Edition du lundi 24 décembre 2012

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LES ANNONCES DE LA SEINE Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Lundi 24 décembre 2012 - Numéro 78 - 1,15 Euro - 93e année

Christian Vigouroux, Carole Brès, Gilles Thouvenin, Daoud Salmouni, Ronald Maman, Michaël Bendavid et Jean-Marc Sauvé

RENTRÉE SOLENNELLE

Ordre des Avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation De quelques principes essentiels à l’exercice de la profession d’avocat aux Conseils par Gilles Thouvenin ............. Eloge d’Adolphe Crémieux : un révolutionnaire conservateur par Michaël Bendavid......................

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Barreau de Metz

11 13 14 16 17 AGENDA ......................................................................................5 SOCIÉTÉ Club du Châtelet.........................................................................19 Académie catholique de France............................................20 VIE DU DROIT Transmission des valeurs par Viviane Schmitzberger-Hoffer .......... La performance par Maxence Lévy.................................................. La compétitivité par Laura Cassaro ................................................. Se battre pour l’autre par Mehdi Adjemi......................................... Le dépassement de soi par Marine Klein-Desserre.........................

Assemblée Générale «Droit et Procédure»

21 ANNONCES LEGALES ...................................................24 AVIS D'ENQUETE ..............................................................34 ADJUDICATIONS................................................................39 PALMARÈS Le Nouvel Economiste Prix 2012 du « Manager de l’Année » ..............................................40 Rapport Moral par Stéphane Lataste...............................................

Ordre des Avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation Conférence du Stage - Paris, 11 décembre 2012 ’est dans le prestigieux cadre de la salle de l’Assemblée du Conseil d’Etat que s’est déroulée la Séance Solennelle de Rentrée de la Conférence du Stage des Avocats aux Conseils ce mardi 11 décembre ; le Président Gilles Thouvenin, qui a succédé à Didier Le Prado en janvier dernier, a consacré son discours aux « Principes essentiels à l’exercice de la profession d’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation » devant une prestigieuse assemblée composée notamment des Chefs des Juridictions Suprêmes Vincent Lamanda, Jean-Claude Marin, Jean-Marc Sauvé et JeanLouis Debré. S’adressant à ses jeunes confrères, c’est « de la qualité d’âme de l’avocat aux Conseils » dont il s’est entretenu. Particulièrement attaché aux principes déontologiques essentiels en vigueur au sein de l’Ordre des Avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation,

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il a conclu ses propos par « si l’avocat comprend, explique et démontre, j’ai tenté cette après-midi, sinon de vous convaincre, du moins de vous suggérer, l’importance de quelques-uns de ces principes essentiels à l’e xercice de la profession vers laquelle vous vous dirigez ». Ensuite Michaël Bendavid, Premier Secrétaire 2011/2012 de la Conférence du Stage a fait l’éloge d’Adolphe Crémieux : « Un révolutionnaire conservateur » qui, en sa qualité de bourgeois libéral et modéré, s’illustra au 19ème siècle comme un révolté et un réformiste plutôt que comme un révolutionnaire dans ses fonctions politiques. Au soir de sa vie, cet illustre avocat, patriote et Ministre de la Justice confiait à son ami Arago : « je partirais heureux si notre République était bien, cette fois, définitivement installée ». Jean-René Tancrède

J OURNAL O FFICIEL D ’A NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

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Rentrée solennelle

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Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

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Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet Bernards François-Henri Briard, Avocat au Conseil d’Etat Antoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Marie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droit André Damien, Membre de l’Institut Philippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Bertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, ancien Bâtonnier de Bordeaux Dominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Brigitte Gizardin, Substitut général à la Cour d’appel Régis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation Serge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Françoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassation Maurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - Entrepreneurs Jean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Christian Lefebvre, Président Honoraire de la Chambre des Notaires de Paris Dominique Lencou, Président du Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice Noëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne Ministre Philippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-Assas Jean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptes Gérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassation Jacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPL Yves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris René Ricol, Ancien Président de l’IFAC Francis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Carol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International

De quelques principes essentiels à l’exercice de la profession d’avocat aux Conseils par Gilles Thouvenin ans notre société, « la conviction est aujourd’hui largement répandue que chacun ne suit que son propre intérêt »(1). Seul l’intérêt commanderait nos actions ; toute forme d’humanité en serait bannie, donnant ainsi raison à Adam Smith : « Ce n’e st pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière et du boulanger, que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu’ils apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons pas à leur humanité mais à leur égoïsme ; et ce n’e st jamais de nos besoins que nous leur parlons, c’est toujours de leur avantage » (2) Le constat ne s’applique pas aux Avocats aux Conseils. Pour être Avocat, la compétence est indispensable, le travail nécessaire ; le talent peut être le bienvenu. Tout cela n’est pas suffisant : encore faut-il une certaine qualité d’âme. Il y a ce mot, essentiel, de notre serment : l’humanité. Cette humanité est indissociable de l’altruisme exigé de l’Avocat. L’Avocat n’agit pas dans son intérêt propre. Seul le guide l’intérêt de son client dans le respect de l’intérêt supérieur de la Justice. C’est précisément de la qualité d’âme de l’Avocat aux Conseils dont je veux vous entretenir. Car embrasser la profession d’Avocat aux Conseils :

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- c’est aller au-delà de l’adhésion à un exercice professionnel, pour entrer dans un ordre uni par ses valeurs et ses traditions, - c’est respecter les principes essentiels en vigueur au sein de cet ordre. Les qualités requises d’un Avocat aux Conseils sont intimement liées à l’essence même de sa mission devant les Hautes Juridictions, mission qui l’honore et honore l’Ordre en son entier. N’existant que pour les Hautes juridictions dont il est au service, le Barreau spécialisé a fait la preuve de sa nécessité et de son utilité pour le justiciable et le bon fonctionnement de la Justice. La singularité de l’avocat aux Conseils tient à son statut bivalent : - auxiliaire privilégié du fonctionnement du service public de la justice, - et médiateur-intercesseur des justiciables(3). Son éthique, mise au service de ces intérêts supérieurs, justifie la confiance que lui témoignent le corps social - en général - et les Hautes Juridictions - en particulier. L’Avocat aux Conseils doit - en toutes circonstances - se montrer digne de cette confiance. Sa déontologie en est la garante. Si la profession - comme tout corps social - connaît son cortège de satisfactions, elle impose corollairement des devoirs et obligations toujours plus pressants. Devoirs et obligations que la morale commande, que l’éthique professionnelle recommande(4) et que la déontologie concrétise. Il ne suffit pas en effet à l’Avocat aux Conseils d’adhérer à la déontologie de son Ordre, il doit la vivre et la faire vivre au quotidien. Il s’agit, dans le sillage de Max Weber, d’une éthique de responsabilité et non d’une éthique de simple conviction.

Les Annonces de la Seine - lundi 24 décembre 2012 - numéro 78


Rentrée solennelle Sans badiner avec ses principes essentiels, ni les réinventer, l’Ordre a récemment adopté son règlement général de déontologie, codifiant ainsi les usages et traditions de la profession, déjà exprimés dans différents écrits aussi nombreux qu’épars. Rassurez-vous, je ne prétendrai pas, cette aprèsmidi, à l’exhaustivité. Je vous propose simplement une sélection de quelques-uns de ces principes. Comme tout autre choix, celuici est arbitraire mais ne croyez pas que les principes volontairement omis seraient sans importance. Les voyages formant la jeunesse(5), je vous invite donc à une promenade qui évoquera la courtoisie, la délicatesse, la modération, la prudence et la loyauté dont doit faire preuve tout Avocat aux Conseils. Une simple ballade qui nous mènera aux Palais - au Palais royal comme au Palais de justice - et peut être même en d’autres lieux en dehors des Palais. Ce parcours, que je vous propose d’emprunter avec moi, ne sera pavé - je vous le dis d’emblée - que des meilleures intentions.

I. A l’égard des justiciables d’abord

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Il est naturel de commencer par eux ; la justice est un bien commun qui existe dans l’intérêt du justiciable : c’est lui qui doit être au centre de nos préoccupations. Pour la plupart peu coutumiers de la Justice, les justiciables éprouvent pour elle « une fascination irrésistible »(6), mêlée de crainte et d’impatience. N’oubliez pas que, pour eux, le procès est souvent perçu comme « une extrémité douloureuse », pour reprendre le mot de Mirabeau(7).

A leur égard, l’Avocat aux Conseils manifeste une forme de courtoisie, de délicatesse et de modération en s’astreignant…à la plus grande patience. C’est, en effet, aussi son métier de parler de patience à des clients qui peuvent se tordre sous le poids de la souffrance(8). L’attente, chacun ici le sait, est lente et l’espérance violente. L’Avocat lui-même doit s’exhorter à la patience en expliquant aux plaideurs inlassablement, et avec la plus grande clarté, les singularités des recours devant les Juridictions Suprêmes. Le risque de malentendu ou de méprise est ainsi évité. Il faut penser à la souffrance du justiciable et conserver à l’esprit que traiter courtoisement un client difficile est toujours source de progrès(9). Toujours accessible et disponible au quotidien pour son client, l’Avocat aux Conseils ne saurait s’enfermer dans une tour d’ivoire. Mais l’Avocat aux Conseils est aussi un être humain, avec ses faiblesses. Et lorsqu’il sent sa patience s’épuiser, la rage et la colère pointer, il a évidemment le droit, voire le devoir, de refuser une affaire - sans se départir de la délicatesse et de la courtoisie inhérentes à son état. La prudence lui commande d’ailleurs de la refuser (cette affaire) avant le début de la procédure, afin d’éviter tout désagrément inutile pour le client. Ne vous méprenez pas sur l’objet de mon propos : il ne s’agit pas ici de refuser de soutenir un recours voué à l’échec, ou de fuir l’obligation de conseil et, notamment, de consultation. Il s’agit de s’apercevoir à temps que, dans certains cas, la relation avec le client ne pourra jamais se nouer de manière convenable. S’il accepte le dossier, l’Avocat aux Conseils doit honorer la confiance placée en lui en se montrant, en toutes circonstances, d’une loyauté irréprochable, loyauté mais pas seulement car Loyauté rime d’abord avec fidélité. Fidélité qui commande de s’abstenir de se constituer contre les intérêts de son client. Si

cela arrivait - par une inadvertance malheureuse -, il conviendrait alors de remédier promptement à cette constitution malencontreuse. C’est une évidence. Le respect dû à la fidélité du client envers un autre doit aussi être scrupuleusement observé. Il n’est pas besoin de rappeler qu’aucun Avocat aux Conseils ne saurait se livrer à une opération de démarchage, à plus forte raison lorsque le client a déjà manifesté son attachement à un autre. Loyauté rime ensuite avec objectivité. Lors de la consultation, qui est une obligation déontologique, l’Avocat aux Conseils ne doit pas craindre de décevoir les espoirs de son client en le dissuadant par un avis motivé de poursuivre la procédure. Faisant œuvre de pédagogie, il saura adapter ses explications au degré de connaissance du justiciable. Loyauté rime enfin avec célérité. Ne perdez jamais de vue que l’Avocat aux Conseils représente un mandant, que la décision appartient toujours au client qui doit disposer du temps nécessaire à la réflexion après avoir été utilement conseillé. La consultation, surtout si elle se révèle négative, doit être adressée en temps utile au client pour lui permettre un choix éclairé - sans précipitation - et pour vous permettre, s’il se montre rétif à un abandon de la procédure, de tenter de le raisonner, de le convaincre de l’absence de tout intérêt d’un recours manifestement voué à l’échec. Et, pour vous permettre, le cas échéant, mais en dernière extrémité seulement, d’établir un mémoire s’il le faut. S’il est libre du choix des moyens qu’il présente, l’Avocat aux Conseils doit néanmoins s’attacher à informer son client ; et rien ne s’oppose, au contraire, à ce qu’il le fasse préalablement au dépôt de son mémoire. Exercer cette liberté ne dispense pas de rechercher, en temps utile, le consentement du client. Loyauté et prudence se confondent alors.

Bénédicte Moulinier, Anne-Laure Valluis, Nicolas Kilgus et Armand Kacenelenbogen Les Annonces de la Seine - lundi 24 décembre 2012 - numéro 78

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II. Les mêmes principes gouvernent les relations des Avocats aux Conseils avec leurs confrères des cours et tribunaux Signalons que cette coopération étroite et indispensable a donné lieu à l’adoption d’une charte organique de collaboration, véritable guide des bonnes pratiques entre ces deux catégories d’auxiliaires de justice. Elle peut utilement être consultée. Quelques ombres au tableau ne peuvent masquer l’harmonie d’ensemble de ces relations. Le désintérêt de certains correspondants - rares il est vrai - pour l’instance portée devant les Cours Suprêmes, et les difficultés de mise en état qui en découlent, s’ils existent, ne doivent pas être exagérées. La volonté persistante - des mêmes - de gagner le procès les amène parfois à reprocher aux avocats aux Conseils la frilosité supposée de leurs avis et leur choix restreint des critiques proposées. Courtoisement et délicatement, l’avocat aux Conseils doit alors leur rappeler : - que le débat devant les juridictions suprêmes est limité dans son objet et souffre mal la nouveauté, - et que le moyen de pur droit - ce pur-sang de la cassation - ne se trouve malheureusement pas sous le sabot d’un cheval. Fort heureusement, la grande majorité des confrères des barreaux comprennent aisément cette réserve, réserve guidée par l’œil neuf et objectif que porte l’Avocat aux Conseils sur une affaire pour laquelle ses correspondants n’ont peut- être plus toujours le recul nécessaire.

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Quittons alors le tumulte des passions humaines qu’abritent parfois les Cabinets d’Avocats pour entrer dans les Palais, là où trône la Justice(10)

III. Les relations avec les Magistrats sont inspirées par la grandeur, le prestige et l’efficacité de la mission assumée par les juridictions Suprêmes L’Avocat aux Conseils partage avec les Magistrats un idéal de Justice auquel il concourt en sa qualité d’auxiliaire agréé du service public de la Justice. Cette qualité l’oblige à une certaine élégance : je veux parler ici de courtoisie. Je ne vous apprends rien, la courtoisie dans la vie professionnelle est plus exigeante que la politesse de la vie civile. Ce n’est pas un simple savoir vivre. L’Ordre est présent, quoi de plus naturel, lors des premières conclusions des rapporteurs publics ou aux audiences solennelles d’installation des nouveaux Magistrats. Cette présence est significative des liens - empreints de courtoisie - qui unissent Avocats aux Conseils et juridictions Suprêmes. Mais cette courtoisie ne s’exprime pas uniquement sous une forme symbolique. Il faut ainsi permettre au juge d’instruire l’affaire dans les conditions les plus sereines possibles : l’intérêt du justiciable passe nécessairement par l’intérêt supérieur de la Justice. L’instruction ne saurait : - être entravée par des moyens excessivement longs ou compliqués, pour ne pas dire complexes puisque ceux-ci sont prohibés,

- être trahie par des productions ou des mémoires dont le contenu ne présenterait pas la moindre certitude, - ni être inutilement perturbée par une défense agressive, dite de rupture, qui n’aurait aucune place devant les Hautes Juridictions. Ce sont ici la réputation, la respectabilité et l’image de l’avocat - de l’Ordre tout entier - qui s’en trouveraient ternies. Ces valeurs commandent, au contraire, de faciliter - autant que faire se peut - la tâche, déjà lourde, de nos juridictions. La représentation obligatoire, voulue par la loi, leur confère toute leur légitimité. Les exigences de courtoisie et d’élégance mènent spontanément à la délicatesse. Il est non seulement délicat mais aussi impérieux pour l’Avocat aux Conseils d’avertir un Magistrat de toute procédure personnelle diligentée par lui à son encontre, telle une demande de récusation. De la même manière, la délicatesse élémentaire exige l’indication au Magistrat de toute requête tendant à la rétractation ou à l’amendement de sa décision. L’implication de l’Avocat aux Conseils dans le service public de la Justice l’invite également à la plus grande modération dans ses relations avec les Magistrats. Modération ou retenue lorsqu’il s’abstient de commenter publiquement les décisions rendues dans les affaires où il a occupé. Retenue encore dans son information au client de l’issue de la procédure. Mieux vaut reconnaître un échec que s’en prendre de mauvaise foi à la décision du Juge. Retenue enfin qui lui interdit d’importuner les Magistrats pour critiquer le point de vue exprimé par eux dans tel ou tel acte de la procédure. Que seraient cependant ces valeurs de courtoisie, de délicatesse et de modération si la

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Rentrée solennelle loyauté était absente des principes essentiels de la profession ? La loyauté réside dans le respect dû à la vérité, le respect dû aux Magistrats qui la recherchent. Etre Loyal c’est honorer la confiance que les juridictions Suprêmes placent en leur Barreau spécialisé. Confiance dont témoigne, notamment, le Conseil d’Etat qui prolonge son secrétariat jusqu’à nos cabinets en nous permettant d’y déplacer le dossier officiel. La loyauté interdit l’injure du mensonge, la malhonnêteté de l’argumentaire. Elle bannit les bassesses et inélégances procédurales. Aucune faiblesse ne peut ici être tolérée, notamment la tentation d’utiliser les informations confidentielles destinées aux magistrats dont pourrait, par erreur, avoir connaissance l’Avocat aux Conseils. La loyauté impose ici cécité et mutisme. En quelques mots le Procureur Général Matter a tout dit de l’exigence de loyauté. « Jamais, par un argument déplacé, par une citation tronquée, par un biais juridique, (les avocats aux Conseils) ne perdent l’estime de la Cour, car tout dans leurs écrits comme dans leur parole est franc et de bon aloi »(11). Je n’ai rien à ajouter. Notre parcours n’est pas pour autant encore achevé.

IV. Le visage de la confraternité Dans les relations de l’Avocat aux Conseils avec ses pairs, ses frères et sœurs en profession, les principes essentiels de courtoisie, de délicatesse, de modération et de loyauté prennent le visage de la confraternité. L’unité et la solidarité de l’Ordre, ses biens les plus précieux, en dépendent. « Après tout, pour être heureux, on n’a rien de mieux à faire dans ce monde que d’être vertueux ». Diderot avait raison ! Pour être heureux dans l’Ordre - pour conserver un Ordre uni et solidaire - l’Avocat aux Conseils n’a rien de mieux à faire que d’être, au jour le jour, le plus confraternel des confrères. C’est l’intérêt de l’Ordre tout entier et, par conséquent, de la Justice dont il est l’auxiliaire. S’il est un domaine où le mieux n’est pas l’ennemi du bien, c’est celui de la confraternité. Je n’entends pas vous infliger un catalogue des situations dans lesquelles la confraternité serait susceptible d’être mise à mal. Deux illustrations seulement. L’une, d’ordre procédural, prend l’habit de la contradiction. L’autre, plus diffuse, celui de la courtoisie. Prévenir tardivement un confrère de son intention de plaider une affaire relève d’une déloyauté mesquine et puérile. Certes, cet avertissement tardif ne viole pas, au sens strict, le principe de la contradiction car le confrère s’attachera néanmoins à préparer sa plaidoirie en temps et en heure. La manœuvre n’en demeure pas moins coupable par son indélicatesse et par l’embarras causé au confrère qui voit son travail désorganisé et qui doit préparer dans la hâte la défense de son client. Une maxime à retenir : un confrère ne doit jamais en mettre un autre en difficulté. La confraternité c’est aussi une courtoisie professionnelle.

Je n’é voquerai pas les fins de non-recevoir soulevées sans avertissement préalable ou – pire - habilement dissimulées dans les développements consacrés à la défense au fond, les formules malheureuses et déplaisantes jetant l’opprobre sur la qualité du mémoire adverse, et donc sur son auteur. Ces pratiques appartiennent au passé, à n’en pas douter. En revanche, exemple plus actuel, un mémoire peut pécher par un excès d’agressivité, non à l’endroit du contradicteur - notre déontologie prohibe depuis toujours de jeter le discrédit sur le travail des confrères, comme sur celui des correspondants et, a fortiori, celui des Magistrats - mais au détriment du plaideur luimême, le client du confrère adverse. Pratique d’autant plus condamnable que le plaideur moqué, à juste titre blessé, exigera de son Avocat le dépôt d’une réplique de même nature. Arguties sans fin, enfantines et inutiles, qui ne peuvent servir l’intérêt du justiciable et ne font que ternir l’image de leur auteur et, par voie de conséquence, de l’Ordre auquel il appartient. La contradiction n’est ici en rien menacée. Nos principes essentiels de délicatesse, de courtoisie et de modération sont pourtant malmenés par un étonnant manque de tact de la part des membres d’un barreau qui a su gagner la confiance des Juges et des justiciables. La confiance du corps social… Chers amis, voilà que nous revenons sur nos pas et que notre périple touche à sa fin. Si l’Avocat comprend, explique et démontre, j’ai tenté cette après-midi, sinon de vous convaincre, du moins de vous suggérer, l’importance de quelques-uns de ces principes essentiels à l’exercice de la profession vers laquelle vous vous dirigez. Cette profession requiert des qualités que vous possédez déjà, j’en suis certain, même si vous n’avez peut-être pas encore eu le temps ou le loisir de les exprimer. Je suis confiant, vous aurez à cœur de les mettre en œuvre. J’espère simplement que vous conserverez intacte, durant toute votre carrière, la mémoire des paroles ici prononcées, non que leur valeur serait inestimable, mais parce que j’aimerai qu’elles soient entendues comme un appel, un rappel, à la nécessité, dans l’exercice quotidien de votre métier, d’une vigilance accrue, d’une vigilance de tous les instants.

Agenda

COLLOQUE C.C.I.P ET E.F.B

Nouveautés fiscales 2013 Lois de finances et autres actualités 9 janvier 2013 Chambre de Commerce et d’Industrie 27, avenue de Friedland 75008 PARIS Renseignements : 01 55 65 80 33 www.ccip.fr - etudes@ccip.fr

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2012-896

CONFÉRENCE CONSEIL D’ÉTAT

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CHAMBRE DES NOTAIRES DE PARIS CONFÉRENCE-DÉBAT

De l’union monétaire, à l’union bancaire, quel avenir pour la zone euro ? 29 janvier 2013

Notes : 1 - A. Badiou, Eloge de l’amour, Flammarion, 2009. 2 - Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations. 1776, livre 1, chapitre 2, Economica, Paris 2000, traduction coordonnée par Philippe Jaudel. 3 - J. Barthélemy, La déontologie des avocats aux Conseils in Mélanges en l’honneur de Jacques Boré, Dalloz 2007, p. 8. 4 - A. Comte-Sponville, Morale ou éthique, Lettre internationale n° 13, 1991 : « La morale commande, l’éthique recommande » 5 - Montaigne, Essais. 6 - A. Gide, Souvenirs de la Cour d’assise. 7 - Mirabeau : plaidoyer contre la Dame de Marignane, son épouse in Grandes plaidoiries et grands procès du XVème au XXème siècle, sous la direction de N. Corato, Editions Prat, 2004. 8 - W. Shakespeare, « C’est le métier de tous que de parler de patience à ceux qui se tordent sous le poids de la souffrance », Beaucoup de bruit pour rien, 1600. 9 - A. Deboeuf, « Ne vous plaignez jamais d’un client difficile car il est la cause de vos progrès ». 10 - D’Aguesseau : « Vous qui avez l’avantage d’exercer une profession si glorieuse, d’être placé entre le tumulte des passions humaines et le trône de la Justice ». 11 - Matter, Lettre au Président Marcilhacy, 1930 cité par J. Barthélémy, La déontologie des Avocats aux Conseils, Mélanges Jacques Boré.

Club du Châtelet Place du Châtelet - 75001 PARIS Renseignements : inscription en ligne uniquement www.clubduchatelet.fr 2012-898

UNIVERSITÉ DE NANTES

Evaluation de l’administration de la justice pénale : les nouveaux traitements des délits 7 février 2013 Chemin de la Censive du Tertre - Amphi G 44000 NANTES Renseignements : 02 40 14 16 04 nathalie.bellocq@univ-nantes.fr

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Rentrée solennelle

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Michaël Bendavid

Eloge d’Adolphe Crémieux : un révolutionnaire conservateur par Michaël Bendavid eul, au milieu des stigmates de ses échecs et des vestiges de sa gloire abolie, pris dans le tourment du temps qui s’arrête… Il attend. La solitude : de tous les paysages de l’âme humaine, c’est parfois le plus funeste. Sans doute le misanthrope y cultive-t-il l’apaisement de glace auquel son cœur aspire. Mais pas l’humaniste incarcéré, qui a consacré sa vie à ceux qu’il appelle ses frères. Ce matin du 2 décembre 1851, captif à la prison Mazas en isolement complet, Adolphe Crémieux ne fait pas exception. La veille encore, comme à l’habitude, Victor Hugo et lui devisaient sur le chemin qui mène du palais Bourbon à leurs appartements voisins, rue des Petits-Augustins… Qu’un décret rebaptise bientôt rue « Bonaparte ». Louis-Napoléon devait sortir du présent pour entrer dans l’Histoire ; en place de quoi il a fait l’Histoire, l’histoire d’un coup d’Etat, et ce matin le Garde des Sceaux Adolphe Crémieux couche sur le hamac défraîchi, percé de trous inégaux qu’ont creusés le temps et le froid, qui sert de literie aux détenus de Mazas. Par-delà les barreaux et la cour de la prison disposée en triangle, il contemple impuissant la France s’affaisser sans bruit dans la dictature pour vingt ans. On pourrait le croire en colère. Contre le Président Bonaparte, parjure, qui outrage son serment à la France ; et contre l’homme, LouisNapoléon, dont Crémieux fut l’intime conseil(1), et qui le prive de son épouse Amélie, en ce

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2 décembre anniversaire de leurs noces. D’autres imagineront Crémieux qui médite ses fautes et son aveuglement. Son propre soutien apporté « au candidat à la triste figure », deux ans plus tôt(2), méconnaissant l’exaltation que suscite le seul nom de Bonaparte auprès d’une opinion qu’en bon bourgeois il juge pourtant « souvent naïve, oublieuse, ignorante même, mais fervente »(3). Pour ma part, j’aime à penser qu’il fut fier. Fier que le Prince-Président lui ait prêté tant d’influence qu’il jugeât bon de le faire enfermer. Crémieux libre, le coup d’Etat pourrait échouer ! Crémieux libre, qui sait les foules qu’il saura entraîner ? Alors après les noms de Hugo, de Thiers, de Broglie, de Barrot, de Berryer et d’Arago, après les noms des généraux de la République, l’Empereur aurait inscrit sur la liste celui d’Adolphe Crémieux. Du moins le croit-il. Et sans doute est-ce pour le mieux que Crémieux ne sût jamais la véritable cause de son arrestation. Car son Juda n’est pas un espion du despote. Ni un confrère jaloux. Ni même un amoureux qui convoiterait sa femme… Non c’est elle, sa femme, qui l’a fait enfermer pour conjurer les desseins des « sinistres figures et nuées de bandits » qui veulent « mettre son mari à la tête de la résistance »(4). Les barricades ne lui prendront pas son époux. (…) Comme le poète, « je sais très mal comme l’on cherche les morts. Tant de gestes nous séparent »(5). Comment se faire l’écho d’une voix ensevelie sous un manteau de siècles, même « penché sur la source où son silence se forme » ? Où trouver ce qu’il fut, au-delà de ce qu’Adolphe Crémieux donnait à paraître ? Ses contemporains le décrivent d’un « caractère presque insaisissable, d’une nature fantasque et mobile »(6), et pour son engagement politique, il semble que Crémieux ait choisi d’adopter la posture de l’incohérence.

Par une curieuse alchimie, sa foi sincère dans les idéaux de l’éthique libérale s’amalgame, dans son esprit, « avec le message des prophètes de la Bible »(7). On a dit d’eux qu’ils étaient des « révolutionnaires conservateurs »(8) : l’oxymore se prête bien à IsaacAdolphe Crémieux, de son nom complet. On croit voir en lui l’allégorie de la contradiction : ardemment patriote, mais universaliste ; royaliste qui en 30 ans proclame deux Républiques ; Dom Juan, modèle de fidélité ; dédaignant les Eglises et les prescriptions religieuses, mais qui, croyant, « reconnaît une source à cette intelligence qui dirige le monde »(9). Vaniteux sans doute, mais de cette fierté joyeuse presque naïve qu’on pardonne aux enfants(10). On disait de Crémieux qu’il avait « hérité du privilège de Montaigne, qui savait parler de lui sans offusquer personne »(11). Homme d’action enfin, d’oralité et d’éphémère, mais toujours, radicalement, modéré. Si ce siècle « donnait à l’avocat, selon nos historiens, une allure de martyr », le présentait comme « un enragé frondeur, un faiseur de barricades, un démolisseur de Bastille »(12), Crémieux… n’était rien de tout cela. Pourtant c’est dans de périlleux tumultes qu’il conduisit nos Républiques naissantes. Dans des temps qui n’étaient pas à l’excès de modération ; qui appelaient de la fermeté, de la résolution. Alors faut-il regretter que Crémieux acceptât, et même sollicitât, plus de devoirs qu’il n’en pouvait remplir ? Un premier regard, et l’on croit démasquer dans ces contradictions et revirements incessants la marque de l’opportunisme. Mais il faut douter, c’est le sacerdoce de quiconque veut juger, fûtce des fantômes et la mémoire des morts. Alors, portant le doute en scrupule, ne peut-on restituer une cohérence à Crémieux, et réconcilier les valeurs apparemment contraires qu’il a incarnées ? Comme avant tout verdict, il s’agit de comprendre.

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Rentrée solennelle Et pour commencer, comment un homme qui portait si bien la robe eut-il l’idée d’endosser le costume de ministre ? C’est dans les rues de Damas qu’on retrouve les prémices de sa carrière politique. Damas. Les drames d’aujourd’hui rendent l’exercice pénible - mais il faut imaginer cette Damas peinte par Huysmans, où les derviches expatriés côtoient les colons arrogants. Damas en février 1840. Un prêtre est porté manquant au séminaire de la ville. On le cherche encore aujourd’hui ; déjà à l’époque, on soupçonne le pire. Et voici que le supplice infligé à un triste barbier lui fait confesser une calomnie avant que Dieu ne l’accueille. Le bourreau rend bavard, mais surtout menteur. Sept familles sont diffamées. Les sept sont juives. C’est donc naturellement toute la communauté du pays que le Gouverneur Shérif Pacha accuse de crimes rituels sanglants. La France le soutient. S’ouvre l’Affaire de Damas. Mais c’était compter sans Crémieux, qui avec Montefiore rejoint Le Caire où le Vice-Roi d’Egypte tient audience. Leurs plaidoiries le persuadent. Sans doute aussi, fins Avocats, ontils habilement choisi leur Juge, qui voulait précisément assoir son influence en Syrie, que la Sublime Porte turque conteste. Mais on juge un Avocat à ses résultats. Les innocents sont libres. Alors l’Orient et l’Occident acclament Crémieux, qui triomphe de Damas à Trieste. Metternich le reçoit à Vienne. Il était un Avocat réputé au Palais. Pour toute l’Europe, il est désormais l’adversaire de l’injustice. A compter de ce succès Crémieux est élu, réélu, chaque fois qu’il propose ses suffrages. Mais sur quels bancs pensez-vous qu’il siègera ? Le sait-il lui-même en vérité ? Ses opinions politiques ont dérouté plus d’un biographe. Jugez plutôt : panégyriste du Bonapartisme, élu grâce aux voix des légitimistes, il est profondément attaché à LouisPhilippe l’orléaniste, mais déteste chaque année davantage son Gouvernement, qui « n’e xcite qu’un seul appétit : l’appétit de l’argent » (13). Alors s’il garde son affection(14) pour LouisPhilippe le « roi des barricades »(15), Crémieux n’en est pas moins sévère à son égard : son pouvoir politique repose en principe sur « un contrat, librement consenti » (16) à l’issue des trois glorieuses. Les violations quotidiennes de la Charte de 1830 conduisent Crémieux droit dans l’opposition à la Chambre des Députés. L’opposition ! Mais c’est là que Crémieux siègera ! Jusqu’à sa dernière heure. Pour un opportuniste, voilà qui laisse perplexe. Il prend d’abord, sans succès, la cause des Maronites opprimés au Liban ; puis demande, en vain, l’abolition immédiate de l’esclavage ; veut condamner enfin le travail des enfants, mais là encore, Crémieux s’interroge : combien de frêles cadavres faudra-t-il entasser dans les mines avant que leurs poids ne fassent céder Guizot ? Devant l’échec, Crémieux poursuit sa croisade pour la réforme dans la société civile. Il fonde un hebdomadaire avec Alexandre Dumas, La Nouvelle Minerve. Mais les « Lois de Septembre »

enterrent bientôt ce qu’il restait des libertés de la presse. Le salut n’est pas dans l’écrit, mais dans la parole. Alors Crémieux devient l’orateur le plus assidu, le plus acclamé de la campagne des Banquets, ces sortes d’agapes blanches que l’opposition organise dans toute la métropole, où sont conviés tous les scandalisés de France. Comme eux Crémieux est révolté ! Réformiste !... Mais pas révolutionnaire. C’est dans le « sanctuaire des lois »(17) qu’il veut mener son combat. Une révolution « ne serait qu’un malheur public »(18) pour Adolphe Crémieux le bourgeois, libéral, modéré. Les doctrines « socialistes », dites-vous ? « J’avoue que je ne les ai pas profondément étudiées. (…) : La propriété, la famille, la loi des contrats,(…) voilà mes principes »(19). « Il n’y a pas de classe parmi nous. Proscrivons ce mot qui n’a plus de sens (…). En France, il n’y a que le peuple »(20). Mais voici que le peuple a devancé sa classe politique. Et comme le roi lui-même, persuadé que les parisiens ne font pas la révolution en hiver, Crémieux n’a pas vu le Printemps républicain derrière l’enthousiasme que son éloquence soulève ! « Jugez de sa surprise, se rappelle un contemporain, aux premiers coups de fusil qui retentirent à ses oreilles »(21). Alors ce 24 février 1848, qui figure dans les annales de nos révolutions, ne cherchez pas Adolphe Crémieux baïonnette au fusil. Voyez-le plutôt, entre deux barricades, s’exténuer pour la conciliation, « harassé, débraillé, dégouttant de sueur et souillé de poussière, entortillé d’une longue écharpe (…) mais trouvant sans cesse des idées nouvelles et des mots nouveaux, mettant en mouvement ce qu’il venait de mettre en récit, toujours éloquent, toujours chaleureux (…) Je ne crois pas, témoigne Tocqueville, qu’on ait jamais imaginé un homme qui ne fût plus laid ni plus disert »(22). Oui car Adolphe Crémieux est fort laid – davantage encore, parait-il, que ses photographies le laissent imaginer. Mais chacun s’accorde à dire que lorsqu’il parle « on oublie cette laideur, et qu’on le trouve presque beau, tant sa parole est sympathique »(23). Toutefois la sympathie apaise rarement les cortèges révolutionnaires. Alors Crémieux se rend auprès du roi, qui veut le consulter. Mais il est trop tard. Il claque, désabusé, la porte de la calèche royale derrière Louis-Philippe. La monarchie française a vécu(24). De retour à la Chambre, Crémieux mesure combien la foule est républicaine. Il délibère un instant ses options… Allons ! Comme dit Ledru-Rollin : il faut bien que je les suive, puisque je suis leur chef ! Aussitôt dit, Crémieux surgit à la tribune, demande l’institution d’un gouvernement provisoire « qui éclairera le peuple ! »(25) ; et voici justement cette foule qu’on appelle le peuple, qui pénètre en personne dans le palais Bourbon. La confusion est à son comble. Dans ce tumulte, il faut choisir les ministres de la République. Un député sorti de l’ombre tend une liste de noms à Lamartine, pour qu’il les proclame : « Mais vous plaisantez, je ne peux. Mon nom y figure. » L’humilité du poète, sans doute. Alors la liste passe à son voisin Crémieux, qui la dévisage à son tour : « Cher ami, vous vous

moquez ? Mon nom n’y est pas ! »(26). La modestie de l’avocat, peut-être. Alors la liste est remaniée avant même que le gouvernement ne fût constitué. Crémieux devient Monsieur le Garde des Sceaux, proclame lui-même la République à l’Hôtel de Ville, et inscrit à jamais dans son patrimoine la devise que chacun connaît, « évangile de la raison humaine »(27) : Liberté Egalité Fraternité. Il n’est donc pas déçu de ce régime, qu’il n’aurait certes pas choisi. Liberté, égalité, fraternité : ces trois mots lui suffisent. Quant au reste…République, royaume, empire, tout cela est secondaire. Seuls comptent les valeurs et leur respect dans le droit. C’est aussi l’avis de son épouse, qui écrit dans une lettre : « Mes amies, le rêve continue : votre cousin est nommé ministre de la justice ! A propos, j’oubliais de vous dire : c’e st sous la République qu’il jouit de ces honneurs »(28). Pour Crémieux, son portefeuille est certes un honneur, qu’à l’avenir il prendra soin de régulièrement rappeler à la mémoire de ceux qui l’auraient oublié. Mais – chacun sera juge de la contradiction – il n’est pas de ceux qui savourent le pouvoir quand ils l’ont. Il en préfère l’arrière-goût, une fois qu’il est passé. Pour l’heure, Crémieux se figure son Ministère comme une dette envers son pays. Il y consacre bientôt son immense puissance de travail, tout entier à la tâche qui lui est confiée(29). En quelques mois, les progrès sont certains. D’accord avec le Gouvernement provisoire, il abolit la peine de mort en matière politique(30), rétablit la liberté d’expression, de la presse, des cultes, abolit le délit de grève, et consacre même aux ouvriers un droit d’association. Il offre de naturaliser les étrangers domiciliés en France(31), et surtout, par-dessus tout, cosigne avec Victor Schœlcher l’abolition de l’esclavage. Seul le mariage sera épargné par la réforme. Mme Crémieux, passionnément amoureuse et éperdument catholique depuis sa conversion à l’insu de son époux, ne voit pas le divorce d’un bon œil… et le Garde des Sceaux ne refuse rien à sa femme. Tous les efforts de Crémieux ne changent pas sa nature. Il n’est pas homme d’Etat. Et si dix ans plus tard, tout le Ministère, du « chef de division jusqu’au garçon de bureau, regrettera encore l’administration honnête et paternelle de M. Crémieux »(32), on conçoit que ces éloges n’immortalisent pas un grand Ministre. Très vite il est dépassé par les intrigues politiciennes et rattrapé par son conservatisme. Son souci de concilier chacun l’amène tantôt à rester solidaire de la répression sanglante des soulèvements populaires de juin ; et tantôt à protéger le socialiste Louis Blanc accusé d’en être l’instigateur. Il quitte bientôt, amer, le gouvernement. « Il était temps qu’il sortît de là, écrit sa femme : il n’y aurait pas résisté »(33). Précisément, y a-t-il résisté ? Trop inquiet des flambées anarchistes dont il s’exagère l’importance, voici qu’il consent son soutien à Louis-Napoléon Bonaparte…ce qui le conduit, une trahison plus tard, à la prison Mazas où nous l’avons trouvé. C’est dans cette cellule qu’il jure « de ne jamais remettre les pieds à l’Elysée »(34) ou au Palais-Bourbon. Se porter candidat supposerait de jurer fidélité au Prince renégat. Pourtant son rôle n’est pas encore fini, Crémieux le pressent.

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Rentrée solennelle Mais le temps est venu de se consacrer à sa véritable vocation, celle qui sied à son talent. Comme toutes les consciences politiques de son temps, c’est au Barreau qu’il trouvera refuge. L’avocature est davantage qu’un métier pour Crémieux, elle est son point fixe, une vocation, dans toute la plénitude de sens que ce mot renferme : le désir de devenir et le talent d’y réussir. Ses confrères disaient volontiers qu’ils n’en avaient pas vu parmi eux de plus complet, qui maitrisât mieux que lui toute la diversité du droit(35). C’est en pénaliste d’abord qu’il prête serment, à vingt ans révolus, devant la Cour de Nîmes. Dès le lendemain, on l’y voit aux assises, et de ce jour il prêtera sa voix à tous les réprouvés qui la lui demanderont. Crémieux leur offre sa plus grande qualité : une indignation sans réserve, inépuisable. Jamais on ne l’a vu indifférent, « jamais aucun de ceux qui venaient solliciter un secours, n’a été repoussé »(36). Non pas d’ailleurs qu’il eût la vocation sectaire. C’est aux côtés des victimes de la Terreur Blanche qu’il acquiert une réputation dans sa Provence natale(37). Mais Crémieux est avocat de la défense dans l’âme. Il est aussi de tous les procès politiques, ou plutôt contre les procès politiques, ceux dont les verdicts sont écrits avant le premier jour des débats(38). Chaque affaire, chaque plaidoirie le consume. C’est qu’il a entrevu trop jeune ce qui attend ses clients condamnés. Les Thermidoriens lui ont arraché son père jugé trop Jacobin, l’ont incarcéré et l’ont ruiné pour toujours. On murmure même dans certains ateliers qu’Adolphe fut conçu dans une cellule. C’est dire s’il est sincère lorsqu’il voit dans la perte de la liberté « une peine atroce qui vaut bien la mort »(39). Quant à la guillotine elle-même, Crémieux lui réserve ses réquisitoires. Il est patriote, soit, mais pas de ceux qui « confondent la Marseillaise et l’é chafaud »(40). Aux côtés de Hugo, il plaide contre la peine de mort « qui fait douter de l’humanité quand elle frappe le coupable, et qui fait douter de Dieu quand elle frappe l’innocent ! »(41). C’est beau… Mais convenons-en : on a vu plus sobre ! Comme celle du poète, l’éloquence de Crémieux est celle de son temps, emphatique, théâtrale, mais vive et énergique, toujours improvisée, toujours convaincante, toujours chaleureuse et sincère, elle est ciselée pour l’auditoire, et notamment le jury, auquel Crémieux voue un « véritable culte »(42). Ces combats d’avocat pénaliste, Adolphe Crémieux les perpétue ardemment tout le temps qu’il fut, Mesdames et Messieurs les membres de l’Ordre, votre confrère. Acquérir la charge d’Odilon Barrot, cela supposait d’abord quitter sa province pour Paris. En cela sans doute son épouse Amélie, originaire d’Alsace, ne fut pas étrangère : peutêtre le ciel nîmois toujours bleu lui pesait-il. Toujours est-il qu’à 34 ans, Crémieux délaisse les passions anxieuses qui règnent aux assises pour la rigueur sereine des débats devant les Hautes juridictions. A la Cour de cassation et au Conseil d’Etat,

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Crémieux veut explorer la science juridique, apprendre à convaincre plutôt que persuader ; mais toujours au service des mêmes idéaux de liberté et d’égalité, qui guident le choix des pourvois qu’il soutient. L’égalité d’abord, « le premier, le plus juste, le plus incontestable des droits naturels »(43) pour Crémieux, qui a entendu l’Echo des carrières du comtat Venaissin, berceau de ses aïeux, lui chanter l’injustice dont ils ont fait les frais. Crémieux s’insurge contre un arrêt-blasphème, qui juge que les « hommes de couleur ne doivent pas oublier la distance qui les sépare des blancs » (44) : « Est-ce bien nous, (français), peuple éminemment hospitalier, qui pouvons reprocher à des étrangers les lieux qui les ont vu naître ? »(45). Il exige la nationalité sans détour pour les indigènes des colonies ; conduit la Cour de cassation à abolir le serment d’avocat dit more judaico, dont la formule rituelle archaïque demeurait obligatoire pour les juifs rejoignant le Barreau. Puis il se pourvoit, aux côtés de Gatine, pour les dizaines de martiniquais innocents condamnés à mort, lors du triste procès de la Grand ’Anse. L’actualité du style d’Adolphe Crémieux, Avocat aux Conseils, est admirable. Il ne se satisfait pas des garanties de la loi et rappelle sans cesse aux Magistrats les principes supérieurs qui l’encadrent nécessairement. Il défend ainsi les libertés, et celle de la presse avant tout. Inlassablement, il occupe, dans le nombre infini des procès faits aux journaux – une centaine en quatre ans, pour un seul de ses clients. « Une lutte à mort avec la presse est une pensée de délire », tonne infatigable Crémieux, dont les pourvois sont cependant, pour la plupart, rejetés. Mais l’importance de ce combat est son seul salaire. Lui qui n’a « jamais accepté d’honoraires pour la défense des journaux de l’opposition, (en accepterait) moins encore pour celle d’un journal qui ne partage pas (ses) opinions »(46). En ce compris tel quotidien antisémite, amené à « remercier Me Crémieux pour sa conduite si désintéressée... qui honore (sa profession) »(47). A vrai dire, s’il l’on en croit ses contemporains, Crémieux oublie si souvent d’être payé qu’on en reste perplexe : comment sa charge lui aura-telle permis d’enfin franchir le seuil du cens ? C’est qu’il ne cantonne pas sa clientèle aux prévenus non solvables. Très vite, venu de partout en France, le succès afflue à son cabinet(48) : Mirès, Rothschild, toutes les banques se disputent l’Avocat, résolument moderne, des premiers grands procès de la finance. Crémieux se plonge dans ce « capharnaüm qu’on appelle la Bourse »(49) et le débrouille avec une lucidité que ses adversaires – les seuls vrais témoins de nos qualités – lui reconnaissent(50). Ses plaidoiries, souvent publiées – à la mode de l’époque – font plusieurs centaines de pages – à la mode de l’époque. Crémieux les prononce sans la moindre note(51) : il est béni d’une mémoire qui tient du prodige et que lui jalousaient, à l’école déjà, ses professeurs ; et que plus tard lui envieront ceux de ses confrères dont le dur labeur suppléait au talent. Depuis le collège, Crémieux est porté sur les lettres plutôt que sur les chiffres. Il est le défenseur en titre des artistes(52) : éditeurs,

écrivains, poètes, peintres et sculpteurs se bousculent à son cabinet. Pour eux, il plaide pro bono et même pro domo puisque la plupart de cette clientèle prestigieuse compte parmi les amis des Crémieux. Dans leur grand appartement du XVIème arrondissement, meublé à la mode troubadour la plus obstinément affreuse(53), Amélie Crémieux reçoit Rossini, Chopin, Dumas, Georges Sand, ou Musset, des cantatrices, et la tragédienne Rachel, reine de son temps, pour qui Adolphe joue les Cyrano, dictant ses lettres à cette Roxane qui… récite, mieux qu’elle n’écrit(54). Lors de ces soirées, chacun s’émerveille de l’érudition de Crémieux qui « trouve le moyen de dire, de mémoire et sans broncher », des scènes entières de tous les classiques grecs(55). Ce goût de l’art, les Crémieux le transmettront à leurs proches, et notamment leur nièce, Jeanne, lorsqu’elle n’était qu’une jeune fille en fleurs et pas encore la grand-mère, au « grand visage découpé comme un beau nuage ardent et calme »(56), qui reconnaitra, entre mille, les coups que son petit-fils Marcel portera aux cloisons du Grand Hôtel de Balbec(57). L’avènement de l’Empire a rempli Crémieux d’amertume. Alors pour « oublier les tristesses du dehors » (58), il s’est retiré auprès des siens et s’est réfugié dans les arts qu’il aime avec passion. Mais de toute sa vie Crémieux ne fut jamais oisif. Son salon est un « cénacle consacré à la politique »(59) également, où l’élite libérale se mêle à celle du romantisme. Et à l’issue de ces quinze années consacrées entièrement au Barreau, au théâtre, à sa forêt et à sa femme, il n’était pas question qu’à 65 ans, Adolphe Crémieux se retirât du monde. Bien au contraire. Le moment est venu pour lui « de travailler à la plus urgente, la première des émancipations : celle de l’esprit. Des écoles d’un bout du monde à l’autre ! C’e st le cri de notre époque. (…) L’enfant sera le salut de ces peuples déshérités. »(60) Car si Crémieux fixe au gouvernement le « devoir d’anéantir les préjugés »(61), il n’entretient aucune illusion sur la capacité des dirigeants - des dirigeants de l’époque - d’accomplir cet objectif. C’est donc par l’é ducation qu’il diffusera ses valeurs humanistes. Car à supposer que les hommes naissent libres et égaux, force est de constater que bien souvent la nature oublie de les en informer. Président de l’Alliance israélite universelle, institution plus universelle qu’israélite(62), laïque et internationaliste, Crémieux est à la tête d’un véritable « gouvernement virtuel »(63) et voudrait fonder en Méditerranée les prémices d’une communauté intellectuelle et morale. Alors, demande-t-il, « qui pourra encore déterminer les peuples à s’armer les uns contre les autres ? Pourquoi songer à s’agrandir, quand il n’est plus de barrières entre les nations ? Et ne dites pas : ce n’est là qu’un rêve, une utopie »(64). Laissons-lui les illusions de sa jeunesse – après tout, il n’a que 70 ans maintenant. 70 ans, et le voilà qui court de Turquie en Roumanie, de Serbie en Iran, intervient pour les persécutés, presque chaque fois couronné de succès, ouvre des écoles à Tanger, Tunis, Tripoli, au Caire, Jérusalem et Damas, puis en Perse et même à Bagdad !

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Rentrée solennelle Toujours on y enseigne le français et les idéaux dont il veut faire de cette langue le porte-parole. Qu’elle soit « un encouragement pour ceux qui veulent la liberté et peuvent la conquérir ; (et) qu’elle soit une consolation pour ceux qui l’espèrent mais qui frémissent sous le joug qu’ils ne peuvent briser. La liberté viendra pour eux, promet notre avocat : la France est là ! »(65) Mais la France n’y est pas. Et à l’époque, on peut l’en excuser : elle-même est l’otage d’un Prince. Toutefois la revanche de Crémieux approche.

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Nous sommes à l’hiver 1868, au cimetière de Montmartre. Il neige. On distingue quelques murmures républicains malgré le vent contraire. Ils parlent de figer dans la pierre le souvenir d’Alphonse Baudin, « martyr de la loi »(66), opposant de l’Empire assassiné sur les barricades. Cependant le monument n’est pas du goût du parquet impérial, dont la censure n’épargne ni l’histoire, ni les arts. Déjà Madame Bovary a dû quitter sa province pour le Palais de justice. Mais cette fois-ci c’en est trop ! Les statues « ne relèvent pas de la loi pénale ! S’insurge Crémieux : (elles) appartiennent à l’histoire, qui après que le calme s’e st fait, décide ce que valent les sépultures et les ensevelis »(67). Le débat est porté devant les tribunaux. Surprise générale : Crémieux confie une part essentielle de la défense à son jeune collaborateur, un

inconnu qui n’a pas trente ans. Mais qui s’en étonne : depuis qu’il l’a découvert, salle des pas perdus, il le traite « en véritable fils adoptif », ce Léon Gambetta(68). Et aujourd’hui quand Gambetta plaide, l’auditoire comprend pourquoi. Il fallait l’entendre fustiger en péroraison, comme « Cicéron le faisait de la tourbe qui entourait Catilina, (le ramassis) d’hommes perdus de dettes et de crimes »(69) qui ont permis le coup d’Etat du Prince ! A l’issue de ce médiatique procès de l’Etat, Gambetta a « fait irruption dans l’histoire »(70), son maître a retrouvé par lui le souffle de ses jeunes années, et les deux, ensemble, obtiennent du Tribunal : une défaite bien sentie. Leur client, Charles Delescluze, est condamné. Pourtant c’est l’Empire qui se condamnait, Crémieux le devine. Son crépuscule approche, mais les heures qui le séparent de l’Orient éternel ne seront pas vaines. Pressé par un vénérable qui le présente contre son gré, il est élu député de Paris. A 73 ans, il reprend le chemin qu’il a tracé luimême en 1848, celui qui va du palais Bourbon à l’Hôtel de ville où selon une tradition désormais séculaire on proclame en France les révolutions. Ainsi se fonde la République des Avocats, à l’heure même où l’Allemagne en franchit les frontières. Le Gouvernement de la Défense nationale s’exile à Tours : Adolphe Crémieux en

est, il en prend même un instant la direction. Il y épuise, courageusement, les derniers souffles de ses poumons(71). Mais qui, qui a jugé pertinent de confier à un grand-père pacifiste le soin de conduire la guerre dans le pays envahi ? Ce n’est bien sûr pas qu’il faille lui imputer la déroute française, dont les causes sont nombreuses, mais enfin que diable voulait-on qu’il f ît avec une armée...sinon la haranguer ? Après une paix coûteuse, Crémieux revient à l’Assemblée, où il est plus à l’aise. Les Algériens lui ont confié l’honneur de les représenter. Depuis longtemps Adolphe, qu’on surnomme « Crémieux l’Africain »(72), est cher à ce département. Puis il va au Sénat, et pour la première fois de sa vie, ô bonheur vespéral, Adolphe Crémieux ne siège pas dans l’opposition. Il retrouve dans l’Hémicycle son ami Victor Hugo et ensemble, doyens de leur siècle, le poète et l’Avocat contemplent leurs cadets agités, en bas à la tribune. « Si seulement vous saviez, chuchotait Crémieux d’un sourire tranquille, comme on voit les choses avec sérénité, lorsqu’on a des yeux de quatre-vingt ans »(73). Pourtant il n’a rien perdu de la bonhommie chaleureuse de ses trente ans. On le croise toujours, entouré de jeunes confrères avides de ses récits enjoués. Il avait tant de plaisir à converser avec eux. Clemenceau le décrit, « ce petit vieillard (…) aux boucles de cheveux

Michaël Bendavid, Ronald Maman, Carole Brès et Doud Salmouni Les Annonces de la Seine - lundi 24 décembre 2012 - numéro 78

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Rentrée solennelle blancs » qui a gardé « tant de souplesse, tant de vivacité, tant d’habileté et de finesse enveloppées dans une parole émue et cordiale, qu’il s’emparait (encore), de son auditoire »(74). J’imagine son sourire ravi, sa fierté enfantine lorsque ses pairs l’élisent sénateur inamovible, en reconnaissance du dévouement de toute une vie. Mais cette joie ne vient hélas pas seule. Gustave, son fils unique, précède son père dans la tombe. Puis c’est sa petite-fille Valentine, qu’une fièvre emporte à 21 ans, deux mois après ses noces. La défaite de son pays avait commencé de consumer le patriote. Ces défaites de la vie achèvent de dévorer l’homme et le père. « Aucune des tristesses de ce monde ne m’a été épargnée ces deux dernières années »(75). Des chagrins si cruels forment souvent le terreau prospère de la maladie. Avec elle, la vieillesse rejoint bientôt celui qu’elle semblait épargner(76). Au milieu du désespoir qui l’accable, Crémieux trouve encore la force de soutenir son pays, auquel il fait don d’une moitié de sa fortune en contribution aux indemnités exigées par l’Allemagne. Puis il se rend au Palais de Versailles, protester de son vote contre le putsch que Mac Mahon prépare. C’est sa dernière tribune : « J’ai tout donné à cette chère France (…) Mes sentiments, mon cœur, mon âme lui appartenaient. Il me semble que j’ai pris une bonne part dans ce beau drame et que je puis quitter la scène »(77). Il quitte la Chambre, appuyé au bras d’Amélie. A vrai dire elle soutient son âme plus encore que son bras. Elle, son éternel réconfort(78), compagne de toutes les joies et de toutes les épreuves, objet de son amour intact pendant 56 ans. Puis elle s’en va aussi. Son départ fut « le seul chagrin qu’elle causa à son mari, mais ce chagrin était mortel »(79). Amélie le précède d’un adieu. Dans cette chambre devenue mortuaire dont les murs suintent de souvenirs, Adolphe prostré hurle son nom pour conjurer son fantôme, s’empare des objets qu’elle avait effleurés, les presse sur ses lèvres, y plonge ses prières et son âme, croit entendre une réponse dans un frisson d’extravagance, puis « retombe farouche dans son désespoir, invoquant la mort »(80) face à l’écho qui reste silencieux. Et la mort vint bientôt. Elle fut fidèle à Crémieux la mort, sans apothéose, sans feu d’artifice, à son image, seulement une mort de tendresse et de chaleur humaine, celle d’un « juste plus que d’un héros »(81). « Ce n’est pas souvent qu’un homme d’Etat meurt d’amour »(82). Voici 140 ans que sont ensevelies sous le marbre les inflexions méridionales de sa voix, opprimées par la pierre et le temps. Aujourd’hui l’Histoire a réduit Crémieux à un décret qui semble lui faire perdre jusqu’à son nom. Pourtant sa vie est plus riche d’enseignements que ce viatique de huit lignes. Riche des combats qu’il a portés ; riche de contradictions, sans doute aussi. Mais comme les Prophètes ont retrouvé au-delà des prescriptions bibliques le seul précepte qui fût absolu – l’exigence de fraternité – de même la constance de Crémieux fut sa foi dans l’édifice humaniste de liberté, d’égalité et de dignité, « source de la fraternité universelle »(83).

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Cet édifice, il l’identifia finalement avec la République, qui l’en remercia par des funérailles nationales(84). Ami, confiait-il à Arago au soir de sa vie, « je partirais heureux si notre République était bien, cette fois, définitivement installée » (85). Elle l’était, et ce n’était pas rien de survivre aux tristes sursauts de l’Histoire, car après le siècle des barricades est venu le siècle des excès. Quant au nôtre, qui sait le nom que lui donnera l’Histoire ? Espérons seulement que nous saurons concilier l’inconciliable, discerner l’essence des artifices, hisser nos espérances et nos résolutions au-delà des routines pour élever plus haut l’édifice de nos traditions de droit et de justice. Alors, fort de nos contradictions, peut-être serons-nous, semblables aux prophètes et à Isaac-Adolphe Crémieux, des « révolutionnaires conservateurs ».

Notes : 1. E. de Mirecourt, Crémieux, Paris, éd. G. Havard, 1857, p. 64. 2. D. Amson, Adolphe Crémieux, l’oublié de la gloire, Paris, éd. du Seuil, 1988, p. 270. 3. M. Winock, « Un Bonaparte à l’Elysée », L’histoire, numéro spécial 258. 4. C. de Maupas, Mémoires sur le second empire, Dentu, 5e édition, 1884, p. 351-352. Maupas était préfet de Paris lors du coup d’Etat de Louis-Napoléon : il raconte comment et pourquoi Mme Crémieux lui rendit visite. 5. J. Supervielle, « Le Portrait », Gravitations. 6. E. de Mirecourt, préc. p. 59. 7. D. Amson, préc. p. 281. 8. Selon l’expression d’Ariane Bendavid. 9. Discours d’Adolphe Crémieux prononcé lors de la manifestation du R.E.A.A. du 24 octobre 1878. 10. C. Limet, Un vétéran du barreau parisien, Lemerre, 1908, p. 228. 11. Frédéric Thomas, cité in E. de Mirecourt, préc. p. 50. 12. A. Damien, Les Avocats du temps passé, Henri Lefèbvre, 1973, p. 646. 13. S. Posener, Adolphe Crémieux, Alcan, 1934, t. II, p. 16. 14. A. Crémieux, Procès-verbal de la séance du Consistoire en date du 25 décembre 1836. 15. A. Crémieux, cité in G. Sarut et B. Saint-Edme, Biographie des hommes du jour, Pilout, t. IV, p. 333. 16. A. Dupin, Révolution de juillet 1830, éd. Joubert 1835, p. 22. 17. A. Crémieux, En 1848. Discours et lettres de M. Adolphe Crémieux, Calmann-Lévy, 1883, p. 30-33 et p. 113-117 (lettre aux étudiants du Collège de France suite à la suppression du cours de Michelet). 18. A. Crémieux, En 1848…, préc. p. 46-47. 19. A. Crémieux, cité in S. Posener, préc. p. 99. 20. A. Crémieux, En 1848…, préc. p. 34. 21. E. de Mirecourt, préc., p. 69. 22. A. de Tocqueville, Souvenirs, Calmann-Lévy, 1893, p. 233 (à propos de la journée du 24 juin 1848). 23. E. de Mirecourt, préc. p. 79. 24. V. E. de Mirecourt, préc. p. 73-78 ou encore G. Renauld, Adolphe Crémieux, Homme d’État français, Detrad aVs, 2002, p. 100-102. 25. A. Crémieux, cité in D. Amson, préc. p. 231. 26. L’anecdote est relaté par Tocqueville in A. de Tocqueville, préc., p. 79. 27. Discours de Lamartine prononcé le 10 mars 1948, in A. Lamartine, Alphonse Lamartine, trois mois au pouvoir : 1848. 28. Lettre d’Amélie Crémieux datée du 25 février 1848. 29. G. Renauld, préc. p. 114. 30. Encyclopedia Universalis, « Crémieux Isaac Moïse » (article dont le titre prête au demeurant à Crémieux un prénom inexact). 31. G. Renauld, préc. p. 115. 32. E. de Mirecourt, préc. p. 85-86. 33. Lettre d’Amélie Crémieux datée du 9 juin 1848, in A. Crémieux, En 1848…, préc. p. 266. 34. G. Renauld, préc. p. 143. 35. H. Barboux, Discours prononcé par le bâtonnier de l’ordre des avocats à l’ouverture de la conférence le 20 novembre 1880, Arnous de Rivière, 1880, p. 36. 36. S. Posener, préc., t. II, p. 261. 37. Crémieux tient notamment tête au tristement célèbre Trestaillon. Cf. à ce sujet, par ex. : P.-J. de Béranger, Œuvres complètes, H. Fournier, 1839, p. 101-103. 38. Crémieux se fait connaître lors du procès des ministres de Charles X. Il y défend Guernon-Ranville. Il prendra aussi la défense de Louis Blanc, de l’italien Orsini avec Jules Favre, ou encore des condamnés de « l’affaire des Treize » en 1864, etc.

39. A. Crémieux, cité in S. Posener, préc. t. I, p. 148. 40. A. Crémieux, cité in E. Bionne, Adolphe Crémieux. Liberté ! Plaidoyers et discours politiques, Pichon-Lamy et Dewez, 1869, « Cour d’assises du Gard : La Marseillaise ». 41. A. Crémieux et V. Hugo, La peine de mort. Procès de « L’Evénement », La Librairie Nouvelle, 1851, « Plaidoirie de Victor Hugo ». 42. G. Sarut et B. Saint-Edme, préc. p. 332. 43. A. Crémieux, Colonies. Des articles 1er et 64 de la Charte, Auguste Mié, 1831, p. 9. 44. Ibid., p. 11-12. 45. A. Crémieux, « Plaidoirie pour les frères Bethmann », in G. Sarut et B. Saint-Edme, préc., p. 351. 46. A. Crémieux, cité in S. Posener, préc., t. I, p. 141. 47. Archives israélites, 1844, p. 224. 48. G. Sarut et B. Saint-Edme, préc. p. 342. 49. A. Crémieux, Défense de Jules Mirès, Michel Lévy, 1861. 50. E. de Mirecourt, préc. p. 66. Mirecourt, antisémite convaincu, ne comptait pas parmi les amis de Crémieux. 51. A. Crémieux, Défense de Jules Mirès, Michel Lévy, 1861. Plaidoirie pour Mirès. V. S. Posener, préc. t. II, p. 130. 52. S. Posener, préc. t. II p. 133. 53. E. Bloch-Dano, Madame Proust, Grasset, 2004, chap. 3. 54. Ibid. ; cf. aussi : B. Dussane, « Rachel la tragédienne », Historia n° 134, janvier 1958. 55. C. Limet, préc. p. 328. 56. M. Proust, A l’ombre des jeunes filles en fleurs. 57. E. Bloch-Dano, préc. Chap. 3 ; cf. également J.-F. Viaud, Marcel Proust : une douleur si intense, p. 93. Crémieux fut le témoin de mariage de la mère de Marcel Proust. 58. A. Crémieux, Lettre du 11 juin 1848, in En 1848…, préc. p. 273-275. 59. A. Dansette, Du 2 décembre au 4 septembre, Hachette, 1972, p. 211. 60. A. Crémieux, N. Leven et alii, Appel de l’Alliance israélite universelle du 1er mars 1865. 61. A. Crémieux, Colonies…, préc. p. 14. 62. G. Renauld, préc. p. 151. 63. Ibid., p. 152. 64. A. Crémieux, En 1848…, préc., p. 111. 65. Ibid., p. 112. 66. P. Larousse, Grand dictionnaire universel, « Alphonse Baudin ». 67. A. Crémieux et F. Arago, Le Réveil, 12 novembre 1868, disponible sur www.gallica.bnf.fr. Cf. sur ce sujet : A. Le Normand-Romain, En hommage aux opposants politiques : monuments funéraires ou public ?, Revue de l’art, 1991, n° 94, p. 74-80. 68. Lettre de Léon Gambetta à P. Deschanel en date du 14 février 1862. Gambetta se dit « ivre de joie, les larmes aux yeux » lorsqu’Adolphe Crémieux vint le féliciter. 69 Gambetta se trompe cependant de référence, puisqu’il cite ici Corneille dans Cinna (V, 1) : « Un tas d’hommes perdus de dettes et de crimes / Que pressent de mes lois les ordres légitimes / Et qui, désespérant de les plus éviter / Si tout n’est renversé, ne sauraient subsister ». 70. P. Deschanel, Gambetta, Hachette, 1929, p. 28. 71. R. Cartier, Léon Gambetta, Gutenberg, 1944, p. 266. 72. G. Renauld, préc. p. 148. Chacune des excursions de Crémieux en Algérie est annoncée dans la presse locale. Le Démocrate de Blidah signale par exemple son arrivée en juin 1857 pour défendre RenaudLebon. 73. S. Posener, préc., t. II. 74. G. Clémenceau, La justice, n° 28, jeudi 12 février 1880, disponible sur www.gallica.bnf.fr. 75. Ecrit Crémieux le 12 mai 1872, Bulletin de l’Alliance israélite universelle, premier semestre 1875, p. 36. 76. S. Posener, préc. t. II, p. 116. 77. Lettre d’Adolphe Crémieux en date du 11 juin 1848, in En 1848, préc. p. 274. 78. E. Bloch-Dano, préc. Chap. 3. 79. Archives nationales, cote 369 A P 1, Dr. III, Carrière : discours funèbre de Crémieux prononcé par un avocat. 80. Ainsi qu’un quotidien le rapporte, cité in S. Posener, préc., t. II, p. 263. 81. Selon l’expression de son biographe Daniel Amson, in D. Amson, préc. p. 380. 82. E. Bloch-Dano, préc. Chap. 12. 83. A. Crémieux, Projet de révision des statuts du Suprême Conseil R.E.A.A. 84. E. Bloch-Dano, préc. chap. 12 et D. Amson, préc., p. 280. Cf. sur ce sujet : P. Birnbaum, Les Fous de la République: Histoire politique des Juifs d’État, Fayard, 1992. 85. F. Arago, éloge funèbre d’Adolphe Crémieux, prononcé à la Grande Loge Centrale.

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Rentrée solennelle

Barreau de Metz 5 octobre 2012 Le Barreau de Metz a fêté ses 620 ans ce vendredi 5 octobre 2012, pour cette occasion historique, Madame le Bâtonnier Viviane Schmitzberger-Hoffer et son Vice-Bâtonnier Antoine Fittante accueillaient leurs invités dans l’ancienne basilique romaine de Saint Pierre aux Nonnains (4ème siècle) pour la séance solennelle de Rentrée de la Conférence du Jeune Barreau autour du thème de la « Performance ». Elle a placé au cœur de son propos l’histoire de son Barreau mais a également dressé un constat alarmant de perte de confiance en la loi : « il est inacceptable d’imposer à l’avocat de violer les engagements de son serment et d’ébranler le socle de sa déontologie qu’est le secret professionnel, l’obligeant à procéder à une déclaration de soupçon dans le cadre de la lutte, certes légitime, contre le blanchiment ». Pour conclure elle a tenu à évoquer les espoirs qui vont éclairer d’un jour nouveau la justice de demain, celle qui garantira la présence des avocats aux côtés des plus démunis. Elle a ensuite cédé la parole aux quatre Secrétaires de la Conférence 2012 Maxence Lévy, Laura Cassaro, Mehdi Adjemi et Marine Klein-Desserre que nous félicitons pour leurs talents oratoires, tous sur fond de performance. Jean- René Tancrède

D.R.

Viviane Schmitzberger-Hoffer

Transmission des valeurs par Viviane Schmitzberger-Hoffer

a commémoration du 620ème anniversaire de la création du Barreau de Metz présente de multiples facettes :

L

Réflexion, bilan, projections, et pour moi ce soir, l’avantage non négligeable de me sentir face à ce pan d’Histoire, et devant vous, une fillette. (…) S’il y avait des Avocats à Metz dès le XIIIème siècle, c’est le 1er juin 1392, après que les Avocats eurent déposé leur tableau devant le Tribunal des Treize, qu’est né notre Ordre. Il devenait ainsi une institution de la florissante République messine. Dès lors, les Avocats ne pouvaient plus exercer leur profession s’ils n’étaient pas inscrits à l’Ordre et ils étaient soumis à des règles déontologiques. L’atour du 1er juin 1392 donnait ainsi naissance à l’un des plus anciens Barreaux d’Europe.

Le Barreau de Metz sera conforté par la création, le 15 janvier 1633, du Parlement de Metz sur décision de Louis XIII. Notre Cour d’appel en est l’héritière. Dès le XVIIIème siècle, le Barreau de Metz compte dans ses rangs des confrères qui vont acquérir une notoriété nationale, tels Roederer et Emmery, tous deux parlementaires, conseillers d’État et Pairs de France. Merlin de Thionville et Pierre-Louis de Lacretelle. Au XIXème siècle, le rayonnement du Barreau de Metz était tel, que la veuve et les fils du Maréchal Ney s’adressaient à lui pour le consulter sur les perspectives d’un procès en révision. Dès le début du XXème siècle, Robert Schuman s’inscrit à notre Barreau, qu’il ne quittera qu’en 1945, aux fins de poursuivre la carrière politique que l’on sait. Le Barreau de Metz a connu les mêmes vicissitudes que la Cour d’Appel lors du désastre de 1870. Le Barreau renaîtra en 1922 et il faudra attendre le 15 janvier 1973 pour que la Cour d’Appel soit rétablie en présence de Pierre Messmer, Premier Ministre. Pour commémorer son 620ème anniversaire, le Barreau de Metz a organisé, sous le péristyle de l’Hôtel de ville de Metz, une exposition que j’ai eu l’honneur d’inaugurer hier soir, avec Monsieur Dominique Gros, Maire de Metz. Vous pourrez la visiter jusqu’au 13 octobre. Elle fait revivre, non seulement l’histoire de notre Barreau, mais aussi celle du Parlement et de la Cour d’Appel, puisque leurs destins sont liés. Monsieur le Bâtonnier Cossalter, merci d’avoir conçu cette exposition et pardonnez la liberté que je prends d’informer nos invités de la publication, ce jour-même, du livre dont vous êtes l’auteur : « La Justice en Moselle du Moyen-Âge à nos jours » À tous, j’en recommande chaleureusement la lecture. Vous allez entendre, dans quelques instants, les secrétaires de la Conférence du Jeune Barreau, continuation de la Conférence du Stage.

Celle-ci avait été créée par le Barreau de Metz dès le 6 février 1762 et a disparu avec l’annexion de 1870. Il s’agissait alors de contrôler les connaissances juridiques des Avocats stagiaires et elle ne s’adressait qu’aux membres du Conseil de l’Ordre. Rétablie en 1982, il y a 30 ans, elle est devenue une tribune d’éloquence. 1392 – 2012, vous l’aurez compris, ce n’est pas qu’une date dans une chronologie, mais le symbole de notre active pérennité. Songeons que Christophe Colomb découvrira les Amériques seulement 100 ans après l’acte fondateur de notre Barreau ! Dans son essai sur « l’Identité, la Culture et le Devenir des Avocats », Louis Assier Andrieu, souligne que « c’est à la lumière du passé que l’on peut comprendre les inquiétudes, les doutes et les aspirations de notre communauté professionnelle, placée par l’Histoire, en face de son destin, affrontant, comme l’État de droit luimême, la corrosion de ses valeurs, par les forces des marchés économiques et financiers. » Si notre profession souffre d’une crise identitaire, on n’a cependant guère trouvé de substitut numérique à la confiance dont le client crédite son Avocat, car, figurez-vous que la confiance n’est pas numérisable. On n’a pas non plus trouvé de substitut numérique à l’esprit public et à la conscience commune. Avec d’autres Bâtonniers, nous prévenons : « Attention au chant des sirènes du modernisme qui, du rapport Darrois au rapport PRADA, du vote du CNB au document de travail de la Chancellerie, remettent encore et toujours au cœur du débat même des impératifs supposés de modernité et de compétitivité, le modèle anglo-saxon comme supérieur à notre modèle romano-germanique. » Le Barreau de Metz, comme beaucoup d’autres Barreaux de France a expressément manifesté son hostilité à l’unification des professions du droit, et son opposition massive à la création du statut de l’Avocat en entreprise. Ces projets, qu’on se le dise, ne sont plus aujourd’hui d’actualité pour la majorité du Barreau Français.

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Rentrée solennelle Quelques fluctuations que connaisse notre identité à travers les nombreuses activités nouvelles investies par la profession (avocats mandataires en transactions immobilières, mandataires sportifs, fiduciaires), elle ne se départira pas du principe fondamental d’Indépendance. L’indépendance a souvent pour corolaire la solitude, l’incompréhension et parfois l’ingratitude. Mais l’honneur de l’Avocat, comme celui du Magistrat, a pour prix la solitude. Il leur arrive même d’être, dans la société, un signe rigoureux de contradictions et leur honneur est de l’assumer. Dans la prolongation de nos échanges, Monsieur le Procureur me comprendra et m’autorisera, je l’espère, à penser que nos professions enferment tout à la fois une science, une esthétique, une morale. Étrange destin commun qui suppose un tel raffinement de l’honneur appelé à défendre la vie et à l’accuser, à dénoncer l’injustice et à souhaiter l’ordre, à dominer et à se dominer, à refuser partout, toujours la violence et à démontrer l’exemplarité du droit. C’est au nom de cette indépendance qu’à l’heure du Totalitarisme Numérique nous veillerons à ce que les justiciables que nous assistons dans nos missions d’Avocats soient entendus, conformément aux principes de l’article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et de l’article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, qui toutes deux garantissent à « toutes personnes le droit à ce que sa cause soit entendue publiquement ». Qu’il n’y ait pas de malentendu : par totalitarisme, nous entendons bien, stricto sensu, tout système qui cherche à englober tous les éléments d’un ensemble. Si le XXIème siècle est celui des ruptures, nous devons veiller à ce que la fracture numérique ne devienne pas une fracture d’égalité restreignant le champ des libertés. Défendre en toute indépendance, les libertés individuelles avec la force historique de notre conviction n’exclut pas nos capacités d’adaptation. Bien au contraire. Nous en avons fait, cette année, à Metz comme dans tous les autres Barreaux, la démonstration. Permettez-moi d’en rappeler quelques exemples : - Face à la réforme de la Garde à Vue et au « télescopage » - dirons-nous – de deux normes (judiciaire et législative), l’arrêt de la Cour de Cassation du 15 avril 2011 entraînait la mise en œuvre instantanée de la présence de l’Avocat aux côtés du gardé à vue, durant toute la durée de la Garde à Vue. Nous nous sommes organisés et le 15 avril 2012 à 14 heures, nous étions prêts ! - Face à la réforme de l’hospitalisation sous contrainte promulguée le 6 juillet 2011 pour être appliquée au 1er Août, nous étions prêts. - Face à la contribution de 35 euros - « Dématérialisée » Puis rematérialisée

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Puis à moitié Puis tout à fait Sauf pour certaines juridictions Due par tout demandeur Sauf bénéficiaire de l’Aide Juridictionnelle Sauf si l’Aide Juridictionnelle n’est pas encore accordée Sauf si le Bureau d’Aide Juridictionnelle va très très vite Bref! Une mesure si simple et si juste !!! Que la Chancellerie vient de déclarer il y a quelques jours que « la taxe Justice n’est pas satisfaisante et qu’un autre mode de financement de l’Aide Juridictionnelle est à l’étude » Le Ministère de la Justice ne précise pas encore quel autre mode de financement pourrait être envisagé. Mais la Chancellerie y travaille ! Et nous sommes toujours prêts ! - Face à la vague déferlante et déstabilisante de la nouvelle procédure devant la Cour d’Appel, face à la dématérialisation de l’acte d’Appel. Là encore nous étions prêts ! Et Pourtant, vous reconnaîtrez avec moi qu’il est intolérable que les restrictions budgétaires tendent à nous museler. Il est intolérable que l’impératif économique s’impose comme langue univoque du crétin contemporain. Qu’on se le dise dans les chaumières (Tiens ! Cela rime avec ministères) : plus on menace la vocation première de notre profession, le droit et le devoir de la libre parole, plus nous resserrons farouchement nos rangs. Il est tout aussi inacceptable d’imposer à l’Avocat de violer les engagements de son serment et d’ébranler le socle de sa déontologie qu’est le secret professionnel, l’obligeant à procéder à une déclaration de soupçon dans le cadre de la lutte, certes légitime, contre le blanchiment. D’ailleurs la profession toute entière résiste puisqu’en deux ans, sur un total de 22 856 déclarations, seules deux déclarations ont été faites par un Avocat. Comment, en effet, peut-on presser les Avocats de commettre le délit de violation du secret professionnel ? - Le secret professionnel - L’indépendance - Les règles sur le conflit d’intérêts - Le libre choix du conseil Sont quatre piliers qui fondent notre déontologie et que la Cour de Justice Européenne vient de réaffirmer et de conforter par plusieurs arrêts récents. Et c’est dans le strict respect de notre déontologie que nous sommes en permanence débiteurs de l’adaptation à ce qui nous entoure et devons être « Des Ingénieurs De L’occasion ». Vous savez, l’Année 2013, sera l’année de la Médiation. Cette avancée, nous l’avions anticipée à Metz puisqu’en 2011, des Avocats et des Magistrats ont travaillé ensemble durant huit mois dans le cadre d’échanges et de réflexion qui ont permis, le 6 septembre 2011, la signature du protocole relatif à la Médiation Civile et la création d’une unité de médiation chargée du suivi de ce protocole.

Nous avons ensemble également organisé un colloque sur la « Médiation : Justice à part entière » Je tiens à souligner ce travail car il témoigne de la qualité exceptionnelle des relations constructives que le Barreau entretient ici avec les Magistrats grâce notamment à la personnalité des chefs de juridictions. Rappelons que ces bonnes relations dynamisent en fait l’échange dialectique entre le Magistrat et l’Avocat pour mieux garantir le service de la Justice. Là où le débat contradictoire est aboli, la Justice cède le pas au lynchage, au massacre et sa balance se réduit alors à un fléau. La liberté de la défense est l’âme de la Justice ; sans elle, le verdict est dépourvu de toute force édifiante. Nous œuvrons à résoudre des conflits, n’y ajoutons point d’oppositions myopes et stériles, entre Magistrats et Avocats. Je sais bien que Cicéron considère que « pour une femme, subir les baisers d’un homme qu’elle n’aime pas, et que pour un Magistrat, essuyer les discours d’un Avocat qui l’excède, constituent deux des plus terribles supplices moraux ; que le second apparaît comme le plus douloureux, car la victime n’a point la ressource de fuir. » Que gagne la Justice à semblable commerce ? Non seulement elle n’y gagne rien, mais elle y perd et se perd. Raison promouvoir et raison garder avec un zeste d’imagination pour y parvenir, c’est encore mieux : « La raison, c’est l’intelligence en exercice, l’imagination c’est l’intelligence en érection. » et Victor Hugo sait de quoi il parle. Précisément, parlons de performance. En quoi l’Avocat doit-il être performant ? La performance pour lui consiste à ne pas renoncer à résoudre la quadrature d’un cercle souvent vicieux : de fait, l’honneur de l’Avocat consiste dans une volonté ferme : lui qui est confident de tant d’êtres heureux ou malheureux, s’interdit pourtant de s’identifier avec aucun d’eux et s’en tient à une règle exigeante qu’il s’impose : Ne Trahir Ni Le Client, Ni La Justice. Le discours de la Rentrée Solennelle de la Conférence du Jeune Barreau est un moment privilégié de notre Confraternité. Symbole de la transmission des valeurs que le Barreau de Metz a, à travers les siècles, portées et portera encore, tant il est vrai que la pérennité de notre institution a résisté à toutes les évolutions qu’elle a eu à connaître. Je salue l’Entrée en Scène du Jeune Barreau. Ce jeune barreau à qui, à cet instant, je tiens à m’adresser tout particulièrement et vous voudrez bien me pardonner cet aparté. Mes jeunes confrères, je veux vous rendre hommage car, Sans vous, le défi de la Garde à Vue n’aurait pas pu être relevé. Sans vous, notre participation au service professionnel à travers les permanences, Instruction, JLD, Tribunal Correctionnel, Application des peines, Étrangers, Mineurs, Maison d’Arrêt, CRPC, Hospitalisation d’office… Ne pourrait pas être assuré. Sans votre présence aux côtés des plus démunis, dans des conditions parfois très difficiles, Sans votre parole, Qui Ne Mérite Jamais Le Mépris, la liberté de chacun serait menacée.

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Rentrée solennelle C’est en effet, un concept transversal qui touche des domaines très variés allant de la recherche scientifique, en passant par l’art contemporain et la macroéconomie, jusqu’à la gestion des ressources humaines, le fameux « management dans l’entreprise ». C’est surtout un outil au service d’un objectif.

Maxence Levy

D.R.

4. Ce cadre ainsi posé nous amène au cœur du problème

La performance par Maxence Lévy

La véritable question n’étant pas de savoir comment être performant mais pourquoi l’être. Il est facile de comprendre comment devenir performant. On peut aisément identifier les nombreuses techniques permettant d'acquérir ce précieux diadème. L’entrainement acharné pour les sportifs parfois ô rarement, aidés par quelques substances illicites. L’amélioration des taux de marges par la réduction des coûts de production pour une entreprise digne de ce nom. Ou encore pour l'Avocat, l’achat d’une robe éblouissante cumulé d'un passage éclair à la conférence du jeune barreau permettant d'avoir les juges, bien naturellement subjugués par la qualité de la prestation, définitivement acquis à sa cause.

1. Rien de mieux qu'un bon rail de coke pour se plonger corps et âme dans l’exercice

5. La question certes plus épineuse mais ô combien plus intéressante du pourquoi requiert beaucoup plus d'attention

Ce soir plus que jamais je dois être le plus convaincant. Je dois être au firmament ! Il me faut par tous moyens possibles et accessibles être énergique, percutant, réactif, en restant un minimum sensé. Après tout il va bien falloir me démarquer du lot puisque nous sommes quatre ce soir !

Pourquoi doit-on être performant ? Sans doute anodine, mais loin d'être innocente, cette question s'adresse à chacun d'entre nous. Ce soir, c’est à moi que je la pose. Sans me prétendre fin psychologue ou sociologue que je ne suis d’ailleurs pas, je me contenterai de deux observations pour tenter de comprendre un phénomène pas si contemporain.

2. Cette entrée en matière, à peine exagérée pourrait à elle seule illustrer de la meilleure façon les méandres de notre sujet

6. Enfonçons d'abord une porte ouverte

Nous sommes réunis pour vous faire la critique ou l'apologie, selon la sensibilité propre à chacun qu’il n’appartient à personne de juger, d'une notion, d'un concept, d'un art, d'un outil ou d'une technique. La performance. Tout un culte, tout un mythe ! Mais avant d'entamer l'exercice, encore faut-il être en mesure d'en cerner précisément les contours. Une bonne donc brève définition n'est jamais inutile et a cet avantage de poser les jalons du raisonnement proposé.

3. Qu'est donc la performance ? Dérivé du verbe anglais « to perform » qui signifie accomplir, la performance est un accomplissement ou pourrait-on dire un aboutissement de la personne dans un domaine bien déterminé. Mais la performance est une notion bien plus vaste, qui ne se rattache pas qu’à la simple dimension individualiste que l’on connaît tous.

On doit être performant d'abord et avant tout parce qu'on veut l'être. Oui, j'ai envie d'être performant ! Vous me direz que c'est un comportement des plus naturels qu'on ne saurait me reprocher. Plaisir enivrant de la reconnaissance de ma grande valeur par les autres, volonté d’exprimer pleinement mon potentiel, sensation d'accomplissement et de perfectionnement dans un domaine, qu'il soit professionnel, sportif voire même social. Je suis socialement performant car j'ai plus de 1 000 contacts sur Facebook ! Mais c’est bien normal. Dans un monde où la publicisation de la sphère privée devient la règle je n’ai certainement plus envie d’être l’anonyme de service. Toutefois, s'arrêter à ce stade dans la réflexion est insuffisant voire frustrant car très superficiel. C'est vrai ! Mon délire mégalomaniaque n’explique pas tout. Alors, pourquoi diable ai-je fondamentalement envie de devenir le plus performant ! Lorsque je tente de répondre à cette question à travers le prisme très mince de ma vie passée, une raison, parmi tant d’autre semble émerger.

Même assoiffé par ma propre sécheresse, acculé dans mes derniers retranchements, et finalement au bout de l’impasse, j'ai, vous, nous, bref, l'homme n'a jamais pu oublier l'essentiel. Il est né pour mourir. Partant d'un tel postulat, il ne lui reste plus que la manière de vivre, seule chose qui n'échappe pas, ou du moins pas toujours à son contrôle. Vivre mieux, plus longtemps, et dans de meilleures conditions est devenu l'objectif primordial. Outil à l'origine, la performance est devenue la cause, l’objectif au service d'une illusion, une chimère destinée à se rassurer sur son propre sort. Avoir ainsi la sensation d’être touché par la grâce ! Réussir sur terre semble être mon passeport pour la suite de mon parcours. Et pour ceux qui n’y croient pas, c’est fondamentalement la même chose. Après tout, puisqu’il n’y a rien après, autant en profiter tant que ça dure ! A chaque époque de l'humanité, cet objectif s'est traduit de milles manières. Chasser mieux, cultiver plus vite, conquérir plus facilement, synthétiser les connaissances, produire plus, produire mieux pour gagner plus, puis, récemment, découvrir que l'on peut gagner beaucoup plus sans rien produire et cela grâce à de simples formules mathématiques et autres jeux spéculatifs, s'enrichir au détriment des autres, consommer à outrance pour s’épanouir, et quitte à s'épanouir mieux, prolonger de quelques minutes l'acte charnel grâce à de simples pilules bleues. Vous l’aurez compris, la performance atteint les sphères les plus intimes de l’individu… L’homme devient enfin son propre patron. C’est un rêve américain à lui seul. Suis-je heureux pour autant ? Peut être pas. Mais qu’importe puisque je m’améliore sans cesse, au risque de faner trop vite. Pas le temps de s’attarder sur mon bonheur, que de multiples comprimés savamment dosés et à avaler quotidiennement se chargeront de m’apporter. La dépression ? Phénomène très bien connu chez le performant qui a tout pour être heureux mais rien pour le devenir.

7. Cette conception individualiste et endogène suffit elle à expliquer le phénomène ? À nouveau, je ne le crois pas. On doit être performant parce que c'est également ce que l'on exige de vous. We Need You. C'est le système de la méritocratie dans une logique jusqu'au boutiste ! Aujourd'hui tout se mesure à la performance ! Nous avons même été capables non pas de donner mais de créer le bâton pour nous faire battre avec nos très vénérées agences de notations, qui s’attèlent à cette noble tâche chaque jour. Productivité, compétitivité et rentabilité sont devenues les maîtres du jeu. Notre époque la plus contemporaine en est la démonstration implacable. Gilbert, Parson, Lynn et bien d’autres ont proposé des modèles de mesure de la performance.

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Rentrée solennelle Taylor l’a transposée à l’entreprise et le constat fut sans appel : croissance et profit coulaient à flot ! Dans cette optique, il était inenvisageable de prétendre pouvoir s'en passer !!! Affirmer le contraire aurait été d’une hypocrisie monstrueuse. Et de toute évidence, personne, je dis bien personne, n'a les moyens de s’y soustraire puisqu’il en va de la survie même de nos systèmes modernes de production et finalement de notre mode de vie actuel. La performance est devenue la seule valeur morale et marchande à laquelle tout le monde adhère. Aucune profession, pas même celles censées être les plus désintéressées, n'échappe à la règle : même le médecin se doit d’être performant, ce qui tend d’ailleurs à conditionner l’ampleur de sa rétribution ! Cela frise l'absurde. C'est de manière générale la politique du citron : Tant qu'il y a du jus, on presse ! Mais est-ce notre faute lorsqu’on risque d’être jeté aux oubliettes et perçu comme un pestiféré si les objectifs ne sont pas atteints ? Aucun club n’a envie de passer en Ligue 2 et encore moins en national…

8. Et surtout que faire ? Comment dénoncer la performance, dans une société qui l'a érigée en véritable graal. L'idée même de vouloir avertir ses compagnons d'aventure des dangers du concept est prise dans un piège mortel.

de revanche sociale, la performance aura eu raison de moi. L’ascenseur social des immeubles HLM étant bien trop souvent en panne, j’ai dû emprunter l’escalier. Au-delà de l’instruction, au-delà du théâtre, nourrie à l’école de la vie, j’ai dû partir du plus loin pour viser l’élite, je suis sortie du crassier et j’ai endossé bien des rôles avant de vous donner ma plus belle réplique. La performance est devenue la force de l’enfant du charbon. Il apparaît bien que ce soir elle ait rattrapé nos egos. La lanterne étant mon seul guide, j’ai abîmé mes élytres sur les bancs de la faculté de droit, déterminée à endosser le costume noir. Faire le bien, aider les autres, combattre l'injustice, être le Monsieur Pro Bono des romans de Johan Grisham : tels étaient mes idéaux. Mais chemin faisant, confronté au réel, poussé par la peur de faillir, j’en suis presque venue à renier ses principes. J’ai parfois l’impression de me farder en putains du monde de l’entreprise.

D.R.

Laura Cassaro

La compétitivité par Laura Cassaro nfant des quartiers populaires du bassin houiller, petite fille d’immigrés siciliens je n’ai eu d’autre choix, que d’aller au charbon dès mon plus jeune âge. Soif

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Car il faut être redoutablement efficace, efficient et compétent pour parvenir à convaincre les plus grands adeptes des travers du phénomène. Chaque mot doit être employé judicieusement. Chaque phrase doit être percutante. On se rend compte alors que le mal ne peut être combattu que par le mal. Je dois devenir plus performant que les performants pour leur démontrer les failles du système. Mais alors, je deviens comme eux ! Pire, je suis la preuve parfaite que la démonstration est impossible puisqu'en voulant dénoncer l'idée, j'en deviens le complice. Comment sortir la main de l'engrenage alors que j'y ai déjà laissé le bras. Quelle attitude adopter ? Comment agir ? Prôner l'oisiveté, la paresse et la lenteur ? La solution semble alléchante… Être l'adepte du célèbre mais souvent naïf Wait & See ? Trop facile… Prévenir des dangers de la performance sur la santé à la manière des messages très efficaces apposés en grandes majuscules et en caractère gras sur les paquets de cigarettes ? Performer tue ! Performer peut conduire à l’apparition de graves troubles psychotiques ! Dans « Les temps modernes », Charlie Chaplin avait déjà appréhendé les données du problème en critiquant les effets psychologiques dévastateurs d’une course effrénée à la performance. Dans un autre domaine, certains préfèrent finir premier sur le podium quitte à mourir l’année suivante d'un cancer.

Pas d’alternative. Il faut se positionner dans un contexte concurrentiel. Mais le trop concurrent tue la performance. 2 300 heures facturées par an. L’Avocat collaborateur joue la course contre la montre. Ordinateur portable, BlackBerry, téléphone mobile et pourquoi pas sac de couchage. Nul n’échappe au sort du débutant. L'Avocat sacrifie son identité sur l’autel de la performance et s’éloigne de son éthique: il devient son nombre

Dans un registre moins grave, Dominique Strauss Kane lui-même est la preuve que l'on peut être victime de sa performance ou en l'espèce de sa contre performance.

9. Pardonnez mon jeune âge, je n’ai pas encore eu le temps d’explorer toutes les pistes Mais je pense que se contenter d'observer et de prendre du recul sur le jeu dont on est souvent le pion consentant ou non, est un bon début. Dans ma mise en abîme introductive, certes caricaturée, je devais prendre de la cocaïne pour être le meilleur afin d’écraser les autres. C'était là ma première erreur. Car, c'est bien notre complémentarité qui fait notre force. À nous quatre, nous tâcherons de prendre à rebours concurrence et individualité si chère à notre profession, pour parvenir à dépasser cette idéologie déshumanisante et vous faire redécouvrir le véritable sens de la performance. Celui d’une utopie nous faisant croire que seuls nous ne sommes rien, mais qu’ensemble nous sommes plus puissants que le concept économique de la main invisible développé par Adam Smith. N’ayons pas peur de redevenir un peu rouges. Mais au-delà et en y réfléchissant bien, un simple changement de perspective pourrait bouleverser l’ordre établi. Je ne suis pas né pour mourir, je suis né pour vivre.

d'heures facturées. Stress, fatigue, manque de sommeil. Quel est l'imbécile qui a conçu une manière pareille d'exercer le métier juridique ? Des compteurs en marche : vous prenez un dossier, vous vérifiez la montre – vous passez un coup de fil, vous notez la durée – vous assistez à une réunion, vous décomptez les minutes. Faut-il être, ou pire, paraître performant pour exister aux yeux de son client et de sa famille professionnelle ? Entre la performance et l’apparence de la performance, le mensonge tisse sa toile. Il faut s’y résigner, la déshumanisation de la profession est sur les rails…Le management par les résultats est à la mode, la culture du résultat doit être diffusée. 2 050 : les Avocats sont sur le point de perdre totalement la maîtrise de leurs actions et missions au profit des machines qui pensent et rédigent à leur place. Il faut tenter de reprendre le contrôle ou bien la robotisation de la profession sèmera le chaos et aboutira à sa suppression, et partant à celle des libertés individuelles. Eh non, il ne suffit pas d’être un génie juridique et d’avoir un talent oratoire pour être un bon professionnel. Quelle technique organiser pour contribuer au développement de la structure mais surtout répondre le plus rapidement possible aux besoins du client ? Efficace et pas chère, c’est la justice à distance que l’on préfère.

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Mehdi Adjemi, Laura Cassaro, Viviane Schmitzberger-Hoffer, Marine Klein-Desserre et Maxence Levy Le Réseau Privé Virtuel des Avocats, magique RPVA, intègre une solution de télétravail et de mobilité permettant de gérer les dossiers à distance où et quand on le souhaite, le tout dans le plus strict respect de sécurité et confidentialité. C’est oublier un peu vite que le boîtier NAVISTA imposé aux Avocats ne garantit pas la confidentialité des échanges, viole la libre circulation des services et le droit de la concurrence. Cette connexion à la galaxie Avocat procurera toutefois à ses futurs actionnaires une manne financière comparable à celle des actionnaires de Google, si un dépôt de bilan ne vient pas faire exploser la navette en plein vol. Compétitif, toujours plus compétitifs. Une seule solution : la dématérialisation. Adapté au rythme des technologies, l’obligation de disposer d’un domicile professionnel est graduellement remplacée par l’obligation de fournir une adresse électronique. L’Avocat futuriste dans son cabinet virtuel. C’est fort accommodant, il n’y a pas à se soucier du ménage ni de la maintenance du bureau. Pratique indigne ? Une concurrence économique assurément inéquitable. 50 % à 60 % de gain par rapport à une structure traditionnelle. Optimiser son mode d’exercice pour une meilleure qualité de service. 75 % du développement de clientèle se fait sur les réseaux sociaux. L’Avocat web 2.0 alimente son fonds de commerce via Twitter, s’adresse directement à ceux qui ont de l’influence : journalistes, blogueurs, association et peut espérer dépasser à l’instar de lady gaga, les 25 millions d’abonnés ou le buzz en seulement 140 caractères du vaudeville TWITTER WEILER…Des contacts par vidéoconférence pour encore plus de performance. Une pincée de légèreté au bout du clavier et les sentiments sont dématérialisés en naviguant sur attractive world : site de rencontre pour célibataires exigeants. STOP à la tournée des bars en quête de rencards ringards. Le bonheur est décidemment dans l’octet !

Le tout électronique ne pas connaître la crise. Affranchissons-nous des monopoles ! Levons les barrières tarifaires : Postuler c’est tabou, on en viendra tous à bout. Abolition des frontières ! Place au marché mondial du droit ! Le résultat est devenu notre éthique. Faîtes bref Maître. Dupont Moretti n’est plus le seul à s’offusquer… Les Magistrats ne nous entendent plus…après tout ne sont-ils pas les seuls dont le serment est dépourvu d’humanité ? Terminées les demandes de renvois, finies les plaidoiries, faire appel est devenu le parcours du combattant : l’Avocat et le justiciable désertent les prétoires. La justice stakhanoviste voit le jour et la présomption de culpabilité triomphe. A coup d’enquêtes bâclées, l’engrenage du chiffre condamne à des peines à la chaîne ! 7h30 d’audience, 23 prévenus, 19 minutes par personnes, 50 mois de prison ferme, 49 de sursis avec mise à l’épreuve, 1 Travail Intérêt Général, 6 ans d’interdiction du territoire, 100 jours amendes à 15 €. Il faut rapidement un résultat sous peine de délocalisation en Chine ! Même si le trop de promptitude mène à l’erreur ou au déni de justice. Patrick Dils 1 million d’euro, Outreau ou le Tchernobyl judiciaire 7 millions d’euros, un mort. Contaminé par le chiffre, l’Avocat change d’état d’esprit. Devenu l’intermittent du procès, il se veut présent sur tous les fronts. Plaider moins pour gagner plus. Du conflit au compromis, il porte un regard nouveau sur sa relation au client par le droit participatif et collaboratif et usurpe le rôle du juge. Il intervient dans les transactions immobilières, endosse le rôle d’agent sportif, d’agent artistique, d’Avocat fiduciaire, d’Avocat commissaire au droit et même d’Avocat en entreprise : le diable s’habille désormais en Michel Prada. Il perd son identité et devient, à l’image du plombier polonais, un simple prestataire de service participant à la paupérisation de sa profession. La relation au profit est devenue la pomme de discorde. La conception du sacerdoce est aujourd'hui en passe d'être remplacée par la notion de service et de résultat. Eris a frappé.

De l’éclat de la robe noire, il ne reste que le deuil des vertus et des illusions humaines…Un être humain est un être vivant, sociable avant d’être un sportif ou un être efficace. L’oublier c’est devenir barbare et il y a fort à parier que ce que l’on comprend le moins dans une idéologie du résultat, c’est l’humain. Il est hélas devenu évident aujourd’hui que nos performances ont dépassé notre humanité. L’Humain fait de nous des êtres sensibles, la Performance nous réduit au statut d’automate sans âmes en lutte constante pour la survie du plus fort. L’Homme crée la machine mais la machine finit par contrôler l’homme. Tombé dans la spirale infernale, il en est réduit à fonctionner au lieu de vivre et faire vivre ses causes et ses rêves ! Inventée par l’Homme, pour sublimer sa mort, La Performance n’est qu’un mythe qui le conditionne à son insu. Il n’y a rien au fond de réel que l’humanité et pour paraphraser Proust sans humanité ni performance durable ni performance honorable. La véritable performance ne consiste-t-elle pas à s’oublier soi-même pour s’ouvrir à l’autre ? L’Avocat refait le serment tous les jours d’exercer ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité. C’est à coups de grisou qu’ il devra combattre sa déshumanisation par le chiffre et conserver l’image vertueuse de l'auxiliaire indépendant qui, au gré de ses luttes glorieuses contre l'ignominie et l'arbitraire, dans sa défense des libertés et des causes perdues, a inspiré confiance et sincérité. La sincérité qui est le fonds de commerce de l’Avocat. Plus l'Avocat sera amarré à la vie du droit dans son ensemble, respectueux de l'intégrité de sa fonction et de son éthique : plus il restera un auxiliaire de justice et non un auxiliaire du marché, plus il redeviendra lui-même : la bête noire condamnée à plaider au nom de l’Humanité. Car en définitive, l’Humanité seule est condamnée au progrès à perpétuité.

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Rentrée solennelle

D.R.

Mehdi Adjemi

Se battre pour l’autre par Mehdi Adjemi our un concours d’éloquence, en voilà une première ! La Performance ! Je m’en nourris ! Je m’en abreuve ! Je l’injecte dans mes veines… Elle m’envahit. Elle m’excite !

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Je vis continuellement dans un monde de compétition où je cherche à atteindre le maximum de mes capacités, à obtenir le meilleur de moi-même. Me surpasser, telle est ma devise. Crainte d’inappétence mentale pour mon intellect et peur de l’anorexie physique pour mes petits muscles. Vivre dans le rouge, faire monter l’aiguille dans les tours de mon compteur psychologique, j’aime, j’adore ! Performance, soif de puissance, enivre-moi ! Devient passion, exalte-moi surtout lorsque je gagne de façon inespérée un procès de roumains voleurs de cuivre. Addictive dites-vous ? Peu importe, c’est ma drogue dure. J’admire, je vénère les performeurs surtout ceux qui dansent sur l’é cran noir de mes nuits blanches. Je suis le produit de la pensée unique de l’écran plat. Star Academy, The Voice, Eurovision, performeurs de la voix ! Master Chef, Top Chef, Un diner presque parfait, performeurs de la cuisine ! Des chiffres et des lettres, Qui veut gagner des millions, Loft Story, performeurs de la culture ! Mes vainqueurs préférés, ceux de Question pour un champion, mes idoles ! Mon livre de chevet, Télé Z, le référentiel des performeurs. Télé Z n’est cependant rien face à la plus audacieuse, la plus lourde aussi des bibles des

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performeurs : l’indétrônable Guiness des records où les critères de performance sont excessivement variés et multiples, mais surtout où l’on pourrait y lire que Chuck Norris a compté…jusqu’à l’infini…deux fois ! Mes ennemis, les commentateurs lors des évènements sportifs qui me donnent l’impression que nos athlètes français ne sont que des freluquets aux bras moins long au javelot, aux cuisses fluettes au 100 mètres, aux pieds foulés au football, aux fessiers peu galbé au saut en hauteur. Laissez mes petits génies du sport s’exprimer, laissez la performance s’exprimer sur ma télé. Certes, l’anglais nous surpasse parfois, sa réussite ne tenant peut-être qu’à la délectation de pâtes à la confiture plutôt que de cuisse de grenouilles avec une pointe de moutarde. D’accord, le chinois nous humilie tous par un subtil mélange de menace à la colombienne, d’absence de sentiments à la russe et d’un communisme exacerbé en menant des écrasantes victoires lors des Jeux Olympiques. Je modifie mon postulat : la performance est relative et procède d’une équation dont les termes ont été préalablement posés, par moi-même. Ma démarche ? Une stratégie, des objectifs et des indicateurs. « Rendement intellectuel d’une personne, rentabilité intellectuelle ou résultats musculaires d’un individu. » Telle pourrait être la définition que l’on pourrait y lire dans The Adjemi’s International Dictionary, édition DELUXE. N’en déplaise à certains, ma capacité à atteindre un but désiré est exponentielle. Je ne supporte pas l’échec, le succès rien que le succès, je t’aime…moi non plus. Performance ! Performance ! Performance ! Performance ! Ha ! Performance de la stupidité, Obsession des temps modernes ! Il y a de ces performances qui nous rassemblent : - la performance sportive d’une victoire de la France en 1998 qui nous fait oublier, un temps, nos différences physiques, religieuses, sociales, ethniques. - la performance picturale d’un Picasso, dans Guernica, dont les pleins et déliés parviennent à faire ressurgir l’humain au-delà de la douleur et de la violence. - la performance technologique d’internet qui nous rapproche, croit-on, de nos êtres chers exilés dans des contrées lointaines. Il y a celles qui nous stressent quotidiennement : - la performance économique mesurée par des agences de notation dont les critères sont aussi abscons que la théorie de la relativité et son corollaire la récession. - la performance professionnelle qui nous renvoie à la peur de perdre ou pis de gagner. - la performance sexuelle qui se mesure à l’aune d’une raideur inversement proportionnelle à la profondeur des sentiments. - la performance énergétique qui cache mal l’angoisse du désastre écologique qui s’annonce.

- la performance de production par crainte du manque, de la famine et de la pauvreté. Il y a celles qui sont purement inhumaines parce qu’elles nous renvoient l’image honteuse et défigurée de l’Humanité : - la performance de destruction qui flatte la pulsion de l’homme et guérit de la peur de l’autre : déplacement ethnique, extermination méthodique de celui qui est différent. - la performance absolue de l’arme nucléaire qui préfigure la fin de toute forme de vie sur la planète. STOP ! La performance, nous l’avons trompée ! Elle n’a plus de sens ! Elle n’existe même plus ! Nous l’avons assassinée ! L’usage immodéré du mot « performance » a brouillé nos repères et agit comme un anesthésiant sur nos consciences. On croit posséder le trousseau de clés qui permet d’accéder à cette notion essentielle. Mais les apparences sont trompeuses ! La clef est bénarde, elle ne tourne que sur ellemême et n’ouvre aucune porte. La performance ne s’impose pas d’emblée comme une vérité imparable. La complexité qui façonne notre société s’accorde mal aux réponses simplistes. Voyager aux confins du territoire de la performance et tenter de le quantifier, c’est ouvrir la boîte de Pandore. Nous l’avons tous ouverte et la performance s’est volatilisée, évaporée ! Nous l’avons réduite à l’état d’illusion, de mirage de la civilisation ! Je ne la connais que trop bien cette performance, moi à qui on a cessé de rebattre les oreilles avec des « tu peux mieux faire », « dépasse-toi », « surpasse-toi », « sois le meilleur si tu veux réussir un jour ». Ma performance individuelle est devenue au fils du temps une inhibition à la solidarité réduite à sa plus simple expression : un résultat éphémère dont j’ai oublié très rapidement la portée et la teneur. Cette idée compulsive de me surpasser m’a poussé parfois, trop souvent même, à écraser mes semblables pour les dominer, les dépasser. Elle m’a catapulté dans un monde purement égocentrique. Elle m’a rendu ingrat. Elle m’a fait faire de mauvais choix, oublier des amis, et a fini par me perdre ! Pourquoi en suis-je arrivé là ? Alain Ehrenberg a posé le diagnostic de ma pathologie : les mœurs d'une société se modifient quand ses modèles politiques institués ne fournissent plus de solutions crédibles aux problèmes majeurs auxquels elle est confrontée et quand les utopies de la société idéale disparaissent. La question de la performance n’est plus qu’une question de jugement de valeur individualiste. Moi le métisse, l’étranger, je ne le sais que trop bien mais refuse trop souvent de le voir. Nombrilisme à petite dose dans la performance collective, telle est la recette que le plus grand des cuisiniers français, Bernard Loiseau, nous envoie de son paradis. La performance collective, association de performances individuelles solidement entrelacées, est salutaire, elle est le seul et unique catalyseur de réussite. Un de nos plus grands penseur sportif, Zinedine Zidane, nous disait que « Les performances

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Rentrée solennelle individuelles, ce n’est pas le plus important. On gagne et on perd en équipe. » Ce constat empli de bon sens marseillais est sans doute le remède à l’utopisme ! Ma conviction est désormais faite : on ne peut se juger ou être jugé que sur sa performance sociétale, sa capacité à jouer son rôle d’acteur au sein de la société. La performance doit donc avant tout être inscrite dans la durée et pour le bien de tous. Une société performante se juge d’abord à sa capacité à traverser ses crises morales, économiques, financières, à faire face aux

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Marine Klein-Desserre

Le dépassement de soi par Marine Klein-Desserre « Je sais pourquoi tant de gens aiment couper du bois. C’est une activité où l’on voit tout de suite le résultat. » Albert Einstein

changements de situation tout en sachant faire la part des choses, à trouver le tempo pour évoluer et temporiser toutes les pressions provenant de l’extérieur. Vous l’aurez compris, la performance n’est rien si elle ne sert que soi. La performance individuelle c’est souvent celle qui nous fait croire plus grand, plus fort, plus beau, plus respectable que nous ne le sommes réellement. Mais c’est aussi celle qui nous rend parfois plus hautain, plus méprisant, plus jalousé.

Lorsque l’obsession de la performance conduit au surmenage de l’athlète au travers du dopage, lorsqu’elle stigmatise un problème général des sociétés occidentales, la consommation additive, lorsque par des techniques médicales, elle interroge sur l’é volution humaine …. Ne devrait-on pas s’en détacher ? Pour être performants, Abandonnons tout d’abord l’idée folle d’être nous-même. Tests de personnalité, questions d’un manichéisme frustrant et rituel de la lettre de motivation manuscrite : Je suis passée sous scanner en vue d’établir mon « profil psychologique ». Personnalité et performance entretiendraient parait-il une relation étroite. Si je veux être Magistrat, je dois me montrer impassible. Fonctionnaire de police, ferme et respectueux. Avocat collaborateur, dévoué, rentable et docile. L’adaptabilité semble le nouveau signe de l’intelligence, ce qui revient au final à prétendre que plus j’ai de personnalité, moins je suis compétent… En réalité, nos recruteurs se rassurent en définissant un profil idéal de candidat. Quelle erreur ! Ils évitent ainsi de s’engager personnellement. Car choisir ne veut plus dire prendre des risques. Prendre un risque est inacceptable, puisque c’est accepter de peut-être se tromper, c’est accepter de ne pas être en permanence à l’apogée.

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Sous prétexte de performance, on abandonne le courage de croire en ses intuitions en se cachant derrière un paravent pseudoscientifique. La science, au service de la performance, partout, tout le temps.

L’idéologie de la performance personnelle traverse désormais notre société toute entière. Sommes-nous tous pour autant condamnés à devenir des fidèles de cette nouvelle mythologie du dépassement de soi ?

Même l’administration est contaminée par la culture des résultats. L’instrument crée pour la toiser ? La LOLF. « Loi organique sur les lois de finances » qui institue un pilotage par objectifs des services, fondés sur des résultats chiffrés. En d’autres termes moins technocratiques, Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se mesure. La LOLF, ou l’éléphantiasis de la performance. Taux de dépistage positif d’alcoolémie, nombre de reconduites à la frontière d’étrangers en situation irrégulière, taux global d’élucidation des crimes et délits… Mais aussi taux de troupeaux de poules pondeuses pour lesquels un germe de salmonella a été identifié, nombre de retombées de presse pour la maison de France à l’étranger.

n sortant sa règle, son chrono, ses statistiques, ses taux de rentabilité, l’homme moderne a inventé des outils lui permettant de célébrer sa nouvelle religion : la Performance. Diagnostic de performance énergétique, indice de performance environnementale, même le budget de l’Etat a son site baptisé « Forum de la performance », et nos Ministres ont reçu une grille d’évaluation de leur travail. Rationalisation légitime ou culte du résultat ? La pensée antique, portait l’idée de finalité, d’une nature pourvoyeuse d’ordres et de normes, interdisant à l’homme l’idée de progrès infini. L’homme moderne se pense désormais selon un progrès constant, son ambition réside dans la perfectibilité.

Se battre uniquement pour soi-même ne vaut rien. Se battre pour l’Autre et par là-même pour soi, là est la réponse aux maux de notre Humanité. Ce que notre Humanité recherche désespérément, c’est le bonheur. Alors vivons la performance collectivement, avançons ensemble, combattons ensemble et le désir de se surpasser retrouvera tout son sens. Nous découvrirons sur la ligne d’arrivée qu’il n’y aura pas qu’un vainqueur mais que des vainqueurs, pas un homme... mais l’Humanité toute entière…

A Chaque mission, sa médaille. Notre Justice doit elle aussi être performante. Dans une main un glaive, dans l'autre une balance, un bandeau lui couvrant les yeux ? Ce temps-là est mort : Dans une main un ordinateur, dans l’autre une calculatrice, une loupe devant les yeux. La Justice est lente, débordée…qu’à cela ne tienne, la Lolf ne crée pas moins de 60 indicateurs, mis en place théoriquement pour sonder son fonctionnement, en répondant aux attentes des citoyens. En réalité, les indicateurs sont flous, voire absconds. Le culte de l’indicateur moyen sur la France entière par exemple que l’on retrouve de façon absolument générale… L’enfer est pavé de bonnes intentions. Faute d’analyser les détails, les indicateurs masquent les scandales. En quoi l’indice moyen des affaires traitées par magistrat permet-il d’améliorer à la fois la qualité de la Justice et les couts afférents ? Puisqu’il ne révèle pas, par construction, que certains Magistrats terminent leurs audiences en veilleurs de nuit alors que dans la juridiction voisine les dossiers sont expédiés… en quelques dizaines de minutes… Si vous cherchez bien, Vous trouverez encore le curieux indicateur du taux d’évasion hors établissement pénitentiaire imperturbablement fixe, qui côtoie le taux de mise à exécution des peines, quasiment aussi invariant…Que mesuret’on ici, si ce n’est l’autosatisfaction administrative ? Et que dire des mesures de maitrise des coûts ? Là encore, la performance ne peut s’apprécier qu’à prestations égales. L’affaire AZF aura coûté la bagatelle de 1,5 millions d’euros, 3 millions auront été dépensés pour l’incendie du Tunnel du Mont Blanc et encore 5 millions pour le rapatriement du Bugaled-Breizh… Aux antipodes de ces montants astronomiques, l’Avocat intervenant en aide juridictionnelle, se verra généreusement octroyé 8 unités de valeur, soit 193,60 euros, pour défendre un homme devant le Tribunal correctionnel, ces unités incluant bien évidemment : - La consultation du dossier si celui-ci est accessible, - Le recopiage des pièces essentielles lorsque la demande de copie n’a pas été faite au moins 3 mois à l’avance, - Les rendez-vous avec le client, sa famille, l’assistance sociale, le psychologue voire l’interprète,

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Rentrée solennelle

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C'est un fabuleux cadeau que nous venons de recevoir : une vie en plus ! La bombe longévité risque néanmoins de provoquer une crise sociale et économique sans précédent. Peut-on vraiment retarder l’inéluctable ? Quel sens donner à ce nouvel âge ? Jusqu’où résister à son destin ? Dans ce monde qui n’aspire qu’à la performance, est-il légitime que des légions de séniors gorgés de vitalité aient acquis le droit à l’oisiveté ? Que dire des autres…de ceux qui ne s’expriment plus, de ceux qu’on ne voit plus. Les progrès scientifiques se mesurent-ils au taux de remplissage des maisons de retraite ? Ces mouroirs où on laisse dépérir sans conscience ceux que l’on prétend encore traiter comme des humains ? La longévité n’est qu’une prolongation inconfortable de la peur de la mort. Rien ne ressemble plus à la mort que la peur qu’on en a.

Mehdi Adjemi, Laura Cassaro, Marine Klein-Desserre et Maxence Levy - La construction de l’argumentaire, - La plaidoirie, - Et très accessoirement les interminables heures d’attente dans la salle d’audience… Ce ne sont ni dans les frais de justice ni dans les indemnités versées aux Avocats qu’il faut rechercher des économies. L’efficacité de la Justice ne peut se juger que par des critères complexes pas toujours quantifiables et non comme une entreprise dont un indicateur unique, le profit, permet de dire si elle est performante ou non. Saint-Louis rendant la Justice sous un chêne, prototype lointain de la puissance régalienne et de la justice de proximité, se rattachait-il à un quelconque « programme » ? La culture du résultat dans l’administration est nécessairement réductrice. Et, Elle s’accompagne de son corolaire : le développement des primes de résultat et de rendement. L’adage « Travailler plus pour gagner plus » n’épargne désormais plus le monde judiciaire. Prime dite modulable et désormais prime d’intéressement à la performance collective, le rendement des Magistrats, autrefois indépendants et désintéressés, est à présent récompensé. En gratifiant les uns, la prime stigmatise les autres. Pis, elle le fait à partir de critères faussés car le montant ne tient bien évident compte ni de la difficulté technique des dossiers ni de leur épaisseur… Le culte de la performance franchit également les portes des salles d’audience. A coût de barèmes indicatifs, de peines minimales obligatoires, la personnalisation décline au profit de l’homogénéisation. Le Magistrat du futur distribuera une peine qu’un tableau a plusieurs entrées lui dictera automatiquement.

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Plus de surprise, plus d’aléa, à chaque coup, BINGO, on perd. L’idéal cède sa place à l’objectivité scientifique. La vérité parfaite devient le Saint Graal. Le doute ne profite plus depuis longtemps à l’accusé… Capable de résoudre des enquêtes à partir d’un minuscule fragment d’ADN, la justice a d’admettre que, parfois, elle ne sait pas. Le principe de précaution, développé à l’extrême, permet alors de justifier des placements et des délais de maintien en détention provisoire toujours plus longs…. La détention provisoire est l’exception : la belle maxime apprise sur les bancs de la faculté n’est plus qu’une légende… Mes idéaux de jeune avocat se sont vite évaporés : combien sommes-nous à encore oser plaider la relaxe, au bénéfice du doute ? Car une justice performante se doit de trouver coûte que coûte un responsable. Trop souvent, on détourne en effet le regard et feint de se sentir responsable des victimes. En réalité, tout au plus, se place-t’on le temps d’une mascarade, devant elles. Des sorcières de Salem à l’affaire d’Outreau, la rumeur monte et la haine vis-à-vis de l’agresseur s’installe. L’agresseur ment et la victime dit toujours vrai. L’attention se déplace du traumatisme à la victime. Version laïcisée des martyrs et des saints, la victime nous permet en réalité de contenir notre peur obsessionnelle du crime. Une justice performante est celle qui livre à la curée un coupable aux victimes. Mais le culte de la performance ne s’arrête pas là, et il s’engouffre également dans notre vie privée. La santé a remplacé le salut. 3 produits laitiers par jour – 30 minutes d’activité physique quotidienne– 8 heures de sommeil par nuit – 1 verre d’alcool tout au plus : notre existence toute entière est médicalisée. Pour quel résultat ? La Longévité ?

Injonction culpabilisante, la performance me condamne à n’être définie que par elle. Les ressorts contraignants de cette idéologie ont déjà forgé ma courte vie. Je ressens ses effets pervers : addiction au travail, esprit de compétition, frustration, honte de l’échec… Je suis tombée dans le chaudron de la performance, j’ai appris à y nager mais suis condamnée à rester dans l’eau. Née prématurément de parents pas tout jeunes, c’est la fée-performance qui s’est penchée sur mon berceau. Travaille bien à l’école, sinon tu finiras gardienne d’oie…Voilà comment mes parents illustraient pour moi la pression sociale qui pesait sur leurs épaules. L’épanouissement personnel ne pouvait passer que par le dépassement de soi. Que dire de mon maître de ballet russe qui maintenait une cigarette incandescente sous ma jambe pour m’obliger à la lever toujours plus haut ? Que dire aujourd’hui de cette vision de la femme du 21ème siècle qui s’impose à moi ? Carrière, famille, amis, passion : je ne conçois plus de sacrifier la moindre partie de ma vie. Suis-je pour autant une victime de ce culte ? Non, j’ai fait le choix d’y adhérer. Je suis le dépassement, je ne vis que pour ça. Pourquoi, pourquoi toujours aller jusqu’au bout ? J’sais pas. C’est comme ça. Aller plus loin ! Toute une vie pour gravir des échelons, tenter des prouesses, frôler des records. Tous les jours. L’effort, la fatigue, la pression, c’est ma grandeur. Me dépasser, c’est grandir. Je n’aime pas les limites, je n’aime pas les frontières, je n’aime pas le temps qui emprisonne, je n’aime pas l’espace qui nous noie, je veux repousser le temps, maîtriser l'espace, échapper à la gravité, je veux aller au sommet de moi-même, je veux aller voir plus loin, plus vite, je veux voler. Mes ridicules victoires me donnent des ailes. Qu’importe le reste, je m'envole pendant quelques secondes, je vole.

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Société

Club du Châtelet Projet de loi sur le mariage des personnes de même sexe - Paris, 18 décembre 2012

Mardi dernier, Françoise Héritier, anthropologue et Professeure au Collège de France ainsi que Jean Hauser, Professeur émérite à l’Université Montesquieu-Bordeaux IV, étaient les invités du « Club du Châtelet », ils furent accueillis par son Président Alain Lambert, ancien Ministre et Conseiller Maître à la Cour des Comptes, et par Christian Bénasse, Président de la Chambre des Notaires de Paris ; les débats furent animés par Catherine Carély, Première Vice-Présidente de la Chambre des Notaires de Paris, le thème retenu pour cette conférence fut l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe. Cette notion de « mariage pour tous » a pour conséquence directe « un toilettage » important du droit de la filiation et une redéfinition du « mariage. Nous publions ci-après le discours du Président Bénasse. Jean-René Tancrède

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Catherine Carély, Jean Hauser, Françoise Héritier et Christian Bénasse

Une nouvelle conception de la famille par Christian Bénasse 'est une habitude pour le Club du Châtelet de porter un regard sur les questions d'actualité. Il y a dans cette salle beaucoup de Juristes, les Notaires et la plupart de leurs invités. Pour cette nouvelle édition du Club, nous ne pouvions faire autrement que de traiter la question de la loi sur le mariage concernant les personnes de même sexe et ses différentes implications. D'abord parce qu'il a été indiqué que la loi allait réformer une grande partie du Code civil et des textes sur lesquels nous Notaires travaillons. C'est vrai, mais nous sommes un peu habitués au changement dans ce domaine; et il n'est pas

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illogique que le droit évolue, il faut néanmoins en apprécier toutes ses conséquences. En second lieu, cette réforme porte sur la conception fondamentale de la famille telle que nous la connaissons et telle que nous l'accompagnons depuis plusieurs siècles. Si, en notre qualité d'Officier Public, nous appliquons loyalement la loi, en notre qualité de conseil des families dans tout ce que ce conseil a de plus sensible, nous ne pouvons que prendre part aux débats d'idées et nous enrichir des réflexions qui sont développées depuis maintenant plusieurs semaines et qui le seront encore, je n'en doute pas, pendant encore de nombreuses semaines. C'est ainsi aussi que nous pourrons apporter notre modeste pierre à l'édifice, comme nous avons commence à le faire. Pour nous éclairer, nous avons retenu deux personnalités d'horizon different. Ce n'est pas une habitude du Club, mais il nous est apparu

indispensable de ne pas nous cantonner aux questions d'ordre juridique pour évoquer les questions d'ordre anthropologique, qui sont essentielles dans le débat actuel. Frangoise Heritier a bien voulu accepter de participer à notre Club dans cette perspective. ll s'agit, Madame, d'un grand honneur que vous nous faites. Vous êtes en effet considérée comme une des principales disciples de Claude LevyStrauss auquel vous avez succédé au College de France , et dont vous avez été l'élève. Vous avez, dans le cadre de vos multiples travaux, beaucoup étudié la question des families, de la parenté et du role des femmes. Vous avez pris parti a ce titre dans le débat actuel, et vous y avez apporté le fruit de votre experience, cornme de votre regard particulier sur ces différentes questions. Jean Hauser, vous êtes un habitué du Club du Chafelet puisque vous êtes une des très rares personnalités a intervenir pour la deuxième fois dans cette enceinte. Vous êtes professeur émérite de droit privé specialise en droit de la famille et des personnes. Vos travaux ont largement inspire la réforme de la legislation du divorce notamment et la loi du 26 mai 2004. Vous vous êtes également exprimé sur le projet de loi gouvernemental et ses consequences. Vous allez selon l'habitude du Club effectuer tous les deux un exposé liminaire, mais je vais laisser maintenant la parole a Catherine Carely, Premiere VicePrésidente de la Chambre, qui va mener avec vous deux les débats, et qui va donner ensuite la parole a la salle. Nous sommes désireux d'avoir un débat bien évidemment à la fois franc et apaisé, sans concession a la polémique, mais non plus sans tabous.

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Société

Académie catholique de France** Déclaration solennelle sur la situation actuelle des Orientaux chrétiens Paris - 13 décembre 2012

Jean-Luc A. Chartier, Avocat au Barreau de Paris, nous a communiqué la déclaration du 13 décembre 2012 de l’Académie catholique de France, dont il est le Secrétaire Général, qui exhorte le Gouvernement français et les Etats membres de l’Union Européenne à intervenir afin que les droits des Orientaux chrétiens soient respectés conformément à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Nous la publions ci-après. Jean-René Tancrède a situation tragique continûment imposée depuis plusieurs décennies aux chrétiens qui sont nés et vivent au Moyen Orient a désormais atteint un degré d’inhumanité intolérable. Elle exige, avant le point de non-retour, un réveil immédiat des consciences et une mise en mouvement accélérée des corps de décision politiques et associatifs. La douleur quotidienne des déplacements imposés aux familles, les menaces aggravées qui pèsent sur la vie des personnes, les angoisses permanentes des lendemains incertains quant au logement, à l’emploi et à l’éducation, ont fait de communautés entières, pour l’unique raison de leur appartenance religieuse, des groupes relégués dans la marginalisation civique et internationale*. Il faut y insister : dans la plupart des pays musulmans où la laïcité est comprise comme un concept étranger, les chrétiens relèvent de facto d’un statut à part, en certains lieux officiellement abrogé mais officieusement observé : la dhimmitude (c’est-à-dire l’ensemble des relations entre la communauté islamique et les indigènes juifs et chrétiens). Ce statut fait d’eux des citoyens de seconde zone (à l’exception du Liban), alors qu’ils ont historiquement joué et jouent encore un rôle important en faveur de la culture et de la démocratie. A travers eux et les discriminations dont ils sont l’objet, c’est aussi bien la présence du christianisme sur les terres de sa naissance, voici deux millénaires, qui est en jeu. La mort physique ou l’émigration y constituent pour l’heure les deux réponses fréquemment sollicitées au mot d’ordre tenace, expressément revendiqué ou soigneusement dissimulé : « Disparaissez ! ». Cette situation, entend-on depuis longtemps, ne saurait durer. Mais, prisonniers de stratégies géopolitiques qui les dépassent, les Orientaux chrétiens éprouvent le cynisme des discours édulcorés et des rhétoriques de circonstance, produits par des puissances étatiques et nombre de leur relais diplomatiques, accentuant leur sentiment d’impuissance. Pourtant, certains musulmans résidant dans ces mêmes pays n’hésitent pas à affirmer, tel Mohamed Kabbani, mufti (sunnite) de la République libanaise lors de la visite récente du pape Benoît XVI au Liban : « Nous appuyons

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votre appel à préserver leur présence dans le monde arabe lancé aux chrétiens du ProcheOrient (…) et pour l’égalité de tous les citoyens, en droits et en devoirs, sans discrimination aucune, religieuse, confessionnelle ou raciale, que ce soit ». Il se trouve qu’en outre, dans cette même région, certains musulmans, qu’on appelle modérés en raison de la priorité qu’ils accordent à la vie spirituelle sur la conquête sociopolitique, sont eux-mêmes menacés, voire assassinés.

Les chrétiens doivent pouvoir affirmer leur foi, invoquer leur identité religieuse, exercer leur culte sans que leurs communautés soient assimilées aux communautarismes. La vie commune suppose un traitement identique de tous les citoyens et le respect d’un pacte social défini selon les principes de liberté et d’égalité. Tout particulièrement, la liberté religieuse implique la liberté de culte, mais aussi la liberté de conversion religieuse. En ne se limitant pas au seul fait de leur identité culturelle et sociologique, les chrétiens approfondissent le sens de leur propre vocation et vivent dans les dimensions d’universalité, de justice et de paix qu’elle comporte. Ils peuvent d’autant mieux contribuer à la promotion du bien commun et de la dignité humaine. Ils nous offrent ainsi, à nous Occidentaux, un modèle de proximité et de fraternité entre les différentes familles religieuses. En surmontant leurs propres divisions et en engageant un processus renouvelé de dialogue interreligieux sincère, ils

mettent en relief ce qui les unit entre eux et avec tous les hommes. Dans de telles conditions, dont la complexité paralyse trop souvent l’action, l’Académie catholique de France en appelle au Gouvernement français pour qu'il entreprenne sans tarder, si possible en coopération avec les Etats membres et les institutions de l'Union Européenne, sinon de sa pleine autorité, les démarches qui s’imposent pour que soient respectés les droits des Orientaux chrétiens à vivre en citoyens de plein exercice et notamment à pratiquer leur religion librement, sans contrainte ni limitation, conformément à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme,. Nous considérons qu'il y va de l'honneur de notre pays, la France, et de toutes les familles d’esprit qu’il réunit.

* En Irak, on comptait avant 2003 1 200 000 chrétiens ; ils sont aujourd’hui à peine 400 000, les plus pauvres d’entre les pauvres. En Egypte, les chrétiens représentent officiellement environ 10 % de la population du pays, soit 8 à 10 millions de coptes, mais sans doute moins ; ils sont désormais très inquiets de leur sort. La République islamique d’Iran enregistre 135 000 chrétiens dont 20 000 catholiques, soit moins de 0,3 % de la population. Ils tentent de se faire accepter. Près de 150 000 chrétiens, soit 2 % de la population totale, vivent en Israël. Ces citoyens, des arabes, reçoivent la nationalité israélienne ; ils sont à Jérusalem incités à quitter la ville. En Jordanie, les chrétiens représentent moins de 6 % de la population, soit 350 000 dont 120 000 catholiques. Depuis 2003, ce pays a accueilli un nombre important de réfugiés irakiens dont beaucoup de chrétiens. Au Liban, les chrétiens constituent 38 % de la population, soit 1,5 million, très majoritairement maronites. Même si leur rôle est important, la crise économique, les tensions politiques et les attentats poussent chaque année plusieurs milliers d’entre eux à quitter le pays. Dans les territoires palestiniens, le discours islamiste majoritaire associe les 60 000 chrétiens, soit 2 % de la population, à l’ « Occident », aux « croisés » et désormais aux « envahisseurs américains ». Victimes d’un harcèlement économique, ils rejoignent la diaspora palestinienne notamment aux États-Unis. En Syrie, les chrétiens constituent 4,5 % de la population, soit moins d’un million. Si leur liberté de culte est garantie par la nature laïque du régime syrien, elle est encadrée par des limites quant à leur accès à des postes de responsabilités administratives et politiques. Les événements actuels de guerre civile nourrissent une très forte inquiétude sur leur avenir proche. ** Cette déclaration a été rédigée avec le concours de l’Agence Internationale Diplomatie et Opinion Publique, et l’Ordre du SaintSépulcre de Jérusalem.

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Vie du droit

Droit et Procédure Assemblée Générale - Paris, 19 décembre 2012 L’Assemblée Générale Annuelle de l’association « Droit et Procédure » s’est tenue ce mercredi 19 décembre 2012 dans la Bibliothèque Haute de l’Ordre des Avocats de Paris, ce fut l’occasion pour le Président Stéphane Lataste de dresser un bilan des actions menées depuis trois ans, son mandat s’achèvera à la fin de l’année, il a su, avec talent, détermination et clairvoyance, défendre les intérêts de sa profession et étendre le rayonnement de l’association « Droit et Procédure », nous lui adressons nos amicales félicitations et souhaitons pleine réussite à sa consoeur Julie Couturier qui lui succèdera le 1er janvier 2013 . Ancienne Vice-Présidente de l’Union des Jeunes Avocats de Paris et Membre d’Honneur de la Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats, cette brillante avocate a prêté serment le 1er mars 1995 et fut Membre du Conseil de l’Ordre de Paris en 2009/2011, pour la dernière année de son mandat elle fut nommée, par le Bâtonnier Jean Castelain, Secrétaire du Conseil de l’Ordre. C’est une spécialiste du contentieux civil, des procédures civiles d’e xécution, des saisies immobilières et du droit des successions. C’est la deuxième femme Présidente de l’association « Droit et Procédure » après Jacqueline Beaux-Lamotte en 1996, nul doute qu’elle poursuivra le travail de modernisation entrepris par ses prédécesseurs notamment l’ouverture aux jeunes, à l’international et aux cabinets d’affaires. Jean-René Tancrède

protocole conclu l’an dernier avec la participation active des membres de notre Association, en particulier auprès des Magistrats qui sont venus nombreux dans l’amphithéâtre de la Maison du Barreau.

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Stéphane Lataste

L’appel sans avoué, vos questions, nos réponses

Rapport Moral Par Stéphane Lataste (…)

Réunions Nous avons participé ou organisé, l’année dernière, plusieurs réunions : L’évolution du procès à l’heure de la communication électronique

En qualité de contributeur, es-qualité de Président de Droit et Procédure, je suis intervenu, avec un de nos administrateurs, à une réunion publique, au mois de mars, sur « l’é volution du procès à l’heure de la communication électronique », qui consistait, sous l’égide de l’ENM et de l’EFB, à présenter à un public de Magistrats et d’Avocats la teneur du protocole d’accord conclu entre le Barreau et la Cour. Le Bâtonnier Jean Castelain et Monsieur le Premier Président Degrandi nous ont honorés de leur présence et ont tenu des propos plein d’allant, ce qui était assez normal venant des deux principaux artisans de ce protocole. J’y ai pris une part pédagogique pour expliquer les tenants et aboutissants de cet accord, tandis que notre confrère Grandjean, membre du conseil d’administration de notre Association, est venu parler au public de l’é volution des plaidoiries devant la Cour : je tiens à souligner le grand succès de ce « service après-vente » du

Le 4 avril suivant, a été organisée une réunion intitulée « l’appel sans avoué, vos questions, nos réponses », 3ème volet d’un cycle de 3 conférences sur l’appel, commencé le 8 juin 2011. Nous avons inauguré, à l’occasion de cette réunion d’information, une nouvelle formule consistant non pas à délivrer une information ex cathedra, mais à tenter de répondre aux préoccupations très concrètes de nos confrères. Pour ce faire, nous avons mis en place un groupe de travail réunissant l’ensemble des participants à la réunion à venir, et avons lancé une invitation aux membres de l’Association (et au public, via des affiches) à poser leurs questions pour que nous préparions les réponses à y apporter au cours de la réunion. Cette formule a eu un grand succès et, grâce à Véronique Jeandé, nous avons réussi à mettre au jour toute une série de questions qui nous ont paru devoir recevoir une réponse. La réunion s’est donc tenue autour d’Emmanuel Jullien, ancien avoué, qui a bien voulu coordonner les travaux préparatoires et mener les débats de la réunion qui, vous l’avez compris (comme les plaidoiries) se voulait très « interactive ». A la tribune, pour répondre à nos préoccupations, Madame Nathalie Métier, greffière en chef à la Cour d’Appel de Paris, et qui est depuis, malheureusement, partie poursuivre sa carrière à la Chancellerie. Celle-ci a bien voulu, sous un angle très pratique, nous faire part de son expérience quotidienne à l’heure de la mise en œuvre des réformes de la procédure et plus particulièrement, de la communication électronique. Monsieur le Président Pascal Chauvin, Président de Chambre à la Cour, qui a longtemps été Conseiller à la mise en état, nous a apporté son éclairage scientifique, technique, et … plein d’humour, ce qui ne gâche rien. Enfin, désormais incontournable, Maurice Bencimon que beaucoup d’entre vous ici connaissent puisqu’il anime le B.A.P.A. (Bureau d’Aide à la Procédure d’Appel) mis en place par le Barreau de Paris au moment de la réforme, et qui à l’époque n’était pas encore membre de notre association (ce qu’il est devenu depuis) a bien voulu nous faire part, lui aussi, de son expérience quotidienne, tout cela avec la fermeté, la bonhomie et la redoutable efficacité que tous ceux qui l’ont approché lui connaissent. Cette réunion a attiré énormément de monde

avec 325 inscrits, et nous avons travaillé à l’édition d’un cahier reprenant les travaux des 3 réunions sur l’appel des 8 juin et 6 octobre 2011 et, donc du 4 avril 2012 qui a été, pour des raisons que vous comprenez, assez compliqué à établir puisque cela nécessitait une forme de synthèse mal aisée pour éviter les redites et que pour la dernière des 3 séances, l’interactivité des débats qui avaient été enregistrés, obligeait à reprendre lourdement ce qui en ressort pour en faire un compte-rendu écrit : notre ami Emmanuel Jullien s’est, une fois n’est pas coutume, surpassé, qu’il en soit remercié. Titrer et recouvrer les créances en Europe

Deux mois plus tard, le 1er juin 2012, nous avons organisé avec l’AAPPE, un colloque d’une matinée entière intitulée « titrer et recouvrer les créances en Europe ». Je dois m’attarder sur cette réunion qui marque le rapprochement concret de Droit et Procédure avec l’AAPPE, dont beaucoup savent la proximité, pour ne pas dire le cousinage : l’AAPPE est la « cousine de province » de Droit et Procédure, à moins que Droit et Procédure soit la « cousine de Paris » de l’AAPPE. Plusieurs membres du conseil d’administration de l’AAPPE sont issus de Droit et Procédure, et non des moindres puisqu’Alain Provansal, son Président de l’époque, et Jean-Michel Hocquard, ancien Président de Droit et Procédure, en font partie. Tous ici connaissent la bonne humeur, l’allant et l’humour d’Alain Provansal, et c’est en sa compagnie que j’ai coprésidé cette réunion passionnante au cours de laquelle Julie Couturier et Cécile Ranjard-Normand, nos deux administrateurs, ont pris la parole aux côtés de Jean-Michel Hocquard, ancien Président de Droit et Procédure et Administrateur de l’AAPPE, Emmanuel Joly, désormais président de l’AAPPE, et Alain Provansal, ci-devant Président de la même association. Les travaux de cette réunion ont tellement plu à notre confrère, le Bâtonnier Jean-Jacques Forrer qui préside à la délégation des Barreaux de France à Bruxelles, que les actes du colloque ont été intégralement publiés dans « l’Observateur de Bruxelles », son organe d’information. C’est vous dire la qualité des travaux qui ont été présentés, leur haute technicité et leur côté pratique. 117 personnes s’étaient inscrites à ce colloque, une centaine y ont participé, ce qui est peu, mais sans doute ceux qui ont renoncé à nous rejoindre savaient-ils que nous publierions dans cette très belle revue qu’est l’Observateur de Bruxelles les travaux de grande qualité qui se sont tenus ce jour-là.

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Vie du droit Que chacun des participants en soient remerciés. Et surtout, que l’AAPPE soit remerciée d’avoir bien voulu lancer, avec Droit & Procédure, ce cycle de conférences qui aura lieu chaque année, alternativement à Paris et en Province, à l’initiative de l’une puis l’autre des Associations, sur des thèmes choisis conjointement, car c’est dans la complémentarité, et non dans la rivalité, que nous pourrons poursuivre le but que chacune de nos Associations se sont fixé de venir en aide à nos confrères. Nous avons profité de l’été et d’une réunion du conseil d’administration délocalisé à Aix en Provence pour recevoir Monsieur Alain Provansal au cours de nos travaux, et lui redire notre amitié et la détermination de Droit et Procédure de continuer d’œuvrer en ce sens. Je voulais publiquement à nouveau lui rendre hommage à ce sujet. Actualité de la procédure civile et des voies d’exécution

Enfin, à l’automne dernier, Denis Talon et Antoine Genty, tous deux anciens Présidents de Droit et Procédure, et Julie Couturier, sont venus aux côtés de Sonia Cohen-Lang et Yves Lorrain, ancien membre du Conseil de l’Ordre, présenter à nos confrères, en hommage à JeanClaude Woog, un colloque d’une matinée intitulé « actualité de la procédure civile et des voies d’exécution », co-organisé par Droit et Procédure et l’EFB. Cette formation très pratique a attiré énormément de confrères qui se sont tous manifestés après la formation, pour faire connaitre leur satisfaction de l’enseignement dispensé, tant par sa qualité que par son humour, légendaire pour ce qui concerne Julie Couturier, Denis Talon et Antoine Genty. Il y a peu de temps encore, le 8 novembre, un peu comme la réunion que j’é voquais tout à l’heure sur la présentation du protocole d’accord avec la Cour, nous avons réuni nos confrères autour de la présentation du vademecum 2012, c’est-à-dire, pour parler un français moderne, le « le guide des bonnes pratiques entre le Tribunal et le Barreau ». Vous vous souvenez que depuis le Bâtonnat de Francis Teitgen, le Barreau a pris l’initiative de conclure avec le Tribunal (rappelons que le TGI de Paris est la première juridiction européenne en volume d’affaires traitées), une sorte de guide des bonnes pratiques tendant à améliorer, pardelà les règles strictes du Code de procédure civile, les relations Avocats/Magistrats dans la mise en état et le jugement des affaires. Rappelons aussi qu’à l’origine, le protocole d’accord a été conclu « à l’essai », pour trois mois, et qu’avant même l’expiration de ce premier délai, Monsieur Magendie, alors Président du TGI, et le Bâtonnier Francis Teitgen, ont décidé de conclure un accord définitif pérennisant la pratique de la remise préalable à l’audience du dossier de plaidoiries, moyennant la convocation des Avocats à heure fixe et l’échange interactif des plaidoiries au cours de l’audience … Protocole de mise à jour du vademecum

Le 8 novembre, c’est donc autour de Monsieur le Président Savinien Grignon-Dumoulin, premier Vice-Président adjoint au TGI de Paris et Président d’une des sections de la première Chambre, que Jean-Louis Bigot et Antoine

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Genty sont venus échanger devant une assemblée de 227 confrères inscrits, les tenants et aboutissants de la pratique désormais en vigueur puisque le Bâtonnier de Paris et Madame Arens ont conclu, en juillet dernier, le protocole de mise à jour du vademecum conclu quelques années auparavant, pour tenir compte, en grande partie, de l’évolution de nos pratiques, compte tenu de la mise en état électronique. Au total, 180 personnes se sont déplacées, et notre succès a dû être grand car nous avons recueilli, à l’issue de cette réunion, plusieurs demandes d’adhésion. Nous avons aussi profité de cette réunion pour mettre en œuvre une nouvelle pratique, à savoir la diffusion d’un questionnaire de satisfaction, ce que nous avait inspiré la pratique de l’AAPPE telle qu’elle l’avait mise en œuvre au mois de juin précédent : dorénavant, nous remettrons à tous nos participants un questionnaire permettant de juger de la qualité ressentie, bien sûr (c’est comme le froid : il y a le nombre de degrés au thermomètre et le froid ressenti en fonction de la vitesse du vent) car vous savez que les prestations de Droit et Procédure sont toujours de très grande qualité, et c’est justement parce que nous le savons que nous tenons à le vérifier de source sure auprès des intéressés, c’est-à-dire des participants et d’améliorer (si tant est qu’il y ait quelque chose à améliorer) ce qui pêcherait éventuellement. La participation à notre dernière réunion du Président Savinien Grignon-Dumoulin est le signe de la grande confiance qu’ont les Magistrats à l’égard de notre Association : nous travaillons régulièrement avec eux à l’élaboration de toutes ces chartes et autres guides pratiques et ils savent notre détermination à défendre les intérêts de nos confrères, mais aussi notre volonté d’avoir un débat constructif et utile pour tous. Comme avec Monsieur Pascal Chauvin, de la Cour d’Appel, les juridictions nous délèguent toujours des Magistrats de haute qualité avec lesquels nous entretenons un dialogue très fructueux. C’est dans le même esprit que nous travaillons avec Madame Magali Bouvier, Madame Lacquemant et Madame Bénédicte Farthouat, de la première Chambre, toutes trois très proches de Madame le Président Arens, et je pense que vous pouvez tous être fiers de cette proximité, sans compromission, du conseil d’administration de votre Association, grâce à laquelle nous travaillons avec efficacité. Ces réunions sont évidemment facilitées par l’Ordre qui met à notre disposition l’auditorium et qui veut bien en assurer la publicité au travers du Bulletin (même dématérialisé) et c’est toujours sous l’égide de l’Ordre, avec le concours de l’EFB au titre de la formation continue, que nous gardons notre rang de premier contributeur à la formation professionnelle initiale et continue des confrères : que l’Ordre et Madame Emmanuelle Schirrer-Cuisance et Monsieur Xavier Delcros, de l’EFB, en soient vivement remerciés.

Les publications Nos publications se sont limitées (pour l’instant puisque le cahier sur l’appel est en cours d’impression) à celles de l’Observateur de

Bruxelles auquel, je dois le dire, je vois un grand intérêt : sa gratuité ! En effet, par l’hommage que l’Observateur de Bruxelles a voulu rendre à nos travaux, la délégation des Barreaux de France à Bruxelles nous a offert une tribune à titre gracieux et nous avons pu ainsi diffuser à nos congressistes (et acheter à un prix fort intéressant) des exemplaires de la revue retranscrivant les travaux de la réunion commune avec l’AAPPE et c’est, pour notre Association, une excellente économie ainsi réalisée par-delà le fait que c’est une belle ouverture vers l’extérieur.

La formation Comme chaque année, inlassablement, je vous redis l’honneur que j’ai d’avoir présidé une association au sein de laquelle tant de gens se dévouent au service des autres, et en particulier des plus jeunes. En effet, Hervé Regnault, les anciens Présidents Antoine Genty, Bruno Chain, Daniel Paquet, Michel Bertin, Gustave Johanet participent inlassablement, depuis des années, aux modules de procédure civile et aux ateliers mis en place pour les élèves de l’EFB. Des entretiens que nous avons poursuivis avec les Magistrats de la présidence du Tribunal, il est apparu nécessaire d’associer plus étroitement les Juges à notre formation. C’est en particulier à l’occasion des travaux sur la refonte du si mal nommé « Livre noir » du regretté Jean-Claude Woog, qu’a été touchée du doigt la nécessité pour les Juges de venir dans les écoles de formation, donner aux élèves Avocats leur sentiment sur ce qu’ils attendent d’eux dans la rédaction de leurs conclusions, mais aussi dans la préparation des audiences, en particulier des plaidoiries. C’est déjà ce qui se fait : plusieurs Magistrats à Paris consacrent du temps, en particulier à la préparation et à la notation des épreuves de plaidoiries. Mais si nous voulons aller plus loin, et en particulier rendre plus vivants et concrets les protocoles d’accord que nous avons conclus, il faut que les Magistrats viennent les enseigner, à proprement parler, dans les écoles. En particulier pour la structuration des écritures : il est indispensable que des conseillers à la Cour viennent expliquer aux jeunes Avocats ce qu’est le but de la structuration des écritures, le but de l’harmonisation des conclusions. Ça doit même rentrer dans le module de formation et dans l’appréciation des notes données aux élèves dans ces ateliers. Nous avons manifesté notre détermination à intervenir dans ce sens et je crois que ce discours a été entendu par la Présidente. Nous attendons maintenant concrètement que le Tribunal nous désigne des Magistrats de la qualité de ceux que nous connaissons dans nos réunions par leur esprit d’ouverture et leur caractère progressiste, à venir nous aider dans cet enseignement. Nous savons bénéficier, au sein de l’école, qu’il s’agisse de sa Directrice des études, Madame Martine Kloepfer-Pélèse ou de Monsieur Xavier Delcros, en charge de la formation continue, de relais précieux et fidèles ; je voudrais publiquement les remercier pour toute leur aide

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Julie Couturier et Stéphane Lataste à ce sujet et leur dire ma certitude que cette collaboration se poursuivra à l’avenir, tant elle fait partie du « cœur de métier » et de notre Association.

l’heure qu’il portait le nom du regretté Bâtonnier Mario Stasi. Ces prix, annoncés pour la 3ème fois à l’occasion de la remise des prix, seront formellement remis aux récipiendaires lors de notre prochain dîner annuel, puisque cette formule inaugurée il y a deux ans, a eu, je crois, vos faveurs et en tous les cas, celle de la presse judiciaire puisque JeanRené Tancrède, à la tête des Annonces de la Seine, a bien voulu à nouveau en faire le compterendu dans les colonnes de son journal, toujours fidèle envers notre Association dont il fait régulièrement la promotion, et je tiens publiquement à l’en remercier chaleureusement. Les prix consistaient jusqu’à présent en un chèque et en un « beau livre », celui des carnets de voyages de l’amiral Bigot sur le Belem lors de la sortie en mer de Droit et Procédure en 2011. Cette année, le prix se double d’une belle promotion de la Maison Bosc qui offre une robe d’avocat à chaque lauréate … J’ai pris sur moi, par un premier et dernier oukaze présidentiel d’accepter ce cadeau de la noble maison avec comme contrepartie de lui laisser mettre son nom sur les « marquesplaces » du dîner, d’installer une gravure en bonne place et d’accompagner le Président lors de la remise – symbolique puisque les intéressées auront déjà eu leur robe – de ce beau cadeau. La remise du prix participe du mouvement engagé il y a maintenant trois ans, de favoriser le recrutement de jeunes et je crois que, grâce à Antoine Kirry en son temps, et maintenant à Jean-Pierre Grandjean, ce mouvement est bien amorcé, de nombreux jeunes collaborateurs de cabinets d’affaires nous ayant rejoints, ce qui témoigne de l’attractivité de notre Association envers les plus jeunes, et je m’en félicite vraiment.

Oserais-je vous dire que, comme chaque année, notre Association a été représentée à Campus, à l’Unesco, où nos inoxydables intervenants, Julie Couturier et Denis Talon sont intervenus pour porter la bonne parole sur les procédures civiles d’exécution. Qu’ils en soient à nouveau chaleureusement et publiquement remerciés car ce type d’enseignement est un travail délicat à l’égard duquel nos confrères sont à la fois très attentifs et toujours prompts à la critique. Or, que je sache, jamais le moindre écho négatif ne m’est revenu des interventions de tous ceux que je viens de citer.

Je ne reviendrai pas sur nos relations avec l’Ordre : elles sont excellentes au fil des Bâtonniers, et il est certain que le fait que nous comptions, au sein du conseil, plusieurs de nos membres (je pense à Michèle Brault, aux Bâtonniers Jean-Yves Le Borgne, Yves Repiquet, Christian Charrière-Bournazel, Paul-Albert Iweins, Jean-Marie Burguburu, au futur ViceBâtonnier Laurent Martinet, à Anabelle Boccara, à Louis-Bernard Bucheman, mais aussi à Thomas Baudesson et Dominique Piau) qui sont des relais sûrs de notre Association dans l’institution ordinale, et réciproquement.

Je voudrais enfin publiquement remercier notre confrère Véronique Marre qui a bien voulu, quasiment au pied levé, partir porter la bonne parole à Nancy pour exposer auprès de nos confrères du « grand-Est », l’esprit et les ressorts de la nouvelle procédure d’appel. Qu’elle en soit remerciée car ce n’est pas si évident d’aller ainsi porter la bonne parole auprès d’un public, certes de confrères, mais qui n’est pas ceux que nous fréquentons de près ou de loin à Paris, ce qui peut être parfois un peu intimidant. La remise des prix de l’EFB a été l’occasion pour notre Association de faire sa promotion en remettant aux deux lauréates de cette année, Mesdemoiselles Céline Etre et MarieAmandine Stevenin, qui ont toutes les deux obtenu la même note, à savoir 18/20, le prix Droit et Procédure dont je vous ai dit tout à

En cette troisième année, je ne m’étendrai pas sur l’arrivée des anciens avoués à la Cour au sein de notre conseil d’administration ; c’est un fait maintenant acquis et ça a été un très grand apport. Mais je voudrais toutefois remercier à nouveau Emmanuel Jullien qui s’implique toujours beaucoup dans nos travaux, avec humour et surtout avec beaucoup de gentillesse et d’humilité car il témoigne de ce que la fusionabsorption des avoués par la profession d’Avocat (à la seule initiative du législateur, je m’empresse de le rappeler) s’est faite harmonieusement et a été un apport d’une grande richesse. Je n’en dirai pas plus, de peur de faire de la peine à nos amis anciens avoués sur la manière dont ils ont été traités par un appareil d’Etat, comme à l’accoutumé, peu regardant sur les méthodes dès lors que le but qu’il s’est fixé est atteint.

Derniers points de ce dernier rapport, le dîner, la journée des Associations et nos voyages et congrès lointains. - Le dîner au Polo de Paris l’été dernier a été un grand moment de convivialité, comme à l’accoutumée, même si, exceptionnellement, Madame Chantal Arens n’a pas pu se déplacer, se faisant fort agréablement remplacer par Madame Bénédicte Farthouat dont j’ai parlé tout à l’heure, qui n’est autre que la fille du Bâtonnier Farthouat. Monsieur Degrandi, qui était personnellement présent, en revanche, a beaucoup milité en faveur de l’approfondissement des travaux que nous avions entamés avec la Cour d’appel sur la structuration des écritures, pour que nous nous y intéressions aussi au niveau du Tribunal, ce qui, comme je vous l’ai dit à plusieurs reprises et même écrit dans la Gazette du Palais, me parait difficile du fait des obstacles importants qui se dressent. Comme à l’accoutumée, ça a été un grand moment de convivialité et le Bâtonnier de Paris a pu redire tout le bonheur qu’il avait de partager ces instants avec nous. C’est aussi l’occasion de se revoir et comme je l’ai dit tout à l’heure, de découvrir de nouvelles têtes, parmi lesquelles les lauréats du prix de notre association. (…)

Conclusion Voilà, j’ai formellement terminé mon rapport. Je voudrais vous redire tout le bonheur que j’ai eu à présider cette Association pendant trois ans. J’ai déjà, au cours des deux années précédentes, dit tout le plaisir que j’ai eu à travailler avec chacun des membres de mon conseil d’administration, et j’ai déjà eu l’occasion de vous dire, en aparté l’an dernier, que de toutes les fonctions ordinales ou para-ordinales, en tous les cas, professionnelles que j’ai eu à exercer, la présidence de cette Association aura été celle qui m’aura le plus apporté en termes de satisfactions, de convivialité, d’amitié et, pour tout dire, de confraternité. Vous pouvez être fiers d’appartenir à Droit & Procédure et Droit & Procédure peut être fière d’avoir des adhérents comme vous : efficaces, dévoués, attentifs aux autres, vous êtes un modèle pour beaucoup de nos confrères et je voulais vous en féliciter. Je quitte cette présidence avec le regret de ne pas avoir réussi à faire tout ce que j’aurais voulu faire : - Je voulais plus de jeunes, je voulais plus d’ouverture vers l’extérieur et surtout, l’université. - Je pense que nous avons fait des progrès et je vous en remercie car c’est à vous que je le dois. Pour autant, tout n’est pas terminé, loin s’en faut, beaucoup de choses restent à faire et je ne doute pas que mon successeur, que le conseil d’administration élira après cette assemblée, aura à cœur de s’y atteler. Je crois que je lui laisse, grâce à vous, une fois de plus, une Association en ordre de marche. Encore merci. A très bientôt.

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Vente aux enchères publiques au Palais de Justice de NANTERRE 6, rue Pablo Neruda, rez-de-chaussée, salle B Le jeudi 7 février 2013 à 14 heures 30

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Visites sur place le 29 janvier 2013 de 9 heures 30 à 10 heures 30. Nota : On ne peut enchérir que par le ministère d'un avocat inscrit au Barreau de Nanterre.

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Le Nouvel Economiste Prix 2012 du « Manager de l’Année : pour une économie française compétitive » Paris, 19 Décembre 2012

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Pour suivre une tradition maintenant bien établie, le Président du Nouvel Economiste Henri Nijdam a organisé la cérémonie de remise des prix de sa revue au Palais d’Iéna où Jean-Paul Delevoye accueillait les prestigieux invités de l’Officiant au premier rang desquels Pierre Moscovici, Ministre de l’Economie et des Finances. Cette 37ème édition, placée ce 19 décembre sous le signe de la compétitivité, a désigné des chefs d’entreprise qui ont été reconnus pour leurs réflexions, engagements et actions. Le prix du « Capitaliste de l’année » a été décerné à Jacques-Antoine Granjon pour avoir inventé le modèle des ventes privées sur internet (venteprivee.com). Le prix du « Régulateur de l’année » a été remis à Olivier Schrameck pour ses actions à la tête de la Commission de Rénovation et de Déontologie de la Vie Publique : l’amélioration du bon fonctionnement des institutions politiques est l’élément essentiel qui structurera et rénovera la gouvernance publique pour le Président de la section du rapport et des études du Conseil d’Etat. Enfin, Alexandre de Juniac, Président d’Air France, a reçu le prix du « Manager de l’année » pour ses ambitions en termes de qualité de service et de nombre de passagers transportés par la prestigieuse compagnie aérienne qui espère redevenir leader mondial dès 2016. Nous publions ci-après des extraits du discours du Ministre de l’Economie qui a notamment évoqué les grandes lignes du pacte national pour la compétitivité et nous adressons nos chaleureuses félicitations aux lauréats. Jean-René Tancrède

Pierre Moscovici, Alexandre de Juniac, Jacques-Antoine Granjon, Olivier Schrameck et Henri Nijdam

Les prix remis ce soir m’invitent à m’interroger sur ce que sera le manager de demain. Plus profondément, ils m’amènent en fait à me poser la question : quels chefs d’entreprise voulonsnous pour notre économie, également pour notre société ?

Pacte national pour la compétitivité par Pierre Moscovici

J

e me réjouis de me joindre à vous pour cette nouvelle édition du prix du manager de l’année du Nouvel Economiste, opportunément placée cette année sous le signe de la compétitivité.

Nous partageons tous un défi d’intérêt commun : rendre les entreprises françaises plus compétitives, pour leur permettre de se développer, d’innover, d’exporter et d’embaucher. Ce défi, c’est d’abord et avant tout aux entreprises de le relever, avec leur savoirfaire, leurs atouts, leur talent. Mais il revient au Gouvernement d’être à leurs côtés, de les mettre en position de réussir, et de leur dire sa confiance. Il y a parfois de ces moments cruciaux en politique, où un cap est franchi parce qu’une cause nationale fait soudain l’objet d’une mobilisation unanime. Je crois que c’est ce qui s’est passé avec le rapport Gallois, dont l’onde de choc s’est propagée en profondeur auprès des décideurs du public comme du privé. Ce rapport a comme cristallisé une prise de conscience, un sursaut, autour de la nécessaire reconquête de la compétitivité française.

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développement à l’international réussi de son site de ventes évènementielles.

Le diagnostic était posé, il fallait s’en saisir. Nous devions convaincre. Le temps du bilan viendra. Mais nous avons surpris. En bien, je l’espère, je le crois, pour notre pays, ses entreprises, ses salariés. (…) Avant de conclure, je voudrais dire que chacun à leur manière, les lauréats distingués ce soir incarnent cette recherche de la compétitivité qui nous mobilisent tous, entreprises et pouvoirs publics confondus. Alexandre de Juniac, qui peut s’appuyer sur les atouts fondamentaux de l’un des premiers groupes mondiaux de transport aérien dans un contexte concurrentiel fort ; Je note d’ailleurs concernant ce premier lauréat, qui a longtemps occupé le bureau qui jouxte le mien qu’on voit que de hautes fonctions à Bercy mènent à tout, y compris à l’excellence managériale... Olivier Schrameck que je connais depuis longtemps, qui a été mon patron, comme Directeur de cabinet de Lionel Jospin, Ministre de l’Education Nationale, entre 1988 et 1990, qui a beaucoup appris au jeune conseiller que j’étais alors, et avec qui j’ai beaucoup travaillé lorsqu’il animait l’équipe du Premier Ministre entre 1997 et 2002. Nous sommes amis, je connais sa rigueur, qu’il a démontré avec la Commission chargée de la rénovation et de la déontologie de la vie publique, qui a œuvré en faveur d’une plus grande transparence dont bénéficieront les milieux économiques ; et Jacques-Antoine Granjon, pour le

La tentation facile de se couler dans une vision caricaturale dans laquelle le chef d’entreprise serait l’ennemi n’est pas écartée. Cela serait commode : ce n’est pas ma vision. Plus difficile de s’interroger sur ce que nous voulons vraiment comme dirigeants pour nos entreprises. La réponse est pour moi claire : un chef d’entreprise doit être un créateur. Nous devons tourner la page en papier glacé du golden boy qui fabrique de l’argent avec de l’argent : ce n’est pas ce modèle d’entrepreneur là que je souhaite pour les jeunes qui entrent dans la vie active. La réforme bancaire que j’ai présentée aujourd’hui doit également aider à tourner cette page, celle d’un certain capitalisme prédateur qui s’est érigé en modèle ces trente dernières années. Nous voulons des chefs d’entreprise qui construisent plutôt qu’ils ne réussissent de brillants coups de bourse. Des industriels avant d’être des financiers. Nous souhaitons des créateurs de valeur, une valeur qui n’est qu’une unité monétaire : un chef d’entreprise doit être un créateur de valeur sociale avec ses salariés, pour la société toute entière. Cela ne se décrète pas, cela se construit et la puissance publique doit y jouer un rôle. 2013 sera une année difficile. Je l’ai dit, par lucidité, par souci de la vérité. Mais mon diagnostic n’a pas été qu’à moitié entendu et je voudrais terminer en vous disant ceci : nous allons réussir. Pas à pas, pierre après pierre. Pas en deux jours, bien sûr. Sortir de la crise, réorienter notre économie, moderniser ses structures, demande de la détermination et de l’énergie, et surtout du temps. Mais nous allons y arriver. J’ai confiance. Confiance dans nos entreprises, qui sont notre premier atout. Confiance dans notre stratégie économique, parce nous faisons les bons choix. Confiance dans l’avenir, parce que le travail et le courage paient. Je souhaite que cette confiance soit partagée. Merci. 2012-904

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