Les rendus 3D dans les concours d'architecture

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A D J A B I L o t f i

3 D

L e sr e n d u s

D a n sl e sc o n c o u r sd ’ a r c h i t e c t u r e

3 D

L e sr e n d u s

D a n sl e sc o n c o u r sd ’ a r c h i t e c t u r e F a s c i n a t i o nv i r t u e l l eo ur é a l i t én u mé r i q u e?

F a s c i n a t i o nv i r t u e l l eo ur é a l i t én u mé r i q u e?

L es u j e tr e s t eàmo ns e n sa s s e zo u v e r ta ud i a l o g u ee ti lp r é s e n t eu n e n o t i o nàa b o r d e ra v e cp l u sd ’ i n t é r ê tp a rl e sa r c h i t e c t e sc a rl e si ma g e sd e s y n t h è s e ss o n tl e sp r e mi è r e sr e p r é s e n t a t i o n sr é a l i s t e s ,d up r o j e t i ma g i n é , a v a n t q u ’ i l n e s o i t c o n s t r u i t e t d o n cl ap r e mi è r e a p p r o c h e p o u rl e ma i t r ed ’ o u v r a g e , l ec l i e n t , l ep u b l i cc o n c e r n ée tl e sf u t u r su s a g e r sd ’ u n b â t i me n T .

L e sr e n d u s3 dD a n sl e sc o n c o u r sd ’ a r c h i t e c t u r e

L er e n d u3 de s td e v e n uu nd o c u me n tàp a r te n t i è r ed a n sl e st r a v a u x d ’ a r c h i t e c t u r e , i l amê me u n e i mp o r t a n c e ma j e u r e d a n sl e s e n so ùc e r e n d u 3 de s tp r o d u i tp o u rr e p r é s e n t e re x a c t e me n tl er é s u l t a tf i n a lq u ’ a u r au n b â t i me n tàl af i nd es ar é a l i s a t i o n . C e p e n d a n ts i l er e n d ue s tp r é s e n t é d ’ u n ef a ç o nàd i s s i mu l e rc e r t a i n sé l é me n t sa r c h i t e c t u r a u xp a ru n e r e p r é s e n t a t i o nq u i n ’ e s tp a sf i d è l eàl ar é a l i t é , o np e u tv i t es er e t r o u v e r d a n sl al i mi t ed el af a s c i n a t i o no ul ’ e x a g é r a t i o n .

A D J A B I L o t f i

S o u sl ad i r e c t i o nd ec h r i s t o p h eh u o n


3 D

L e sr e n d u s

D a n sl e sc o n c o u r sd ’ a r c h i t e c t u r e F a s c i n a t i o nv i r t u e l l eo ur é a l i t én u mé r i q u e?

S o u sl ad i r e c t i o nd ec h r i s t o p h eh u o n

A D J A B I L o t f i

E c o l en a t i o n a l es u p é r i e u r ed ’ a r c h i t e c t u r ed en a n c y Ma s t e r2S p é c i a l i s a t i o nA r c h i t e c t u r ei n g e n i e u r i ee te n v i r o n n e me n t


Source image page de garde : Š https://www.artefactorylab.com/zaha-hadid/


Avant-propos

L

a thématique élaborée, aborde un sujet d’actualité, auquel plusieurs professionnels et chercheurs en design graphique et la représentation en architecture s’intéressent, cependant il reste un domaine peu traité par les architectes, malgré son importance et la place qu’il occupe aujourd’hui dans les rendus et travaux d’architecture. Les rendus 3D ne sont pas associés à une réglementation précise qui puisse contrôler son influence et déterminer où s’arrête son intérêt, cela implique donc qu’il échappe au contrôle et tend parfois à faire l’objet de certains excès. La thématique développée devient encore plus intéressante et trouve tout son intérêt quand on se rend compte qu’il y a très peu d’architectes qui ont écrit sur ce sujet particulier. Mais l’absence de références qui traitent la question d’une façon directe est une motivation supplémentaire pour contribuer à donner sur le sujet la vision d’un architecte tout en tenant compte des travaux et des visions développées par d’autres professionnels issus de différents domaines.

Dans mon approche du sujet sur les images de synthèse, j’ai essayé dans un premier temps de déterminer les lignes directrices qui vont guider ce rapport. Il est ici question d’étudier les images de rendus 3d dans un contexte précis, celui des concours d’architecture. Il est clair que la production des images de rendu 3d qui sont dans la limite de la fascination sont celles utilisées dans les concours, afin de se différencier des autres projets. J’ai donc orienté mon travail sur cette thématique pour tenter de comprendre et d’identifier les différents éléments qui composent l’image de synthèse ainsi que les types de rendus 3d en fonction de leur contexte d’utilisation, par la suite, je me suis intéressé au jugement de ces images de synthèse dans les concours d’architecture et leur importance dans l’appréciation du projet à travers


des analyses des images de concours, en tenant compte de la composition des jurys de concours. Ensuite, je me suis appuyé sur des entretiens avec les différents intervenants d’un projet d’architecture et des analyses comparatives entre des images de rendu 3d et des photographies des projets une fois réalisés.

Le sujet, reste à mon sens assez ouvert au dialogue et présente une notion à aborder avec plus d’intérêt par les architectes car les images de synthèses sont les premières représentations réalistes, du projet imaginé, avant qu’il ne soit construit et donc la première approche pour le maitre d’ouvrage, le client, le public concerné et les futurs usagers d’un bâtiment.




Remerciements Je remercie, Christophe HUON, mon directeur d’étude, pour la richesse de nos conversations, la justesse de ses appréciations et les larges horizons de pensée auxquels il m’a ouvert.

Je tiens également à remercier les personnes qui ont participé à la relecture de mon mémoire et m’ont fait part de leurs précieuses remarques.



Sommaire Avant-propos.....................................................................................................................3 Remerciements.................................................................................................................7 Sommaire...........................................................................................................................9 Introduction......................................................................................................................11 I-Le rendu 3D en architecture et la perception du réel.......................................12 A- La maitrise de la représentation..............................................................................14 B- Ambiances et texturing 3D.......................................................................................20 C- Le rôle des images de synthèse dans la perception du réel..........................................25 II-Le rendu 3D dans les concours d’architecture : intervention dans le réel....28 A- La place des images de synthèse dans le rendu de concours.......................................30 B- La composition d’un jury de concours.......................................................................35 C- Charte d’éthique de la 3D........................................................................................38 D- Modifier le réel sans dépasser l’image d’architecture.................................................40 III-La pertinence des rendus 3D dans les concours d’architecture...................46 A- Rendus 3D et projets réalisés (Le passage du virtuel au réel).......................................48 B- La pertinence des rendus 3D dans les concours d’architecture.....................................62 C- D’autres modes de production graphique comme alternatives aux rendus 3D.................65 Conclusion........................................................................................................................74 Bibliographie.................................................................................................................. 77 Annexes............................................................................................................................83

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Introduction

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’image de synthèse en architecture nous permet de comprendre le réel. Elle s’établie comme signe et comme une première interprétation, elle est déjà signifiante et donne un sens au réel. Devant l’image 3D l’indifférence n’est pas souvent permise, elle retranscrit une vision du projet face à laquelle il faut s’exprimer sur sa nature et les éléments représentés. L’image 3D demande une réaction dont il faut saisir les modalités de son influence, notamment lors des décisions importantes en l’occurrence la sélection des projets lauréats dans les concours d’architecture. Le rendu 3D est une construction individuelle de notre rapport au réel. Cette dernière peut prendre de multiples formes, certaines concrètes et d’autres bien moins claires à priori relatives à notre sensibilité aux matériaux et les ambiances exprimées. S’approprier une image 3D, la lire, l’analyser et l’interpréter est aussi une construction visuelle qui détermine la compréhension et la perception du projet d’architecture. L’image de synthèse dans les concours d’architecture introduit souvent des décalages à travers les représentations voire les ambiances créant ainsi des ruptures qui nous permettent de comprendre et d’interpréter le réel de différentes manières.

L’image de synthèse nous donne un aperçu mais à quel degré cet aperçu est –il fiable ? du moment qu’il est le résultat d’une succession de choix, notamment sur les points de vue qui montrent le projet, le traitement des textures et la présentation des ambiances.

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I- Le rendu 3d en architecture et la perception du rĂŠel

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12 Source : https://www.flickr.com/photos/luxigon/33852788652/in/photostream/.


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e rendu 3d est devenu un document à part entière dans les travaux d’architecture, il a même une importance majeure dans le sens où, ce rendu 3d est produit pour représenter exactement le résultat final qu’aura un bâtiment à la fin de sa réalisation. Cependant si le rendu est présenté d’une façon à dissimuler certains éléments architecturaux par une représentation qui n’est pas fidèle à la réalité, on peut vite se retrouver dans la limite de la fascination ou l’exagération. Dans ce cas précis, il n’est pas intéressant d’avoir recourt à la 3D photo-réaliste. Il est nettement préférable d’utiliser d’autres moyens de représentation non réaliste car ces derniers, même s’ils tendent à être les plus fidèles possible à la réalité, l’erreur est permise. À l’inverse du rendu 3D photo-réaliste, où on représente des conditions réelles en termes de lumière, de matériaux, d’angle de vue, de justesse des dimensions et surtout de l’interaction de ces différents paramètres entre eux d’un côté et leur insertion dans l’environnement existant de l’autre. Tous ces éléments de rendu 3D obligent une maitrise poussée et accrue pour aboutir à des résultats justes, qui ne faussent pas la lecture architecturale du projet, mais au contraire améliorent la qualité architecturale lors de la conception du projet dans un premier temps, et facilitent la compréhension du projet et sa mise en valeur dans le champ virtuel, en vue de sa réalisation et sa concrétisation sur le champ réel.

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Le rendu 3d en architecture et la perception du réel

A- La maitrise de la représentation

Afin de mieux comprendre l’importance des rendus 3D, il est primordial dans un premier temps de cerner les usages qu’ils peuvent avoir et de comprendre par qui ils sont réalisés et quels sont les styles graphiques utilisés pour aboutir à des images de rendu. Avant d’aborder la question de la maitrise de la représentation, il faut d’abord introduire les deux notions : « image de synthèse » et « image photo-réaliste ». Une image « photo-réaliste » est un rendu proche d’un résultat photographique, le rendu est réalisé à partir d’une simulation de toutes les caractéristiques d’un appareil Photo (ouverture, diaphragme etc.) dans un modèle virtuel qui reproduit, avec un grand degré de complexité, les caractéristiques physiques du monde réel (lumière, végétation, matériaux, etc.) : il s’agit d’une photographie virtuelle (figure1).

figure 1 : Data center (Metz) – projet réalisé par Gens architectes– image réalisée par Alexandre Besson. Source : http://alexandre-besson.com/portfolio/gens-association-liberale darchitecture/.

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Le rendu 3d en architecture et la perception du réel

Par contre l’image de synthèse est une image basée sur une modélisation et un calcul de rendu très poussés, cette image fait l’objet, d’un important traitement graphique au moment du rendu, qui est proche de l’esthétique de certains films d’animation ou jeux vidéo (figure 2).

figure 2 : La Fondation Louis Vuitton – projet réalisé par Frank Gehry – image réalisée par ArtfactoryLab. Source : https://www.artefactorylab.com/category/image/.

Les images de synthèse et les images photo-réalistes peuvent être associées au même registre, qui est celui de la mise en valeur de l’architecture dans le sens où un projet, un bâtiment est présenté sous son meilleur jour. C’est ainsi que le contexte d’usage qui conditionne l’attente que nous avons par rapport aux images de type « réaliste », dans ce sens M-M Ozdoba1, évoque la notion de style

1 M-M Ozdoba ; Marie- Madeleine Ozdoba, architecte et docteure en histoire et théorie des arts, article en ligne, intervention à la table ronde « Images de synthèse et photographies en architecture. Réalité, réalisme », Cité de l’Architecture et du Patrimoine, Paris, 2013.

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graphique avec différents styles de synthèse et de rendu réaliste. D’après elle, le choix d’un style de rendu est un moyen efficace de faire porter des récits au projet de manière implicite, par le biais de l’image. Lors du concours des Halles (Figure 3) le style de rendu des images du projet de l’agence Berger & Anziutti accentue le lien à la nature, tandis que les images du projet des agences Mimram et Leclercq mettent davantage en valeur les aspects structurels et techniques.

figure 3 : Images du concours des Halles : en haut, le projet Berger&Anziutti, en bas, le projet Mimram/ Leclercq. Source : https://picturingarchitecture.files.wordpress.com/2013/06/les-halles.jpg.

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De ce fait, le critère dominant, lors de la mise en œuvre de ces images, n’est pas qu’ils soient plus ou moins « réalistes » dans le sens de « faire illusion », mais le message que l’on souhaite faire passer. Par exemple, selon le style de rendu choisi, un projet s’exprimera comme plutôt technologique, plutôt écologique, plutôt classique, etc.

Il existe plusieurs agences de réalisation spécialisées dans la représentation de projets en architecture, ces agences ont pour but de répondre à des commandes faites par des architectes. Chaque agence se réfère à un style de rendu différent pour produire des images de synthèse ou des images photo-réalistes en fonction des projets et de la commande. On parle donc de contextes d’usages. Ces derniers sont très divers: panneaux de concours, articles de revues et de journaux, ouvrages monographiques, supports de communication ou de promotion, expositions d’architecture, etc. Pour une même agence de réalisation le style graphique peut varier selon les projets. M-M Ozdoba a réussi à déterminer trois tendances, qui correspondent à des « marques de fabrique ». Afin de les illustrer, elle a exposé une comparaison entre trois images qui relèvent d’un registre similaire: ce sont trois images de projets d’architecture, avec des points de vue à hauteur d’homme, et des avant-plans paysagers (figures. 4, 5 et 6). On distingue trois types, ou styles de rendu réaliste :

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figure 4 : Style graphique transparent -image réalisée par RSI Studio. Source : https://www.rsi.studio/projects/.

L’image de l’agence RSI Studio relève d’un « style transparent »: image photoréaliste, le rendu se caractérise par une transparence cristalline, proche d’un résultat photographique.

figure 5 : Style collagé - image réalisée par l’agence Loukat. Source : http://www.loukat.fr/contenu.php?section=architecture.

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Le rendu 3d en architecture et la perception du réel

L’image de l’agence Loukat correspond à un « style collagé » : Cette image a fait l’objet d’une construction complète, à partir d’éléments de rendu servant de base de travail. La végétation, les personnages, ou encore effets lumineux, ont été ajoutés en 2D à la base rendue: la composition ne se fait pas ici principalement au niveau du modèle 3D, mais à l’étape suivante, dans le plan de l’image. Celle-ci cherche à se rapprocher d’un effet photo-réaliste, par la simulation d’effets tels que la surexposition, le contre-jour, etc., mais en même temps, certains éléments s’en éloignent, comme la semi-transparence du garde-corps à l’avant plan, mise en œuvre pour privilégier une certaine liberté dans la figuration, au service de l’effet désiré (un moindre impact visuel du garde-corps).

figure 6 : Style graphique synthétique - image réalisée par ArtefactoryLab. Source : https://www.artefactorylab.com/category/image/.

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L’image réalisée par Artefactory relève d’un « style synthétique » : basée sur une modélisation et un calcul de rendu poussés (figure 6). Si pour Loukat, l’essentiel de la mise en scène se déroule sur Photoshop (collage, effets, saturation, ajout de personnages détourés etc.), pour RSI et Artefactory celle-ci se fait, pour l’essentiel, au niveau du paramétrage du moteur de rendu. Ils divergent en particulier sur les réglages appliqués au niveau des logiciels du rendu, les uns recherchant l’esthétique photographique la plus pure, là où les autres utilisent des effets graphiques qui s’en éloignent, pour donner à l’image un caractère plus impressionnant. B- Ambiances et texturing 3D

L’image de synthèse arrive à imiter la photographie jusqu’à l’illusion, dans certains exemples il faut avoir un œil aguerri pour pouvoir distinguer image de synthèse et photographie réelle. Une confusion des genres peut entrainer des attentes de vérité par rapport au projet représenté. Il est donc nécessaire de faire un point sur la réalisation de ces images de synthèse et comment on arrive à ces résultats. L’évolution des techniques de rendu a suivi l’évolution de l’infographie et de la modélisation. Celles-ci ont été rendues possibles et se sont fait parallèlement au développement des technologies informatiques (mémoire, carte graphique haut de gamme, temps de calcul réduit, etc…). Depuis les années 1970, le rendu d’objets 3D est devenu une discipline à part entière de l’infographie. Afin de produire une image finale, « l’étape de rendu » (rendering) implique la création par ordinateur, pixel par pixel, d’une image d’après les informations de mise en scène qui lui ont été fournies. Iris PISSENS (2011)2.

2   Iris PISSENS ; enseignante chercheuse à La faculté d’architecture La Cambre Horta de l’Université libre de Bruxelles, elle est également membre du Laboratoire d’Informatique pour la Conception et l’Image en Architecture (AlICe).

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La réalisation d’une image de rendu implique deux étapes principales ; en premier, la modélisation du modèle 3D ensuite intervient l’étape de rendering, c’est-à-dire la gestion, principalement des textures et des paramètres de réflexion des objets et de la lumière. Il existe actuellement sur le marché plusieurs outils numériques qui permettent de réaliser des rendus 3D. Leur utilisation diffère selon le résultat escompter. Les plus utilisés par les perspectivistes pour la réalisation des rendus 3D d’architecture, notamment pour les concours, sont les outils qui associent la fonction de modeleur 3D avec un moteur de rendu. C’est des outils similaires et parfois les mêmes que ceux utilisés dans les films et les jeux d’animation. On peut citer les principaux leaders dans le domaine : 3DsMax, Blender, Cinema 4D, Maya, Rhino.

figure 7 : Logos des principaux outils de rendu 3D. Source : https://www.google.fr/imghp?hl=fr

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Le rendu 3d en architecture et la perception du réel

La première étape de la réalisation d’une image de rendu est la modélisation 3D, à savoir le processus de création d’un modèle qui contient des données géométriques en coordonnées x, y et z d’un objet physique, d’une scène ou d’un bâtiment via un modeleur 3D (figure 8). Grâce à ce modèle, il est possible de reproduire virtuellement la taille, la forme et la texture d’un objet réel ou imaginaire. On parle donc de maquette numérique. Cette dernière peut être modifiée au cours du processus de conception.

figure 8 : Modélisation d’un espace de loisirs sur Blender V2.8.

La modélisation 3D est un domaine exploité majoritairement par les industries du jeu, du cinéma, de l’architecture et de l’ingénierie. Il existe deux types de modèles 3D : les modèles de conception assistée par ordinateur (CAO) et les modèles de « maillage 3D », qui définissent la forme et la surface. Un modèle CAO peut être considéré comme un ensemble d’étapes pour la création de l’objet avec la possibilité de créer des paramètres interactifs à l’objet et qui peuvent être modifiés en cours de route sans réécrire l’ensemble du fichier. Le maillage est une représentation de l’aspect de la surface de l’objet, il constitue une structure de données géométriques qui représente une subdivision de surfaces en polygones. Le maillage d’un modèle 3D est composé de sommets, d’arrêtes et de faces (figure 9).

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Le rendu 3d en architecture et la perception du réel

figure 9 : Maillage 3D vectoriel d’un modèle 3d sur Blender V2.8.

La seconde étape, le rendering, intervient une fois le modèle 3D fini. C’est une étape cruciale car c’est la partie ou on peut donner une identité ou bien un style graphique à l’image finale grâce à la gestion des paramètres du moteur de rendu, on trouve plusieurs exemples de moteurs de rendu (Vray, Mental Ray, cycles…). Cette étape comprend le texturing, le mapping, la lumière artificielle, Global illumination (GI), la réflexion, la transparence, etc. Textures, mapping : à la fin de la modélisation géométrique, les objets de la

scène sont encore composés de surfaces neutres et sans couleur. C’est lors de la définition des matériaux et des textures que l’on va révéler la finition des surfaces et la manière avec laquelle ceux-ci vont accrocher la lumière et la réfléchir. Il existe quatre types de définitions en qualité de surfaces : les matériaux (Shaders), les textures-images, les textures procédurales (prédéfinies) et les textures qui modifient la géométrie (Bump map, normal map, displace map) (figure 10).

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Le rendu 3d en architecture et la perception du réel

figure 10 : Différence entre une Bump map, Normal map et une displace map.

Gestion de la lumière : « Nous percevons que les couleurs réfléchies par la surface de l’objet. Il est dès lors essentiel de modéliser le plus fidèlement possible le phénomène de réflexion afin d’obtenir un rendu dit réaliste » Iris PISSENS (2011).

La gestion de la lumière directe et indirecte (GI) sur la scène permet de maitriser les paramètres intervenant lors de la propagation de la lumière dans la scène 3D, depuis la composition des couleurs de la lumière et son interaction avec la matière jusqu’ à la perception que nous avons des matériaux ainsi mis en lumière. La réflexion des matériaux est donc importante dans ce cas, étant donné qu’une réflexion spéculaire nous permet d’avoir une surface brillante alors qu’une réflexion diffuse donne une surface mate sur les matériaux (figure 11).

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Le rendu 3d en architecture et la perception du réel

figure 11 : Différence entre une réflexion diffuse et une réflexion spéculaire.

C- Le rôle des images de synthèse dans la perception du réel

L’image d’architecture est construite à partir d’un dessin (plan, coupe…etc.). Elle porte un projet et donne une première représentation de ce que sera la réalité du projet une fois construit. La production des images perspectives est liée à leur usage projectif. Elle peut suivre différents chemins, comme vu précédemment, depuis la simulation d’une situation photographiée jusqu’au collage d’éléments. Cependant, elle est toujours considérée de manière approfondie. Les architectes ont la conscience et la capacité de parler de l’image et de sa compréhension. Néanmoins, la liberté au moment de sa production parait presque sans bornes ;

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Le rendu 3d en architecture et la perception du réel

les possibilités de points de vue sont sans contraintes et les couleurs, les cadrages et les formats sans véritables limites. Cette liberté est la raison même de la difficulté de la production des images. Chacun des éléments qui la compose font sens, formant ensemble un système de signes. Chaque choix va être effectué selon des éléments implicites ou explicites qu’il va pouvoir évoquer. Selon des codes connus et plus ou moins partagés, qui régissent et réglementent le passage d’une notion à une autre par convention, ces décisions vont être des signes, des éléments, qui font précisément appel à d’autres situations, d’autres réalités.

L’image doit être signifiante, elle transmet des messages au-delà de la représentation même du projet3. Ses significations doivent donc aller dans la direction du projet, le servir. Elles lui amènent des éléments supplémentaires, qui ont à charge de lui donner du sens dans une cohérence des plus larges possible. L’image est construite autour d’une série d’éléments consciemment mis en scène dans l’intérêt de servir le projet, il s’agit de construire un récit qui l’accompagne, frôlant parfois de près la fiction. Ces éléments sont travaillés dans le but de cohérer, avec le projet d’abord, puis entre eux aussi. Le bout d’image découpé et recollé, la couleur dominante, les personnages détourés, le cadrage… etc. font singulièrement référence à des imaginaires qu’ils emmènent avec eux. L’image finale est donc constituée d’un assemblage d’éléments fictifs issues de la réalité.

Le réalisme d’une image d’architecture médiatisée serait une sorte d’objectif dont les perspectivistes se ferait un devoir d’atteindre et que le public serait en droit d’exiger. Pour illustrer cette architecture médiatisée, un concours d’images d’architectures a été lancé en 2004, le « CGarchitect Architectural 3D Awards », il est considéré comme la plus prestigieuse récompense dans la visualisation architecturale, depuis 16 ans les images de synthèse ont beaucoup évolué et

3 Marie- Madeleine Ozdoba, transparence et opacité de l’image projective, article publié le 17 mai 2012, sur la plateforme picturing architecture, https://picturingarchitecture. wordpress.com/2012/05/17/transparence-et-opacite-de-limage-projective-tendancescontemporaines-de-illustration-darchitecture/.

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Le rendu 3d en architecture et la perception du réel

atteignent un degré de représentation qui se confond avec la réalité. Ce serait une façon de faciliter la compréhension d’une image, de l’objectiver, d’en court-circuiter la lecture, en fabriquant une ouverture sur un réel virtuel tout en considérant une certaine subjectivité liée aux ambiances et idées qu’on veut transmettre à travers l’image.

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II- Le rendu 3d dans les concours d’architecture : intervention dans le réel.

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Source : https://www.artefactorylab.com/baukunst-bruther-6/.


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ors d’un concours d’architecture, l’architecte doit opérer un choix de style graphique pour son rendu afin d’exprimer ses idées entre des dessins graphiques et des images photo-réalistes. Dans cette procédure, le style graphique de rendu 3Dest un argument rhétorique, qui vient s’ajouter à une série d’autres arguments économiques, programmatiques, techniques...etc. M-M Ozdoba (2013). Les images de synthèse ont progressivement remplacé les perspectives à la main, instaurant un nouveau domaine d’expression. L’image de synthèse s’apparente plus au domaine de la photographie qu’au dessin, les outils numériques disponibles aujourd’hui ne cessent de repousser les limites du réalisme des images de synthèse. Leur but est de réduire le plus possible la différence entre l’intention du projet et sa réalisation.

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Le rendu 3d dans les concours d’architecture : intervention dans le réel

A - La place des images de synthèse dans le rendu de concours

Si les rendus 3D ne sont pas les seuls arguments du projet, leur style nous dit quelque chose sur l’idéologie, les priorités, ou encore l’imaginaire du projet. Ainsi, la représentation n’est pas faite pour tromper ou fasciner, mais pour nous raconter les choix stylistiques et les récits que l’architecte tente de transmettre en intervenant dans le réel. Il peut même arriver que dans certains cas, l’image de synthèse soit préférée à la photographie du projet, même après la réalisation, car elle permet une représentation plus idéalisée du projet. Pour arriver à des rendus photo-réalistes, l’architecte fait appel à des agences de visualisation 3D. Cette pratique s’est généralisée dans le domaine de l’architecture principalement lors des concours. Grâce à l’amélioration des outils informatiques en matériel numérique et des moteurs de rendu, les images produites des projets proposés sont très proches de la réalité. Dans ce contexte d’images photoréalistes, un concours annuel d’images d’architecture, réalisées exclusivement via des moteurs de rendu 3D, a vu le jour : Le CGarchitect 3Dawards. À chaque concours les résultats sont impressionnants, il devient même difficile de distinguer entre des images réelles et des images de synthèse. Il n’est pas étonnant de voir que les meilleures agences de visualisation 3D sont des agences dont les fondateurs sont issus de formations en architecture ou de design d’architecture. D’ailleurs les agences d’architecture préfèrent travailler avec des agences de visualisation 3D dont les perspectivistes ont une formation initiale en architecture ou en design d’architecture. Comme le précise Ludovic Lobjoy, architecte associé chez LBB architecture, le contacte passe plus facilement et le perspectiviste comprend nos attentes sur les images de synthèse. La collaboration est plus fluide. L’agence de visualisation 3D à Paris, RSI Studio « Réel, Symbolique, Imaginaire », lauréate du CGarchitect 3Dawards en 2016 (figure 12), travaille en collaboration avec des architectes français et internationaux tels que MVRDV, BIG, Dominique Perrault et Marc Barani sur des commandes d’images 3d. Il est intéressant

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Le rendu 3d dans les concours d’architecture : intervention dans le réel

d’examiner les différents styles graphiques des agences de visualisation les plus connues dans le domaine et voir quelles sont leur idéologie et principes de représentation.

figure 12 : Immeuble de bureaux / Paris 17e, conçu par l’agence Hardel + Lebihan Architectes - image réalisée par RSI Studio. Source : http://3dawards.cgarchitect.com/categories/2016/image.

Les agences dans le même cas que RSI studio sont nombreuses, avec à leur tête, d’anciens architectes qui ont choisi de devenir des perspectivistes. La demande d’images de synthèse est forte. Pour les architectes perspectivistes,

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Le rendu 3d dans les concours d’architecture : intervention dans le réel

leur réorientation vers la production des images de synthèse se justifie par le changement des styles de représentation en architecture et l’importance du détail dans les images de synthèse. Ils continuent à produire de l’architecture sous une approche différente. Pour la collaboration entre l’architecte et l’agence de visualisation, un design process est mis en place par cette dernière pour faciliter l’échange et d’arriver à un résultat qui convient à l’architecte. La démarche et les échanges entre architectes et les agences de visualisation peuvent différer d’une agence à une autre. Certaines agences de visualisation demandent un projet finalisé avant de commencer la modélisation, et un délai d’une semaine pour des éventuelles modifications avant la production de l’image « haute définition ». Alexandre Besson4, architecte perspectiviste à Nancy, formule un design process et un workflow bien précis pour ses clients, avant de signer un contrat. Le workflow est découpé en 7 étapes : D’abord une formulation écrite des attentes et les objectifs à atteindre « le public ciblé, les éléments à mettre en avant… etc. » ensuite, un entretien téléphonique avec l’architecte pour se mettre d’accord sur les modalités de la demande. En troisième lieu, l’esquisse ; le perspectiviste envoi plusieurs esquisses en basse résolution avec points de vue/lumière/ambiance. La quatrième étape consiste en la validation des points de vue et de l’esquisse. L’étape suivante, il est demandé de finaliser les détails architecturaux « le calepinage, les matériaux… etc. », ensuite intervient la production de l’image haute définition puis enfin la finalisation par le travail de post-production « ajout de personnages, teinte, balance des blancs… etc. »

4 Alexandre Besson est diplômé d’Etat en architecture de l’ENSA de Nancy depuis 2010. Habilité à la maîtrise d’œuvre en nom propre depuis 2012. Il est aussi perspectiviste et cofondateur en 2013 de l’atelier OPSIN. Site web : http://alexandre-besson.com/.

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Le rendu 3d dans les concours d’architecture : intervention dans le réel

figure 13 : Salle de sport / Saint-Germain-Lès-Corbeil, conçu par l’agence MAAJ Architectes - image réalisée par Alexandre Besson. Source : http://alexandre-besson.com/portfolio/maaj/.

Le concours conduit à la production de l’architecture et à la réalisation de projets, il est aussi un dispositif qui met en avant le discours et les images de synthèse comme moyen de représentation. Il participe ainsi à la construction des imaginaires sur le devenir d’un site, d’un bâtiment ou même d’un territoire. Ces images de synthèse ou du moins leur utilisation est devenue indispensable dans les concours d’architecture elle n’est pas mentionnée comme document à produire obligatoirement mais elle est plutôt souhaitée. Il est évident que dans un concours chaque participant a pour objectif de mettre tous les arguments de son côté pour décrocher le premier prix, on ne peut donc pas se permettre de laisser une image de rendu 3D faire la différence entre une présentation et une autre. Ainsi, il va de soi que l’usage du rendu 3D se généralise, mais ce type de représentation peut être vu comme un objet de communication utilisé uniquement dans le but de vendre un projet (figure 14). Stéphane Marano, perspectiviste de l’agence de

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visualisation Perception 3D affirme « On peut dire que nos images sont artistiques, mais ce sont d’abord des images destinées à convaincre. Elles se tiennent sur une frontière étroite entre information et séduction, donc elles portent une partie de communication, plus ou moins assumée ».

figure 14 : Concert hall / Zelazowa Wola (Pologne), conçu par Parc Architectes - image réalisée par ArtfactoryLab. Source : https://www.artefactorylab.com/parc-architectes-2/.

« Lors des concours, les membres du jury parlent de l’image de synthèse comme de la photo. Elle suscite chez les gens des réactions très vives, comme s’ils se trouvaient face à quelque chose de réel. » explique Isabelle Crosnier, architecte et programmiste, qui a participé à l’organisation de nombreux concours d’architecture. Alors que le dessin était perçu comme une étape du projet, l’image est quasiment devenue un document contractuel que l’architecte va s’efforcer de construire. S’il n’est pas équilibré par le travail de la commission technique, le pouvoir de l’image est particulièrement fort.

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Pour Denis Bilodeau5, professeur et chercheur à l’université de Montréal, un concours d’architecture est un évènement lié aux problématiques actuelles. Il est souvent la source de débats et de publications qui auront pour effet d’alimenter la controverse et de stimuler l’opinion publique. Participer à un concours est, pour un architecte, comme une forme d’engagement qui s’accompagne d’un potentiel de visibilité et de gloire momentanée, une chance de faire l’actualité. Sortir lauréat d’un concours d’envergure permet à une agence d’architecture de passer à un autre cap et de connaitre des commandes de projets plus conséquents. Les concours sont guidés par la volonté de distinction et encouragent la recherche d’originalité aussi éphémère soit-elle. Les images de synthèse sont donc un composant important dans un rendu de concours, d’abord parce que le style d’image que présente l’architecte dans son rendu peut traduire à lui seul les intentions de projet et les idées qu’il cherche à défendre, mais aussi, l’image de synthèse est un document qui est destiné au grand public, ainsi son appréciation est à priori accessible à tous les membres d’un jury de concours pluridisciplinaire.

B - La composition d’un jury de concours

L’image de synthèse est liée aux concours d’architecture. Cela se justifie par les coûts supplémentaires qu’elle engendre pour les agences d’architecture et l’importance qu’on lui donne dans les rendus de concours, dans un but précis, celui de la communication. Les architectes sont dans l’obligation d’être le plus explicites possible dans leurs idées de projet, et l’image de synthèse offre cette possibilité de communiquer avec un langage que même les personnes qui ne s’apparentent pas aux domaines de l’architecture peuvent facilement assimiler. Notamment dans les projets de grande envergure et les projets qui ont une certaine complexité formelle et spatiale. Cette possibilité sur les vraies raisons de l’utilisation des images de synthèse soulève un autre questionnement, celui du jury de concours. Suivant l’article R2162-22 sur la composition du jury de concours

5 Denis Bilodeau est professeur à l’Université de Montréal, chercheur au Design Knowledge Systems Research Center de l’Université de Delft et a été commissaire de l’exposition « Concours d’architecture et imaginaire territorial : les projets culturels au Québec 19952005 ».

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dans les marchés publics, le jury doit être composé de personnes indépendantes des participants au concours. Lorsqu’une qualification professionnelle particulière est exigée pour participer à un concours, au moins un tiers des membres du jury doit posséder cette qualification ou une qualification équivalente Les images de synthèse s’adressent à des jurys dont certains membres ne sont pas architectes. La lecture du projet s’effectue donc naturellement à travers la vue 3D en fonction des éléments représentés : l’insertion dans le site du projet, les personnages utilisés sur les images de synthèse pour représenter le futur usager, et leur disposition dans la scène de façon à ce qu’ils racontent une histoire ou un usage. Les textures et les matières peuvent aussi focaliser l’attention et la détourner des questions plus fondamentales, en l’occurrence le fonctionnement d’un bâtiment, …etc. Ces éléments donnent à l’image de synthèse une certaine subjectivité qu’on ressent à la lecture du rendu 3D, notamment dans le choix des angles de vue présentés ; vue aérienne, vue à hauteur d’homme, depuis une rue principale, …etc. Ces propos sont illustrés sur la figure 15, image de synthèse réalisée par l’agence de visualisation luxigon, pour le studio Lebeskind dans le concours d’architecture qui a été lancé pour la conception de la nouvelle Occitanie tower à Toulouse. Sur l’image présentée on voit seulement une petite partie de la tour projetée, elle couvre seulement une portion assez restreinte du cadrage. Pareil pour l’angle de vue qui est choisi de façon à ce que l’observateur voit la tour comme un élément qui surplomb la ville et donne un horizon très ouvert sur plusieurs kilomètres. Autre élément perturbant du rendu 3D est l’aspect architectural où les détails sont très peu visibles, mais qui est pourtant le sujet principal de cette image.

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figure 15 : Vue aérienne de l’Occitanie tower / Toulouse, conçu par Studio Libeskind - image réalisée par Luxigon. Source : https://www.luxigon.com/gallery.

Il est donc important, pour que le concours garde une certaine légitimité, de procéder à un contrôle précis afin d’éliminer tous les signes dont on pense qu’ils pourront troubler un jury à la composition variable. Selon Camille Crossman6, de l’université de Montréal, le jugement qualitatif ne peut être strictement objectif et rationnel puisqu’il se construit sur la base de l’interprétation à la fois personnelle et collective des critères et des projets. Il fait intervenir différents paramètres en fonction des idéologies et des attentes de ceux qui sont appelés à juger. Une image de synthèse a le pouvoir, par sa qualité, de faire gagner un concours. Mais aussi une image dont les intentions de projet sont détournées vers des éléments qui perturbent la lecture, peut faire perdre le concours. Si ces éléments sont repérés lors de la lecture du projet, il est dans ce cas-là urgent de mettre en place un système de contrôle ou peut être une charte d’éthique afin d’éviter tous les effets qui perturbent la lecture du projet. 6 Camille Crossman est doctorante au LEAP (Laboratoire d’Etude de l’Architecture Potentielle) de l’Université de Montréal.

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C – Charte d’éthique de la 3D

« La France reste le pays où, il s’organise le plus de concours dans le monde par an depuis maintenant trois décennies » Jean-pierre chupin7. Il est difficile, voire impossible de présenter une image de synthèse ou une image photo-réaliste neutre. La neutralité est le mot maitre. Pour qu’il puisse y avoir un jugement juste et sans penchant, le rendu 3D reste un outil sensible et il est impératif d’arriver à le contenir et à maitriser son impact sur le jugement d’un projet. De plus, de nombreux architectes de renommée se sont mis à créer leur propre « signature » immédiatement reconnaissable, même à travers un concours anonyme. Les rendus 3D apportent une plus-value à la qualité de présentation de projet mais ils permettent aussi, s’ils sont intégrés dans le processus de conception du projet, d’améliorer la qualité architecturale par des simulations 3D, réalisation de maquettes numériques. Cependant, il est nécessaire de déterminer leur champs d’utilisation et leurs limites. Du moment qu’on reconnait que les rendu 3D font partie du dossier graphique que présente l’architecte (une insertion au site dans un permis de construire) non seulement au maitre d’ouvrage pour un permis de construire et aussi lors d’un concours d’architecture. Il convient de déterminer une charte précise ou du moins des consignes communes qui permettent de juger la 3D avec objectivité comme ce qui est le cas pour les autres documents graphiques d’un rendu en architecture, à savoir les élévations, les plans…etc. En 2010, une charte a été signée à Monaco lors du salon Imagina, cette charte engage les collectivités publiques et les fournisseurs d’images virtuelles 3D « pour une utilisation éthique et déontologique des représentations tridimensionnelles du territoire, fondée sur des données avérées ». Ce document concerne en priorité les collectivités publiques qui sont nombreuses à s’engager dans la modélisation de leur territoire, les unités de recherche en collaborant avec les architectes,

7 Jean-Pierre Chupin, architecte et chercheur, spécialiste du raisonnement par analogie, qui documente les concours d’architecture au Canada. Il est professeur à l’Université de Montréal, il codirige avec Georges Adamczyk, le Laboratoire d’étude de l’architecture potentielle (L.E.A.P).

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les géomètres et les urbanistes. Il comprend trois grands principes : crédibilité, transparence et mutualisation des bonnes pratiques. 1. Principe de crédibilité :

- Créer des images de synthèse ou des scènes tridimensionnelles qui ne soient pas susceptibles d’influencer à son insu le décideur, le maître d’ouvrage ou le public. - Utiliser uniquement des données fiables et actuelles, privilégiant l’usage de données officielles, de qualités adéquates et suffisantes, représentatives du territoire concerné par le projet. 2. Principe de transparence :

- Documenter les données d’origine intégrées à la scène tridimensionnelle et l’image de synthèse. - Préciser les objectifs de la scène tridimensionnelle. - Indiquer les éléments subjectifs appropriés, appliqués à la scène tridimensionnelle. - Mentionner toute transformation des données. - Renoncer à l’usage de données qui porteraient atteinte lors de leur acquisition à la sphère privée des personnes. 3. Principe de mutualisation des bonnes pratiques :

- Favoriser la création de réseaux de partage sur le thème de la représentation tridimensionnelle du territoire. - Encourager la formation et la recherche dans le domaine de la 3D. - Promouvoir la charte d’éthique et de déontologie de la 3D. Ces trois principes de la charte d’éthique 3D engagent les signataires à respecter certains principes de rendu 3D Mais cette charte reste, à mon sens, vague dans la détermination de critères précis et concrets. Ces éléments sont indispensables pour compléter ce document d’éthique 3D et affirmer le respect des principes de la charte. Ajouter à cela, il me parait difficile de faire respecter ces principes si les

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critères ne sont pas mentionnés dans le cahier des charges avec plus de précisions. Par exemple, le choix des points de vue des rendus 3D est le même pour tous les projets qui répondent à l’appel d’offre. Ces derniers sont déterminés dans le cahier des charges. De plus on peut limiter les ambiances dans les rendus 3D en excluant les rendus de nuit et en fixant un cadrage bien précis sans personnages et sans tous les éléments extérieurs au projet en question. On peut aussi limiter le choix des textures utilisées ou contraindre les participants à produire un rendu type maquette blanche. Tous ces éléments peuvent aider à mieux cerner les idées d’un projet, tout en gardant un certain contrôle sur les rendus 3D afin d’avoir une meilleure appréciation de la qualité architecturale et que les idées qui portent le projet ne soient pas perturbées par des effets ou des éléments extérieurs à l’aspect architectural. D -Modifier le réel sans dépasser l’image d’architecture

Il apparait que l’image de synthèse imite, dans certains cas, la photographie jusqu’à l’illusion, créant parfois une confusion qui peut entrainer des attentes de vérité par rapport au projet représenté. Cette esthétique d’apparence hyperréaliste est avant tout un style de rendu soumis à de possibles manipulations (figure 16).

figure 16 : Aquatic Center/ Copenhague, conçu par Kengo Kuma & associates. Source : https://www.luxigon.com/.

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Selon M-M Ozdoba, ce n’est pas l’image, mais bien l’information l’accompagnant qui distingue une fiction d’un projet. Aujourd’hui, les images utilisées pour communiquer, des jurys de concours aux médias grand public, constituent une scène où se négocie et se partagent des réalités futures. Ce « niveau de réalité » prêté à l’image de synthèse est variable dans le temps, selon le stade où se trouve le projet d’architecture (phase concours, esquisse …). Cependant, même après la réalisation du projet, certains architectes continuent à mettre en avant les images de synthèse plus que les photographies réelles du projet, Rodolphe Rodier, perspectiviste chez Baumschlager-Eberle architecture, précise que dans certains cas, l’image de synthèse est préférée à la photographie, même après la réalisation, car elle permet une représentation plus idéalisée du projet, et traduit mieux l’intention et les idées de l’architecte pour le projet. Les images de synthèse, quand elles sont utilisées avec une bonne maitrise des paramètres de rendu et dans le respect de l’éthique architecturale, permettent d’améliorer la qualité architecturale du bâtiment, en produisant plusieurs essais d’images photo-réaliste, ou bien d’éviter des erreurs qu’on peut faire si on ne prend pas en compte l’environnement existant. Les perspectivistes aident, dans certains cas, à améliorer la qualité architecturale des projets par la réalisation de plusieurs variantes de projet en effectuant des tests d’images photo-réaliste pour les architectes, même durant une phase avancée du projet (APS, APD… etc.), afin de choisir la composante la plus adéquate pour les exigences et les enjeux auxquels doit répondre le projet. Dans ce sens, il est intéressant d’étudier les démarches et les caractéristiques des images de synthèse produites par les agences de visualisation les plus réputés dans le milieu architectural et qui ont des partenariats avec les plus grandes agences d’architecture actuellement. L’agence Parisienne ArtfactoryLab, existe depuis 20 ans dans le domaine de la visualisation en architecture. Fondée par Dominique Duchemin et Jean-François Marcheguet, l’agence a été une pionnière de l’image de synthèse. Son style de rendu est caractérisé par des cadrages serrés. On y retrouve souvent les bâtiments représentés en second plan et un premier plan, dominé soit par de la verdure soit par des personnages racontant l’usage du projet. Le point de vue à hauteur d’homme est favorisé (figure 17).

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figure 17 : Ateliers d’artistes / Qingdao (Chine), conçu par Ateliers Jean Nouvel - image réalisée par ArtfactoryLab. Source : https://www.artefactorylab.com/ateliers-jean-nouvel/.

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Le rendu 3d dans les concours d’architecture : intervention dans le réel

Studio RSI (Réel, Symbolique, Imaginaire), fondé à Paris, par Gaël Nys et Matthieu Blancher. Tous deux formés en design mobilier, ils préconisent une certaine sensibilité à l’architecture qui donne un cachet particulier à leurs images de synthèse. Les images produites par RSI se démarquent des codes en vigueur dans la visualisation architecturale traditionnelle pensée pour les concours. On y croise très peu de personnages, les ciels peuvent être gris, les cadrages assez serrés, pas de lignes verticales fuyantes, ni de lumières exagérées. L’agence s’appuie sur une modélisation poussée du mobilier, des textures …etc. Tout ce qui apparait dans l’image est modélisé en 3D dans le plus petit détail, leur méthode de travail s’accommode mal avec des projets encore indéfinis (figure 18).

figure 18 : Ecole nationale supérieure de la photographie / Arles, conçu par Marc Barrani - image réalisée par RSI Studio. Source : https://www.rsi.studio/projects/marc-barani/.

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Le rendu 3d dans les concours d’architecture : intervention dans le réel

L’agence Mir a été lancée par deux designers Trond Greve et Mats Andersen à Bergen en Norvège. L’agence de visualisation trouve son identité visuelle en produisant des images dont l’atmosphère et l’identité rendent le projet plus intriguant visuellement et plus mémorable que les autres propositions. Mir fait partie des perspectivistes les plus demandés à l’échelle internationale. Son style baptisé « Natural visualisation » concentre ses efforts esthétiques sur la lumière et l’environnement dans la cohérence de l’image. Les perspectivistes cherchent selon eux la projection d’une subjectivité qui inspire au spectateur une réaction émotionnelle. Mir fait donc partie des studios qui produisent des images artificielles contrairement au studio RSI qui lui fait partie des studios photo-réalistes (figure 19).

figure 19 : Musée Audemars Piguet / Le Brassus (Suisse), conçu par BIG - image réalisée par Mir. Source : https://www.mir.no/work/.

L’agence de visualisation Luxigon, peut être affiliée au même style de studios qui produisent des images artificielles. Fondée en 2007, à Paris par Éric de Broche, Julien Alma et Laurent Théaux, partenaire avec des architectes de dimension internationale en rendus de concours. On reconnaît une image Luxigon à ses ciels souvent sombres, son utilisation fréquente des personnages en avant-plan, ses blancs diffusant des halos sur le reste de l’image, ses cadrages percutants, poussant parfois l’intelligibilité des projets à ses limites. Sur la technique de rendu l’agence fait recours à un travail modéré sur la modélisation et privilégie un travail

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Le rendu 3d dans les concours d’architecture : intervention dans le réel

important sur Photoshop, comme le confirme un des associés de l’agence « notre style est plus illustratif qu’hyperréaliste. Lors d’un concours le projet est loin d’être défini, trop de précision risquerait de le figer » 8. (figure 20).

I-

w

figure 20 : Station Area Gleisdreieck / Berlin (Allemagne), conçu par COBE architectes - image réalisée par Luxigon. Source : http://www.cobe.de/img/twothirds/02_gleisdreieck0.jpg.

8

Olivier Namias, L’image d’architecture à l’ère de la fabrication numérique, revue

D’architectures, N°210, page 44.

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Source : http://3dawards.cgarchitect.com/gallery/index/42.

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III- La pertinence des rendus 3d dans les concours d’architecture : analyse et enquête.

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L

’image de synthèse peut être réalisée pour un permis de construire ou une présentation publique, mais elle prend d’avantage d’importance lors d’un rendu de concours. Un contexte différent qui entraine des contraintes spécifiques : le projet présenté est bien souvent en cours de finalisation. L’émergence d’une image hyperréaliste dans le cours d’un processus de conception en voie d’aboutissement peut s’avérer perturbante. Sonny Holmberg9, architecte et perspectiviste, soutient que l’objectif des images de synthèse est de communiquer sur la conception de projets architecturaux, non encore construits, vers le public et les clients, d’une façon intelligible pour tous et pas seulement pour les architectes. Dans ce sens cette partie du travail consiste à étudier différentes images de synthèses présentées lors des concours d’architecture pour des projets d’envergure, afin de réaliser des analyses critiques des images de rendu 3D et des images des projets une fois réalisés, pour arriver par la suite, à travers des entretiens avec des maitres d’ouvrage et architectes, à comprendre comment se fait la lecture des rendus 3D dans les concours d’architecture et leur impact sur le choix des projets lauréats, et enfin de conclure en explorant les différentes alternatives qu’on peut trouver avec d’autres moyens de production graphique dans les concours.

9 Sonny Holmberg, est un architecte et perspectiviste, membre fondateur du CGArchitects awards, il est visualization manager chez Henning Larsen architects.

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La pertinence des rendus 3d dans les concours d’architecture : analyse et enquête

A- Rendus 3D et projets réalisés (Le passage du virtuel au réel) :

Le travail consiste à étudier l’existence d’une éventuelle logique, commune, liée aux représentations graphiques des rendus 3D, ce en se basant sur les rendus des différentes agences qui ont une certaine notoriété dans le domaine de la visualisation architecturale et qui ont déjà produits des images de synthèses pour des concours durant plusieurs années, et pour les agences d’architecture les plus célèbres au monde. Le choix de travailler sur des exemples de ces agences de visualisation se justifie par le fait que les images produites sont considérées comme les plus abouties et les plus réalistes. Il est donc important, pour avoir une étude crédible, de s’appuyer sur ces rendus 3D et d’élaborer des analyses et des constats par analogie.

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La pertinence des rendus 3d dans les concours d’architecture : analyse et enquête

Projet : La nouvelle Samaritaine (Paris, 1er). Architecte : Agence Sanaa. Image : Remy Kerbiquet, Perspectiviste.

figure 21 : La nouvelle Samaritaine / Paris, conçu par Sanaa - image réalisée par Remy Kerbiquet. Source : https://www.lvmh.fr/les-maisons/autres-activites/samaritaine/.

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La pertinence des rendus 3d dans les concours d’architecture : analyse et enquête

figure 22 : La nouvelle Samaritaine / Paris, conçu par Sanaa - image réalisée par Remy Kerbiquet. Source:https://www.lasamaritaine.com/wp-content/uploads/2019/09/Fa%C3%A7ade-Rivoli-%C2%A9-R%C3%A9my-Kerbiquet.jpg/.

L’image de synthèse met en scène le projet dans son environnement. L’angle de vue choisi est à hauteur d’homme et montre les deux côtés de la rue principale. Sur la figure 21, le projet est intégré dans le site en utilisant une image réelle du site, avec l’animation qu’il connait quotidiennement. Sur la figure 22, il y a une volonté de montrer l’activité que va abriter le projet en rez-de-chaussée. L’environnement direct a été modifier pour adapter l’image aux besoins du projet. Le bâtiment se caractérise par une façade ondulée, totalement vitrée. Sur l’image de synthèse, il y a une volonté de donner plus de légèreté et de transparence au bâtiment, comme un bâtiment qui s’efface devant les bâtiments qui l’entourent. Le vitrage est blanc et ne donne pas un aspect réel sur la transparence et la réflexion du vitrage (figure 23), peut-être une volonté de minimiser l’impact du bâtiment par rapport aux bâtiments voisins. Sur la figure 22, l’usage est mis en avant,

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La pertinence des rendus 3d dans les concours d’architecture : analyse et enquête

avec notamment une différenciation dans l’éclairage dans la partie inférieure du bâtiment, pour dévoiler l’activité commerciale, accompagnée d’un rajout de personnages dans l’ensemble du bâtiment.

figure 23 : La nouvelle Samaritaine / Paris, conçu par Sanaa. Source : Auteur. Aout 2019.

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Projet : FRAC PACA (Fond Régional d’Art Contemporain) (Marseille). Architecte : Kengo Kuma & associates. Image : Agence Kengo Kuma & associates.

figure 24 : FRAC PACA (Fond Régional d’Art Contemporain) / Marseille, conçu par Kengo Kuma & associates. Source : https://www.lemoniteur.fr/mediatheque/9/2/5/000536529_620x393_c.jpg..

L’image de synthèse est cadrée sur le centre du bâtiment. L’utilisation de la verdure et des branches d’arbres sur les côtés permet de donner une limite au cadrage et fixer l’attention sur le centre du projet. Les espaces extérieurs du projet, sont animés avec une lumière coloré et rajout de personnages, pour montrer l’usage des espaces extérieurs. L’utilisation d’un rideau en double peau qui vient envelopper le bâtiment. Sur la figure 24, cet élément donne de la transparence et il est représenté en blanc, avec des reflets sur l’ensemble du projet. L’élément représenté a des limites floues, on a du mal à distinguer cet élément architectural et ses composants.

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La pertinence des rendus 3d dans les concours d’architecture : analyse et enquête

figure 25 : FRAC PACA (Fond Régional d’Art Contemporain) / Marseille, conçu par Kengo Kuma & associates. Source : Auteur. Décembre 2019.

On voit que cette texture blanche et parfois transparente, utilisée avec de la lumière artificielle autour, donne souvent une lecture perturbée de l’élément architectural. Sur la figure 21, projet de la nouvelle Samaritaine, cette même texture est utilisée pour représenter une façade vitrée et vise à exprimer la légèreté de la façade mais elle ne représente pas forcement l’aspect final du projet lors de la réalisation. Ce qui est le cas aussi de la figure 25, projet conçu par Kengo Kuma & Associates à Marseille, l’élément transparent en double peau sur la figure 24, correspond finalement à des panneaux de verre semi-transparent. Il ne faut pas croire l’image de synthèse aux détails, parce que c’est une image qui montre une architecture idéalisée et exprime la volonté et l’idée qui guide le projet sans être stricte sur les détails.

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Projet : Rénovation de la tour Montparnasse (Paris). Architecte : Groupement Nouvelle AOM. Image : Luxigon.

figure 26 : Rénovation Tour Montparnasse / Paris, conçu par le groupement Nouvelle AOM. Image réalisée par, Luxigon. Source : https://www.nouvelle-aom.com/le-projet/.

L’image de synthèse du projet de rénovation de la tour Montparnasse présente une scène de nuit. Le point de vue choisi est le champ de mars. Le projet en question n’occupe qu’une petite partie de l’ensemble de l’image. Il y a une volonté d’illustrer le projet et de l’associer aux grands monuments de Paris. Le projet est en arrière-plan, l’idée étant de montrer que la tour est visible depuis les plus grands monuments de Paris. Pour orienter le regard de l’observateur vers la tour, la lune est centrée au-dessus du projet et éclaire la zone environnante (figure 26). Le projet est mis en évidence

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sur la scène grâce à une lumière artificielle, notamment sur la partie supérieure de la tour qui représente la nouvelle extension sous forme de serre. L’idée à travers cette image n’est pas de montrer l’aspect architectural du projet. A cette distance, on n’arrive pas à distinguer les différents éléments qui composent la tour, mais à montrer la monumentalité du projet, de par sa taille et aussi en l’associant aux différents monuments architecturaux de la ville (figure 27).

figure 27 : Rénovation Tour Montparnasse / Paris, conçu par le groupement Nouvelle AOM. Image réalisée par, Luxigon. Source : https://www.nouvelle-aom.com/le-projet/.

La Scène de nuit permet de montrer moins de détails sur l’aspect architectural. Le point de vue choisi nous donne des idées sur les intentions du projet. La lumière artificielle et les éléments extérieurs au projet (lune, arbres en premier plan, personnages…) sont utilisés pour guider le regard de l’observateur et surtout pour magnifier l’image.

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On peut reprendre une photographie actuelle de la tour Montparnasse dans les mêmes conditions que les images de synthèse présentées, (figure 28). La photographie montre la tour Montparnasse de nuit dans un angle de vue où on peut également voir la tour Eiffel. Cette photographie illustre la lecture faite des deux images de synthèse où l’accent est mis sur le contexte du projet et sur l’aspect visuel et non pas sur le côté architectural. Si on se base uniquement sur la photographie, (figure 28), on ne comprendrait pas l’utilité de rénover la tour Montparnasse. La visualisation architecturale, pousse la modélisation vers d’avantage de réalisme pour impliquer directement le public dans une représentation crédible et in-situ du projet. C’est un rendu professionnel, mais qui joue sur l’émotion, comme le confirme Sonny Holmberg « nous sommes tous des humains et on entend souvent que ce qui nous rend humains est le fait que nous avons des émotions » 9.

9 Architectural visualisation, revue Advanced Création N°2, janvier, février, mars 2019, Quelques explications autour d’un métier qui remodèle la représentation des projets architecturaux, pages 122-125.

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figure 28 : Tour Montparnasse / Paris. Source : https://www.delambre-paris-hotel.com/montparnasse/.

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figure 29 : Rénovation Tour Montparnasse / Paris, conçu par le groupement Nouvelle AOM. Image réalisée par, IDA+. Source : https://www.nouvelle-aom.com/le-projet/.

L’image de synthèse illustrée sur la figure 29 donne une vue plus rapprochée sur la tour. Ici c’est l’usage au niveau de la terrasse inférieure de la tour qui est mis en avant, un espace convivial. L’image est marquée par des personnages sur la terrasse. Le garde-corps s’efface pour montrer l’activité sur la terrasse avec notamment une végétation abondante, plantées directement sur la dalle. Des arbres viennent compléter cette terrasse. L’exagération de la verdure sur les images de synthèse est aussi un point fréquent dans ce type de rendu. La verdure donne le sentiment d’un espace convivial et agréable à vivre.

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Projet : Logements, galerie d’art, commerces, parking (Nanterre). Architecte : X-TU Architectes. Image : X-TU.

figure 30 : Logements / Nanterre, conçu par X-TU Architectes. à gauche, image de synthèse réalisée par X-Tu, à droite, photographie réalisée par Luc Boegly. Source : https://www.xtuarchitects.com/work-1.

L’image de synthèse du projet ne correspond pas exactement au projet réalisé dans les ouvertures, le nombre de niveaux et la façade principale (figure 30). Dans ce cas, l’image de synthèse n’est pas très réaliste. Le rendu n’est pas travaillé pour être hyperréaliste, il représente les lignes directrices du projet. Il est plus facile d’accepter le caractère évolutif de l’image de synthèse selon le stade où se trouve le projet quand cette dernière ne présente pas un aspect réaliste et laisse un peu d’espace à l’évolution du projet.

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Projet : L’arbre blanc, Logements (Montellier). Architecte : Sou Fujimoto Architectes. Image : RSI Studio.

figure 31 : L’arbre blanc, Logements / Montpellier, conçu par Sou Fujimoto Architectes. Image réalisée par : RSI Studio. Source : https://www.rsi.studio/projects/sou-fujimoto/.

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L’image de synthèse, réalisée par la sérieuse équipe de RSI studio, figure 31, présente une image à hauteur d’homme, zoomée sur le projet, pour montrer notamment l’élément majeur de ce projet, qui est révélé par ces terrasses suspendues. Le bâtiment est illustré dans un blanc éclatant, un rayon de soleil vient apporter plus de lumière dans l’image. On remarque aussi l’absence de personnages sur l’image de synthèse, avec seulement quelques petites plantes sur certaines terrasses. D’un point de vue général, le rendu 3D est réaliste et assez sobre et ne laisse aucune place à la fascination, comme le confirme la figure 32, qui est une photographie du projet après sa réalisation. L’image de synthèse correspond très bien au projet réalisé.

figure 32 : L’arbre blanc, Logements / Montpellier, conçu par Sou Fujimoto Architectes. Photographie : SFA-NLA-OXO Architectes. Source : https://chroniques-architecture.com/wp-content/uploads/2019/07/02-@SFA-NLA-OXO.jpg.

À travers les images analysées, on arrive à distinguer certains éléments qui reviennent souvent dans les rendus 3D, ils jouent un rôle dans la fascination de l’image de synthèse et réduisent la crédibilité du projet, si, néanmoins l’observateur arrive à les repérer.

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- Exagération de la verdure, pour donner l’impression d’un espace agréable et conviviale, même s’il parait difficile d’imaginer qu’une terrasse avec une dalle de faible épaisseur puisse supporter un tel poids. - Le choix du point de vue, éloigné et donnant moins de détails sur l’aspect architectural mais plus sur la monumentalité du projet. Le projet est en second plan. - Le choix de représenter des scènes de nuit, la lumière artificielle permet de magnifier la scène. - Orienter le regard de l’observateur avec des effets visuels, et détourner l’attention sur l’aspect technique du projet.

B- La pertinence des rendus 3D dans les concours d’architecture

Les exemples d’images 3D des projets étudiés dans le titre précèdent permettent de démontrer que l’image de synthèse peut être un outil à double tranchant, pour les architectes qui présentent un projet de concours, mais aussi pour le jury, dans le sens où, si l’image 3D est fidèle au projet qui va être réalisé elle peut être un atout majeur au projet, dans le cas contraire si l’image 3D est mal maitrisée et présente des éléments qui perturbent la lecture du projet elle peut être fatale pour l’architecte. L’image de synthèse peut donc, pour de mauvaises raisons ou des jugements trop rapides, conduire à exclure des projets de qualité. Il n’est pas évident de déterminer à quel point le rendu 3D est pertinent dans le choix du projet lauréat. Cependant, il faut reconnaître qu’il a une importance dans la sélection des projets lors d’un concours. Christine VETIER, directrice de l’immobilier au conseil départemental de Meurthe et Moselle, confirme « on a toujours eu un débat là-dessus. Quand on a 70 candidatures, lors de la présélection On montre que les planches techniques, on regarde les images 3D après, et en fait, ceux qui passent l’étape de présélection sont ceux qui ont les plus belles images

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et là, c’est très important parce que c’est le moment de recrutement et on passe de 70 à 3 ou 4 projets. » Cette situation s’explique par le fait que, malgré la composition pluridisciplinaire du jury, il n’empêche qu’un avis important revient aux élus et aux maîtres d’ouvrage qui, face à un pareil contexte, se remettent aux images 3D des projets pour faire une première sélection des candidats retenus pour la phase finale du concours. C. VETIER appuie ses propos « je le vois, quand on passe les images des projets de candidature, j’observe la réaction des membres du jury et des élus, on voit bien que ça ne laisse pas indifférent. Les images originales pour accrocher l’œil ça passe pas du tout, ce qui passe c’est les images soft. C’est de la pub c’est du marketing au final, c’est ce que les gens ont envie de voir. » Les rendus 3d ont un rôle important, dans la représentation graphique, comme outil de communication principal des projets soumis aux concours. Olivier SIMONIN, responsable du service grands projets au conseil départemental de Meurthe et Moselle, continue dans ce sens « Aujourd’hui dans les projets de concours, c’est vrai que l’image 3D est mise en évidence sur les planches présentées, c’est l’élément qui vient à l’en-tête de la planche, et il prend une grande place dans la mise en page de la planche. L’observateur prend donc tout de suite l’info. Et après tout, le raisonnement qu’on peut avoir sur le projet est conditionné par l’image 3D. peut-être le mieux est de dévoiler l’image 3D après avoir analyser le projet et tout le dossier technique. » Faut-il éviter et bannir cette architecture d’image ? ou bien, au contraire, l’utiliser mais dans un contexte qui permet de faire profiter l’aspect architectural du projet et donner simplement une réalité ; si l’image 3D est belle, le projet réalisé le sera aussi ? Pour y répondre, il faut s’appuyer sur le jugement de l’image de synthèse et voir si les personnes qui composent le jury sont formées à la lecture des images de synthèse. Il est clair qu’une image dans sa forme basique et enfantine ne demande à priori pas de compétences pour la lire ni la comprendre ; c’est justement dans cette ouverture que se trouve le « piège » des images de synthèse. Si tout le monde est dans la mesure d’identifier les différents éléments qui perturbent la lecture du projet dans l’image 3D, le sujet peut être clos, cependant, les images de synthèse continuent à fasciner les jurys de concours et s’avèrent déterminantes dans la sélection des projets participant à un concours. C. VETIER reprend sur le sujet, que l’étude des projets candidats se fait d’abord sur l’aspect technique, le fonctionnement et le programme et c’est seulement à ce moment-là qu’intervient

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la discussion sur l’image. Lors de la phase finale d’un concours où seulement 3 projets restent en lice pour être lauréat, l’image 3D n’est pas la partie la plus importante. Le débat se focalise sur l’aspect programmatique, fonctionnel et l’aspect économique du projet. On conclut, que le rendu 3D permet dans certains cas, au projet de passer la phase de sélection, mais ce n’est pas l’élément déterminant lors de la phase finale du concours. Par ailleurs il est important que les jurys soient formés à la lecture des images 3D, C. VETIER « les jurys de concours sont formés et continuent de l’être avec les années d’expérience à participer aux jurys de concours d’architecture, mais ils devraient être formés plus sur la lecture des images 3D. Il y a un organisme qui s’occupe de ça c’est la MIQCP (Mission Interministérielle pour la Qualité des Constructions Publiques) c’est un peu eux qui sont à la base des évolutions de l’aspect règlementaire des concours. » En plus de la formation des jurys de concours, il est nécessaire de cadrer les rendus 3D par la mise place de mesures strictes qui limitent les images de synthèse et leur évitent d’être dans la fascination.

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C- D’autres modes de production graphique comme alternatives aux rendus 3D

Les rendus 3D photoréalistes qui dominent dans les concours d’architecture laissent moins de place ou de marge à l’interprétation du projet, contrairement à un autre mode de production graphique moins réaliste mais qui s’appuie plus sur la représentation des usages et sur la question de la programmation du projet proposé. Jean Nouvel voit dans les images de synthèse un moyen de développer l’esthétique de la sensation qu’il revendique pour son architecture. D’autant que les commanditaires publics et privés sont demandeurs de ces images idéalisées qui nourrissent le marketing urbain. Cependant d’autres modes de production graphique peuvent transmettre des informations plus en accord avec les idées de projet et dans un langage simple, sans pour autant détourner l’attention sur des éléments autres que l’aspect architectural et de son usage. Parmi les modes de rendu graphique pour représenter le devenir d’un projet dans les concours d’architecture on trouve le rendu à la main (figure 33), même si ce type de rendu est peu utilisé par les architectes aujourd’hui dans les concours, au point où il surprend, dans certains cas, les membres du jury, le rendu à la main permet à certains architectes de se distinguer. Il donne aussi souvent à voir, grâce à un arsenal d’outils : axonométries éclatées, schémas…, ce que l’on ne montre pas d’habitude. Il rompt avec l’obsession de faire vrai, pour mieux faire comprendre. Il est aussi une vertu communicante et surtout didactique des dessins qui, parce qu’ils rappellent les univers familiers de la bande dessinée par des illustrations simples, auraient vocation à expliquer l’architecture et l’urbanisme à tous, aux élus comme au grand public.

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figure 33 : Concours de logements, 2016 à Bordeaux, architecte : Nadau Lavergne - dessin réalisée par Diane Berg. Source : http://dianeberg.canalblog.com/.

Dans les concours et les appels d’offres, les candidats sont questionnés sur la programmation et les usages, deux registres que les schémas ou les croquis parviennent à exprimer avec simplicité (figure 34).

figure 34 : Concours de logements, 2016 à Bordeaux, architecte : Nadau Lavergne - dessin réalisée par Diane Berg. Source : http://dianeberg.canalblog.com/.

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Plus abstrait que l’image de synthèse, le dessin convient également à l’incontournable concertation avec les habitants. Il est peu réaliste et focalise l’attention sur les pratiques de l’espace et engage moins les maitres d’œuvre et d’ouvrage à l’aspect final des bâtiments. Diane Berg illustratrice et architecte, réalise des rendus dessin pour des agences d’architecture, notamment pour les concours. Elle soutient le fait que le dessin d’architecture est un langage universel, «On attend de moi que je montre la fonctionnalité d’une construction, son usage, la vie en même temps que l’architecture ; que je traduise la relation du corps à l’espace». Ces rendus dessinés accompagnent ainsi l’évolution de la commande et des aspirations des maitres d’ouvrage. A travers la lecture du dessin réalisé par l’illustratrice Diane Berg pour le compte de l’atelier Pascal Gontier, dans le cadre d’un concours pour la réalisation de logements à Paris (figure 35), l’image représente un style graphique simple avec une esthétique épurée du dessin au trait à main levée, sans l’utilisation de couleur, pas de texture ni d’effet de transparence. Ce sont les usages qui sont mis en avant, souvent incarnés par les personnages au premier plan.

figure 35 : Concours de logements, Paris, architecte : atelier Pascal Gontier - dessin réalisée par Diane Berg. Source : http://dianeberg.canalblog.com/.

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L’image présentée par l’agence d’architecture NP2F10 (Paris) et office KGDVS11 (Bruxelles), lors du concours réinventer Paris 2015, représente un autre mode de production (figure 36). Une image verticale dans des tons pastels où dominent le blanc, le gris et le vert, elle montre dans un traitement graphique simple avec notamment des lignes blanches pour représenter la structure répétitive sans volume ni matérialité, sans reflet ni ombre. Cette représentation exprime assez clairement ce que pourrait être le projet une fois réalisé.

10 NP2F Agence d’architecture basée à Paris, fondée en 2009, elle compte aujourd’hui 12 personnes réparties entre Nice et Paris et intervient dans diverses villes en France et à l’étranger.

11 Office KGDVS agence d’architecture Bruxelloise, fondée en 2002 par l’association de deux architectes, Kersten Geers et David Van Severen.

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figure 36 : Concours réinventer Paris 2015, architectes : NP2F Architectes & Office KGDVS. Source : http://www.np2f.com/projet/reinventer-paris/.

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Office KGDVS (Bruxelles) fait partie des agences d’architecture « producteurs d’images alternatives » dans le sens où ces agences écartent toutes formes des représentations qui s’apparentes aux images de synthèse, en mettant en avant leur propre mode de production graphique qu’ils qualifient de style pragmatique. Cependant on peut retrouver des rendus 3D de projets réalisés par cette agence qui présentent beaucoup de similitudes aux images de synthèse. Ce changement de style s’explique éventuellement par la réalité du contexte et de la concurrence, qui font que ces agences se retrouvent dans l’obligation de se soumettre aux exigences des cahiers de charges, ou peut-être parce que les images de synthèse sont finalement inévitables dans la production des rendus de concours d’architecture, aujourd’hui. La pression des maîtres d’ouvrages et des promoteurs pour la production d’images utilisées, en l’occurrence, pour la médiatisation des projets et la dominance d’un rendu graphique, qui prône l’architecture de l’émerveillement et du spectacle, ont finis par prendre le dessus. L’architecte au final fournis un service et s’adapte à la demande. Dans le cas des images de synthèse l’offre répond simplement à la demande. Un autre mode de représentation graphique peut être considéré comme une alternative aux images de synthèse. L’image présentée par l’agence Toulousaine W-Architectures, dans le cadre d’un concours pour la réalisation d’un nouveau Pôle culturel dans le Val-d’Oise (figure 37), est une représentation du projet en maquette numérique blanche. Les volumes ne sont pas texturés et restent neutres, la lecture du projet est facile et assez claire sans rajout d’éléments artificiels ni de personnages autour de la scène présentée sur l’image.

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figure 37 : Concours pour la réalisation d’un pôle culturel dans le Val-d’Oise (2019) , architectes : W-Architectures. Image réalisée par : Primyris visualisation 3D. Source : https://www.primyris.fr/portfolio/film-3d-pole-culturel-lino-ventura/.

Il n’est pas impossible de combiner ces modes de rendu graphique avec l’image de synthèse. Les différents types de rendus peuvent se compléter et permettent, chacun de transmettre des informations et des éléments de compréhension de projets. Cette association entre les modes de rendus graphique peut, à titre d’exemple, être matérialisée par la présentation, dans un premier temps, de dessins à la main et des rendus de maquettes 3D blanches pour la compréhension du projet, ainsi que des images de synthèses, pour donner une représentation réaliste qui peut être utilisée pour la communication du projet, sans confondre l’usage de chaque mode de production. Tout compte fait, l’image de synthèse est très intéressante si elle est utilisée avec un intérêt et dans des buts bien précis. Elle peut aider à améliorer la qualité architecturale d’un projet si on arrive à l’exploiter durant les différentes phases du projet, dans le but de faire évoluer la conception, en utilisant des insertions dans le site d’aménagement, et avoir une

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bonne appréciation de l’interaction entre le projet et son environnement direct. Cependant, l’utilisation de l’image de synthèse peut être perturbante. Si elle est magnifiée par des effets qu’on utilise sur l’outils informatique, en phase de rendu ou en post rendu, dans le but de détourner l’attention de l’observateur ou au contraire, capter son attention, sur des éléments secondaires parfois artistiques et non pas architecturaux, il est donc primordiale et même urgent, de lancer une démarche visant à déterminer un cadre précis, qui fixe une charte d’éthique détaillée afin, d’utiliser les images de rendus 3D, dans les concours d’architecture d’une façon plus sereine et porter un jugement objectif sur la qualité architecturale d’un projet, sans avoir des éléments qui puissent perturber ou dissimuler certains de ses aspects.

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Conclusion

L

es rendus 3D font aujourd’hui partie des concours d’architecture. En effet leur utilisation est très fréquente par les architectes et les maitres d’ouvrage pour communiquer leur projet lors d’un concours. Cependant l’utilisation de ces images de synthèse peut s’avérer problématique dans certains cas, notamment par rapport à leur aspect hyperréaliste qui peut conduire à juger l’image et non pas le projet présenté dans le concours. Dans ce sens, il paraît nécessaire de mettre en place une charte d’éthique 3D avec des principes détaillés. Cette charte va permettre de créer une harmonie dans les images de synthèse, non pas limiter les possibilités de représentation mais ordonner les principes de représentation. Après sélection il y aura, par exemple, des images pour concours d’architecture et des images pour la communication avec les clients et le grand public, deux types d’images, le premier doit respecter des critères précis de la charte d’éthique et le second est plus libre et ouvert aux effets visuels.

Ce point me semble important, mais il doit être complété en intégrant des personnes spécialisées dans l’image d’architecture lors de la composition d’un jury de concours d’architecture. Dans le cadre d’un jury pluridisciplinaire, la décision finale ne revient pas qu’aux architectes qui composent le jury. Si une image de synthèse permet à un projet de se distinguer par rapport aux autres projets, grâce à une représentation claire et maitrisée, sans qu’elle devienne un élément de fascination ou juste un moyen de vendre le projet, elle doit faire l’objet d’une lecture objective. Cela est possible, d’une part, en apportant d’autres compétences dans les jurys de concours en faisant appel à des graphistes et des perspectivistes dans le collectif formant le jury et d’autre part, en élaborant une méthodologie de lecture des rendus 3D afin d’apprécier la justesse et le respect des principes de la charte d’éthique 3D.

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Je suis convaincu que ce travail peut être développé et servir de base pour un éventuel projet de thèse qui pourrait exploiter ces pistes pour essayer de déterminer des critères précis et un cadre plus détaillé des principes d’une charte graphique 3D et de proposer d’inclure cette charte dans le cahier des charges des appels d’offre à projet. Cette démarche pourrait permettre de faire évoluer les procédures de sélection des projets lauréats grâce à cet outil d’aide à la décision.

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Livres : pages.

Bibliographie

• Debord Guy, La société du spectacle, Editions Gallimard, Paris 1996, 124

• Dork Zabunyan. (2014), Que peut une image ?, Éditions Les carnets du BAL 04, 223 pages. • Jean-Pierre Chupin (2016), Concourir à l’excellence en architecture (éditoriaux du Catalogue des Concours Canadiens, 2006 – 2016), Potential Architecture Books, Montréal 2016, 96 pages. • Jean-Pierre Chupin & Cucuzzella Carmela & Helal Bechara (2015), Architecture competitions and the production of culture, quality and knowledge: an international inquiry, Potential Architecture Books, Montréal 2015, 98 pages. • Koolhaas Rem. (2011), Junkspace, Éditions payot et rivages, Paris 2011, 128 pages. pages.

• Pallasmaa Juhani. (2010), Le regard des sens, Éditions du Linteau, 98

• Renard caroline. (2014), Images numériques ?, presses universitaires de Provence, Aix en Provence 2014, 282 pages.

Revues, articles swcientifiques : • Bertho Raphael et Marie-Madeleine Ozdoba, L’image dans ses usages projectifs, réflexions de synthèse, Article publié le 3 septembre 2013.

• Beuvelet Olivier, Image caduque image vive…, Article publié le 31 mai 2013 sur la plateforme culture visuelle.

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• Camille Crossman, Faut-il des critères précis pour bien juger ?, revue d’Architectures N°216, Avril 2013, pages 58-61. • Carmela Cucuzzella, Les experts sont-ils à leur place dans les concours ?, revue d’Architectures N°216, Avril 2013, pages 62-65. • Christine Desmoulins, Le système des concours d’architecture, revue d’Architectures N°142, Décembre 2004, pages 23-25. • Guide de l’architecte juré, Conseil national de l’ordre des architectes, Avril 2019, 40 pages. • Jean-Pierre Chupin, Chaque concours est un projet de recherche potentiel, revue D’Architecture N°216, avril 2013, pages 42-46. • Jean-Pierre Chupin, Quand juger c’est « concevoir un projet », ARQ, la revue d’architecture N°155, février 2011, Spécial sur le jugement en architecture, pages 48-51. • Jean-Pierre Chupin, Que savons-nous des concours ?, revue D’Architecture N°216, avril 2013. • Marie-Madeleine OZDOBA (2013), Des usages et réalismes de l’image d’architecture, [En ligne]. • Marie-Madeleine OZDOBA, L’hôpital envahi de nature, revue Architecture d’Aujourd’hui N°405, Mars 2015, pages 96-100. • Marie-Madeleine OZDOBA, Mirages norvégiens, revue Architecture d’Aujourd’hui N°402, Septembre 2014, pages 121-127. • Namias Olivier, L’image d’architecture à l’ère de la fabrication numérique, revue D’Architecture N°210, juin 2012. • Pissens Iris (2011), Théorie et historique du rendu 3d, Edition syllabus, 83 pages, [En ligne]. • Stéphanie Sonnette, Rendus d’architecture : les nouvelles icônes

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épinglées, revue Criticat N°20, octobre 2018, pages 16-24. • Thibaut Hofer, Architectural visualisation, revue Advanced Création N°2, janvier février mars 2019, Quelques explications autour d’un métier qui remodèle la représentation des projets architecturaux, pages 122-125.

Sources internet : • Catalogue des concours Canadiens, [08/11/2019], https://www.ccc. umontreal.ca/ • Didier Rykner, La tribune de l’art, Samaritaine ; la défaite du patrimoine et de l’architecture, [03/03/2019], https://www.latribunedelart.com/samaritainela-victoire-de-bernard-arnault-la-defaite-du-patrimoine-et-de-l-architecture. •

https://www.artefactorylab.com/

https://www.visualimo.fr/realisations/image-concours

http://www.miqcp.gouv.fr/index.php?lang=fr

http://alexandre-besson.com/portfolio/

https://www.luxigon.com/

http://www.loukat.fr/contenu.php?section=architecture/

• Jean-Philippe Defawe, Le Moniteur, un code de bonne conduite pour l’utilisation des images 3D, [17/12/2019], https://www.lemoniteur.fr/article/ enfin-un-code-de-bonne-conduite-pour-l-utilisation-des-images-3d.1917034. • Portail de la base de données des concours Europan-France, [25/10/2019], http://www.arclab.umontreal.ca/EUROPAN-FR/listsessions. php?langid=2.

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Table des figures Figure 1 : Data center (Metz) – Gens architectes.................................................................................14 Figure 2 : La Fondation Louis Vuitton – Frank Gehry...........................................................................15 Figure 3 : Images du concours des Halles – Berger&Anziutti / Mimram - Leclercq.............................16 Figure 4 : Style graphique transparent – RSI Studio...........................................................................18 Figure 5 : Style collagé – agence Loukat..............................................................................................18 Figure 6 : Style graphique synthétique – ArtefactoryLab.............................................................................19 Figure 7 : Logos des principaux outils de rendu 3D..............................................................................21 Figure 8 : Modélisation d’un espace de loisirs sur Blender V2.8..........................................................22 Figure 9 : Maillage 3d vectoriel d’un modèle 3d sur Blender V2.8......................................................23 Figure 10 : Différence entre une Bump map, Normal map et une displace map................................24 Figure 11 : Différence entre une réflexion diffuse et une réflexion spéculaire.....................................25 Figure 12 : Immeuble de bureaux – agence Hardel + Lebihan Architectes...........................................31 Figure 13 : Salle de sport – agence MAAJ Architectes...........................................................................33 Figure 14 : Concert hall – Parc Architectes...........................................................................................34 Figure 15 : Vue aérienne de l’Occitanie tower – Studio Libeskind.......................................................37 Figure 16 : Aquatic Center – Kengo Kuma & associates......................................................................40 Figure 17 : Ateliers d’artistes – Ateliers Jean Nouvel............................................................................42 Figure 18 : Ecole nationale supérieure de la photographie – Marc Barrani.......................................43 Figure 19 : Musée Audemars Piguet – BIG..........................................................................................44 Figure 20 : Station Area Gleisdreieck – COBE architectes....................................................................45 Figure 21 : La nouvelle Samaritaine – Sanaa......................................................................................49 Figure 22 : La nouvelle Samaritaine – Sanaa......................................................................................50 Figure 23 : La nouvelle Samaritaine – Sanaa......................................................................................51

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Figure 24 : Fond Régional d’Art Contemporain – Kengo Kuma & associates........................................52 Figure 25 : Fond Régional d’Art Contemporain – Kengo Kuma & associates........................................53 Figure 26 : Rénovation Tour Montparnasse – groupement Nouvelle AOM..........................................54 Figure 27 : Rénovation Tour Montparnasse – groupement Nouvelle AOM..........................................55 Figure 28 : Tour Montparnasse ...........................................................................................................57 Figure 29 : Rénovation Tour Montparnasse – groupement Nouvelle AOM..........................................58 Figure 30 : Logements – X-TU Architectes.............................................................................................59 Figure 31 : L’arbre blanc, Logements – Sou Fujimoto Architectes........................................................60 Figure 32 : L’arbre blanc, Logements – Sou Fujimoto Architectes.........................................................61 Figure 33 : Concours de logements – Nadau Lavergne Architecte.......................................................66 Figure 34 : Concours de logements – Nadau Lavergne Architecte.......................................................66 Figure 35 : Concours de logements – atelier Pascal Gontier...............................................................67 Figure 36 : Concours réinventer Paris – NP2F Architectes & Office KGDVS. .........................................69 Figure 37 : Concours, réalisation d’un pôle culturel – W-Architectures................................................71

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Table des annexes Annexe 1 : Interview de Christine VETIER et Olivier SIMONIN ..............................................................83 Annexe 2 : Interview de Ludovic LOBJOY..............................................................................................86

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Annexes ANNEXE 1 : INTERVIEW DE CHRISTINE VETIER et OLIVIER SIMONIN. CHRISTINE VETIER, Directrice de l’immobilier au conseil départemental de Meurthe et Moselle. OLIVIER SIMONIN, Responsable du service grands projets au conseil départemental de Meurthe et Moselle. 01/2020, à Nancy (54).

Le sujet de mon mémoire aborde la question des rendus 3D dans les concours d’architecture, notamment, comment s’approprier une image 3D, la lire, l’analyser et l’interpréter ?, quelle est son importance dans le rendu d’un jury de concours ? CHRISTINE VETIER (C.V) : Oui, ce qu’on peut faire par exemple pour commencer, on va vous montrer quelques rendus de concours du projet Artem, et on va discuter sur les planches présentées par les agences d’architecture retenues lors de ce concours, et voir comment on contraint les images 3D pour avoir un résultat plus proche possible de ce que va devenir le projet, une fois construit. Dans la phase finale d’un concours l’image n’est pas la partie la plus importante. Nous on se focalise sur l’aspect programmatique et fonctionnel du projet. Après l’image vient compléter la présentation du projet. Justement lors de la présentation des documents techniques, le jury peut-il être influencer par ces images dans le cas où on a deux projets qui répondent aux critères programmatiques et fonctionnels ainsi qu’à l’enveloppe économique ? sachant qu’un jury n’est pas composé que d’architectes et d’économistes ? (C.V) : On ne peut pas savoir si l’image 3D a une influence sur le jury. Alors, nous on ne pense pas, puisque en fait tout dépend de comment se déroule le jury aussi. ET de sa composition ? (C.V) Oui, Le jury est composé d’élus, d’un tiers de maitre d’œuvre et dans le tiers de maitre d’œuvre on trouve souvent des programmistes, pour qui, le plus important dans le projet c’est la fonctionnalité plus que l’image.

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Alors je reviens sur l’exemple du concours d’Artem, on a la planche du projet qui a été retenu. On a dit dans le concours qu’on voulait deux images 3D, on a fixé deux points de vue, un à partir de l’angle de la rue et l’autre à l’intérieur de la cour, et parfois on trouve sur les perspectives réalisées, le bâtiment écrasé ou parfois mal dimensionné par rapport aux bâtiments qui l’entourent, Et c’est vrai ça aussi joue beaucoup. OLIVIER SIMONIN (O.S) : On donne dans les planches à présenter une zone à expression libre, avec la possibilité d’intégrer des images d’intérieur, des images de références pour mettre en valeur le projet. (C.V) On étudie d’abord l’aspect technique du projet. Après les images, le jury les voit, en suite y a des discussions avec les architectes sur les différents points du projet, voilà, c’est sûr que l’mage joue. On leur dit aux architectes, voilà vous avez mis de la végétation dans l’ensemble du projet, est ce que ça sera ça en réalité ? pareil au niveau de l’aménagement extérieur. Sur l’exemple du projet sélectionné lors du concours Artem, finalement l’image 3D est sympa mais elle correspond bien à la réalité du projet finalement.

Sur L’image du projet présenté, on voit qu’il y a pas mal de verdure, notamment sur le toit et la terrasse. (C.V) Oui c’est vrai, la toiture végétalisée on la voit pas trop, et la végétation extérieure n’est pas forcement de la même ampleur que dans l’image ! en plus j’habite pas loin de ce quartier, je passe souvent par là et j’ai pas encore vu de grandes fleurs blanches autour du bâtiment …(rire) (O.S) c’est vrai qu’on a pas mal discuté sur l’image 3D des projets présentés dans ce concours. Ça a un poids relativement conséquent sur le rendu et la présentation. (C.V) les jurys de concours sont formés avec les années d’expériences à participer aux jurys de concours d’architecture, mais ils devraient, être formés plus sur la lecture des images 3D, y a un organisme qui s’occupe de ça c’est la MIQCP (Mission Interministérielle pour la Qualité des Constructions Publiques) c’est un peu eux qui sont à la base des évolutions de l’aspect règlementaire des concours. On peut parler aussi sur un autre projet qui a été sélectionné pour la phase finale du concours, ici sur l’image 3D on a du mal à comprendre sur la façade, quel matériau est utilisé. Bon après on a discuté avec les architectes et ils nous expliqué que c’est de la brique blanche, mais sur l’image la texture est ratée, ce n’est pas explicite, ou du moins ça peut porter à confusion et mettre à défaut l’aspect extérieur du projet. C’est vrai que le bâtiment du deuxième projet a l’air plus grand même s’il a la même hauteur que premier projet, c’est un effet d’optique, je pense que c’est fait exprès, parce que l’autre a l’air plus traditionnel et moins sympa. (O.S) Sur le troisième projet la verdure est fausse sur la terrasse, ce n’est pas réaliste et y a aussi beaucoup de personnages en premier plan, on comprend pas trop pourquoi. Après les bâtiments existants ils sont

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aussi écrasés sur l’image. J’avoue que je n’ai pas remarqué ces éléments là avant. (C.V) Le problème c’est que nous on est incapable dans le cahier des charges de dire, comment l’image doit être faite et ce qu’elle doit montrer, certes on donne les coordonnées géométriques des points de vue qu’on souhaite voir du projet. Mais on s’arrête à ce détail là. Après y a l’effet que les perspectivistes peuvent donner à l’image, la focale, l’ouverture et l’exposition à la lumière, ils peuvent changer, ils peuvent tromper en fait. La solution serait peut-être de prendre la photographie qu’on veut, nous, du projet et leur dire d’insérer leurs projets dans cette photographie-là. Est-ce que vous pensez que mettre en place une charte d’éthique 3D, qui détermine d’une façon explicite les différents points à respecter pour produire l’image 3D, peut être intéressante dans ce cas ? Oui, c’est clair. Mais nous, on ne sait pas faire !

L’image de synthèse a-t-elle une influence sur la sélection des projets participants à un appel d’offre ? (C.V) Le problème, c’est quand quelqu’un n’est pas architecte, il sait pas forcement lire le projet, donc lors de la présélection des projets on commence à prendre beaucoup de temps pour expliquer parfois l’aspect fonctionnel et technique, l’image vient après. Mais c’est vrai que l’image influence beaucoup, c’est sûr. (O.S) Peut-être il faut intégrer un spécialiste (perspectiviste) dans le jury qui va juger l’image et dire si cette image est fidèle par rapport aux éléments représentés dans l’image 3D. Aujourd’hui dans les projets de concours, c’est vrai que l’image 3D est mise en évidence sur les planches présentées, c’est l’élément qui vient à l’en-tête de la planche, et il prend une grande place dans la mise en page de la planche, l’observateur prend donc toute de suite l’info et après tout le raisonnement qu’on peut avoir sur le projet est conditionné par l’image 3D. peut-être le mieux est de dévoiler l’image 3D après avoir analyser le projet et tout le dossier technique. (C.V) c’est un petit peu ce qu’on fait pour les candidatures, parce que pour les candidatures c’est encore pire ! on a toujours eu un débat là-dessus. Quand on a 70 candidatures, lors de la présélection On montre que les planches techniques, on regarde les images 3D après, Et en fait ceux qui passe l’étape de présélection, sont ceux qui ont les plus belles images et là, c’est très important parce que c’est le moment de recrutement et on passe de 70 à 3 ou 4 projets. Donc là au niveau du choix des candidatures, pour le coup c’est les images qui déterminent ça. Moi je le vois, quand on passe les images des projets de candidature et en fait, je regarde la tête (réaction), des membres du jury et des élus, on voit bien que ça ne laisse pas indifférent. Les images originales pour accrocher l’œil ça passe pas du tout, ce qui passe c’est les images soft. C’est de la pub c’est du marketing au final, c’est ce que les gens ont envie de voir.

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ANNEXE 2 : INTERVIEW DE LUDOVIC LOBJOY. Architecte Associé à l’agence LBB Architecture, 08/2019, à Boulogne Billancourt (92).

Comme vous avez pu le lire, le sujet de mon mémoire est les rendus 3D dans les concours d’architecture, que pensez-vous des images qui sortaient pendant un temps pour les concours, Très abstraites où on misait surtout sur les ambiances, beaucoup de transparence des espaces ?

Elles continuent à sortir ces images, où tout est noyé dans une espèce de lumière, où les matières sont sans épaisseur, toute transparente. Je suppose que ça correspond à un courant de l’architecture qui ne nous intéresse pas en fait. Quand tout est flou, ça nous inspire une certaine méfiance sur la réalité d’un tel type de construction. L’architecture transparente, on ne pense pas que ça existe, ça pose des tas de questions un peu théoriques et sur l’orientation doctrinale de ce qu’est l’architecture. Dans l’architecture, il y a de la matière, en plus l’architecture, ça se construit, si on ne comprend pas comment ça se construit, ça nous inspire beaucoup de méfiance. On sait que ça fonctionne, c’est sûrement une forme de mode, de séduction, de technique commerciale, ça a toujours existé, mais ça ne nous intéresse pas, et on est assez critique avec ça. Maintenant, la pratique de l’image qu’on a, ce n’est plus nous qui les faisons. On ne sait pas faire ces images de synthèses. Par contre, on sait comment ils fonctionnent donc on peut communiquer avec les personnes qui les font. Alors soit c’est en interne, des collaborateurs de l’équipe, soit on sous-traite à des perspectivistes, ça dépend du temps, de l’organisation de l’agence et du niveau de rendu. On a quasiment toujours eu une équipe assez stable même si ça tourne un petit peu, on a toujours eu quelqu’un qui avait cette compétence en interne d’assez bon niveau, il y a toujours une personne qui sait bien faire. Après ça dépend, quand cette personne est chef de projet sur un concours, on ne peut pas l’absorber dans le rendu des images, dans ces cas-là on sous-traite et ça se passe chez les perspectivistes.

Quand avez-vous besoin des images de synthèse ? Pas forcément de ce niveaulà

Un peu tout le temps, je t’ai sorti différentes images. C’est rigolo parce que la semaine dernière on a reçu une étudiante qui travaillait sur la maquette, alors on fait la totale. Ça c’est plus des images de rendu de concours, ça c’est des choses qu’on fait en interne, on a un peu trois grandes catégories de recours

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à l’image. Ce qu’on fait quasiment systématiquement c’est des modélisations sous forme de maquette blanche, justement sans matière, des modélisations de volumes pour tester des gabarits ou des insertions dans le tissu, on travaille vraiment en blanc de cette façon-là, on peut bouger, tourner autour. Donc plus en phase d’esquisse, de conception ?

Oui, en phase initiale on teste assez vite ça, mais en parallèle on peut faire des maquettes en cartons, ce n’est pas systématique l’un et l’autre ou l’un ou l’autre, mais c’est deux outils dans lesquels on navigue régulièrement. Les terrains auxquels on est confronté aujourd’hui, c’est les terrains qui restent donc c’est des terrains souvent compliqués et qui posent des questions d’insertion immédiates et donc on travaille sur ça, parce que ça conditionne le fonctionnement du plan, de gabarit, etc. Donc ça on l’utilise beaucoup en modélisation blanche. Après on a une autre utilisation de la modélisation, sur les projets qui ont un peu de mal à aller chercher les besoins d’orientation, on fait des héliodons, beaucoup. Ça c’est une image qui fait partie d’une grande série, on a des héliodons sur les dix heures de la journée, donc ça aussi on modélise en blanc pour voir la pénétration de la lumière et ça permet aussi beaucoup de discuter avec le client, pour lui expliquer, par exemple là c’est une maison, la façade sud est sur la rue, donc le jardin est au nord, la rue est assez passante, on a travaillé tout le projet pour résoudre les deux c’est-à-dire s’ouvrir beaucoup sur le jardin sans tourner le dos au soleil et donc il y a un système en coupe qu’il fallait aussi bien expliquer au client pour qu’il comprenne le principe de cette coupe particulière en même temps vérifier que ça marchait bien.

Donc un rôle de communication et de diagnostic.

Oui de vérification et de prouver le dispositif et qu’il soit complètement inscrit dans le projet. Donc ça, c’est la même chose avec des textures. Donc pour revenir à ton sujet sur la matérialité on est en train de dévié au cours des questions, mais ce n’est pas grave tu recouperas. En fait on n’est pas hyper attaché au rendu parfait de la matérialité parce qu’on a effectivement cette idée qu’une image c’est une image ce n’est pas une photographie anticipée de la réalité. Et donc là par exemple c’est une image qu’on a faite en interne, c’est Clémence qui l’a faite, qui maîtrise très bien. En fait ce n’est pas vraiment vrai parce que par exemple la manière dont on commence à réfléchir la construction du complexe de plancher c’est pas un beau placage de bois, ça ne serait pas le même bois, ça ne serait pas pareil, mais là à ce stade on s’en fichait un peu parce que ce qu’on voulait c’était ne pas rendre l’image trop sophistiquée, on voulait surtout montrer au client quelques grandes idées de base pour qu’il comprenne les grands rapports des différents matériaux entre eux. On voulait qu’il comprenne que ça serait du plancher bois avec une sous face qui pouvait rester en bois et qui rentrait en tension avec des surfaces blanches et puis des petites questions

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d’aménagement pour que ça ne commence pas à myther, un aménagement du mobilier ou d’équipement technique, mais donc ça c’est comme si la matière c’était un marqueur et qu’on avait stabiloté pour dire matière 1 matière 2. C’était plus cette idée-là. Ici par exemple on est sur un autre projet, où on a la version blanche parce qu’on était plus en train de réfléchir les orientations de toit et ça finalement c’est pour nous on ne montre pas ça au client parce qu’on aboutit beaucoup plus vite les conversations quand on est sur des choses un peu plus rendu, celles-là ne sont pas beaucoup travaillées, mais quand même plus soignées pour essayer de se projeter.

Du coup pour revenir plus particulièrement à ces images pourquoi avez-vous choisi ces images ? Pour me montrer le travail plus représentatif de l’agence ? Ou est-ce que vous avez eu un message plus fort à faire passer ?

Ces échantillons-là ? J’ai choisi celles pour te montrer les différentes sortes, les différentes catégories, les différentes façons dont on a recours à l’image, les modélisations blanches, l’héliodon, après les insertions simples et puis là encore une peu autre chose qui est plus comme un croquis de synthèse pour des clients qui n’ont pas forcément de grande culture de l’architecture ou de l’image de pouvoir montrer quelque chose dans lequel ils arrivent à pouvoir se projeter, à se reconnaître tout en sachant que l’image est un peu trichée, volontairement pour montrer les grandes idées, elle est simplifiée. Et puis après il y a les perspectives de concours.

Là c’est vraiment dans le but de séduction ?

Oui séduction, je ne vais pas dire non. On préfère quand c’est une belle perspective qui donne envie. Il y a quand même au préalable un très très gros travail de choix du point de vue pour que ça serve aussi vraiment à expliciter le projet. En fait les images auxquelles on ne comprend rien…

Ça dessert ? Je ne sais pas si ça dessert, peut être que des fois ça gagne, peut-être que des fois justement tu parlais de ces images évaporées, évanescentes. Non nous on veut que ça montre des choses, il faut que ça montre des manières d’aller d’un point à l’autre ou des questions de construction ou des questions de fonctionnement, de vue, de point de vue. Il faut que ça montre quelque chose. Donc c’est quelque chose

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qui se construit en aller-retour avec le perspectiviste il a une certaine expérience un peu de la construction de l’image, par rapport à des cadrages, des proportions de ciel de sol de point de fuite et nous à chaque fois on interagi « ah bah oui, mais en même temps ça peut créer une confusion sur l’entrée donc ce n’est pas bon. Ou ça peut donner trop d’importance à ça ou on ne comprend pas les rapports entre deux corps de bâtiment, et puis des fois il y a des points de vue vraiment impossibles, on a du mal, donc ça peut faire pas mal d’aller-retour.

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A D J A B I L o t f i

3 D

L e sr e n d u s

D a n sl e sc o n c o u r sd ’ a r c h i t e c t u r e F a s c i n a t i o nv i r t u e l l eo ur é a l i t én u mé r i q u e?

L es u j e tr e s t eàmo ns e n sa s s e zo u v e r ta ud i a l o g u ee ti lp r é s e n t eu n e n o t i o nàa b o r d e ra v e cp l u sd ’ i n t é r ê tp a rl e sa r c h i t e c t e sc a rl e si ma g e sd e s y n t h è s e ss o n tl e sp r e mi è r e sr e p r é s e n t a t i o n sr é a l i s t e s ,d up r o j e t i ma g i n é , a v a n t q u ’ i l n e s o i t c o n s t r u i t e t d o n cl ap r e mi è r e a p p r o c h e p o u rl e ma i t r ed ’ o u v r a g e , l ec l i e n t , l ep u b l i cc o n c e r n ée tl e sf u t u r su s a g e r sd ’ u n b â t i me n T .

L e sr e n d u s3 dD a n sl e sc o n c o u r sd ’ a r c h i t e c t u r e

L er e n d u3 de s td e v e n uu nd o c u me n tàp a r te n t i è r ed a n sl e st r a v a u x d ’ a r c h i t e c t u r e , i l amê me u n e i mp o r t a n c e ma j e u r e d a n sl e s e n so ùc e r e n d u 3 de s tp r o d u i tp o u rr e p r é s e n t e re x a c t e me n tl er é s u l t a tf i n a lq u ’ a u r au n b â t i me n tàl af i nd es ar é a l i s a t i o n . C e p e n d a n ts i l er e n d ue s tp r é s e n t é d ’ u n ef a ç o nàd i s s i mu l e rc e r t a i n sé l é me n t sa r c h i t e c t u r a u xp a ru n e r e p r é s e n t a t i o nq u i n ’ e s tp a sf i d è l eàl ar é a l i t é , o np e u tv i t es er e t r o u v e r d a n sl al i mi t ed el af a s c i n a t i o no ul ’ e x a g é r a t i o n .


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