Edition du Lundi 28 Avril 2014

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Vie du droit

Union des Avocats Européens (UAE)

Le Principe de laïcité au sein des établissements publics et des entreprises privées Au restaurant « Les Arcenaulx » sis 25, cours d’Estienne d’Orves à Marseille, un dîner débat dédié au droit social a été organisé le 6 février 2014 par la Délégation Supranationale Méditerranée Provence Alpes Côte d’Azur Corse Liguria de l’Union des Avocats Européens (UAE) présidée par Gérard Abitbol, Avocat au Barreau de Marseille et Doyen des Présidents d’Honneur de l’UAE. Ce moment d’échanges et de réflexions, auquel ont participé à la fois des professionnels du droit mais également des Chefs d’entreprises et des collaborateurs du secteur privé et public, était nourri par l’expertise doctrinale et scientifique de Monsieur Yves Roussel, Président de Chambre à la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, et de Madame Véronique Cohen Donsimoni, Maître de Conférence, Directeur Adjoint du Centre de Droit Social et de l’ Institut de Formation du Droit Social de la faculté d’Aix-Marseille et mené, notamment, avec le concours de Messieurs Jacques Bonnaud et Vincent Poinso, Avocats honoraires au Barreau de Marseille et membres du comité exécutif de l’UAE, et Mesdames Marie-Dominique Poinso Pourtal et Cécile Procida, Avocats au Barreau de Marseille. Nous publions ci-dessous la synthèse des débats rédigée par Cécile Procida.

Comment garantir la liberté des cultes ? par Cécile Procida

Cécile Procida des décisions successivement intervenues dans cette affaire désormais devenue célèbre. Pour mémoire, les faits à son origine sont les suivants : une salariée d’une crèche est licenciée pour avoir, entres autres, refusé d’ôter son voile malgré la clause du règlement intérieur imposant une stricte obligation de neutralité confessionnelle. S’estimant victime d’une discrimination au regard de ses convictions religieuses, la salariée saisit alors le Conseil des Prud’hommes de Mantes-la-Jolie afin, à titre principal, de voir prononcer la nullité de son licenciement. Prétention rejetée par les Conseillers Prud’homaux lesquels ont considéré, dans un Jugement rendu le 13 décembre 2010, en substance, que la crèche gérant une mission d’intérêt général subventionnée par des fonds publics, le principe de laïcité inhérent au service public (et l’obligation de neutralité du personnel qui en découle) pouvait y être appliqué et avait été valablement opposé à la salariée. Saisis d’un appel de cette dernière, les Juges versaillais, tout en confirmant la solution des premiers Juges, suppriment alors toute référence au principe de laïcité et à la notion de service public.

D.R.

J

acques Bonnaud a introduit avec humour la manifestation en rappelant l’origine de la délégation dont il est le premier Vice-Président, et a passé la parole au Président Abitbol qui a rappelé les buts de l’Association et la prochaine grande manifestation du 17 octobre 2014 sur le thème « Evolution de la responsabilité médicale et des produits pharmaceutiques et médicaux en Europe » puis a laissé la parole à Maître Vincent Poinso, spécialiste en droit social, qui a présenté le sujet en soulignant le particularisme du droit du travail, droit éminemment vivant au sein duquel, sans doute plus que dans toute autre matière, la jurisprudence et par la même chacun de ses contributeur participe à sa détermination et parfois même à son élaboration. Ce sujet, prégnant tant d’un point de vue académique que d’un point de vue pratique pour l’ensemble des acteurs du monde du travail, était particulièrement d’actualité puisque la presse et les médias faisaient le matin même une nouvelle fois état des questionnements soulevés par la désormais célèbre affaire dite « Baby Loup ». Lethème,posédemanièrerelativementaudacieuse, et qui ne pouvait également qu’interpeller de par sa formulation, avait pour objectif de mettre au premier rang le rappel du droit positif actuel afin de permettre de mieux appréhender les enjeux et la portée de la problématique qui sera prochainement soumise à l’appréciation de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation. Dans le cadre d’un éloquent dialogue, à la fois d’une grande technicité scientifique mais également d’une édifiante clarté pédagogique, mené par Monsieur Roussel et Madame Cohen Donsimoni et jalonné des pertinentes observations du Président Abitbol, le principe de laïcité a donc tout d’abord été restitué, ses sources, son contenu et son champ d’application précisés. Un rappel des fondements de la liberté religieuse, de ses manifestations, de son champ d’application ainsi que de son étendue a également été exposé et débattu afin de permettre une juste appréhension

Par son arrêt en date du 27 octobre 2011, la Cour d’appel de Versailles, fonde en effet sa décision au visa des articles L. 1121-1 et 1321-3 du Code du travail et considère que la liberté religieuse s’exerce « pleinement » dans l’entreprise privée et que cette liberté doit recevoir un traitement juridique identique aux autres libertés fondamentales. Ainsi, est-elle susceptible de subir des restrictions par le règlement intérieur dès lors qu’elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. Procédant à une appréciation des faits de l’espèce, ces derniers estimaient alors que tel était en l’occurrence bien le cas au regard des statuts propres de l’association, de ses buts et objectifs spécifiques ainsi que du jeune âge et de la diversité culturelle et religieuse des enfants pour lesquels le respect des principes de laïcité et de neutralité étaient exigés La salariée inscrit un pourvoi à l’encontre de cette décision. Les questions juridiques posées étaient nombreuses : l’association Baby loup était-elle une entreprise de tendance ? Le licenciement pour faute grave étaitil justifié ? La clause du règlement intérieur selon laquelle « le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect du principe de laïcité et de neutralité qui s’appliquent dans l’ensemble des activités développées par Baby Loup, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu’en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche» portait-t-elle une atteinte justifiée et proportionnée à la liberté de manifester sa religion ou ses convictions religieuses ? C’est dans ce contexte que la Chambre sociale de la Cour de cassation (soc. 19 mars 2013, no 11-28.845) décide de censurer la décision de la Cour d’appel de Versailles sous le visa des dispositions des articles L. 1121-1, L. 1132-1, L. 1133-1 et L. 1321-3 du Code du travail, ensemble l’article 9 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales ( CEDH) par des attendus de principe à vocation pédagogique, à savoir : « Attendu que le principe de laïcité instauré par l’article 1er de la Constitution n’est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public ; qu’il ne peut dès lors

Les Annonces de la Seine - Lundi 28 avril 2014 - numéro 20

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