Actusoins Magazine n°13 juin 2014

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N°13

JUIN-JUILLET-AOÛT 2014

VIE PROFESSIONNELLE

EN PREMIÈRE LIGNE, LORS DE LA FIN DE VIE

SOIGNER AUTREMENT

HYPNOSE MÉDICALE : LA PARENTHÈSE ANTI-DOULEUR

VIE PROFESSIONNELLE

DIALYSE :

PLUS BELLE LA NUIT ?

RETROUVEZ L’ACTUALITÉ INFIRMIÈRE AU QUOTIDIEN SUR WWW.ACTUSOINS.COM



PRATIQUES

4

- La surveillance du diabète de type 2

8

18

22

16

- Zoom sur la consultation inďŹ rmière - RetraitĂŠe du public puis libĂŠrale : une opportunitĂŠ rare

VIE PROFESSIONNELLE -

InďŹ rmière conseil : exercer autrement En première ligne, lors de la ďŹ n de vie Assignation : les règles du service minimum Familiariser les nouveaux inďŹ rmiers Ă la ÂŤ rĂŠa Âť Dialyse : plus belle la nuit ?

PORTRAIT - François Raymond : quand libÊral rime avec social

38

40

VOS DROITS 36 SOIGNANTS D’AILLEURS - CorÊe du Sud : l’irrÊpressible ascension de Jinui Hong

INITIATIVE

- Hypnose mÊdicale : la parenthèse anti-douleur

42 46

Éditeur : ActuSoins SARL - 57 Rue de L’Ouest - 75014 Paris - R.C.S. PARIS 520180688 Directeur de la publication : Kamel BoudjedraĂŠUĂŠ ՓjĂ€Âœ `iĂŠVÂœÂ“Â“ÂˆĂƒĂƒÂˆÂœÂ˜ĂŠÂŤ>Ă€ÂˆĂŒ>ÂˆĂ€iĂŠ\ĂŠ0613 W 90939 ISSN : 2256-6260

jÂŤÂžĂŒĂŠÂ?j}>Â?ĂŠ\ĂŠĂ parutionĂŠU ,j`>VĂŒĂ€ÂˆViĂŠiÂ˜ĂŠVÂ…ivĂŠ\ Cyrienne Clerc

EN PAGE

- MÊdecine d’urgence en IsraÍl : l’excellence malgrÊ soi

VIE LIBÉRALE

SOIGNER AUTREMENT :

ABONNEZ-VOUS

A LA UNE

- Une nouvelle mĂŠthode pour choisir son pansement absorbant

- CrĂŠer un lien pour amener au soin

SE FORMER 50 AGENDA 52

EDITO

COLLÉGIALITÉ A

lors que le procès du mĂŠdecin urgentiste Nicolas Bonnemaison, accusĂŠ d’avoir pratiquĂŠ l’euthanasie sur sept patients en ďŹ n de vie se tient pendant trois semaines jusqu’à la ďŹ n juin Ă la Cour d’Assises de Pau, nous revenons sur la question de la ÂŤ ďŹ n de vie Âť. Des inďŹ rmiers reviennent sur leurs souvenirs d’accompagnements difďŹ ciles, quand ils se sentaient ÂŤ impuissants Âť face Ă la douleur. Ceux qui sont ÂŤ en première ligne Âť tĂŠmoignent et donnent leur vision de la loi Leonetti et de ses lacunes. Le dĂŠputĂŠ, auteur du projet de loi, a ĂŠtĂŠ entendu par le prĂŠsident de la Cour d’Assises. Retenons de ses propos un mot ÂŤ collĂŠgialitĂŠ Âť. ÂŤSi on fait ça tout seul, un jour on fait une erreur Âť, a-t-il prĂŠcisĂŠ. CollĂŠgialitĂŠ, interdisciplinaritÊ‌ C’est aussi un des leitmotivs de Marisol Touraine qui vient de prĂŠsenter son projet de loi sur la santĂŠ. La ministre de la SantĂŠ a rappelĂŠ sa volontĂŠ de crĂŠer de nouveaux mĂŠtiers paramĂŠdicaux de ÂŤ pratique avancĂŠe Âť. L’occasion de sonder des pratiques d’avenir comme l’Êducation thĂŠrapeutique dans le cadre de la consultation inďŹ rmière ou des pratiques diffĂŠrentes comme l’hypnose contre la douleur. EnďŹ n ActuSoins vous emmène en IsraĂŤl au cĹ“ur de la mĂŠdecine d’urgence, en CorĂŠe pour dĂŠcouvrir une inďŹ rmière convaincue, Ă Paris, dans un service de dialyse de nuit et, dans le Nord, Ă la rencontre d’une inďŹ rmière qui cĂ´toie les dĂŠmunis pour mieux prĂŠvenir‌ Bonne lecture‌ et bon ĂŠtĂŠ ! Q CYRIENNE CLERC – RÉDACTRICE EN CHEF ACTUSOINS

­VVÂ?iĂ€VJ>VĂŒĂ•ĂƒÂœÂˆÂ˜Ăƒ°VÂœÂ“ÂŽĂŠUĂŠ"Â˜ĂŒĂŠVÂœÂ?Â?>LÂœĂ€jĂŠDĂŠViĂŠÂ˜Ă•Â“jĂ€ÂœĂŠ\ Dr Patrick Barriot, Delphine Bauer, AmĂŠlie Cano, Olivia Dujardin, Philippe Viseux de Potter Caroline Guignot, Laurent Klein, Laure Martin, Laurence Piquard, Ariane Puccini, Malika Surbled. UĂŠ*Â…ÂœĂŒÂœĂŠ`iĂŠVÂœĂ•Ă›iĂ€ĂŒĂ•Ă€iĂŠ\ ^ĂŠ Ă•Â?ˆiĂŒĂŒiĂŠ,ÂœLiĂ€ĂŒĂŠUĂŠ Ă€>ÂŤÂ…ÂˆĂƒÂ“iĂŠ\ www.lacommunautedesgraphistes.com

UĂŠ Â?Â?Ă•ĂƒĂŒĂ€>ĂŒÂˆÂœÂ˜ĂƒĂŠ\ Nawak UĂŠ “ÀiĂƒĂƒÂˆÂœÂ˜ĂŠ\ Rotocayfo - Sta. Perpetua de Âœ}Âœ`>ĂŠänÂŁĂŽäĂŠ >Ă€ViÂ?œ˜>ĂŠUĂŠ,ÂœĂ•ĂŒ>}iĂŠ\ Routage Catalan UĂŠ ÂœÂ˜ĂŒ>VĂŒĂŠĂ€j`>VĂŒÂˆÂœÂ˜ĂŠ\ 09 72 40 47 17 - redaction@actusoins.com UĂŠ ÂœÂ˜ĂŒ>VĂŒĂŠ>˜˜œ˜ViĂƒĂŠ`½i“Â?ÂœÂˆĂŠĂ‰ĂŠÂŤĂ•LÂ?ˆVÂˆĂŒjĂŠ\ 09 54 53 45 45 >˜˜ˆiJ>VĂŒĂ•ĂƒÂœÂˆÂ˜Ăƒ°VÂœÂ“ĂŠUĂŠ/ÂˆĂ€>}iĂŠ\ 102 000 exemplaires

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Actusoins à la une

MÉDECINE D’URGENCE EN

ISRAËL

L’EXCELLENCE MALGRÉ SOI

Bulle de modernité au Proche-Orient, Israël se serait bien passé des honneurs du numéro Un en médecine d’urgence. Mais le risque continuel d’attentats force les médecins israéliens à être toujours à l’affût. Rencontre avec Pinchas Halpern, l’un des plus grands spécialistes du pays.

S

i c’est un peu par hasard que le professeur Pinchas Halpern est devenu un ponte en médecine d’urgence, c’est vite devenu un sacerdoce. Il y a 20 ans, il est “promu”, après la gestion efficace de 60 brûlés dans l’hôpital où il officiait. Son directeur d’établissement lui propose une “reconversion” et il accepte. La médecine d’urgence

est alors plutôt en “mauvais état” en Israël, lâche-t-il. La faute aux priorités gouvernementales plutôt orientées sur la médecine générale. Trois phénomènes concomitants ont abouti à des améliorations de taille : “de plus en plus d’Israéliens ont voyagé, aux EU, au Canada et ont réalisé la bien meilleure qualité

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des services d’urgence. La deuxième intifada a entraîné de plus en plus de victimes à prendre en charge. Enfin les soins d’urgence sont devenus de plus en plus “sexy”, parallèlement à ce qui s’est passé dans le monde anglosaxon”, relève-t-il. Le gouvernement israélien décide alors d’investir. Pinchas Halpern a désormais pour mission de faire de la médecine d’urgence une spécialité reconnue et d’attirer les docteurs. “Comme on ne pouvait pas aligner les salaires sur le monde anglo-saxon, on a mis en avant la satisfaction immédiate d’être efficace tout de suite. De toute manière, ceux qui optent pour la médecine d’urgence sont accros à l’adrénaline, ils aiment prendre des décisions tout le temps”, analyse le professeur. En Israël, les études de médecine durent six ans, et les étudiants doivent passer au moins un mois aux urgences. “En général, après ce

mois, les étudiants pensent savoir si ça leur plaît. Mais il faut trois à six mois pour être sûr qu’on en est capable”, met-il en garde.

Un hôpital adapté A l’hôpital Sourasky de Tel Aviv, le plus grand hôpital du pays, reconstruit il y a dix ans pour correspondre aux standards internationaux, son service reçoit, en période calme, entre 400 et 500 patients tous les jours. Mais devant des restrictions budgétaires, il doit régulièrement faire appel à des médecins d’autres services. “Les répercussions des attentats sont relativement faibles : nous avons fait face à 35 gros événements les 15 dernières années, avec, à

“ Même au quotidien, le rappel du danger

terroriste est visible, comme en témoignent les portes blindées anti-explosions, les abris anti-bombes ou encore les portes qui protègent des attaques chimiques. chaque fois de 15 à 100 blessés maximum. En tout, cela correspond à environ 20 000 victimes. En quantité, ce n’est vraiment rien. Mais nous sommes constamment en alerte”, affirme-t-il. Pour sa part, le professeur Halpern ne quitte jamais son biper. “Depuis 20 ans, c’est avec lui que je suis bien plus qu’avec ma femme !”, plaisante-t-il. Régulièrement, à l’hôpital, sont organisés des exercices qui permettent de s’entraîner. “Stimulations, interventions, chacun est impliqué et a son rôle à jouer pendant une attaque, que ce soit des infirmières, des médecins, des techniciens, des informaticiens, des comptables...”, explique le professeur. Ce qui permet d’être prêt quand une guerre se déclenche, comme le conflit israélo-libanais de 2006. C’est alors que le “paradigme terroriste a changé. On est passé de bombes à des roquettes, qui sont le risque principal aujourd’hui”, lâche-t-il. “On sait désormais que le Hezbollah peut cibler des hommes, des civils. En tant que cible potentielle, nous avons un hôpital souterrain - aujourd’hui un parking - qui comporte 700 lits avec soins intensifs, dialyse... Nous pouvons le mettre sur place en 24 heures maximum.” Même au quotidien, le rappel du danger terroriste est visible, comme en témoignent les portes blindées anti-explosions, les abris anti-bombes ou encore les portes qui protègent des attaques chimiques. Et cinq salles sont blindées : la salle de néonatalité, d’accouchement, de soins intensifs, d’urgence et une salle d’opération.

Du personnel constamment en alerte Dans ces conditions de pression constante, le professeur Pinchas Halpern s’étonne du peu de “burn out” recensé. Il a eu beau proposer un groupe de parole, le projet n’a © Juliette Robert

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Actusoins à la une

pas été soutenu. “Quand on interroge le personnel, quand on leur demande comment ils se sentent, quelles sont les causes éventuelles de leur mal-être, la tension terroriste n’est pas du tout prioritaire dans leurs réponses, précise le professeur. Les soignants se sentent mobilisés et comme faisant partie du pays au moment d’une attaque. Quand il y a une urgence, tout le monde est ensemble même si par ailleurs, chacun est libre de critiquer la politique du gouvernement”, souligne le professeur. La mobilisation constante est l’une des réussites de l’hôpital Sourasky, car “quand on doit être au top en dix minutes, on doit être toujours au top.” Au moment où une attaque se déclenche, “c’est court et intense. En deux heures, c’est fini. Ensuite, on envoie les victimes vers d’autres services, même s’ils restent un mois en orthopédie”, raconte le médecin. “On doit être prêt sur la ligne de front. En réalité, l’aspect médical est assez simple : on sait soigner. Quand un médecin a déjà fait deux ou trois fois un acte médical, il maîtrise. Ce qui fait la différence, c’est la logistique, le management, la coordination.” Il s’agit de déterminer très rapidement la gravité de l’événement selon un triple standard défini au niveau national : jusqu’à dix victimes, entre dix et cinquante victimes, plus de cinquante. Pour chaque type d’attaque, l’hôpital a un plan bien spécifique et standardisé. Mais chaque hôpital a aussi ses caractéristiques, inscrites dans la réalité du terrain. «Tout le monde doit être mobilisé en 30 minutes : par sms, biper ou radio, peu importe le moyen, tout le monde reçoit l’information. Les urgences peuvent être évacuées en 1015 minutes. 20 % des lits totaux doivent être mobilisables dans l’hôpital, cela correspond à 260 lits, et les libérer, c’est notre boulot. On sélectionne les patients qui peuvent se lever, et ce sont eux en priorité que l’on évacue et met ailleurs”, explique le professeur.

Une méthode spécifique Contrairement à la France, on ne stabilise pas sur place. “On stoppe juste l’hémorragie grâce à des tourniquets, pour quitter les lieux le plus vite possible ; c’est dangereux, et c’est peu confortable pour travailler. Si le département des urgences est prêt, alors c’est beaucoup mieux de les emmener le plus rapidement possible.” Les premiers soins sont assurés par des paramédicaux de la National Magen David Adem, qui sont habitués à faire des soins d’urgence 95 % du temps. Ils connaissent moins de médecine mais ils savent bien faire ces choses-là. « Ensuite la question est : est-ce qu’on envoie les blessés dans l’hôpital le plus proche, quitte à le surmener ? Ou dans un hôpital plus loin, mais on peut mettre alors en danger la santé du patient ?, explique le professeur. On est au Moyen-Orient, en Israël : nous devons aller vite et être tout aussi efficaces.” A l’hôpital, le département des urgences est situé tout près de l’entrée. Il s’agit d’une entrée à sens unique, un “one flow system”. Les médias peuvent rester dans l’entrée. Le

© Juliette Robert

professeur donne des infos toutes les quinze minutes. S’il y a peu de victimes, ils peuvent rentrer et discuter avec elles, après les soins. Très vite, dès l’arrivée, on procède au triage simplifié entre les blessés : traumatologie, stabilisation, salle d’opération… Nous développons des protocoles comme celui de procéder à des scannographies CT supplémentaires afin de détecter de petites pièces d’éclats d’obus. Les médecins israéliens des services de traumatologie ont appris à modifier leurs procédures d’analyses de laboratoire et à simplifier les méthodes d’identification des victimes après les attaques terroristes. Ils ont appris à ne pas libérer de suite les victimes d’explosions, car souvent, les symptômes de leurs blessures ne se manifestent que plus tard. Et si un patient sort, il ne revient plus.

L’après attaque... Le challenge est de garder le niveau d’alerte toujours aussi fort. “Dans les périodes de haute tension, tout le monde cherche à participer, à coopérer. Mais après quelques années sans bombe, on constate qu’il est dur de garder le même niveau d’alerte. Alors la perspective d’un exercice joue ce rôle”, explique le professeur. “En 13, on a dû gérer 200 patients (représentés en moulages, ndlr) dans l’idée d’un accident chimique, et suivre le scénario prévu et le protocole d’usage” raconte-t-il. Chaque événement est aussi l’occasion d’un profond debriefing qui permet toujours de s’améliorer. Cette expertise, le professeur Halpern, la partage volontiers. Cela l’a amené à aller donner conférences et conseils aux Etats-Unis, en Suisse, en Italie, en Roumanie, en Jordanie, au Pakistan, en Chine etc. “Lors de l’attentat de Boston, nous avons pu constater que les médecins américains avaient utilisé nos conclusions pour traiter de l’urgence de la situation”, explique le docteur. Et de conclure, un peu ironique : « Certains pensent ne pas en avoir besoin. C’est le cas des Français. » Q DELPHINE BAUER/ YOUPRESS

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Pinchas Halpern, professeur en médecine d’urgence et directeur du service des urgences au Sourasky Medical Center (Tel-Aviv)



Actusoins pratiques

NOUVELLE MÉTHODE POUR CHOISIR

UNE

SON PANSEMENT ABSORBANT

+tÄUP[PVU H\ [YH]LYZ K»t[\KLZ JVTWHYH[P]LZ K»\UL UV\]LSSL JSHZZPÄJH[PVU KLZ pansements absorbants - Pale® (pansements d’absorption latéralisée) et Pave® (pansement d’absorption verticalisée) en fonction de leurs évaluations avec l’unité Tene® (Technique d’évaluation numérique des exsudats).

E

n 1962 le docteur Winter réalise des travaux qui marquent les fondements de la cicatrisation moderne. Il démontre aux travers d’études, l’importance de la cicatrisation en milieu humide. Comment pouvons-nous faire pour évaluer la quantité d’exsudats nécessaire à la cicatrisation ? La clé de la cicatrisation réside dans le fait de garder un lit de plaie bourgeonnant et/ou des berges saines, dans un milieu qui ne soit pas trop humide ni trop sec. Ceci permettra aux fibroplastes de s’y implanter et de cicatriser.

Problématique Nous sommes tous confrontés, dans la prise en charge des plaies exsudatives, à des pansements saturés qui macèrent au niveau du lit et des berges de la plaie. Pourtant nous utilisons des pansements absorbants (hydrocellulaires, alginates polymères, fibres de CMC…). Malgré cela, nous voyons parfois apparaître de la fibrine et/ou de la macération ou, au contraire, des desséchements. La conséquence directe, dans un cas comme dans l’autres, est un retard de cicatrisation. Est-ce à dire que les pansements sont mauvais ? Non, il n’existe pas de mauvais pansements : il existe des mésusages. Mais comment savoir quel pansement utiliser ? Dans quelle situation ?

L’objectif est d’observer l’évolution de la cicatrisation de la plaie, en fonction des exsudats absorbés par les pansements utilisés. La démarche consiste à laisser le soignant gérer la plaie avec le type de pansements absorbants qu’il souhaite utiliser (hydrocellulaires, alginates, polymères et fibres de CMC), au regard de sa connaissance de la personne soignée, des pansements et de la plaie à traiter. Nous avons recueilli et classé les résultats observés. L’analyse de ces derniers a fait apparaître les variables suivantes :

“ La problématique ne repose pas sur le type de pansement mis au contact de la plaie mais sur la quantité d’exsudats produite par la plaie.

Pré-étude sans utilisation de la TENE® Ci-dessous le suivi sur 5 semaines de la gestion des exsudats de plaies bourgeonnantes et exsudatives (n=50), sans utilisation de la TENE®

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© ATouPlaies



Actusoins pratiques

Toutes les plaies sont bourgeonnantes exsudatives au début de l’étude Temps de contact du pansement sur la plaie 24H

Evolution de l’état des plaies prises en charge par hydrocellulaires. Suivi réalisé sur 5 semaines - résultats en % Nombre de Plaies Plaies Plaies Fin de cicatrisation pansements saturés fibrineuses macérées desséchées en semaine 21,1 5,3 15,8 1,7 6

48H

31,6

15,8

31,6

1,9

9

72H

36,8

26,3

36,8

2,2

11

Temps de contact du pansement sur la plaie 24H

Evolution de l’état des plaies prises en charge par alginates, polymères et fibres de CMC. Suivi sur 5 semaines - résultats en % Nombre de Plaies Plaies Plaies Fin de cicatrisation pansements saturés fibrineuses macérées desséchées en semaine 15,8 6,3 5,2 9,3 8

48H

21,1

13,6

26,3

15,4

9

72H

31,6

27,1

31,6

21,2

12

Résultats : En aveugle sur simple observation en lien avec le dispositif utilisé et le résultat sur la plaie.

Critères d’évaluation observés : UÊ iÊ LÀiÊ`iÊ«> Ãi i ÌÃÊÃ>ÌÕÀjÃÊi ÊiÝÃÕ`>ÌÊÆÊ UÊ iÊ LÀiÊ`iÊ« > iÃÊ>Þ> ÌÊÛÕÊ>««>À> ÌÀiÊ`iÊ >ÊwLÀ iÊÆ UÊ iÊ LÀiÊ`iÊ« > iÃÊ >VjÀjiÃÊÆÊÊ UÊ iÊ LÀiÊ`iÊ« > iÃÊ`iÃÃjV jiÃÊÆÊ Ê UÊ >Ê`ÕÀjiÊ`½>««>À Ì Ê`½Õ iÊj« `iÀ Ã>Ì °

Temps de contact du pansement sur la plaie Le choix du délai du retrait de pansement à été effectué par chaque soignant parmis les trois suivants : UÊÓ{ Ê UÊ{n Ê UÊÇÓ

Type de plaies rencontrées UÊxÊ¯Ê ÃV>ÀÀià UÊxÇʯÊ1 VmÀiÃÊÛi iÕÝ UÊΣʯÊ1 VmÀiÃÊ>ÀÌjÀ i à UÊÇʯÊ/Õ À> iÃ

pose pas sur le type de pansement mis au contact de la plaie mais sur la quantité d’exsudats produite par la plaie.

Etude avec utilisation de la TENE® Méthodologie : suivi sur 5 semaines de la gestion des exsudats de plaies bourgeonnantes et exsudatives (n=50), avec utilisation de la TENE®. La TENE®, unité de quantification des exsudats, est issue d’un algorithme mathématique permettant de quantifier les exsudats. Pour définir le score TENE®, nous nous basons sur la classification EN 13726 en lien avec les coefficients d’absorption et de relargage des différentes gammes de pansements et le coefficient de viscosité des exsudats produits par une plaie.

Mesure visuelle du score TENE®

© ATouPlaies

Résultats de l’étude 1 Si les PALE® absorbent de grandes quantités d’exsudats (>4 TENE®), ils saturent. Alors nous constatons l’apparition de fibrine et de macération sur le lit de la plaie. Ils sont donc conseillés pour absorber des exsudats de 1 à 3 TENE®

Conclusion de la pré-étude 1. Quel que soit le type de plaies, initialement bourgeonnantes, nous voyons apparaître de la fibrine en fonction du temps de contact du pansement sur la plaie et ce quel que soit le type de pansement au contact de la plaie. 2. Le dessèchement des plaies est majoré avec l’utilisation des alginates ou des polymères et des fibres de CMC. 3. Malgré le haut pouvoir absorbant des alginates, des polymères et des fibres de CMC, ceux-ci se saturent en exsudat et entraînent une macération de la plaie. Nous dégageons la problématique suivante : quel que soit le type de plaie, comment adapter les pansements absorbants à la quantité d’exsudats produite ? Nous avons tous pu observer dans nos activités, que les pansements absorbants sont soient, pas assez absorbants (plaie macérée), soient trop absorbants, (plaie desséchée, pansement adhérant à la plaie). La problématique ne re-

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Actusoins pratiques

Résultats de l’étude 2 Si les PAVE® absorbent de petites quantités d’exsudats, (de 1 à 3 TENE®), ils dessèchent le lit de la plaie. Alors nous constatons la présence d’inflammation ce qui entraîne des retards de cicatrisation. Ils sont donc conseillés pour absorber des exsudats de 4 TENE® et plus.

Résultats de l’étude 3 L’utilisation des PALE® et des PAVE® en lien avec la TENE®, optimise les délais de cicatrisation des plaies bourgeonnantes exsudatives en évitant les phénomènes de macération, de dessèchement et d’apparition de fibrine sur le lit des plaies.

Etape 1 : nous classons les pansements suivant deux variables : 1 Leur façon d’absorber les exsudats (latéralement ou verticalement) (1)* 2 Leur capacité d’absorption (cf norme EN13726-1 chapitre 3.2 et 3.3) (2)* Grâce à ces deux variables, nous avons identifié et créé deux grandes classes : (1)* 1 La classe des PALE® : Pansements d’Absorption Latéralisée (l’exsudat est absorbé horizontalement dans le pansement) 2 La classe des PAVE® : Pansements d’Absorption Verticalisée (l’exsudat est absorbé verticalement dans le pansement) Les PALE® comprennent les hydrocellulaires qui ont un pouvoir absorbant de 30g/100 cm2/24h. (2)* Les PAVE® comprennent les alginates, les polymères et les fibres de CMC qui ont un pouvoir absorbant de 16g/100cm2/30mn. (2)* Etape 2 : nous observons le comportement de cette classification avec la TENE®. Nous avons repris les mêmes critères d’évaluation que ceux dans la pré-étude, avec le même échantillonnage n=50 et un suivi sur 5 semaines (Étude 1 & 2). Nous avons évalué la quantité d’exsudat contenue dans le pansement en respectant les critères suivants : Pour les exsudats de 1 à 4 TENE® : utilisation des hydrocellulaires, quantification des exsudats avec l’ATouPlaies®. Pour les exsudats de plus de 4 TENE® : utilisation des alginates, les polymères et les fibres de CMC, quantification des exsudats avec la Depotterisation®.

mais sur la quantité d’exsudats produite par la plaie. C’est ainsi que nous distinguons deux nouvelles classifications : UÊ iÃÊ* ® : les hydrocellulaires pour des plaies exsudatives de 1 à 3 TENE®. UÊ iÃÊ* 6 ® : les alginates, les polymères et les fibres de CMC pour des plaies exsudatives de 4 TENE® et plus. * Etude Ph. Viseux de Potter réalisée sur l’ensemble des pansements absorbants 2011-2014. (2) * Arrêté du 16 juillet 2010 relatif à la modification de la procédure d’inscription et des conditions de prise en charge des articles pour pansements inscrits à la section 1, chapitre 3, titre 1er de la liste prévue à l’article L. 165-1 (LPP) du code de la sécurité sociale. Q (1)

PHILIPPE VISEUX DE POTTER, DIRECTEUR DE LA SOCIÉTÉ

Conclusion

ATOUSOINS FORMATION CONTINUE, DIRECTEUR SCIENTIFIQUE

Ces études semblent démontrer (Étude 3) l’intérêt d’une nouvelle approche dans la prise en charge des plaies exsudatives, en introduisant une nouvelle réflexion. Le choix des pansements absorbants se fait non plus sur le type de plaie

DU PROGRAMME DE RECHERCHE SUR LA QUANTIFICATION

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DES EXSUDATS.



Actusoins pratiques

LA

SURVEILLANCE DU DIABÈTE DE TYPE 2

Environ 90% des sujets diabétiques présentent un diabète de type 2. Ce dernier associe une mauvaise utilisation de l’insuline et une carence en insuline d’aggravation progressive. Il conduit à une hyperglycémie chronique (glycémie à jeun > 1.26 g/L ou 7 mmol/L et hémoglobine glyquée ou HbA1c > 7%) responsable de complications vasculaires. © Sherry Yates - Fotolia.com

RÉFÉRENCES 1. Diabète de type 1 et diabète de type 2, Les parcours de soins, HAS, mars 2014. 2. Stratégie médicamenteuse du contrôle glycémique du diabète de type 2, Recommandation de bonne pratique, HAS, janvier 2013 3. L’auto-surveillance glycémique dans le diabète de type 2 : une utilisation très ciblée, HAS, avril 2011. 4. La prise en charge de votre maladie, le diabète de type 2, Guide – Affection de Longue Durée, HAS, avril 2007. 5. Test de la sensibilité avec monofilament, HAS. Q

L

a microangiopathie diabétique touche principalement les yeux, les reins et les nerfs. La rétinopathie est une cause majeure de cécité qui impose un suivi ophtalmologique régulier avec examen du fond d’œil. La néphropathie qui évolue vers l’insuffisance rénale nécessite une surveillance de la fonction rénale par une analyse régulière de sang et d’urine. La neuropathie peut se révéler soit sous la forme de douleurs ou de troubles sensitifs des membres, soit sous la forme de troubles neurovégétatifs (digestifs, urinaires, sexuels, cardiovasculaires ou sudoraux). La macroangiopathie diabétique est quant à elle source d’accidents vasculaires cérébraux, d’ischémie myocardique ou d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs.

L’objectif de la prise en charge est de réduire la morbidité et la mortalité liées au diabète en maintenant l’HbA1c inférieure à 7 % (ou 6.5 %) et en réduisant les facteurs de risque associés. Un changement de mode de vie s’impose le plus souvent et il convient d’encourager le patient à augmenter son niveau d’activité physique et à suivre les prescriptions diététiques. Le traitement médicamenteux repose sur plusieurs classes d’antidiabétiques oraux, les deux principales étant représentées par les biguanides (metformine/Glucophage®) et les sulfamides hypoglycémiants (type glibenclamide/ Daonil® ou gliclazide/Diamicron®). Le recours à l’injection d’insuline est parfois nécessaire du fait d’un événement intercurrent (troubles de l’alimentation, syndrome infectieux, déshydratation) qui contre-indique de façon temporaire l’usage de certains antidiabétiques oraux. Q DR. PATRICK BARRIOT MÉDECIN EXPERT DE L’INSTITUT EUROPÉEN

ACTUSOINS y 14 y NUMÉRO 13 y JUIN - JUILLET - AOÛT 2014

DE FORMATION EN SANTÉ


Actusoins pratiques

Dix points clés de surveillance 11. L’infirmier joue un rôle essentiel dans l’éducation thérapeutique du

66. L’examen régulier des pieds du patient diabétique permet de repérer

patient diabétique en rappelant régulièrement les objectifs fixés avec le médecin traitant : poids, TA, HbA1c, LDL-Cholestérol….

précocement des lésions minimes et d’éviter leur évolution vers des ulcérations trophiques ou un mal perforant plantaire.

22. Chez le sujet âgé fragile, l’objectif glycémique peut être fixé à

77. La proportion de patients diabétiques souffrant d’un syndrome dé-

une HbA1c égale à 8 % (et non 7 %). Les prescriptions diététiques ne doivent pas être trop contraignantes : ne pas priver une personne âgée d’une pâtisserie le dimanche sous prétexte qu’elle est diabétique !

pressif est supérieure à celle de la population générale. L’infirmier joue un rôle essentiel de soutien psychologique auprès de ces patients qui doivent fournir un effort soutenu pour changer leur mode de vie.

33. Une perte subite et transitoire de la vue d’un seul œil (même fugace),

88. Une hypoglycémie grave peut survenir chez les patients traités par

un épisode de vision double peuvent annoncer un AVC. Ces symptômes doivent être signalés au médecin dans les plus brefs délais.

sulfamides hypoglycémiants (SH) ou répaglinide/Novonorm®. L’action des SH peut-être potentialisée par des médicaments pris conjointement, comme le miconazole (Daktarin®, Loramyc®). Un traitement béta-bloquant peut masquer les signes d’une hypoglycémie. Une mesure de la glycémie doit être réalisée devant tout signe neurologique ou neuro-psychiatrique.

44. Du fait de la neuropathie, le patient diabétique ne ressent pas toujours les symptômes douloureux d’une ischémie myocardique. Cette dernière est dite ‘’silencieuse’’. C’est pourquoi la survenue de malaise, de palpitations ou de dyspnée imposent l’appel au médecin et la réalisation d’un ECG même si le patient ne se plaint d’aucune douleur thoracique.

99. La metformine doit être interrompue pendant 48 heures en cas d’injection de produit de contraste iodé du fait du risque d’acidose lactique potentiellement mortelle.

55. L’examen régulier de la sensibilité superficielle par le test du monofilament permet de suivre l’évolution de la neuropathie diabétique. Au niveau des membres inférieurs, la neuropathie contribue à l’apparition des lésions du pied diabétique.

10 10 Attention à la déshydratation et à l’insuffisance rénale chez le sujet âgé. L’IR contre-indique la metformine et les sulfamides hypoglycémiants, et impose de diminuer la posologie de nombreux médicaments.


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Zoom sur la

*VUZ\S[H[PVU PUÄYTPuYL 7HZZLY WS\Z KL [LTWZ H]LJ \U WH[PLU[ [LS LZ[ S»VIQLJ[PM KL SH JVUZ\S[H[PVU PUÄYTPuYL \UL WYH[PX\L X\P ZtK\P[ KL WS\Z LU WS\Z K»PUÄYTPLYZ SPItYH\_ :L\S ItTVS ! SL ÄUHUJLTLU[ Mais cela n’entrave en rien la motivation. Retour sur trois initiatives.

C

«

e qui nous tient à cœur, c’est de prendre en charge nos patients différemment », explique Dominique Jakovenko, président de l’Association des infirmiers libéraux du Bassin Alésien (AILBA), qui regroupe depuis 2009, une cinquantaine de membres souhaitant développer la consultation infirmière. Ce dispositif de prise en charge a pour vocation de répondre à des problèmes présentés par un patient dans le cadre de sa maladie ou de son vécu. Il s’agit donc d’organiser un suivi individualisé au cours de plusieurs séances durant de trois-quarts d’heure à une heure. Ainsi, les infirmiers formés sont amenés à poser des diagnostics et à proposer une solution au patient qui soit au cœur de sa prise en charge. « Le but est d’apporter des connaissances au patient et de développer ses compétences pour changer sa manière de faire, et pour se détacher du tout curatif », rapporte Dominique Jakovenko.

Entretien individuel et collectif L’AILBA travaille sur l’expérimentation de séances individuelles d’éducation thérapeutique (ETP). « La séance individuelle, c’est du sur-mesure », soutient Dominique Jakovenko. Il restait à trouver un financement qui pourrait aboutir à une expérimentation nationale. Au mois de mai, la CPAM et l’Agence régionale de santé (ARS) Languedoc Roussillon, ont finalisé et validé un courrier commun qui devrait être envoyé à la CNAM et au ministère de la Santé demandant la mise en route de l’expérimentation. Ce projet prévoit l’inclusion du patient par le médecin notamment pour la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), les maladies cardiovasculaires et insuffisances cardiaques, le diabète et l’oncologie. L’infirmier réalise le recueil de données, assure les consultations individuelles et le recueil final. Au médecin d’effectuer ensuite le bilan. Une rémunération des professionnels est envisagée :

quarante euros par séance pour l’infirmier et cinquante euros pour le médecin pour la consultation de début de programme et pour celle de fin de programme. Ce projet prévoit trois critères d’inclusion - la mise en route d’un nouveau traitement, la non-observance et des critères biocliniques en dehors de la norme - pour lesquels les patients bénéficient de cinq séances d’ETP. Dix séances sont prévues pour les patients en rupture de suivi. « Nous sommes d’accord pour nous déplacer en dehors de notre secteur s’il le faut, car il s’agit d’un vrai enjeu de santé publique », fait savoir Dominique Jakovenko. Par ailleurs, l’AILBA a reçu une autorisation pour quatre ans de l’ARS, pour conduire et mettre en œuvre un programme d’ETP pluridisciplinaire pour des consultations collectives, pour le diabète de type 2, l’hypertension artérielle et

“7URXYHU XQ ðQDQFHPHQW TXL SRXUUDLW DERXWLU ¿ une expérimentation nationale ”

l’insuffisance cardiaque. « Nous sommes vraiment novateurs car 98 % des projets sont portés par des structures alors que là, nous sommes libéraux », précise le président. Trois thématiques sont envisagées : la maladie et son traitement, la diététique, et l’activité physique. Pour les séances collectives, un financement de l’ARS serait envisagé à hauteur de 250 euros par patient pour trois séances.

Se donner confiance Dans le Poitou-Charentes, environ vingt-cinq infirmiers libéraux formés à la consultation infirmière viennent eux-aussi de créer leur association dans le but de promouvoir cette consultation. « Notre objectif est d’organiser la consultation et de la structurer en dehors des soins techniques »,

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explique Christelle Fourneau, vice-présidente de l’Association régionale pour la consultation infirmière (ARPCI). Mais l’ARPCI souhaite avant tout donner confiance aux infirmières libérales et les pousser à s’engager dans ce type de consultations. « Nous pratiquons les consultations uniquement auprès de nos patients, souligne Christelle Fourneau. Nous le faisons sur la base des démarches de soins infirmiers avec des patients en situation de dépendance par rapport à un traitement, à un acte technique. » Le médecin leur donne une prescription pour la démarche de soins infirmiers qui est coté AIS 4. « C’est le seul moyen pour se faire rembourser la consultation », rapporte la viceprésidente qui précise qu’une séance par semaine pendant trois mois est envisagée. Et d’ajouter : « Au sein de l’association, nous nous regroupons pour analyser nos pratiques, partager nos expériences et nos connaissances. Nous voulons aussi devenir un peu plus visibles dans le paysage ambulatoire de la région et montrer ce que nous savons faire. »

Travail en réseau Catherine Hoog, infirmière libérale à Paris, a quant à elle fait un autre choix pour pratiquer la consultation infirmière : elle intervient depuis 2001 au sein du Réseau Paris diabète. « J’ai été intéressée par le réseau dès sa création, car il prévoyait de réserver une place particulière aux infirmières pour une heure de consultation avec des entretiens d’évaluation pour les patients », explique-t-elle en précisant

avoir récemment été nommée coordinatrice du réseau. Ce dernier offre des séances d’ETP en groupe et individuelles. « Prévoir un temps dédié à l’éducation thérapeutique, c’est une bonne chose, ajoute-t-elle. Cela me paraît pertinent puisque normalement, on est toujours dans un temps rapide d’exécution. » Les ateliers de groupe durent environ deux heures et portent sur la diététique, le traitement et la prise en charge de la maladie ou encore l’activité au quotidien. « Dans ce cadre, les patients nous font part de leurs projets, de leurs freins, et on peut ainsi déterminer les compétences qu’ils ont à acquérir », explique Catherine Hoog.

“J’aime beaucoup ce type de prise en charge car les patients sont acteurs de leurs soins. ”

Pour les séances individuelles, elle reçoit les patients à son cabinet. La prise en charge prévoit cinq séances renouvelables trois fois. Et d’ajouter : « J’aime beaucoup ce type de prise en charge car les patients sont acteurs de leurs soins. On essaye de voir ce qui est le mieux pour eux, ils sont plus impliqués. C’est un vrai partenariat, et les patients nous renvoient du positif car ils font des progrès. On n’a pas la même relation que dans le soin, la relation humaine est plus équilibrée. » LAURE MARTIN

© BELMONTE/BSIP

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Retraitée du public puis libérale : \UL VWWVY[\UP[t YHYL

Les conditions pour pouvoir prendre sa retraite de la fonction publique hospitalière de manière anticipée se sont considérablement réduites. +L\_ PUÄYTPuYLZ VU[ MHP[ JL JOVP_ juste avant la réforme de 2010 pour exercer en libéral. Elles racontent.

F

lorence Benistant ne dit quasiment jamais qu’elle est « retraitée » : « tout simplement parce que je ne le suis pas, dans ma tête » et parce qu’elle exerce toujours son métier mais en libéral, en Picardie. Auparavant, elle a travaillé 17 ans dans la fonction publique hospitalière entre Paris, le Pas-de-Calais et l’Oise, en réanimation, au Samu-Smur et en HAD.

Florence Hatchiguian infirmière libérale © DR

Cette dernière expérience, hospitalière mais à domicile, lui a permis d’affiner un projet : devenir libérale. « Je me suis reconnectée avec certains soins comme le nursing, avec le suivi du patient et la réponse à ses besoins », raconte-telle. Les conditions de travail à l’hôpital ne lui convenaient plus : plannings, pression hiérarchique, manque de considération... « J’ai beaucoup aimé ce travail, il m’a appris beaucoup ; mais j’avais envie de pouvoir donner ce que j’avais appris aux patients », explique Florence.

Faire vite Mère de trois enfants, elle décide, après quinze ans d’activité dans la FPH, de liquider ses droits à la retraite en 2006. « Il fallait faire vite car on savait que la loi changerait », ajoute l’infirmière. Parmi ses sept amies de l’IFSI, toutes mères de trois enfants, six ont fait le même choix ! Comme Florence Hatchiguian, elle aussi libérale en Picardie. « En 18 ans, j’ai beaucoup tourné : ORL, gynéco, néphrologie, endocrinologie, urgences, soins palliatifs, égrène-t-elle méthodiquement. J’ai fini sur un poste de pué-

ricultrice en maternité. » Aucun ras-le-bol à l’origine de la liquidation de sa retraite mais l’envie de travailler ailleurs et aussi, un peu, de bénéficier de cette retraite anticipée, « la seule chose à laquelle [elle ait] eu droit ». Au début, elle assure quelques gardes en clinique privée et dans un centre de réinsertion sociale... Des expériences qui l’incitent finalement à envisager le libéral. Une courte expérience dans un cabinet lui met le pied à l’étrier. En guise de test, elle appose sa plaque à côté de celle de son mari, kiné, et se présente auprès des pharmaciens et des médecins. « J’ai vite arrêté, raconte-t-elle, car en trois mois, j’avais 40 patients ! ».

L’expérience positive de l’hôpital Florence Benistant avait un projet bien précis : reprendre la suite d’une infirmière qui partait elle-même à la retraite mais il a tourné court et elle s’est retrouvée à faire des remplacements en libéral, de l’intérim et même du rapatriement sanitaire pour une compagnie d’assurances ! Lors d’un remplacement, elle rencontre une infirmière qui cherchait une collaboratrice : elle a travaillé sept ans avec elle ! Au fur et à mesure des remplacements, elle a appris comment fonctionne un cabinet. La trame des tournées à effectuer lui a permis d’anticiper sur les soins à réaliser... « A partir du moment où on connaît la base, on ne rencontre pas souvent de difficultés », observe-t-elle. Florence Hatchiguian confirme : « j’ai eu la chance d’avoir

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Actusoins ‹ vie libÊrale

travaillĂŠ dans de nombreux services diffĂŠrents. Cela a ĂŠtĂŠ très bĂŠnĂŠďŹ que et m’a donnĂŠ beaucoup d’assurance. Si je peux travailler comme je le fais aujourd’hui, Ă l’aise partout, c’est grâce Ă ces expĂŠriences multiples Ă l’hĂ´pital. Âť Les gros pansements ne lui font pas peur, ni les soins aux bĂŠbĂŠs. Et elle s’est rapidement familiarisĂŠe avec l’administratif.

La reconnaissance des patients En dehors du cadre hospitalier bien structurĂŠ, Florence Benistant a dĂŠcouvert une toute nouvelle autonomie, une grande responsabilitĂŠ mais surtout un exercice extrĂŞmement valorisant et très ĂŠloignĂŠ de la routine. ÂŤ J’ai beaucoup de satisfactions relationnelles. Je peux donner tout ce que j’ai envie de donner et j’ai des retours très positifs des patients. Nous avons des ĂŠchanges formidables ! Âť Florence Hatchiguian aime aussi cette relation plus horizontale avec les patients. Et leur reconnaissance, ÂŤ ĂŠnorme Âť, qui l’a surprise... Certes, le cumul de la pension de retraite de la FPH, mĂŞme rĂŠduite, et des revenus de l’activitĂŠ libĂŠrale est apprĂŠciable et apprĂŠciĂŠ. Mais l’inďŹ rmière souligne ĂŠgalement son rythme de travail : sept jours d’afďŹ lĂŠe mais une semaine sur trois. Monter son cabinet, avec trois remplaçantes et une secrĂŠtaire, l’a aussi fait ÂŤ grandir Âť, estime-t-elle. ÂŤ Ma qualitĂŠ de vie est bien meilleure aujourd’hui, souligne-t-elle. J’ai du temps disponible : je donne des cours en IFSI, je fais du sport, de l’art oral, de l’encadrement d’art... Âť. Pourtant, ajoute-t-elle, ÂŤ je n’enlève pratiquement jamais vraiment la blouse. J’adore mes enfants et mon mari me le reprochent parfois. Âť De son cĂ´tĂŠ, Florence Benistant mesure ses limites et s’interroge sur la poursuite de son activitĂŠ en libĂŠral au-delĂ de la cinquantaine. ÂŤ J’aurais fait trente ans de soins, souligne-telle. Physiquement, c’est dur, le libĂŠral. On se lève très très tĂ´t, la charge de travail augmente, notamment en post-opĂŠ-

RETRAITE DES AGENTS

ĂŠ ĂŠ " / " ĂŠ*1 +1 ĂŠ "-* / , ĂŠ /ĂŠ 8 , ĂŠ , ĂŠ Les règles ont changĂŠ en 2010. Les inďŹ rmières qui ont choisi de rester en catĂŠgorie B (ÂŤ active Âť) ont conservĂŠ le droit de partir Ă la retraite de manière anticipĂŠe mais l’âge lĂŠgal du dĂŠpart est passĂŠ de 55 Ă 57 ans et la durĂŠe minimale de services effectifs de 15 Ă 17 ans. L’âge lĂŠgal de dĂŠpart Ă la retraite de celles qui appartiennent, dès leur recrutement, Ă la catĂŠgorie A est ďŹ xĂŠ Ă 62 ans. Celles qui ont travaillĂŠ en catĂŠgorie B mais choisi la catĂŠgorie A en 2010-2011 peuvent partir en retraite Ă partir de 60 ans. La possibilitĂŠ pour les inďŹ rmières ayant trois enfants de partir de manière anticipĂŠe n’existe plus depuis le 1er janvier 2012. Elle n’est maintenue que pour celles qui, Ă cette date, ont trois enfants et accompli 15 annĂŠes de services effectifs et qui ont, dans certaines conditions, interrompu ou rĂŠduit leur activitĂŠ au plus tard le 15 janvier 2015. Une pension de retraite de la CNRACL peut ĂŞtre cumulĂŠe avec une rĂŠmunĂŠration d’activitĂŠ libĂŠrale selon certaines conditions (http://petitlien.fr/7am8 et http://petitlien.fr/7am9). Des règles de plafonnement peuvent s’appliquer (http://petitlien.fr/7amc).

ratoire. Et puis les mĂŠdecins prescripteurs seront nombreux Ă partir Ă la retraite dans les prochaines annĂŠes... Comment fera-t-on alors ? Âť Q

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OLIVIA DUJARDIN

Florence Benistant inďŹ rmière libĂŠrale Š DR


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INFIRMIÈRE

CONSEIL

EXERCER AUTREMENT

Coordination ville-hôpital, formation des professionnels libérales, relation H]LJ SL WH[PLU[ ! SLZ TPZZPVUZ KLZ PUÄYTPuYLZ JVUZLPS LUJVYL HWWLStLZ PUÄYTPuYLZ coordonnatrices, sont variées. *LZ PUÄYTPuYLZ ZHSHYPtLZ KLZ WYLZ[H[HPYLZ de santé à domicile ont fait le choix de renoncer aux soins pour exercer leur métier différemment.

C

«

ette facette du métier n’est pas assez connue des infirmières libérales et hospitalières », témoigne Julie Chesneau, infirmière conseil chez LVL médical depuis septembre 2013. Après avoir obtenu son diplôme en 2007 à Orléans, elle a travaillé trois ans à l’hôpital et deux ans dans un centre de rééducation fonctionnelle avant d’avoir « envie de changer ». « J’ai cherché ce qu’on pouvait faire en dehors de l’exercice libéral et hospitalier, raconte-t-elle. Et j’ai découvert le métier d’infirmière conseil chez un prestataire de santé à domicile. J’ai été attirée car l’autonomie est beaucoup plus grande qu’à l’hôpital, et j’aime aussi le rôle de formation que l’on a vis-à-vis des libérales et des patients. J’ai trouvé que c’était une bonne alternative. »

“J’ai été attirée car l’autonomie est beaucoup SOXV JUDQGH TXâ¿ OâKŊSLWDO

Les arguments sont sensiblement les mêmes chez Laetitia Joulji, infirmière coordonnatrice chez Alternative. Après avoir exercé pendant six ans aux hospices civils de Lyon en hématologie adulte et hémodialyse, elle part travailler en libéral pendant trois ans et demi. « Le cabinet libéral avait un rythme qui ne me convenait plus, explique-t-elle. Je voulais passer plus de temps avec mes enfants. » En mars 2012, elle rentre à Alternative, après avoir découvert cet univers via son exercice libéral.

Le rôle de ces infirmières consiste à coordonner les relations entre l’hôpital et la ville. C’est à la suite de l’appel d’un service hospitalier, annonçant la sortie d’un patient avec un traitement, qu’intervient l’infirmière conseil. Elle se rend à l’hôpital pour rencontrer le patient, effectuer un interrogatoire afin de mieux le connaître, savoir s’il a déjà une infirmière libérale, une pharmacie, évaluer la faisabilité du traitement à domicile et lui expliquer le traitement.

Travail de formation Après avoir obtenu ces renseignements, « on prend contact avec le cabinet libéral ou alors on en trouve un, pour savoir s’ils sont disponibles et s’ils sont formés à l’usage du matériel qui va être utilisé pour le traitement, souligne Laetitia Joulji. Si les infirmiers sont déjà formés au matériel et au soin, alors on livre simplement le matériel. S’ils ne sont pas formés, on organise la formation au domicile du patient ou au cabinet. » Les infirmières conseil sont donc quasi-quotidiennement sur la route. « On peut faire environ 40 000 km par an », ajoute Laetitia Joulji. Bien entendu, avant de pouvoir exercer leur fonction, elles doivent elles-mêmes être formées. « Notre formation se fait en interne, indique Laetitia Joulji. Personnellement, je connaissais déjà bien le matériel et notamment les pompes car j’avais justement été formée lorsque j’étais infirmière libérale. » De son côté, Julie Chesneau a été formée et accompagnée pendant quelques mois par les infirmières conseils de son

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agence. « J’ai eu des formations purement théoriques et j’ai ensuite été doublée lors de mes interventions, jusqu’à ce que je puisse être autonome », précise-t-elle.

Suivi permanent Les infirmières conseil sont également en contact téléphonique avec les libérales pour le réapprovisionnement du matériel, et elles assurent une astreinte technique en cas de difficultés. « Dès lors qu’il y a intervention d’une infirmière libérale, on informe également le patient et son entourage sur le matériel que l’on installe afin de les rassurer », souligne Julie Chesneau. Et d’ajouter : « Nous pouvons également, pour certains types de soins, former directement les patients par exemple pour le traitement par immunoglobuline. On va dans un premier temps les former à l’hôpital, et ensuite les suivre à domicile. » D’ailleurs, les infirmières conseils peuvent aussi se rendre plusieurs fois chez le patient pour assurer un suivi en fonction du traitement, notamment pour les traitements chroniques : immunothérapie, traitement par apomorphine pour la maladie de Parkinson,… Dans ces cas-là, un vrai partenariat se met en place car elles effectuent également le retour du suivi au prescripteur à l’hôpital, qui peut alors modifier le traitement si nécessaire. « Vis-à-vis des patients, on n’est plus du tout dans le soin, rapporte Laetitia Joulji. D’ailleurs, lorsque j’exerçais en libéral, je faisais beaucoup de soins techniques ainsi que de la fin de vie, et il fallait que je fasse un break avec cette partie difficile de la profession. »

“Cet exercice du métier a beaucoup d’atouts car LO \ D XQ FŊWÒ FRRUGLQDWLRQ HW XQ FŊWÒ ÒGXFDWLRQ envers nos consœurs et envers les patients avec lesquels nous sommes toujours en contact

Satisfaction partagée « Les infirmières libérales sont généralement satisfaites, constate Julie Chesneau. Pour elles, c’est un soulagement de ne pas se retrouver au domicile avec du matériel qu’elles n’ont pas l’habitude d’utiliser. » Et Laetitia Joulji de poursuivre : « Les infirmières libérales sont également contentes d’avoir affaire, pour leur formation, au même corps de métier qu’elles et non à des techniciens car nous avons les mêmes expériences et des situations qui font écho. Cet exercice du métier a beaucoup d’atouts car il y a un côté coordination et un côté éducation envers nos consœurs et envers les patients avec lesquels nous sommes toujours en contact. A l’heure actuelle, j’ai comblé beaucoup de mes attentes. » Julie Chesneau se dit très satisfaite de son choix : « Je m’épanouie pleinement dans mon métier. J’ai un contact plus privilégié avec les patients que quand je travaillais à l’hôpital. » Q LAURE MARTIN

Julie Chesneau, infirmière conseil chez LVL Médical avec un patient

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© DR


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EN

PREMIÈRE LIGNE LORS DE LA FIN DE VIE

Un aide-soignant au chevet d’un malade. Maison médicale Jeanne Garnier © Jean-Louis Courtinat

Bientôt dix ans après l’adoption de la loi Leonetti, X\LSSLZ X\LZ[PVUZ ZL WVZLU[ JVUJYu[LTLU[ SLZ PUÄYTPLYZ MHJL n SH X\LZ[PVU KL SH ÄU KL ]PL & ,UX\v[L H\WYuZ de ceux à qui revient cet accompagnement, jusqu’au KLYUPLY ZV\MÅL ACTUSOINS y 24 y NUMÉRO 13 y JUIN - JUILLET - AOÛT 2014


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enri, ancien infirmier général aux Hôpitaux de Paris, se souvient. « Dans les années 70, on ne parlait pas d’euthanasie, on était un peu seul devant un malade qui allait mourir. Quand on sentait qu’un malade souffrait, on demandait aux médecins de soulager la douleur, on savait que c’était accélérer la fin de vie. » L’ancien infirmier estime que le contact avec le patient était plus proche. « On ne portait pas de gant pour la toilette. Et on sentait quand la peau se délitait, qu’elle ne remplissait plus son rôle de protection, qu’elle pouvait laisser passer les infections. On sentait bien que la mort était imminente », lâche-t-il. Ce rôle d’accompagnement justement était principalement rempli par les infirmiers, « les médecins nous laissaient seuls. Une mission très - trop - lourde nous était confiée ». D’ailleurs, face à la question de la mort, Henri préfère de loin le terme d’ « accompagnement ». « Le terme euthanasie est tellement employé qu’il est dévoyé », estime-t-il. De son côté, Evelyne, infirmière à la retraite qui préfère garder l’anonymat, se souvient elle aussi : « J’ai connu une époque où l’on faisait des injections létales ». Ces « cocktails » de morphine à haute dose, qui étaient injectés aux patients très malades, ceux dont les soignants étaient sûrs qu’ils étaient arrivés en bout de course, sans amélioration possible de leur état et sur prescription médicale. « On ne nous a jamais demandé d’achever quelqu’un, mais de l’aider, oui », nuance Henri. Annie, infirmière pendant 40 ans, garde également beaucoup d’émotions de sa période d’activité. « Ce qui m’a le plus choquée ? Que les médecins refusent parfois de donner de la morphine. Leur argument ? “Ils vont devenir accro”. Dans ces cas, la douleur des gens était insupportable. Je me sentais impuissante devant les cancéreux en fin de vie. » Elle se rappelle avec tristesse d’une jeune femme atteinte d’un cancer de l’utérus : « Elle était condamnée. Elle s’est mariée malade, le médecin ne voulait pas prévenir le fiancé. Elle est morte quelques jours après ». Le tabou de la mort était encore plus fort qu’aujourd’hui. « Mais ces conditions affreuses, on ne les voit plus », concède-t-elle. Entre autres, grâce aux progrès considérables qui ont été réalisés dans le domaine palliatif. « Il est même rare que l’on ne puisse pas apaiser la douleur du patient », évalue Michèle, infirmière en activité dans un institut de cancérologie. Annie reconnaît qu’en effet, « 90 % des douleurs sont soulagées ». Mais restent ces 10 % qui peuvent rendre terrible une fin de vie.

Ce qui a changé avec la loi L’année 2005 marque l’adoption de la loi Leonetti, dans un contexte marqué par le cas de Vincent Humbert, jeune homme devenu tétraplégique à la suite d’un accident de voiture. Sa mère, avec un médecin, provoque sa mort en 2003, le jeune homme ne supportant plus d’être prisonnier de son corps, sans espoir de guérison. L’émotion et la solidarité suscitées par cette affaire ont sans doute accéléré

une mission parlementaire, menée par le médecin et député Jean Leonetti. Adoptée à l’unanimité, la loi Leonetti condamne l’acharnement thérapeutique et encourage la prise de directives anticipées par le patient que les médecins ont obligation de prendre en compte dans la décision collégiale prise avec l’ensemble de l’équipe médicale et la famille. Les soins palliatifs sont encouragés, sans aide active à mourir autorisée. Ce qui reste la principale critique des pro-euthanasie qui reprochent aussi aux médecins de ne pas accorder assez d’importance aux directives anticipées. Mais détracteurs ou partisans, les infirmiers partagent le sentiment d’une meilleure prise en charge de la douleur, objectif ultime des personnels soignants. « Dans les unités où les gens meurent, il y a une évolution éthique (qu’est-ce qui est le mieux pour le patient ?), et en termes d’accompagnement (administrer les bons produits). La révolution est aussi culturelle car ils savent que la mort fait partie de la vie, que l’accompagnement dans la mort fait partie de la mission », estime Daniel Carré, membre de l’Association pour le Droit à Mourir dans la Dignité (ADMD). Cependant, les 6 000 places aujourd’hui disponibles en soins palliatifs en France sont largement insuffisantes et on estime à 30 % les patients qui n’ont pas de prise en

“La loi Leonetti condamne l’acharnement

thérapeutique et encourage la prise de directives anticipées par le patient. charge de la douleur correcte dans leurs derniers jours. En France, la mort, survient très majoritairement à l’hôpital, à hauteur de 60 %. « On meurt mal en France », rappelle Daniel Carré. Question tabou, l’aide active à mourir existait autrefois, tacitement. La loi Leonetti a uniformisé les pratiques. Mais différentes affaires judiciaires récentes, avec implication de médecins ou personnels soignants jugés pour des faits d’euthanasie, ont rendu les médecins plus prudents. « Le corps médical a peur que les familles deviennent procédurières et les médecins ont peur devant la possibilité d’un geste létal », estime Evelyne, ancienne infirmière à l’AP-HP. Car tout étant très précisément noté, analysé sur le certificat de décès, le moindre doute peut donner lieu à une investigation judiciaire. « On peut toujours avoir des ennuis pour une surdose, alors que le contraire ne peut être puni », lâche Evelyne, qui regrette par conséquent une prise en charge parfois insuffisante de la douleur et un patient qui trinque.

Un texte méconnu « Très peu d’infirmiers connaissent cette loi », déplore Michèle, ce que le rapport de Sicard de fin 2012 avait déjà pointé du doigt. Nathalie Vandevelde, cadre

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infirmier qui a coordonné une étude au sein des soignants est arrivée à la conclusion que seulement 46 % des personnels soignants sont au fait de la loi, que seulement 22 % connaissent l’interdiction de l’obstination déraisonnable des soins et que seulement 12 % savent que la volonté des patients doit être respectée... Des chiffres éloquents qui montrent combien les tenants et les aboutissants de la loi Leonetti sont encore méconnus, y compris dans la pratique. Pourtant, globalement, la profession infirmière soutient la loi et ses avancées. « Le milieu médical s’en accommode », estime Michèle, qui n’est pas pour légiférer sur absolument tout, au risque de « tout faire rentrer dans des cases. » Face à elle, certains peuvent lui reprocher ces rares cas hors loi Leonetti, les ambiguïtés de situation, comme c’est le cas de la très médiatique affaire Vincent Lambert. Pour Evelyne, cette affaire montre que la loi Leonetti ne va parfois pas assez loin. « L’arrêt des sondes ou des machines respiratoires, considérées comme des soins, et non plus des traitements, peut entraîner une mort longue et atroce », affirme-t-elle. Le consensus est clair sur la question de la gestion de la douleur. « Il est prouvé que dès que les gens ne souffrent plus, ils sont beaucoup moins demandeurs d’en finir avec la vie », avance Annie, une ancienne infirmière. Face à la douleur des patients, Michèle se rappelle avoir été en « détresse face à l’un d’entre eux. Il hurlait de douleur, je n’arrivais pas à réunir un consensus sur son cas, j’ai du demander à un des pontes du service. Il m’a dit : ”on ne peut pas vous laisser comme ça”, et on a débriefé », raconte-t-elle.

Généraliser les directives anticipées Sans directives anticipées, le travail des infirmiers est rendu bien plus compliqué. « Nous voyons bien quand il faut mettre en place certains traitements contre la douleur, dans le respect des directives anticipées », explique Michèle.

Le photographe Jean-Louis Courtinat - auteur des deux photos illustrant l’article - a notamment réalisé un reportage de deux mois à la Maison Médicale Jeanne Garnier, établissement reconnu pour la qualité des soins prodigués aux malades en fin de vie. Une exposition présentant son travail consacré aux soins palliatifs aura lieu pendant les journées de la Sorbonne du 6 au 11 octobre 2014. Q

Cette question est au centre des préoccupations. « Elles sont encore très peu répandues. Aujourd’hui, elles ne servent à rien », déplore Daniel Carré. « Elles devraient s’appliquer à plein si un consensus entre les proches et le médecin est trouvé », lâche-t-il. « Il faut insister sur le fait que les directives anticipées sont révocables jusqu’au dernier moment, il faut laisser le choix aux gens », éclaire Annie. Le mot d’ordre : généraliser les directives anticipées, qui facilitent le travail au quotidien des infirmiers. Car si la loi Leonetti répond à la grande majorité des situations, Daniel Carré estime qu’il faut « laisser la porte ouverte à des améliorations. » François Hollande a promis de préparer une nouvelle loi pour compléter l’actuelle, d’ici à l’été. Une échéance déjà dépassée. « L’euthanasie est un droit qui devrait être accordé mais elle n’est pas une solution sur une fin de vie sans douleur et sans souffrance, estime Daniel Carré. Il faut positionner la mort dans le processus d’accompagnement de la famille, dans le respect de la volonté de la personne, et en appliquant un traitement contre la douleur efficace », recommande-t-il. L’application de la loi Leonetti ou sa modification doit être faite sans souffrance. Q DELPHINE BAUER / YOUPRESS

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Aide-soignante discutant avec un malade. Service de soins palliatifs Paul Brousse. Villejuif © Jean-Louis Courtinat



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Assignation :

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Assignation n’est pas réquisition. 3LZ WYLTPuYLZ ZVU[ KtJPKtLZ L[ UV[PÄtLZ sous la responsabilité du directeur d’établissement, les secondes relèvent de S»H\[VYP[t Q\KPJPHPYL 3LZ YuNSLZ ZL WYtJPZLU[ H\ ÄS KL SH Q\YPZWY\KLUJL

U

n hôpital ou une maison de retraite ne s’arrête pas de fonctionner en cas de grève. Ces établissements ont l’obligation d’assurer la continuité d’un service public, et plus concrètement, la sécurité des personnes et des soins. Le service minimum est placé sous la responsabilité du responsable de l’établissement, sous le contrôle du juge administratif, et ne doit concerner que les services dont l’activité ne peut être interrompue « sans risque sérieux ». Il se traduit généralement par des assignations et non des réquisitions car celles-ci ne peuvent émaner que de l’autorité judiciaire, le Préfet notamment. C’est donc au directeur d’établissement que revient la responsabilité de lister les postes qui doivent être pourvus. La jurisprudence stipule souvent, mais pas toujours, que

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cet effectif minimal correspond, peu ou prou, à celui d’un dimanche ou d’un jour férié. C’est la DRH et la direction des soins qui définissent la liste des personnes assignées.

La notification Les agents doivent être notifiés individuellement de leur assignation, par lettre remise en mains propres ou en courrier recommandé avec accusé de réception. Cette notification doit intervenir au moins la veille du début prévu de la grève. Parfois ce sont les cadres qui donnent aux agents concernés leur lettre d’assignation lorsqu’ils travaillent dans le service. Parfois, lorsque les délais sont très courts, des lettres sont apportées en mains propres au domicile des infirmiers. La liste des personnes assignées doit également être affichée en tant que note de service sur les lieux du travail et communiquée aux syndicats. L’assignation n’a pas besoin d’être justifiée et il n’est pas possible de la refuser, sauf en cas de maladie. Un refus

constitue une faute professionnelle et peut entraîner des sanctions disciplinaires. Lorsque les syndicats estiment que les mesures d’assignations prises par un directeur d’établissement sont excessives, ils peuvent saisir le juge administratif qui doit se prononcer sous 48 heures, selon la procédure du « référé liberté ».

Discussions locales « Dans les faits, estime Thierry Amouroux, secrétaire du SNPI-CFE-CGC, le service minimum est toujours le fruit de discussions locales. » Et les syndicats trouvent généralement un interlocuteur au sein de la direction. Ghislaine Raouafi, secrétaire de la fédération santé et action sociale de la CGT, déplore cependant que certains directeurs ne réduisent pas suffisamment l’activité mais utilisent les assignations pour, au contraire, la maintenir. Selon elle, l’effectif infirmier les jours de semaine est déjà très proche de celui des dimanches et jours fériés, ce qui fait que des directeurs « assignent plutôt le tableau des effectifs ». Quand un nombre inférieur d’infirmières par rapport à l’effectif sont assignées, elles s’arrangent souvent entre elles. « Cela nécessite une forte syndicalisation, commente-t-elle, et une bonne entente dans l’équipe. » Q OLIVIA DUJARDIN © ASTIER/BSIP

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Actusoins vie professionnelle

FAMILIARISER LES NOUVEAUX INFIRMIERS À LA « RÉA » 3L [YH]HPS LU IPU TL MH]VYPZL S»PU[tNYH[PVU KLZ PUÄYTPLYZ X\P HYYP]LU[ LU YtHUPTH[PVU Une insertion en douceur pratiquée dans le Centre médico-chirurgical de Tronquières à Aurillac en Auvergne.

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«

ace à l’insuffisance de l’apport théorique des Ifsi sur le travail en service de réanimation, et le peu de stages offerts dans ces services, nous avons décidé de mettre en place, pour les nouveaux infirmiers du service, un parcours d’intégration », explique Sylvie Markarian, surveillante du service. L’équipe a en effet constaté que les nouveaux infirmiers peuvent être confrontés à de nombreuses difficultés techniques, théoriques et psychologiques. « Il y a de nombreuses machines autour du patient et un aspect psychologique important du fait de l’état lourd des patients, du pronostic vital souvent engagé ou encore du stress de la famille à gérer, indique Sylvie Markarian. Il faut familiariser les nouveaux infirmiers à ces contraintes. » L’équipe a donc réfléchi à ce qu’elle pouvait mettre en place pour favoriser leur arrivée, améliorer leur intégration et éviter les échecs. Une initiative exemplaire qui a remporté, en mai dernier le trophée de la Fédération de l’hospitalisation privée dans la catégorie Ressources humaines.

quatre autres semaines à venir, sans doublure. Mais si les objectifs ne sont pas atteints, le temps de doublure est prolongé car le tutorat permet des transmissions d’expertises paramédicales, et donc le maintien de la qualité des soins. « J’ai un très bon retour des nouveaux infirmiers sur ce dispositif, affirme Aurore Morais. Le fait d’être accompagnés réduit leur stress. » L’une des contreparties négatives : le service emploie un infirmier qui n’est pas immédiatement opérationnel car en formation. Depuis la mise en place du dispositif en 2012, onze nouveaux arrivants infirmiers en ont bénéficié. « Ce type de dispositif devrait être accessible dans tous les services de réanimation, conclut Sylvie Markarian. Pour les nouveaux infirmiers, il s’agit d’une mise en confiance et permet une bonne l’intégration dans l’équipe. » Q

En doublure pendant quatre semaines La mise en place du dispositif s’est faite progressivement par une série d’entretiens informels, puis avec la création d’un livret d’accueil qui présente le service au nouvel infirmier. « Nous avons également instauré un temps de doublure de quatre semaines entre le nouvel infirmier et l’une des trois infirmières tutrices qui a en sa possession un livret d’adaptation dans lequel elle valide les compétences du nouvel infirmier, un peu comme le portfolio des étudiants », présice Sylvie Markarian. « Au départ, nous travaillons en binôme, ajoute Aurore Morais, infirmière tutrice. Puis, peu à peu je m’efface pour remplir davantage le rôle d’une aide-soignante. » A l’issue des quatre semaines, les membres du service et l’infirmier font le point lors d’un entretien qui « permet d’avoir le ressenti de l’infirmier, et d’analyser les compétences maîtrisées ainsi que les difficultés rencontrées », souligne Sylvie Markarian. Ils fixent ensuite ensemble des objectifs pour les

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LAURE MARTIN © Centre médico-chirurgical de Tronquières



Actusoins vie professionnelle

DIALYSE :

PLUS BELLE LA NUIT ?

Alors que seuls quatre centres en France proposent la formule, le centre de dialyse de nuit de Paris Diaverum rencontre un succès qui ne se dément pas depuis son ouverture, il y a six mois. Plus pratique, plus profonde, plus adaptée pour certains WH[PLU[Z SH KPHS`ZL KL U\P[ LZ[ H\ZZP \U JOVP_ WV\Y SLZ PUÄYTPuYLZ

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Karene monte le circuit du générateur de dialyse avant l’arrivée du patient © Juliette Robert

e soir, comme trois nuits par semaine, ce n’est pas chez lui que dormira Daniel Pichet. Ce soir, il passera la nuit au centre de Paris 11, à regarder la télévision pendant que les autres malades dormiront, eux. Pendant qu’il est allongé sur son lit et scotché au match de foot France-Norvège, Mapou Barreau, infirmière de 36 ans, installe sa dialyse. Tous les deux plaisantent, ils se connaissent bien : Daniel Pichet vient ici depuis le mois de janvier. Véritable “papillon de nuit” pour les infirmières, cet ancien ébéniste d’art volubile s’est reconverti en agent de sécurité incendie. Le rythme de nuit, il l’a encore, même s’il est en invalidité partielle depuis 2001. Et s’il ne dort pas pendant les sept heures de sa dialyse, il se repose une fois rentré chez lui. « Quand on m’a parlé de cette formule, j’ai sauté sur l’occasion, ca me correspond beaucoup plus », explique ce cinquantenaire dynamique, qui prend son mal

en patience. Insuffisance rénale, perforation du colon il y a quelques mois, transplantation il y a quelques années, il revient de loin mais garde le sourire. Comme lui ce soir, neuf autres ont opté pour un rythme de vie plus adapté à leurs plannings respectifs. La capacité d’accueil est de quinze lits, mais dernièrement, « deux greffes ont diminué les effectifs », se réjouit le docteur Guérin, néphrologue, qui précise néanmoins que cette fréquence de greffe est exceptionnelle.

Préserver le sommeil des patients « La plupart des patients sont encore en activité professionnelle, explique Aurélie Dansaert, cadre de soin qui a travaillé sur le projet de structure avec horaires de nuit fin 2013. Nous leur proposons la possibilité de la dialyse de nuit, et faisons un test d’environ quinze jours. Dormir à la clinique n’est pas une évidence pour tout le monde ! On a essayé de recréer une intimité et de penser à tous les détails pour rendre la nuit la plus agréable possible. » Mais parfois ça ne colle pas. « Nous avons eu un patient qui bougeait sans arrêt, gênait les autres. Ce n’était pas possible : ici nous faisons tout pour préserver le sommeil. Quelqu’un qui ne dort pas ne peut pas enchaîner avec sa journée de travail. Le médecin le lui a expliqué », se souvient-elle. Mais rares sont ces cas. L’équipe de la clinique a pensé aux lumières tamisées. Les infirmières comprennent la nécessité de chuchoter, l’interdiction de faire des activités bruyantes, comme le ménage. Les bilans sanguins silencieux sont privilégiés. « Tout est perfectible. Le bruit des machines, la lumière des écrans… Les prochains centres (il y en a deux en cours d’ouverture, ndlr) bénéficieront de l’expérience des ouvertures précédentes », estime Hervé

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Actusoins vie professionnelle

Gourgouillon, directeur du centre. Ils sont déjà pourvus de bouchons d’oreilles, de masques pour les yeux, de rideaux pour l’intimité.

La nuit : un choix Les infirmières du centre ont vite compris la nature de leur mission. Aurélie Dansaert précise que le choix de la direction s’est porté sur du personnel déjà formé. Mapou Barreau et Karene Castry ont toutes deux postulé volontairement pour un emploi de nuit. « Nuit ou jour, la surveillance est la même. On évite juste l’appareil à tension qui serre énormément, et pourrait réveiller le malade », précise Aurélie Dansaert. Deux heures avant les premières arrivées, échelonnées entre 21h et 22h, les infirmières arrivent et préparent les

machines à dialyse, les configurent. Il faut que tout soit prêt quand Daniel Pichet et les autres patients vont débarquer. Tout en réglant les écrans, Mapou, douze ans d’expérience dans la dialyse et la néphrologie, dans sa tenue verte et ses petits chaussons blancs en plastique, raconte : « Pour moi, maman de trois enfants, c’est beaucoup plus pratique. Il m’arrivait de ne pas les voir pendant quatre jours. Quand ma fille, très petite, ne me reconnaissait pas, c’était dur. Là, finalement, je les vois, je peux les emmener à l’école, et quand je pars, c’est presque déjà l’heure d’aller dormir pour eux ». Le rythme à prendre ? « Pas évident au début, mais on s’habitue vite ! » Pour Karene qui élève seule son

© Juliette Robert

Mapou connecte Daniel Pichet au générateur de dialyse

“On a essayé de recréer une intimité

HW GH SHQVHU ¿ WRXV OHV GÒWDLOV SRXU UHQGUH OD nuit la plus agréable possible


Actusoins ‹ vie professionnelle

ďŹ ls, travailler de nuit est aussi plus pratique. ÂŤ La nuit, le rapport avec les malades est très diffĂŠrent. Nous sommes dans l’intimitĂŠ. Je me souviens d’un patient qui ĂŠtait peu loquace, mais peu Ă peu, il s’est dĂŠtendu. Aujourd’hui, nous plaisantons facilement ensemble ! Âť, se rĂŠjouit Mapou. Au cĹ“ur de la nuit, quand les yeux sont fatiguĂŠs, les deux collègues font volontiers ÂŤ une pause thĂŠ. Plus de cafĂŠ pour moi ! On discute ĂŠnormĂŠment, on rĂŠvise les protocoles, ça nous fait tenir Âť, prĂŠcise Karene, qui estime ĂŠgalement que la nuit est l’occasion ÂŤ de personnaliser le soin. On a le temps de leur demander comment ça va Ă la maison ou le travail, puisqu’ils arrivent en dĂŠcalĂŠ. Âť

Moins d’urgences Bien sĂťr, l’univers de la nuit est aussi source d’angoisses. ÂŤ On peut joindre le mĂŠdecin Ă tout heure, et nous sommes formĂŠes Ă manier le chariot d’urgence Âť, explique Karene. Le docteur GuĂŠrin est en effet prĂŠsent jusqu’à 22 heures, ensuite, aux inďŹ rmières de tout gĂŠrer. En cas d’urgence, elles doivent savoir rĂŠagir. Le mĂŠdecin nĂŠphrologue raconte : ÂŤ Je dois rester joignable 100 % du temps. La dernière fois, j’ai reçu un coup de ďŹ l Ă deux heures du matin, un patient avait fait une crise cardiaque. J’ai dĂŠbarquĂŠ et je suis restĂŠ jusqu’à quatre heures Âť. ÂŤ Mais les urgences sont plus rares qu’en dialyse de jour. Car le rythme est plus lent, le ďŹ ltrage est plus profond, et

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plus profond, et les dĂŠchets plus abondamment retirĂŠs. Donc il y a moins de complications comme la chute de tension artĂŠrielle les dĂŠchets plus abondamment retirĂŠs. Donc il y a moins de complications comme la chute de tension artĂŠrielle Âť, prĂŠcise AurĂŠlie Dansaert. CĂ´tĂŠ patient, Daniel Pichet conďŹ rme : ÂŤ Je suis très satisfait. Cette dialyse est plus profonde, on se sent en meilleure forme Âť, explique-t-il. AurĂŠlie Dansaert atteste : ÂŤ En moyenne, la dialyse de jour dure quatre heures. Ici, la moyenne est de sept heures. Elle est plus longue, plus efďŹ cace Âť. Devant ces avantages, pas ĂŠtonnant que de nouveaux centres soient en cours d’ouverture. ÂŤ Mais pour certains mĂŠdecins qui suivent des patients depuis des annĂŠes, il est dur de dire Ă leur patient : â€?Ce qui se fait ailleurs est ďŹ nalement mieux pour vous !â€? Âť, concède HervĂŠ Gourgouillon. En tout cas, ici tout le monde est volontaire. Et ça se sent. Ceux qui ont envie de guĂŠrir, tout comme celles qui les y aident. Q

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DELPHINE BAUER/ YOUPRESS Š Juliette Robert

Mapou et Karene prĂŠparent les traitements adjuvants

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Actusoins vos droits

-H VXLV LQðUPLÑUH HQ ÒWDEOLVVHPHQW SXEOLF KRVSLWDOLHU 0D KLÒUDUFKLH m’informe que je vais devoir intégrer un nouveau service dans lequel je ne connais aucun des patients ; en outre l’ambiance y est délétère. On ne m’a pas demandé préalablement mon accord. Puis m’y opposer, quels sont mes droits ?

De manière générale, il importe de souligner qu’en l’absence de modification importante dans la nature de ses fonctions, le changement d’affectation d’un agent public dans l’intérêt du service constitue pour les tribunaux administratifs et le Conseil d’Etat une simple mesure d’organisation interne, laquelle est insusceptible de recours contentieux. Dès lors que l’emploi d’affectation de l’agent est un de ceux qui correspond à son grade et dans la mesure où il n’est pas porté atteinte à ses attributions professionnelles, il a été jugé que l’agent ne peut contester cette mesure (Conseil `½ Ì>Ì]Ê ÓÇÊ > Û iÀÊ Ó䣣]Ê Àiµ°Ê cÎÎxÓÇ£Ê ÆÊ Conseil d’Etat 4 avril 1997, req. n° 142881). Ainsi, la jurisprudence considère qu’un agent public n’a aucun droit acquis à son maintien dans son service, voire dans ses anciennes fonctions et peut être appelé à tout moment à de nouvelles missions, dès lors qu’il conserve les responsabilités attachées à son grade. Il a ainsi été jugé que la contestation des consignes d’accueil et de l’organisation mise en place par la direction de l’établissement se heurtait nécessairement au principe d’irrecevabilité des recours des agents du service public contre une mesure d’organisation du service (Tribunal Administratif de Lyon, jugement du 26 Ãi«Ìi LÀiÊÓää£ÊÆÊ Ãi Ê`½ Ì>Ì]Ê>ÀÀkÌÊ`ÕÊÓÈÊ oct. 1956). Aux termes de l’article 28 de la loi du 13 juillet 1983, « tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie…doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas ou l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public… ».

Aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit par ailleurs que l’autorité hiérarchique doive préalablement requérir l’accord d’un agent avant un changement de service et l’intérêt général l’emporte sur les contraintes personnelles de tel ou tel fonctionnaire. En droit, un changement d’affectation dans l’intérêt du service sans déclassement ni perte de traitement ni aucun autre préjudice ne constitue pas une sanction disciplinaire (Conseil d’Etat, 15 avril 1988, Vallar c/ CH de Lisieux) et dans ce cas, cette décision n’a pas à être motivée. L’intérêt du service est entendu de manière large par le juge et selon la jurisprudence l’attitude d’un agent peut justifier un changement d’affectation dans l’intérêt du service. Le motif le plus fréquent à l’origine d’un changement de service sera d’ailleurs lié aux besoins en personnels dans tel ou tel service. Toutefois, sont également de nature à justifier un changement d’affectation les dissensions que provoque un agent dans le service (Conseil d’Etat, 21 juin 1968, req. n° 64584) ou l’incompétence du fonctionnaire dans les fonctions confiées que celles-ci soient d’ordre technique ou traduise une inaptitude relationnelle (Conseil d’Etat, 10 juillet 1996, req. n°119886). Ainsi, l’administration peut charger un agent de tâches différentes ou le placer dans un autre environnement de travail sans que cette mesure soit pour autant considérée comme une sanction disciplinaire déguisée (Cour Administrative d’Appel de Lyon, 20 novembre 1998, req. n°95LY00769). Ceci étant, l’on ne peut écarter les situations dans lesquelles l’usage du pourvoir hiérar-

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chique traduit un véritablement détournement de pouvoir.

Ainsi, il ne résulte d’aucune disposition ni d’aucune règle que la vie commune entre praticien et infirmier(ère), ou infirmiers et infirmières entre eux, justifie un changement de service, hormis l’hypothèse où cette relation personnelle affecte le service (l’exemple des dissensions, cité plus haut, peut bien évidemment être transposé à un couple). Bien plus, une telle décision non caractérisée par les nécessités du service serait alors susceptible de constituer un abus de pouvoir caractérisé, voire de constituer une atteinte délibérée à la vie privée : la difficulté majeure repose cependant sur la preuve, la charge de prouver l’abus de pouvoir caractérisé incombant alors DÊ ½>}i ÌÊ «ÕL VÊ ÆÊ DÊ v ÀÌ À ]Ê ViÌÌiÊ ` vwVÕ ÌjÊ ÃiÊ double d’une autre : démontrer l’absence de nécessités de service ayant prévalues à la décision de changement d’affectation. Dès lors, il va de soi que toute démarche devra être envisagée avec diplomatie pour être conciliée avec le nécessaire maintien des relations avec la hiérarchie. En premier lieu, l’agent pourra solliciter un entretien, soit avec la direction des soins infirmiers, soit même avec la direction des ressources humaines de son établissement. En l’absence de réponse à la demande d’entretien ou si la situation persiste, il serait alors judicieux de transmettre un dossier complet à un conseil juridique. Q JURISTE MACSF



Actusoins Portrait

François Raymond en 7 dates : 1999 : obtient son D.E puis

effectue son service civil au sein de l’association Migrations Santé.

2000 : intègre le Samu Social en X\HSP[t K»PUÄYTPLY 2002 : devient coordinateurs de maraudes 2005 : devient responsable de lits

(cadre)

2007 : obtient une licence pro-

fessionnelle de management des établissements de santé puis devient KPYLJ[L\Y KLZ ZLY]PJLZ KL ZVPUZ PUÄYmiers, toujours au Samu Social

2009 : devient administrateur et

trésorier bénévole de l’association FIT (une femme, un toit).

2012 : Intègre en qualité d’IDE le projet de création de la maison de santé pluridisciplinaire PyrénéesBelleville.

FRANÇOIS RAYMOND QUAND LIBÉRAL RIME AVEC SOCIAL

-YHUsVPZ 9H`TVUK LZ[ PUÄYTPLY SPItYHS (UJPLUULTLU[ KPYLJ[L\Y KLZ ZLY]PJLZ KL ZVPUZ PUÄYTPLYZ K\ :HT\ :VJPHS KL 7HYPZ PS H WHY[PJPWt n SH JYtH[PVU KL SH maison de santé Pyrénées-Belleville, une structure parisienne développant des méthodes alternatives de prise en charge. Au-delà des actes techniques, il se bat pour réduire les inégalités sociales de santé. © Malika Surbled

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Actusoins Portrait

I

l a presque 40 ans, mais en paraît plutôt 20. Il a une expérience professionnelle qui pourrait en inspirer plus d’un, mais ne semble pas vraiment s’en rendre compte. Et quand il parle de son métier, il reste humble, tout en étant déterminé à partager son combat. Engagé depuis ses débuts d’infirmier auprès de personnes démunies, François a opté pour un exercice libéral en adéquation avec les valeurs qu’il défend. « Nous travaillons sur la notion de territoire et nous allons là où les autres ne vont pas », explique-t-il en guise de présentation. « Nous faisons la tournée des cités de Belleville et travaillons aussi en collaboration avec les foyers de l’association Les petits frères des pauvres et les hôtels sociaux du quartier. La prise en charge de nos patients est complètement différente des prises en charge habituelles effectuées par les libéraux », ajoute François.

Évaluer à long terme Avec un rapport à la santé qui diffère en effet selon les classes sociales les soins ne sont pas toujours considérés comme une priorité par les plus démunis. Les soignants de la maison de santé dans laquelle François exerce, usent ainsi régulièrement de stratagèmes pour se faire accepter. « Le concept n’est pas seulement de résoudre un problème ponctuel de santé, précise-t-il, mais d’évaluer les besoins réels à plus long terme. L’idée, c’est donc d’accrocher avec un soin technique quelconque, comme par exemple un pansement, puis de prendre le temps du dialogue et de l’écoute. On évalue alors s’il y a des bilans de santé à faire, s’il faut mettre nos patients en relation avec les médecins avec lesquels on travaille parce que l’on suppose un diabète ou une autre maladie chronique non diagnostiquée. Nous voulons avant tout lutter contre les inégalités sociales de santé face à l’accès aux soins ».

Une coordination indispensable Pour François, l’essentiel se joue dans la coordination : « malheureusement, quand tu es libéral, tu n’es pas payé pour cela. Or, nos patients ont besoin de coordination. Souvent ils renoncent aux soins car tout leur semble difficile et hors de portée : appeler un service hospitalier ou une ambulance, remplir des papiers, prendre un rendez-vous auprès d’une secrétaire médicale… Nous prenons le temps qu’il faut pour voir comment les aider au mieux. Pour nous, hors de question donc, de prendre 70 patients par jour ! »

bête puisqu’il peut passer cinq minutes comme une heure sur le même soin, selon les besoins annexes de la personne soignée. Nous avons décidé de partager les ressources en parts égales, proportionnellement au nombre de journées travaillées. Ainsi, on prend vraiment le patient comme il vient et on s’affranchit de tout choix stratégique », explique François.

Le retour aux sources « Je me perdais à la fin » : lorsqu’il évoque son parcours, François n’a pas de regret. Il a passé plus de dix ans de sa vie professionnelle au service du Samu Social de Paris. Après avoir été directeur des soins avec sous sa responsabilité plus de deux cents personnes, il a décidé de « redonner du sens » à son métier.

“L’idée, c’est donc d’accrocher avec un soin technique quelconque, comme par exemple un pansement, puis de prendre le temps du dialogue et de l’écoute

« Je ne considère pas le fait de redevenir infirmier comme une régression. À la base, j’avais fait ma formation d’infirmier pour travailler avec les mains et ça me manquait. En qualité de directeur des soins, j’avais un poids hiérarchique et politique qui s’abattait sur moi. J’ai eu besoin de réfléchir à tout ça pour me lancer de nouveau et retrouver ma voie », souligne cet infirmier. Les populations dont François s’occupe maintenant sont aussi différentes. Et cette différence lui fait du bien : « je me retrouve davantage à soigner ces gens qui sont plutôt dans une précarité modérée. Ce sont des gens du quartier. Des gens qui sont juste un peu plus défavorisés que d’autres et qui sont très touchants. On peut parler d’égal à égal avec eux. Alors qu’avec les grands exclus dont nous nous occupions au Samu Social, les relations étaient vraiment particulières. Il s’agissait de survie et non de mieux-vivre ». Affaire à suivre. Q

Soigner. Prendre soin. Collectiviser aussi. Pour François, il était important de rejoindre une maison de santé dont le modèle économique et hiérarchique sortait de la pratique courante. « Un infirmier libéral est payé à l’acte, ce qui est

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MALIKA SURBLED


Actusoins soignants d’ailleurs

CORÉE DU SUD : L’IRRÉPRESSIBLE ASCENSION DE JINUI HONG

,U *VYtL K\ :\K v[YL \UL MLTTL tout en s’épanouissant dans une carrière professionnelle relève du KtÄ 3H WYVMLZZPVU K»PUÄYTPuYL n’échappe pas à la règle. 1PU\P /VUN PUÄYTPuYL JHKYL KHUZ SL centre palliatif de l’hôpital de S»<UP]LYZP[t UH[PVUHSL KL :tV\S revient sur son parcours.

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Jinui Hong est une femme occupée. Elle nous reçoit dans son bureau de l’hôpital de l’Université Nationale de Séoul, baigné de lumière, en plein cœur de la capitale sud-coréenne. L’interview se fera à la pause déjeuner. Une heure pour parler de soi, cela semble déjà beaucoup pour cette quadragénaire souriante et réservée mais qu’un regard franc révèle déterminée. Infirmière depuis vingt ans - tout juste - Jinui Hong n’a pas laissé sa carrière suivre son cours normal. Jinui Hong semble plutôt préférer commander son destin.

Un salaire déterminé dès le bac Son parcours universitaire a commencé par une réussite exemplaire, celle de son baccalauréat qui lui a permis d’être acceptée dans la très sélecte Université Nationale de Séoul.

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© Eugénie Baccot


Actusoins ‹ soignants d’ailleurs

Un sĂŠsame qui lui a permis d’être embauchĂŠe quatre ans plus tard dans l’hĂ´pital universitaire public. Alors que celles qui n’auront rĂŠussi qu’à intĂŠgrer une ĂŠcole privĂŠe qui propose une formation de trois ans, ne pourront travailler que dans des ĂŠtablissements privĂŠs. Jinui Hong, grâce Ă son diplĂ´me universitaire, gagne 30 Ă 40 % de plus en travaillant dans le secteur public. A l’Êpoque, toute jeune inďŹ rmière, rien n’arrĂŞte Jinui Hong, rapidement mère de deux enfants (une ďŹ lle et un garçon âgĂŠs aujourd’hui de 17 et 15 ans). Pourtant en CorĂŠe du Sud, la rĂŠussite professionnelle d’une femme est une gageure, vite freinĂŠe par l’arrivĂŠe des enfants. Beaucoup de femmes devenues mères abandonnent leur carrière, faute de moyen de garde, cĂŠdant aux pressions sociales qui les obligent Ă assumer l’ensemble des tâches mĂŠnagères et l’Êducation des enfants (selon le Forum ĂŠconomique mondial en 2013, le pays se classait en matière d’ÊgalitĂŠ des sexes 111ème sur 135 pays derrière les Emirats Arabes Unis). La profession d’inďŹ rmière, pourtant très fĂŠminisĂŠe (il y a moins de 5 % d’hommes dans la profession contre 22,6 % en France) ne fait pas exception. En 2013, près de 300 000 inďŹ rmières ĂŠtaient diplĂ´mĂŠes d’une ĂŠcole ou de l’universitĂŠ en CorĂŠe du Sud, mais seulement 120 000 exercent aujourd’hui effectivement leur profession. Pourtant, le manque d’inďŹ rmières dans un pays oĂš la population commence Ă vieillir se fait sentir.

Six jours de congĂŠs par an ÂŤ Il faudrait plus de places en crèche Âť, soupire Jinui Hong, sans savoir combien ces prĂŠoccupations font ĂŠcho ĂŠgalement de ce cĂ´tĂŠ-ci du globe. ÂŤ Il y a bien une crèche Ă l’hĂ´pital, mais la liste d’attente est trop longue ! Moi, ma belle-mère a pu s’occuper de mes enfants. Âť Une situation que certaines collègues ont dĂť lui envier alors qu’il fallait jongler avec les horaires dĂŠcalĂŠs. A l’hĂ´pital de l’UniversitĂŠ Nationale de SĂŠoul, trois tranches d’horaires sont possibles : de 7h Ă 15h, de 15h Ă 22h, ou de 22h Ă 7h, avec un maximum de 40 heures travaillĂŠes par semaine. ÂŤ En tant qu’inďŹ rmière, il faut accepter tous ces horaires Âť, explique Jinui Hong. Comme partout en CorĂŠe, les congĂŠs ne sont pas nombreux : six jours par an, et douze jours supplĂŠmentaires que le salariĂŠ corĂŠen prend rarement, prĂŠfĂŠrant toucher un extra de salaire correspondant. Seul avantage concĂŠdĂŠ aux inďŹ rmières : enceintes, elles sont dispensĂŠes d’horaires de nuit. Jinui Hong, ĂŠpaulĂŠe par sa belle-mère, avait donc les mains libres pour poursuivre ses ambitions. Celle qui a très tĂ´t voulu faire ce mĂŠtier pour ÂŤ aider les autres Âť se retrouve vite frustrĂŠe dans son quotidien : trop d’ordres des mĂŠdecins, trop peu d’autonomie, pas assez de contact et de support psychologique auprès des

patients. Jinui Hong reprendra ses ĂŠtudes en 2000, six ans après son diplĂ´me, pour prĂŠparer un master et se spĂŠcialiser. De toute façon, il lui fallait accumuler trois ans d’expĂŠrience avant d’intĂŠgrer le master.

Une question d’argent ? Une charge supplÊmentaire pour Jinui Hong : elle ne s’est pas arrêtÊe de travailler pendant cette formation en soin à domicile, et devait payer ses cours du soir : cinq semestres de formation pour 17 500 ₏. Et comme elle n’Êtait pas encore pleinement satisfaite, en 2006, elle suit une nouvelle spÊcialisation : les soins palliatifs. Ce nouveau master lui a permis de rejoindre la nouvelle unitÊ spÊcialisÊe de

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GLSOĹŠPĂ’HV GâXQH Ă’FROH RX GH OâXQLYHUVLWĂ’ HQ &RUĂ’H du Sud, mais seulement 120 000 exercent aujourd’hui effectivement leur profession

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soins palliatifs, inaugurĂŠe en 2007 Ă l’hĂ´pital de l’UniversitĂŠ Nationale. Elle encadre une ĂŠquipe de quinze inďŹ rmières et de deux aides-soignantes, elles-mĂŞmes ĂŠpaulĂŠes par des volontaires (des retraitĂŠs ou des femmes au foyer). Dans ce service de 28 lits, les patients tous cancĂŠreux, en phase terminale, sont accueillis avant d’être ensuite aiguillĂŠs vers des instituts spĂŠcialisĂŠs. Elle travaille dĂŠsormais de jour (de 9h Ă 17h30), en collaboration avec les quatre mĂŠdecins du service, et assure au cĂ´tĂŠ d’une assistance sociale et de deux religieux le suivi des patients. MĂŞme si maintenant, elle ne rĂŠalise plus aucun geste technique, Jinui Hong semble avoir enďŹ n trouvĂŠ sa place. Pourtant, le salaire n’aura pas ĂŠtĂŠ le moteur de toute cette ascension. Son poste n’Êtant reconnu par aucune convention, elle est contractuelle, et chaque annĂŠe elle signe un nouveau contrat, sans craindre pour autant un non renouvellement. Jinui Hong constate avec un peu d’amertume mais rĂŠsignĂŠe qu’elle touche aujourd’hui le mĂŞme salaire qu’une inďŹ rmière avec vingt ans d’expĂŠrience et qui ne se serait pas spĂŠcialisĂŠe, soit 33 000 â‚Ź annuels. Pourtant, elle le rĂŠpète, elle ne quittera pas ce service, le premier service palliatif du pays. Q ARIANE PUCCINI (YOUPRESS)

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Actusoins ‹ initiative

CRÉER UN LIEN POUR AMENER AU SOIN Depuis 2007, un programme de repĂŠrage prĂŠcoce des cancers des voies aĂŠrodigestives Z\WtYPL\YLZ =(+: LZ[ JVUK\P[ WHY SÂťHZZVJPH[PVU 79,=(9; KHUZ SL IHZZPU TPUPLY KL 3LUZ <UL PUĂ„YTPuYL ` YLUJVU[YL SH WVW\SH[PVU LU ZP[\H[PVU KL WYtJHYP[t WV\Y YLWtYLY SLZ WLYZVUULZ Ă risque et favoriser l’accès Ă des soins prĂŠcoces, gages d’un meilleur pronostic.

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e connais les corons par cĹ“ur Âť ironise Emmanuelle Van den Abele. Et pour cause. Depuis 2010, l’inďŹ rmière sillonne les territoires entre BĂŠthune, Lens et Lievin. Aujourd’hui, l’inďŹ rmière s’est rendue dans les Restos du CĹ“ur d’un quartier populaire de Lens. Une quarantaine de personnes font la queue pour rĂŠcupĂŠrer des denrĂŠes. ÂŤ Je me place Ă proximitĂŠ de la queue, explique-t-elle. Je me prĂŠsente et lance la discussion sur le tabac. Je prĂŠcise tout de suite que je ne suis pas lĂ pour les faire arrĂŞter de fumer mais pour leur apprendre Ă se surveiller face Ă cette habitude Ă risque Âť. La discussion s’Êtablit, informelle et dĂŠtendue, mais l’inďŹ rmière est très attentive Ă tous les signes pouvant suggĂŠrer que l’un de ses interlocuteurs est Ă risque. C’est le cas de

Tania (le prĂŠnom a ĂŠtĂŠ modiďŹ ĂŠ, ndlr), justement. Lorsque Emmanuelle Van den Abele parle ÂŤ des symptĂ´mes indiquant que le corps commence Ă en avoir assez du tabac Âť, cette quadra Ă la voix enrouĂŠe l’interpelle : ÂŤ c’est vrai que j’ai une douleur chronique Ă l’oreille Âť. Progressivement, Emmanuelle Van den Abele engage la discussion avec Tania. Sur ses habitudes tabagiques d’abord, mais petit Ă petit, elles parlent vie de famille, enfants. A l’issue de la distribution, Emmanuelle conďŹ e : ÂŤ je connais maintenant un certain nombre de dĂŠtails sur elle qui me permettront de reprendre facilement contact lors de la prochaine distribution Âť. Ce sera alors l’occasion de mieux prĂŠciser ses facteurs de risque, notamment l’alcool, plus dĂŠlicat Ă ĂŠvoquer

Aux restos du CĹ“ur

Š Caroline Guignot

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Actusoins initiative

d’emblée. Après deux ou trois discussions informelles de ce type, si au moins deux signaux d’alerte sont présents, l’infirmière proposera une consultation chez l’ORL. La confiance et la convivialité créées sont souvent suffisantes pour que les personnes acceptent. « Elles restent libres de refuser le rendez-vous à tout moment. Il a généralement lieu dans les quinze jours qui suivent, grâce aux consultations que nous réservent les ORL partenaires. C’est important : un délai trop long nous ferait perdre ces personnes de vue, car elles sont exclues ou s’excluent souvent du système et peuvent vite quitter le soin, explique-t-elle. Mais c’est rarement le cas une fois la première consultation passée ».

Epauler Le rôle de l’infirmière est alors d’accompagner : elle fixe les rendez-vous, informe le médecin traitant, conduit le patient aux consultations et aux séances de traitement… Jusqu’à ce qu’il s’implique dans sa prise en charge et devienne acteur de sa santé. « En l’absence de lésions suspectes, on propose de venir reconsulter à quelques semaines d’écart et de débuter dans ce délai un sevrage tabagique. Même si elles n’acceptent pas, elles connaissent mieux le système de soins auxquelles elles peuvent accéder si besoin ». Le succès du projet tient aussi à son articulation avec différentes structures complémentaires : les Centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie, pour une orientation vers le sevrage, le Comité d’hygiène bucco dentaire du Pas-de-Calais qui sillonne le territoire dans un camping-car aménagé, pour un dépistage ambulatoire, la CPAM pour résoudre rapidement les problèmes de droits.

Sombre record Emmanuelle Van den Abele travaille depuis quatre ans sur ce projet né en 2007. A l’origine, un constat : « le Nord-Pas-de-Calais détient le record mondial en termes d’incidence et de mortalité des tumeurs VADS », explique le docteur Jean Delmotte, ORL au CH de Béthune et coinstigateur du projet. Ces chiffres sont liés à la prévalence régionale des facteurs de risque : tabac, alcool, mauvaise hygiène bucco-dentaire. Ils sont aggravés par une moins bonne hygiène de vie

“Un délai trop long nous ferait perdre

ces personnes de vue, car elles sont exclues ou s’excluent souvent du système et peuvent vite quitter le soin et une plus grande fréquence des comorbidités. Les populations précaires, qui recourent généralement tardivement aux soins, sont particulièrement concernées. Conséquence : « les cancers VADS sont souvent diagnostiquées à un stade avancé (III-IV) auquel la prise en charge est lourde et la chirurgie souvent mutilante, décrit-il. A un stade précoce, le traitement permet en revanche aux patients de retrouver une vie professionnelle et quotidienne quasi-normale ». Jean Delmotte s’est associé en 2003 à d’autres médecins pour mobiliser le territoire autour de cet enjeu. Ils ont établi deux axes de travail complémentaires avec la plateforme santé PREVART, une association impliquée localement sur des projets de santé publique. Parallèlement au travail conduit par Emmanuelle Van den Abele, l’association sensibilise et encourage les professionnels de santé à repérer précocement les cancers VADS. Un guichet d’appel est à leur disposition afin qu’ils puissent proposer à leurs patients à risque un créneau de consultation ORL rapide. Le recours à ce dispositif va croissant, avec un bilan positif : sur les trois dernières années, l’infirmière a permis à 119 personnes de consulter un ORL : 23 d’entre elles avaient une tumeur. Par le biais du guichet d’appel, elles étaient respectivement 267 à avoir consulté et 44 à avoir été diagnostiquées. Sans compter les personnes au stade 0 qui sont orientées vers le sevrage. « Quatre personnes sur cinq sont diagnostiquées à un stade précoce grâce à ce dispositif, insiste Jean Delmotte. Or, le différentiel de coût des soins est de 30 000 euros entre les deux. Ces données sont des arguments importants qui seront présentés à l’ARS pour pérenniser notre action sur les prochaines années ». Q CAROLINE GUIGNOT

REPÈRES Les cancers des VADS regroupent les tumeurs de la cavité buccale, du pharynx, du larynx et de la face auxquelles sont classiquement ajoutées celles de l’œsophage. On comptabilise chaque année 56 nouveaux cas de cancer VADS pour 100 000 habitants en France, et près du double en Nord-Pas-de-Calais. Soit 20 000 nouveaux cas et 5 000 décès annuels en France. Les signaux d’alerte : douleur dans l’oreille, saignement de nez, crachats de sang, modification de la voix, toux chronique, gène pour avaler. Q

© Caroline Guignot

Emmanuelle Van den Abele, infirmière auprès de l’association PREVART

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Actusoins soignant autrement

HYPNOSE MÉDICALE

LA PARENTHÈSE ANTI-DOULEUR De plus en plus de soignants se forment à cette nouvelle prise en charge de la douleur et du stress. Rencontre avec des soignantes du CHU de Bordeaux où l’hypnose médicale fait l’objet d’une formation.

V Brigitte Auguié tenant une valve respiratoire en forme d’avion à hélice qui lui a déjà permis d’hypnotiser ses jeunes patients

alentine, 70 ans, a fait une « belle promenade ». Clouée au lit depuis plusieurs mois à cause d’une prothèse de la hanche inopérable, elle a pourtant pu marcher sur une plage basque, sentir la chaleur des rayons de soleil sur sa peau et la fraîcheur des vagues sur ses pieds, et le tout sans sortir de sa chambre de l’hôpital Xavier Arnozan, à Pessac, près de Bordeaux. En réalité, cette excursion n’était que mentale. Elle a été possible grâce à Myriam Prigent, infirmière dans ce service de gérontologie, formée à l’hypnose médicale. Pendant quarante minutes, alors que la chambre de Valentine était plongée dans le silence et une semi-obscurité, le lit abaissé à la hauteur de la chaise où était assise Myriam Prigent, celle-ci a guidé d’une voix grave la patiente sur les plages de Saint-Jean-de-Luz. « La séance commence par des exercices de respiration, puis je lui fais ressentir toutes les parties du corps en contact avec le matelas. Ensuite nous partons vers une destination choisie par Valentine, où elle se sent bien », décrit l’infirmière. « C’est un moment de complicité entre Myriam et moi, une complicité plus que verbale car nous avons partagé un moment de bien-être toutes les deux », commente Valentine. Pas de pendule, ni d’injonction du type « au bout de trois, vous dormirez ! ». Et pourtant, il s’agissait bien d’une

séance d’hypnose, pratiquée de plus en plus en milieu hospitalier. Depuis que les effets de l’hypnose sur les malades ont été mis en évidence par imagerie, de nombreux professionnels de santé se forment à cette pratique de prise en charge du stress et de la douleur du patient. Au CHU de Bordeaux, elle fait depuis 2011 l’objet d’un diplôme d’université qui accueille chaque année une quarantaine de professionnels de santé : médecins, sagesfemmes ou infirmières anesthésistes. Le personnel paramédical, dont les infirmières, est également formé, en cinq à huit jours répartis sur plusieurs mois. Aujourd’hui, il y aurait une centaine de personnel formé sur tout le CHU, chaque année vingt soignants reçoivent une formation en hypnose.

Un lien de confiance La méthode retenue dans le Centre Universitaire est l’hypnose ericksonienne, mise au point par le psychiatre américain, Milton H. Erickson au milieu du XXème siècle. Ce type d’hypnose doit aider le patient à accéder à ses propres ressources pour vaincre lui-même la douleur ou son stress, d’où l’absence d’ordres donnés au patient lors des séances. « Nous sommes dans la communication, explique le Pr François Sztark, président du Comité de Lutte contre la douleur au CHU de Bordeaux, et chef de pôle anesthésieréanimation. C’est une hypnose très douce, qui établit une

© Ariane Puccini

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Actusoins soignant autrement

“$LGHU OH SDWLHQW ¿ DFFÒGHU ¿ VHV propres ressources pour vaincre lui-même la douleur ou son stress

relation particulière entre le patient et le soignant. On crée un lien de confiance. » Pour le Dr Antoine Bioy, Docteur en psychologie clinique, expert scientifique pour l’Institut français de l’hypnose, où ont été formés une partie du personnel soignant du CHU, le patient a un rôle à jouer dans cette hypnose. « La douleur est une des 400 000 informations que reçoit le cerveau chaque seconde. On accorde beaucoup d’importance à la douleur car il y a une notion de pénibilité et de souffrance qui est subjective. L’hypnose permet de gagner en souplesse pour diminuer l’état de souffrance », explique-t-il. Cependant, « on ne fait pas tout avec l’hypnose, ce n’est qu’un outil supplémentaire pour prendre en charge la douleur du patient », tient à préciser le Pr François Sztark.

de radiologie de l’hôpital des enfants du CHU. Nathalie Le Clerc, manipulatrice en électroradiologie, se souvient d’un enfant de trois ans tombé d’un tabouret, recroquevillé en position fœtale dans les bras de sa mère. Apeuré et souffrant, il hurle et refuse de déplier la jambe sur laquelle il est tombé. Nathalie Le Clerc doit donc faire diversion et entame avec lui une discussion sur la grande passion du petit patient, les petites voitures. Les tailles et couleurs des automobiles de l’enfant sont passées en revue tandis que la manipulatrice parvient à mettre en position la jambe sur la table de radio et découvre une « grosse fracture ». Grâce à cette séance d’hypnose dite distractive, l’enfant a cessé de se focaliser sur sa douleur et sa peur. « Avec les enfants, l’hypnose est facile car ils partent rapidement dans l’imaginaire », analyse Nathalie Le Clerc. Princesses, jouets préférés, animaux fétiches sont ses soutiens dans les moments délicats. « Pour les plus grands, dès cinq ou six ans, je peux réaliser une séance complète, où l’enfant commence à se concentrer sur sa respiration, oubliant les bruits alentours, avant de partir dans l’univers qu’il a choisi. A la fin, nous revenons très tranquillement à la réalité. »

La distraction, première arme La première arme des soignants qui ont recours à l’hypnose est la distraction. Ainsi, « les enfants se prêtent bien à l’hypnose », ajoute François Sztark. Vérification au service

Nathalie Le Clerc devant la caisse à jouet de l’hôpital des enfants du CHU de Bordeaux.

© Ariane Puccini


Actusoins soignant autrement

Nathalie Le Clerc dispose également d’une arme infaillible : une caisse de jouets contenant des objets clignotants, aux couleurs chatoyantes, des caléidoscopes, des bâtons de pluie, des balles en plastique souple. La fascination des enfants est garantie.

Des mots interdits Mais avant ces accessoires, l’hypnose repose sur une attitude à adopter. Les mots employés sont importants. « J’ai réappris à leur parler », raconte Nathalie Le Clerc. Des mots sont désormais bannis dans le service : plus de « ne t’inquiète pas » ou de « n’aie pas peur » car le patient n’en retiendra que l’inquiétude et la peur. L’implication des collègues est donc importante, pour ne pas rompre le charme pendant les séances d’hypnose. Brigitte Auguié, IADE au service de chirurgie ambulatoire du CHU, est la seule à être formée à l’hypnose dans son service et doit donc compter sur la complicité des autres professionnels. Ainsi, tous sont priés de ne jamais prononcer le fameux « attention, je vais vous piquer » qui crispe immédiatement le malade. Souvent, elle improvise comme avec cette patiente avec qui elle est partie à Venise depuis le bloc. Une chose est sûre, il faut être bavard, inventif et surtout ne pas perdre le fil. Brigitte Auguié a ainsi passé toute une intervention à chanter pour maintenir un enfant en état hypnotique. Pour l’heure, l’infirmière anesthésiste ne pratique pas l’hypnosédation, l’anesthésie générale sous hypnose avec peu de sédatifs. « Il faudrait pouvoir rencontrer le patient avant l’intervention pour se préparer », regrette l’infirmière. Pas possible, pas assez de temps. Et pourtant, le temps et la disponibilité sont des ingrédients importants de l’hypnose. Il est en effet compliqué de réaliser certains gestes, notamment ceux qui nécessitent de s’éloigner du patient. L’hypnose nécessite une présence continue du soignant. Elle favorise par ailleurs une relation particulière entre le patient et le soignant. « Une relation d’égal à égal et de

“Avec les enfants, l’hypnose est facile car ils partent rapidement dans l’imaginaire ”

confiance », décrit Brigitte Auguié. Pour Myriam Prigent, c’est une parenthèse dans la routine du quotidien : « Lors des séances avec Valentine, je pars aussi, et ça me redonne de l’énergie ». La prochaine excursion mentale est déjà programmée. Valentine et Myriam sortiront ensemble au théâtre. Q ARIANE PUCCINI/YOUPRESS

Myriam Prigent au chevet de Valentine

© Ariane Puccini



Actusoins ‹ se former

FORMATION INITIALE Ă€ L’ÉTRANGER POURQUOI / POURQUOI PAS ? Parce que les modalitĂŠs d’accès sont parfois plus faciles ou parce qu’ils ont simplement envie de changer d’air, certains ĂŠtudiants dĂŠcident d’aller suivre leur MVYTH[PVU PUP[PHSL PUĂ„YTPuYL n SÂťt[YHUNLY Pour ensuite revenir exercer en France. PossibilitĂŠs, avantages et inconvĂŠnients d’un tel parcours.

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’avais envie de partir Ă l’aventure, loin du cocon familial. Je rĂŞvais d’indĂŠpendance et la perspective de me retrouver seul Ă l’Êtranger me rĂŠjouissait Âť. Boris avait 19 ans quand il a dĂŠcidĂŠ de partir de la France pour poursuivre ses ĂŠtudes. Loin de son Pays Basque natal, il a optĂŠ pour la Belgique. Il avait ĂŠchouĂŠ aux ĂŠpreuves d’admission françaises et cette solution lui permettait d’intĂŠgrer une formation inďŹ rmière pour revenir ensuite. En effet, un diplĂ´me d’inďŹ rmier en soins gĂŠnĂŠraux obtenu au sein de l’union europĂŠenne, de l’espace ĂŠconomique europĂŠen, de la Suisse ou mĂŞme parfois ailleurs – lorsqu’il a dĂŠjĂ fait l’objet d’une reconnaissance dans un pays de l’Union EuropĂŠenne - donne lieu Ă une reconnaissance automatique en France. Les inďŹ rmiers ont simplement des formalitĂŠs administratives Ă remplir auprès de la Direction rĂŠgionale de la jeunesse, des sports et de la cohĂŠsion sociale pour exercer en France.

“(Q (XURSH Âż PRLQV GH PDĸWULVHU SDUIDLWHPHQW

GâDXWUHV ODQJXHV LO HVW GLIðFLOH GâDOOHU VXLYUH GHV Êtudes ailleurs, exceptÊ dans des sections francophones au Luxembourg

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Des niveaux pas toujours identiques Ce qui cause des polĂŠmiques parfois. ÂŤ Les niveaux sont supposĂŠs ĂŞtre identiques. Mais en Belgique par exemple, il y a deux types de formation. L’une se fait dans une ĂŠcole professionnelle, après seulement dix annĂŠes d’Êtudes secondaires – soit un niveau seconde en France -, et l’autre est accessible uniquement après le baccalaurĂŠat. Dans ce cas seulement l’Êtudiant entre dans une formation universitaire, comme ici Âť explique Pascal Rod, prĂŠsident de l’ESNO (European specialists nurses organisation). ÂŤ C’est aberrant. LĂ -bas, ces deux niveaux sont bien distincts et les inďŹ rmiers n’ont pas les mĂŞmes responsabilitĂŠs et les mĂŞmes possibilitĂŠs d’Êvolution. Ici on les reconnaĂŽt pourtant de la mĂŞme manière Âť. Pascal Rod appelle cela des ÂŤ parcours facilitants Âť. D’oĂš l’intĂŠrĂŞt pour certains d’aller suivre une formation d’inďŹ rmier brevetĂŠ en Belgique, accessible Ă 16 ans, sans bac, sans concours d’entrĂŠe. En Suisse, Ă l’inverse, les ĂŠtudes sont plus longues : une annĂŠe de prĂŠpa obligatoire et trois ans d’Êtudes. Il faut impĂŠrativement avoir obtenu une moyenne de 12/20 au baccalaurĂŠat français pour intĂŠgrer un cursus. Aucun intĂŠrĂŞt stratĂŠgique donc, d’aller y suivre des ĂŠtudes. Sauf si les ĂŠchecs aux concours français sont rĂŠpĂŠtĂŠs et que le candidat remplit les conditions d’entrĂŠe. ÂŤ Il y a quelques annĂŠes, nous avions quelques ĂŠtudiants français. Mais cela se rarĂŠďŹ e. D’autant que maintenant il y a une taxe

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Actusoins se former

© Vege - Fotolia.com

très élevée à payer pour suivre ses études ici » explique Daniel Petitmermet, directeur de la haute école de santé, à Genève.

Partir hors d’Europe ? En Europe, à moins de maîtriser parfaitement d’autres langues, il est difficile d’aller suivre des études ailleurs, excepté dans des sections francophones au Luxembourg. En Espagne, l’accès se fait uniquement après un bac scientifique et un examen de passage de deux jours. En Grande-Bretagne, il faut le bac et il y a aussi deux niveaux différents. Dans le reste du monde, la seule équivalence admise serait le diplôme infirmier québécois, puisqu’un avenant à la reconnaissance mutuelle entre la France et le Québec a récemment été signé. Pas d’équivalence automatique donc si un étudiant part étudier en Australie ou encore aux Etats-Unis. Pourtant les études et le niveau de qualification y sont réputés bien plus élevés. Pour éventuellement être dispensés d’une partie de la scolarité, les infirmiers diplômés en dehors de l’Europe devront donc passer devant un jury départemental. Tout comme les infirmiers spécialisés. Q MALIKA SURBLED

SPÉCIALISATIONS : un amendement pourrait accorder des équivalences si tous les pays se mettent d’accord Contrairement aux infirmiers de soins généraux, les infirmiers spécialisés ne disposent pas d’équivalence automatique pour leur diplôme au sein de la l’Union Européenne. Chaque pays a ses propres spécialisations avec des durées d’études et des niveaux différents. Lorsqu’un soignant français obtient un diplôme d’infirmier spécialisé à l’étranger, il doit passer devant un jury départemental pour faire reconnaître son diplôme en France. En général, pour la spécialisation d’infirmier anesthésiste, seuls les diplômes délivrés au Luxembourg, en Hollande, au Danemark et en Suède sont considérés par ces jurys comme équivalents en termes de niveau avec le diplôme français. Le problème ne se pose pas pour la spécialisation d’infirmier de bloc opératoire car il n’est pas indispensable de la posséder pour exercer. Aucune équivalence ne pourra donc être exigée en France. Même idée pour les infirmières puéricultrices. Cette spécialisation n’est indispensable que pour la gestion de structures de la petite enfance. Elle n’existe pas toujours dans les autres pays. Ailleurs, comme en Autriche par exemple, elle s’obtient souvent grâce à une formation directe d’infirmière pédiatrique, sans avoir à passer par la case infirmière. Équivalence impossible donc. L’intérêt de se spécialiser à l’étranger serait plutôt pour un infirmier français de pouvoir suivre des formations inexistantes en France pour se perfectionner, comme celle d’infirmier spécialisé en oncologie en Irlande ou encore infirmier spécialisé en santé mentale et en psychiatrie en Belgique. Il est à noter qu’aucun titre ne pourra être délivré par la suite en France. Récemment, un amendement à la directive 2005/36/CE, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, a pris en compte pour la première fois le terme « infirmier spécialisé » dans son texte. Ce qui rendrait possible, si au moins dix pays de la communauté européenne s’accordent sur un niveau commun de formation, à attribuer des reconnaissances d’un pays à l’autre, sans passer devant une commission. Comme pour les infirmiers en soins généraux. Affaire à suivre. Q M.S

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Actusoins agenda

PARAMÉDICAL - LE SALON EMPLOI DES INFIRMIERS

JOURNÉES DE LA RECHERCHE PARAMÉDICALE

MERCREDI 17 SEPTEMBRE 2014

LES 25 ET 26 SEPTEMBRE 2014

Le salon a pour objectif de mettre en contact direct les établissements recruteurs et candidats potentiels, dans la perspective d’une embauche immédiate : les visiteurs peuvent s’informer sur les opportunités de carrières proposées par les établissements présents.

Ce colloque a pour thème : « la recherche en soins, de la formation initiale à son application ». Le 25 septembre, les professionnels paramédicaux assisteront à une journée de réflexion et d’échange sur : « La réforme des études paramédicales, la place accordée à la recherche et le lien avec les pratiques de terrain. » La journée du vendredi 26 septembre sera quant à elle consacrée au séminaire Européen du Secrétariat International des Infirmières et Infirmiers de l’Espace Francophone (SIDIIEF) sur : « l’intégration des savoirs scientifiques dans la formation et dans la pratique ».

Lieu : Espace Champerret, Paris Informations et inscriptions : www.jobrencontres.fr

XEME CONFÉRENCE INTERNATIONALE FINE EUROPE DU 24 AU 26 SEPTEMBRE 2014 Intitulée « la formation infirmiere et la pratique professionnelle: quel avenir ? », cette conférence est organisée par la FINE (Fédération européenne en soins infirmiers) et le Comité d’entente des formations infirmières et cadres (CEFIEC). Ces rencontres porteront notamment sur le pratiques innovantes en éducation, la socialisation en formation, l’éthique dans la pratique des soins et dans la pédagogie, recherche en sciences infirmières (projets et résultats),… Lieu : Faculté de médecine de Nancy Informations et inscriptions : www.fine-europe.eu

Lieu : Faculté de droit et de sciences économiques à Limoges Informations et inscriptions : http://www.chu-limoges. fr/journees-de-la-recherche-paramedicale.html

5EMES CARREFOURS DE LA TÉLÉSANTÉ LES 16 ET 17 OCTOBRE 2014

Les thématiques au programme : des success stories d’usages de la eSanté, les nouveaux outils et services connectés de la eSanté, comment accompagner méthodologiquement les projets d’eSanté ? Lieu : Paris, Cité des Sciences et de l’Industrie Informations et inscriptions : http://www.carrefourtelesante.fr/

LES RECONTRES INFIRMIÈR(E)S EN ONCOLOGIE REGIONALES DE TOULOUSE 6 DÉCEMBRE 2014 Depuis plusieurs années, l’A.F.I.C. (Association Française des Infirmier(e)s de Cancérologie) organise les Rencontres Infirmières en Oncologie, manifestations annuelles destinées au partage d’expériences et de connaissances des infirmier(e)s exerçant auprès de personnes atteintes de cancer, tant dans le domaine hospitalier que libéral. L’Afic a décidé de « régionaliser » les R.I.O., avec un tour des villes françaises. Les RIO proposent aux visiteurs la découverte de

nouveautés dans le secteur des soins, de la molécule, de la pharmacologie, du matériel médical et de l’édition spécialisée. Parmi les sujets abordés : les urgences en hématologie, activité physique et cancer, étude « soigner les cancers en 2020 » et le suivi téléphonique infirmier, les nouveautés en soins de support,… Lieu : l’Oncopole, Institut Universitaire du Cancer à Toulouse Informations et inscriptions : www.afic-rencontres.org

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ANNONCES CLASSÉES

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