Chronique
Un beau regard sur les difficultés de la fonction de juger À propos de l’ouvrage de François Sureau « Le Chemin des morts »
Yves Benhamou relatif à un membre de l’ETA, Javier Ibarrategui, réfugié en France depuis 1969 et qui n’avait plus d’activité militante. François Sureau se voit confier la délicate mission de rapporteur dans cette affaire. Il retrace avec minutie le raisonnement qu’en son âme et conscience, il a adopté a l’issu d’une examen très approfondi de ce dossier. Il a estimé qu’au regard de la position alors maintes fois affirmée par le Conseil d’État à l’époque pour que l’étranger en cause puisse obtenir le statut de réfugié il faut que l’État soit directement responsable des persécutions évoquées par la Convention de Genève en cas de retour de l’intéressé dans son pays. Or, même si Javier Ibarrategui avait indiqué lors de l’audience que sa vie serait en danger s’il rentrait en terre espagnole du fait de la présence de groupuscules parallèles, il ne résultait selon lui de manière certaine d’aucun élément objectif du dossier que ce militant de la cause basque pouvait en retournant en Espagne être victime de persécutions de la part de l’État espagnol.
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Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
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’est un très précieux témoignage et un émouvant récit, écrit dans un style sobre et limpide, que nous offre François Sureau dans son bref et dense ouvrage « Le chemin des morts »(1) qui fournit des réflexions souvent profondes sur l’éthique du Juge et les difficultés de cet office singulier. A l’époque, en 1983, l’auteur est un jeune membre du Conseil d’État. A cette occasion il est appelé à siéger au sein de la commission des recours des réfugiés (devenue ensuite la Cour nationale du droit d’asile), juridiction statuant en appel lorsqu’un demandeur d’asile qui a sollicité le statut de réfugié à l’office français de protection des réfugiés et apatrides, s’est vu refuser un tel statut et a décidé de se pouvoir devant cette commission. François Sureau évoquant ce travail qui le passionna, brosse un très beau portrait du Président de cette commission auprès duquel il œuvra : Georges Dreyfus qui incarne un profil attachant de Juge pétri d’humanité et d’une exemplaire exigence morale. Il écrit notamment à son sujet en des mots empreints d’une vive admiration : « Toujours simple, net, direct ; d’une intelligence vive, et toujours compatissante. Au contraire de beaucoup de ses pairs, il laissait parler longuement les réfugiés en séance, ne manifestait jamais d’impatience, les interrogeait avec humanité, paraissant prêt à changer d’avis jusqu’au dernier moment. (...) Je crois à présent qu’il était hanté par l’indifférence, qui lui paraissait la seule faute. Il lui semblait, je crois, que l’indifférence, et non le mal, avait brisé ces destins dont les dernières lignes aboutissaient devant notre cour. Au bout du chemin de ces femmes, de ces hommes abandonnés, il y avait Georges Dreyfus, qui faisait un immense effort d’attention comme pour racheter une faute qui n’était pas la sienne. » Mais c’est surtout une affaire singulière relative à un réfugié basque espagnol qui est au cœur du livre de François Sureau. Il s’agit d’un dossier
Avec humilité François Sureau écrit : « Lorsqu’un Juge adopte une solution, c’est bien souvent que la décision inverse lui paraît impossible à rédiger, pas davantage. »La commission des recours des réfugiés a finalement refusé le statut de réfugié à Ibarrategui... Quelques temps plus tard en lisant un quotidien, François Sureau apprend que le 4 septembre 1983 Javier Ibarrategui a été assassiné à Pampelune par deux tueurs à moto. Le souvenir de ce réfugié basque n’a depuis lors cessé de le hanter. Et évoquant son entrée beaucoup plus tard au Barreau de Paris et sa pratique professionnelle d’avocat, il montre en des lignes émouvantes que cet homme est toujours à ses côtés comme une invite exigeante a défendre en toutes circonstances l’impératif de Justice : « Ibarrategui était là quand j’ai prêté le serment d’avocat,revenant au droit après un long détour, un peu perdu dans la Première Chambre de la Cour d’appel de Paris. Mes confrères à peine sortis des écoles, avaient l’âge que j’avais lorsqu’Ibarrategui s’est présenté devant la commission des recours. Il était là quand j’ai plaidé pour la première fois , puis à chaque procès gagné, à chaque procès perdu. A chaque fois que ma lâcheté ou le désir de plaire me poussaient aux accommodements de l’audience, et à reculer face aux juges, il était là dans mon dos, pour me pousser à parler fort, sans rien céder moi qui n’aime guère combattre. Il sera là quand je rangerai ma robe noire, ayant gagné mon silence après tant de paroles dites. J’espère qu’il me laissera mourir seul mais que je le retrouverai de l’autre côté. » Tout Juge devrait lire ces pages denses et souvent poignantes qui mettent implicitement en exergue la nécessité dans cette quête difficile et belle de la vérité consubstantielle à la fonction de juger de témoigner tout à la fois d’humilité, de constance et de courage. 2014-466 Yves Benhamou Magistrat 1) François Sureau, “Le chemin des morts”, Éditions. Gallimard, 2013, 55 pages.
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Les Annonces de la Seine - Jeudi 28 août 2014 - numéro 35