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RÉSUMÉ

Résumé

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La consommation de substances psychoactives ou les conduites addictives sont considérées comme un facteur inhérent aux sociétés modernes. Ayant pour but d’accroître notamment les performances, la créativité et l’attention du consommateur, d’atténuer la douleur ou encore de modifier des états émotionnels déplaisants, ces conduites peuvent représenter une activité récréative ou évoluer vers l’addiction. L’addiction s’intéresse à la relation d’ensemble entre l’individu et l’objet de sa conduite addictive (substance, produit, comportement) et son environnement, à la nature de cette relation dans une approche qualitative, afin de comprendre pourquoi l’individu n’est plus autonome face à son projet de vie et/ou à ses relations sociales. Le phénomène de l’addiction a de multiples conséquences négatives, en premier lieu pour la personne elle-même (péjoration de la santé physique et/ou psychologique, difficultés professionnelles, familiales et financières), ensuite pour ses proches, pour l’employeur (absentéisme, perte de productivité) et pour la société dans laquelle elle évolue (accidents de la route, vols, coûts de la santé).

Les parcours de réhabilitation des personnes dépendantes sont divers, parfois longs et sinueux, et adapter l’offre de traitement aux besoins de ces personnes, à coûts raisonnables, devient un défi permanent. Pour le relever, il s’agit moins de savoir si tel traitement va pouvoir résoudre tous les problèmes de la personne, que de pouvoir connaître quand et comment un projet d’accompagnement peut s’inscrire dans la dynamique du processus d’amélioration de sa situation. La conduite d’un accompagnement cohérent et efficace de toute personne nécessite non seulement d’avoir une bonne collaboration et articulation entre les acteurs du réseau, les services et les prestations à fournir, mais aussi de connaître précisément les profils de la clientèle admise en traitement, ainsi que les résultats des interventions menées au sein des institutions spécialisées.

La Fondation Addiction Valais est l’organisme faîtier dans le canton du Valais de la prise en charge spécialisée des problématiques liées aux addictions. Contrairement à l’organisation mise en place dans la majorité des cantons suisses, Addiction Valais est au bénéfice d’une convention-cadre de collaboration avec l’Etat du Valais et regroupe sous le même toit l’ensemble des services spécialisés en addiction du canton. L’offre thérapeutique comprend des services de conseil et d’aide ambulatoire (à Monthey, Martigny, Sion, Sierre, Viège), un centre d’évaluation et de prestations de jour (à la Villa Flora) et des unités de traitement résidentiel (François-Xavier Bagnoud (FXB), Jardin des Berges, Via Gampel) qui sont répartis sur l’ensemble du territoire valaisan.

L’évolution de l’organisation et de l’offre de prestations de la Fondation se confondent notamment avec l’émergence de problématiques supplémentaires (nouveaux modes de consommation et conduites addictives), révélant de nouveaux besoins des personnes concernées. Aujourd’hui, les accompagnements spécialisés, qui englobent en particulier des mesures de conseil et de traitement psychosocial et/ou socio-thérapeutique et/ou médical et des traitements avec prescription de produits de substitution, visent à améliorer la qualité de vie du client aux niveaux de sa santé physique ainsi que de son état psychique, et de son insertion professionnelle et sociale. La capacité d’adapter en continu l’offre de ses services aux besoins de la population valaisanne est un élément essentiel dans le développement d’Addiction Valais. Les connaissances liées aux tendances de consommation, aux problématiques de la clientèle sollicitant les prestations spécialisées d’Addiction Valais ou étant orientée vers ses services, ainsi qu’à l’utilisation faite de ces prestations doivent par conséquent être régulièrement actualisées, ce qui constitue le but du présent document.

Addiction Valais au carrefour d’une prise en charge interdisciplinaire

Addiction Valais assume son mandat en partenariat avec un réseau performant d’acteurs professionnels du canton. Selon les besoins du client et de la source de signalement ayant participé à l’initiation de l’accompagnement, Addiction Valais collabore avec le monde médical somatique et psychiatrique (public et/ou privé), les services administratifs et/ou judiciaires, les institutions pénitentiaires, les offices régionaux de placement, les offices AI, les centres médico-sociaux, les institutions spécialisées dans les domaines de l’occupation et de l’intégration au logement, les lieux de formation. Par exemple, les services administratifs et/ou judiciaires participent à un quart des admissions ambulatoires (26%) et à un tiers des placements aux unités FXB/Jardin des Berges (36%). Plus d’un suivi ambulatoire sur cinq est activement initié par le monde médical (somatique et/ou psychiatrique, hospitalier et/ou en pratique privée), et un tiers des clients débutant un séjour à Via Gampel sont orientés par un médecin et/ou un psychiatre.

La famille et/ou le conjoint jouent un rôle relativement important, en particulier pour les placements dans les unités François-Xavier Bagnoud/Jardin des Berges (32%) et dans celle de Via Gampel (36%).

Profil de consommation à l’admission

Chaque année, Addiction Valais admet environ 900 personnes (90% dans le secteur ambulatoire et 10% dans le secteur résidentiel).

À l’exception de FXB/Jardin des Berges où le cannabis arrive en première place (74%), l’alcool constitue la substance la plus présente à l’admission, aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Le cannabis représente la substance illégale problématique la plus fréquemment indiquée par le client à l’admission, suivie de la cocaïne. À l’admission des unités FXB/Jardin des Berges, la problématique liée aux drogues de synthèse est autant présente que celle liée à l’héroïne. La problématique liée aux benzodiazépines est très présente à l’admission de l’unité de Via Gampel et est deux fois plus importante chez les femmes que chez les hommes (différence entre les sexes qui peut être également observée au niveau national). Les âges d’entrée en consommation régulière dépendent de la substance et du secteur où le client est admis. Au sein des unités résidentielles, le cannabis est la substance qui a été consommée régulièrement le plus précocement, avec un âge moyen allant de 16.6 ans pour les hommes à 17.7 ans pour les femmes admises.

L’alcool jusqu’à intoxication est la substance qui a été consommée de manière régulière le plus tardivement, avec un âge moyen allant de 25.4 ans pour les hommes admis dans une unité ambulatoire à 30.8 ans pour les femmes admises dans une unité résidentielle. Le nombre d’années de consommation régulière avant l’admission varie fortement d’une substance à l’autre. Les durées les moins élevées se rapportent à la cocaïne (2.9 ans pour les femmes admises dans une unité ambulatoire), les durées les plus élevées à l’alcool toute utilisation (17.4 ans pour les hommes admis en résidentiel).

Typologie clinique des problématiques

L’évaluation de la situation du client à l’admission des services de la Fondation, faite à l’aide de l’Indice de Gravité d’une Toxicomanie (IGT), aborde sept domaines de problèmes, à savoir la consommation d’alcool, la consommation de drogues, l’état de santé physique, les relations familiales et interpersonnelles, l’état psychologique, l’emploi et les ressources et la situation judiciaire. Pour chaque domaine, la gravité des problèmes est estimée par le professionnel d’Addiction Valais selon cinq catégories allant de Pas de problème réel à Problème extrême.

Les profils de la clientèle admise peuvent être décrits via une typologie basée sur la construction de groupes homogènes (semblables) sur le plan de la gravité des problèmes à l’admission.

La typologie retenue montre des groupes développant une complexité graduelle des problématiques d’addiction et des problématiques associées, complexité qui va appeler des contextes d’intervention et des niveaux d’intervention différents et/ou combinés. Les groupes de cette typologie sont: • le premier groupe (qui représente 21% de la clientèle admise) comprend les clients dont les domaines de la consommation d’alcool, de la consommation de drogues et de la situation judiciaire sont légèrement touchés ;

• le deuxième groupe (15% de la clientèle admise) inclut les clients où les problèmes de consommation d’alcool sont importants et s’accompagnent de problèmes dans les domaines de l’emploi et des ressources et de la santé physique ;

• le troisième groupe (13% de la clientèle admise) est caractérisé par d’importants problèmes de consommation d’alcool, associés à une gravité des problèmes élevée dans les domaines de l’état psychologique et des relations familiales et interpersonnelles ;

• le quatrième groupe (19% de la clientèle admise) comprend les clients n’ayant pas de problèmes réels de consommation d’alcool, mais ayant d’importants problèmes liés à la consommation de drogues. Le premier domaine problématique associé est l’état psychologique, les domaines des relations familiales et interpersonnelles et de l’emploi et des ressources se révélant également touchés de façon importante. L’état de santé physique peut également être péjoré ;

• le cinquième groupe (18% de la clientèle admise) englobe les clients ayant un problème de consommation d’alcool considérable. Ces problèmes sont associés à des problèmes très importants dans les domaines de l’état psychologique, des relations familiales et interpersonnelles et de l’emploi et des ressources. L’état de santé physique est également péjoré ;

• le dernier groupe (13% de la clientèle admise) comprend les clients dont les domaines de la consommation d’alcool et de la consommation de drogues sont touchés de façon considérable, associés à des problèmes très importants dans les domaines de l’état psychologique, des relations familiales et interpersonnelles et de l’emploi et des ressources. Tous les domaines sont touchés puisque l’état de santé physique et la situation judiciaire sont atteints. La méthode permet d’informer de façon simple sur la structure et le mélange de la clientèle accompagnée au sein d’Addiction Valais. Ces informations sont une aide à la planification et à l’organisation des ressources et les prestations à mettre en place afin d’apporter la réponse thérapeutique spécialisée la plus adaptée aux besoins des clients et d’offrir aux clients l’accompagnement adéquat et le mieux indiqué pour atteindre leurs objectifs et réaliser leur projet de vie.

Trajectoires dans les services associées à la gravité des problèmes et au degré de préoccupation du client face à ses problèmes

La rechute étant la norme et non l’exception dans le traitement des addictions, une grande part des clients la connaîtra un jour ou l’autre, en cours ou après la sortie de l’accompagnement spécialisé. Dans ce dernier cas de figure, le client pourra entrer une nouvelle fois dans une démarche d’accompagnement et accéder à des prestations spécialisées pertinentes pour son processus d’évolution et de changement. L’accompagnement d’un client ne se résume dès lors pas à une seule intervention épisodique, et la mesure de la demande et le besoin en ressources spécialisées ne doivent pas, par conséquent, être restreints à un moment particulier de la vie du client. Plusieurs clients entrant dans une démarche d’aide au sein d’Addiction Valais ont ainsi déjà fait appel à divers moments aux services de la Fondation, finalisant ou non leur démarche.

Environ soixante pourcents (58% pour 2018) de la clientèle admise sont inconnus des services d’Addiction Valais et vivent leur 1 re admission. Pour près d’un client sur cinq, il s’agit de leur 2 e recours à des prestations d’Addiction Valais (17% en 2018), et plus d’un client sur dix (16% en 2018) vit au moins sa 4 e admission.

Le secteur ambulatoire constitue la porte d’entrée principale dans les services d’Addiction Valais. Le passage dans une unité résidentielle va concerner un client valaisan sur six (15% des hommes et 18% des femmes) dans les cinq à huit ans suivant sa première admission dans la Fondation Addiction Valais.

Le niveau de gravité des problèmes du client au moment de sa 1 re admission au sein de la Fondation est associé à la probabilité de recourir ensuite à des prestations en milieu résidentiel. Un haut niveau de gravité sur le domaine de la consommation d’alcool, relativement à un bas niveau de gravité, multiplie le risque d’un facteur de 2.3. Le risque est augmenté d’un facteur de 1.6 pour le domaine de problèmes liés à l’emploi et les ressources, et de 1.5 pour celui des relations familiales. Le degré de préoccupation face à ses problèmes au moment de la 1 re admission au sein de la Fondation est également associé à la probabilité de recourir à des prestations en milieu résidentiel. Ainsi un haut degré de préoccupation face à son état psychologique, relativement à un bas degré de préoccupation, multiplie le risque d’un facteur de 1.8.

En moyenne, à la suite de sa première admission au sein d’Addiction Valais, un client valaisan bénéficiera de 31.6 heures de prestations ambulatoires. Les trois facteurs associés de façon statistiquement significative au nombre d’heures de prestations ambulatoires reçues sont le genre (les femmes recevront, à la suite de leur première admission, un nombre d’heures de prestations plus important que les hommes), l’âge (les clients des classes d’âge 25-34 ans et 35-44 ans sont ceux qui bénéficieront d’un accompagnement ambulatoire plus important) et le problème de consommation principal (l’héroïne est associée à un nombre d’heures plus élevé).

Le nombre moyen d’heures de prestations est associé au niveau de gravité des domaines de problèmes de consommation de drogues (en moyenne 44 heures de prestations pour un haut niveau de gravité contre 30 heures pour un bas niveau), à celui des problèmes liés aux relations familiales/interpersonnelles (respectivement 38 heures contre 31 heures), liés à l’état psychologique (39 heures contre 31 heures) et liés à l’emploi et aux ressources (41 heures contre 30 heures).

Le degré de préoccupation du client face à ses problèmes est associé au nombre d’heures de prestations pour les domaines de problèmes de consommation de drogues (44 heures pour un haut degré contre 30 heures pour un bas degré), les problèmes liés à l’état psychologique (41 heures contre 29 heures) et à l’emploi et aux ressources (39 heures contre 30 heures).

Amélioration de la situation au moment de la sortie

En moyenne, la durée de l’accompagnement ambulatoire s’élève à 359 jours pour les hommes et à 329 jours pour les femmes. Il augmente avec l’âge (138 jours en moyenne pour les clients âgés de moins de 18 ans contre 436 jours pour les clients âgés entre 45 et 54 ans). La consommation problématique d’héroïne à l’admission induit une durée moyenne deux fois plus longue que la consommation problématique d’alcool.

La durée moyenne du séjour résidentiel s’élève à 209 jours pour les hommes et à 124 jours pour les femmes.

Dans chaque secteur de prestations, et pour quasiment tous les domaines de problèmes, la grande majorité des clients avec un bas degré de préoccupation/perturbation face aux problèmes à l’admission restent avec un bas degré de préoccupation/perturbation au moment de la sortie. Dans le secteur ambulatoire, entre trois-quarts (74% pour le domaine Emploi et ressources) et près de la totalité (97% pour le domaine Alcool) des clients qui avaient un haut niveau de préoccupation/perturbation au moment de l’admission sont descendus à un bas degré de préoccupation/perturbation face aux problèmes au moment de leur sortie (évolution positive). Au sein du secteur résidentiel, entre la moitié (56% pour le domaine Emploi et ressources) et plus de neuf dixièmes (97% pour le domaine Drogue) des clients qui avaient un haut degré de préoccupation/perturbation au moment de l’admission sont descendus à un bas degré au moment de leur sortie.

Poursuite du développement d’Addiction Valais

Addiction Valais a la mission cantonale de répondre aux besoins de l’ensemble de la population valaisanne confrontée à une problématique d’addiction. Conduite par le souci de remplir cette mission de façon cohérente et efficiente, en mettant le client au centre de son système et en répondant aux bonnes pratiques en la matière, la Fondation déploie un modèle d’accompagnement intégrateur des prestations. Le stepped care modèle Addiction Valais reprend la gradation des complexités mise en évidence par la typologie clinique présentée dans ce document. Il retient cinq catégories de gravité de la problématique de consommation associées à un niveau de complexité des risques bio-psycho-sociaux. Il associe ces catégories à un cadre d’intervention et à un niveau d’intensité des prestations, en tenant compte des besoins et des ressources du client, ainsi que de sa motivation. Le stepped care modèle Addiction Valais intègre également un processus de case management.

Addiction Valais dispose d’outils de recueil de données permettant de fournir des indicateurs sur la situation du client au moment de son admission, durant sa trajectoire au sein des unités, ainsi qu’au moment de sa sortie. Avec l’introduction du stepped care modèle et du case management, ces outils sont à améliorer et à adapter afin de pouvoir mesurer les plus-values pour le client qui découlent de cette double introduction.

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