision du Conseil des gouverneurs d’ouvrir le capital de l’institution à la participation d’États non africains. Pour devenir membre de la BAD, un État non régional doit adhérer au FAD. Un seul État membre du FAD, les Émirats arabes unis, n’est pas encore devenu membre de la BAD. Au 31 décembre 2007, l’effectif total du personnel régulier de la Banque dépasse le millier de fonctionnaires dont 2 femmes aux postes de vice-présidentes.


b

e t r C a he à… c n a l

Boubacar Boris Diop, écrivain sénégalais

« L’idée d’une solution globale à un problème africain perçu comme global est absurde. » Boubacar Boris Diop se dit parfois qu’il “serait stupide de ne pas profiter de son statut d’écrivain pour faire entendre sa voix”.Alors, quand on lui tend un micro ou un dictaphone, il ne “rechigne pas à prendre la parole”… Son sujet de prédilection ? L’Afrique. Sur ce chapitre-là, l’écrivain sénégalais a beaucoup à dire. Et à redire. Par Edwige H.

Vous participez,comme on pouvait s’y attendre,à l’œuvre collective L’Afrique répond à Sarkozy. Pourrait-on s’attendre à ce que vous ne réagissiez pas à un sujet qui concerne la Françafrique ? La Françafrique a été pendant longtemps une nébuleuse. Si son mécanisme politique est de plus en plus lisible, c’est parce que des groupes et des individualités n’ont cessé de réagir, depuis les années soixante, à ses méfaits. Je vous fais d’ailleurs remarquer que le mot « Françafrique » est désormais entré dans le langage courant et que chaque fois qu’on l’emploie c’est pour stigmatiser un certain type de relations entre Paris et ses ex-colonies. C’est bien la preuve que cela sert, à la longue, de ne s’accommoder d’aucune forme d’injustice. Ce n’est pas le moment de lâcher prise. Vous résumez le Discours de Nicolas Sarkozy à Dakar à cette phrase mémorable : « La science politique s’intéressera peut-être un jour à ce cas de figure unique : un président étranger faisant, du haut de son mètre 64, le procès de tous les habitants d’un continent, sommés d’oser enfin s’éloigner de la nature, pour entrer dans l’histoire humaine et s’inventer un destin.» Nous supposons que vous avez reçu beaucoup de réactions à ce texte. Quelles sont celles qui vous ont le plus marqué ? Ce n’est jamais facile de parler de son propre travail. Mais vous savez, cela fera bientôt trois décennies que je publie de la fiction et des textes d’opinion. Eh bien, je peux vous dire que celui-ci a été de loin le plus lu de tous. Des groupes, dont certains m’étaient inconnus,l’ont traduit d’autorité en différentes langues et deux versions anglaises en circulent dans la presse et sur le Net, l’une au Kenya et la seconde dans la communauté militante africaine-ame102

AFRIQUE COMPÉTENCES / Mai - Juillet 2008

ricaine. Cela m’a beaucoup touché. Vous donnez une dimension historique à ce Discours. Pensez-vous que, depuis ce 16 mai 2007, des choses ont changé ? Peut-on parler d’un « Avant le discours de Dakar » et d’un « Après le discours de Dakar » ? Je pense qu’il faut toujours répondre, rendre coup pour coup. Les paroles s’envolent, les écrits restent : il est bon pour l’Histoire qu’il y ait une preuve matérielle de notre réfutation de Sarkozy. En somme cela doit être texte contre texte, trace contre trace. Et le fait de parler, huit mois après, du discours de Dakar ne signifie pas qu’on l’élève à la hauteur d’un évènement planétaire. Non, en dépit de l’enflure un peu comique du ton, ces propos-là étaient et restent mesquins et méprisables. On doit malgré tout les prendre au sérieux, car ils sont sortis de la bouche du chef de l’Etat français. Dans le monde tel qu’il va,cela veut malheureusement dire quelque chose pour nous. Mais au-delà de la fonction même de Sarkozy, nous avons tous eu le sentiment que, de Stephen Smith à Pascal Sevran, en passant par Marc-Olivier Fogiel et Pierre Péan, toutes ces insultes racistes, ça commençait quand même à bien faire. Ce discours de Dakar,c’était la bave de trop,la plus spectaculaire aussi. Il a fait éclater une rage longtemps contenue. Et la meilleure preuve qu’il fallait réagir,a été le discours du Cap.Sarkozy a été très prudent en Afrique du Sud, même si on sait bien que son constat de décès de la Françafrique, c’était une bonne blague.A mon avis, on ne reviendra jamais assez sur cette affaire.Du reste,d’autres ouvrages sont annoncés, coordonnés l’un par le sociologue sénégalais Malick Ndiaye, un autre par l’historienne Adam Ba Konaré du Mali et un troisième par Mamadou Koulibaly, Président de l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire. Ce sont de très bonnes nouvelles. Nous sommes dans un monde impitoyable, ou personne ne laisse jamais rien passer, surtout quand il s’agit d’histoire et d’identité.


AFP Photo / Stéphane de Sakutin

Avec toutes ces réactions peut-on encore parler, comme vous venez de le dire, de « propos méprisables. » ? Ne dit-on pas que l’ignorance est le meilleur des mépris ? Et, trivialement, que « le chien aboie, la caravane passe » ? Ce qu’on pense de la personne importe ici beaucoup

moins que sa fonction. C’est un chef d’Etat en exercice qui vient dire à propos des centaines de millions de morts de la Traite négrière et de la colonisation :« d’accord,ce n’était pas bien mais n’exagérons rien… » On a ignoré des affirmations similaires d’auteurs occidentaux et il en a résulté l’idée que les Africains sont une sous-variante de l’espèce humaine. Moyennant quoi, quand des innocents meurent au Rwanda, la France qui y est impliquée a beau jeu de dire à son opinion : « Nous n’y sommes pour rien, ce sont des chefs africains qui s’entretuent, comme d’habitude». Et la communauté internationale ne croit pas devoir bouger, non plus, pour la même raison. Le discours de Sarkozy valide solennellement cette logique potentiellement meurtrière. On ne peut pas l’accepter. AFRIQUE COMPÉTENCES / Mai - JUillet 2008

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Bien plus qu’une réponse à Nicolas Sarkozy, l’œuvre L’Afrique répond à Sarkozy interpelle l’Afrique sur les défis qui l’attendent. D’ailleurs, le livre s’est longtemps intitulé L’Afrique au défi. Quels sont, selon vous, les défis que l’Afrique doit relever?

Ecoutez, ce monsieur a des antécédents. Souvenez-vous : « la France, on l’aime ou on la quitte », « les moutons dans la baignoire », « la racaille », « le nettoyage au karcher » et ses propos juste indignes de la situation, après la mort de deux adolescents, Bouna et Zyed, qui a été a l’origine des émeutes des banlieues. Je ne parle même pas de « l’immigration choisie » ou des « tests ADN ».Quand un tel homme prononce le discours de Dakar,

Nous parlons tous tout le temps de l’Afrique mais est-ce bien raisonnable ? Nous continuons certes à avoir beaucoup de choses en commun, du fait de notre histoire. Mais à partir du même creuset, les lignes d’évolution n’ont cessé de diverger pendant et après l’occupation étrangère. Aujourd’hui, dans cette Afrique que l’on s’obstine à voir comme une sorte de village continental, chaque pays a des problèmes spécifiques. Il lui

personne n’a le droit de s’écrier en ouvrant de gros yeux stupéfaits: « mais qu’est-ce qui lui prend donc ? On ne le reconnaît pas ! ». Non, si Sarkozy a un mérite, c’est bien de n’avoir jamais avancé masqué. Il a fait de la haine de l’autre un outil privilégié de son ascension politique et ça a marché. Il n’est pas naïf du tout, il est très calculateur. Il se trouve simplement qu’à Dakar il a mal évalué notre seuil de tolérance à nous. Et je dirai, au risque de vous décevoir, que ce « ton amical », ce tutoiement systématique, ça fait très « petit Blanc ». Cela renvoie à une figure classique de la colonie : le maître qui aboie ses ordres et traite tout le monde de macaque sans même y penser mais qui exige que ses employés l’aiment, car s’il est aussi dur avec eux, c’est pour leur bien !

appartient de les identifier et de les résoudre en fonction de son histoire et de ses particularités sociologiques.Vous connaissez la formule de Fanon : « Chaque génération doit découvrir, dans une relative opacité, sa mission : la remplir ou la trahir… » C’est vrai pour nos pays pris isolement. L’idée même d’une solution globale à un problème africain perçu comme global est absurde. Que le besoin de changement continue à se faire sentir partout sur le continent, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Mais d’où viendra-t-il ? Les intellectuels et les artistes peuvent être,comme ailleurs,des facteurs essentiels de rupture. C’est peutêtre à ce niveau-là qu’il y a un trouble, largement répandu en Afrique. Mon sentiment est que nos différentes sociétés sont surtout malades de leurs élites. Il

arrive à certains de comparer l’Afrique, en forçant le trait, à un asile d’aliénés. Eh bien, dans cet asile-là, les malades ce sont… les psychiatres. Ils ont l’air grave et le regard pénétrant, ils auscultent et mesurent sous prétexte d’en finir avec le désastre mais leur appétit de pouvoir et d’argent leur a complètement fait perdre la raison. Et après, faisant fi de tous ces mécanismes politiques, un chef d’Etat pourtant bien informé vient nous jeter à la figure : « l’homme africain est comme ça… » C’est inexact et profondément injuste. Vous réclamez l’héritage de Cheikh Anta Diop. De quoi se compose cet héritage ? La génération de Cheikh Anta Diop est

AFP Photo / NOTIMEX / Jorge Arciga

Carte blanche à…

Ne vous est-il jamais venu à l’esprit que Sarkozy se serait trompé de bonne de foi ? Il a parlé de « discours amical », d’ « adresse fraternel à la jeunesse africaine » etc. Vous auriez pu lui accorder le bénéfice de la naïveté…

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riche en figures historiques remarquables – Nyerere, Nkrumah etc. – mais je crois qu’il est le seul à s’être totalement émancipé des schèmes de pensée occidentaux. Il a été le seul à dire, du moins avec cette exemplaire opiniâtreté : l’important,c’est ce que l’on a essayé de faire de nous, l’important c’est de forger une nouvelle conscience historique. Et bien souvent on réduit la pensée de Cheikh Anta Diop à ses thèses sur l’antériorité de la civilisation négro-africaine. Mais selon moi, même s’il n’avait jamais écrit une seule ligne sur l’Egypte ancienne, Cheikh Anta Diop n’aurait pas été moins central.Sa réflexion sur le panafricanisme et sa défense des langues africaines auraient suffi à en faire une source d’inspiration. J’ajouterai qu’il a été d’une intégrité morale exemplaire dans


Si l’unité africaine reste un combat, c’est bien parce qu’elle n’est pas encore une réalité. L’Afrique est immense, les réseaux de communications y sont si mal connectés que ses habitants ne se voient et ne se parlent presque jamais. On comprend donc d’autant moins le regard massif porté par les négrophobes, mais aussi par beaucoup d’entre nous, sur le continent. Cela finit par brouiller les analyses et donner lieu, sur toutes les crises, à un véritable délire d’interprétation. L’Ivoirien est ainsi sommé de s’expliquer sur la situation au Kenya,dont il ignore tout.Si un opposant est torturé au Congo je suis censé porter, moi Sénégalais, le poids de ce crime contre la liberté d’expression. Autre chose : savez-vous quel est de nos jours l’homme politique qui a tué le plus grand nombre de journalistes pendant sa carrière ? Eh bien, c’est Vladimir Poutine… CNN a donné en novembre 2007 le chiffre de deux cent vingt assassinats de journalistes en Russie sous son règne. Est-ce qu’on va demander à un Italien de s’expliquer là-dessus ? De la même manière, le sentiment d’unité nationale est bien plus fort au Sénégal qu’en Belgique ou en ex-Yougoslavie. Cela ne me donne pourtant pas le droit d’en déduire qu’il y a une belle pagaille ethnique dans toute l’Europe ou d’aller faire la leçon aux Belges. En posant la même grille de lecture sur un continent si vaste et divers, on se condamne à une inaction mortelle, car on reste prisonnier de la logique étrange selon laquelle tous les problèmes doivent y être résolus en même temps ou pas résolus du tout ! J’en ai fait l’expérience récemment dans une discussion avec des jeunes de quelques pays africains, à propos de la littérature dans nos langues natio-

AFP Photo / Stéphane de Sakutin

son activité intellectuelle et politique comme dans sa vie personnelle. Ça compte dans un pays pauvre et cela en fait un modèle pour une jeunesse souvent tentée par le cynisme. Je dois ajouter qu’il m’a rendu conscient de la nécessité, pour nous, de rester présents au monde moderne, tout en développant une réflexion si éloignée de l’Occident qu’il n’y aurait aucun sens à la dire antioccidentale. C’est un enseignement personnel que j’ai tiré de son travail et de son itinéraire. Je suppose que cette lecture ne fera pas l’unanimité parmi ses disciples mais c’est bien cela mon opinion. Vous soutenez qu’il n’y a pas une Afrique mais plusieurs pays avec des particularités sociologiques propres. Mais dans le même temps vous affichez votre attachement aux valeurs de panafricanisme prônées par Cheikh Anta Diop…

Bibliographie de B. B. Diop Romans • Le Temps de Tamango,Paris,L’Harmattan,1981,coll.Encres noires.Réédition :Paris, • Le Serpent à Plumes, 2002, coll. Motifs (Prix du Bureau sénégalais du droit d’auteur) • Les Tambours de la mémoire, Paris, L’Harmattan, 1991, coll. Encres noires (Grand prix de la République du Sénégal pour les lettres) • Les Traces de la meute, Paris, L’Harmattan, 1993, coll. Encres noires • Le Cavalier et son ombre, Paris, Stock, 1997 (Prix Tropiques) • Murambi, le livre des ossements, Paris, Stock, 2000 • Doomi Golo, Dakar, Papyrus, 2003 (en wolof) • Kaveena, L’impossible innocence, Paris, Éditions P. Rey, 2004 • Les Chiens du crépuscule, Paris, Editions Philippe Rey, 2006

Théâtre • Thiaroye, terre rouge, Paris, Éditions L’Harmattan, 1990 Essais politiques • Négrophobie, réponse aux "Négrologues", journalistes françafricains et autres falsificateurs de l'information, avec Odile Tobner et François-Xavier Verschave Les arènes, 2005 • L'Afrique au-delà du miroir, Éditions Philipe Rey, Paris, 2007 • L'Afrique répond à Sarkozy : Contre le discours de Dakar (Collectif) Editions Phillipe Rey 2008 nales. Certains m’ont dit que cela pouvait être explosif chez eux, qu’ils redoutaient des tensions entre les locuteurs des différentes langues. On peut tout à fait comprendre ces craintes. Seulement ils ont ensuite voulu tirer de leur cas particulier une conclusion valable pour l’ensemble du continent ! Comment en sommes-nous arrivés à raisonner ainsi sur la tête ? Supposons que les perspectives linguistiques soient excellentes au Mali par exemple… Est-ce que les Maliens vont se croiser les bras et dire : « Nous ne pouvons rien faire parce qu’en Ouganda ou au Sénégal, ils ne sont pas prêts,nous devons les attendre » ? Je n’aime pas du tout cette idée que nous sommes des oiseaux blottis sur la branche d’un arbre, attendant que cesse l’orage. Toutes ces aberrations reposent sur l’idée qu’il y a une essence du Noir, insensible aux atteintes de l’Histoire. Ça n’a l’air de rien mais cela invalide à l’avance toute réflexion sur nos situations

réelles. Croyez-vous que le rêve de Cheikh Anta Diop, celui de voir une Afrique une et unifiée, est réalisable ? Cela prendra sans doute du temps mais c’est une possibilité. Je crois surtout que cela passera, encore une fois, par la jeunesse. Une amie, libraire à St Denis, en banlieue parisienne, m’a dit l’autre jour : « c’est curieux, il y a quelques années, seuls des gens d’un certain âge venaient me demander des textes de Cheikh Anta Diop. Aujourd’hui ils sont beaucoup plus jeunes et d’ailleurs ils sont toujours surpris de découvrir que j’ai ses livres en rayon ! » Et cette adhésion, encore plus large et profonde dans diverses parties du continent africain, ça correspond chez tous ces jeunes à un besoin de sentir un sol ferme sous leurs pas. Cheikh Anta Diop leur fournit les repères qui leur font cruellement

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Vous avez, dans Négrophobie, apporté une réponse cinglante à Négrologie de Stephen Smith.Auriez-vous tenu le même discours si l’auteur de Négrologie avait été un africain ? Je vous réponds par une question : « l’africanisme » et « l’orientalisme » sont des traditions intellectuelles en Europe mais avezvous déjà entendu les mots « européanisme » ou « occidentalisme » ? Ils n’existent pas.Autrement dit, seuls les Occidentaux refusent de se laisser étudier par les autres peuples. C’est d’ailleurs dommage pour eux, car le regard de l’Autre, cela peut vous enrichir énormément. Je ne m’en suis donc pas pris à Smith en raison de la couleur de sa peau. Beaucoup d’autres ouvrages d’africanistes ont précédé le sien. Ils n’ont gêné personne, car en dépit de leur extrême sévérité, ils étaient d’une certaine rigueur intellectuelle. Mais Négrologie, c’est un livre insultant et approximatif. Il fallait y apporter une réponse appropriée. Cela dit, je n’ai accepté qu’une seule fois de discuter avec cet auteur. C’était à Genève, je m’étais inscrit d’office à un débat sur son ouvrage. On m’a plusieurs fois proposé par la suite d’échanger avec lui en public. J’ai toujours refusé en disant aux organisateurs : « Cessez donc de faire comme si Stephen Smith est un auteur normal avec qui on peut avoir une discussion normale ! ». Quel jugement portez-vous sur les africains qui développent les mêmes thèses que Stephen Smith. Si vous faites allusion à l’afropessimisme, je vous dirai que, pour moi, la démarche de ces auteurs était fondamentalement saine. Ils ont essayé d’exercer leur fonction critique, ce qui est le rôle de tout intellectuel digne de ce nom. Je n’ai toutefois jamais partagé leur vision par trop culturaliste, qui ne prenait peut-être pas suffisamment en compte les véritables rapports de force économiques et politiques. Le vrai problème, vingt ans après nos Indépendances, c’était qu’il n’y avait même pas d’indépendance ! Et ce fait essentiel, qui est très lisible dans les essais de Mongo Beti, on n’en trouve nulle trace chez eux. Cela dit, on aimerait bien entendre à l’heure actuelle ces auteurs qui, dès la fin de la Guerre froide ont fustigé, avec du reste un réel talent pamphlétaire, le « refus du développement » ou l’absence d’« ajustement culturel ».Après tout ils sont, même à leur corps défendant, au cœur de l’actuel débat sur la résurgence du racisme anti-Noir. Ils sont constamment cités dans des textes douteux auxquels ils donnent une certaine apparence d’objectivité. On se réfère à eux,comme pour dire :« Vous voyez bien,je n’écris pas cela parce que je suis un Blanc, même leurs intellectuels, Daniel Etounga Manguellé, Ka Mana et Axelle Kabou pensent ainsi. » Ils devraient se prononcer sur ce qui s’apparente à un détournement de leur pensée. Pour illustrer votre combat contre le révisionnisme, vous citez souvent un autre Diop, Birago qui disait en substance que ce sont les racines qui permettent à un arbre de s’élever. On pourrait par exemple vous rétorquer qu’on juge un arbre à ces fruits et non à ces racines. Les racines d’un arbre ont beau être profonde, s’il n’y a ni pluie ni soleil, il ne produira jamais de bons fruits. Et on le jugera aux fruits qu’il produira. Birago Diop disait exactement: « L’arbre ne s’élève vers le ciel qu’en plongeant ses racines dans la terre nourricière ».En effet, je cite souvent cette phrase mais dans ma réflexion sur la mondialisation et non pas dans celle sur le révisionnisme. J’aime cette formule, elle montre à quel point il est vain d’opposer l’universel 106

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et le particulier, tentation rendue encore plus forte aujourd’hui par la globalisation. Défendre sa culture ne signifie pas se fermer aux autres, bien au contraire. La meilleure façon de respecter toute l’humanité c’est de se respecter soi-même. Je ne pense pas que cet arbre-la puisse produire des fruits vénéneux. Que pensez-vous du révisionnisme fréquent quant à l’histoire de l’Afrique ? Le phénomène n’est pas récent mais il s’était fait de plus en plus discret au fil du temps. Il est revenu en force du jour au lendemain sans que personne ne le voie arriver.Ce changement de cap interpelle les descendants des victimes : pourquoi maintenant ?

AFP Photo / NOTIMEX / Jorge Arciga

Carte blanche à…

défaut. C’est, au fond, eux qu’il invitait à « faire basculer l’Afrique sur la pente de son destin fédéral ».Il ajoutait d’ailleurs que leur survie en dépendait, qu’un « égoïsme lucide » leur imposait de choisir le panafricanisme.

J’ai l’impression que les révisionnistes européens mettent plus d’énergie et de hargne à nier les crimes de leurs ancêtres que nous à nous en souvenir. Ce paradoxe parle de lui-même : ils mentent et ils le savent, pour reprendre le Césaire du Discours sur le colonialisme. La Traite négrière et la colonisation, ça reste moralement lourd, même tant de siècles après. Il faut pourtant accepter de porter le poids de cette faute au lieu d’insulter la mémoire des victimes. Parfois, je me dis que ces gens nous en veulent de n’avoir pas réussi à nous tuer jusqu’au dernier. On n’a pas été assez coopératifs, quoi ! Est-ce que nous allons aussi devoir nous excuser d’être encore vivants ? Face à votre combat contre le révisionnisme, on pourrait citer Fanon qui disait que «toutes les preuves qui pourraient être données de l’existence d’une prodigieuse civilisation songhaï, ne changent rien au fait que les Songhaï d’aujourd’hui sont sous-alimentés et analphabètes.» Et pour paraphraser Fanon, on pourrait, encore, dire que toutes les preuves qui peuvent être données que l’Occident n’est pas innocent dans l’histoire de l’Afrique ne changent rien au fait que l’Afrique est pauvre et sous développée. Le rapport à soi,à ses ancêtres les plus lointains,cela joue un rôle décisif dans l’évolution d’une société. Il ne s’agit pas d’une contemplation béate de son passé. L’important est de savoir d’où l’on vient pour pouvoir se diriger d’un pas assuré vers l’avenir. Du reste, tout ce qu’a écrit Fanon sur le rôle de la culture nationale dans les processus révolutionnaires, en particulier en


Algérie, contredit nettement cette affirmation. Ce grand penseur avait aussi un faible pour les formules bien frappées. Or le propre de celles-ci est de se suffire à elles-mêmes et d’être sans nuances, péremptoires. Il est donc d’autant plus facile de les isoler de leur contexte en vue de manipulations théoriques assez malsaines. Il arrive que des auteurs aux vues complètement opposées convoquent une phrase solitaire de Fanon pour les besoins de leur démonstration. Je dois honnêtement avouer que cela m’a toujours laissé un peu perplexe. Dans votre combat pour la valorisation des langues africaines, vous avez publié en 2002, Doomi Golo, un roman en wolof. Et depuis, plus rien. Finalement, cette histoire d’écrire en wolof n’était-elle pas que du bluff ? La satisfaction d’un caprice de panafricaniste convaincu ? Mais je n’ai surtout pas arrêté d’écrire en wolof ! Ma pièce, Ibu Ndaw, boroom jamono, est en train d’être montée par la troupe Pettaaw d’Awa Sène Sarr. Non,je n’ai pas écrit Doomi Golo pour me faire en quelque sorte plaisir avant de revenir à cette chose bien plus sérieuse que serait la langue française ! En fait, je n’ai jamais été aussi actif autour de ma langue maternelle. Doomi Golo par exemple est en train de devenir un audio-book et je donne depuis février des cours de wolof à des jeunes Sénégalais nés en France et désireux de renouer avec leurs racines. Vous parlez souvent du choix de l’écriture en wolof comme d’un choix « douloureux, difficile, ambigu, compliqué ». Si « écrire en langues africaines » est autant contraignant, pourquoi continuer ? Qu’est ce qui vous oblige ? Tant qu’on parle abstraitement d’une littérature en langues africaines,on ne gêne personne,c’est de la pure parole.Ça ne mange pas de pain, comme on dit familièrement. Mais dès que vous passez à l’acte,vous êtes perçu comme violent, radicalement transgressif et vous devez constamment vous excuser de votre choix.Et de façon finalement pas si étrange que cela,l’hostilité vient presque toujours du dedans. Ce sont surtout des intellectuels africains qui vous reprochent d’avoir trahi l’irremplaçable langue de Molière ! C’est sur cette ambiguïté que j’ai essayé de mettre le doigt. Le refus est viscéral, je ne sens jamais autant qu’en ces instants-la, chez mon interlocuteur, sa haine de lui-même. Ce n’est pas facile à supporter. Vous savez, j’ai parfois l’impression que l’homme asservi en vient à son insu à aimer son maître d’un amour fou,que la musique de ses chaînes finit par lui être très douce et que, au fond de sa cale, il se dit que la vie est belle ou qu’elle aurait pu être pire ou je ne sais trop quoi… J’ai tout entendu à propos de cette affaire pourtant bien simple, qui est d’écrire dans sa langue maternelle. Les gens ne savent plus quoi inventer pour prouver que cela n’est pas possible, que ça n’a aucun sens. On me dit que sans l’anglais ou le français, le continent va être à feu et à sang ! Est-ce bien sérieux,ça ? En fait c’est à se rouler par terre. On m’a servi les arguments les plus insolites. J’espère trouver le temps d’y répondre un jour ou l’autre sous la forme d’un petit ouvrage. Etes-vous de ceux qui estiment qu’on ne pourra pas parler de littérature africaine tant que la littérature sera écrite dans des langues occidentales ? Je ne suis pas d’accord avec Ngugi sur ce point. La littérature africaine dans les langues occidentales existe pour le meilleur ou pour le pire et il ne sert a rien de chercher à re-écrire l’histoire. Mais justement, l’histoire n’a pas dit son dernier mot ! J’ai la conviction que, sur la durée, tous les textes en anglais ou en français, dont on fait aujourd’hui si grand cas, seront refoulés à la périphérie. Je crois à ce renversement de perspective, à ce recentrage de notre pratique littéraire sur nous-mêmes.

Avant de finir, Aimé Césaire vient de mourir, que retenez vous de celui qui était considéré comme le dernier pilier de la Négritude ? En tant qu’écrivain, je suis impressionné par la force exceptionnelle de sa langue poétique.Mais il faut savoir que derrière cette apparente fluidité de l’expression, il y a un travail de tous les instants sur chaque mot,une âpre bataille avec les mots pour leur faire rendre gorge. Senghor, qui a été le témoin privilégié de la gestation du Cahier d’un retour au pays natal… écrit que ce fut une “parturition dans la souffrance”. Césaire biffait sans arrêt, revenait sans cesse sur le texte, se fiant plus souvent à la fulgurance des images qu’à leur suggestion de sens immédiate. Et lorsque plus tard avec Moi,laminaire,sa voix s’apaise,ce travail d’épure ne sonne jamais faux,on ne sent à aucun moment le procédé.Le chant césairien n’a jamais rien de vain et si on n’est jamais sûr de la trajectoire du poème c’est parce que celui-ci irradie à l’infini et qu’en elle-même la musique des mots est signifiante. Il est ainsi arrivé à Césaire de forger du sens avec le grondement d’un volcan ou la rumeur des vagues. Ce n’est donc pas seulement beau, c’est aussi très profond. J’aime en particulier ce passage du Cahier d’un retour au pays natal : Ecoutez le monde blanc horriblement las de son effort immense ses articulations rebelles craquer sous les étoiles dures ses raideurs d’acier transpercer la chair mystique écoute ses victoires proditoires trompeter ses défaites écoute aux alibis grandioses son piètre trébuchement Pitié pour nos vainqueurs omniscients et naïfs ! Ces mots si pleins de maturité,si décisifs pour comprendre la relation Maitre-Esclave,le poète avait à peine vingt cinq ans quand il les a écrits ! Ce tout jeune homme comprend déjà qu’haïr le maître, c’est encore une façon de l’aimer – amour pervers sans doute mais amour quand même – et de se résigner à son pouvoir. Et ce qu’il nous dit de fondamental, c’est qu’à la fin des fins le véritable esclave n’est pas celui que l’on pense. En somme le mépris de la victime pour la force brute qui l’asservit, c’est le commencement de sa liberté. Je peux vous dire, à un niveau purement personnel, que je discute beaucoup, par e-mail ou de vive voix, avec des jeunes d’Afrique ou d’ailleurs.Ils me demandent des conseils et je leur donne toujours en viatique ces vers-là. Ils leur annonçaient il y a longtemps un monde où leur fierté retrouvée serait la sœur de l’action. Pensez-vous avoir fait bouger les choses ? Je n’en sais rien et cela ne m’empêche évidemment pas de dormir. Mon projet intellectuel n’est pas bien compliqué, en vérité : il consiste à faire connaître mon avis chaque fois qu’il se produit un évènement qui me semble important. J’entends certains auteurs dire : « Moi je ne fais pas de la politique, je fais de l’art » Certes, ils ne font pas de la politique mais souvent quand vous lisez leurs textes, eh bien, ils ne font pas de l’art non plus ! Je me dis parfois que mon statut d’écrivain procède d’un malentendu mais que je serais stupide de ne pas en profiter pour faire entendre ma voix ! C’est une telle chance, ça… Vous publiez des romans et on vous tend des micros, on vous invite à des conférences. Pourquoi rechigner à prendre la parole ? Il ne s’agit pas d’être un auteur engagé ou pas. Il s’agit plus simplement de dire ce que l’on pense en acceptant le risque, bien humain, de se tromper. J’ai plus de respect pour quelqu’un qui exprime des opinions contraires aux miennes que pour celui qui prétend n’en avoir aucune sur aucun sujet, en invoquant je ne sais quelle mystérieuse démarche esthétique… C’est du gâchis. Et de toute façon, si on a un tel désir de silence, il suffit d’attendre un peu : chacun de nous aura assez de temps dans la mort pour se taire !

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