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Le budget fédéral bouclé pour deux ans, avec des coupes claires dans les crédit-temps!

TEXTE Chris Serroyen | PHOTO Unsplash

Le 11 octobre, après une nouvelle nuit de travail pour l’équipe gouvernementale, le Premier ministre, Alexander De Croo, a pu présenter au Parlement le budget pour 2023-2024. Cet exercice budgétaire comportait à nouveau de nombreux risques pour les travailleurs. Le patronat et la droite ont vivement critiqué l’indexation automatique des salaires. Ils ont en outre appelé à des réformes structurelles, principalement pour réduire les droits des travailleurs. Nous y avons échappé pour l’essentiel, notamment parce que le gouvernement a donné la priorité à la gestion de la crise, avec un nouveau train de mesures énergétiques. Nous avons sélectionné pour vous quelques éléments qui concernent les droits des travailleurs.

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Le gouvernement ne cède rien sur la demande des syndicats d’assouplir la loi de 1996 sur la norme salariale. Toutefois, il n’a rien concédé non plus face aux attaques des employeurs contre l’indexation automatique. En contrepartie, les employeurs obtiennent une réduction et un report des cotisations patronales, pour 974 millions. Ils sont autorisés à ramener leurs cotisations à 7,07% pour le premier semestre de 2023. Pour le second semestre, le paiement des 7,07% de cotisations peut être reporté jusqu’en 2025. La mesure s’applique au secteur privé, au secteur public des soins et aux entreprises publiques autonomes. Les entreprises qui pratiquent l’évasion fiscale dans des paradis fiscaux en sont exclues. Pour le reste, il n’y a aucune restriction. Pas même pour les entreprises qui n’appliquent pas l’indexation automatique. Les employeurs se voient également promettre une prolongation du chômage temporaire énergie jusqu’au 31 mars 2023. Ce qui signifie que les entreprises dont les coûts énergétiques sont élevés ou dont la facture énergétique a doublé pourront mettre leur personnel en chômage technique sans interruption pendant six mois.Pour les secteurs des soins, et en partie pour l’enseignement, les récentes mesures temporaires contre les pénuries de personnel seront prolongées jusqu’au 31 mars 2023.

Trophées libéraux

Les libéraux ont obtenu une nouvelle extension du nombre d’heures de travail pour les étudiants jobistes: de 475 à 600 heures par an. Provisoirement jusqu’à la fin de 2024, mais avec une prolongation éventuelle après évaluation. Le carcan se desserre une fois de plus autour des flexi-jobs. Ce régime est étendu à six nouveaux secteurs: l’agriculture (commission paritaire n° 144), l’aménagement de jardin (CP n° 145-4), les arts du spectacle (CP n° 304 mais pas pour les fonctions artistiques), les salles de cinéma (CP n° 303.3) et les services de santé (CP n° 330, mais pas pour les fonctions de soins de santé) et, last but not least, les sportifs professionnels rémunérés (CP n° 223). Pour les services de soins de santé, et uniquement ceux-ci,on prévoit un salaire horaire minimum majoré: 14 euros indexés. Le régime des flexi-jobs ne sera pas instauré dans le secteur funéraire: le régime du travail occasionnel y sera étendu sur proposition du secteur. Autre ingrédient classique des budgets: l’augmentation des cotisations patronales sur le RCC et les régimes de fin de carrière avec suspension des prestations, sauf pour le RCC en cas de restructuration.

Coupe claire dans les crédit-temps

Les mesures les plus douloureuses concernent les régimes de crédit temps, qui sont sérieusement réduits:

• Le crédit-temps à temps plein pour prendre soin des enfants est limité aux enfants de moins de 5 ans au lieu de 8 ans pour les nouveaux bénéficiaires.

• Ce régime est également réduit de trois mois, passant de 51 à 48 mois. Pour l’interruption de carrière dans les pouvoirs publics fédéraux, il passe de 60 à 48 mois.

• Les allocations de crédit-temps, de congé thématique ou d’interruption de carrière pour les travailleurs à partir de 5 ans d’ancienneté ou à partir de 50 ans disparaissent pour les nouveaux bénéficiaires.

• Le crédit-temps et les emplois de fin de carrière à mi-temps ne seront possibles qu’à partir d’une occupation à temps plein et non plus d’une occupation à 3/4-temps minimum.

• Une condition d’occupation de 12 mois avant la notification écrite sera instaurée pour le crédit-temps à temps plein.

Nous devons encore attendre les détails et les dispositions transitoires mais, pour ceux qui hésitent encore à introduire une demande, il est préférable de ne plus trop attendre. Notons que pour le crédit-temps et les emplois de fin de carrière, le gouvernement ne réduit que le droit aux allocations d’interruption, pas le droit au congé à l’égard de l’employeur,car cet aspect est régi par des CCT.

Enfin, une politique quelque peu sociale du marché de l’emploi

Tout n’est pas négatif en matière de politique de l'emploi. Par exemple les autorités fédérales prennent enfin une initiative pour soutenir les projets locaux de création d’emploi pour les chômeurs de longue durée dans des zones bien définies (Territoires zéro chômeur de longue durée): ces chômeurs continueront à percevoir une partie de leurs allocations. Dans le même temps, les ateliers sociaux flamands bénéficient enfin des mêmes réductions de cotisations sociales que les entreprises de travail adapté, à condition que les autorités flamandes réinvestissent intégralement ces fonds dans le secteur.

Après les sanctions infligées aux malades et aux entreprises qui ne coopèrent pas suffisamment au plan de retour au travail, le gouvernement adopte à nouveau une série de mesures positives:

• un supplément de participation au travail pour les travailleurs qui, par mesure de précaution, réduisent leur temps de travail sans tomber malade, à titre expérimental pendant deux ans;

• une prime pour les employeurs qui recrutent des malades dans le cadre de la reprise partielle du travail;

• une alternative à l’outplacement obligatoire en cas de rupture de contrat pour cause de force majeure médicale: les 1.800 euros de l’employeur ne sont pas versés à un bureau d’outplacement (souvent incompétent) mais à l’Inami pour un accompagnement spécialisé;

• pour les malades, les invalides et les handicapés, les possibilités de cumul d’un revenu du travail avec une indemnité sont encore assouplies;

• 20 coordinateurs seront recrutés pour le trajet de retour au travail.

Autres mesures intéressantes en matière de sécurité sociale:

• Pour les moins de 65 ans bénéficiant d’une pension de survie, le plafond annuel du cumul avec un revenu professionnel est majoré de 5.000 euros par enfant bénéficiant d’allocations familiales.

• Enfin, le congé de maternité est neutralisé pour la dégressivité dans l’assurance chômage.

• Si des employeurs fraudent en matière de chômage économique, les allocations seront récupérées auprès de l’employeur,y compris après 2022.

• L’accord conclu entre les interlocuteurs travail intérimaire sera mis en œuvre.

• Le bonus pension décidé avant l’été sera désormais de 2 euros par jour.

• Moins intéressant, pour la sécurité sociale en tout cas: le secteur artistique sera exonéré des cotisations sociales sur les droits d’auteur et les droits connexes, en sus d’une réforme profonde du régime fiscal qui doit limiter les abus.

Nous attendons toujours la grande réforme fiscale. Le gouvernement reviendra sur ce dossier à la fin de cette année, sur la base d’une proposition concrète du ministre des Finances, Vincent Van Peteghem, qu’il formulera avant le 1er décembre.

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